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Le droit à l'épreuve du flux financiers illicites dans le secteur extractif : entre manipulation et double discours

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Academic year: 2021

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Texte intégral

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HAL Id: tel-02403774

https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-02403774

Submitted on 11 Dec 2019

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Le droit à l’épreuve du flux financiers illicites dans le secteur extractif : entre manipulation et double discours

Sophie Lemaître

To cite this version:

Sophie Lemaître. Le droit à l’épreuve du flux financiers illicites dans le secteur extractif : entre manipulation et double discours. Droit. Université Rennes 1, 2017. Français. �NNT : 2017REN1G033�.

�tel-02403774�

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ANNÉE 2017

THÈSE / UNIVERSITÉ DE RENNES 1

sous le sceau de l’Université Bretagne Loire pour le grade de

DOCTEUR DE L’UNIVERSITÉ DE RENNES 1

Mention : Droit

Ecole doctorale DSP (Droit et Science Politique)

présentée par

Sophie Lemaître

Préparée à l’unité de recherche UMR 6262 CNRS Institut de l'Ouest : Droit et Europe

Faculté de droit et de science politique

Le droit à l’épreuve des flux financiers illicites dans le

secteur extractif : entre manipulation et double discours

Thèse soutenue à Rennes le 11 décembre 2017

devant le jury composé de :

Agnès MICHELOT

Maître de conférences en droit public, Université de la Rochelle / rapporteur

Laurent NEYRET

Professeur de droit privé, Université de Versailles Paris - Saclay / rapporteur

Gilles LHUILIER

Professeur de droit privé, ENS Rennes, FMSH Paris / examinateur

Eric ALT

Magistrat, Vice-Président d’Anticor et membre du Conseil d’administration de Sherpa / examinateur

Nathalie HERVE-FOURNEREAU

Directrice de Recherche CNRS, Université de Rennes 1 / directrice de thèse

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L’Université de Rennes 1 n’entend donner ni approbation ni improbation aux opinions émises dans cette thèse. Ces opinions doivent être considérées comme propres à leur auteur.

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Remerciements

Je remercie tout particulièrement Nathalie Hervé-Fournereau, ma directrice de thèse, qui a accepté de se lancer dans cette aventure pas tout à fait comme les autres. Je tiens surtout à lui exprimer ma gratitude pour son soutien malgré les doutes et sa patience face à mes innombrables questions. Ses remarques et sa confiance m’ont permis de mener à bien ce projet et l’ont indéniablement enrichi.

Mes remerciements vont également à l’Association nationale recherche technologie (ANRT) qui a accepté de financer mes recherches dans le cadre d’une Convention industrielle de formation par la recherche (CIFRE) en partenariat avec l’association Sherpa. Je remercie, en outre, toute l’équipe de Sherpa, actuelle et passée, avec laquelle j’ai eu la chance de travailler. Merci de m’avoir permis de participer à cette aventure. Je tiens aussi à adresser mes remerciements à Sophia Lakhdar qui a porté ce projet de recherche auprès de l’ANRT et qui m’a soutenue pendant la durée de la thèse.

Je remercie les membres du jury d’avoir accepté de participer à ma soutenance. Mes remerciements vont également aux membres de mon comité de thèse et de mon comité de suivi de thèse pour leurs conseils et leur disponibilité. Je tiens aussi à remercier l’ensemble du personnel de la Faculté de droit de Rennes 1 et du laboratoire pour leur appui, ce qui a grandement facilité ce travail de recherche mené à distance. Un grand merci à la bibliothèque Cujas à Paris qui m’a accordé une dérogation pour que je puisse effectuer mes recherches dans de bonnes conditions.

J'exprime ma gratitude à toutes les personnes que j'ai contactées lors de mes recherches pour leur disponibilité et pour avoir accepté de répondre à mes questions, ce qui m’a assurément permis de mieux appréhender mon sujet et d’enrichir ma réflexion. Merci également à toutes les personnes avec lesquelles j’ai travaillé dans le cadre de la CIFRE. Un remerciement tout particulier à la « team PàG », Maé Kurkjian et Quentin Parrinello, pour leur soutien, leur bonne humeur et l’esprit d’équipe.

Ma reconnaissance profonde va à ma mère pour son soutien continu et ses encouragements, sa patience face à mon obsession de terminer ma thèse pour la fin de l’année 2017 et pour m’avoir aidée à surmonter les différentes épreuves liées à ce projet de recherche. Un grand merci pour la relecture et le brainstorming qui ont grandement contribué à la réalisation de ce travail. Je remercie également mon père pour son soutien, ses conseils et son appui dans ce projet ambitieux. Un merci à toute ma famille, et en particulier à mon frère Matthieu.

Je remercie du fond du cœur mes amis pour leur soutien sans faille, leurs encouragements et leur écoute, pour leur présence malgré la distance (vive skype !) mais aussi pour la relecture. Ces remerciements vont tout particulièrement à : Alicia Lopez (merci d’avoir supporté mes changements d’avis tous les deux mois), Andréanne Lavoie, Blandine Quévremont, Charlotte Stoll, Lucie Boyer, Marie Lapointe, Marion Bourhis, Marion Geffrault et Sarah Barry.

Enfin, merci à toutes les personnes qui m'ont apporté leur appui. Je tiens tout particulièrement à remercier Alain Karsenty qui m’a fait découvrir le sujet passionnant des ressources naturelles et qui m’a poussé il y a pratiquement 10 ans à faire une thèse. Voilà qui est fait ! Je remercie également Robert Simpson et Marc Vandenhaute qui m’ont accordé leur confiance lors de mes premiers pas dans la vie professionnelle et m’ont énormément apporté.

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Avant-propos

Ce projet de recherche a pu voir le jour grâce à une CIFRE réalisée pendant 3 ans au sein de l’association Sherpa à Paris, un travail commencé en avril 2014. J’y ai occupé le poste de juriste, responsable du programme Flux Financiers Illicites. Cette fonction m’a permis de travailler sur une grande variété de sujets et d’en découvrir de nouveaux, tels que le recouvrement et la restitution des avoirs volés, qui pouvaient, parfois, être éloignés de mon objet de thèse mais qui ont indéniablement enrichi mes connaissances. L’une de mes premières missions a été de relancer ce programme et d’identifier les axes stratégiques et les thématiques sur lesquels l’association devrait travailler.

