Les facteurs de productivité du Pin noir d’Autriche (Pinus nigra Arnold. ssp. nigricans Host. austriaca Hoss.
Novak) dans les Alpes du Sud
J. TIMBAL,
I.N.R.A., LaM. TURREL boratoire de
Sylv
M. DUCREY
ure et
d’Ecologie
/.N..R.!4., Laboratoire deSylviculture
etd’Ecologie
Station de Recherches
forestières,
Domaine de l’Hermitage, Pierroton, F 33610 Cestas*
Station de
Sylviculture
méditerranéenne, avenue A.-Vivaldi, F 84000 AvignonRésumé
A
partir
des données d’ordrefloristique, écologique
etdendrométrique
recueillies sur unéchantillonnage
d’une centaine deplacettes
depin
noir d’Autriche dans le Sud-Est de la France, uneanalyse
factorielle descorrespondances
apermis
de mettre en évidencedes liaisons statistiques entre ces trois types de variables.
Ainsi,
c’est àl’étage montagnard (et,
dans celui-ci,plus
à la série du hêtrequ’à
celledu
pin
sylvestre) que sont associés des solsépais
et de fortesproductivités.
Les liaisons entre la
productivité
d’une part, les facteursbioclimatiques
etécologiques
d’autre part, ont été étudiées
grâce
à des calculs derégressions multiples.
Une bonnepartie
de la variabilité est
expliquée
par lescaractéristiques physiques
des sols(épaisseurs
del’horizon
Ao, profondeur
de l’enracinement et de laroche-mère).
Les facteursbioclimatiques,
en
particulier
l’attitudecompensée,
montrent ensuitequ’à l’étage montagnard (accroissement
moyen à 80 ans de
7,0
m3/ha/an) ce sont les facteursmacroclimatiques
quiprédominent,
tandis
qu’à l’étage
méditerranéen (accroissement moyen à 80 ans de5,8 m a /ha/an)
ce sontles facteurs
stationnels,
édaphiques et mésoclimatiques, qui sont déterminants.Mots clés : Pin noir d’Autriche, Pinus
nigra nigricans,
Alpes du Sud,productivité,
facteursbioclimatiques,
altitude compensée, facteursédaphiques.
1. Introduction
Créés dans le cadre des travaux de lutte contre l’érosion et de restauration des
sols, entrepris
àpartir
du SecondEmpire,
lesimportants
boisements depin
noird’Autriche
(Pinus nigra
Arn. ssp.nigricans
Host. Var austriacaEndl.)
desAlpes
du Sud sont maintenant entrés dans leur
phase
de maturité et doncd’exploitation.
Il en est résulté un
regain
d’intérêt pour cetteespèce, qui
se traduit par un certain nombre d’études.La Station de
Sylviculture
méditerranéenned’Avignon
a ainsi établi 111pla-
cettes,qui
ont servi à l’établissement d’un tarif decubage (BoUCHOrr, 1974 ; puis
d’unetable de
production (O TTOR IN I
&T OTH , 1975,
ToTH &T URR EL, 1983).
Plus récem-ment, l’un de nous
(T URREL , 1979)
a étudié le déterminismeécologique
de larégé-
nération naturelle du
pin
noir dans 30placettes
dudépartement
desAlpes
de Haute-Provence.
Le but de la
présente
étude est de rechercher les liaisonspouvant
exister entre laproductivité
dupin
noir d’Autriche(mesurée
sur le réseau deplacettes évoqué ci-dessus),
lesgrands
facteursécologiques,
et lesgrands types
devégétation
natu-relle.
1.1. Zone d’étude et
échantillonnage
Le tableau 1 donne la
répartition
du nombre deplacettes
pardépartement.
Ilmontre clairement que 92 p. 100 des
placettes
sont situées dans lesAlpes
du Sud.La
figure
1 en donne larépartition géographique.
