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Le projet francophone. De Bucarest (2006) à Québec (2008) : de l'analyse du discours à l'impact stratégique réel

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HAL Id: tel-01444807

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Submitted on 24 Jan 2017

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Le projet francophone. De Bucarest (2006) à Québec (2008) : de l’analyse du discours à l’impact stratégique

réel

Arnaud Pannier

To cite this version:

Arnaud Pannier. Le projet francophone. De Bucarest (2006) à Québec (2008) : de l’analyse du discours à l’impact stratégique réel. Linguistique. Université Paris 3 - Sorbonne Nouvelle, 2014.

Français. �tel-01444807�

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ÉCOLE DOCTORALE 268

Langage et langues : description, théorisation, transmission

THÈSE

En vue de l’obtention du grade de :

Docteur en Didactique des langues et des cultures Discipline : Sciences du Langage

Le projet francophone. De Bucarest (2006) à Québec (2008) : de l’analyse du discours à l’impact

stratégique réel

Présentée et soutenue publiquement le 15/12/2014 par Arnaud PANNIER

Directeur de la thèse: Valérie SPAËTH Devant le jury composé de

Président :

NARCY-COMBES Jean Paul, Professeur des Universités. Université Sorbonne Nouvelle Paris-3 Directeur

SPAËTH Valérie, Professeure des Universités. Université Sorbonne Nouvelle Paris-3 Rapporteurs

SARFATI Georges-Élia, Professeur des Universités. Université Blaise Pascal Clermont-Ferrand

Von MÜNCHOW Patricia, Professeure des Universités. Université Paris Descartes

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Le projet francophone. De Bucarest (2006) à Québec (2008) : de l’analyse du discours à l’impact stratégique réel

RESUME

Ce travail, à la croisée des trois champs d’études que sont les sciences du langage, l’analyse du discours et l’ingénierie de la formation interroge la notion de projet francophone dans le contexte institutionnel de ce début de siècle.

Est-il possible de fédérer autour d’un projet collectif l’importante communauté politique qui adhère à l’Organisation Internationale de la Francophonie? Pour répondre à cette question, cette thèse analyse les discours prononcés par les chefs d’État et de gouvernement rassemblés lors des sommets internationaux de l’OIF. Elle se focalise plus précisément sur les discours prononcés à l’occasion des sommets de Bucarest (2006) et de Québec (2008), moment charnière où l’OIF dispose de la légitimité nécessaire pour initier une nouvelle dynamique francophone.

La réflexion procède en trois temps distincts. Tout d’abord, elle s’emploie à articuler les notions de francophonie, de discours et de projet en les posant dans des champs conceptuels de référence. Dans un second temps, elle identifie quatre axes, sources de légitimité, qui parviennent à spécifier le projet francophone. Les notions de gouvernance, de citoyenneté, l’usage des nouvelles technologies et l’affirmation d’un projet du vivre ensemble, permettent de définir un horizon d’attente qui contribue à caractériser la dynamique francophone. Enfin, dans un dernier mouvement, la réflexion s’emploie à analyser les liens entre le discours politique cadre qui initie le projet et les conditions de sa mise en œuvre. Elle insiste à ce propos sur le rôle des enseignants de français, maillon essentiel qui favorise le dialogue entre les populations et les institutions, et qui exerce donc une responsabilité particulière.

Au final cette thèse s’emploie à démontrer que le projet de la Francophonie doit aujourd’hui se construire dans un dialogue constamment renouvelé entre des besoins exprimés sur le terrain, et des autorités politiques susceptibles de structurer un espace de faisabilité du projet.

Mots clés : analyse du discours / Francophonie / ingénierie de la formation / projet francophone / citoyenneté / gouvernance du XXI

e

siècle / nouvelles technologies.

The Francophone Project: Political Discourse Analysis and Strategic Outcomes in the Context of the Summits at Bucharest (2006) and Quebec (2008)

SUMMARY

This work at the intersection of three fields of study—language sciences, discourse analysis, and training course design—interrogates the notion of the Francophone project in its institutional context at the beginning of this century.

Is it possible to unite around a collective project the sizeable political community belonging to the International Francophone Organization (l’Organisation Internationale de la Francophonie—the OIF)? To answer this question, this thesis analyzes speeches given by heads of state and government during the international summit meetings of the OIF.

More specifically the thesis focuses on the speeches made at the summits hosted in Bucharest (2006) and Quebec (2008), a pivotal moment in which the OIF has the necessary legitimacy to initiate a new Francophone dynamic.

The work proceeds in three distinct phases. First, it attempts to articulate the notions of “Francophonie”, discourse, and project by placing them in the conceptual fields outlined in the relevant literature. Second, the thesis identifies four axes, sources of legitimacy that allow the specification of the Francophone project. The notions of governance, citizenship, the employment of new technologies, and the affirmation of a project of living together allow for the definition of an expected horizon contributing to the characterization of the Francophone dynamic. Finally, in the third phase, the work attempts to analyze the connections between the framework political discourse that initiates the project and the conditions of its execution. In this regard the work insists on the role of French teachers, the essential link in fostering dialogue between populations and institutions, and who thus have a particular responsibility.

In the end this thesis tries to demonstrate that today Francophone project must be constructed through a constantly renewed dialogue between the needs voiced in the field and the political authorities capable of establishing a space of feasibility for the project.

Key words: discourse analysis, “Francophonie”, training course design, Francophone project, citizenship,

governance in the 21st century, new technologies

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Dédicace

"Nous acceptons comme francophones tous ceux qui sont ou semblent destinés à rester ou à devenir participants de notre langue..."

Onésime RECLUS, France, Algérie et Colonies, Hachette, 1880

"La langue est un lien remarquable de parenté qui dépasse en force le lien de l`idéologie (...). La langue française constitue l`appoint à notre patrimoine culturel, enrichit notre pensée, exprime notre action, contribue à forger notre destin intellectuel et à faire de nous des hommes à part entière".

Habib BOURGUIBA, Chef de l’État tunisien (1957-1987) devant

l`Assemblée nationale du Niger, en décembre 1965

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Remerciements

Je tiens tout d’abord à remercier Mme le Professeur Valérie SPAËTH, pour la confiance manifestée tout au long de ce travail, qui sous sa direction et grâce à ses conseils, s’est révélé passionnant à poursuivre.

M. le Professeur Jean-Paul NARCY-

COMBES m’a fait l’honneur de présider au Jury de soutenance. Je l’en remercie

profondément.

Les Professeurs Mme Patricia Von

MÜNCHOW et M. Georges-Elia SARFATI ont accepté d’être les rapporteurs de cette thèse. Je les en remercie, ainsi que de leur participation au Jury.

Pour leur soutien et leurs encouragements, je remercie les Professeurs Pierre MARTINEZ et Pierre DUMONT avec lesquels il a toujours été aisé et agréable de dialoguer.

Enfin, je remercie tous ceux qui autour de

moi, parents et amis, m’ont encouragé à

poursuivre mes efforts, en vue de la

soutenance de cette thèse.

