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Une pathologie fréquente dans un site inhabituel

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Academic year: 2022

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22 | La Lettre d'ORL et de chirurgie cervico-faciale • N° 351 - octobre-novembre-décembre 2017

CAS CLINIQUE

Mots-clés

Tuberculose nasale – Perforation de la cloison

Keywords

Nasal tuberculosis – Perforation of septum

Une pathologie fréquente dans un site inhabituel

A frequent pathology in an unusual site

S. Rokhssi*, A. Ayoubi*, R. Bencheikh*, M.A. Benbouzid*, L. Essakalli*

* Service d’ORL, hôpital des spécialités, université Mohammed-V, Rabat, Maroc.

L

a localisation nasale de la tuberculose, rare, est caractérisée par une présentation clinique polymorphe et non spécifique, ce qui pose souvent un problème de diagnostic différentiel. Il faudrait l’évoquer devant tout signe rhinologique inexpliqué et résistant au traitement habituel. Son pronostic est favorable lorsqu’une

antibiothérapie antituberculeuse classique est administrée tôt. Nous rapportons un cas de tuberculose nasale primaire caractérisé par la présence d’une perforation de la cloison.

O b s e r v a t i o n

Une patiente âgée de 80 ans, sans antécédents, présente depuis 4 ans une tuméfaction de la pyramide nasale, une rhinorrhée purulente, un mouchage de croûtes et une obstruction nasale bilatérale, sans épistaxis ni hyposmie ni fièvre, sans signes généraux ni respiratoires. L’examen montre une augmentation du volume de la pyramide nasale associée à une ulcération de l’aile narinaire droite, le tout recouvert d’une peau inflammatoire (figure 1).

L’endoscopie nasale montre une rhinite croûteuse bilatérale, avec des sécrétions sales, et une perforation de la cloison nasale antérieure (figure 2). L’examen endobuccal ne retrouve pas d’ano- malie palatine. La tomodensitométrie nasosinusienne montre un processus tissulaire du septum nasal, hypodense, se rehaussant après injection de produit de contraste, qui s’étend, en avant, aux ailes narinaires ; en arrière, aux cornets moyens ; en bas, au palais osseux, qui est partiellement lysé (figure 3). La biopsie nasale conclut à une granulomatose sans nécrose caséeuse.

Le Maroc étant un pays d’endémie de la tuberculose, une tuber- culose nasale est évoquée devant des éléments de présomption clinicohistologiques : notion de contage tuberculeux dans la famille proche, intradermoréaction à la tuberculine phlycténulaire et

présence d’une granulomatose. La sérologie du VIH est normale.

La patiente bénéficie d’une quadrithérapie antituberculeuse durant 9 mois ; l’évolution clinique et endoscopique est bonne. Elle garde comme séquelle une perforation de la cloison nasale, dont le diamètre est resté le même qu’avant le traitement.

D i s c u s s i o n

La tuberculose nasale représenterait 2,6 % des localisations extra- pulmonaires (1). Sa rareté pourrait s’expliquer par la protection secondaire du mouvement ciliaire de la muqueuse nasale, associée à l’action bactéricide du mucus nasal, ainsi que le rôle de filtre joué par les vibrisses nasales. Mais certains facteurs, tels que les traumatismes, les mauvaises conditions d’hygiène et l’immuno- dépression favoriseraient le développement du bacille de Koch [1].

Sa contagiosité, directement par microgouttelettes infectées, a rarement lieu à partir d’un foyer primitif pulmonaire (2). Les formes primaires sont rares.

La présentation clinique, polymorphe, non spécifique, peut res- sembler à celle d’une rhinite chronique. Les symptômes les plus fréquents sont l’obstruction nasale uni- ou bilatérale et la rhino- rrhée (3). Les lésions peuvent être ulcératives, infiltrantes ou prolifératives (4). D’autres symptômes peuvent être observés, comme l’épistaxis, l’hyposmie, le mouchage de croûtes et les céphalées (5). Le site le plus touché est la partie cartilagineuse du septum nasal, suivie du cornet inférieur (1). En cas de retard thérapeutique, une perforation de la cloison et une déformation de la pyramide nasale peuvent survenir (6).

Les signes radiologiques ne sont pas spécifiques. L’intérêt de l’ima- gerie est d’établir un bilan lésionnel et de contrôler l’évolution sous traitement (5). Une tomodensitométrie nasosinusienne, réalisée chez notre patiente, montre l’extension du processus lésionnel à la pyramide nasale et une lyse partielle du palais, rarement rapportées dans la littérature.