Grâce à ce poste, j’ai été aux premières loges de la transposition des directives comptable et transparence sur le reporting projet par projet qui a eu lieu quelques mois après ma prise de fonction. J’ai ensuite eu l’opportunité de travailler avec les partenaires de Sherpa, ONE, Oxfam et le Basic, sur les premières déclarations des entreprises extractives françaises et de rédiger sur ce sujet un rapport paru en avril 2017. J’ai également pu suivre de près l’élaboration de la Loi dite Sapin 2 relative à la lutte contre la corruption et à la transparence, ce qui m’a permis de découvrir les

« coulisses du pouvoir » et la manière dont les lois sont écrites, amendées et votées. J’ai, par ailleurs, contribué à la publication de l’OCDE sur les risques de corruption dans les industries extractives.

En tant que représentante de Sherpa au sein des plateformes d’organisations de la société civile, j’ai pu observer avec attention les évolutions en matière de lutte contre l’évitement fiscal et la corruption mais aussi les actions menées par ces organisations pour rééquilibrer les rapports de force. Cette fonction m’a, en outre, amenée à effectuer de multiples interventions au sein de colloques et de conférences internationales mais aussi d’auditions auprès de diverses instances (Assemblée nationale, Sénat, CESE). J’ai aussi pu assister à l’Assemblée générale de la coalition Publiez ce que vous payez qui s’est tenue au Pérou en février 2016 ainsi qu’à la Conférence mondiale de l’ITIE, ce qui m’a permis d’avoir une meilleure compréhension des enjeux de transparence dans les industries extractives. J’ai également eu l’opportunité de me rendre en Indonésie avec ma directrice de thèse pour participer au colloque annuel de l’Académie de droit de l’environnement de l’UICN en 2015 et d’y présenter deux communications dont l’une sur la corruption dans le secteur forestier.

Travailler au sein de Sherpa m’a, par ailleurs, permis de suivre avec attention les dossiers judiciaires relatifs aux flux financiers illicites portés par l’association. Ce fut également l’occasion de démarrer une collaboration profondément enrichissante avec Alain Deneault dans le cadre de son ouvrage sur Total. Cette participation m’a permis de découvrir le monde de l’édition et de partager des réflexions très intéressantes avec lui sur des sujets qui nous passionnent. Enfin, grâce à un projet financé par l’agence de coopération allemande (la GIZ), j’ai organisé une formation sur la corruption dans les ressources naturelles à Madagascar en octobre 2015 à l’intention de différents groupes de parties prenantes, une expérience enrichissante tant d’un point de vue professionnel que personnel.

Ces trois années au sein de l’association Sherpa furent donc bien remplies et m’ont permis d’accéder à de multiples informations que je n’aurais pu avoir si ma thèse avait été réalisée dans un cadre classique. J’ai aussi pu échanger avec des experts sur le sujet et enrichir mes réflexions. Effectuer ma thèse en CIFRE a, par ailleurs, demandé un certain travail d’équilibriste entre les besoins de la structure (j’étais la seule spécialiste des flux financiers illicites) et ceux de la thèse et d’être en mesure de faire face aux difficultés rencontrées par l’association. C’est dans ce contexte que s’inscrit le présent travail de recherche.

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Liste des abréviations, sigles et acronymes

AGCS Accord général sur le commerce des services AIM Alternative Investment Market

ANRT Association nationale recherche technologie AOGC African Oil and Gas Corporation

API American Petroleum Institute

BEPS Base Erosion and Profit Shifting / Erosion de la base d'imposition et le transfert de bénéfices (acronyme anglais le plus souvent utilisé)

CCBE Conseil des barreaux européens

CETA Comprehensive Economic and Trade Agreement / Accord économique et commercial global (acronyme anglais le plus souvent utilisé)

CIFRE Convention industrielle de formation par la recherche

CIRDI Centre international pour le règlement des différends relatifs aux investissements

CNPC China National Petroleum Corporation

CNUDCI Commission des Nations Unies pour le droit commercial international Coraf Congolaise de raffinage

EY Ernst & Young

FBI Federal Bureau of Investigation FCPA Foreign Corrupt Practices Act GAFI Groupe d’action financière

GCBF Groupe interdépartemental de coordination sur la lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme

GFI Global Financial Integrity Ibid. Au même endroit

ICIJ

International Consortium of Investigative Journalists / Consortium international pour le journalisme d'investigation (aucun acronyme français utilisé)

IFRS International Financial Reporting Standards IOGP International Association of Oil and Gas Producers

ISO International Organization for Standardization / Organisation internationale de normalisation (aucun acronyme français utilisé)

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ISDS Investor-State Dispute Settlement / Règlement des différends entre investisseurs et Etats (aucun acronyme français utilisé)

ITIE Initiative pour la transparence dans les industries extractives JORF Journal officiel de la République française

JOUE Journal officiel de l’Union européenne

JV Joint-venture

LMTSE Loi sur les mesures de transparence dans le secteur extractif

LSE London Stock Exchange

N.D.L.R. Note de l’auteur

NNPC Nigérian National Petroleum Corporation NRGI Natural Resources Governance Institute

OCDE Organisation de coopération et de développement économiques ODD Objectifs de développement durable

OGP Open Government Parnership / Partenariat pour un gouvernement ouvert (acronyme anglais le plus souvent utilisé)

OMC Organisation mondiale du commerce ONG Organisation non gouvernementale Op. cit. Précédemment cité

PCQVP Publiez ce que vous payez PIB Produit intérieur brut

PPE Personne politiquement exposée PwC Pricewaterhouse Coopers

PWYP Publish What You Pay

RSE Responsabilité sociale des entreprises SEC Securities and Exchange Commission SFO Serious Fraud Office

SLAPP Strategic Lawsuit Against Public Participation SMKK Société Minière de Kabolela et de Kipese SNPC Société nationale des pétroles congolais SOMOIL Sociedade Petrolífera Angolana S.A.R.L SPG Système de préférences généralisées