(6)

Sommaire

Introduction ...9

Chapitre 1 : Polémiques et débats autour de l’émergence du projet francophone 15 Chapitre 2 : Discours et projet : mise en relation des concepts ... 87

Chapitre 3 : Caractérisation du projet francophone... 127

Chapitre 4 : Francophonie et gouvernance... 157

Chapitre 5 : La francophonie comme espace de citoyenneté... 177

Chapitre 6 : Francophonie et nouvelles technologies... 215

Chapitre 7 : Le projet francophone et l’affirmation d’un vivre ensemble... 253

Chapitre 8 : Perspectives pour un nouvel essor du projet francophone ... 287

Conclusion ... 322

Bibliographie ... 327

Index des notions ... 340

Index des auteurs cités et mentionnés ... 343

Table des matières ... 345

(7)

Liste des illustrations

Figure 1: carte de la Francophonie politique...17

Figure 2: Commonwealth, organigramme du Secrétariat Général (2011) ...32

Figure 3: OIF, organigramme 2011...35

Figure 4: OIF, directions et composantes 2011 ...37

Figure 5: OIF, organigramme 2012...39

Figure 6: Principales problématiques abordées lors des sommets de la Francophonie...61

Figure 7: Relevé des amorces verbales de la déclaration du sommet de Québec (2/4 sept. 1987 ) ...66

Figure 8: Relevé des amorces verbales de la déclaration du sommet de Dakar (24/26 mai 1989) ...68

Figure 9: Relevé des amorces verbales de la déclaration du sommet de Chaillot (19-21 nov. 1991) ....68

Figure 10 : Relevé des amorces verbales de la déclaration de Maurice (16/18 oct. 1993) ...69

Figure 11: Relevé des amorces verbales de la déclaration du sommet de Cotonou (2/4 déc. 1995) ....69

Figure 12: Relevé des amorces de la déclaration du sommet de Hanoi (14/16 nov. 1997)...70

Figure 13: Évolution de la nature des articles qui composent le texte des déclarations de la Francophonie (période 1987-1997) ...71

Figure 14: Fréquence des formes verbales qui établissent un lien entre les pays francophones et un environnement géopolitique élargi...73

Figure 15: Fréquence des amorces qui introduisent les prises de position de pays membres de la Francophonie dans les textes des déclarations officielles ...76

Figure 16: Structuration de la déclaration de Cotonou (1995) ...79

Figure 17: Structuration de la déclaration de Chaillot (1991) ...80

Figure 18: Relevé des documents officiels produits à l'issue des sommets de la Francophonie (1986/2010) ....84

Figure 19: Les implicites du projet ... 112

Figure 20: Questionnement mobilisé par l'ingénierie de la formation ... 120

Figure 21: La rose des vents de J.P. Boutinet (2010, 149) ... 121

Figure 22: Intervenants au sommet de Bucarest (2006) ... 143

Figure 23: Intervenants au sommet de Québec (2008) ... 145

Figure 24: Plan détaillé des interventions prononcées à la tribune des sommets (2006 et 2008) ... 146

Figure 25: Décompte des différents types d'intervention à la tribune francophone... 148

Figure 26: Répartition géographique des intervenants du sommet de Bucarest (2006) ... 150

Figure 27: Répartition géographique des interventions du sommet de Québec (2008) ... 150

Figure 28: Répartition géographique des pays membres de l'OIF (2013) ... 150

(8)

Figure 29: Nombre d’interventions prononcées par le chef de l’État ou de gouvernement .. 151

Figure 30: Découpage d'un discours du Secrétaire Général de l'OIF, [Buc-12] ... 155

Figure 31: Continuité de l’action francophone entre les sommets de 2004 et de 2006... 165

Figure 32: le schéma actanciel, A.J. Greimas (1966,47)... 195

Figure 33: Déroulé de l'onglet la Francophonie, site de l'OIF 2012... 225

Figure 34: Déroulé de l’onglet Secrétaire Général, site de l’OIF 2012... 225

Figure 35: Déroulé de l’onglet Actions, site de l’OIF 2012 ... 225

Figure 36: Déroulé de l’onglet Actualités, site de l’OIF 2012 ... 226

Figure 37 : Déroulé de l’onglet Ressources, site de l’OIF 2012 ... 226

Figure 38: Déroulé de l’onglet Espace presse, site de l’OIF 2012 ... 226

Figure 39: Organisation de la page d’accueil du Commonwealth... 229

Figure 40: Menu accessible à partir de la page What we do du site du Commonwealth ... 230

Figure 41: Organisation de la page d’accueil de l’Union Latine ... 232

Figure 42: Découpage séquentiel d’un discours de Blaise Compaore [Buc-03]... 237

Figure 43: structuration des déclarations de Bucarest (2006) et de de Québec (2008) ... 289

Figure 44: Grille de lecture : comment positionner le projet francophone ?... 317

Figure 45 : Zone d’efficacité du projet francophone... 319

(9)

Abréviations

AAD : Analyse automatique du discours

ACCT : Agence de coopération culturelle et technique AEFE : Agence pour l’enseignement du français à l’étranger AIF : Agence intergouvernementale de la Francophonie AIMF : Association internationale des maires francophones AUF : Agence universitaire de la Francophonie

AUPELF : Association des universités partiellement ou entièrement de langue française CFB : Communauté française de Belgique

CMF : Conférence ministérielle de la Francophonie

CONFEMEN : Conférence des ministres de l’Éducation nationale des pays ayant le français en partage.

EPT : Éducation Pour Tous

FIPF : Fédération internationale des professeurs de français FLE : Français Langue Étrangère

FLM : Français Langue Maternelle FLS : Français Langue Seconde

FOAD : Formations ouvertes et à distance

IFADEM : Initiative francophone pour la formation à distance des maîtres IFN : Institut de la Francophonie numérique

MAEE : Ministère des Affaires étrangères et européennes

MAEDI : Ministère des Affaires étrangères et du développement international OIF : Organisation internationale de la Francophonie

OMD : Objectifs du Millénaire pour le Développement ONU : Organisation des Nations Unies

UE : Union Européenne

UNESCO : United Nations Educational, Scientific and Cultural Organization / Organisation

des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture.

(10)

Introduction

La F / francophonie est une matière première complexe à travailler. La présence ou l’absence de majuscule est caractéristique des ambiguïtés sémantiques d’un terme qui recouvre un champ sémantique très large et dont l’emploi exige précision et rigueur. Pour résoudre une première difficulté, nous conserverons dans la suite de ce travail la distinction entre la Francophonie institutionnelle, désignée avec une majuscule et la francophonie perçue comme pratique sociale, dont la première lettre est une minuscule.

Fortement imprégnée des soubresauts de l’Histoire du XX

e

siècle, la Francophonie réunit dans une entreprise politique, culturelle et sociale des pays profondément divers, qui acceptent toutefois de se reconnaître une identité commune. Une langue, une histoire, des valeurs fonderaient une communauté certes très hétérogène, mais dont les intérêts stratégiques pourraient être conciliés.

L’Organisation Internationale de la Francophonie (désormais OIF) est une entreprise politique qui s’est progressivement dotée des mécanismes et des opérateurs nécessaires pour revendiquer un statut d’interlocuteur multilatéral.

Les sommets de la Francophonie, réunissent depuis 1986 les chefs d’État et de gouvernement qui ont décidé d’adhérer à cette organisation. Depuis le sommet de Kinshasa en 2012, 77 pays, membres et observateurs, ont témoigné de leur intérêt à participer à cette communauté mondiale, la seconde en importance après l’Organisation des Nations Unies.

