ENCYCLOPÉDIE SCIENTIFIQUE
DES
AIDE-MÉMOIRE
PUBLIÉS
SOUS LA DIRECTION DE M.
LÉAUTK,
MEMBRE DE L'INSTITUTKayser—Les Levures 1
Ce volume est une
publication de l'Encyclopédie
scientifiquedes Aide-Mémoire
;F. Lafargue, ancien
élève de
l'Ecole Polytechnique, Secrétaire général,
169,Boulevard Malesherbes, Paris.
N® 17G B
ENCYCLOPÉDIE SCIENTIFIQUE DES ÀIDE-MEÏÏOlIUi
publuSe sous la.direction
de M.
LEAUTÉ,
Membre de l'Institut.LES LEVURES
CARACTÈRES
MORPHOLOGIQUES ET PHYSIOLOGIQUES
APPLICATIONS
DES
LEVURES SÉLECTIONNÉES
Edmond KAYSER
Ancien élève de l'Institut National Agronomique
Docteur ès sciences
Chef des travaux du laboratoire de fermentation à l'InstitutNational Agronomique
PARIS
MASSON et Cie, éditeurs, GAUTHIER-YILLARS et fils,
LIBRAIRESDE L'ACADÉMIEDE MÉDECINE IMPRIMEURS-ÉDITEURS BoulevardSaint-Germain, 120 Quai des
Grands-Augustins,
55(Tous droits réservés)
PREFACE
Depuis la publication du traité classique de microbiologie de M. Duclaux,
nosconnaissances
sur les levures
alcooliques
sesont considérable¬
ment accrues;
elles
sedéveloppent d'ailleurs chaque jour davantage. D'autres
ouvragesplus récents,
tels queles traités de MM. Jôrgensen, Lindner, envisagent surtout le côté morpholo¬
gique et négligent la physiologie.
M.
Léauté,
pensantqu'il serait utile de pré¬
senter dans un recueil condensé l'état de la science des
levures,
m'aproposé de
mecharger
de ce travail;
j'ai accepté cette invitation
avecun
plaisir d'autant plus grand
queje répondais
ainsi au désir maintes fois
exprimé
par nos élèves de trouverréunies,
dans unpetit recueil,
les notions un peu
éparses
surles levures alcoo¬
liques.
. Je me suis borné à grouper
aussi méthodi¬
quement que
possible les faits
connus, à endonner de
façon simple
un aperçugénéral,
en6 LES LEVURES
m'étendant un peu
plus
surles levures
puresou levures sélectionnées
qui sont tout à fait à
l'ordre dujour.
La
majeure partie des exemples cités ont été
choisis dans lesexpériences faites
aulaboratoire
de fermentation de l'InstitutAgronomique.
Le traité est divisé en deux
parties
compre¬nantchacune
quatre chapitres, dont la table des
matières
indiquera la teneur.
Je serais satisfait si ce
petit recueil pouvait
servir de
guide et de plan d'études à
nosjeunes élèves; si, de plus, j'avais
pudémontrer
auxpraticiens combien les phénomènes de fermen¬
tation sont
complexes; combien les infiniment petits sont délicats et sensibles
auxconditions extérieures, combien enfin il importe de bien
se rendrecompte des exigences des levures sélec¬
tionnées,
pour entirer le meilleur parti et éviter
des échecs certains. En
pratique, il faut envi¬
sager
des solutions approximativement satisfai¬
santeset, dans ces
conditions, l'emploi judicieux
des levures sélectionnées pourra
rendre,
en maintescirconstances, de
trèssérieux services.
EDM. KAYSER.
CHAPITRÉ PREMIER
NOTIONS
GÉNÉRALES
SUR LES FERMENTATIONSPendant
longtemps
ondésignait
sousle
nomde « fermentations » tous les
phénomènes dans lesquels
une massepâteuse (solide
ouliquide)
se boursoufilait avec forte
production de
gaz:telles la fermentation du
jus de raisins dans les
cuves de
vendange et la fermentation de la pâte
dupain additionnée de levain.
Plus
tard,
on agénéralisé et
on aappliqué
cette dénomination à diverses réactions chi¬
miques spontanées, où l'on voyait lés
corps setransformer,
sans causeapparente
:telles la
sac- eharilicationdumalt, l'acétiflcation
duvin,
etc.Le corps
subissant la fermentation
estla subs¬tance
fermentescible, l'agent actif est le ferment.
Cette modification sefait sousl'influence d'un être vivant et
organisé,
oubien la transforma¬
tion de la matière
organique est l'effet d'un
principe
azoté,soluble
mais nonorganisé.
8 NOTIONS GÉNÉRALES SUR LES FERMENTATIONS Dans le
premier
cas,l'acte chimique de la
fermentation est essentiellement un
phénomène
corrélatif d'un acte vital commençant et
s'arrè-
tanl avec ce dernier. Il affecte les formes les
plus variables
«oxydations, réductions, hydra¬
tations, dédoublements
» ; cesont les fermenta¬
tions
proprement dites.
Dans le deuxième cas, une
très faible
quan¬tité du
principe azoté, d'origine animale
ouvé¬
gétale (diastase), suffit
pouragir,
par saseule présence,
surle
corpsfermentescible
:telles la
transformation des matières albuminoïdes en
peptones
parla pepsine de l'estomac, la trans¬
formation de l'amidon en dextrine et en mal- tose sous l'influence de
l'orge germée (amy- lase), etc.
On
peut rapprocher
cesdeux
genresde fer¬
mentations par
la grandeur du rapport entre
l'effetet la cause, par
la disproportion énorme qui existe entre le poids de l'organisme ferment
et celui de la substance fermentescible sur la¬
quelle il agit
;pendant
quele ferment organisé
se trouveàla fin de lafermentation en
quantité plus considérable, le ferment figuré reste sensi¬
blement dans la même
proportion, c'est
cequi
sertà les
distinguer.
Nécessité des infiniment petits. Leur dissémination, caractère ferment. —
Les
plantes supérieures constituent leurs tissus à
NÉCESSITÉ DES INFINIMENT PETITS
9
l'aide desprincipes enlevés
ausol et à l'air
;au premier, elles empruntent les principes miné¬
raux; à
l'air, elles prennent, grâce à leur chlo¬
rophylle,
sousl'influence des rayons solaires,
l'acide
carbonique qui, combiné à l'eau, sert à
former les
composés hydrocarbonés
: sucre,ami¬
don,
cellulose,
etc.Les
plantes servent à la nourriture des ani¬
maux etla matière
organique produite est deve¬
nue
impropre à nourrir d'autres végétaux. Il faut qu'elle soit détruite et amenée à des éléments
plus simples dont les termes extrêmes sont:
l'acide
carbonique, l'ammoniaque, le carbone
etl'azote; c'est le rôle
des infiniment petits.