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SPG+ Régime spécial d’encouragement en faveur du développement durable et de la bonne gouvernance

TBI Traité bilatéral d’investissement

TFUE Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne

TRACFIN Traitement du renseignement et action contre les circuits financiers clandestins

TSX Toronto Stock Exchange

TSXV Toronto Stock Exchange Venture UAG United Africa Group

UE Union européenne

UNCAC

United Nations Convention against Corruption / Convention des Nations Unies contre la corruption (acronyme anglais le plus souvent utilisé)

UNCTAD

United Nations Conference on Trade and Development / Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement (acronyme anglais le plus souvent utilisé)

UNECA

United Nations Economic Commission for Africa / Commission économique pour l'Afrique des Nations Unies (acronyme anglais le plus souvent utilisé)

UNODC United Nations Office on Drugs and Crime / Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (acronyme anglais le plus souvent utilisé)

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Sommaire

Introduction

Partie I : Un régime juridique propice aux flux financiers illicites dans le secteur extractif

Chapitre 1 : La lutte contre la corruption dans les industries extractives, le double discours des acteurs du secteur extractif

Chapitre 2 : La transparence dans le secteur extractif, un leurre ?

Chapitre 3 : Des risques de flux financiers illicites délibérément ignorés ?

Partie II : L’ingénierie juridique et financière au service des flux financiers illicites dans le secteur extractif

Chapitre 1 : Un arsenal d’outils juridiques manipulables par les acteurs du secteur extractif

Chapitre 2 : Les experts, fins connaisseurs des arcanes du droit, complices des pratiques illicites ?

Conclusion générale

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A celles et ceux qui se battent pour un monde plus juste

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Introduction

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Thèse à jour au 10 octobre 2017

« Il se sent au-dessus des lois parce qu’il les achète, les contourne ou les viole » Eva Joly, 2003.

Introduction

« - Si ça se complique, vous êtes là pour expliquer que, textes à l’appui, tout est en règle. […]

- On est à la limite de la légalité et plutôt du mauvais côté de la limite.

- Dans les affaires, l’important c’est non seulement de connaître la limite de la légalité, mais le coefficient d’élasticité de cette limite ».1

Cet échange issu du film « Pétrole ! Pétrole ! » de Christian Gion sorti en 1981 met en scène, de manière réaliste, certaines pratiques du secteur extractif ainsi que la façon dont le droit peut être utilisé ou encore manipulé. Certes, trente-six ans se sont écoulés depuis la sortie de ce film mais ce qu’il dénonce est toujours d’actualité.

L’« affaire Elf » aura été le symbole de la corruption dans les années 70-90. L’entreprise pétrolière française Elf et ses dirigeants étaient accusés d’avoir mis en place, depuis plusieurs décennies, un vaste système de corruption qui visait à rémunérer à la fois les dirigeants de pays riches en pétrole, gaz et minerais en Afrique mais aussi la classe politique française.2 Eva Joly, la juge d’instruction en charge de cette affaire, déclarera en 2003 : « J’ai vu l’impunité comme règle et la loi comme exception », et de préciser « Dès lors que votre activité est internationale, jouer des failles du système (…) est devenu un jeu d’enfant ».3

A l’époque de l’affaire Elf, les entreprises étaient autorisées à déduire fiscalement les montants issus de la corruption internationale dès lors que « ces sommes avaient été versées dans l’intérêt » de l’entreprise et qu’elles permettaient « une gestion normale » de cette dernière.4 Cette possibilité était alors prévue par l’article 39-1 du code général des

1 Gion C. Pétrole ! Pétrole !. France. 1981. Durée 1h25. min. 5’05. L’idée de cette citation est venue lors de la lecture de l’ouvrage d’Alain Deneault qui en mentionne une partie : Deneault A. De quoi Total est-elle la somme ? – Multinationales et perversion du droit. Paris. Rue de l’Échiquier. 2017. 511 p. p. 53.

2 Pour un résumé de l’affaire, voir Challenge. L’affaire Elf en résumé. Disponible sur :

<http://www.challenges.fr/entreprise/l-affaire-elf-en-resume_388898> (consulté le 30 septembre 2017). Voir également l’ouvrage d’Eva Joly sur cette affaire : Joly E. Est-ce dans ce monde-là que nous voulons vivre ?. Paris. Les Arènes. 2003. 269 p.

3 Joly E. Est-ce dans ce monde-là que nous voulons vivre ?. op. cit. p. 164 et 246.

4 Assemblée nationale. Rapport fait au nom de la Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République sur le projet de loi adopté par le Sénat, modifiant le code pénal et le code de procédure pénale et relatif à la lutte contre la corruption. Paris. Assemblée nationale. n°2001. 1999. 151 p. p. 21.

Disponible sur : <http://www.assemblee-nationale.fr/11/rapports/r2001.asp> (consulté le 30 septembre 2017). Et Assemblée nationale. Rapport d’information sur le rôle des compagnies pétrolières dans la politique internationale et son

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impôts. A noter que ce système n’a pris fin que le 15 février 1999.5 Le Conseil d’Etat, lui- même, dans une jurisprudence constante, confirmait la déductibilité d’une dépense illicite.6 La corruption dans les affaires commerciales internationales était donc tolérée pour ne pas dire acceptée par tous,7 non seulement en France mais aussi dans de nombreux autres pays.8

L’affaire Elf n’a pas été le seul scandale de corruption ayant éclaté dans le secteur extractif. D’autres cas ont, en effet, été rendus publics à la même période. On peut notamment citer le rapport de l’organisation non-gouvernementale (ONG) Global Witness sur les relations toutes particulières qui s’étaient nouées entre l’Angola et les entreprises pétrolières.9

Ces différents scandales ont conduit à une première prise de conscience. Ainsi la communauté internationale s’est-elle emparée du problème en 1997 avec l’adoption de la Convention sur la lutte contre la corruption d'agents publics étrangers dans les transactions commerciales internationales ainsi qu’en 2003 avec la négociation de la Convention des Nations Unies contre la corruption. De leur côté, les entreprises du secteur extractif ont commencé à mettre en place des mesures pour prévenir le risque de corruption.