La Francophonie est aussi l’objet de toutes les polémiques. Au Nord comme

au Sud, de nombreuses critiques perturbent le message politique que l’OIF tente de

(11)

véhiculer. Si l’organisation cherche à se positionner comme une tribune internationale promouvant la diversité culturelle au service d’une action volontariste en faveur de la paix et des Droits de l’Homme, ses opposants soulignent ses contradictions et son immobilisme. Là où l’OIF revendique une modernité, ses adversaires dénoncent un dispositif politique archaïque encore influencé par l’Histoire coloniale du XX

e

siècle. À titre d’exemple, l’adhésion du Qatar aux instances de la Francophonie, lors du sommet de Kinshasa de 2012, témoigne de ces polémiques qui entravent fortement la lisibilité de la démarche politique. Si les défenseurs d’un tel partenariat mettent en avant le volontarisme du Qatar en matière de promotion du français et le rôle stratégique que ce pays peut être conduit à assumer en Afrique au service de la diffusion de la langue française, ses détracteurs dénoncent une incohérence du projet en appuyant sur la quasi-absence de locuteurs francophones au Qatar. De fait, plusieurs visions de la Francophonie s’affrontent dans un espace politique marqué par le morcellement et la division.

Au travers de telles tensions, c’est la notion de projet francophone qui est engagée. De plus en plus concrètement, l’OIF s’emploie à regrouper politiquement des États afin d’inscrire une action collective dans une démarche opérationnelle. Les débats qui émergent à ce propos témoignent d’une ambiguïté entre la strate institutionnelle et le projet francophone qui cherche encore à justifier sa légitimité.

Ce projet est difficilement lisible, car il se trouve au cœur des polémiques et des tensions qui opposent de nombreux acteurs ou observateurs de la vie francophone. Des espaces politiques, géographiques, culturels sont entremêlés autour d’un concept difficile à appréhender. L’absence d’une définition claire et objective rend d’autant plus complexe l’émergence d’un projet univoque, dont les objectifs pourraient être partagés par l’ensemble des acteurs impliqués.

Ce travail se propose d’interroger la notion de projet francophone, afin de

voir dans quelle mesure celui-ci peut revendiquer une légitimité, au vu du contexte

historique dans lequel nous nous situons. À travers l’analyse du discours politique

prononcé lors des sommets qui regroupent les différents acteurs politiques de la

communauté francophone, nous nous emploierons à étudier la façon dont les débats

(12)

orientent le projet, lui offrent des perspectives, ou au contraire, renoncent à structurer une démarche négociée. Cette négociation se trouve en effet au cœur de l’entreprise. Profondément marqué par le multilatéralisme, le projet francophone, s’il existe, doit parvenir à concilier les intérêts contradictoires des divers États membres impliqués. Ce processus de négociation est nécessaire pour structurer une communauté d’intérêts et encourager des États devenus partenaires à engager une action collective et à revendiquer des objectifs communs.

Dans cette démarche, nous mobiliserons des outils provenant d’horizons distincts, en nous efforçant d’articuler les travaux de chercheurs de différents champs disciplinaires. Ainsi, les sciences du langage, l’ingénierie de la formation et l’analyse du discours permettront l’entrecroisement des recherches d’auteurs de référence comme M. Pêcheux, P. Boutinet et G.E. Sarfati. L’objet de notre recherche portera spécifiquement sur les discours politiques qui représentent le cadre de faisabilité dans lequel des chefs d’État et de gouvernement peuvent définir une stratégie commune et négocier une action à entreprendre. L’enjeu de la définition d’un projet francophone repose sur la capacité des acteurs à entrevoir des perspectives communes, qui justifient une action concrète, au service d’objectifs stratégiques partagés. Une importance particulière devra donc être apportée aux discours du Secrétaire général de l’OIF, homme de synthèse, qui doit orienter les débats, dessiner des positions communes, et engager une communauté dans la voie d’une action concrète qui permettra de légitimer le projet politique engagé.

Derrière les concepts de multiculturalisme, de Droits de l’Homme ou de diversité culturelle qui sont promus par l’OIF, le projet de notre étude consiste donc à analyser comment les discours politiques parviennent à se concilier autour d’enjeux forts qui engagent une action commune. Notre travail interroge la cohérence et la pertinence du projet francophone : comment ce projet parvient-il à se formuler dans le discours, conquérant ainsi la légitimité pour être déployé à travers l’action des opérateurs dont s’est progressivement dotée l’OIF?

Nous envisagerons cette problématique à travers deux sommets qui

constituent une période charnière dans le cheminement politique francophone : les

(13)

sommets de Bucarest de 2006 et de Québec en 2008. Ces deux sommets représentent en effet, nous l’observerons, une période de maturité où l’OIF est parvenue à se doter des outils et de la gouvernance nécessaires pour assumer avec volontarisme le pilotage de dynamiques ambitieuses. Le discours peut dès lors envisager de se projeter dans une action : le dire et le faire francophones peuvent être articulés l’un à l’autre et notre travail veut s’employer à analyser leur relation afin de définir dans quelle mesure le discours politique peut engager une action concrète, représentative d’une volonté multilatérale qui serait parvenue à se manifester.

Afin de favoriser la lecture de ce travail, nous proposons dans nos annexes des tables récapitulant les différentes interventions prononcées à la tribune francophone lors des sommets de 2006 et de 2008. Lorsque nous aurons besoin de citer ces discours, nous indiquerons une référence qui permettra au lecteur d’identifier le nom et la fonction de l’intervenant, ainsi que le sommet au cours duquel le propos s’est tenu. Ce choix nous est apparu plus opportun qu’un appareillage de notes de bas de page, qui rendait la lecture moins confortable. Par exemple, l’intervention de Jacques Chirac, Président de la République Française, lors de la cérémonie solennelle d’ouverture du sommet de Bucarest de 2006, sera désignée sous la mention [Buc-04]. Il suffira de se reporter aux annexes pour retrouver la référence complète. Les annexes permettront aussi de se référer aux discours, prononcés lors des sommets de Bucarest et de Québec par les différents chefs d’État et de gouvernement.

Afin d’identifier la spécificité du projet francophone, tel qu’il est progressivement défini dans le discours politique, nous procéderons en plusieurs temps successifs.

Dans la mise en place de notre réflexion, il convient de se préserver de

certains risques de dérive, tant la Francophonie est une entreprise politique

fortement marquée par la polémique et les partis-pris. Notre première partie

s’emploiera donc à étudier la notion de Francophonie, à l’analyser dans ses

dimensions diachroniques et synchroniques, afin d’évaluer la réalité politique

(14)

pragmatique qui caractérise son cheminement historique (cf. infra p.15). Cette première partie permettra aux analyses à venir de se garantir des partis-pris et des polémiques qui perturbent la lecture objective de l’action francophone telle qu’on l’observe se tisser dans l’entrelacs et la succession des interventions politiques des sommets de Bucarest et de Québec.

Nous nous emploierons ensuite à mettre en relation un certain nombre d’hypothèses de travail, afin de justifier l’approche méthodologique de notre réflexion. Les notions d’analyse du discours et de projet francophone doivent être posées en regard l’une de l’autre afin d’observer de quelles façons elles peuvent s’articuler (cf. infra p.87). Il apparaît en particulier nécessaire de justifier le rapprochement des sciences du langage et de l’ingénierie de la formation, espaces disciplinaires qui sont peu fréquemment conciliés. La problématique spécifique de notre travail nous encourage à réinvestir ces deux matières à penser dans une démarche commune. Notre profil professionnel nous engage aussi à la conciliation de ces deux champs d’études, puisque chargé de la promotion de la langue française auprès du Ministère français des Affaires Étrangères et du Développement International (MAEDI), nous nous employons maintenant depuis plus d’une dizaine d’années à travers différentes fonctions, à concevoir et piloter des projets de terrain qui répondent à des besoins de formation fortement ancrés dans une perspective stratégique. Des fonctions distinctes d’assistant technique chargé des projets de formation continue auprès du Ministère haïtien de l’Éducation Nationale, ou d’Attaché de coopération pour le français auprès de l’Institut Français de Corée du Sud nous permettront régulièrement de réinvestir une expérience acquise sur le terrain dans le cadre de la réflexion que nous nous proposons d’engager tout au long de ce travail.

