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La figure atemporelle du « nomade des steppes »

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Academic year: 2021

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HAL Id: hal-02083018

https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-02083018

Submitted on 28 Mar 2019

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To cite this version:

Carole Ferret. La figure atemporelle du “ nomade des steppes ”. Nathan SCHLANGER; Anne-

Christine TAYLOR. La préhistoire des autres. Perspectives archéologiques et anthropologiques, La

Découverte, p. 167-182, 2012, 9782707174062. �hal-02083018�

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quai Branly, Paris, La Découverte, p. 167-182.

https://www.cairn.info/article.php?ID_ARTICLE=DEC_SCHLA_2012_01_0167

Version auteur, la pagination de l’éditeur est indiquée dans la marge.

Carole F ERRET

Ethnologue, chargée de recherche au C NRS , Laboratoire d’anthropologie sociale, Paris carole.ferret@college-de-france.fr

La figure atemporelle du « nomade des steppes »

Nous avons délibérément entrepris d’étudier le Nomade en tant que Nomade, en négligeant toute notion de temps, en faisant abstraction des chronologies, annales et calendriers dont le nomade n’a que faire [...] Lorsqu’un entomologiste se consacre à l’étude des cigales, des sauterelles, des papillons ou des fourmis, qui donc penserait à lui demander s’il s’occupe de cigales actuelles, de fourmis du Moyen Âge, de sauterelles de l’Antiquité, de papillons du Bas-Empire ? [...]

La cigale, c’est une cigale éternelle. Une cigale parmi les cigales de tous les temps. Une fourmi, à mille ans près, ce doit être la même fourmi. Le nomade, c’est un produit identique à lui-même, que fabrique le désert ou la steppe [Hubac, 1948, p. 8].

La piquante citation qui ouvre cet article illustre d’une manière exemplaire deux idées reçues sur le nomadisme : premièrement, les cultures nomades sont façonnées par le milieu naturel ; deuxièmement – et consécutivement –, les sociétés nomades n’ont pas d’histoire.

Il s’est forgé une figure idéalisée, intemporelle et atemporelle

1

, du pasteur nomade, dont le mode de vie serait resté quasiment inchangé au cours des siècles. Cette prétendue immuabilité et ce déni d’historicité sont largement liés à la méconnaissance de ces sociétés.

Des bribes d’information rassemblées ici ou là sur la vie nomade, principalement par des observateurs allogènes, on déduit que, toutes choses étant égales par ailleurs, il en a toujours été de même.

Les anthropologues se sont souvent vu reprocher leur manque de considération pour l’histoire ou leur « allochronie », c’est-à-dire le fait de placer leur objet d’étude dans une autre temporalité que la leur [Fabian, 2006], a fortiori lorsqu’ils traitent de sociétés nomades sans écriture, donc littéralement « préhistoriques ». Si l’on admet – et cela reste débattu –

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J’entends ici intemporel comme immuable et atemporel comme hors du temps.

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que les trois disciplines que sont l’archéologie, l’histoire et l’anthropologie se distinguent non tant par leur objet ni par la place où il se situe dans l’échelle temporelle que par la nature de leurs sources – l’archéologie visant à la connaissance des sociétés par l’étude de leurs vestiges matériels ; l’histoire, par l’étude des sources écrites ; l’anthropologie, par l’étude des sources orales et visuelles, soit par l’observation et l’entretien avec des informateurs –, alors, que peuvent nous apprendre ces trois disciplines sur la réalité de ces sociétés nomades ?

Après la dislocation de l’URSS, les pays qui en sont issus ont mené chacun une politique de construction nationale passant par la « réinvention » de leur préhistoire. Plusieurs nouveaux États d’Asie centrale se présentent dès lors comme les héritiers d’une civilisation nomade des steppes et reconstruisent leur histoire en reprenant et en développant chacun à sa manière certains de ces stéréotypes.