Selon les différents acteurs du secteur extractif, les pratiques de corruption auraient depuis disparu ou ne seraient désormais le fait que de « brebis galeuses ».10 Pourtant, selon l’ancien Président directeur général d’Elf, Loïk Le Floch-Prigent,11 il semblerait qu’au contraire ces pratiques existent toujours. Son témoignage est d’ailleurs édifiant s’agissant des usages actuels. Il déclarait, en effet, en 2014 : « C’est toujours sale à un certain nombre d’endroits. Simplement, ça paraît plus propre, ce qu’on appelle le window-dressing. (…) Dans un certain nombre de pays, il n’y a pas d’autres solutions que de

impact social et environnemental. Paris. Assemblée nationale. n°1859. 1999. 225 p. p. 22 et 67. Disponible sur :

<http://www.assemblee-nationale.fr/legislatures/11/pdf/rap-info/i1859-01.pdf> (consulté le 30 septembre 2017).

5 Assemblée nationale. Rapport d’information sur le rôle des compagnies pétrolières dans la politique internationale et son impact social et environnemental. op. cit. p. 68.

6 Plusieurs arrêts vont dans ce sens. Voir par exemple les arrêts du Conseil d’Etat du 11 juillet 1983 (n°33942) et du 31 juillet 1992 (n°79635). Pour en savoir plus, voir également Sénat. Article 27 bis. Disponible sur :

<https://www.senat.fr/rap/l97-168/l97-16841.html> (consulté le 30 septembre 2017).

7 Assemblée nationale. Rapport fait au nom de la Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République sur le projet de loi adopté par le Sénat, modifiant le code pénal et le code de procédure pénale et relatif à la lutte contre la corruption. op. cit. p. 8. Le rapport précise que « pendant longtemps, la corruption a été considérée comme un mal nécessaire que l'on ne pouvait endiguer. »

8 Joly E. Est-ce dans ce monde-là que nous voulons vivre ?. op. cit. p. 211.

9 Global Witness. A crude awakening - The Role of the Oil and Banking Industries in Angola’s Civil War and the Plunder of State Assets. Londres. Global Witness. 1999. 23 p.

10 Dans le cadre de ce travail de recherche, les citations sont indiquées en italique et entre guillemets tandis que les expressions ne sont mises qu’entre guillemets.

11 A noter qu’il exerce toujours des activités liées au pétrole en Afrique. Pour en savoir plus sur ses fonctions actuelles, voir Loïk Le Floch-Prigent. Site internet de Loïk Le Floch-Prigent. Disponible sur : <http://loikleflochprigent.com/>

(consulté le 30 septembre 2017).

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payer des commissions, c’est tout ».12 Lorsque le journaliste lui demande de confirmer si cela continue comme du temps d’Elf, celui-ci répond que oui, mais avec d’autres méthodes « beaucoup plus sournoises, beaucoup plus cachées ».13 Les procédés se sont donc complexifiés pour rendre la détection de la corruption plus ardue. Loïk Le Floch- Prigent rappelle également que des pays comme le Nigéria ou l’Angola dépendent économiquement du pétrole (plus de 90% des ressources budgétaires de certains États proviennent de l’activité pétrolière ou minière) et sont parmi les États les plus corrompus au monde. Or, il ne peut y avoir corruption sans corrupteur.

Ces affirmations sont, du reste, corroborées par le fait qu’une vingtaine d’entreprises du secteur extractif font actuellement l’objet de poursuites ou d’enquêtes à travers le monde pour des faits de corruption d’agent public étranger pour la période 2007-2017.14 En outre, les scandales de l’Offshore Leaks, du Luxleaks et des Panama Papers ayant éclaté entre 2013 et 2016 à la suite des enquêtes menées par le Consortium international pour le journalisme d'investigation (ICIJ)15 témoignent aussi des pratiques en cours qu’il s’agisse d’évitement fiscal, de blanchiment d’argent, d’opacité des structures d’entreprises ou encore de l’utilisation de pays considérés comme des paradis fiscaux, réglementaires et judiciaires. Ces révélations impliquent non seulement des entreprises du secteur extractif mais aussi des gouvernements des pays riches en pétrole, gaz et minerais.16 La base de données des Panama Papers, mise en place par l’ICIJ, montre, par exemple, comment des chefs d’État, des hommes politiques ou des hauts fonctionnaires de ces pays ainsi que leurs proches ont eu recours à des montages opaques.17 Ainsi la pertinence des dialogues du film « Pétrole ! Pétrole ! » ne semble-t-elle pas s’être démentie au cours des trois dernières décennies.

Avant d’envisager les raisons pour lesquelles le secteur extractif est fortement touché par ces pratiques de flux financiers illicites et de présenter de quel type de flux il s’agit (Section 2), il est crucial de bien comprendre les singularités et les spécificités de ce secteur (Section 1). Ces éléments de contexte permettront de mettre en évidence les mesures prises pour lutter contre les flux financiers illicites ainsi que les difficultés rencontrées. Il sera également nécessaire de s’interroger sur le rôle du droit face à la perpétuation des flux financiers illicites dans les industries extractives (Section 3).

12 TV5 Monde. L’invité Loik Le Floch-Prigent – « Il y a de la corruption partout ». Emission du vendredi 24 janvier 2014.

Disponible sur : <http://www.tv5monde.com/cms/chaine-francophone/Revoir-nos-emissions/L-invite/Episodes/p- 27320-Loik-Le-Floch-Prigent.htm> (consulté le 30 septembre 2017).

13 TV5 Monde. L’invité Loik Le Floch-Prigent – « Il y a de la corruption partout ». op. cit.

14 L’organisation TRACE a mis en place une base de données permettant de rechercher les entreprises poursuivies pour des faits de corruption à travers le monde. Disponible sur : <https://www.traceinternational.org/compendium>

(consulté le 30 septembre 2017).

15 ICIJ est un réseau mondial indépendant de journalistes issus de 70 pays qui effectuent des enquêtes d’investigation sur différents sujets. Pour en savoir plus sur l’ICIJ et leurs enquêtes, voir leur site internet disponible sur :

<https://www.icij.org/> (consulté le 30 septembre 2017).