Notre réflexion pourra dès lors s’engager dans l’analyse des discours

prononcés lors des sommets de Bucarest (2006) et de Québec (2008). Notre objectif

consiste à observer comment, dans la succession des déclarations et des points de

vue mis en scène par de hauts représentants politiques, se dessine progressivement

l’opportunité d’une action concertée qui justifie l’opportunité d’un projet commun.

(15)

Le projet francophone est ainsi légitimé par l’opportunité d’un faire ensemble. Il devient une entreprise négociée sur un plan multilatéral qui permet de dépasser les intérêts partisans de chacun des pays membres et d’engager une projection politique commune. À travers l’analyse des discours prononcés à la tribune francophone, il nous semble que quatre dimensions spécifiques permettent de légitimer cette approche commune du projet (cf. infra p.128). C’est dans une telle perspective que nous questionnerons tour à tour les notions de gouvernance (cf.

infra p.158), de citoyenneté (cf. infra p.178), de nouvelles technologies (cf. infra p.216) et l’affirmation d’un projet collectif (cf. infra p.254), en observant comment ces notions parviennent tout à la fois à fédérer les pays francophones autour de positions communes et à engager l’opportunité d’une action conjointe. C’est dans la définition de cet espace de faisabilité que le projet de la Francophonie peut être approché et caractérisé.

Enfin, la dernière partie de notre étude (cf. infra p.288) nous engage à tenter une définition des spécificités du projet francophone. Nous observerons l’espace de faisabilité dans lequel peut se déployer ce projet. Dès lors, analysant les relations entre les acteurs engagés et soulignant le rôle auquel peuvent prétendre les enseignants de français, nous observerons les liens qui peuvent exister entre le discours politique cadre qui initie le projet et les conditions de sa mise en œuvre sur le terrain. Cette inscription dans l’opérationnel est révélatrice des critères de cohérence et de pertinence qui pourraient valider l’idée d’un projet francophone comme entreprise politique multilatérale projetée vers un avenir concerté.

Afin de rendre notre réflexion opérationnelle, nous proposerons un instrument d’analyse à travers lequel évaluer la cohérence et la pertinence d’un projet, au regard des différents acteurs engagés et des relations qui les associent.

Cet instrument, fortement influencé par notre expérience professionnelle,

représente un outil concret qui témoigne de la transition entre le dire et le faire, du

passage entre la commande institutionnelle et la réalisation de terrain.

(16)

Chapitre 1 : Polémiques et

débats autour de l’émergence

du projet francophone

(17)

Les sommets de Bucarest et de Québec constituent les jalons d’une Histoire institutionnelle francophone qui assume de plus en plus ouvertement son ambition politique. Depuis 1986 et le sommet de Paris, les chefs d’État et de gouvernement se rencontrent tous les deux ans

1

autour des grands enjeux de l’actualité internationale. Ces réunions politiques permettent à l’institution francophone de rechercher des positions qui font consensus au sein de la communauté d’États représentés. Elles offrent aussi l’opportunité d’un dialogue entre les commanditaires et les opérateurs de la Francophonie qui acquièrent la légitimité nécessaire pour assumer le pilotage, entre deux sommets, du projet francophone.

Ce dialogue prend la forme d’un ensemble de discours prononcés à la tribune, qui permettent de rendre compte des positions politiques assumées par les chefs d’État et de gouvernements de 77 pays, aujourd’hui membres ou observateurs de l’OIF. L’ensemble de ces discours est reproduit dans nos annexes.

Le monde francophone apparaît particulièrement diversifié, comme en témoigne cette carte de la Francophonie politique, complétée par la liste des États membres et observateurs de l’OIF :

1

Ce rythme bisannuel a été adopté à partir du sommet de Québec en 1987.

(18)

Figure 1: carte de la Francophonie politique

2

La Francophonie actuelle, avec 77 membres associés ou observateurs, comporte plus du tiers des membres de l’Organisation des Nations Unies, ce qui fait

2

Source: http://www.francophonie.org/-77-Etats-et-gouvernements-.html

(19)

de l’OIF la seconde organisation multilatérale mondiale. On peut distinguer à travers ce rassemblement politique une hétérogénéité linguistique forte. Le français est la langue officielle unique dans 12 États, où il est donc en situation de monopole. On peut aussi dénombrer 18 pays où le français est une langue officielle partagée. Dans 13 de ces 18 États, le français est néanmoins en concurrence avec une autre langue officielle majeure comme l’espagnol, l’anglais, l’arabe ou l’allemand. Dans plus de la moitié des États membres de la Francophonie, le français n’est pas une langue officielle. Dans 26 pays de cet ensemble, cette langue est même très peu parlée puisque moins de 1% de la population est capable de s’y exprimer en français.

Comme on l’observe à travers ce panorama qui nous pousse à nous interroger sur le français comme liant politique, l’OIF s’emploie donc à regrouper un ensemble d’États très hétérogène sur le plan linguistique, qui décident pourtant de collaborer au sein d’une organisation internationale afin d’esquisser un projet collectif qu’il nous convient de définir.

Notre réflexion engage l’hypothèse que la diversité géographique et socioculturelle de l’espace francophone peut-être fédérée à travers la mise en œuvre d’une dynamique commune. Elle implique aussi que les caractéristiques du projet francophone peuvent être isolées à travers l’analyse du discours politique. Il n’existe pas de projet sans commanditaire, sans autorité susceptible de définir l’horizon d’attente et le contexte de faisabilité. Souvent décrié, l’espace politique des sommets offre l’opportunité de fixer de telles orientations, de définir des relations transversales entre des États qui s’engagent à collaborer, à identifier des objectifs stratégiques partagés et témoignent ainsi d’une volonté d’agir ensemble.

Le projet politique francophone ne peut pas être défini dans l’émiettement

des dynamiques, qui sur le terrain, peuvent être engagées par une multitude

d’acteurs, répartis sur les cinq continents, et impliqués dans des champs d’activités

très variés. Un projet politique nécessite un pilotage institutionnel fort, légitime,

susceptible de définir le cadre dans lequel les opérateurs pourront décliner leur

activité spécifique. Seuls les sommets de la Francophonie, en réunissant les chefs

d’État et de gouvernement des pays membres, peuvent prétendre fixer ce cadre et

(20)

donner mandat au Secrétaire Général de l’OIF qui peut ainsi revendiquer une autorité vis-à-vis des opérateurs. Cette rencontre politique représente le moment où il devient possible de piloter une action concertée.