J’analyserai ici les ambiguïtés de cette politique identitaire, fondée sur une mythification du nomadisme, tout en essayant de voir comment l’archéologie, l’histoire et l’anthropologie peuvent rendre leur temporalité aux nomades des steppes et décrire les spécificités de leur mode de vie en échappant aux poncifs les plus courants qui obscurcissent leur image.

P OUR UNE DÉMYTHIFICATION DU NOMADISME

Pastoralisme et nomadisme

Le pastoralisme nomade représente l’activité traditionnelle des peuples turco-mongols de Sibérie et d’Asie centrale. « On peut définir les sociétés pastorales à l’aide d’une formule technique d’exploitation du milieu : l’élevage d’animaux herbivores vivant en troupeaux et se déplaçant à la recherche de leur nourriture. Il en résulte, à des degrés divers, de la transhumance saisonnière au nomadisme erratique, une mobilité des groupes humains associés aux troupeaux et des formes particulières d’organisation de l’espace » [Bonte et Izard, 1991, p. 561 ; voir aussi Bonte, 1973].

Le nomadisme et le pastoralisme sont souvent liés l’un à l’autre, voire confondus, bien qu’il s’agisse de phénomènes distincts : le premier correspond à la mobilité de l’habitat et le second, à l’élevage extensif de troupeaux d’herbivores. Ainsi parle-t-on, tantôt de

« nomadisme pastoral », tantôt de « pastoralisme nomade », ou encore emploie-t-on un terme à la place de l’autre, privilégiant notoirement l’adjectif substantivé « nomade », actuellement auréolé de connotations flatteuses, quitte à l’utiliser hors de propos. Ces deux phénomènes sont évidemment liés car le nomade migre pour et avec son bétail, mais ils n’ont pas le même contenu et ne vont pas nécessairement de pair : il y a des pasteurs sédentaires et des chasseurs-cueilleurs nomades.

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Des nomades partenaires des sédentaires

L’opposition entre nomades et sédentaires constitue une dichotomie majeure et récurrente dans l’histoire de l’Asie centrale. Des recherches ont néanmoins montré que, loin d’être isolés ou autarciques, les nomades vivent toujours en interaction avec les sédentaires [voir Khazanov, 1983].

Par ailleurs, cette dichotomie ne doit pas masquer, d’une part, qu’il existe plusieurs formes intermédiaires, entre nomadisme et sédentarité, et, d’autre part, que ces états ne sont pas toujours stables, un même groupe pouvant changer de mode de résidence

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. Quand leur cheptel a été décimé par un džut, à savoir de mauvaises conditions climatiques, les éleveurs peuvent devenir temporairement sédentaires, puis, une fois leur fortune refaite et leurs troupeaux reconstitués, repartir nomadiser.

Enfin, les relations entre nomades et sédentaires ne sont pas toujours agressives, comme le voudrait la figure classique du nomade pilleur et destructeur [Marques, 1988]. Cette image négative s’est développée à la fois dans la civilisation gréco-romaine et dans la civilisation chinoise, qui redoutaient ces « barbares » et entendaient se protéger contre leurs invasions. Plus récemment, elle a été entretenue par la coutume kazakhe du barymta, ou détournement de troupeaux [Aouelbekov et Ferret, 2010], et par la pratique turkmène de l’alaman, razzia visant à capturer des esclaves dans la population sédentaire [Botâkov, 2002], usages auxquels la colonisation russe mit fin. Il n’en demeure pas moins qu’en Asie centrale, nomades et sédentaires doivent plutôt être considérés comme des partenaires inséparables et égaux, selon l’expression récente de l’archéologue Henri-Paul Francfort, cette aire culturelle présentant une conjonction unique de deux mondes, celui de la steppe et celui des oasis.

Pas de simples prédateurs

Le nomade n’est pas non plus un prédateur se contentant de prélever, selon ses besoins, des produits animaux sur des troupeaux qui croîtraient et multiplieraient sans son intervention. Il modifie le milieu dans lequel il vit, directement et indirectement. Il transforme profondément les animaux qu’il élève, par ses actions dans le domaine de la reproduction, du nourrissage, de la surveillance, voire du dressage.

