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GÉOGRAPHIE BULLETIN LIV-3 1974

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LIV-3 1974

BULLETIN

DE LA SOCIÉTÉ NEUCHATELOISE DE

GÉOGRAPHIE

NEUCHATEL

NEUCHATEL-SUISSE 1974

Lausanne O

Berne

Sion a

Numérisé. Lr BPUN

(3)

LI V-3 1974

BULLETIN

DE LA SOCIÉTÉ NEUCHATELOISE DE

GÉOGRAPHIE

SOMMAIRE

No 19

P1vE'rEnu Jean-Luc: Régularités et émergences en géographie 3 VINK A. P. A.: La géographie physique: science naturelle et

appliquée .

11

CUCHL J.

-L. et OBERLI J.

-F.: Géographie du tourisme dans

le canton de Neuchâtel ... 23

MEYRAT Simone : Répartition socio-professionnelle des parents

des élèves des jardins d'enfants de la ville de Neuchâtel 35 KOIILER Jean-Pierre: Etude géographique de la presse quoti-

dienne dans le Jura romand ...

39

GuENIN Germain et MAILLAT Maurice : Population agricole

et exploitations agricoles du district de Porrentruy (Ajoie) 61 PoRTMANN Jean-Pierre : Pléistocène de la région de Neuchâtel

(Suisse) I. Aperçu bibliographique

..

69

La Société de géographie en 1973 91

Numérisé par BPUN

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Rédacteur: J.

-P. PORTMANN, Séminaire de géographie de l'Univer- sité, Coq-d'Inde 10, Cil-2000 Neuchâtel (Suisse).

"Toute la correspondance doit être adressée au siège de la Société : Bibliothèque de la ville, place Numa-Droz, CH-2000 Neuchâtel

(Suisse).

Délai pour la remise des manuscrits du prochain fascicule 30 avril 1975.

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RÉGULARITÉS ET ÉMERGENCES EN GÉOGRAPHIE

par Jean-Luc PIVETEAU i

Lors de la dernière campagne électorale présidentielle en France, un observateur politique a écrit que si F. Mitterand était progressiste, V. Giscard d'Estaing, lui, était moderne. Beaucoup de géographes, aujourd'hui, pensent ne pas même disposer d'une telle alternative.

Leur discipline n'est, à leurs yeux, ni progressiste, ni moderne. Elle n'est pas progressiste car elle n'intervient pas au niveau de l'action proprement dite, comme le fait par exemple cette autre branche de la recherche qui s'occupe, elle aussi, d'organisation de l'espace

l'aménagement du territoire. Elle n'est pas moderne, parce qu'à la différence de l'économie régionale ou nationale elle ne formalise pas ses observations ; elle ne propose guère de théories.

Répondre à ces reproches demande réflexion. Je m'en tiendrai ici, au second des deux défis.

A. Les deux bouts de la chaîne

Sans doute est-il permis d'opposer une période « explicative » de la géographie - celle que nous vivons -à une période préalable, à tout le moins antérieure, principalement « descriptive ». Mais il faut se garder de vues simplifiées. D'abord, jamais une description n'est innocente ni objective : elle se calque toujours sur une construction

mentale implicite ; il ya donc en elle beaucoup plus d'intelligence

et passablement plus de présupposés qu'on ne le pense. Ensuite, dans le même temps où elle s'occupait du « quoi » et du « où », notre disci-

pline se préoccupait déjà, c'est évident, du « comment » et du « pour- quoi ». Si l'investigation causale n'a pas revêtu d'emblée l'ampleur

et les raffinements qu'on lui connaît à présent, elle a pris appui, dès l'origine semble-t-il, sur deux observations que nous tenons aujour- d'hui pour essentielles : l'ordre de l'espace répond à des lois ; l'ordre de l'espace obéit, simultanément, à un principe de spécificité.

1 Professeur J.

-L. PICLTLAIU, directeur de l'Institut de géographie de Fri- bourg, bd de Pérolles, CII. 1700 Fribourg.

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-4 --

I. Organisation de l'espace et lois

Le souci de dégager les régularités d'arrangement des différents phénomènes physiques et surtout humains à la surface du globe apparaît avec la géographie elle-même, dans sa phase d'individuali-

sation graduelle au cours du XIXe siècle. Ce qu'on a appelé l'envi- ronnementalisme ou le déterminisme correspond à une formulation de relations univoques entre le milieu naturel et l'homme. Le carac- tère simplificateur des liaisons envisagées a été suffisamment dénoncé par les générations ultérieures, dans des accès de bonne conscience justicière, pour qu'il soit nécessaire d'y revenir. La théorie de Davis,

touchant au cycle d'érosion et, dans une bien moindre mesure car ignorée, celle de Christaller sur les places centrales, représentent d'autres exemples de l'intérêt que l'on portait à définir des méca- nismes répétitifs lorsque des conditions précises se trouvaient réunies.

Tout le monde sait, cependant, que, pour l'ampleur et la systéma- tisation, l'effort de formalisation remonte à une vingtaine d'années environ. Né dans les pays anglo-saxons, il irradie aujourd'hui le vieux continent, alors même que l'Amérique (lu Nord commence à le rela- tiviser. Ce dernier reflux comble d'aise les sceptiques européens de la

première heure, mais la conjonction de ceux qui se repentent avec ceux qui ont toujours manifesté des réticences n'est pas dénuée d'équivoques.

Les raisons immédiates de la pénétration de la géographie par les méthodes dites « quantitatives » sont également connues. Il ya la masse désormais considérable d'informations chiffrées disponibles, les progrès réalisés pendant et depuis la guerre dans le domaine cyber- nétique, la pression exercée sur notre discipline par les sciences humaines et biologiques déjà gagnées à l'usage de la modélisation et

des statistiques. Plus en profondeur intervient l'insatisfaction res- sentie par une fraction croissante de géographes face à la modestie (le conceptualisation de leur science, face à son peu d'aptitude à pro- poser des théories.