Cesont eux
qui sont chargés de former, à la
surface de la terre, le
contrepoids des végétaux supérieurs. Il
enrésulte qu'ils doivent être
doués d'une
grande énergie de destruction,
d'une
grande vitesse de reproduction
;qu'ils
doiventassez bien résister aux
agents extérieurs
et êtredisséminés un peu
partout.
Pendant que
des pigeons
neconsomment
parjour
quex/i4 de leur poids de blé noir (Du- claux), l'aspergillus niger peut
consommer1/6
deson
poids de
sucre(Raulin), le ferment lac¬
tique i/5,5 (Kayser), le mycoderma aceti trans¬
formeen acide
acétique
100fois
sonpoids d'al¬
cool
(Duclaux).
Pour donner un
exemple de la vilesse de
re-10 NOTIONS GÉNÉRALES SUR LES FERMENTATIONS
production de
cesinfiniment petits, il suffit de
dire
qu'il faut seulement quelques heures
aumycoderma acelipour recouvrir la surface d'une grande
cuve; or3o
ooocellules n'occupent qu'un millimètre carré de surface.
Ces infiniment
petits ont besoin de forcé,
comme tout être
vivant, soit
pourréparer les pertes résultant de leur fonctionnement soit
encore pour
constituer leurs tissus. Privés de chlorophylle, ils
nepeuvent acquérir cette force qu'en brûlant les aliments préparés
parles vé¬
gétaux supérieurs
; oubien
àl'aide de l'oxy¬
gène de l'air atmosphérique: tels sont les
my- coderrnesqui mènent alors
unevie aérobie.
Maison
conçoit également qu'il peut exister, parmi les matériaux préparés
parles végétaux supérieurs, des matières capables de
setransfor¬
mer enéléments
plus simples
avecdégagement
de chaleur.
Les êtres
qui ont la faculté de
provoquerle
dédoublement de ces
substances,
enleur
em¬pruntant l'oxygène dont ils
ontbesoin,
etde profiter de la chaleur ainsi dégagée sont des
ferments ; c'estce
qui
alieu dans la vie aiiflé-
robie ;exemple
:transformation du
sucre en alcool sous l'influetlce du fermentalcoolique.
Mais nous savons aussi que
la vie anaérobie
nesuffit pas pour amener
la •gazéification
com¬plote
;l'alcool produit peut,
enbrûlant, fournir
NECESSITE DES INFINIMENT PETITS 11 la chaleur nécessaireà la vie aérobie du bacté- rium aceti et setransformer en
vinaigre, qui, à
son tour, est
détruit
pard'autres infiniment
pe¬tits
qui le changent
en eauet acide carbonique;
souvent les deux vies se manifestent en môme
temps.
M. Duclaux a résumé d'une
façon admirable
lecycle complet
parcouru parla matière
orga¬nique.
« La vie des
grands végétaux et des grands
« animaux se résume dans la
création,
aux«
dépens de la chaleur solaire, de substances
« dont la
production exige
unecertaine dépense
«de forces. C'est dans cessubstances endother-
«
miques
ques'implantent les êtres inférieurs.
« De la force
qu'ils
ytrouvent emmagasinée, ils
« empruntent une
portion
pourla construction
« de leurs
tissus,
cequi les rend jusqu'à
un«certain
point indépendants des conditions
« extérieures. Une autre
portion est employée à
«donner l'état gazeux
à des substances primi-
« livement
liquides
ousolides. Une autre
por-« tion enfin se transforme en chaleur sensible
« et sert à élever la
température du liquide où
« se
produisent
tous cesphénomènes et
par« suite a en activer la marche ».
Historique
de la fermentation alcoo¬lique.
—L'histoire
nousapprend
queles Egyp¬
tiens et les Grecs se livraientà la culture de la
12 NOTIONS GÉNÉRALES SUR LES FERMENTATIONS
vigne et à la fermentation du jus de raisin,
tandis que
la fabrication de la bière
seprati¬
quait chez les Germains, les Gaulois et les Espa¬
gnols.Ce sont les deux fermentations alcooliques types qui ont lieu
sousl'influence de la
«le¬
vure ».
C'estvers 1680 que
Leuwenhœck constata le premier
aumicroscope, la forme globulaire,
ovoïdeou
sphérique de cette levure.
Depuis Lavoisier, la fermentation alcoolique
afait
l'objet de nombreuses recherches; il
con¬vient surtout de citer : Thénard i8o3,
Astier
1813, Kiéser 1814,Persoon
1822,Desmazières
1825, Schmidt deDorpat 1826, Turpin i835, Kutzing i836, Meyen 1837.
C'est à cette même
époque
queCagniard
de Latour et Schwann ont découvert en même
temps, et d'une façon indépendante la nature vi¬
vante de la levure de bière.
Dumas considérait la fermentation comme
corrélative de la vie de la levure; mais
l'orga¬
nisation de la levure fut contestée par
Berzélius qui attribuait le phénomène de la fermentation
àdes actions
catalytiques.
Licbig l'expliquait
parle
mouvement quela
levure en
décomposition imprimait
aux corps inaltérés(sucres).
Il était réservé à Pasteur de démontrer d'une
façon irréfutable qu'il n'y avait jamais de fer-
HISTORIQUE DE LA. FERMENTATION
13
menlationalcoolique
sansqu'il
yait simultané¬
ment
organisation, développement, multiplica¬
tion de
globules
ouvie continue.
C'est ce
qu'il
aprouvé
enprovoquant la
fermentation
complète d'un liquide sucré dans le¬
quel il n'ajouta
quedes matières minérales et une
trace de levure; cette
levure,
aulieu de
sedé¬
composer,
bourgeonnait et augmentait de poids.
Neegeli est le principal représentant d'une autre
théorie tenant le milieu entre celles de Pasteur et de
Liebig
:la théorie physico-moléculaire;
pour
lui, la fermentation est la transmission,
surles substances
fermentescibles, des
étatsvi¬
bratoires des molécules ou desgroupes
d'atomes
des différentes combinaisons
qui constituent le protoplasma vivant
; cesmouvements détruisent
ainsi
l'équilibre des substances fermentescibles
et lesfontentrer en
décomposition, alors
que ceprotoplasma vivant reste inaltéré.