Notre réflexion consiste donc à observer comment, à la tribune francophone où se succèdent des orateurs politiques nationaux et quelques invités prestigieux, se dessine progressivement un discours synthétique, dont il revient au Secrétaire Général de l’Organisation Internationale de la Francophonie de formaliser les intentions. Dans une telle perspective, les sommets apparaissent comme un moment politique complexe, au cours duquel il convient d’assurer le passage de la parole singulière à la parole collective. Ce n’est que dans cette subtile transition du singulier au collectif que peut s’organiser l’articulation du dire et du faire, que le discours francophone peut devenir projet. Notre démarche reprend ce patient cheminement dans lequel la Francophonie cherche à se construire. La rencontre des acteurs politiques des membres de la Francophonie autorise l’émergence d’un discours multilatéral, qui ouvre des espaces au sein desquels il devient possible de travailler ensemble. Nous estimons que cette volonté peut conduire à la définition d’un projet, et que l’analyse des discours prononcés à la tribune francophone peut nous permettre d’en saisir la modernité.

Toutefois, avant de nous engager dans l’analyse des discours politiques, il convient de prendre quelques précautions et de définir une méthodologie de travail.

Ce sera l’enjeu de cette première partie de notre réflexion. Les notions de francophonie, d’analyse du discours et de projet qui seront au cœur de notre travail relèvent de champs disciplinaires distincts et il convient de justifier des articulations possibles entre ces différents champs d’études. Dans une telle perspective, il apparaît nécessaire de poser ces notions les unes par rapport aux autres et de justifier leur rapprochement.

Pour ce faire, nous procéderons en plusieurs temps.

Nous introduirons tout d’abord la notion de francophonie afin d’en explorer

le champ conceptuel. La francophonie implique une telle variété d’acteurs et de

(21)

dynamiques qu’il n’est pas aisé de concevoir son cheminement. Objet de nombreuses polémiques, il convient d’envisager avec neutralité cette force politique complexe. L’étude comparée de ses évolutions avec d’autres grands espaces linguistiques peut se révéler significative.

Nous tenterons alors de justifier la relation que nous jugeons essentielle qui articule le discours à l’action, le dire au faire francophones. À travers l’analyse de la Francophonie sur les plans diachroniques et synchroniques, nous observerons la progressive montée en puissance d’une ambition. Nous tenterons d’observer comment, dans ce parcours, les sommets de Bucarest (2006) et de Québec (2008) peuvent apparaître comme des moments de maturité qui justifient notre corpus.

Il conviendra ensuite de s’intéresser à la notion d’analyse du discours (cf.

infra p.89) pour en rappeler les présupposés théoriques et surtout pour mettre à distance les préjugés idéologiques qui pourraient perturber notre lecture à venir des discours politiques de la Francophonie.

Puis, nous tenterons de mettre en relation les notions de discours et de projet, en cherchant à justifier l’articulation de deux espaces scientifiques distincts.

Les sciences du langage et l’ingénierie de la formation (cf. infra p.109) peuvent, une fois conciliées, proposer un discours original, dont nous nous emploierons à légitimer la pertinence et la cohérence en l’appliquant à l’étude de notre corpus.

1. Un concept ambigu

La francophonie est une notion dont les frontières sémantiques,

géographiques et stratégiques, évoluent rapidement. Ainsi, le regard et les attentes

des différents acteurs impliqués dans son projet ne sont pas univoques, malgré la

progressive élaboration d’instances institutionnelles qui s’emploient à valoriser le

potentiel politique d’une communauté d’États ayant fait le choix, à l’initiale, de

s’associer autour d’une problématique linguistique.

(22)

Longtemps, les désaccords liés au devenir de la francophonie sont demeurés au second plan, masqués par l’urgence de la fondation institutionnelle. Toutefois, depuis la création du Poste de Secrétaire général de l’OIF, lors du sommet de Hanoi en 1997, une culture critique, rendue nécessaire par les évolutions géopolitiques, s’est progressivement constituée (Chaudenson, 1989 ; Renard, 2000). Cette émergence d’une modernité de la question francophone a permis de susciter la curiosité des observateurs de la vie internationale, même s’il a alors été de plus en plus complexe de définir la réalité francophone, qui est apparue écartelée entre plusieurs cheminements contradictoires. La stratégie francophone globale consisterait à promouvoir la diversité culturelle et à créer des alliances efficaces susceptibles de constituer des contre-pouvoirs face à la globalisation anglophone, au risque parfois de confier des positions assez paradoxales à la langue française.

En effet, le français, langue phare de la diversité culturelle, revendiquerait finalement un statut privilégié, qui menacerait cette même diversité.

Comme c’est souvent le cas avec les mots qui s’exhibent dans l’espace public, la réalité de ces enjeux est opacifiée par le paradoxe fondamental qui supporte la notion de francophonie et la rend difficilement saisissable par une approche rationalisante [sic]: d’une part, il s’agit d’affirmer, chiffres à l’appui, l’existence et la vitalité d’une communauté de locuteurs et de lui assigner un programme de rayonnement international ; d’autre part il s’agit de définir cette communauté et de justifier son homogénéité en référence à des traits de civilisation inscrits dans l’éternité du génie français. […] Au final, l’aporie constitutive du discours sur la francophonie se lit ainsi dans l’ambiguïté entre une posture de défense à l’égard d’un capital culturel perçu comme un patrimoine partagé par-delà les frontières politiques et une posture d’émergence, dans la mesure où ce patrimoine vise à être recapitalisé à l’échelle mondiale […] (F. Provenzano, 2006-2007, 97)

F. Provenzano témoigne ici de cette ambigüité sous-jacente à la notion de

francophonie qui conduit le mot selon lui jusqu’à l’aporie. La francophonie serait

tout à la fois une entreprise de préservation du multiculturalisme et dans le même

temps, l’opportunité politique pour certains pays, dont principalement la France, de

défendre et de valoriser un patrimoine spécifique. Ces deux dynamiques

contradictoires menacent l’émergence d’une définition synthétique et favorise le

morcellement conceptuel de la francophonie entre de nombreux lobbyings qui

s’emploient à conduire le projet francophone selon des trajectoires distinctes.

(23)

Si cette querelle est intéressante, dans la mesure où elle cristallise les débats sous-jacents de la scène francophone, elle ne rend toutefois pas assez finement compte des profonds clivages intellectuels et stratégiques qui mobilisent les différents acteurs impliqués autour d’une telle question. Le spectre sémantique de la francophonie est révélateur de cette fragilité, et témoigne de l’ambiguïté des approches. Si la francophonie (avec une minuscule) désigne généralement un ensemble de pays dans lesquels la langue française peut prétendre à un rôle véhiculaire ou culturel, la Francophonie (avec une majuscule) représente une notion politique, et désigne la communauté des États et gouvernements membres de l’OIF.

Ces deux termes en viennent au final à décrire deux réalités très distinctes, dont l’homonymie entretient une confusion délicate pour tous ceux qui s’emploient à dessiner un avenir commun à la communauté francophone. Nous pouvons illustrer ce point par l’exemple de l’Algérie qui ne fait pas partie de la Francophonie, même si une proportion non négligeable de la population de ce pays est capable de s’exprimer en français. Au contraire, si la proportion de Vietnamiens aptes à parler français est marginale, le pays participe en tant qu’État membre aux sommets de la Francophonie. On comprend dès lors comment les multiples périphrases qu’il a fallu élaborer pour s’adapter aux diverses situations politico-linguistiques ne facilitent pas une approche globale du problème. C’est ainsi que les mentions «non francophones», «partiellement ou entièrement de langue française» «ayant en commun l’usage du français», «ayant le français en partage» cohabitent dans les textes officiels afin de rendre compte de la diversité des possibles. Il n’en reste pas moins que les traductions du concept de francophonie constituent un exercice délicat et témoignent des ambiguïtés de la francophonie. Difficile en effet de présenter le Cap Vert ou la Bulgarie comme «french speaking countries» ou

«französichsprachigen Länder».