Le pacage en liberté peut parfois donner l’impression fallacieuse d’un bétail sauvage, mais les éleveurs interviennent bel et bien dans la reproduction des bêtes et dans le contrôle de leur mobilité [Ferret, 2006]. Inspirés par les recherches de Tim Ingold [1980, entre autres], plusieurs travaux récents soulignent la symbiose existant entre les hommes et leur bétail [Beach et Stammler, 2006].

Le nomadisme n’est pas une errance

Un autre aspect de la représentation obsolète du nomadisme le conçoit comme une errance. Le pasteur est décrit vagabondant au hasard dans de vastes espaces indifférenciés, à

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Sur l’inadéquation de la dichotomie nomade vs sédentaire appliquée aux Turkmènes iomoutes de la région du Gurgan, voir Irons, 1974, p. 637, et sur les changements de mode de résidence, Bouchet, 1991, p. 62.

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la recherche de pâtures pour son bétail. Or, à l’examen, les trajets de nomadisation s’avèrent remarquablement stables

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. Quelles que soient la longueur, la forme et la direction des trajectoires – verticales, méridiennes ou autres – ainsi que le degré de mobilité des nomades considérés, les mêmes parcours se répètent d’année en année. Les campements saisonniers restent le plus souvent identiques, surtout les hivernages, où sont parfois construites des maisons en dur.

Les langues témoignent de cette stabilité : en kazakh, le verbe köšu, « nomadiser », implique des migrations stables vers des lieux connus, selon des trajectoires coutumières.

S’il y a, dans des circonstances exceptionnelles, migration en dehors des parcours habituels, c’est un autre verbe que l’on emploie : auu, qui connote une idée de désordre et de déséquilibre. De même, en mongol, le verbe nüüh, « nomadiser », véhicule la notion d’habitude plus que de mouvement [Chabros et Dulam, 1990, p. 29]. Redoutant les endroits qu’ils ne connaissent pas, selon le dicton kazakh « dans les lieux inconnus, il y a beaucoup de creux et de bosses inattendus », les nomades préféraient suivre des itinéraires éprouvés [Ferret et Aouelbekov, 2010, § 66]. Aussi deux Kazakhs qui se rencontrent pour la première fois se posent-ils d’emblée la question qaj žerde ? – « de quelle terre es-tu ? d’où viens-tu ? » [Vuillemenot, 2009, p. 77]. On peut donc parler, chez le pasteur nomade comme chez le paysan sédentaire, d’un attachement à la terre, malgré la multiplicité des résidences.

Déterminisme écologique ?

La plupart des sociétés pastorales d’Asie intérieure relèvent de ce qu’on appelle « la civilisation des steppes », mais les milieux naturels habités sont plus variés, comprenant désert, montagne, taïga, voire toundra, et de nombreuses zones écologiques intermédiaires.

Une image classique du nomade le décrit comme remarquablement adapté à son environnement, maximisant l’emploi des ressources naturelles par une répartition judicieuse des zones de pacage en fonction des saisons et des espèces élevées.

L’hypothèse d’un déterminisme par le milieu naturel n’est toutefois pas confirmée par les faits. Parmi les causes possibles de l’apparition du nomadisme pastoral est parfois évoqué un changement climatique qui aurait stimulé la croissance des graminées, entraîné le développement du cheptel et de la population, par suite permis le passage de l’agro- pastoralisme semi-sédentaire au nomadisme pastoral monté vers 850 avant notre ère et enfin suscité de grandes migrations vers l’Ouest. Or les données montrant une humidification du climat sont très partielles et leur rôle dans les changements socioculturels n’est pas avéré.

« Les conclusions sur l’environnement paraissent induites par le désir de faire correspondre un changement climatique à une migration eurasienne. La migration archéologique

“validerait” ainsi l’hypothèse du changement climatique et environnemental, tandis que le changement environnemental donnerait une “caution scientifique” à l’hypothèse migratoire.

