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La mémoire longue en économie : discussion et commentaires

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J OURNAL DE LA SOCIÉTÉ FRANÇAISE DE STATISTIQUE

S ANDRINE L ARDIC

V ALÉRIE M IGNON

La mémoire longue en économie : discussion et commentaires

Journal de la société française de statistique, tome 140, no2 (1999), p. 103-108

<http://www.numdam.org/item?id=JSFS_1999__140_2_103_0>

© Société française de statistique, 1999, tous droits réservés.

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UNE REVUE DE LA LITTÉRATURE

RÉPONSE AUX INTERVENANTS Sandrine LARDIC et Valérie MIGNON

La diversité des thèmes traités par les discutants témoigne de la richesse, tant théorique qu'empirique, du concept de mémoire longue. Ne pouvant cependant pas reprendre, malgré leur intérêt indéniable, chacun des sujets évoqués par les discutants, nous avons décidé de restreindre notre réponse à l'étude de trois thèmes. Nous commencerons par un aspect économique en revenant sur les implications de la présence de mémoire longue dans les séries boursières du point de vue de la théorie de l'efficience informationnelle des marchés financiers. Nous aborderons ensuite les aspects plus économétriques en considérant successivement deux thèmes : la sensibilité de l'estimation du paramètre d'intégration fractionnaire à la fréquence des observations et le problème du choix de l'estimateur retenu pour la fonction d'autocorrélation.

1. LONGUEUR DE LA MÉMOIRE

ET EFFICIENCE DES MARCHÉS FINANCIERS

Discutant de l'impact de la présence d'une structure de dépendance de long terme dans les séries de rentabilités boursières vis à vis de l'hypothèse d'effi- cience des marchés financiers, G. Prat souligne que la longueur de la mémoire ne semble pas être d'une grande importance : si les anticipations de prix sont fonction des valeurs passées des prix, alors les prix présents dépendent des prix passés, suggérant ainsi la possibilité d'une certaine prévisibilité pour di- vers horizons temporels.

Il nous semble cependant que la longueur de la mémoire importe d'un point de vue économique. En effet, la très vaste littérature consacrée à l'hypothèse d'efficience des marchés financiers fait ressortir l'absence de conclusion claire et unanime quant à la validité ou non de cette hypothèse (voir notamment Fama (1970, 1991) pour une revue de la littérature). Plus spécifiquement, les résultats des tests statistiques et des estimations économétriques peuvent toujours être interprétés de deux façons contradictoires selon que l'on est ou non partisan de l'hypothèse d'efficience. Cette dernière, basée sur un modèle de rentabilité espérée constante au cours du temps, induit que l'on ne peut prévoir les rentabilités futures à partir des rentabilités passées. On ne doit donc pas observer de corrélation significative entre ces rentabilités. Or, les premiers tests de l'efficience au sens faible font généralement ressortir la présence d'autocorrélations significativement différentes de zéro. Fama (1965) trouve ainsi que l'autocorrélation du premier ordre dans les rentabilités quotidiennes

Journal de la Société Française de Statistique, tome 140, n° 2, 1999

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est positive pour 23 des 30 titres composant l'indice boursier Dow Jones Industriel sur la période 1957-1962. French et Roll (1986) ou Lo et McKinlay (1988) obtiennent également des résultats similaires en mettant en avant la possibilité d'une prédiction à court terme des rentabilités boursières. De tels résultats, également obtenus dans un très grand nombre de travauxl, font ainsi ressortir la présence d'autocorrélations significativement différentes de zéro à horizon court. Selon Fama (1970, 1991), même si ces autocorrélations sont significatives d'un point de vue statistique, elles ne le sont pas d'un point de vue économique au sens où il est impossible d'exploiter ces autocorrélations pour établir des règles de spéculation conduisant à des profits anormaux.

De plus, toujours selon Fama, malgré leur significativité statistique, ces autocorrélations restent proches de zéro. L'auteur juge donc que ces divers résultats ne peuvent en aucun cas remettre en cause l'hypothèse d'efficience : la mémoire ne dure pas suffisamment longtemps pour pouvoir être exploitée avec profit. Devant cet état de fait, il nous semble donc que la longueur de la mémoire importe afin d'étudier la validité ou non de l'hypothèse d'efficience.

Ceci met en avant tout l'intérêt des études portant sur la mémoire longue qui permettent ainsi de rendre compte notamment de la possibilité de prédiction à long terme des rentabilités boursières, d'interpréter le phénomène de retour à la moyenne des prix et d'appréhender la notion de cointégration fractionnaire.