Cettetransformation du sucre en alcool n'est pas
le fait de la levure seule
; nous savons par les travauxde MM.Lechartier, Bellamy, Muntz,
que
la cellule végétale peut
secomporter
comme le fermentalcoolique, lorsqu'elle
setrouve
en l'absenced'oxygène.
Beaucoup d'autres savants ont étudié la fer¬
mentation
alcoolique et les ferments alcoo¬
liques
;les faits trouvés
par euxseront relatés
au fur et à mesure que nous avancerons
dans
14 NOTIONS GÉNÉRALES SUR LES FERMENTATIONS cette matière. Il convient de citer les travaux deMM.
Bail, de Bary, Brefeld, Reess, Duclaux, Gayon, Fernbach, Laurent, Delbruck, Ilansen, Will, Lindner, Jôrgensen, Lintner, Kukla, Ef- front,
etc.Ferments
alcooliques.
—■La fermentation alcoolique consiste dans le dédoublement du
sucre en
alcool, acide carbonique, glycérine,
acide
succinique, elc.,
sousl'influence de divers
ferments ditsalcooliques.
Les moisissures
n'agissent qu'exceptionnelle¬
mentcommeferments
alcooliques
;elles
se com¬portent,
engénéral,
commedes agents de
combustion :
En
présence de beaucoup d'oxygène, la plante
estun
agent de combustion
:elle brûle le
sucresans lefaire passer par
des étals intermédiaires
;peut-être
ya-t-il formation d'alcool, mais il est probablement brûlé tout de suite.
Lorsqu'on les immerge, à l'abri de l'oxygène,
dans une solution desucre,
les moisissures (sur¬
tout les
mucors) divisent leur mycélium
en articlesqui
semultiplient,
parbourgeonnement,
en cellules
plus
oumoins rondes et provoquent
la fermentationalcoolique. Elles conservent
cespropriétés plus
oumoins longtemps, et peuvent
lesreprendre après
un nouveau passageà l'air
; lesquantités d'alcool obtenues sont,
engénéral,
faibles.FERMENTS ALCOOLIQUES 15 Les ferments
alcooliques proprement dits
ou levuresappartiennent, à part quelques
excep¬tions, augroupe
des blastomycètes.
Reess, de Bary, Engel appelaient saceharo-
mycesles champignons bourgeonnants
;ils
se basaient exclusivement sur la forme et les di¬mensions. M. Pasteur estvenu
ajouter,
comme caractèreimportant, la propriété de donner lieu
àune fermentation
alcoolique.
M. Hansen a modifié cette
classification,
en limitant le nom desaccharomyces
auxchampi¬
gnons
bourgeonnants donnant lieu, dans des
conditions
déterminées,
à la formation d'asco- spores.Lesferments
alcooliques sont,
engénéral, des corpuscules ovales, ronds
ouelliptiques
;quel¬
quefois, ils sont plus
oumoins allongés
;leur
forme est donc très variable; les cellules
atteignent 8,
9, 10 gdans leur plus grand dia¬
mètre.
Leur membrane est
mince, élastique, de
na¬ture
cellulosique, et contient
unprotoplasma
assez
homogène et incolore, lorsque le globule
est
jeune, mais rempli de granulations plus
ou moins fortes dans les vieilles cellulesou dans cellesqui ont souffert de l'influence des agents
extérieurs.Dans leur intérieur on
distingue, surtout,
lorsque la cellule
estjeune,
unevésicule plus
16 NOTIONS GÉNÉRALES SUR LES FERMENTATIONS
claire, désignée du
nomimpropre de vacuole.
Cette vacuole renferme un suc
plus gélatineux
etdans sonintérieur semeut un
petit granulum
à
peine perceptible, de nature inconnue.
Lorsqu'on place
unglobule de levure dans
un
liquide fermentescible,
onvoit apparaître
en un ou
plus rarement
endeux points de
sasurface, un
mamelon
; cerenflement vésiculeux grossit
peuà
peu, enépaississant
sonenveloppe,
et finit par
atteindre la
grosseurde la cellule
mère. Ces
jeunes cellules
sedétachent de la cel¬
lule initiale ou restent, encore
quelque temps,
adhérentes à la cellulequi leur
adonné nais¬
sance;
puis chaque nouvelle cellule
semet à proliférer à
sontour et il naît ainsi
uneseconde génération.
11 est souvent
possible de reconnaître dans
les
groupements ainsi formés le globule qui
a donné naissanceau groupe, par unprotoplasma plus granuleux, contracté, à contours
peutur¬
gescents, épais, foncé, plissé à l'intérieur, à
vacuoles
irrégulières et
avec amasde globules
gras.
Lorsque les globules restent unis (en chape¬
lets),
on ala levure haute
;lorsque les globules
sont isolés ou deux par
deux,
on ala levure
basse.
Nous verrons
plus tard
que cen'est
pasle
seul mode de
développement
;Reess
nous aFERMENTS ALCOOLIQUES 17 montré que
le globule de levure soumis
àl'ina¬
nition donne lieu à des spores
endogènes.
Mais ni la
forme, ni le mode de bourgeonne¬
ment, ne
suffisent
pourdifférencier les levures alcooliques. Nous
verrons,dans le chapitre des
levures pures,
qu'il faut
unensemble de
carac¬tères
spécifiques (d'ordre morphologique, chi¬
mique et physiologique),
pournousfaire
une idée bien exacte d'une race de levure et pourpouvoir la différencier d'une
racevoisine.
Katseb—Les L«vures 2
CHAPITRE II
CARACTÈRES
GÉNÉRAUX
DES LEVURESOrigine des levures
alcooliques.
—De¬
puis longtemps déjà les savants
sesont de¬
mandés d'où
provenaient les ferments alcoo¬
liques ?
Les uns, comme
deBrefeld, Pasteur, les consi¬
déraient comme des formes de
développement
de mucédinées
plus complexes qui possèdent,
en effet, les formes lesplus variables, selon les
milieux de
culture; d'autres,
aucontraire, de Bary,Ilansen,les considèrent
commedes espèces distinctes, présentant la forme ovale
ouronde,
et se
reproduisant
parbourgeonnement.
Lorsqu'on immerge des
mucorsdans des li¬
quides sucrés, le mycélium
sedivise
encellules plus
oumoins rondes,
enmôme temps,
on constate uneproduction d'alcool
; on aainsi
cequ'on
aappelé les formes levures.