En France même, le terme ne bénéficie pas d’une meilleure lisibilité. Une

tradition ancienne l’associe à des questions d’ordre linguistique, la francophonie

renvoyant dès lors à tout ce qui a trait à l’usage de la langue française dans le

monde. Dans une conception plus géopolitique, la francophonie renvoie aux

(24)

relations bilatérales que le France peut partager avec tel ou tel État.

Traditionnellement en effet, la France a fait de la promotion culturelle et linguistique, l’un des axes porteurs de sa politique publique de coopération internationale. Enfin, dans une acception plus récente, encore discrète, la francophonie possède une dimension multilatérale et implique l’action multipartite d’une communauté d’États membres. L’existence de ces trois lignes de sens parallèles ne facilite pas, en France ou sur la scène internationale, l’émergence d’un concept politique univoque.

Cette question sémantique témoigne de la diversité des approches qui oppose certains pays qui souhaitent par exemple privilégier l’élargissement politique de la Francophonie à d’autres États, qui, au contraire, réclament le resserrement de la francophonie autour d’une communauté linguistiquement cohérente, seule apte, selon eux, à légitimer le projet sous-jacent. Le spectre sémantique dessine un large champ des possibles politiques, et ne renforce pas la cohérence de l’action francophone.

1.1 Anglophonie et francophonie : deux approches distinctes

Le paysage linguistique international est marqué par quelques grandes

phonies qui permettent de dessiner un peu rapidement un panorama linguistico-

géopolitique du monde. Ainsi, l’anglais, le français, l’espagnol, le portugais

notamment, langues des anciennes puissances coloniales, autorisent une

cartographie un peu simpliste, qui, rend compte de manière très schématique des

réalités linguistiques mondiales. Si ces catégorisations ont leur utilité, notamment

dans une perspective classificatoire, elles ne témoignent pas des nombreuses

subtilités, propres à chaque territoire. Elles ne facilitent pas non plus la prise en

compte des nouvelles réalités linguistiques, et l’émergence des langues d’influence

dont les diasporas favorisent le développement.

(25)

Pour l’Observatoire de la langue française de l’OIF

3

, l’attribution du label de

«langue mondiale» dépend de critères qualitatifs dont les plus importants sont la dispersion territoriale, le statut officiel national dans les pays, le statut officiel dans les organisations internationales, son enseignement comme langue étrangère, sa qualité d’outil de communication entre locuteurs non natifs et de vecteurs d’expressions culturelles diverses. Le linguiste Jean-Louis Calvet a quant à lui développé un «baromètre Calvet des langues»

4

qui propose un certain nombre de critères pour estimer l’impact et l’influence d’une langue, parmi lesquels on trouve par exemple le nombre de prix Nobel de littérature, l’indice de développement humain et le taux de pénétration d’Internet.

La distinction de tels critères qualitatifs et quantitatifs permettent de constituer des classements qui s’emploient à juger de l’importance des langues les unes par rapport aux autres. Ces classements sont généralement l’objet de nombreuses polémiques, aiguisées par des enjeux géopolitiques liés à l’influence revendiquée par tel ou tel État et ne favorisent pas l’étude des rapports de force entre les grandes aires linguistiques mondiales.

Pour autant, une réflexion sur le suffixe de phonie encourage une intéressante comparaison entre les termes d’anglophonie et de francophonie, susceptible de nourrir notre réflexion. Celle-ci impose un détour par l’Histoire coloniale afin de montrer que la langue peut revendiquer des fonctions diverses selon les ambitions politiques qui motivent sa diffusion. Ainsi, l’Angleterre et la France ont entretenu avec leurs colonies des relations très distinctes qui témoignent d’un rapport différent à la langue. Dans les deux espaces constitués, la langue a pu jouer une fonction centripète. Elle a participé à la relative cohésion de blocs qui se sont finalement désolidarisés sur le plan politique, mais dont les États demeurent encore aujourd’hui très liés autour d’enjeux de coopérations économique et culturelle.

3

Cf. http://www.francophonie.org/L-Observatoire-de-la-langue.html , consulté le 4 septembre 2014.

4

Cf. http://louis-jean.calvet.pagesperso-orange.fr/accueil.html (accès au baromètre en maintenance

en septembre 2014).

(26)

Le Commonwealth et la Francophonie, tels qu’ils existent aujourd’hui, ne peuvent se comprendre que par référence à l’histoire de la Grande Bretagne et de la France et de leur expansion dans le monde, à l’édification de leurs empires et aux étapes de la décolonisation.

Ils sont nés tous deux de l’extension au monde entier de la société internationale, longtemps limitée à l’Europe. Ils doivent leur existence à la mutation qui a affecté les Empires coloniaux constitués dès le XVI

e

siècle par les Français et par les Britanniques. Pour l’un et pour l’autre, la décolonisation a été le vecteur principal qui en a fait ce qu’ils sont. (J. Viot, 2003)

Comme le montre cet extrait de l’allocution de J. Viot, ambassadeur de France, qui ouvre en 2003 un colloque intitulé Francophonie et Commonwealth : quelles missions d’avenir?, les deux structures ont pu se développer à travers un substrat historique comparable. Ces espaces géopolitiques sont nés suite aux processus complexes de la colonisation puis de la décolonisation, et ont progressivement su se constituer en zones d’influence, aujourd’hui susceptibles d’exercer un lobbying au sein des différentes organisations internationales qui fonctionnent sur un mode démocratique.

Il est pourtant notable que si la Francophonie représente aujourd’hui l’axe fédérateur de l’ancienne communauté coloniale constituée autour de la France, il n’existe pas à proprement parler d’Anglophonie qui lui ferait pendant. Il conviendrait plutôt de mettre en regard les deux entités que représentent l’Organisation Internationale de la Francophonie et le Commonwealth, même si ces deux structures revendiquent des ambitions distinctes. De fait, l’espace linguistique ne recouvre pas les mêmes enjeux pour les deux anciennes métropoles. Ces différentes approches en viennent à provoquer un intéressant questionnement sur la relation du savoir et du pouvoir dans les deux espaces considérés, espaces au sein desquels la langue représente un outil d’influence privilégié.

E. Baneth-Nouailhetas (2010) montre comment trois expressions s’articulent

dans la sphère anglophone pour faire écho aux enjeux dont se réclame la

Francophonie. La conception britannique de la colonisation s’est avérée beaucoup

moins centralisatrice que la conception française. Sur 250 000 fonctionnaires

répartis sur plus de cinquante territoires coloniaux, seulement 6 000 furent recrutés

en Grande Bretagne.

(27)

La Grande Bretagne a toutefois longtemps attendu de ses colonies qu’elles financent sur leurs propres excédents leurs écoles, leurs routes, hôpitaux et autres infrastructures sociales. De fait, souvent, les territoires pauvres ou étendus n’ont pas pu s’équiper de façon très efficace. Par ailleurs, les colonies anglaises étaient particulièrement vulnérables à la situation économique mondiale, car elles n’étaient pas, comme la plupart des autres espaces colonisés, assurées de la vente d’une grande partie de leurs produits sur les marchés de la puissance métropolitaine.