II. Organisation de l'espace et spécificités

A l'autre extrémité de la chaîne, nous tenons avec fermeté qu'au- cune portion de l'espace n'est totalement réductible à une autre.

Cette idée occupe trop de place dans la pensée géographique, latente ou explicite, depuis ses débuts, pour ne pas mériter une brève analyse.

Je distinguerais volontiers deux catégories de spécificités.

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a

Fig 1 A. 13. Ce le. sou t des localités-ou (les portions d'espaces individualisées- dont certaines peuvent, le cas échéant, être très semblables à d'autres.

Autour de A, 13 et C ont été tracés des cercles de rayon r, r 1, r '1, etc.

Le contenu qualitatif et quantitatif de chaque «environnement s, on le voit, est différent.

A la première appartiendrait l'originalité de la position, d'abord.

A de très rares exceptions près, toute portion de territoire constitue un système ouvert, en rapport, donc, avec ce qui, proche ou lointain, l'entoure. Il s'ensuit qu'aucune aire ne peut s'identifier à une autre sous l'angle de son contexte et des relations qui en découlent. Dans la figure 1, le contenu des cercles de rayons variés (r 1, r 2, r 3, etc. )

tracés autour des centres A, B, C, etc. change pour chacun de ces

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derniers. Si les intervalles entre les points varient, la différenciation spatiale s'aggrave. Il n'y a que dans le cas bien peu vraisemblable

où les lieux considérés seraient interchangeables et équidistants, que la proposition défendue tomberait. Et encore cela ne vaudrait-il que pour peu de temps, car il suffirait d'une infime modification affectant un seul impact pour que la totalité des autres se trouvât, de proche en proche, concernée.

L'originalité structurelle, ensuite. Toute portion de territoire, quelle qu'en soit la taille, entre comme un élément dans plusieurs systèmes distincts, d'ordre physique, économique, politique, culturel...

L'insertion du périmètre que l'on étudie au sein de chaque système, le nombre et la nature des systèmes en cause, ne présentent qu'infi-

niment peu de chances d'être les mêmes pour deux endroits différents du globe. La multiplicité des espaces d'appartenance - le terme

«espace» étant entendu, ici, dans son sens plus large d'« ensemble »- compose ainsi, à chaque lieu, une physionomie et un environnement originaux.

Dans le second type de spécificités, je placerais les faits fondamen- taux d'émergence. Des caractères propres surgissent de chaque arran- gement de l'espace. L'ordre spatial engendre. De l'interaction géné- rale des êtres et/ou des choses, de leur interaction en fonction des

situations particulières dans lesquelles ils se trouvent placés - aux sens structurel et positionnel évoqués aux paragraphes précédents -, naissent des structures, des prises de conscience et des mythes, des dynamismes inédits. Ce sont autant de réalités nouvelles et qui

n'étaient pas prévisibles.

Il faut en tenir compte à deux plans : en tant que telles d'abord

ensuite, comme des éléments supplémentaires, qui s'insèrent dès leur apparition dans le jeu complexe des agents qui leur ont donné nais- sance, pour préparer avec eux d'autres étapes de l'organisation de l'espace.

Cette manière de voir s'interpose apparemment entre le géo- graphe et son souci de formalisation. Car celui-ci, même raffiné, peut prendre figure de procédure mutilante s'il réduit le changement aux seuls mécanismes évolutifs effectivement observables dans le cadre d'un bref laps de temps. Le développement cumulatif, irréversible, en un mot historique, lui échappe alors qu'il est essentiel.

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B. Alternance, tension ou complémentarité ?

Comment articuler les deux recherches de régularités d'une part et de spécificités d'autre part ? Se succèdent-elles à travers les ava- tars de notre discipline ? S'opposent-elles dans une sorte de tension dialectique? Ou se complètent-elles sans heurt parce que situées dans des plans différents ?

Une rétrospective apporte des arguments en faveur de la première hypothèse. De science de la particularité des lieux, avec ses déviances

« exceptionnalistes » mais aussi ses heures de gloire « régionales », la géographie semble être passée progressivement - depuis deux décen- nies surtout, et sous la double pression externe des transformations

de l'espace lui-même et interne d'un changement d'optique

-à une problématique fondamentalement «nomothétique» (ou nomologique).

Cependant la réalité de structures spatiales demeure. Le double courant volontariste (avec l'aménagement du territoire) et régiona- liste (avec certaines prises de conscience collectives) apporte des argu- ments rajeunis à ceux qui veulent parler d'un visage de la Terre personnalisé en chacune de ses parcelles. Faut-il, dès lors, concevoir notre discipline comme écartelée entre deux vérités antagonistes : l'une qui soutient que l'ordre de l'espace ressortit à des mécanismes réguliers qu'il nous appartient de découvrir au plus vite ; l'autre, qui suggère qu'il échappe à toute mise en normes véritables parce qu'il est en perpétuel devenir ?

La troisième hypothèse, celle de l'harmonie, reste la plus attirante.

1. Dans l'étude des distributions comme dans celles des struc- tures - c'est là le double propos d'une enquête sur l'organisation de l'espace - notre démarche doit comporter deux mouvements.

L'un d'eux consiste à évaluer le degré de conformité qui existe entre un modèle, explicite et élaboré, posé d'entrée de jeu, et les caractères effectifs du périmètre observé. (Des itérations permettent

d'affiner, par retouches, le schéma de départ). L'approche est, fon- damentalement, explicative. On s'efforce de rendre compte des prin- cipales interactions qui régissent l'ordre spatial - étant plus ou moins sous-entendu que dans le temps qui précède et dans celui qui suit le moment actuel, les mécanismes demeurent constants. On note les écarts par rapport au comportement général et l'on en recherche alors les raisons spécifiques. Certaines sont identifiables, d'autres doivent

être imputées au hasard.