Il faut noter que ces 111
placettes
ont été installées en vue de fournir unéchantillonnage représentatif
des anciens reboisements depin
noir dans cetterégion,
et ne
prétendent
donc pas êtrereprésentatives
de la variabilitéécologique
de cettedernière. En
particulier,
même siglobalement
le réseau deplacettes
couvre relati-vement bien l’étendue de la gamme
écologique régionale,
il n’en est pas demême
dans le détail et, enparticulier,
dansl’échantillonnage
des diversétages
devégétation.
Il y a là un biais
qu’il
ne faut pasperdre
de vue.Sur chacune des
placettes
a été recueilli un certain nombre de données d’ordretopographique, écologique,
etdendrométrique.
Deplus,
il a été effectué un relevé de lavégétation spontanée,
mais limité aux seulesespèces ligneuses
et auxprincipales
espèces herbacées,
cequi
est évidemmentcritiquable
et a amené un autrebiais,
systématique.
2.
Exploitation globale
des données paranalye
multivariable 2.1. Variabilité des groupementsvégétaux
Une
analyse
factorielle descorrespondances
a été effectuée en ne retenant comme « variablesprincipales
», c’est-à-dire entrant enligne
decompte
pour le calcul des « facteurs », que les seules variablesfloristiques (au
nombre de222).
L’image
donnée par laprojection
despoints représentatifs
de ces variables flo-ristiques, auxquels
viennent se mêler ceux des variables nonfloristiques (variables
dites «supplémentaires »),
montre clairement l’existence degroupements végétaux
bien différenciés
(fig. 2).
En
effet,
caractérisant les valeurspositives
de l’axe1,
on trouve desespèces
comme Abies
alba,
Pulsatillaalpina,
Pirolasecunda,
Prenanthes purpurea, Acerpseudo-platanus... qui
sont desmontagnardes,
tandisqu’à l’opposé
de cet axe(valeurs
négatives)
on trouveSpartium junceum, Dorycnium suffuticosum,
Lavandulaoffici-
ualis, Juniperus oxycedrus... qui
sont desespèces thermophiles,
méditerranéennes.Remarque : L’intérêt de faire
figurer
par dessymboles
différents les variables(principales
ousupplémentaires),
lesplus significatives
selonqu’elles
le sont par valeurpositive
ou négative sur les deux axes duplan
factoriel1-2,
permet de voir d’emblée cellesqui
se regroupent (groupes écosociologiquesd’espèces
et facteursécologiques déterminants).
L’axe 1
correspond
donc à ungradient climatique
comme le confirme laposition
sur ce
plan factoriel,
despoints représentatifs
des différentes classes altitudinales et des différentes séries devégétation (fig. 2).
2.2. Liaisons entre
production, végétation
etfacteurs écologiques
Plus
généralement,
si on considère sur lesgraphiques
laposition
despoints représentatifs
des variablessupplémentaires
d’ordreédaphique
ou deproduction,
on
peut
constater que, fortes altitudes(fig. 4),
séries devégétation montagnardes (fig. 3)
et fortesproductivités (fig. 6),
sont associées à lapartie supérieure
de l’axe1,
tandis que les basses
altitudes,
les séries méditerranéennes et subméditerranéennes devégétation,
les solssuperficiels
et les classes de fertilité III etIV,
sont associésaux valeurs
négatives
de cet axe.Pour tenter de
préciser
cesrelations,
nous avons affecté unsymbole
différentà chacune des classes de
chaque facteur,
etremplacé,
sur legraphique
duplan
factoriel 1-2 relatif aux
placettes,
lespoints représentatifs
par lessymboles
corres-pondants,
et cela facteur par facteur.Nous ne
présentons
ici(fig.
3 à6)
quequelques-uns
desgraphiques
pour les-quels
la distribution des différentssymboles
ne semble pas aléatoire. Ils’agit
desgraphiques
relatifs :- aux
étages
et séries devégétation : fig. 3,
- aux altitudes :
fig. 4,
- à
l’épaisseur
du sol :fig. 5,
- à l’accroissement moyen annuel :
fig.