Ces arguments sont circulaires » [Francfort, 2008].

3

La bibliographie est immense sur le sujet. Je citerai simplement Khazanov, 1983, et Masanov, 1995, travaux synthétiques majeurs sur le nomadisme pastoral et dotés d’une riche bibliographie. Il convient par ailleurs de noter que cette stabilité générale n’exclut pas les changements d’itinéraires [voir Lavrillier, 2007, p. 74, 84-87].

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Sur le plan géographique et non plus chronologique, l’analyse de la répartition des nomades en Iran et en Afghanistan révèle, selon Xavier de Planhol, « une discordance manifeste avec les exigences des données naturelles » puisque les pasteurs nomades habitent parfois des zones parfaitement cultivables. « Une distribution aussi déconcertante ne peut être expliquée par un déterminisme géographique simple. Elle est essentiellement l’héritage d’un lourd passé historique, et avant tout des grandes invasions nomades médiévales, épisode décisif qui domine encore toute la configuration humaine de ces pays » [Planhol, 1977, p. 37, 38]. William Irons montre que la mobilité des Turkmènes iomoutes d’Iran – aussi bien charwa, éleveurs ovins, que chomur, cultivateurs de céréales – s’explique par des raisons non tant économiques que politiques, liées au désir d’échapper au contrôle étatique [Irons, 1974].

À l’autre extrémité de l’aire altaïque, en Sibérie orientale, les Iakoutes, turcophones semi-sédentaires, ont conservé leur élevage équin et bovin après leur migration (entre le X

e

et le XV

e

siècle) vers le nord, parmi des peuples chasseurs et éleveurs de rennes de la taïga septentrionale, montrant ainsi qu’un changement de milieu écologique n’implique pas nécessairement un abandon du système pastoral antérieur.

D’autres exemples pourraient illustrer le fait que les conditions environnementales ne suffisent pas à expliquer la pratique du pastoralisme nomade (ni son apparition, ni sa disparition, ni sa répartition géographique). Le déterminisme écologique paraît donc difficilement tenable, dans le temps comme dans l’espace.

Ce paradigme persiste néanmoins. Actuellement, maintes études, notamment anglo- saxonnes, soulignent les contraintes du milieu naturel et interprètent les différentes facettes du mode de vie nomade comme des formes d’adaptation à l’environnement, l’eau étant souvent considérée comme le principal facteur limitant [Masanov, 1995, p. 79 sq. ; Casimir, 2000].

Entre reconnaître la présence de contraintes naturelles fortes et conclure à un déterminisme écologique généralisé, il y a un pas qu’il n’est peut-être pas opportun de franchir. La présence de contraintes réduit l’éventail des possibles mais n’implique pas l’absence de choix culturels. Non seulement ce paradigme mérite notre suspicion, comme tout réductionnisme, non seulement il privilégie l’action du milieu sur l’homme et ignore l’action réciproque, exercée par l’homme sur le milieu, mais encore, poser un déterminisme écologique, même si cela conduit aujourd’hui à idéaliser le nomade comme remarquablement adapté à son milieu et non plus à le stigmatiser comme barbare et inculte, n’est, en fin de compte, que le dernier avatar d’une figure caricaturale qui place le nomade hors du temps et lui dénie toute historicité. On en revient, sous d’autres termes, à la cigale de Pierre Hubac : un nomade forgé par son milieu naturel n’a pas d’histoire.

Un phénomène historique

Si cette conception, exprimée sous cette forme, paraît totalement désuète aujourd’hui, elle n’a pas entièrement disparu dans le fond. Et nous ne sommes pas complètement débarrassés de l’évolutionnisme du XIX

e

siècle, qui définissait le nomadisme pastoral comme un stade historique primitif, antérieur à la civilisation agricole.