L'autre mouvement infère les caractères nouveaux issus de la combinaison des différents éléments du « paysage ». Il tente du moins de cerner ces émergences, qui se manifestent simultanément à diffé-

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rentes échelles ; de dégager ce que le mélange de régularités et d'ano- malies produit d'original. (N'y aurait-il d'ailleurs qu'une texture spa- tiale parfaitement régulière, l'investigation n'en conserverait pas

moins son plein sens). C'est évidemment dans cette phase d'approche qu'il convient de prendre en compte ce qu'apportent et ce qu'im- posent les spécificités de position et de structure évoquées plus haut.

On ne voit pas comment une simulation, opérée à partir des modèles de référence utilisés dans le cadre de la perspective explica-

tive précédente, permettrait d'atteindre l'objectif visé par ce second mouvement : saisir le résultat. Le discours ici devient donc inductif.

Et il a un caractère synthétique.

II. Appliqué à deux exemples simplifiés, pour des raisons de clarté, jusqu'à la caricature, ce schéma conduirait au cheminement

suivant (fig. 2).

A quelle trame, à quel dispositif sous-jacent, d'abord, répond le bassin hydrographique ou le maillage urbain-rural en question ? Puis, par rapport aux modèles retenus, dendritique d'un côté, poly- gonal simple de l'autre, comment expliquer le cours fantaisiste de l'affluent (le rive gauche, comment comprendre la position excen- trique de deux villages et l'existence d'une ville supplémentaire ? L'analyse clinique permettra alors, sans doute, de justifier les anoma- lies

- ici par un incident structural ..., là en raison d'avantages (ou de handicaps) physiques et/ou humains ... -; ou de les qualifier d'aléatoires.

Ce faisant on n'aura pas épuisé la richesse du réel. Car à chaque instant il naît quelque chose de neuf de la combinaison d'éléments

dont beaucoup rentrent dans les normes du modèle et dont quelques- uns s'en écartent. C'est cette structure présente, passagère, mais d'une importance évidente pour la suite, qu'il convient désormais d'appréhender. Il rie s'agit plus de chercher à quel type d'explication

se réfère le bassin hydrographique dans son ensemble ou dans telle de ses parties, mais de comprendre l'organisme original, plus ou moins marqué, plus ou moins cohérent, qu'il constitue présentement, et le dynamisme (avec ses régions fortes et faibles) qu'il possède. Il ne s'agit plus d'expliquer pourquoi le réseau des villes et des villages est ainsi tressé, et pourquoi telle ou telle portion déroge, mais de dégager les flux d'hommes, de biens ou d'idées, les solidarités et les disparités, les axes et les clivages qui découlent du maillage tel qu'il existe.

III. La spécificité des lieux apparaît ainsi doublement cernée.

Comme e résidu» au sens statistique du terme dans le cadre du pre- iuier mouvement -à caractère « nomothétique »; comme point de

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9

r4ý-2e

v77

,r /ýý /R

Fig. 2. En haut, un schéma de bassin hydrographique.

En bas, un schéma de maillage de villes (V) et villages (r). Les

anomalies par rapport aux modèles respectifs sont indiquées parle signe ZL

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départ, dans le cadre du second - -à caractère « idiographique ». Les deux approches sont également nécessaires. Le courant de pensée traditionnel, très sensible à cette possibilité d'émergences spatiales et à leur enchaînement dans le temps, a court-circuité la démarche globale en ne distinguant pas assez les deux éclairages. Le courant de pensée « quantitativiste », attentif aux régularités, traitées jusqu'alors

avec timidité et autant dire négligées, manque - ou a manqué ?- escamoter l'autre aspect : celui des surgissements de réalités singu- lières, non déductibles, mais inductrices.

Il n'y a pas d'antagonisme entre la recherche des lois et l'enre- gistrement des émergences en matière d'organisation spatiale, si l'on se représente ces deux démarches comme situées en quelque sorte dans (les plans perpendiculaires. Pour chaque portion de territoire il existe alors, compatible et simultanée, une réponse en terme de méca- nismes et une autre en terme de spécificités.

Les hésitations de la géographie - de la géographie de l'école fran- çaise notamment - devant la formalisation tiendraient ainsi, mises à part les circonstances externes évoquées au début de l'article, à une raison fondée et à un malentendu.

La raison fondée : l'ordre (le l'espace, en chacun de ses points, à chaque niveau scalaire, à chaque moment, est émergence et donc histoire. Il échappe ainsi à une théorétisation.

Le malentendu : la conscience de l'irréductibilité de tout lieu apparaît trop souvent, et à tort, comme devant se négocier avec la perspective nomologique - celle-ci étant reconnue, à bon droit, comme essentielle.

Une connaissance globale de l'espace implique en réalité un recours sans restriction aux deux approches. Mais elles sont orthogonales.

Et l'une est analytique, l'autre synthétique.

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LA GÉOGRAPHIE PHYSIQUE : SCIENCE NATURELLE ET APPLIQUÉE

par A. P. A. VINK 1

La géographie physique est à la fois une science de la Terre et une science du milieu humain. Cette dualité ressort de la définition sui- vante qui précise les divers aspects que présente une portion de l'espace terrestre (BRINKMAN and SMYTH, 1973) :« Cet espace est défini géographiquement comme une partie spécifique de la surface de la Planète ; ses caractères comprennent tous les attributs raison- nablement stables, ou considérés d'une façon prévisible comme stables, de la biosphère, verticalement, en dessus et en dessous de cette surface. Il inclut aussi les caractères de l'atmosphère, du sol et des roches sousjacentes, de l'hydrologie, des populations végétales et animales et des effets des activités humaines anciennes et actuelles, autant que ces attributs exercent une influence significative sur les utilisations présentes et futures de l'espace terrestre par l'1-Ionune. «>

Tous ces aspects sont étudiés par la géographie physique, bien que celle-ci ne soit pas la seule science qui s'en occupe.