6.L’examen de ces
graphiques permet
de définir un certain nombre de liaisonsstatistiques
entre différents groupes de variables : des variables àexpliquer qui
sontici les
accroissements,
la surfaceterrière,
les classes de fertilité et des variablesd’ordre
explicatif, bioclimatiques
ouédaphiques,
par l’intermédiaire de leurs propres liaisons avec lesgroupements végétaux
mis en évidence parl’analyse
multivariable.Ces liaisons
statistiques
peuvent se formuler ainsi :Il y a une très
forte
liaison entre lesaltitudes,
le.sétnges
et séries devégétatioct
et les grotipen7etits
végétaux cléfinis
sur une bnse purementfloristique.
De
plus,
on peut voir sur lesfigures
3 et4,
etplus
sur celle relative aux altitudesque sur
l’autre,
que lessymboles représentatifs
des différentes classes d’altitude et des différentes séries devégétation
se succèdent dans un ordrelogique,
lelong
d’unesorte de courbe
parabolique,
cequi
estgénéralement
l’indice d’un « effet GUTTMANp(B
ACHACOU
, 1973),
c’est-à-dire de la forteprédominance
dupremier
facteur (enl’occurrence le
gradient bioclimatique altitudinal)
sur les autres ; le 2e facteur nepouvant alors être
interprété indépendamment
dupremier.
En outre, sur la
figure 3,
relative auxétages
et séries devégétation,
on constatequ’on
peutisoler,
au senslarge
par unedroite,
d’une manièreplus
étroite par unecourbe,
le u domainemontagnard
», dans le deuxièmequadrant
duplan factoriel, correspondant
à des valeurspositives
sur les deux axes. Cepoint
mérite d’êtresouligné
car on constate que ce même secteur duplan factoriel,
s’individualise aussisur les
graphiques
relatifs aux autres variablesexplicatives
ou àexpliquer,
cequi
confirme les liaisons
statistiques qui
les unissent.Il y a une très
forte
liaison entrel’épaisseur
duA o
et laprofondeur
du sol d’une part, et, d’autre part, entre ces caractèresédaphiques
et l’altitude(et
lesétages
mon-tagnards),
comme si l’érosion des sols avait étéplus
forte à basse altitudequ’à l’étage montagnard,
cequi peut paraître
contradictoire avec latopographie,
mais cequi
est en accord avec ce que l’on sait de la sensibilité et de lafragilité
desvégétations
méditerranéennes.
Il y a aussi. une très
forte
liaison entre laproductivité
dupin
noir et laprofon-
deur du sol ou
l’épaisseur
duA&dquo;
d’une part, et entre cetteproductivité
et lesétages
et séries de
végétation
d’autre part : c’est dansl’étage montagnard
que laproductivité
du
pin
noir est lameilleure ;
dans lesétages
méditerranéen etsupraméditerranéen, qu’elle
est la moins bonne en moyenne, mais avec alors une forte variabilité. Mais c’est aussi dans lesétages montagnards
que les sols sont en moyenne les meilleurs(plus profonds, plus humifères...), ce qui
faitqu’il
est difficile de direquel
est le facteur essentiel : le climat ou le sol ; bien que ce soitlà,
engrande partie,
un fauxproblème,
dans la mesure où lagenèse
des sols et leur sensibilité àl’érosion,
sont elles-mêmesdépendantes, directement,
ou indirectement par l’intermédiaire de lavégé-
tationspontanée,
du climat.A l’intérieur d’un même
étage
devégétation,
les séries devégétation
àpin syl-
vestre sont « moins
productives
que les sériesqui
n’ert comportent pas.Ainsi,
àl’étage supraméditerranéen,
dans lesplacettes
situées dans la série du chênepubescent,
lepin
noir a uneproductivité
moyennesupérieure
à cellequ’il
présente
dans la série mixte du chênepubescent
et dupin sylvestre.
Demême,
àl’étage montagnard,
la série du hêtre est-ellebeaucoup plus
«productive
» que celle dupin sylvestre.