L'importance de la mémoire longue du point de vue de l'hypothèse d'efficience est également mise en avant dans le commentaire de M.S. Taqqu et largement détaillée, en termes de relation entre mémoire longue et absence d'opportu- nité d'arbitrage, dans la discussion de P. Bertrand : le mouvement brownien fractionnaire d'exposant H n'étant pas une semi-martingale (sauf dans le cas particulier où H = 1/2), il est incompatible avec l'hypothèse d'absence d'arbi- trage affaiblie (condition NFLVR) sous-jacente à l'hypothèse d'efficience. Dans ce même contexte, E. Renault souligne l'intérêt de la recherche d'une struc- ture de dépendance de long terme, non pas dans les séries de rentabilités, mais dans le processus d'évolution de la volatilité. Comme il le note très justement, la prise en compte d'une telle structure de dépendance est particulièrement utile dans le cas des options à maturité longue dans la mesure où elle abou- tit à une amélioration des capacités empiriques des modèles d'évaluation de telles options. Au regard de ces divers commentaires, il apparaît donc bien que la longueur de la mémoire importe et que la modélisation de la structure de dépendance des séries considérées devrait conduire à une amélioration des performances explicatives et prédictives des modèles d'évaluation.

2. AGRÉGATION DES SÉRIES TEMPORELLES ET ESTIMATION DU PARAMÈTRE

D'INTÉGRATION FRACTIONNAIRE

Comme le rappelle très justement C. Gouriéroux, le manque de stabilité des ordres fractionnaires estimés lorsqu'on modifie la fréquence des observations

1. Voir les revues de la littérature déjà citées de Fama (1970, 1991) et Lardic et al. (1995).

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constitue un fait stylisé. L'agrégation temporelle a donc un impact sur les estimations. On pourrait a priori penser que l'agrégation temporelle a tendance à accentuer la structure de dépendance d'une série temporelle. En effet, lorsqu'on agrège une série en calculant des moyennes, on lisse en quelque sorte cette série puisque les irrégularités sont atténuées. Une telle intuition est cependant à nuancer dans la mesure où nos diverses applications ne font ressortir aucun résultat général concernant l'impact de l'agrégation temporelle sur les résultats des tests et des estimations. En revanche, il est indéniable que les estimations du paramètre d'intégration fractionnaire varient lorsque l'on modifie la fréquence (voir notamment Lardic et Mignon (1996, 1997)).

Il nous paraît en outre intéressant de mentionner un deuxième type d'agréga- tion, que l'on peut qualifier d'agrégation macroéconomique. La revue de la littérature que nous avons menée ainsi que nos propres applications font glo- balement ressortir que les séries macroéconomiques présentent plus de per- sistance que les séries financières. Un tel résultat peut s'expliquer en termes d'agrégation (voir notamment Lardic et Mignon (1997)), ce qui rejoint les remarques de J.M. Bardet.

Les séries macroéconomiques sont en effet des séries agrégées. Or, Granger (1980) a montré que si l'on ajoute N séries indépendantes, chacune suivant un processus AR(1), alors leur somme suit un processus ARMA(TV, TV — 1).

Par conséquent, on pourrait penser que le modèle sous-jacent à une série ma- croéconomique doit comporter un nombre élevé de paramètres autorégressifs et moyenne mobile, ce qui n'est pas observé empiriquement. En se plaçant d'un point de vue alternatif, Granger (1980, 1988) a alors montré que l'agrégation de processus à mémoire courte, tels que des processus AR(1), pouvait conduire à un processus à mémoire longue, dont le nombre de paramètres autorégres- sifs et moyenne mobile n'est pas nécessairement important. Les résultats de Granger (1980) peuvent s'énoncer comme suit :

• Agrégation de séries indépendantes

Si l'on agrège TV séries indépendantes, chacune suivant un processus AR(1) :

Xjt = OijXjt-l +£jt j = 1, • • • , TV

et si l'on suppose que le carré des coefficients a suit une loi bêta sur l'intervalle (0, 1), c'est-à-dire est de densité :

2 a2v-l{l-a2y-lda si 0 ^ a < 1 dF(a) = l B{p,q)

K 0 sinon

N

alors, la série agrégée xt = Ylxit e s t i n t égr é e d'ordre ( l - -).

J = I

On notera que l'ordre d'intégration ( l - - J est indépendant de la valeur de p, suggérant ainsi que la forme de dF(a) n'a pas grande importance, excepté pour a proche de 1 (voir Granger (1980)).