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Inspiré par l’évolutionnisme de Lewis Morgan ainsi que par la théorie des modes de production de Marx et Engels, l’archéologue et linguiste Nicolas Marr distinguait cinq stades dans le développement de l’humanité (communisme primitif, esclavagisme, féodalisme, capitalisme et communisme). Bien que cette théorie ait été condamnée par Staline en 1950, l’ethnographie soviétique a été durablement dominée par une conception évolutionniste de l’histoire. Entre les deux grands paradigmes qui ont marqué les débuts de l’anthropologie sociale en Europe, le diffusionnisme et l’évolutionnisme, le second a nettement plus influencé les ethnographes soviétiques que le premier.

Dans ce cadre de pensée stadialiste, les sociétés nomades d’Asie centrale représentent, selon les auteurs, tantôt des exemples du stade primitif, tantôt des illustrations du stade féodal. La figure du nomade n’est alors plus intemporelle, mais insérée dans une progression linéaire inéluctable. La polémique suscitée par Vladimirtsov [1948], qui voyait dans le régime social des Mongols médiévaux un exemple de féodalisme et s’opposait à une conception égalitaire des sociétés nomades [voir Digard, 1990], paraît aujourd’hui très datée.

Toutefois, les débats sur l’organisation sociale des nomades d’Asie intérieure sont loin d’être clos, comme en témoigne la publication récente de The Headless State par David Sneath [2007], qui remet en question le tribalisme centrasiatique, taxé d’imaginaire, et l’absence d’État dans ces sociétés, deux idées reçues qui auraient été imposées par les colonisateurs du

XIX

e

siècle. Nier la réalité du principe généalogique et le rôle de la parenté dans la structuration du social s’avère cependant tout aussi vain que d’en faire l’unique facteur explicatif.

En tout état de cause, les recherches archéologiques ont démontré que le nomadisme pastoral n’est ni permanent ni primitif. Loin d’être antérieur à l’agriculture sédentaire, il en est, au contraire, issu. C’est un phénomène de longue durée, mais circonscrit dans le temps, qui a un début, situé au I

er

millénaire avant notre ère, et une fin, que les historiens du futur fixeront peut-être au XX

e

siècle

4

. En outre, il revêt des formes variées et coexiste avec d’autres modes de vie et d’habitat.

Par ailleurs, l’examen des techniques pastorales montre qu’elles ne suivent pas une évolution linéaire, manifestant un progrès ou une sophistication croissante. L’histoire de l’équitation, par exemple, comprend certes des étapes majeures marquant d’indéniables progrès techniques, tels la selle à arçon ou l’étrier, mais la comparaison de l’ornementation des harnais actuels avec ceux de la période scythe ne peut qu’amener à constater une simplification et appauvrissement, avec la disparition des barrettes de mors et surtout celle des motifs animaux, particulièrement spectaculaires à Pazyryk ou à Berel [Ferret, 2009, p. 191].

Une fois qu’ont été battus en brèche ces différents aspects de la figure du nomade comme étant sans histoire, déterminé par son milieu, autarcique, destructeur, errant, prédateur, que reste-t-il ?

4

Le titre de l’ouvrage de C. Humphrey et D. Sneath, The End of Nomadism? [1999] pourrait laisser croire que cette issue s’est accomplie au terme du

XXe

siècle. En réalité, plutôt que de prendre acte de la sédentarisation, il s’agit, pour ces auteurs, de rompre avec les préjugés dont est entaché le concept de nomadisme, en lui substituant celui de « pastoralisme mobile », tout en réaffirmant la mobilité comme condition indispensable à l’élevage des troupeaux en Asie intérieure.

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L E PASTORALISME NOMADE EN A SIE INTÉRIEURE

Après avoir débarrassé le nomade de ses oripeaux stéréotypés, il reste à donner corps à ce concept de pastoralisme nomade en étudiant de près les pratiques pastorales et les formes de mobilité : examiner les parcours de nomadisation, le nombre de déplacements, voir si ceux- ci engagent tout le groupe humain, les distances couvertes, la durée des stations au même endroit, les espèces domestiques élevées, les techniques de gardiennage des troupeaux, étudier les conceptions de l’espace, les modes d’orientation, etc.