Ces formes levures ontété observées pour
le
dematium
pullulans
parMM. de Bary et Loew,
ORIGINE DES LEVURES ALCOOLIQUES 19 pour
le cladosporium
parM. Cuboni,
pourles ustilaginées et les basidiomycètes
parM. deBre-
feld, pourl'oïdium lactis
parM. Duclaux,
pour letuberculaviavulgaris
parM. Laurent
;M. Mar-
cano a
également trouvé
queles moisissures, fai¬
sant fonction de
ferments,
sont trèsfréquentes
sousles
tropiques
;la température joue certes
un rôle dans cephénomène.
En lavant à l'eau
préalablement stérilisée des
grappesde raisin
oudu bois de vigne, M. Pas¬
teuravaitreconnu danscette eau une multitude de
corpuscules organisés, ressemblant
àde
la levureet à desspores^de moisissures; il émit l'hypothèse
queparmi les formes levures, qu'on
rencontrait sur les divers
fruits,
naissaient par une sortede transformation, les
fermentsalcooliques.
La forme dematium
donne,
eneffet, aisé¬
ment naissance à de
petites cellules ovales, capables de
sedétacher
et deproliférer
comme leslevures; mais
celtepropriété n'est
passuf¬
fisante,
et, pourêtre complète, il faudrait voir
la formation
d'endospores
etobtenir
unefer¬
mentation
alcoolique très active, deux
caractèresqui manquent
encore pourle
moment etlaissent
ainsi leproblème
non résolu.Cependant Sadebeck dit
avoir isolé dugroupe« exoascus »,
des générations de levures
ca¬pables de fermenter alcooliquement.
20 CARACTÈRES GENERAUX DES LEVURES
M.
Marcano,
enétudiant la fermentation du
yaraque, a
observé, dans le liquide fermenté,
de
longs tubes mycéliens, accompagnés de
spores
ressemblant, à la grandeur près, à
une levurealcoolique du
genre «Sacckaromyces
».Ensemencés dans des solutions sucrées,
ils dé¬
terminaient unefermentation
alcoolique franche
et, par une
série de cultures successives,
onob¬
tenait une véritablelevure
alcoolique
sansfila¬
ment
mycélien
;cette levure, portée dans
une solution d'amidon soluble,remplissait le liquide
d'un
feutrage mycélien.
M. Juhler a
signalé récemment la relation qui existe entre
unaspergillus et
unelevure alcoolique.
M.
Jorgensen,
enétudiant des moisissures du
raisin, reconnaissait, avoir transformé
undéma-
tium en torula par une
série de cultures alter¬
nativesaux
températures de 25 et de 35°.
Maiscettetransformation d'une
moisissure
en levure a été contestée parMM. Kloclter et Schioenning qui ont fait de nombreux essais
infructueux,
avecles mêmes matières
pre¬mières.
Danslemême ordre
d'idées, M. Sorel paraît
avoir réussi à transformerl'aspergillus orizœ,
en levure
alcoolique.
Cesavanta montréque
les conidies pouvaient,
suivant les conditions, former un
mycélium
seORIGINE DES LEVURES ALCOOLIQUES 21
développant seul,
ou unmycélium qui,
parcloi¬
sonnements
successifs, donnait des
cellules ovalesbourgeonnantes,
avecfermentation alcoolique
active. En ensemençant cette levure sur
du
rizgonflé
parchauffage à ioo°, M. Sorel revenait
à
l'aspergillus orizee. Cette expérience
aété ré¬
pétée
aulaboratoire de fermentation
sansle
moindre succès. Y a-t-i 1 des moisissuresqui
donnent lieu à une fermentation
alcoolique,
touten
ayant la propriété de produire des endo-
sporesdans certaines circonstances? Ceci
estparfaitement possible, mais
nousn'avons, quant
à
présent,
pasle droit de généraliser le fait
en ce
qui
concernel'origine des levures de vin.
Trouve-t-on des ferments
alcooliques à toutes
lesépoques de l'année? Où passent-ils l'hiver?
Comment se fait leur dissémination sur les fruits ?
M.
Pasteur,
enrecherchant
le momentdel'ap¬
parition
etde la disparition des levures dans les vignes,
aconstaté qu'il n'y avait
pastraces
de levures ni surla grappe,ni
surle bois du
cep ou surle sol de la vigne, quelques semaines
avant la maturité du raisin. La levure n'est mûre,
disait
ce savant, quequand le raisin
est mûr.On trouve d'ailleurs des levures trèsdiver¬ses sur les divers fruits,
lorsque la maturité approche.
M.
Miquel
a montréqu'il n'y avait
que peu22 CARACTÈRES GENERAUX DES LEVURES
de levuresdans
l'air,
il suppose queles levures
sont
transportées
parles insectes.
M.
Hansen, dans
unebelle étude
surla mi¬
gration de la levure apiculée,
nous amontré
que
la levure peut
passerl'hiver, à l'état de le¬
vure,
pendant trois années consécutives,
sansperdre
safaculté de ferment.
Nousvoyons que
malgré les divers faits très
intéressants
apportés
par cessavants, la question
si
importante de l'origine des levures demande
encore de nouvelles recherches.
Polymorphisme des levures.
—Les expé¬
riences de MM. de
Bary et Pasteur
surle dema-
lium
pullulans ont montré qu'en l'ensemençant
dansdes solutions sucrées, on
pourrait obtenir
par
cloisonnements successifs, des cellules de
forme très
variable, de
contourplus
oumoins épais, de couleur plus
oumoins grise. Ces for¬
mes, sont
dénuées du pouvoir ferment.
Nous savons
depuis longtemps
quebeaucoup
de levures
présentent les formes les plus di¬
verses et un
exemple des plus frappants
nous est fourni parle saccharomyces pastorianus, la
levure que
l'on rencontre souvent dans la fer¬
mentation des vinsetdes cidres.
Sur les fruits
acides, elle
seprésente
en ar¬ticles
allongés,
rameux,souvent pyriformes, plus
oumoins volumineux
;mais
encultures
suivies-età l'abri de
l'oxygène, les cellules
pren-PURIFICATION DES LEVURES 23 nent. la forme
ronde
onovale;
pourlui faire reprendre
saforme primitive, il faut la placer
dans des
conditions analogues à celles qu'elle
rencontresur la
pellicule des fruits
;ainsi lors¬
qu'on la soumet à
unesorte d'inanition, lors¬
qu'on la laisse
sansaliments au contact de l'air,
la levure
change progressivement d'aspect, le protoplasma
serassemble
aucenlre, se colore
en
jaune brun, devient granuleux avec des
noyaux
plus
oumoins réguliers; la levure est
enun mot
polymorphe.
