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ASPECTS CLASSIQUES ET ASPECTS RÉCENTS DE
LA THÉORIE DES DÉFAUTS
M. Kléman
To cite this version:
JOURNAL DE PHYSIQUE Colloque C5, supplément au n" 8, tome 39, août 1978, page C5-23
ASPECTS CLASSIQUES ET ASPECTS RÉCENTS DE LA THÉORIE
DES DÉFAUTS
M . K L É M A N
Université Paris-Sud, Physique des Solides Bât. 510, 91405 Orsay, F r a n c e
Résumé. — Dans cet exposé, nous donnons un aperçu de la théorie des défauts ; ses aspects clas-siques (théorie classique des dislocations, processus de Volterra, etc.) ; ses aspects récents (théorie de l'homotopie, variété des états internes, etc.). Ces différents concepts sont comparés.
Abstract. — In this talk" we give a sketch of the theory of defects : its classical aspects (classical
theory of dislocations. Volterra processus, etc.), its recent aspects (homotopy theory, manifold of internal states). These different concepts are compared.
La théorie des dislocations est sans doute un des • domaines de la physique où les aspects géométriques jouent un rôle déterminant. L'objet de la
cristallo-graphie est le cristal parfait, formé d'un motif atomique répété dans les 3 dimensions, défini par son groupe de symétrie H. Fille de cette science, la théorie des dislocations étudie le cristal imparfait, c'est-à-dire le cristal réel, où l'on a su reconnaître que les défauts plans, linéaires, ou ponctuels, sont liés à des cassures spécifiques de la symétrie. On doit attacher à cette démarche décisive les noms de G. Friedel [1] (pour les défauts plans dans les cristaux solides), Orowan [2], Polanyi [3] et Taylor [4] (pour les lignes dans les cristaux solides) etc.. Les défauts ponctuels liés à la
symétrie (nous ne parlons pas ici des lacunes et des intersticiels bien connus des physiciens du solide) ne sont compris que depuis plus récemment. Ces auteurs sont d'abord motivés par l'exigence de l'expli-cation des propriétés plastiques des métaux. Leur analyse s'appuie cependant à la fois sur ces considé-rations de symétrie, étendues, avec Burgers [5], à de véritables considérations de topologie. Les cristaux -solides mettent en jeu essentiellement des cassures des symétries de translation ; avec les cassures des symétries de rotation, que l'on rencontre dans l'étude des défauts des cristaux liquides (nématiques, smectiques, cho-lestériques), des systèmes de spin (ferromagnétiques, hélimagnétiques, ...), des milieux de Cosserat (3He,
milieux où le paramètre d'ordre est un ou plusieurs trièdres), l'analyse géométrique et topologique devient une nécessité vitale : G. Friedel [6] est le premier à lier k
clairement symétries et défauts dans les cristaux ' liquides; dans son analyse classique, il remonte des défauts observés (par microscopie optique !) aux symétries cristallines. Plus récemment, il faut citer dans la même veine les noms de Frank [7], Nabarro [8], et J. Friedel [9].
La description classique des dislocations (défauts linéaires) s'appuie sur un modèle de fabrication de ces défauts à partir du cristal parfait, le processus de
Volterra (P. V.), qui permet de classer les dislocations
selon les divers éléments de symétrie du groupe cristallographique H. Un avantage, peut-être insuf-fisamment reconnu, de P. V., est qu'il définit les condi-tions aux limites du calcul des déformacondi-tions (distor-sions et gradients de rotation) qui accompagnent l'introduction d'une dislocation dans un milieu parfait. Cela est bien connu pour les dislocations de trans-lation : la méthode a d'ailleurs été créée par Volterra lui-même pour décrire Yétat naturel d'un solide élastique amorphe obéissant à la loi de Hooke, c'est-à-dire un solide élastique libre de toutes forces appliquées, mais à l'intérieur duquel les déplacements élastiques peuvent présenter certaines singularités. Mais, sous cette forme, l'application de P. V. à la description des solutions singulières de l'élasticité reste limitée aux dislocations de translation et de rotation mettant en jeu des déplacements infinité-simaux. On reste alors dans le domaine de l'élasticité linéaire, pour laquelle certains théorèmes (Wein-garten [11]) justifient la méthode de Volterra. Il est cependant possible d'élargir le processus de Volterra à des déplacements finis [12]). Une autre raison qui conduit à donner à P. V. une place importante est qu'il peut aisément s'étendre à la description du
mouvement des défauts.