Cela est en accord avec ce que l’on sait
classiquement
surl’écologie
de cesséries ;
celles àpin sylvestre correspondant
à un climatbeaucoup plus
sec que leurshomologues
àhêtre ;
les facteursédaphiques
pouvant compenserplus
oumoins,
ouau contraire aggraver, les différences
pluviométriques
naturelles.2.3. Premières C<9MC/M.H<!;J
Il est
probable
que les liaisonsstatistiques
entre laproductivité
dupin noir,
lavégétation naturelle,
l’altitude et lessols,
eussent été meilleuressi,
d’unepart,
l’échan-tillonnage
avait pu êtreplus important
et surtout mieuxéquilibré,
afin d’être mieuxreprésentatif
de la variabilitéécologique
de larégion,
et, d’autre part, sil’analyse
factorielle descorrespondances
avait pu se baser sur des relevéscomplets
devégé-
tation. On aurait sans doute alors pu mettre en évidence des
espèces (ou
des groupesd’espèces) indicatrices,
fortementdiscriminantes,
par leurprésence
et(ou)
leur ab- sence, des fortesproductivités
et des facteursécologiques qui
les sous-tendent.Malgré
cesbiais,
etmalgré
l’incertitude relative au rôle réel des facteurs éda-phiques,
cespremières
données résultant d’uneapproche globale
desproblèmes,
sug-gèrent
fortement que laproductivité
dupin
noir dans lesAlpes
du Sud estprinci- palement
sous ladépendance
des facteursbioclimatiques.
On vérifierait
donc,
dans ce casparticulier
dupin
noir dans lesAlpes
duSud,
une
règle beaucoup plus générale, déjà
mise en évidence chezbeaucoup d’espèces
forestières et dans
beaucoup
derégions.
3. Etude directe des liaisons entre la
productivité
dupin
noiret les facteurs
climatiques
Pour tenter d’aller
plus
loin dans l’étude des liaisons entre laproductivité
dupin
noir et les facteursclimatiques,
et de leverl’ambiguïté
relative à l’incidence exacte des facteursédaphiques,
nous avonsappliqué
un programme derégressions multiples
et
progressives
entre, d’une part la variable àexpliquer :
laproductivité
et, d’autre part, des variablesexplicatives climatiques.
3.1. Les données
climatiques prises
en compte Ce sont :- l’altitude
compensée (en m),
enabrégé Ac,
- la distance aititudinale à la crête
(en m),
enabrégé Ac,
- la distance à la Méditerranée
(en km),
enabrégé Dm,
- la distance à
l’Atlantique (en km),
enabrégé
Da.M. BECKER
(1979, 1982)
a mis clairement enévidence,
l’intérêt des notionsd’« indice de rayonnement
» (Ir),
d’« altitudecompensée (Ac),
et de « distance alti- tudinale à la crête» (4c),
pour l’étude desliaisons,
dans lesrégions
de moyenne montagne, entre laproductivité
d’une essence forestière et les facteursclimatiques.
L’altitude
compensée (Ac),
est l’altitude réelle(Ar) corrigée
en fonction de l’indice de rayonnement de la stationcorrespondante.
L’indice derayonnement (Ir)
est un indice combinant
pente
etexposition (M. B ECKER , 1979 a)
en un lieu donné.Il
permet
de comparer lerégime héliothermique
deplusieurs
stations de même alti-tude,
mais de situationstopographiques
différentes. Il nedépend
que de lapente,
del’exposition,
et de la hauteur de l’horizon dans cetteexposition.
M. BECKER(1979 b, 1982)
,a calculé que pour lesVosges
alsaciennes Ar et Ac étaient liés par la formule :Ac=Ar-!-440 (1-Ir)
N’ayant
pas de données suffisantes pour vérifier la validité de cette formule dans lesAlpes
duSud,
nous l’avonsappliquée
tellequelle, apportant
certainement ainsi un biaissystématique.
La distance altitudinale à la crête
(4c),
est la différencequi
existe entre l’altitude(réelle
oumieux, compensée)
d’une station et l’altitude de la crêtequi
« abrite »cette station des vents dominants
apportant
lapluie : plus
cette distance estfaible,
moins l’ effet
protecteur
» de la crêtejouera,
etplus
lesprécipitations
seront im-portantes (et
viceversa).