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• Agrégation de séries dépendantes

Un résultat plus général que le précédent peut être obtenu en considérant le cas de séries dépendantes. Soit une série xJt générée par :

xJt = OL3Xjt-i + yjt + P3Wt +ejt j = 1 , . . . , TV

où les séries yJt, Wt et e3t sont indépendantes. On suppose en outre que x3% ne cause pas yJt ou Wt et que les a au carré suivent la loi bêta précédemment énoncée, alors :

(i) La série agrégée xt est intégrée d'ordre dx

d

x

= M a x { ( l - | + d

y

) , ( i - g + d

w

), ( l - f ) }

avec yt ~ I(dy) et Wt ~ I(dw)-

(ii) Si l'on estime un modèle du type :

xt = a1(L)yt + a2(L)Wt + et

N

alors ai.(L) et a2(L) sont tous deux des filtres intégrés d'ordre 1 — q.

Ces résultats nous montrent que l'agrégation macroéconomique peut conduire à l'existence d'une série fractionnairement intégrée, donc à la présomption de présence d'une mémoire longue si le paramètre d'intégration fractionnaire est statistiquement significatif. Ce phénomène peut ainsi expliquer le fait que les séries macroéconomiques, par définition agrégées, présentent plus de persistance que les séries financières.

3. FONCTION D'AUTOCORRÉLATION ET CARACTÉRISATION GÉNÉRALE

DE LA MÉMOIRE DES SÉRIES TEMPORELLES

C. Gouriéroux et J. Jasiak mettent en exergue deux points fondamentaux concernant la fonction d'autocorrélation. En premier lieu, les auteurs souli- gnent que certains processus non linéaires peuvent présenter une fonction d'au- tocorrélation décroissant hyperboliquement lorsque le retard augmente. Cette décroissance serait alors le reflet d'une dynamique non linéaire à court terme.

En second lieu, ils mettent en avant l'importance de la qualité des estimateurs retenus pour les autocorrélations (voir les simulations particulièrement éclai- rantes de J. Jasiak). Les difficultés liées à l'utilisation du corrélogramme sont également mises en avant par B. Truong-van et il est bien évident que la seule utilisation des autocorrélations ne suffit pas pour conclure à la présence d'une

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structure de dépendance de long terme dans les séries étudiées. Nous vou- drions ici discuter très brièvement des autres types de mesures de la mémoire que la fonction d'autocorrélation; mesures pouvant s'appliquer aux cas de séries non gaussiennes et/ou non linéaires (voir Dufrénot et Mignon (2000) pour une revue de la littérature théorique).

Granger et Teràsvirta (1993) ont été les premiers à proposer une définition de la mémoire d'une série temporelle dans un contexte non gaussien au travers du concept de mémoire étendue, cette notion correspondant à la notion de mémoire longue dans le cas linéaire. Considérons ainsi une variable aléatoire Xt générée par un processus stochastique xt et soit Fk(x) = P{Xt+k ^ x\It) la fonction de distribution conditionnelle de Xt. On dira alors que le processus xt n'a pas de mémoire étendue si lim Fk(x) ne dépend

k—»00

pas du passé conditionnel It. Cette définition étant cependant difficilement vérifiable en pratique, Aparicio et Escribano (1997) ont proposé une définition différente de la notion de mémoire constituant une généralisation de la fonction d'autocorrélation.

Les auteurs retiennent ainsi une mesure non négative de dépendance sérielle, notée ix(k, t), tenant compte de la structure de dépendance de long terme des séries. Le processus Xt sera dit à mémoire longue si ^ ix(fc, t) = oo, Vt. Tout

fc>0

le problème réside alors dans le choix d'un estimateur de z * ( M ) sans avoir recours à la fonction d'autocorrélation. Aparicio et Escribano (1997) suggèrent de recourir à la théorie de l'information et plus spécifiquement aux concepts d'entropie et d'information mutuelle. L'intérêt de ces concepts réside dans le fait que la fonction d'information mutuelle peut être utilisée pour généraliser le concept de fonction d'autocorrélation standard. Ainsi, en écrivant la fonction d'information mutuelle î * ( M ) = I(XuXt-k), on en déduit immédiatement la nouvelle définition de la mémoire longue.

Pour clore cette brève présentation, signalons qu'il est également possible de faire appel aux notions de mélange et de dépendance proche pour définir la notion de mémoire. L'idée de départ réside dans le fait que le concept usuel de série intégrée d'ordre zéro est un cas particulier de la notion plus générale de série fortement mélangée. Une telle conception de l'intégration d'ordre zéro basée sur le concept de série fortement mélangée ou de dépendance proche est liée aux notions de mémoire courte en distribution et de mémoire courte en moyenne de Granger et Hallman (1991) et Granger (1995). Ces divers concepts permettent ainsi d'appréhender la mémoire au travers d'autres notions que la fonction d'autocorrélation standard et, par là même, d'étendre la notion de mémoire au cadre non linéaire.

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L O U I S - J E A N avenue d'Embrun, 05003 GAP cedex

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