On peut dire aussi que la géographie physique étudie les paysages qui apparaissent comme des arrangements naturels d'espaces ter- restres. Ce dernier point de vue a été développé dans un ouvrage récent (JUxcERIuS, KOSTER et KNVAAD, 1973). Ce livre sera, pour une bonne part, la base du présent exposé.

Dans les paysages, on peut reconnaître maints éléments diffé- rents : des formes, des matériaux et des ensembles intermédiaires entre les formes et les matériaux, ainsi que des communautés d'orga-

nismes vivants. Tous ces phénomènes sont liés par des processus anciens qui ont causé les phénomènes présents, et des processus actuels, qui relient les phénomènes. Ces processus actuels engendrent des formes et des matériaux nouveaux avec des corrélations qui sont souvent différentes du point de vue qualitatif et, quantitatif. L'étude des formes et des matériaux, permettant des conclusions génétiques, est souvent considérée comme l'aspect le plus typique de la géogra- phie physique, et surtout de la géomorphologie, science faisant partie

de la géographie physique sans en être synonyme.

1 Professeur Dr Ir. A. P. A. VINK, professeur de géographie physique et de pédologie à l'Université d'Amsterdam. Dapperstraat 115, Amsterdam Oust.

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Indubitablement, toutes les études génétiques des paysages sont d'une grande importance théorique et pratique. Sans la connaissance des processus génétiques ayant produit les paysages actuels avec leurs multiples formes et matériaux, notre compréhension des relations apparentes de nos jours serait très réduite. Aucune recherche des processus actuels ne trouverait une base scientifique suffisante. Pour comprendre la genèse des paysages, il faut non seulement étudier la genèse des formes, c'est-à-dire la morphogenèse, mais encore la genèse des matériaux et de ces complexes corrélatifs, de formes et de maté- riaux, qu'on appelle les sols, autrement dit la pédogenèse. En outre, il ya toujours l'eau qui coule dans tous les paysages et qui est un facteur dynamique de la genèse des formes et des sols, sans négliger son rôle prépondérant dans tous les aspects écologiques des paysages.

En principe, chaque science a pour but non seulement la descrip- tion et l'analyse des processus anciens, mais encore l'étude des pro- cessus actuels et futurs ainsi que leurs conséquences, bien que les prévisions dépendent toujours de la variabilité des facteurs écolo- giques et génétiques dans chaque paysage. Ainsi la géomorphologie dynamique ou « actuo-géomorphologie » envisage surtout les pro- cessus actuels, de même qu'en pédologie l'évolution des sols sous les conditions actuelles joue un grand rôle. Il en est de même pour la climatologie, science d'actualité bien connue et d'importance jour-

nalière.

L'essentiel (le toutes les études de paysages, donc de toute la géographie physique, est d'étudier sur place les phénomènes réels, les paysages avec leurs formes et, leurs matériaux c'est-à-dire de faire (les recherches de terrain. Celles-ci sont indispensables en géographie physique, sous la forme soit (le levers systématiques, soit d'investiga- tions bien organisées et plus ou moins quantitatives. Ces recherches

doivent, de nos jours, être complétées par des analyses de laboratoire pour obtenir des résultats quantitatifs et des conclusions suffisam-

ment précises. Il peut s'agir d'études sur (les modèles (modèles réduits, nrathérnati(lues ou électriques) ou d'analyses des matériaux. Ces der- nières, surtout, ont acquis une place iniportante en géographie physique ; en effet, elles sont devenues nécessaires pour obtenir une plus grande précision et pour élargir la compréhension des relations

génétiques et autres.

Dans certains milieux scientifiques l'opinion règne que la carto- graphie des phénomènes est quelque chose de démodé, d'ailleurs plus un travail (le routine qu'une démarche scientifique. Le chercheur brillant paraît perdre son temps en s'appliquant à lever soigneuse- ment et avec beaucoup d'effort physique, les phénomènes dans le

terrain. Heureusement que l'expérience montre le contraire ! Des

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levers systématiques ne fournissent pas seulement l'inventaire des- criptif des terrains mais aussi les relations génétiques et écologiques de ces derniers. La cartographie thématique des terres, avec les diffé- rentes particularités de la géomorphologie, des matériaux, des sols et de l'écologie des paysages, constitue la seule méthode efficace pour connaître le mieux possible les formations d'une région. C'est la seule façon de préciser leurs origines, diverses ruais fortement liées, et leurs conditions écologiques variées, si importantes pour les organismes et les sociétés humaines.

Le développement moderne de la cartographie des paysages ne peut pas s'imaginer sans l'utilisation des photographies aériennes et, plus précisément, (les techniques nouvelles de la télédétection. Mais

c'est surtout l'interprétation stéréoscopique et systématique des photos aériennes conventionnelles (panchromatiques ou infrarouges) qui constitue une technique indispensable aux levers à la fois efficaces et précis. Cette méthode surtout nous a permis des levers d'assez grandes régions sur des cartes à échelle moyenne (1 : 50 000 et 1: 25 000), en une durée acceptable. Ainsi, les cartographes ont pu se concentrer sur leurs recherches de terrain.

La planification rurale et urbaine, et tout autre projet d'aména- gement, demande une connaissance précise des lieux et des régions en question. On se sert toujours de cartes, plus ou moins détaillées selon les objectifs et, les étapes de réalisation d'un projet. Les appli- cations pratiques de la géographie physique se présentent sous forme de « cartes d'interprétation des ressources des terres », appelées aussi

« cartes de vocations », « cartes des aptitudes » ou encore « cartes de limitations des terres », etc. A côté de ces cartes, l'évaluation des terres en vue de l'agriculture, du génie civil, de l'urbanisme ou d'une planification générale peut se combiner avec toutes les autres données relatives aux terrains, en fonction d'un certain but pratique. C'est ici aussi que la géographie physique touche directement à la géogra- phie humaine, à l'économie ainsi qu'à d'autres sciences sociales. Seule la synthèse entre ces sciences nous permet une utilisation des terres qui corresponde aux besoins des sociétés humaines et qui tienne sulli- samment compte des ressources que nous offrent les terres. Les

méthodes de mise en valeur des terres et de leur bonification, bien connues en génie rural et en génie civil, sont indispensables à ce propos ; il faut donc que les géographes qui s'occupent de ces pro- blèmes aient au moins une connaissance de base de ce qu'agriculteurs

et ingénieurs peuvent faire de ces terres.