Elle se mesure sur une cartetopographique.
Distance à la mer. Dans la zone des
montagnes périméditerranéennes
où sont situées lesplacettes
depin
noirétudiées,
lesprécipitations
viennent engénéral
duSud
(vent « marin »),
c’est-à-dire de laMéditerranée,
soit de l’Ouest(de l’Atlantique)
sans
qu’il
soit leplus
souventpossible,
faute derenseignements précis,
de déterminer leurpart respective
aulong
d’uneannée,
pour une station donnée.Ainsi,
pourchaque placette,
nous avons mesuré(grossièrement
sur une carte àpetite échelle),
les « distances àl’Atlantique » (Da),
et les « distances à la Méditer- ranée» (Dm),
enkilomètres,
en tantqu’indicateurs,
indirects et trèsgrossiers,
durégime pluviométrique
stationnel.Il est bien évident que de toutes ces notions : altitude
compensée,
distancealtitudinale à la
crête,
et distance à la mer, c’est celle d’altitudecompensée qui
a leplus
de réalitébiologique.
Les autres sont, ouplutôt,
veulentêtre,
des indicateursgrossiers
et indirects desrégimes climatiques.
On ne saurait donc les mettre sur lemême
plan
et il faudra en tenir compte dansl’interprétation
des résultats.3.2. Résultats des calculs de corrélations
multiples
Nous avons rassemblé dans le tableau 2 les résultats obtenus avec 6 échantil-
lonnages
différents : l’ensemble desplacettes (du
moins l’ensemble de celles pourlesquelles
nouspossédions
des donnéescomplètes,
soit106),
etplusieurs
types de sous-ensembles.Ces résultats concernent essentiellement l’ordre des variables
explicatives
et lesigne
de leur corrélation.L’analyse globale (multivariable)
nous ayant montrél’importance
de l’altitudeet des
étages
devégétation,
nous avons considéré des sous-ensembles deplacettes correspondant
à cettepartition.
Pour les
placettes
de « basse altitude» (43 placettes
d’altitudecompensée
infé-rieure ou
égale
à 1 000 m, ou 60placettes
situées dans lesétages
méditerranéen ousupraméditerranéen
à chênepubescent),
c’est l’altitudecompensée qui
vient entête,
et de
façon positive,
pourexpliquer
laproduction
dupin
noir.Cela veut dire
qu’à
cette tranchealtitudinale,
à cesétages
inférieurs où l’influence du climat méditerranéen estprépondérante,
laproductivité
dupin noir,
d’unepart
croît avecl’altitude,
et, d’autrepart,
est liée aux conditionstopographiques
station-nelles
(intégrées
dans la notion d’altitudecompensée),
et, par voie deconséquence,
à
l’édaphisme.
Pour les
placettes
d’« « altitude élevée» (63 placettes
d’altitudecompensée supé-
rieure à 1 000 m, ou 25
placettes
d’altitudecompensée supérieure
à 1 200 m, ou46
placettes
del’étage montagnard
à hêtre ou àpin sylvestre),
c’est la distance à lamer
(plus
celle à laMéditerranée, positivement,
que celle à1’Atlantique, négati-
vement) qui
devient le facteurprincipal.
Dans ces cas, il est
peut-être
aussiimportant
de constater que l’altitude compen- sée ne vient alorsqu’en
dernièreposition.
On peut
interpréter
ce fait en disant que les facteurs stationnelsd’altitude,
de pente etd’exposition,
c’est-à-dire lescomposantes
du climatlocal,
deviennent alorssans
importance
devant le climatrégional qui
fournit à lavégétation
suffisammentd’eau,
en toutes circonstances(climat
deplus
enplus
«océanique
» avec l’altitude?).
Pour la totalité des
placettes (106),
c’est l’altitudecompensée qui
vient entête,
ce
qui
est en accord avec laprépondérance
desplacettes
de « basse altitude » dansl’échantillonnage global.