Lorsque la levure est ainsi soumise à des
conditions d'inanition, par manque
d'aliments
sucrés, manque
d'aliments azotés,
avecgrande
acidité du milieu, ilse
fait dans les cellules
un travail incessant; cescellules continuent à respirer et à vivre, leurs contours s'épaissis¬
sent,
le protoplasma devient granuleux, la le¬
vure
s'allonge beaucoup et s'épuise; le globule
conserve très
longtemps les traces de
sa souffrance, et cen'est
que peuà
peu pardes
en¬semencements successifs dans des milieux con¬
venablementaérés,
qu'il reprend
sesformes
or¬dinaires.
Purification des levures. —
Malgré la di¬
versité des formes d'une môme levure, on est arrivé à
distinguer et à différencier certaines le¬
vures les unes des autres, en se
basant
surla
forme : telles les levures hautes,les levures
24 CARACTÈRES GENERAUX DES LEVURES
basses, les saccliaromyces pastorianus, les le¬
vures
ellipsoïdales, les levures apiculées,
etc.La
plupart des levures
commerciales sont desmélanges
assezcomplexes,
etavec ce que nous savonsdéjà
surl'influence du milieu,
onpeut prévoir
quetelle levure qui existe
enfaible proportion dans
unmélange, peut prendre le
dessus sur sesvoisines dans uneexpérience dé¬
terminéeet sous certaines conditions. Nousver¬
ronsau
Chap. IV les méthodes
actuellementem¬ployées
pourpurifier les levures.
Autrefois on admettait
qu'une levure
pure devait d'abordprésenter la
mêmeforme,
à peuprès la môme
grosseur,si elle était
cultivée dans les mêmesconditions;
elle devaitsedévelopper
et mourir aux mêmes
températures
;elle devait
fournir les mêmesproduits
enquantité
et enqualité.
Souvent on
profitait de la rapidité de dévelop¬
pement d'une certaine levure;
enl'ensemençant,
toutesles
vingt-quatre heures dans
un nouveaumilieu,
onfinissait
parla faire dominer complè¬
tement.C'est ainsi
qu'on
sedébarrassait aisément
desrnycodermes, dont le développement
estbeaucoup plus lent, des bactéries
parles milieux acides, des
moisissures parle
courantd'acide carbonique,
ou encoreonfavorisait
l'uneauxdé¬pens
de l'autre,
pardes cultures alternatives
dans du moûtde bière et clans un milieu acidulé.VITALITÉ DE LA LEVURE 25 On
pourrait
encore seservir de l'action de l'épuisement
parl'eau sucrée,
enfaisant des prises à divers moments
pourensemencer
unnouveau milieu sucréou encore de
l'influence
de la chaleur.Nous savonsque
le brasseur
sedébarrasse du
saccharomyces exiguus,
enfaisant
passerdo
temps en
temps la fermentation
par unetempé¬
rature un peu
élevée; d'autrefois la filtration
suffit; les
levures
sauvagespréfèrent plutôt les températures basses.
Ces divers moyens pour
purifier les levures,
bien que
très imparfaits, ont cependant permis
de
distinguer
uncertain nombre de levures;
et, à cet
égard, il convenait c'e les relater briè¬
vement.
Vitalité de la levure- — La
durée de la
conservation de la vie et surtout desqualités de
diverses racesde la
levure, présente à la fois
un intérêtscientifique et pratique.
Elle
dépend
nonseulement de l'énergie de la
race, de sa résistance aux
agents extérieurs,
mais encore de la variation de ceux-ci tels que
température, lumière, oxygène, acidité du
milieu,
etc.Nous savons que
M. Pasteur
a pu conser¬ver vivante de la levure de bière
mélangée à
duplâtre pendant plus de dix mois et demi.
M. lïansen a trouvé la levure
apiculée vivante
26 CARACTÈRES GENERAUX DES LEVURES
après
unséjour de deux
ans dans le sol et M. Duclauxavu des levures de bière vivanlesaprès.un séjour de quinze
ansdans
leliquide qu'elles avaient fait
fermenter.La lumière solaire leur
paraît
asseznuisible,
surtout par
les transformations chimiques
aux¬quelles elle peut donner
naissance; despetits
matras Pasteur maintenus à l'abri du
soleil,
conservent la levure vivante
pendant
trèslong¬
temps
;certaines
races semblentcependant
mourir très vite; c'est
pourquoi
on ala
sage habitude ou deprocéder
àdes rajeunissemenls fréquents
ou encorede
conserverla levure dans des solutions neutresde saccharose.Mais la levure résiste
beaucoup mieux
àl'état desséché,
etdavantage à l'état de
sporesqu'à
l'état de levures
(').
C'est ainsi que
j'ai
eu entre les mains unelevure de la canne à sucre, conservée sous la forme de
vermicelle,
dont la faculté fermenta- tive n'avait pasvarié depuis cinq
ans;elle avait
été
apportée
parM. Vassillière,
Directeur del'Agriculture.
D'autre
part, des expériences de
laboratoire m'ont montré quede la levure
pure,desséchée
(') La race, l'âge, l'origine, le mode de dessication (par l'air, l'acide sulfurique, la température élevéeou
modérée), l'absence ou la présence de la lumière, l'épaisseur de lacouche, etc., interviennent ici.
SUCRES FERMENTESCIBLES 27
sur du
papier buvard, élait restée vivante pen¬
dant
près de cinq ans; il y avait une différence de
un àdeuxans
toutefois
enfaveur des spores de
levures.
La
raceelle-même joue ici
untrès grand
rùle. Nous savons
également
quecertains vi¬
gnerons
dessèchent leurs lies d'une année à
l'autre, et
peuvent s'en servir avec avantage
pour
avoir de bonnes fermentations.
Sucres
fermentescifoles.
—Les sucres de
la formule
C6H1206 fermentent directement,
d'autres ont
besoin d'une hydratation préalable qui transforme le saccharose en glucose et en
lévulose,
le maltose
englucose, etc.
Sont donc
fermentescibles le glucose, le lévu¬
lose, le
galactose, le saccharose, le maltose, le
lactose,
le raffinose, etc.