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A. Quelques directions et méthodes de recherches

La complexité des terres et les intérêts différents des chercheurs créent une multiplicité de directions de recherches en géographie

physique. A propos de la géomorphologie uniquement, il existe de nombreuses idées, fort diverses, et des méthodes variées conduisant

à un éventail très large de recherches (TRICAHT, 1965; DuHY, 1966;

CAHSON et KIRKBY, 1972). Nous ne mentionnerons que les recherches entreprises à l'Institut d'Amsterdam (JuNGERIUS, KOSTER et KWAAD,

1973). Elles peuvent se répartir en trois groupes portant . 1. sur les processus, 2. sur les matériaux, et 3. sur les levers.

Ces recherches ont pour objets les mêmes phénomènes, en en déga- geant des résultats complémentaires, selon les méthodes utilisées.

L'étude des processus met l'accent sur la géomorphologie dynamique,

ou l'actuogéomorphologie comme on l'appelle aussi aujourd'hui. Les levers ont tendance, d'une part, à donner une synthèse, bien que partiellement basés sur des hypothèses quant à la genèse des phéno- mènes cartographiés, en fournissant des résultats meilleurs sur la morphogenèse et même sur la paléomorphologie. D'autre part, les levers délimitent, d'une façon plus ou moins détaillée selon l'échelle, des unités de terrain avec leurs différents caractères utiles à l'écologie et à la mise en valeur. Quant aux recherches sur les matériaux, elles sont importantes pour les deux autres domaines d'investigations de la géographie physique.

Dans l'étude des processus, on peut distinguer assez nettement entre les terrains qui sont relativement stables durant une certaine période et qui sont soumis aux processus d'altération et de pédo- genèse, et les terrains plus ou moins instables. Ceux-ci sont exposés à des mouvements de masse et à des transports par les eaux. De plus, il ne faut pas oublier que dans de vastes régions, l'érosion éolienne influence les paysages. Ces derniers processus, bien que d'une impor-

tance non négligeable, ne seront traités que superficiellement dans le présent article. Leur rôle dans la formation des sols et (les paysages de l'Europe occidentale et centrale, c'est-à-dire des paysages de loess et de sables de couverture, est connu depuis plusieurs années (MARÉ

CHAL et MAAHLEVELD, 1955 ; VINK, 1949).

De même, pour une certaine région, on peut distinguer des périodes d'instabilité et des périodes de stabilité. L'alternance de ces périodes, surtout à la fin du Tertiaire et au cours du Quaternaire, a déterminé la diversité des paysages actuels. En définitive, la connais- sance plus approfondie des processus, des matériaux et de leur répar-

tition par des cartes donne des éclaircissements sur l'évolution de la surface terrestre et sur les conditions écologiques actuelles. Elle permet

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des prévisions indispensables à chaque intervention future, y compris la « non-intervention relative » due à la conservation de la nature.

Quant aux processus d'altération et de pédogenèse, il faut attirer l'attention sur quelques phénomènes. L'altération physique des roches, la désintégration sous les influences climatiques, est influencée surtout par leur porosité. Elle peut être augmentée par le gel, l'inso- lation, par la présenée de sels et par la libération de tensions origi- nelles. La porosité peut aussi être due à une altération chimique anté- rieure, mais dans la plupart des cas elle est le résultat des structures originelles des roches : superposition des couches, diaclases, plans de schistosité, faces des minéraux, clivages.

L'influence des sels sur l'altération physique peut être considé- rable dans certaines régions. Nous connaissons des exemples de plu- sieurs pays, mais aussi des expériences menées dans notre laboratoire

(KWAAD dans KA'AAD, LEVELT et SLOTBOOU, '1970). La désintégra- tion d'un granite sous l'influence alternante de températures et d'humidité bien précises (12 heures à 150 et 90 %; 12 heures à 700 et 10 %) mais sans sel a été négligeable même après huit semaines.

Au contraire, durant une même période, la présence de solutions salines (MgSO4i Na2CO3, Na2SO2, NaCI) a produit une désintégration assez remarquable et différente pour chacun des sels. Ces processus ne se rencontrent pas seulement dans la nature, mais encore là où les industries libèrent de fortes concentrations de S02 ; le risque est particulièrement grave pour les bâtiments en calcaire, car la forma- tion de gypse peut agir considérablement sur l'altération.

Les processus d'altération chimique et de la pédogenèse sont beau- coup mieux compris qu'il ya quelques années. La plupart sont causés par des réactions chimiques qu'on peut reproduire quantitativement

et qu'on peut calculer. Ce sont essentiellement des phénomènes de dissolution et de précipitation, d'hydrolyse, d'oxydation et de réduc- tion dont les facteurs quantitatifs sont en grande partie bien connus.

On peut calculer aussi les conditions de stabilité des différents miné- raux secondaires produits par ces réactions, en relation avec les concentrations présentes et les constantes thermodynamiques.