3.3. Conclusions sur
l’influence
desfacteurs climatiques
Ces calculs montrent que les
échantillonnages
réalisés sur la base desétages
de
végétation
donnent des résultats intéressants sur laproductivité
dupin
noir dansles
Alpes
du Sud. Cela n’étonnera pas ceuxqui
reconnaissent le caractère indicateur des unitésconceptuelles
que sont les groupementsvégétaux.
Il eut été intéressant
d’essayer
d’affinerplus
encore cesrapports
entreproduc-
tivité forestière et
groupements végétaux,
en considérant des unitésplus précises :
non
plus
desétages
devégétation,
mais les séries devégétation
ou, mieux encore, les associationsvégétales qui
les composent, malheureusement ces unités auraienteu des effectifs
trop
faibles.Ces résultats
suggèrent qu’à
« basse altitude »(!,
< 1 000 m), c’est-à-dire auxétages supraméditerranéen
et, ofortiori, méditerranéen,
ce sont les facteurs station- nels(altitude, pente, exposition,
mais aussisol) qui
sontprépondérants
pourexpli-
quer la
productivité
dupin
noir. Cela est sans doute en relation avec uneorigine
essentiellement méditerranéenne des
précipitations,
dontl’irrégularité
est un des ca-ractères essentiels.
Au
contraire,
aux altitudesplus
« élevées» (>
I 000 - 1 200m),
c’est-à-dire àl’étage montagnard,
les facteursstationnels, synthétisés
ici par la notion d’altitudecompensée,
cèdent le pas aux facteursmacroclimatiques.
Cela est conforme avec lecaractère
plutôt océanique
des hautes montagnes méditerranéennesfrançaises,
oùles
phytocénoses
à base dehêtre, sapin, pin sylvestre...
de caractèremédioeuropéen,
font suite à des
phytocénoses
à chêne vert et chênepubescent
de caractères médi- terranéens.4. Etude des liaisons entre la
productivité
dupin
noiret différents facteurs
écologiques
Il est intéressant d’utiliser les variables
écologiques
ayant servi dansl’analyse
des
correspondances
pourexpliquer
la variabilité de laproductivité
dupin
noir ex-primée,
d’unepart
par l’accroissement moyen annuel ramené à 80 ans en utilisant les classes de fertilité de la table deproduction (il
varie de1,4
à13,2 m v /ha/an)
et,d’autre
part,
par la hauteur dominante elle aussi ramenée à 80 ans par le même pro- cédé(elle
varie de10,7
à25,2 m).
4.1. Les variables
écologiques prises
en cotnpteCe sont celles
qui
ont été mesurées ou estimées lors de l’installation despla-
cettes de
production
ayant servi à construire la table deproduction :
- altitude réelle
(entre
275 m et 1 920m),
- pente,
- indice de rayonnement : ses fortes valeurs
indiquent
des stationsplus
sècheset
plus
chaudesexposées
ausud,
- variables
pédologiques,
relevées au centre de laplacette ;
ils’agit
del’épais-
seur de l’horizon AO et de l’horizon
A 1,
de laprofondeur
de solexplorée
par les racines et enfin de laprofondeur
de laroche-mère,
-
étage
devégétation,
noté de 1 à 6 duplus
méditerranéen auplus
monta-gnard ; les placettes
del’étage
méditerranéen ont en moyenne un accroissement moyen à 80 ans de5,8
ma/ha/an contre7,0
ma/ha/an pour lesplacettes
del’étage
mon-tagnard,
-
pluviométrie :
elle a seulement pu être estimée pour lesplacettes
desAlpes
de Haute-Provence et, dans ce cas, elle n’intervient pas de manière
significative
dansles
régressions.
4.2. Résultats des
régressions progressives
L’analyse
derégressions progressives
a été effectuée sur différentes sous-popu- lations deplacettes
ainsi quel’indique
le tableau 3. Les résultats montrent que,glo- balement, l’explication
de laproductivité
est meilleure avec les variables stationnellesqu’avec
les seules variablesbioclimatiques (coefficients
de corrélationsmultiples
de0,6 contre
0,4
dans le casprécédent).