Cette politique évolua à partir de 1940, époque à laquelle le Parlement annula les prêts consentis précédemment et décida du premier « acte pour le développement et la prospérité coloniale ». Il s’agissait alors d’aider les colonies britanniques à se doter d’équipements sociaux, mais aussi de favoriser l’investissement en vue du développement industriel de ces territoires. Le colonel Stanley, secrétaire d’État aux Colonies, déclara le 13 juillet 1943 qu’il était dans ses intentions d’encourager de telles industries secondaires dans les colonies britanniques, notamment celles

qui traiteraient les produits naturels, soit pour l’exportation, soit pour la consommation intérieure [et] celles qui ne demanderaient qu’une petite quantité de matières premières importées pour fabriquer, dans une usine de dimensions rationnelles, des objets simples manufacturés qui seraient entièrement absorbés par le marché local. (Olver, 1945, 42)

E. Baneth-Nouailhetas (2010) montre comment le Commonwealth, sur le

plan politique et économique, les English Studies comme champ disciplinaire

universitaire, et le concept de postcolonial comme dimension politique critique

doivent être associés pour rendre compte des multiples champs que doit assumer

le concept de francophonie. On utilise ici la notion de postcolonial dans le

prolongement du 120

ème

numéro d’Hérodote (2006). La revue met en regard la

diversité des formes que les dominations coloniales ont pu recouvrir et la forte

hétérogénéité des situations appelées postcoloniales, tant dans les anciennes

colonies que dans les ex-métropoles. Ces dernières sont en effet, depuis les

décolonisations, confrontées à des phénomènes sociaux, positifs ou négatifs, hérités

de l’Histoire. Les émeutes survenues en 2005 dans les banlieues françaises sont

(28)

l’une de ces manifestations, dont l’analyse a favorisé la traversée atlantique des postcolonial studies, un champ d’étude ancien de 25 années dans les universités américaines, mais dont E. Baneth-Nouailhetas (2010) situe la naissance au début des années 1960, en Australie.

On comprend dès lors la confusion terminologique qui menace le projet francophone. Intimement liés, les différents enjeux recouverts par l’action francophone sont interdépendants là où l’Anglophonie distingue plus précisément ses strates d’intervention. Les deux approches reposent donc sur des stratégies distinctes, qu’il convient d’étudier, car elles permettent de mieux percevoir les finalités profondes revendiquées par les projets politico-linguistiques sous-jacents.

Plus encore, dans la réflexion qui nous préoccupe, il est intéressant d’observer le regard porté par la Francophonie sur le projet anglophone, souvent présenté comme un contre-modèle. Il est pourtant notable que cette adversité des projets, que nous souhaitons dénoncer comme partiellement factice, contribue au positionnement international de la démarche francophone. Il apparaît ainsi dans l’intérêt de la Francophonie politique et institutionnelle de favoriser un clivage parfois artificiel, mais utile pour revendiquer davantage de légitimité.

1.2 Le français et l’anglais : deux rapports au monde tel qu’il va

L’héritage colonial explique la lutte d’influence que se livrent aujourd’hui

encore les différentes phonies et à travers lesquelles les pays membres des

organisations multilatérales s’emploient à renforcer leur lobbying international. Le

projet fondateur, à travers lequel les anciennes métropoles ont légitimé leur action

colonisatrice, conserve un siècle et demi plus tard, un impact fort sur les

représentations culturelles défendues en ce début de siècle. Il est ainsi intéressant

de noter, dès la fin du XIX

e

siècle, la différence d’approche entre la France et

l’Angleterre qui envisagent le rapport entre la colonie et la métropole de distincte

manière.

(29)

Ainsi, Jules Ferry, le 28 juillet 1885 déploie le raisonnement suivant, lors d’un débat à l’Assemblée Nationale :

« Il y a un second point, un second ordre d’idées que je dois également aborder […] : c’est le côté humanitaire et civilisateur de la question. […] Messieurs, il faut parler plus haut et plus vrai

! Il faut dire ouvertement qu’en effet, les races supérieures ont un droit vis-à-vis des races inférieures… [Rumeurs sur plusieurs bancs à l’extrême gauche.] Je répète qu’il y a pour les races supérieures un droit, parce qu’il y a un devoir pour elles. Elles ont le devoir de civiliser les races inférieures… Il [le parti républicain] a montré qu’il comprenait bien qu’on ne pouvait pas proposer à la France un idéal politique conforme à celui de nations comme la libre Belgique et comme la Suisse républicaine, qu’il faut autre chose à la France : qu’elle ne peut pas être seulement un pays libre, qu’elle doit aussi être un grand pays exerçant sur les destinées de l’Europe toute l’influence qui lui appartient, qu’elle doit répandre cette influence sur le monde, et porter partout où elle le peut sa langue, ses mœurs, son drapeau, ses armes, son génie (Applaudissements au centre et à gauche.) Quand vous direz cela au pays, messieurs, comme c’est l’ensemble de cette œuvre, comme c’est la grandeur de cette conception qu’on attaque, comme c’est toujours le même procès qu’on instruit contre vous, aussi bien quand il s’agit d’écoles et de travaux publics que quand il s’agit de politique coloniale, quand vous direz à vos électeurs : « Voilà ce que nous avons voulu faire » soyez tranquilles, vos électeurs vous entendront, et le pays sera avec vous, car la France n’a jamais tenu rigueur à ceux qui ont voulu sa grandeur matérielle, morale et intellectuelle. (Bravos prolongés à gauche et au centre. – Double salve d’applaudissements – L’orateur en retournant à son banc reçoit les félicitations de ses collègues) » (J. Ferry, cité par E. Baneth-Nouailhetas, 2010, 77).

Pour la France de la Troisième République, dont Jules Ferry peut apparaître

comme l’un des hommes les plus représentatifs, l’action coloniale s’entend donc

comme œuvre civilisatrice, entreprise de diffusion d’une pensée et d’une langue

auprès de peuples qui ne pourraient que bénéficier des apports d’une identité

politique, voire philosophique, assumée comme universelle. Il est intéressant de

noter que le concept d’influence, toujours au cœur de la politique étrangère

française du XXI

e

siècle, cohabite dans le discours de Jules Ferry avec la conception

d’un devoir moral et humanitaire. La langue est déjà positionnée dans un subtil

projet politique où il s’agit d’étendre un pouvoir, d’assumer une domination perçue

légitime car inspirée des idéaux politiques de la République française. Pour autant,

le français devient garant d’un équilibre. La langue est symbolique d’une domination

territoriale, mais assume aussi un rôle de développement humain, moral,

(30)

philosophique. Les aspects économiques, assez peu envisagés, sont quant à eux plutôt perçus à l’avantage de la métropole : la France n’a jamais tenu rigueur à ceux qui ont voulu sa grandeur matérielle, morale, et intellectuelle. Il reste intéressant de constater que la dernière phrase du discours de Jules Ferry conclut de manière ambiguë sur cette dimension matérielle, peu présente dans le reste du discours.

Malgré les soubresauts de l’Histoire et les évolutions rendues nécessaires de la politique linguistique et culturelle de la France, cette représentation universaliste de la langue a perduré tout au long du vingtième siècle. Le Général de Gaulle déclare au sortir des Indépendances :

« La France met à la disposition du monde une langue adaptée par excellence au caractère universel de la pensée (…) »

5

« Notre langue et notre culture constituent pour un grand nombre d’hommes hors de France et hors du Canada un foyer capital de valeurs, de progrès, de contacts et c’est tout à la fois notre avantage et notre devoir de la pratiquer et de la répandre »

6

Le français demeure, dans la vision politique du Général de Gaulle, une langue de valeurs qu’il convient de diffuser, par intérêt stratégique et devoir moral.