Les migrations de matières (humus, fer, ions, argile) dans les pro- fils pédologiques s'expliquent de la même manière, étant donné les conditions d'environnement actuelles ou anciennes (du Pléistocène

ou du Tertiaire) dans lesquelles se sont trouvés ces sols. La méthode d'analyse quantitative totale des sols, complétée par les analyses minéralogiques, nous donne la possibilité de calculer les compositions

normatives des divers horizons d'un profil et d'en déduire la genèse d'une manière beaucoup plus précise qu'auparavant (Monn,

BAHEN et van SCHUYLENBORGH, 1972 ; SEVINH, 1974). van

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L'eau est le facteur dominant dans la genèse et dans les processus actuels de presque tous les paysages du monde, même dans ceux qui sont situés dans des régions fortement arides. L'hydrologie est donc

une science indispensable à nos recherches. Dans un sens général, les relations entre le bilan hydrologique des diverses régions climatiques

et les systèmes fluviatiles, ainsi qu'avec les grands systèmes géo- morphologiques, sont très bien connus depuis près d'un siècle. L'écou- lement des eaux météoriques jusque dans les rivières et dans les

fleuves n'a été étudié sérieusement que dans les dernières décennies (HoRTON, 1945). Le modèle théorique de HoRTON qui considère les ruissellements superficiels (u overland flow ») comme la source prin- cipale doit être encore adapté aux conditions variées des divers paysages. Cela donne aussi la corrélation avec les processus d'érosion,

avec ceux de solifluxion, périglaciaire et autres, et avec les glissements de terrain ou mouvements de masse. Ce complexe de processus est en relation aussi bien avec les structures des formations géologiques

qu'avec le climat, l'hydrologie et la nature des sols. En outre, ces processus constituent une fonction de l'écologie, en termes d'éco- systèmes naturels, de l'écologie et des actions humaines. Cela vaut une intégration très intéressante des diverses sciences pour étudier

les processus et pour faire des prévisions valables (Bos, 1971).

Les processus climatiques montrent évidemment des relations avec les grandes zones planétaires. Mais d'autres relations existent avec les étages ou zones altitudinales et certains aspects du paysage, ainsi que cela est le cas dans certaines régions de la Suisse (SCHREIBER,

1968). Le paysage urbain, par contre, a été moins étudié ; et pour- tant, ses conditions météorologiques et ses climats sont influencés par divers facteurs, et ont eux-mêmes une influence assez importante sur l'écologie humaine. La production de chaleur de la ville d'Amster-

dam, par différentes installations et par le trafic motorisé a été, en 1970, de 18 ()00.1012 calories. Il faut y ajouter la production de vapeur d'eau et celle de divers produits chimiques (suie, CO, S02, NO, NO2, I-12S, h', Cl2). Il est indéniable que l'étude de l'atmosphère

urbaine est un défi considérable à la science et, qu'en même temps, elle a une importance directe pour notre vie quotidienne.

Les analyses de matériaux nécessaires à la géographie physique, mais pas exclusivement, sont

- l'analyse micromorphologique des coupes minces de sols, plas- tifiées à l'état naturel, et des roches

- l'analyse palynologique des tourbes, des sédiments et des sols - l'analyse minéralogique des roches et des fractions sableuses et limoneuses des sédiments et des sols ;

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- l'analyse minéralogique des fractions

argileuses (en employant entre autres, les rayons X)

- des analyses chimiques et physico-chimiques.

Une discussion de ces méthodes prendrait trop de place ici. Les méthodes indiquées sont assez bien connues dans leurs aspects géné- raux. Pour leur application aux problèmes spéciaux de la géographie physique et de la pédologie, certains développements mériteraient de retenir l'attention des spécialistes (JUNCERIUS, KoSTER et KWAAD,

1973).

Des levers de différents types jouent un rôle particulier en géo- graphie physique. Le développement moderne de leurs méthodes a d'ailleurs contribué fortement à leur emploi dans des buts théoriques et pratiques. L'interprétation des photos aériennes surtout a donné une forte impulsion à la méthodologie de la cartographie pour la géomorphologie, la pédologie et pour les levers écologiques des terres et des paysages. La photo-interprétation systématique est une méthode qui demande une bonne connaissance scientifique, non seu- lement du sujet propre, niais aussi de ses relations avec les phéno- mènes visibles dans l'image stéréoscopique des photos aériennes

(VINK, 1963 ; REY et al., 1968 ; VINK, 1970). De ces objets, la con- figuration du terrain est des plus importantes pour la plupart des sciences ; c'est pourquoi une bonne connaissance de la géomorpho- logie est la base des systèmes de photo-interprétation pour des sciences telles que la géologie, la pédologie et l'écologie des paysages (Landschaftsiikologie, TROLL, 1966). En plus de l'interprétation de photos aériennes de divers types (panchromatiques, infrarouges, colorés-infrarouges), d'autres méthodes de télédétection ont été déve- loppées afin d'obtenir des images de la Terre : images thermiques, images radar, images multispectrales. Ces méthodes donnent une

extension des moyens saris remplacer la photo-interprétation clas- sique ; elles peuvent être complémentaires par leur sensibilité pour des longueurs d'ondes non visibles et par leurs échelles, souvent beaucoup plus petites que celles des photos ; il est possible ainsi de couvrir de très grandes superficies en peu de temps.

Les divers types de levers à préconiser sont la cartographie géomorphologique ;

la cartographie typologique des paysages - la cartographie pédologique

- la cartographie écologique des paysages.

La cartographie géomorphologique a pour but de lever les formes de terrain de manière à préciser aussi bien les formes mêmes que leur

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extension spatiale. La carte géomorphologique peut aussi donner des informations sur la genèse des formes, sur leurs matériaux constitutifs

et sur leur âge. Il existe divers types de légendes pour ces levers ; ceux utilisés en France en donnent un bon exemple (TRICAJIT, 1965).

Pour la carte systématique des Pays-Bas, à l'échelle de 1: 50 000, MAARLEVELD et ses collaborateurs ont développé une légende appli- cable à ce pays de plaines et de sédiments. La carte qui dessert des objectifs différents, comprend aussi certains critères utilisés, dans la

typologie des paysages, pour la récréation humaine, notamment dans les catégories du microrelief.

La cartographie typologique des paysages a surtout comme objec- tif de servir la planification relative aux aspects visibles des paysages.