Dans les années 1970-1980, l’équipe « Écologie et anthropologie des sociétés pastorales » s’est intéressée à ces questions, publiant plusieurs monographies, une revue intitulée Production pastorale et société (de 1978 à 1987) et les actes d’un colloque [Collectif, 1979].

Dans les années 1990, des chercheurs de Cambridge ont produit plusieurs travaux sur ce thème dans une zone dite Inner Asia, correspondant à la Mongolie et ses alentours [Humphrey et Sneath, 1996 ; id., 1999]. Actuellement, un groupe de recherche international du CNRS mène des recherches sur le nomadisme dans une zone plus étendue, en Asie centrale et septentrionale [voir Collectif, 2006].

Diversité des formes

Il convient d’emblée de préciser que, si les peuples altaïques de Sibérie et d’Asie centrale sont parfois présentés comme l’archétype des sociétés pastorales, l’immense majorité d’entre eux ne sont plus nomades aujourd’hui, depuis la collectivisation soviétique et la sédentarisation des années 1930. Et même auparavant, ces peuples pratiquaient des formes diverses de pastoralisme, allant du nomadisme à la sédentarité, en passant par plusieurs formules intermédiaires de semi-nomadisme. L’étude des sources historiques de la fin du

XIX

e

au début du XX

e

siècle révèle une grande variété dans ce domaine, qui rend caduque l’hypothèse d’un modèle uniforme [Ferret, à paraître].

Le nomadisme au sens strict, avec des migrations tout au long de l’année, sans station prolongée et une activité fondée exclusivement sur l’élevage, était grandement minoritaire, existant à cette époque chez certains Mongols, Kazakhs de l’Ouest et Bouriates d’Aga. Il suppose un nombre élevé de têtes de bétail par habitant, supérieur à l’équivalent de quatre chevaux par personne

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. Ce nomadisme suppose aussi une faible densité (inférieure à deux habitants par kilomètre carré)

6

. Nécessaires, ces conditions ne sont pas suffisantes, puisqu’en Sibérie méridionale, elles s’accordaient à la semi-sédentarité.

Le quasi-nomadisme, avec un habitat fixe en une saison, était largement pratiqué par les Touvas [Vainshtein, 1980, p. 83-98] et les Kazakhs des hordes (žüz) grande et moyenne,

5

Quand l’élevage est l’unique activité, il faut compter, selon S. I. Rudenko, l’équivalent de vingt-cinq chevaux pour nourrir une famille de cinq personnes [Markov, 1976, p. 21].

6

N. E. Masanov parle même de « la dispersion comme loi générale de l’activité de la société nomade » [1990, p. 202].

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(9)

dont les migrations hivernales étaient entravées par l’enneigement [Masanov, 1995, p. 40].

Le semi-nomadisme, où une partie minoritaire de la population demeure toute l’année au même endroit tandis que la majorité nomadise avec le bétail, était fréquent chez les Kirghizes [Kušner, 1929, p. 25], les Bouriates de Transbaïkalie et certains Turkmènes. La semi-sédentarité, avec deux habitats fixes, un hivernage et un estivage, était le modèle dominant chez les Iakoutes, les Bouriates de Cisbaïkalie, les Khakasses, mais aussi chez certains Kazakhs du Nord-Ouest.

La sédentarité, où l’ensemble de la population demeure toute l’année au même endroit, sauf quelques bergers qui accompagnent les transhumances, était alors courante chez les Kazakhs du Sud, les Kirghizes du Nord-Ouest et les Bouriates de Cisbaïkalie. C’est actuellement le modèle omniprésent, auquel seuls certains Mongols ou éleveurs de rennes sibériens font exception.