16 Voir les dossiers d’ICIJ. Disponible sur : <https://www.icij.org/projects> (consulté le 30 septembre 2017).

17 Voir la base de données des Panama Papers. Disponible sur : <https://panamapapers.icij.org/the_power_players/>

(consulté le 30 septembre 2017).

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Section 1 - Les industries extractives, un secteur stratégique extrêmement complexe

En 2016, les entreprises du secteur extractif étaient classées parmi les 2000 plus grandes entreprises publiques au monde.18 Malgré la chute des cours du pétrole depuis 2015, pas moins de 6 entreprises pétrolières sont présentes dans le top 30 des entreprises mondiales. Qu’il s’agisse d’ExxonMobil, classée neuvième, de PetroChina (17e), de Chevron (23e) ou encore de Total et de Sinopec, respectivement à la 30 et 31ème place, ce classement démontre l’importance du secteur extractif dans l’économie mondiale. En outre, selon la Banque mondiale, ce secteur représenterait un quart du produit intérieur brut (PIB) mondial.19 Enfin, le fonctionnement de nos économies dépend largement de l’extraction de ces ressources. Le pétrole et le gaz sont, en effet, utilisés dans tous les domaines tandis que certains minerais sont cruciaux pour les nouvelles technologies. Ce secteur représente donc un enjeu stratégique indiscutable (Paragraphe 2) aux multiples facettes (Paragraphe 1).

Paragraphe 1 : Un secteur aux multiples visages

Le secteur extractif comprend les ressources naturelles minérales présentes à l’état naturel sous forme solide, liquide ou gazeuse dans le sol et le sous-sol, y compris sous- marin.20 Ces ressources se retrouvent souvent sous l’appellation commune de « matières premières ». Elles regroupent à la fois des ressources énergétiques comme les hydrocarbures (pétrole ou gaz) ou l’uranium, et non énergétiques telles que les minerais métalliques (fer, cuivre, nickel, bauxite, etc.). Ces matières premières sont dites non renouvelables car elles ne peuvent pas se régénérer contrairement aux ressources forestières ou à celles issues de la pêche. Leurs stocks sont limités et ont donc vocation à se raréfier et à disparaître.

Dans le cadre de ce travail de recherche, ces ressources seront désignées sous l’appellation pétrole, gaz et minerais. En fonction du contexte, le nom exact du minerai pourra être indiqué. On fera également référence de manière indifférente au secteur des industries extractives ou au secteur extractif pour désigner l’ensemble des activités de ce secteur (voir Figure 1). A noter qu’au vu de sa complexité et des questions juridiques (par exemple, droit de propriété du sous-sol), économiques (rentabilité, création d’emplois) ou environnementales (pollution et contamination de l’eau et de l’air, risques sismiques) qu’il suscite, le gaz de schiste est exclu du champ de cette recherche. Une recherche à part entière devrait lui être dédiée.

18 Classement 2016 selon le magazine Forbes. Disponible sur : <http://www.forbes.com/global2000/list/#tab:overall>

(consulté le 30 septembre 2017).

19 Banque mondiale. Extractives industries overview. Disponible sur :

<http://www.worldbank.org/en/topic/extractiveindustries/overview#1> (consulté le 30 septembre 2017).

20 INSEE. Nomenclature NAF rév. 2 (édition 2015) - Section B Industries extractives. Disponible sur :

<https://www.insee.fr/fr/information/2406147> (consulté le 30 septembre 2017).

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L’extraction du pétrole, du gaz et des minerais se réalise par permis, zone ou bloc21 et se déroule en plusieurs étapes, formant ainsi le cycle de vie d’un projet extractif (Figure 1).22 La première consiste en l’exploration ou la prospection avec pour objectif de déterminer l’intérêt ou non d’exploiter le gisement, notamment en fonction du niveau des ressources disponibles. En d’autres termes, il s’agit d’identifier si le gisement est exploitable et économiquement viable. Il est d’ailleurs important de relever qu’il existe une différence technique fondamentale entre les « ressources » et les « réserves », ces deux termes ne devant pas être confondus. En effet, les réserves sont celles qui sont réellement prouvées tandis que les ressources sont celles pouvant apparaître à l’avenir. Cette phase est donc à risque puisqu’il est possible que l’exploration n’aboutisse à aucune découverte malgré des investissements conséquents. La seconde étape est celle de l’exploitation. Elle intervient lorsque les tests effectués mettent en évidence la rentabilité potentielle du gisement. La phase d’exploitation se déroule en deux temps : les infrastructures sont mises en place (route, équipement, installations pour la production, etc.) puis la production démarre. L’extraction peut avoir lieu « onshore » (sur terre) ou « offshore » (en mer), souvent dans des endroits éloignés, parfois difficiles d’accès. Entre ces deux phases, il peut s’écouler des dizaines d’années. Les dernières phases sont celles du raffinage, de la transformation, de la vente de la production et du négoce ainsi que de la clôture du gisement.23 Une fois en production, la durée de vie moyenne d’un projet extractif est d’environ 25 ans.

Figure 1 : Cycle de vie d’un projet extractif

Source : Sophie Lemaître, 2017.

21 Pour désigner un champ pétrolier ou minier, plusieurs termes sont utilisés dans le secteur extractif : zone, bloc, permis, licences, champ, etc. S’ils peuvent refléter des significations juridiques différentes, ils renvoient tous à la même signification dans le cadre de ce secteur et sont utilisés par les spécialistes de façon interchangeable. Ces termes seront donc utilisés de manière indifférente dans le cadre de ce travail de recherche.

22 Pour une présentation plus détaillée du cycle de vie d’un projet extractif, voir Banque mondiale. Local Content Policies in the Oil and Gas Sector. Washington D.C. Banque mondiale. 2013. 176 p. p. 10-13.

23 Voir par exemple OpenOil. Les contrats pétroliers à la portée de tous. Berlin. OpenOil. 2013. 260 p. p. 19-29. Et Banque mondiale. Le secteur des industries extractives – points essentiels à l’intention des économistes, des spécialistes des finances publiques et des responsables politiques. Washington D.C. Banque mondiale. 2016. 165 p.