Ille sert l'urbanisme en indiquant les formes de relief qui peuvent servir comme base de diversification du paysage urbain. Elle précise aussi les formes de relief d'importance touristique et contribue encore à la conservation de la nature.

Les levers pédologiques peuvent être exécutés à des échelles très différentes (VINK, 1963). La plus petite échelle, celle de la Carte mon- diale des sols est au 1: 5 millionième ; la plus grande, utilisée unique-

ment pour des levers sur des surfaces très restreintes et dans un but spécial (recherches botaniques, champs d'expérimentation) est au

1: 1000 voire 1: 500. Chacune de ces échelles correspond à des objec- tifs particuliers, théoriques et pratiques. Les sols sont des phéno- inènes naturels, tridimensionnels, avec des caractères très spécifiques, dus à l'action du climat, de la végétation et de l'homme sur les roches

mères, sous des conditions particulières de relief et d'hydrologie, durant des périodes pouvant s'étendre de quelques années à quelques

millions d'années. Ces levers constituent la meilleure méthode pour étudier la genèse et la classification des sols, en fournissant du même coup des informations indispensables pour des applications pratiques, connue, par exemple, l'utilisation et l'amélioration des terres. Les cartes à grandes échelles (l : 1000 à1: 25 000) sont surtout utilisées dans le terrain lors de l'exécution de projets, tandis que les cartes à échelles intermédiaires (1 : 50 000 à1: 200 000) servent à la planifi- cation régionale et nationale. Les cartes à plus petites échelles per- nieftent en premier lieu des inventaires, y compris dans la planifi- cation mondiale comme le Plan mondial indicatif pour l'agriculture et l'alimentation de la FAO (Organisation des Nations Unies pour l'ali- nientation et l'agriculture, Rome). C'est dans le cadre de cette orga- nisalion qu'a été établie la prciuière légende vraiment mondiale pour la t arlographic des sols (Dcnnr., 1968) ; elle convient très bien, avec quelques adaptations, aux cartes pédologiques à échelles plus grandes que celle de la carte mondiale (FAO-UNESCO, 1971).

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Les cartes écologiques des paysages ou « cartes géo-écologiques » sont développées sur un principe mis au point par le géographe alle- mand Carl TROLL, il ya une quarantaine d'années (TROLL, 1966).

Ce principe est conçu de façon à inclure non seulement l'écologie des communautés animales et végétales mais aussi, et surtout, l'éco- logie humaine en relation avec les paysages. On a constaté dans cer- taines régions du monde, notamment dans certaines parties de l'Italie

et de la Suisse, que les cartes pédologiques ne constituent pas le meilleur document pour représenter tous les phénomènes qui, dans les paysages, déterminent les variables importantes pour l'écologie humaine. Dans tous les paysages, les sols sont un facteur écologique de premier ordre, mais fréquemment les variations écologiques sont déterminées davantage par l'altitude, par le relief, par la stabilité ou l'instabilité des pentes ainsi que par l'exposition de celles-ci au soleil et aux vents. Pour des paysages, nous sommes en train d'établir des

« cartes écologiques de paysages ». En Suisse, les travaux de SCHREI- RER (1968) et HAERERLI (1968,1971) ont été des contributions fonda- mentales à ce sujet. Les cartes de ce type sont aussi bien, voire meilleures, et mieux adaptées pour l'évaluation des terres à des fins pratiques que les cartes pédologiques de certaines régions.

B. Quelques applications

La géographie physique, comme toutes les sciences naturelles, peut être étudiée comme une science pure dont la préoccupation

fondamentale est de trouver, ou du moins d'approcher autant que possible, la vérité des phénomènes dans la nature. Maints exemples prouvent que, même de cette manière, des données permettant des applications essentielles pour la vie humaine ont été obtenues. En fait, sans l'exécution régulière de recherches fondamentales, les

sciences « appliquées » aboutissent facilement à un pragmatisme qui ne permet pas même les applications les plus directes.

Néanmoins, l'étude des applications d'une science est aussi essen- tielle que la recherche fondamentale. Les applications exigent souvent des synthèses qui, sans elles, ne seraient pas faites si facilement par la science « pure ». Des synthèses qui, bien que partiellement hypo- thétiques, donnent des vues nouvelles également sur la science elle-

même. L'accent qui est mis alors sur les divers aspects d'une science est aussi une raison de s'écarter des lignes de recherches tradition- nelles qui persistent souvent dans la recherche scientifique. Cela

a pour conséquence, non seulement que la science devienne plus appli- cable, mais encore que la recherche fondamentale permette de décou-

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vrir des directions de recherches inattendues. En outre, les applica- tions exigent souvent des solutions quantitatives, même si elles restent approximatives. Celles-ci profitent aux applications mêmes et ont ainsi une importance suffisante pour attirer notre attention.

Mais il existe aussi des cas où cette tendance à la quantification sti- mule fortement l'étude des relations scientifiques.

Nous avons déjà relevé certaines applications des études faites sur les processus d'altération et sur la climatologie. Les applications

de la géomorphologie et de l'hydrologie sont bien connues pour les constructions civiles et les aménagements ruraux, aussi bien que pour la planification générale et rurale. De nombreux exemples pourraient

être mentionnés dans toutes les régions du monde à propos des appli- cations des cartes pédologiques et des cartes écologiques, ainsi les Land Systems Surveys du C. S. I. R. O. en Australie. Une attention toute

particulière doit être portée sur la problématique de « l'évaluation des terres » (Land Evaluation, BRINKMAN et SIMYTH, 1973).