L’exemple kazakh

Sur le territoire de l’actuel Kazakhstan, la coexistence de plusieurs modes d’habitat au tournant des XIXe et XXe siècles est généralement expliquée par le fait que les divers groupes se trouvaient alors à différents stades d’une évolution linéaire, allant du nomadisme à la sédentarité. Influencés, au nord par la Russie, au sud par les oasis centrasiatiques, certains auraient été plus avancés que d’autres dans ce processus, que la sédentarisation des années 1930 aurait accéléré et parachevé. Mais cette interprétation découle d’un préjugé évolutionniste plus qu’elle ne se fonde sur des faits avérés. Cette diversité de l’habitat et des activités pourrait bien avoir été la règle et non l’exception.

Tant que le nomadisme était socialement valorisé, il était logiquement mis en avant. De même étaient prisées, dans le bétail, les espèces dites « aux jambes longues » (chevaux et chameaux), qui se déplacent rapidement et paissent loin du campement. En effet, parmi les animaux élevés, certains sont plus mobiles que d’autres (par ordre dégressif dans l’ensemble de l’Asie intérieure : cervidés, équidés, camélidés, caprins, ovins et bovins). Or, au Kazakhstan, la répartition géographique du cheptel marquait des disparités régionales, avec davantage de chevaux dans le Centre et le Nord-Est kazakh, de bovins dans le Nord-Ouest, de camélidés dans le Sud et l’Ouest et d’ovins au sud-est. Cependant, il n’est pas possible de déceler une claire corrélation entre le degré de nomadisme et les espèces dominantes.

Aujourd’hui, après la collectivisation soviétique, qui provoqua une terrible famine, causant la mort d’un tiers de la population kazakhe [Pianciola, 2004 ; Ohayon, 2005], et après la privatisation des années 1990, qui vit également une diminution du cheptel, ces préférences régionales perdurent, malgré l’augmentation générale des bovins. Le cheval, dont la figure est intimement associée à celle du nomade, demeure l’animal de prédilection et il est devenu, dans plusieurs pays, un emblème national [Ferret, 2011]. En dépit de son irréalité, la vision anhistorique et romantique du nomade se manifeste encore dans des discours politiques exaltés, vantant le passé glorieux des nomades et leur avenir radieux.

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L’exploitation politique de la figure du nomade

Après l’indépendance, le nomadisme est ostensiblement revendiqué comme la première composante de l’identité kazakhe, ainsi qu’en témoignent les appels fédérateurs des autorités qui s’autoproclament : « Nous, les nomades ». Nomade est aussi, par exemple, le titre d’un film produit en 2004 avec des fonds publics, qui raconte l’unification de tribus kazakhes au

XVIII

e

siècle contre leurs ennemis djoungars. Et pourtant, nomades, les Kazakhs ne le sont objectivement plus

7

. Le président du Kazakhstan, Noursoultan Nazarbaïev, commence son livre Au cœur de l’Eurasie par l’évocation d’un cheval : « C’était visiblement un de ces chevaux des steppes, d’apparence modeste mais qui ont permis aux guerriers nomades de parcourir les immenses espaces eurasiatiques » [Nazarbaev, 2005, p. 13]. Les courses et les jeux équestres connaissent un regain d’intérêt depuis l’indépendance et sont présentés comme les manifestations d’une tradition nationale [Ferret, 2008].

Les armoiries du Kazakhstan représentent, outre deux chevaux ailés, la voûte sommitale d’une iourte, l’habitation emblématique du pasteur nomade altaïque. Des iourtes poussent partout comme des champignons, mais surtout en ville, sur des dalles de béton. En 2010 a été érigé dans la nouvelle capitale kazakhe rebaptisée Astana, « Capitale », le Han Šatyr, présenté comme la plus grande tente du monde, qui abrite un immense centre commercial et n’a évidemment plus rien de mobile.