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Au sein même de ce cycle de vie, d’autres aspects doivent être pris en compte tels que l’attribution des contrats, le suivi des opérations, le recouvrement des impôts, taxes et redevances, la gestion des recettes, l’inclusion des questions environnementales et sociales, ou encore la mise en œuvre de politiques et de projets de développement durable.24 C’est ce que la Banque mondiale qualifie de « chaîne de valeur ». Cette chaîne de valeur « fournit un cadre de gouvernance », c’est-à-dire un « outil destiné à soutenir les efforts des pays désireux » d’améliorer la gestion de leur secteur extractif.25

Les coûts liés à l’investissement pour ces différentes phases sont considérables, ce qui explique qu’un projet extractif n’est pas nécessairement rentable dès les premières années d’exploitation. En outre, selon le lieu et la qualité du gisement, des techniques particulières seront utilisées pour pouvoir exploiter la zone, ce qui aura également une incidence en termes d’investissements et de financements. De plus, le pétrole, le gaz et les minerais sont sujets à la volatilité des cours (les prix sont fixés sur les marchés), et donc à l’instabilité des prix, ce qui génère d’importants risques à la fois pour les entreprises et les gouvernements.26 Lorsque les prix sont bas, il arrive que certains gisements ne soient plus rentables. Tel peut être le cas si la teneur en minerai est faible ou si le coût technologique est élevé.27 Cette imprévisibilité a donc des conséquences au niveau des profits pouvant être tirés de l’exploitation. Ainsi, depuis la chute des cours du pétrole en 2015, certains gisements sont à l’arrêt ou ont été mis sous « cocon » car considérés comme moins rentables tandis que les dépenses dédiées à l’exploration ont diminué.28 Si les coûts liés à l’exploration et à l’exploitation peuvent être exorbitants, les profits sont quant à eux sans précédents.29 A titre d’illustration, en 2014, le Nigéria a perçu environ 60 milliards de dollars de recettes.30

Les retombées pour les Etats et les entreprises sont donc considérables mais l’activité extractive n’est pas sans conséquences. En effet, elle est bien souvent associée à des atteintes en matière environnementale et sociale ou encore à des violations des droits humains.31 La pratique du « torchage du gaz », c’est-à-dire le brûlage de gaz qui s’échappe dans l’atmosphère lors de l’extraction du pétrole, en est une illustration. Elle est courante au Nigéria bien qu’interdite. Selon les organisations de la société civile, le torchage a des effets désastreux sur l’environnement, pollue l’air et nuit à la santé des populations

24 Banque mondiale. Extractive Industries Value Chain: A Comprehensive Integrated Approach to Developing Extractive Industries. Extractive Industries for Development Series. n°3. 2009. p. 1-32.

25 Banque mondiale. Le secteur des industries extractives – points essentiels à l’intention des économistes, des spécialistes des finances publiques et des responsables politiques. op. cit. p. 13-14.

26 Banque mondiale. Le secteur des industries extractives – points essentiels à l’intention des économistes, des spécialistes des finances publiques et des responsables politiques. op. cit. p. 2 et 13.

27 Banque mondiale. Le secteur des industries extractives – points essentiels à l’intention des économistes, des spécialistes des finances publiques et des responsables politiques. op. cit. p. 52.

28 Augé B. Secteur pétrolier en Afrique : des renégociations douloureuses à venir pour les Etats. Le Monde. 2015. Et Le Figaro. Le secteur pétrolier va encore réduire ses investissements en 2016. Le Figaro. 2016.

29 Banque mondiale. Le secteur des industries extractives – points essentiels à l’intention des économistes, des spécialistes des finances publiques et des responsables politiques. op. cit. p. 3.

30 ITIE. Nigeria. Disponible sur : <https://eiti.org/nigeria#revenue-collection> (consulté le 30 septembre 2017).

31 Oxfam. Lever la malédiction des ressources: comment les pauvres peuvent et devraient profiter des revenus des industries extractives. Oxford. Oxfam. 2009. 134 p.

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locales.32 L’activité extractive est également source de nombreux conflits entre les communautés locales et les entreprises mais aussi entre les communautés elles-mêmes.33 Certaines entreprises tenteraient, en effet, de les diviser, par exemple en n’indemnisant que certains membres ou à des montants différents, ce qui pourrait s’apparenter à une stratégie du type « diviser pour mieux régner ».34

A chaque projet extractif correspond un contrat principal conclu pour l’exploration et/ou l’exploitation. Ces contrats peuvent prendre différentes formes : contrat de partage de production (aussi connu sous son nom anglais « Production-Sharing Agreement »), contrat de concession ou encore contrat d’exploration et de production. Dans une moindre mesure, des contrats de licence peuvent être négociés. Le contrat de partage de production et le contrat de concession sont les deux formes de contrats privilégiés pour le pétrole et le gaz.35 En revanche, pour les minerais, ce sont majoritairement des contrats de concession qui sont négociés.36

Il est important de relever que les contrats de partage de production et les contrats de concession produisent des effets juridiques différents. En effet, dans le cadre d’un contrat de partage de production, l’Etat et l’entreprise se partagent la production après déduction des coûts engagés par l’entreprise, la part de production de l’Etat étant fixée dans le contrat. L’entreprise exploite à la fois pour le compte de l’Etat et son propre compte.

L’Etat demeure ainsi propriétaire de la ressource. En revanche, lorsqu’un contrat de concession est conclu, l’Etat accorde à l’entreprise concessionnaire un droit exclusif d’exploitation, l’entreprise devenant alors propriétaire de la ressource extraite. En d’autres termes, si l’Etat exerce sa souveraineté sur la manière dont le pétrole, le gaz et les minerais peuvent ou non être exploités, s’ils peuvent être exploités et qui peut le faire, il peut également décider de transférer la propriété de la ressource à un acteur privé.