Le diagnostic différentiel doit exclure la lèpre, la leishmaniose, la syphilis, la sarcoïdose, la granulomatose de Wegener, les mycoses,

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La Lettre d'ORL et de chirurgie cervico-faciale • N° 351 - octobre-novembre-décembre 2017 | 23

CAS CLINIQUE

Figure 1. Tuméfaction inflammatoire de la pyramide nasale avec ulcération de l’aile narinaire droite.

▼ Figure 2. Rhinite croûteuse avec perforation de la cloison nasale.

Figure 3. Examen tomodensitométrique en coupe axiale (à gauche) et coronale (à droite), montrant un processus tissulaire du septum nasal qui s’étend en avant aux ailes narinaires, arrivant au contact des cornets moyens, avec lyse partielle du palais osseux.

le rhinosclérome (4) et le lymphome T natural killer (7).

Le diagnostic repose sur la biopsie de la lésion : l’examen histo- logique retrouve un granulome épithélioïde et giganto cellulaire avec une nécrose caséeuse. L’examen direct utilisant la coloration de Ziehl-Neelsen montre des bacilles acido-alcoolorésistants.

La culture permet de détecter Mycobacterium tuberculosis et de tester sa sensibilité aux antibacillaires (8). Pour un diagnostic précis, la réaction en chaîne par polymérase permet d’identi- fier l’ADN bactérien et de détecter une mutation responsable d’une résistance aux antibiotiques (6). Cette technique a une sensibilité de 84 % et une spécificité de 100 % (6). Le Quanti- FERON® permet le dépistage de la tuberculose latente : ce test immunologique détecte la réponse T mémoire dirigée contre M. tuberculosis. Il permet d’éliminer les faux positifs de l’intra- dermoréaction, évitant ainsi des traitements inutiles et coûteux, ainsi que les effets indésirables des médicaments antitubercu- leux (9). Le traitement est médicamenteux, à base d’antibacil- laires : isoniazide, rifampicine, pyrazinamide et streptomycine ou éthambutol, pendant 6 à 12 mois, en fonction de l’évolution (10).

La chirurgie est indiquée en cas d’importants délabrements cutanéomuqueux (8) et de synéchies. L’évolution, sous traite- ment, est bonne. Les rares cas d’échec (1 %) s’expliquent par l’émergence de souches résistantes aux antituberculeux (1).

C o n c l u s i o n

La tuberculose nasale est rare ; son diagnostic est souvent tardif. Elle doit être évoquée devant toute rhinite chronique résistant au traitement habituel, et particulièrement dans les populations à risque. La biopsie des berges d’une perforation de la cloison nasale doit être systématique, même en cas d’antécédent de chirurgie endonasale, pour poser le diagnostic de cette maladie aujourd’hui parfaitement curable. ■

1. El Ayoubi A, Benhammou A, El Ayoubi F et al. La tuberculose primitive ORL extraganglionnaire. Annales Françaises d’Oto-Rhino-Laryngologie et de Pathologie Cervico-Faciale 2009;126:208-15.

2. Nitassi S, Nazih N, Boujemaoui M, Kzadri M. Tuberculose naso-sinusienne : à propos d’un cas. Fr ORL 2007;93:347-9.

3. Lai TY, Liu PJ, Chan LP. Primary nasal tuberculosis presenting with septal perforation. J Formos Med Assoc 2007;106(11):953-5.

4. Baruah B, Goyal A, Shunyu NB, Lynrah ZA, Raphael V. Tuberculosis of nose and palate with vanishing uvula. Indian J Med Microbiol 2011;29:63-5.

5. Jahidi A, Hemmaoui B, Itoua WR, Errami N, Benariba F. Cause rare d’une perforation de la cloison nasale. Pan Afr Med J 2014;17:23.

6. Canbolat NA, Tezcan E, Yanık S et al. Primary nasal tuberculosis: case report. Am J Health Res 2014;2:316-18.

7. Kim YM, Kim AY, Park YH, Kim DH, Rha KS. Eight cases of nasal tubercu- losis. Otolaryngol Head Neck Surg 2007;137:500-4.

8. Kameswaran M, Anand Kumar RS, Murali S, Raghunandan S, Vijaya Krishnan P. Primary nasal tuberculosis — a case report. Indian J Otolaryngol Head Neck Surg 2007;59(1):87-9.

9. Bouchentouf R, Bouaity B, Touati M, Benjelloun A, Ali Aitbenasser M. La tuberculose nasosinusienne: à propos d’un cas. Pan Afr Med J 2013;14:29.

10. Azwarizan AH, Lina LC, Salina H, Avatar S. Primary nasal tuberculosis and review of literature. RMJ 2013;38(4):453-4.

Références bibliographiques

S. Rokhssi déclare ne pas avoir de liens d’intérêts.

Les coauteurs n’ont pas précisé leurs éventuels liens d’intérêts.

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