Cette politique identitaire fondée sur l’exploitation de l’image du nomadisme n’est pas dénuée d’ambiguïtés. Eux-mêmes influencés par une représentation négative des nomades, perçus comme incultes et privés d’historicité, les Kazakhs hésitent à promouvoir exclusivement ce legs. Aussi sont-ils enclins à se proclamer en même temps fondateurs de cités, inventeurs de l’écriture, créateurs d’État avant l’heure [Laruelle, 2008]. Loin d’assumer pleinement une tradition nomade intemporelle, ils partagent avec les autres États centrasiatiques une quête effrénée d’ancestralité, qui pousse à reculer les dates toujours davantage, bien au-delà de ce que la rigueur scientifique imposerait, et à dater des objets culturels qui ne peuvent raisonnablement pas l’être (telle l’épopée kirghize Manas). Dans une telle optique, où la valeur se fonde essentiellement sur le nombre des années, c’est précisément cette atemporalité qui les retient de s’afficher comme les héritiers de la seule civilisation nomade des steppes.

P OUR ALLER PLUS LOIN

Tout en n’étant pas aveuglés par la gloire des empires des steppes, et sans tomber dans le piège de la permanence, des chercheurs attribuent, eux aussi, une certaine supériorité aux peuples nomades ou ex-nomades, liée à leur opportunisme économique, social et politique, qui leur permettrait de mieux vivre les périodes de transition [Gossiaux, 2009]. Il ne serait, en effet, pas étonnant que la mobilité de l’habitat ait entraîné chez eux certaines

7

Actuellement, les « nomades » kazakhs migrent notablement moins que leurs voisins « sédentaires », ouzbeks ou tadjiks, qui viennent en masse sur leur territoire s’employer aux travaux saisonniers [Laruelle, 2010].

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dispositions, une aptitude à s’adapter à des circonstances changeantes en faisant feu de tout bois.

Dans le domaine restreint des techniques équestres, les pasteurs altaïques manifestent également une propension pour les actions de type opportuniste, s’adaptant aux conditions du moment sans discours normatif [Ferret, 2006]. Leur élevage peu interventionniste, qui encourage la participation de l’animal, se distingue par la discontinuité de ses actions.

Renseignée par des données archéologiques et historiques fiables, dégagées des préjugés dont est entachée la figure du nomade, l’anthropologie peut, grâce à un retour vers l’empirisme ethnographique, dévoiler des modes d’action propres à l’activité pastorale et susceptibles de perdurer, sans réduire la diversité des pratiques à un modèle uniforme dans l’espace et dans le temps.

R ÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES

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Résumé : Depuis la dislocation de l’URSS, les États qui en sont issus ont chacun mené une politique de construction nationale qui passe par la “réinvention” de leur préhistoire.

Certains d’entre eux, tels le Kazakhstan, se présentent comme les héritiers d’une civilisation nomade des steppes. Il s’est créé une figure atemporelle du nomade des steppes, vivant dans sa yourte, en symbiose avec son bétail, forgé par son environnement et dont le mode de vie serait resté immuable à travers les siècles jusqu’à l’irruption de la modernité soviétique. Afin de lui rendre sa temporalité, l’anthropologie et l’archéologie peuvent concourir à nuancer et à enrichir ces représentations souvent inexactes ou simplistes, en montrant les multiples formes que revêt le nomadisme pastoral, son ancrage dans l’histoire, ses interactions avec le monde sédentaire, quitte à rompre avec les préjugés de l’immuabilité ou de l’évolution linéaire de ces sociétés

Mots-clés : Nomadisme, pastoralisme, Kazakhstan, stéréotype, temporalité, évolutionnisme, identité

Keywords: Nomadism, pastoralism, Kazakhstan, stereotype, temporality, evolutionism identity

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Plan

Pour une démythification du nomadisme ... 2

Pastoralisme et nomadisme ... 2

Des nomades partenaires des sédentaires ... 3

Pas de simples prédateurs ... 3

Le nomadisme n’est pas une errance ... 3

Déterminisme écologique ?... 4

Un phénomène historique ... 5

Le pastoralisme nomade en Asie intérieure ... 7

Diversité des formes ... 7

L’exemple kazakh ... 8

L’exploitation politique de la figure du nomade ... 9

Pour aller plus loin ... 9

Références bibliographiques... 10

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