Chaque
sucresemble fermenter à sa manière,
conformément à la
résistance déterminée
parles
lois de la
mécanique chimique. Les derniers es¬
sais de M. Fischernousont
montré qu'il existe
un
rapport direct entre la constitution de la le¬
vure
qui fait fermenler un sucre et ce sucre lui-
môme,
il
y adonc des levures de saccharose,
delactose, etc.
Ilexiste unevéritable
électivilé des
sucreset
dans un
mélange de deux
sucres,tel sucre est
attaqué de préférence
parla levure a, tel autre
par
la levure b.
M. Dubrunfaut avait
déjà observé qu'en sou-
28 CARACTÈRES GENERAUX DES LEVURES mettant à la fermentation du sucre
interverti,
la rotation
gauche initiale de
laliqueur devenait
constante
jusqu'à
cequ'il
yeut environ
les deuxcinquièmes du poids du
sucre transforméen
alcool;
àpartir de
ce moment, la diminution de la rotation se faisait enprogression géomé¬
trique quand les quantités d'alcool augmentaient
en
progression arithmétique, tandis qu'avec le glucose, la diminution
de larotationsuit, dès
le commencement,la
formationd'alcool,
de sorte quelorsqu'on arrête la fermentation, après avoir
obtenu huit dixièmes de l'alcoolqu'on peut
pro¬duire,
on trouveen dissolution unsucregauche,
le
lévulose, plus difficile
àattaquer.
La levure elle-même et toutes les conditions
qui influent
surla fermentationalcoolique jouent
iciuntrès
grand rôle.
Il ressort, en
effet, des expériences de
MM.Gayon et Dubourg
quecertaines
levures ont lapropriété de faire
fermenter leglucose
de
préférence
aulévulose,
desortequela rotation
initiale àgauche du liquide augmente d'abord,
passe par un
maximum, revient
à sa valeur ini¬tiale etdécroît
jusqu'à zéro.
D'autres
levures,
aucontraire,
fontdispa¬
raître le lévulose
plus vite
quele glucose, telle
lesaccharomyces exiguus. Dans
ce cas,la
ro¬tation initiale
diminue,
devient nulle, change7 Ode
signe,
passeà droite
et redevient nulle :B I
l'i
fSUCRES FERMENTESCIBLES
20
Celtepropriété élective spéciale pour le lé¬
vulose, est
fortement influencée
parla consti¬
tution du milieu de
culture
etla température
; c'estainsiqu'à basse température, le lévulose
peut disparaître
enentier, avant que le glucose
n'ait commencé à être
attaqué.
L'exemple suivant
nousfera voir l'in¬
fluencede lalevure et
celle de la température
; de l'eau detouraillons, additionnée de 21,55 °/0
de
glucose d'une part, et de 21,22 °/0 de lé¬
vulose,
de l'autre,
aété ensemencée
avecdeux
levures pures 2
et et abandonnée à 25 et
à 35°;
le tableau donne les
sucresdisparus
pour cent.Température de 25" Température de35°
Levure Glucose Lévulose Glucose Lévulose
-■-
Disparu Disparu Disparu Disparu
2 98,3 92»1 78,6 69,3
37 97>7 89,2 91,6 83,1
M.
Bourquelot
aobservé
quedans un mé¬
lange de glucose et de lévulose, l'électivité peut
être renversée,
c'est-à-dire
quec'est le sucre qui fermentait
aucommencement le moins
vite, qui fermente à la On plus vite, fait qui doit
être attribué aux
changements,
auxmodifl-
30 CARACTERES GENERAUX DES LEVURES
cations dans le milieu
(dilution, alcool, tempé¬
rature,
acidité, etc.).
Certains sucres ne semblent fermenter
qu'à moitié,
c'est ainsi queM. Berlhelot
a constaté quela moitié du mélitose
se transformait seule¬ment en
alcool, l'autre
moitié restant sous la formed'eucaline, isomère
duglucose.
Un fait
analogue
aété
constaté pourle méli-
triose par
M. Loiseau
; ce savanta trouvé que la fermentation de ce sucre n'étaitcomplète qu'avec les levures basses, tandis
queles le¬
vures hautes ne faisaient fermenter ce sucreque
partiellement,
c'est-à-dire autiers; le méli-
triose se dédoublerait englucose et
en une substanceclexlrogyre.
Un autresucre
qui
aété l'objet de nombreu¬
ses
recherches,
surtoutde M.Bourquelot, c'est le galactose;
cesavantadémontré
que cesucre pou¬vait devenir fermentescible par
entraînement.
Lorsqu'on ajoute à des solutions de galactose,
de faibles
proportions de maltose, dextrose, lé¬
vulose,
ouqu'on opère dans,
unliquide riche
en matière azotée, certaines levures de hière peu¬vent transformer ce sucre en
alcool,
toutcomme M. Péré a démontré quele bacterium coli
at¬taque l'acide lactique gauche
enprésence d'acide lactique droit. Les levures
de lactose m'ontéga¬
lement donné une fermentation
alcoolique dans
les solutions de
galactose.
réactions microscopiques des levures
31
i
Quant
à l'amidon et à la dextrine, les expé¬
riences de
MM. Gayon et Dubourg nous ont
montré que
certains mucors donnent avec ces
corps une
véritable fermentation alcoolique ; la
dextrine est
d'ailleurs transformée
enalcool par
le
Schizosaccharomyces Pombe, levure d'Afrique
que nous
ne connaissons que depuis peu de
temps.
Beaucoup de
sucres nesont pas encore l'er-
mentescibles, probablement
parceque nous ne
connaissons pas encoreles levures appropriées;
on admet
cependant
queles sucres dont le
nombre d'atomes de
C est divisible
partrois,
serontseuls
fermenlescibles
;les pentoses
nele
seraient donc,
jamais.
Réactions microscopiques
des levures.
—
L'emploi des réactifs microscopiques pour
les levures n'a
qu'une importance tout à fait
secondaire,
mais il est utile d'en dire quelques
mots.
Les levures contenant
du glycogène
seco¬
lorentenrouge
brun
parde la teinture d'iode.
L'acide
picrique, l'acide osmique, l'kématoxy-
iine font nettement
ressortir le
noyaucellulaire
du
globule de levure.
L'acide
osmique colore les globules gras en jaune allant jusqu'au brun noirâtre; pour distin¬
guer ces
globules
grasdes cellules d'huile qu'on
rencontre souvent dans les
cellules du voile,
32 CARACTÈRES GENERAUX DES LEVURES on traite successivement par
l'alcool et l'acide sulfurique concentré
;les gouttelettes huileuses
se colorent alors
généralement
engris verdâlre
et finalementen brun noirâtre.