L'évaluation des terres est une méthodologie complexe qui sert à (les applications systématiques de nos connaissances en géographie physique et en pédologie. La systématique internationale est en voie d'élaboration depuis la Consultation de la FAO qui s'est tenue à Wageningen en 1972. D'autres publications lui ont déjà été consacrées

(VINK, 1963) et elle sera discutée plus longuement dans un ouvrage Iný qui paraîtra prochainement (VINK, 1974). Cette systématique consi- dère la terre comme un complexe de ressources pour les systèmes écologiques et pour les activités humaines. Dans les écosystèmes cultu- rels établis par l'homme, divers types d'utilisation des terres peuvent être reconnus, chacun ayant ses méthodes d'aménagement des res- sources selon divers niveaux techniques et économiques et sous des conditions sociales différentes. Les aptitudes des terres sont considé- rées systématiquement selon leur utilisation avec ou sans améliora-

tions foncières.

Cette évaluation nous fournit la possibilité de faire entrer nos connaissances en géographie physique dans tous les domaines de l'ac- tivité humaine, en milieux ruraux et urbains, y incluant non seule- ment l'agriculture, mais aussi les constructions civiles, la récréation

des populations urbaines et touristiques ainsi que la conservation de la nature. Elle peut être combinée non seulement avec des considéra-

tions techniques, économiques et sociales, mais aussi avec des consi- dérations écologiques qui, de nos jours, ont un rôle prépondérant non seulement dans les pays industrialisés, mais aussi dans les pays en voie de développement (DE ll, t. As et RIJNBERG, 1973).

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GÉOGRAPHIE DU TOURISME

DANS LE CANTON DE NEUCHATEL'

par Jean-Louis CucHL et Jean-François OBERLI

1. Présentation du canton de Neuchâtel

Les Alpes, comme passage obligé de l'émigration touristique vers la Méditerranée ou comme lin touristique, constituent un pôle créa- teur de flux, à l'égard desquels le canton de Neuchâtel est loin de présenter tous les avantages des centres-relais. Le canton de Neu- châtel, sans être défavorisé par les réseaux routier et ferroviaire, ne possède pas le caractère des régions à forte implantation touristique

de l'Europe parce qu'il demeure à l'écart des principaux axes de transports continentaux.

Région du Jura central à relief accentué, le canton de Neuchâtel comprend plus de pentes douces que de plateaux. Il est divisible en deux compartiments naturels -- la zone littorale et la zone jurassienne - déterminés par leur altitude relative (isohypse de 650 ni) et leur

climat. Le relief, d'orientation générale sud-est-nord-est, se caracté- rise par une suite de plis assez peu ordonnés qui fragmentent le terri- toire en cellules. L'érosion karstique et ses particularités ont offert à

l'homme la possibilité (le désenclaver certaines régions, et de profiter des cluses et des accidents du terrain. Malgré des voies de communi- cation qualitativement suffisantes partout, les sites privilégiés de l'habitat se concentrent dans la zone littorale, en relation plus directe avec les autres régions de la Suisse, et rendue plus attractive par les conditions climatique et topographique.

Le Jura est une région à climat tempéré, exposée aux effets (les courants d'ouest (d'origine océanique) et des niasses d'air continen- tales. Il reçoit la plus grande partie de ses précipitations en été. Ce phénomène plaide en faveur de vacances tardives - août, septembre - lorsque les vents sont rares. De façon générale, la zone jurassienne est moins ensoleillée en été, et plus en hiver que la zone littorale.

1 D'après un travail présenté le 15 mai 1972 au Séminaire de géographie, Université de Neuchâtel, Saint-Nicolas 4, CII 2000 Neuchâtel.

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2. Histoire du tourisme dans le canton de Neuchâtel

La vocation touristique du Jura neuchâtelois est assez récente.

Autrefois, il ne constituait qu'un des passages entre la plaine nord européenne et le Moyen-Pays helvétique. A part certains relais de

diligences, il n'est fait mention à la fin du XVIIIe siècle que des métropoles horlogères, de Valangin et de Neuchâtel. Les « touristes » étaient alors les rouliers, les pèlerins, les soldats et les colporteurs,

plus rarement des curistes et des réfugiés. Le tourisme moderne démarre au début du XIXe siècle, à l'époque de la révolution industrielle.

3. Formes du tourisme et de l'hébergement

L'établissement d'une typologie du tourisme permet d'éclairer les tendances majeures du comportement de nos hôtes : le tourisme de week-end, cet exode hebdomadaire, se révèle le plus souvent transi- taire, c'est-à-dire économiquement superficiel. Le tourisme vacancier, qui suppose une fixation temporaire des immigrants, demeure négli-

geable au Pays de Neuchâtel, sauf en juillet-août, quand d'ailleurs se fait sentir la polarisation du littoral. La généralisation des congés hivernaux n'a pas, comme dans les Alpes, un impact considérable sur les clients potentiels, dans le Jura, malgré la promotion du ski de fond. Le canton de Neuchâtel attire essentiellement les touristes épris de montagne et de promenades, amateurs de calme, de visites spora- diques des sites et biens culturels. Ces aspirations ne sont le propre d'aucune catégorie sociale particulière : c'est le tourisme familial qui semble le plus courant.

Les loisirs actifs (sports, visites, voyages) et passifs (activités culturelles et divertissements) impliquent un choix ; ce choix est sou- vent celui d'un compromis (loisirs mixtes) que le canton de Neuchâtel est le mieux en mesure de satisfaire. Ce compromis permet d'ailleurs l'utilisation, en priorité indigène, de l'infrastructure d'accueil, celle-ci

(sports, divertissements, gastronomie) n'étant satisfaisante que dans le littoral et les villes.

Les disponibilités hôtelières classiques restent rares ; par contre, la « parahôtellerie » est abondante : pensions, campings, auberges.

Seules les villes-étapes sont pourvues d'un complexe d'hébergement et de restauration adéquat (surtout Neuchâtel et La Chaux-de-Fonds).

On peut rendre compte de l'importance de l'équipement communal d'hébergement en calculant le taux de fonction touristique (TFT), c'est-à-dire : 11; " 100 (Variables :L= nombre de lits d'hôtel ;P=

population résidente). Les limites de signification d'une telle équation

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