Les meilleurs résultats sont obtenus avec le groupe des 53
placettes
desAlpes
de Haute-Provence
(r
=0,720
pour l’accroissement moyen annuel à 80ans).
Ils sont moins bons pour lesAlpes
du Sud(r
=0,638)
et deviennent encoreplus
médiocressi on
ajoute
lesplacettes
du Gard et de la Lozère et donc que l’on considère les 1 I1 placettes (r
=0,585). ).
La
séparation
des 111placettes
entrel’étage
méditerranéen etl’étage
monta-gnard
donne des résultatsplutôt
médiocres comme c’étaitdéjà
le cas avec les varia-bles
bioclimatiques.
Dans tous les cas ce sont les variables
pédologiques (épaisseur
de l’horizonA0, profondeur
d’enracinement et de laroche-mère) qui
interviennent enpremier
et demanière
significativement positive
dans lesrégressions progressives.
Les autres varia-bles peuvent avoir éventuellement un effet
significatif, qui peut
être différent d’unesous-population
à l’autre et il est difficile d’en donner uneinterprétation générale.
4.3. Conclusio/l siti-
1’(i!ialyse
desfacteurs écol<)giques
Cette
analyse
met en évidence le rôle des facteurspédologiques
dansl’explication
de la
productivité
dupin
noir et enparticulier
celui de laprofondeur
de solexploi-
table par les
racines, qui
traduit bien sûr la fertilité de la station mais surtout lacapacité
de rétention en eau, cequi
estparticulièrement important
sous climat médi-terranéen. La
composition chimique
des sols n’a pas été étudiée mais laprise
encompte
de la nature des substrats(calcaire, schistes,
marnes,grès...) n’apporte
pas, dansnotre cas, d’informations
supplémentaires.
L’influence du sol est d’autant
plus marquée
que lasous-population
deplacettes
est bien localisée
géographiquement :
cas desAlpes
deHaute-Provence,
c’est-à-dire que les facteursmacroclimatiques
sont lesplus
voisins. Ceci est concordant avec les résultats duchapitre précédent qui
montrent quequand
onprend
desplacettes
ré-parties
sur l’ensemble de la zone étudiée(placettes
del’étage montagnard),
ce sontles facteurs
macroclimatiques qui
sontprépondérants.
5. Conclusions
générales
Malgré l’imprécision
et le caractèreincomplet
de nombreuses données sur les-quelles
elless’appuient,
ces deux méthodesd’investigations
mises en œuvre pour étudier le déterminismeécologique
de laproductivité
dupin
noir d’Autriche dans lesAlpes
duSud,
ont donnécependant
des résultats intéressants etcomplémentaires.
Permettant
d’appréhender
simultanément et de combiner un trèsgrand
nombrede variables
diverses, l’analyse
factorielle descorrespondances
apermis
de mettre enévidence des liaisons entre la
végétation naturelle, l’altitude,
les facteursédaphiques,
et la
productivité
dupin
noir : aux fortes altitudes(étage montagnard
du hêtreou du
pin sylvestre)
sont associés des solsépais
et de fortesproductivités,
et inver-sement.
L’étude des corrélations
(régressions progressives)
entre cetteproductivité
et desindicateurs
bioclimatiques
apermis
de montrerqu’à
« basse altitude »,c’est-à-dire, grosso-modo,
àl’étage
du chênepubescent,
les facteurs stationnels semblaientpré- dominer,
tandisqu’aux
altitudesplus
élevées(étage montagnard),
ilsparaissent
céderla
place
aux facteursmacroclimatiques,
aveccependant
uneproductivité
meilleuredans la série du hêtre que dans celle du
pin sylvestre.
Ces résultats sont en accord avec ce que l’on sait
déjà
del’écologie
et de laposition
altitudinale despeuplements
depin
noir dans leur aire naturelle dans le Sud del’Europe :
à savoir leur caractère oroméditerranéen et laposition
de leursséries,
au sommet del’étage supraméditerranéen
des chênes à feuillescaduques (chêne pubescent essentiellement),
et à la base des sériesmontagnardes, plus
médio-européennes,
dupin sylvestre,
du hêtre et dusapin.