L’espace francophone est toujours clivé entre le pays source, la France, auquel le Général de Gaulle associe le Canada, comme un premier signe d’ouverture, et les pays cibles, espace externe qu’il convient de rencontrer et de rallier. La pratique du français est toujours associée à cette qualité d’universalité, donnée pour immanente. De même qu’avant 1789, la Monarchie de droit divin rendait indiscutable le pouvoir du souverain, la pratique du français, ne semble pas pouvoir être remise en cause. Langue des Lumières, le français est intrinsèquement langue de la Raison.

5

C. De Gaulle, discours prononcé à l’occasion du vingtième anniversaire de l’Unesco, le 4 novembre 1966.

6

C. De Gaulle, toast adressé à M. J. Lesage Premier Ministre du Québec, le 5 octobre 1961.

(31)

La conception britannique de la colonisation s’est avérée beaucoup moins centralisatrice, confiant de ce fait d’autres responsabilités à la langue anglaise.

L’entreprise coloniale britannique était généralement organisée autour de l’exploitation de structures de pouvoir locales et ne recherchait pas prioritairement l’harmonisation politique d’un empire qui aurait été régi par des principes universels.

La colonisation anglaise a ainsi souvent fonctionné sur le principe de «l’indirect rule». Les territoires étaient gérés par des chefs indigènes locaux au profit de la nation coloniale. Ces chefs traditionnels garantissaient généralement à la métropole des avantages commerciaux, comme l’assurance de monopoles ou de concessions, et versaient un impôt, en échange de quoi la puissance militaire coloniale garantissait leur maintien au pouvoir. Dans cette perspective, les administrations locales étaient souvent intégrées à l’administration coloniale britannique. De façon très pragmatique, la langue anglaise constituait un outil au service du fonctionnement de ce dispositif administratif. La vocation première de l’anglais n’était pas de rayonner, de favoriser l’influence morale et les idéaux politiques de la métropole. La langue constituait un outil, au service d’une relation perçue comme stratégiquement économique.

De fait, au sortir des Indépendances, les deux principales institutions nées de la Décolonisation, ont été influencées par ces approches très distinctes du rapport entre la métropole et ses colonies. Le Commonwealth britannique était politique et économique là où la Francophonie était linguistique et culturelle. Un demi-siècle plus tard, les lignes de démarcation ont bien entendu évolué. Les projets des deux institutions se sont rapprochés l’un de l’autre. Il est à ce propos intéressant d’entendre l’ambassadeur J. Viot mettre en relation les deux institutions en 2003, et témoigner des nouvelles orientations qui se sont progressivement dégagées :

La Francophonie telle qu’elle existe aujourd’hui n’est plus un nouvel avatar de la colonisation française. Elle ne s’inscrit pas dans un contexte post-colonial. Elle appartient à une nouvelle approche des relations internationales. […]

Dans le même temps, le Commonwealth sans chercher à s’élargir à l’ensemble du monde

anglophone s’est orienté vers l’accueil de nouveaux partenaires. Paradoxe de l’Histoire ! Alors que

la tradition britannique est faite de flexibilité et de souplesse, c’est le Commonwealth qui paraît le

(32)

plus structuré, tandis que la Francophonie reste une construction empirique en permanente évolution. (J. Viot, 2003)

L’Organisation Internationale de la Francophonie et le Commonwealth entretiennent aujourd’hui, dans un contexte international marqué par l’émergence de nouveaux blocs d’influence, un débat nourri qui facilite leur rapprochement stratégique et politique. Leurs évolutions réciproques sont significatives d’une adaptation à un contexte contemporain qui favorise leur dialogue et la mutualisation de leurs expériences.

Pourtant, ces deux approches, qui ont parcouru tout le vingtième siècle, témoignent d’un intéressant clivage : la Francophonie s’emploie, à l’initiale, à fonder une communauté culturelle là où le Commonwealth cherche à créer une communauté d’intérêts. En fonction de l’une ou l’autre de ces finalités, le rôle imparti à la langue évolue donc nécessairement. Le français est fédérateur et proactif dans un contexte international où il convient de mettre en avant le vivre ensemble et le travailler ensemble, sous peine d’être marginalisé. L’anglais apparaît davantage pragmatique. Il permet aux grands pays anglophones de stimuler les partenariats d’opportunités dans le champ des possibles politico-économiques. Il répond davantage à des besoins contextuels. Dans cette perspective, une institution comme le Commonwealth constitue une plate-forme collaborative privilégiée pour des États qui ont la langue anglaise en partage.

1.3 L’organigramme : révélateur d’orientations stratégiques

L’étude comparée des organigrammes du Secrétariat du Commonwealth et

du Secrétariat de l’Organisation Internationale de la Francophonie témoigne de ces

approches distinctes qu’il apparaît donc pertinent de réinvestir afin d’approfondir

notre réflexion.

(33)

Figure 2: Commonwealth, organigramme du Secrétariat Général (2011)

Cet organigramme, qui correspond à la période sur laquelle porte notre étude, témoigne d’une certaine concentration de la structure politique puisque la direction générale de l’institution, à laquelle est directement rattachée une cellule de communication, est subdivisée en trois pôles. Chacun de ces trois pôles apparaît ainsi articulé autour d’une problématique spécifique :

- une problématique institutionnelle, sociale et économique (colonne de gauche).

- une problématique politique, juridique, voire éthique à travers les Droits de l’Homme et la protection de l’enfance (colonne de droite).

- une problématique administrative et stratégique de fonctionnement

interne, dont le rôle de colonne vertébrale est souligné par le

positionnement central et le statut spécifique de son responsable

(34)

(Assistant Secretary-General en lieu et place de Deputy Secretary- General).

Par ailleurs, en regard de cet organigramme, on observe dans le plan stratégique 2008-2012 du Commonwealth, que cette institution poursuit deux objectifs interdépendants qui mettent l’accent sur la promotion de la démocratie et sur le développement.

L’objectif 1 Peace and Democraty est articulé autour de 4 programmes intitulés Good Offices for Peace, Democracy and Consensus Building, Rule of Law et Human Rights.

L’objectif 2 Pro-Poor Growth and Sustainable Development comporte lui aussi quatre programmes de développement déclinés autour des problématiques du secteur public, du développement économique, du développement durable et du développement humain.

Ces objectifs sont distribués assez lisiblement dans les différentes

composantes de l’organigramme, de part et d’autre de la colonne centrale. On

observe l’attention qui a été portée à la composition et à la mise en page du

document : la colonne centrale constitue un axe de symétrie, garant de l’équilibre

des masses. De fait, la vision stratégique de la superstructure apparaît comme

l’assurance d’une maîtrise des dossiers de coopération externe. On notera que les

champs lexicaux représentés impliquent avant tout des notions politiques,

institutionnelles et administratives. Aucun des termes de l’organigramme n’évoque

directement des enjeux artistiques ou linguistiques, qui pourraient cloisonner

l’institution, à travers son organisation structurelle et programmatique, dans un

espace géographique ou culturel. Seule la notion de Droits de l’Homme évoque un

univers de références relativement partisan, tout au moins dans le contexte

géopolitique contemporain et positionne le Commonwealth dans un espace de

pensée occidental. Il n’en demeure pas moins que l’organigramme est en parfaite

cohérence avec les objectifs déclarés de l’institution qui souhaite :

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