Cesontles spores
qui
secolorent,
engénéral,
le
plus difficilement, mais
conserventaussi le plus longtemps la matière colorante; celle-ci est
très facilement absorbée par
la levure morte.
Compte-levures. —
Lorsqu'on veut
sefaire
une idée de la
multiplication d'une levure, il
fautou peser
la
masseformée
ouencorecompter
le nombre deglobules de levure.
Dans ce dernier but, on se sert d'un
compte- globules
;cet appareil
se compose engénéral
d'un
porte-objets
surlequel
on acollé
un couvre-objets d'épaisseur
connueet dans le milieu du¬
quel
onapratiqué
uneouverture circulaire
;le porte-objets est divisé
encarrés de omm,o5 de
côté; c'est dans la
petite chambre ainsi formée, qu'on porte
unegouttelette du liquide à étudier.
On commence, à cet
effet,
parprélever 5o
cen¬timètres cubes du
liquide
enfermentation bien agité et dilué
audixième (souvent
on sesert
d'acidesulfurique dilué
audixième,
poursé¬
parer
les levures
engrumeaux), afin d'avoir
unerépartition homogène de cellules
;il est bon
que la densité duliquide soit telle
queles cellules
de levure
puissent rester suspendues pendant
quelques instants et tomber seulement
aubout
COMPTE-LEVURES 33 d'uncertain
temps
aufond
pourêtre comptées
; il fautéviter laprésence de l'air dans la chambre
humide. On
compte alors
augrossissement
de 3oo,
le nombre de globules contenu,
en moyenne, parcarré
;chacun de
cescarrés forme
la base d'un
prisme de om2,oo25, de
omm,2de
hauteur et de
om3,ooo5 de volume, unité de
vo¬lume
adopté.
On fait ensuite la moyenne
des nombres de globules contenus dans
uncertain nombre de
carrés, on
répète cette opération quatre, cinq fois,
etonétablit la
moyennefinale; admettons
que nous ayons
trouvé 3o globules
pour5
car¬rés,
on auraainsi
:ou en
réalité, dans le liquide primitif,
= Go
globules.
t> °
Kaïser --Les Levures
CHAPITRE 111
COMPOSITION, NUTRITION AUTOPHÀGIE DE LA LEVURE
Composition de
la levure.
—L'étude de la composition de la levure
ade beaucoup précédé
celle de ses
propriétés
commeêtre vivant;
au¬jourd'hui elle
neprésente qu'un intérêt tout à
fait
secondaire,
parce que nousconnaissons beaucoup mieux la levure
: nous savonsqu'elle
est en voie de mutation
continuelle,
queJe mi¬
lieu de culture
agit énormément
sur sa compo¬sition, mais
cetteétude peut
nousfournir néan¬
moins des indications
précieuses
surla nature
de la levure, sa
manière de vivre,
sesaliments
de
prédilection, c'est dans
ce sensqu'elle
pourranous
apporter quelques documents utiles.
De nombreuxtravauxsur ce
sujet ont été faits
par
Mitscherlicb, Mulder, Wagner, Dumas, Schlossberger, Payen, Liebig, Pasteur, Naegeli
;ces savants ont constaté la
présence des hydrates
COMPOSITION DE LA LEVURE 35 de carbone
(amidon, cellulose, glycogène), de
matières
proléiques et de matières minérales.
En
délayant de la levure dans de
l'eau alcoo¬liséeetdu
chloroforme,
sadensité
a été trouvée de 1,180environ;
elle doit évidemment varierbeaucoup
avecla nature de la levure,
sonâge,
le mode
d'alimentation,
etc.Voici,
d'autrepart, les résultats de l'analyse
faite par
différents
savants sur de la levurepri¬
vée, par
des lavages répétés, des impuretés
;les
nombres sontrapportés à cent de matières
sèches et débarrasséesde cendres.Compo¬
sition
Levure haute Levur' basse
Schlossbcrger Mitscherlieli Dumas Sclilossberger
G 5o,io 47.0 00,6 47.93
H 6,5a 6,6 7.3 6,69
Az ii,84 10,0 1:3,0 9.77
0 et S 31,59 36,4 27,1 35,6i
On
comprend aisément
toutes les variations danslacomposition d'un produit qui est
envoie
d'évolutionchimique constante. On s'explique
comment la levure haute
peut être plus riche
en azote,car restant moins
longtemps
encontact
avec le
liquide fermenté,
elle lui cèdebeaucoup
moins de matièresazotées.
Le
globule de levure
est essentiellementcom-36 COMPOSITION 1)15 LA LEVURE
posé d'une enveloppe cellulosique, avec un pro¬
toplasma de nature albuminoïde.
Schlossberger
adémontré
avecnetteté la pré¬
sence dans la levure d'une
enveloppe formée
d'une matière
analogue à la cellulose (3o à 37 %) d'un contenu ressemblant à la matière
azotée;
il convient de dire
quela levure
ne con¬tient pas
toujours la même quantité de cellulose
et, cette cellulose n'est pas
toujours la même
; c'est ainsi quePasteur et Liebig ont trouvé
17à
18
°/0 de cellulose; cette matière
seforme
pro¬bablement aux
dépens du
sucre.M.
Schutzenberger
adémontré la présence
d'une matière gommeuse.
M. Erreraa reconnu la
présence du glycogène qui peut monter jusqu'à
10à i5 °/0
;M. Laurent
nous a montré que ce
glycogène pouvait être
formé aux
dépens de beaucoup d'autres subs¬
tancesque
la levure
nepeut
pasfaire fermenter.
La levure contient
également de la matière
grasse
atteignant environ 5 °/o de la matière
sèche; pour
les vieux globules dégénérés, cette
teneur
peut atteindre jusqu'à
20°/0
;la matière
grasse
de la levure est,
engénéral, acide et
com¬posée des
corps grasordinaires et de choleslérine.
Loew a trouvé que
le poids de cholestérine pouvait atteindre 0,06 °/0 de la levure sèche
;les
vieux
globules
encontiennent parfois jusqu'à
o,5
% soit du poids total delà matière
grasse.COMPOSITION DE LA LEVURE 37 Cette matière grasse
est
sariscloute également empruntée
auxéléments du
sucre;c'est ainsi
que
M. Pasteur a.démontré la présence de
ma¬tière grasse
dans
unelevure cultivée dans
une solution de saccharose additionnée d'extrait de levure, traitépréalablement à plusieurs reprises
par
de l'alcool et de l'éther.