Les différences de
productivité
constatées à altitudeégale,
entre les séries du hêtre et celle dupin sylvestre
sontégalement
conformes avec ce que l’on sait surl’écologie
de ces deuxséries ;
celle dupin sylvestre correspondant
à unepluviosité plus
faible que celle duhêtre,
différencequi
est à la base de la distinctionclassique
entre
Alpes
externes humides etAlpes
internes sèches. Cette différence de compor- tement dupin
noir constitue donc unargument
en faveur d’un déterminisme de laproductivité
chez lepin
noirplus
lié au climat(pluviosité) qu’à
la nature dusol.
Les différences de
productivité
sontcependant
difficiles à mettre en évidence uni-quement
par des variablesbioclimatiques
car elles sontmasquées
par la variabilité descaractéristiques physiques
des sols. C’est en fin decompte
ladisponibilité
eneau du sol
plus
encore que lapluviosité qui régit
laproduction
dupin
noir.Sur le
plan méthodologique
ces résultats conduisent aux deux réflexions sui- vantes :-
d’abord,
ils montrent, une fois deplus,
tout l’intérêtqu’il
y a dans ce genred’étude sur les relations entre la
productivité
d’une essence forestière et les facteursécologiques,
à établirl’échantillonnage
sur la base d’unités fournies par l’étude de lavégétation spontanée : étages
devégétation,
ou, mieux encore carplus précises,
associations
végétales ;
-
ensuite,
ils révèlent la difficultéqu’il
y a à vraiment caractériser lemilieu,
que ce soit au niveau stationnel(sol, microclimat)
ou à un niveauplus régional (micro- climat, régime climatique)
par desparamètres écologiques
et surtout à hiérarchiser l’effet de ces différentsparamètres
en fonction de leur échelle d’action.D’iiii
point
de wiepratique,
on retiendra la bonneproductivité générale
dupin
noir dansl’étage montagnard,
et surtout dans la série duhêtre,
alors que dans lesétages supraméditerranéens,
à chênepubescent (avec
ou sanspin sylvestre),
elleest
beaucoup plus variable,
et cela en fonction des conditions stationnelles de méso- climat et desol, qu’il
est donc fondamental deprendre
alors encompte.
Cela est encore
plus
vrai dansl’étage méditerranéen, où,
on le sait parailleurs,
le
pin
noir se révèle très sensible à toutes sortes de ravageurs, cequi
est lesigne
d’une mauvaise
adaptation écologique (BOUCHON
&ToTH, 1971).
Il en résulte que pour le boisement à basse
altitude,
surtout si on cherche laproductivité,
il y aintérêt,
soit à utiliser d’autresespèces (le
cèdre parexemple),
soità rechercher des provenances de
pin
noir mieuxadaptées.
Reçcc
le 24 nove»tbre 1982.Accepté
le 25 novenzhre 1984.Summary
Pinus
nigra nigricans productivity factors in
SoaathernAlps of
FranceFrom
floristical,
ecological and dendrometrical datagathered
on about hundred Pinusnigra nigricans
sampling plots,
in South East ofFrance,
a multivirate analysis allowed toanalyse
their statistical links.Thus, mountain stage (and inside it, more in the beech serial than in the Scot Pine one) is associated with deep soils and high
productivity.
The use of « compensed altitude » notion (M. BECKER, 1979) and ofmultiple
regression allowed to go further into the statistical links betweenproductivity
and bioclimate factors : at mountain stage, macroclimate factors aretowering
whereas at submediterranean stage(pubescent
oakstage)
the site factors (mesoclimatic and soilfactors)
are the mostimportant,
whichexplains
thebigger variability
of Pinus nigra nigricansproductivity
at this stage.Key
words: Pinusnigra nigricans,
SouthernAlps,
forestproductivity,
bioclimatic factor,compensed altitude,
soilfactor.
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OTH