Le contrat principal peut être attribué soit de gré à gré, soit par appel d’offres par le biais d’une procédure ouverte ou sélective, ou bien par la méthode dite du « premier arrivé, premier servi », les deux premières méthodes étant celles rencontrées le plus souvent dans le secteur extractif. Le choix s’effectuera en fonction du contexte du pays et de la

32 Petitjean O. Envahis par le gaz : les paysans du Nigeria face à Total. Observatoire des multinationales. 2014.

L’Observatoire des multinationales est un site d’informations, publié par l’association Alter-médias, qui regroupe des journalistes traitant de sujets relatifs aux questions sociales, économiques, environnementales et de politique internationale. Et Alvarez C. Torchage du gaz : les communautés egi demandent à total de se comporter au Nigéria comme en France. Novethic. 2015. (Novethic est un média en ligne).

33 A noter que l’OCDE a publié en 2017 un guide à destination des entreprises contenant des recommandations pour un

« engagement constructif » avec les parties prenantes : OCDE. Guide de l’OCDE sur le devoir de diligence pour un engagement constructif des parties prenantes dans le secteur extractif. Paris. OCDE. 2017. 132 p.

34 Entretien avec l’auteur en mai 2015. Dans le cadre de leur responsabilité sociale des entreprises, certaines entreprises effectueraient une cartographie des communautés locales pour identifier les membres qui seraient sensibles aux propositions de l’entreprise et celles qui résisteraient pour ensuite adapter leur stratégie qui peut, par exemple, consister à isoler les membres réticents à l’activité extractive, à rétribuer certains membres et pas d’autres, etc.

35 Fonds monétaire international. Guide sur la transparence des recettes des ressources naturelles. Washington D.C. Fonds monétaire international. 2007. 85 p. p. 23.

36 OpenOil. Les contrats pétroliers à la portée de tous. op. cit. p. 29-39.

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réglementation en vigueur. Les pays producteurs disposent généralement d’un modèle- type de contrat avec des clauses standards comme les clauses de règlement des différends, ou celles relatives à la stabilité ou encore à la confidentialité. Toutefois, les parties négocient souvent certains sujets clés, notamment les questions financières et fiscales - telles que le bonus de signature, les redevances minières, les impôts, etc. - malgré la présence d’un cadre juridique défini (code minier, code pétrolier, code des impôts, etc.). Chaque contrat est ainsi différent et varie en termes de complexité et de volume.37 Autour de ce contrat principal, d’autres contrats vont être négociés, notamment avec les banques, les prestataires de service, les fournisseurs, les sous-traitants, les sociétés de transport, etc. C’est donc toute une galaxie de contrats qui gravitent autour d’un projet extractif.38

Par ailleurs, toute une série d’acteurs interviennent et jouent un rôle décisif tout au long du cycle de vie du projet pétrolier, gazier ou minier (Figure 2). Le pays riche en pétrole, gaz et minerais (ou pays producteur / pays extractif) et les entreprises sont les intervenants principaux dans ce secteur, les contrats d’exploration et d’exploitation étant négociés et signés par ces deux acteurs.

Figure 2 : Les acteurs présents dans le secteur extractif

Pays producteur Pays consommateur (ex. UE)

Gouvernement (différents ministères, fonctionnaires, etc.)

Personnes politiquement exposées

Secteur privé (entreprises multinationales, entreprises d’Etat, entreprises locales, prestataires de service, etc.)

Organisations de la société civile et communautés locales

Intermédiaires (ex. : banques)

Union européenne et ses institutions/organes

Etat membre

(douane/police/justice/parlement, etc.)

Secteur privé (entreprises multinationales, entreprises juniors, négociants, etc.)

Organisations de la société civile

Intermédiaires (ex. : banques, conseillers juridiques et fiscaux)

Investisseurs / actionnaires Source : Sophie Lemaître, 2017.

Du côté des pays extractifs, différents acteurs entrent en scène. Le ministère des mines et/ou du pétrole est généralement en charge de l’attribution des permis miniers et pétroliers ainsi que de la négociation des contrats. Une fois le contrat signé, le Parlement du pays producteur l’approuve. Dans certains pays, celui-ci est publié au Journal officiel.

Enfin, de multiples interactions avec les fonctionnaires du gouvernement ont lieu pendant toute la durée du cycle de vie du projet extractif. Le ministère des finances aura,

37 Voir Revenue Watch Institute. Contrats confidentiels : Pour en finir avec les accords secrets dans le secteur extractif.

Washington D.C. Revenue Watch Institute. 2009. 108 p. p. 19.

38 Certains experts estiment le nombre moyen de contrat pour un projet extractif à 100 contrats. Voir Revenue Watch Institute. Contrats confidentiels : Pour en finir avec les accords secrets dans le secteur extractif. op cit. p. 19.

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par exemple, la charge du recouvrement des recettes tandis que les douanes veilleront à la bonne déclaration des exportations / importations.

Quant aux entreprises, on en dénombre plusieurs types.39 Les entreprises extractives effectuent l’exploration et/ou l’exploitation du pétrole, gaz et minerais. Elles se distinguent en deux grandes catégories : 1) les entreprises multinationales40 comme Total ou Rio Tinto (parfois dénommées sous le terme de « major »), et 2) les petites et moyennes entreprises comprenant notamment les entreprises dites « juniors ».

Les entreprises extractives multinationales proviennent majoritairement des pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). Cela s’explique par les investissements conséquents qu’elles sont seules à pouvoir mettre en place ainsi que par leur présence historique.41 Elles ont leur siège social enregistré au Royaume-Uni (Royal Dutch Shell, BP, Tullow Oil pour le pétrole et le gaz, AngloAmerican pour les minerais), aux Etats-Unis (ExxonMobil, Chevron, Kosmos Energy pour le pétrole et le gaz, Newmont Mining pour les minerais), au Canada (Kinross Gold Corporation et First Quantum Minerals Ltd. pour les minerais), en Norvège (Statoil), en Australie (BHP Billiton), en Italie (ENI), etc. En France, six entreprises sont actives dans le secteur extractif. Il s’agit d’Areva, de Total, d’Eramet, de Maurel&Prom, d’Engie, et de Perenco. Si les entreprises des pays de l’OCDE sont nombreuses, les entreprises issues des pays émergents sont de plus en plus présentes dans le secteur. Tel est le cas de Gazprom (Russie) ou encore de Vale (Brésil).

Les entreprises dites « juniors » sont, quant à elles, des entreprises de plus petite taille.