En résumé, le processus de Volterra se distingue par le contenu physique qu'il apporte à la théorie des défauts. Il est cependant limité aux dislocations, et encore certains types en sont-ils exclus. Les modifi-cations apportées à P. V. pour inclure ces cas, ainsi que des défauts de dimensionalités différentes, deman-dent l'introduction d'un concept très fructueux, celui de densité de dislocation [13, 14]. Mais alors les
priétés géométriques qui font des défauts des objets topologiques sont entièrement dissimulées. Le mérite des méthodes de topologie algébrique est justement de fournir un cadre conceptuel permettant une classi- fication des défauts à toutes les dimensionalités, et recouvrant les cas de dislocations mal décrits par P. V. Dans ses aspects récents, la théorie des défauts utilise plus spécialement les méthodes de la théorie de l'homotopie [15]. Cette théorie a déjà été utilisée en physique, mais dans des domaines fort différents :
classification des monopoles magnétiques de t'Hooft
topie des groupes d'homotopie n,(V) (points singu- liers, r = 2 ; lignes singulières, r = 1 ; surfaces singu- lières, r = O ; les « kinks » ou solitons topologiques correspondent à r = 3).
Une propriété propre au groupe
IZ,(V)
est qu'il peut être non abélien(n,(V)
et n,(V) sont nécessairement abéliens). Y correspondent les faits que :a) Certaines lignes de dislocations ne peuvent se croiser sans créer un segment qui les joint (ce segment appartient à une classe de commutateurs de Il, (V) [25, 261) :
-. J I 7
[16] et Polyakov [ I l , ciassificati~n dei instantons du b) Le déplacement d.une ligne autour autre groupe de jauge LI8]. les travaux plus peut changer sa d'homotopie Ces propriétés anciens, véritablement d'avant-garde, de Finkelstein étaient connues auparavant [27, 281, mais sans être sur les " kinks )) [l9i, a donné un prolon-
rattachées à la par classes d7homotopie. gement d?cent [201 (étude des a kinks )) du
Enfin la classification par P. V. peut être rapprochée
magnétique d'un plasma non résistif). Tous ces aspects
de =lie par n,(V) en remarquant à chaque sont développés par [211 dans sa con élément du groupe
n
,
(V)/D correspond une opération rence. bien déterminée de P. V., où D est le sous-groupe deLe concept fondamental en théorie des défauts par n,(V) contenant les classes de commutateurs. les groupes d'homotopie est celui de variété des états
internes-v [19-231. V est l'orbite G/H, où G est le groupe de symétrie des lois physiques (pour les cris- taux, G est le groupe euclidien E (3)), H le groupe
cristallographique [24]. A tout point de V correspond
une orientation et position particulière du milieu parfait dans l'espace : l'action de G consiste en une rotation et une translation qui amène le milieu parfait en un état physiquement équivalent. Si le milieu est imparfait, il correspond aux divers points réguliers du cristal, différents points sur V ; on ne peut établir une telle correspondance pour les points singuliers du cristal situés à l'emplacement des défauts. On montre que ceux-ci se classent selon les classes d'homo-
Dans cette conférence, on présentera successivement un certain nombre de définitions et de propriétés relatives aux deux descriptions (ancienne et récente) des défauts dans les milieux ordonnés. Les principaux concepts de la première partie peuvent être trouvés en [8] et [12] ; les références [22-251 se rapportent aux concepts de la deuxième partie. [29] donne un exposé détaillé de l'application des méthodes d'homotopie aux nématiques, cholestériques et phases de 3He. On trouvera en [30] un tableau donnant la classifi- cation des défauts (dimensions O, 1 et 2 pour les princi- paux milieux ordonnés tridimensionnels). [3 11 est une référence générale couvrant la totalité du sujet.
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