Quantaux
matières
azotéesde la levure, leur
teneur est Irèsvariable en
quantité et
sansdoute
aussi en
qualité,
commececi arrive
pourles
autrescellules
végétales.
Enrésumé, nous voyons que
les cellules de
levure se
rapprochent beaucoup des grands champignons.
•Parmi les
produits d'excrétion de la levure,
ilfaut citer la
leucine,
latyrosine, les acides
vo¬latils, etc.
L'analyse suivante, due à Belohoubek,
nousrenseigne
surla composition générale de la le¬
vure.
Composilion Levurefraîche Levuredesséchée
Eau 68.02 o/o II
Matières azotées . . i3,io 40,98 Matières grasses . . o,go 280
Cellulose 1.75 5,47
Matières amylacées l/(,1° 44<10 Acidesorganiques. . 0,34 1,06 Matières minérales. . 1j77 5,54
Divers 0,02 o,o5
38 NUTRITION DR LÀ LEVURE
La richesse minérale de lalevureest
sujette à
degrandes variations.
Levure haute Levure basse
Wagner Milscherlieh Wagner Mitscherlieh
2,50/0 7-7 °/o 5,3»/0 7-5 Vo Ces cendres sont surtoutriches en acide
phos- phorique, potasse, magnésie, etc.
;Belohoubek
nous a donné
l'analyse suivante des cendres de
levure :
Acide phosphorique 5i,i °/0
Acidesulfurique 0.67
Acidesilicique 1,60
Chlore o,o3
Potasse 38,68
Soude 1,82
Magnésie 4,16
Chaux i.qq
Divers 0,06
Nutrition de la levure. — La levure
suit,
commetoutes les
plantes, les lois générales de la physiologie; elle respire, assimile et modifie
sesprincipes
commetous les êtres vivants; il lui faut,
comme nous l'avonsvu par sacomposition
des
principes minéraux, des principes azotés et
des élémentshydro-carbonés.
Alimentation minérale.— M. Pasteur a le
premier mis
enévidence le caractère indispen-
ALIMENTATION MINERALE 39 sable de l'élément
minéral
pourla nutrition de la
levure et
l'accomplissement de la fermentation.
Ce savant nous a
montré
quela fermentation pouvait avoir lieu dans un milieu formé d'eau
sucrée, d'un
sel ammoniacal (tartrate)et de
cen¬dres de levure;
il
aégalement montré qu'en supprimant les phosphates alcalins, la fermen¬
tation se
ralentissait sensiblement
;il
enest
en¬core demême
si
l'onporte les cendres de levure
au rouge
blanc et
queles alcalis se volatilisent.
Pour se rendre un
compte exact de l'utilité
d'un élément minéral,
il faut
comparer, pourl'espèce étudiée le poids maximum de levure
trouvé dans le milieu
type, dans des conditions
très favorables, à
celui obtenu dans
cemême
milieu oùon a
supprimé cet élément;
onpeut
encoreétudier deux
fermentations parallèles, tout
à fait
pareilles, dont l'une est complètement dé¬
pourvue
de l'élément étudié, c'est
ceque M. Rau-
lin apu
réaliser
pourl'aspergillus niger.
Mais pour
tirer tout le profit de ces expé¬
riences, il faut être maîlre des deux conditions
suivantes : i°
poids constant de la récolte;
2°
poids de plante très élevé
;or,ceci est difficile
à réaliser pour
la levure.
D'autres considérations rendent la
solution du problème posé très délicate; il est fort difficile
d'avoir des corps
tout à fait purs,lesucre lui-même
renferme
toujours 0,006 °/0 de soufre, la semence
40 ALIMENTATION AZOTEE
appporte des éléments, les conditions biologiques
de la levure
(vie aérobie et
anaérobie), sont très variables, l'âge de la levure, la
naturede
l'élé¬ment
hydrocarboné,
etc.,influent beaucoup.
M.
Mayer
afait les recherches les plus
nom¬breuses surl'alimentation minéralede levure;il
a démontré que
l'acide phosphorique et la
po¬tasseétaient des éléments
indispensables
pourla levure; la
chauxpeut faire défaut
sanstrop d'in¬
convénients, la magnésie
estseulement utile.
On
peut recommander
commemilieu
de cul¬tureles suivants :
Liquide Pasteur
:Eau distillée
100 er,, sucre candi10,cendres de levure1,carbonated'ammo¬niaque
1,(ou
o 8'r, ide
tarlrated'ammoniaque).
Liquide Colin
:Eau distillée
200 sr, tartrated'ammoniaque
2,phosphate de potasse
2,sulfate
demagnésie
1,phosphate bibasique de chaux
0,1.Liquide Laurent
:Sulfate d'ammoniaque 4sr»71, phosphate d'ammoniaque 0,75, sulfate
de
magnésie
0,1, parlitre, le
toutadditionné
de l'élémenthydrocarboné à étudier.
Liquide Mayer
:Sucre i5
grammes,phos¬
phate de potasse 5, sulfate de magnésie 5, phos¬
phate de chaux
o,5,nitrate d'ammoniaque 0,76
parlitre, plus traces de bouillon Liebig.
Alimentationazotée.—Vers 1799,
Fabroni
avait
déjà assimilé la levure
à une substance azotée,de
naturevégétale, le gluten. Thénard
ALIMENTATION AZOTEE 41 montra
également
quela levure était très riche
enazote.
Les aliments azotés se
présentent
soustrois
formes : sels
ammoniacaux, nitrates
etmatières
albuminoïdes.Quels sont ceux que
la levure préfère ?
L'assimilation de l'azote ammoniacala étédé¬
montréepar
les travaux de MM. Pasteur, Duclaux
et
Mayer.
M. Duclauxa
opéré
avec unliquide contenant
4o grammesde
sucre, 1 grammede tartrale
droit
d'ammoniaque, i5
grammesde levure
enpâle représentant 2gr,5 à l'état
secet renfermant 0,215 d'azote.
VARIATION DE l'AZOTE
Avant fermentation Aprôs^ fermentation
Levure.... 0,215 Tarlrate . . . 0,102
0,367
2S1',236 à 6,36 °/0. . . o,i/|8 Sel ammoniacal. . . . o,o45 Matière albuminoïde. o,i5o o,36.3
Il y a
équivalence à quatre milligrammes près. Les trois quarts de l'ammoniaque avaient disparu;
nousle
trouvonsdans la levure
etdans
leliquide qui la baigne
sousla forme de combi¬
naisons azotées