Pour les minerais, elles effectuent les premiers tests avant de revendre ensuite les gisements et leur découverte auprès des majors, les grandes entreprises du secteur, telles que Rio Tinto ou Areva.42 Pour le pétrole et le gaz, dans certains cas, ces juniors exploitent elles-mêmes les gisements. Leur portefeuille de projets est relativement réduit

39 A noter que, dans le cadre de ce travail de recherche, les entreprises seront désignées sous le terme d’« entreprises du secteur extractif » lorsqu’il est fait référence à l’ensemble des entreprises opérant dans le secteur. Lorsque tel n’est pas le cas, le type d’entreprise visé sera précisé.

40 Comme le souligne André-Jean Arnaud dans son Dictionnaire de la globalisation, il n’existe pas de définition unique de l’expression « entreprises multinationales », également désignées sous le nom d’« entreprises transnationales ».

André-Jean Arnaud propose un certain nombre de critères pour les définir tandis que Dominique Carreau et Patrick Juillard esquissent une définition dans leur livre intitulé Droit international économique : « un groupement de sociétés commerciales présentant une certaine permanence, placé sous la direction d’une mère, située en un Etat, et comprenant des sociétés filiales ou affiliées situées en plusieurs autres Etats » In Carreau D., Juillard P. Droit international économique.

5e édition. Paris. Dalloz. 2013. 816 p. p. 43–44. Ainsi, s’inspirant de ces deux approches, les entreprises multinationales sont entendues, dans le cadre de ce travail de recherche, comme les entreprises disposant d’une maison-mère dans un pays donné et de filiales dans d’autres pays, opérant dans différentes juridictions, réalisant des profits et ayant une importante capacité financière.

41 Banque mondiale. Le secteur des industries extractives – points essentiels à l’intention des économistes, des spécialistes des finances publiques et des responsables politiques. op. cit. p. 21. Par ailleurs, le Parlement européen dans sa résolution du 13 septembre 2011 sur une stratégie efficace des matières premières pour l'Europe (2011/2056(INI)) confirme que

« les États membres de l'Union, l'Australie et les États-Unis disposent des capacités nécessaires pour développer l'extraction de leurs ressources en matières premières critiques, métaux de base ou de terres rares ». Parlement européen. Résolution du Parlement européen du 13 septembre 2011 sur une stratégie efficace des matières premières pour l'Europe (2011/2056(INI)). P7_TA(2011)0082. JOUE C 51E du 22 février 2013. p. 21–37. p. 21.

42 Charlet A., Laporte B., Rota-Graziosi G. La fiscalité minière en Afrique de l’Ouest et du Centre. Droit fiscal. n°48. 2013. p.

527-563. p. 528.

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comparativement aux entreprises multinationales mais ces entreprises jouent un rôle crucial dans le secteur extractif.43

Les entreprises extractives sont dans leur grande majorité cotées en bourse. Les bourses de Londres (London Stock Exchange - LSE) et de Toronto (Toronto Stock Exchange - TSX) sont les plus recherchées. Leur siège social peut être celui du pays dans lequel elles sont cotées ou dans d’autres pays. Ainsi, plus de 100 entreprises extractives opérant en Afrique sont cotées à la LSE, un quart d’entre elles sont enregistrées dans des pays considérés comme des paradis fiscaux, réglementaires et judiciaires comme les Iles Vierges britanniques, Guernesey, ou les Bermudes.44 Ces entreprises contrôleraient l’équivalent de 105 milliards de dollars dans 5 matières premières (pétrole, or, diamant, charbon, platine).45

Les entreprises extractives opèrent généralement en partenariat via des « joint- ventures » pour diminuer les risques et les coûts d’investissement. Une des entreprises sera alors désignée « opérateur », c’est-à-dire en charge de l’exécution du projet. Il s’agit généralement de celle qui apporte la contribution financière la plus élevée et/ou qui dispose des capacités et des connaissances techniques nécessaires. Le pourcentage de participation de chaque entreprise, et donc de revenus issus de l’exploitation, correspond au niveau d’investissement et de risque pris par chaque entreprise. Par exemple, en Angola, Total est en joint-venture à hauteur de 35% avec Sonangol (30%), Statoil (20%) et BP (15%) pour l’exploitation du Bloc 25/11.46 Au Chili, l’exploitation de cuivre du permis Escondida est opérée par BHP Billiton en partenariat avec Rio Tinto.47 Selon les situations, ces entreprises peuvent donc être à la fois concurrentes et partenaires. En outre, bien souvent, ce n’est pas la « maison-mère » qui effectue les activités extractives ou qui est partie au contrat mais une filiale enregistrée dans le pays producteur ou dans un autre pays. A titre d’illustration, pour ses opérations au Venezuela, Total dispose de deux filiales dont l’une est enregistrée au Venezuela et l’autre aux Pays-Bas.

Aux côtés de ces entreprises extractives, on constate la présence d’entreprises d’Etat comme Sonangol en Angola (pétrole) ou la Gécamines en République Démocratique du Congo (minerais). Ces entreprises occupent une place prépondérante dans le secteur extractif. S’agissant du pétrole, elles contrôleraient 90% des réserves mondiales.48 Leur rôle est varié et dans une certaine mesure ambigu. En effet, dans certains cas, elles

43 Pour en savoir plus, voir le Chapitre 1 de la Partie II.

44 War on Want. The new colonialism – Britain’s scramble for Africa’s energy and mineral resources. Londres. War on Want. 2016. 37 p. p. 8.

45 War on Want. The new colonialism – Britain’s scramble for Africa’s energy and mineral resources. op. cit. p. 3.

46 Sonangol. Mapa de Concessoes. Disponible sur :

<http://www.sonangol.co.ao/English/AreasOfActivity/Concessionary/Pages/Concessions-Map.aspx> (consulté le 30 septembre 2017).

47 Rio Tinto. Copper & Diamonds. Disponible sur : <http://www.riotinto.com/copper-and-diamonds-82.aspx#chile>

(consulté le 30 septembre 2017).

48 Banque mondiale. Le secteur des industries extractives – points essentiels à l’intention des économistes, des spécialistes des finances publiques et des responsables politiques. op. cit. p. 45.

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