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Introduction
L
e dépistage précoce est devenu une priorité dans la lutte pour l’amélioration du pronostic du cancer du sein. La mammographie utilisée dans les pays développés est coûteuse et le plus souvent non disponible dans les pays du tiers-monde.Le manque de moyens diagnostiques et l’indisponibilité de cer- taines méthodes thérapeutiques font des maladies du sein une discipline médicale intéressant peu le praticien. D’autres fac- teurs socioculturels, la non scolarisation de la plupart des femmes, l’inaccessibilité aux médias et aux journaux posent d ’ é n o rmes problèmes aux médecins qui ont en charge les maladies cancéreuses du sein de la femme dans la plupart des pays sous-développés, en général, et au Niger, en particulier.
La re c h e rche d’autres méthodes de sensibilisation des femmes en vue d’une consultation précoce s’impose. Les auteurs rap-
p o rtent leur expérience personnelle à propos de 73 jeunes filles ayant consulté après un cours théorique et pratique dans une école d’infirm i è res à propos des cancers du sein. L’ i m- pact de cette méthode est analysé de façon rétrospective, de même que l’épidémiologie et la clinique des principales mala- dies du sein de la jeune fille dans notre pays.
Malades et méthodes
A
u début de deux années scolaires consécutives (1997-98 et 1998-99), l’un des auteurs, chargé de cours à l’école des i n f i rm i è res, a commencé le programme annuel par la leçon c o n c e rnant le cancer du sein dans toutes les classes de 2° année ( i n f i rm i è res, sages femmes, laborantines, assistantes sociales), en insistant sur le dépistage précoce par l’autopalpation, l’in- citation à la consultation à la moindre anomalie. La leçonP athologie mammaire de la jeune fille au Niger :
Résultats d’une campagne de sensibilisation à l’autopalpation dans une école d’infirmières.
Summary:Diseases of the breast in young women: results of an original mass screening at the Niamey nursing school.
In order to favour the early diagnosis of breast cancer, the authors used an original method consis - ting in teaching nurses about breast tumors and cancer, and especially about self-examination of the breasts. Subsequently, 73 patients aged under 24 years were admitted to our survey : 90 per cent had an understanding of risk factors and 97 per cent were practicing self-examination. In 21 cases, consultation was carried out for mastalgia and in 12 cases for esthetic and/or banal inflam - matory lesions : 40 patients presented a lump in the breast. Sonography turned out to be a better method of examination than mammography in those young women presenting breast lesions. Fol - lowing surgery, histological examination found that in the majority of cases the tumour was benign (fibrocyst or adenofibromas). We were surprised by medullary carcinoma in one case.
Résumé :
L’impact d’un cours (théorie et observation pratique) sur la pathologie mammaire dispensé à des élèves d’une école d’infirmières est analysé. Il a été à l’origine de la consultation de 73 jeunes filles âgées de 13 à 24 ans; 97 % des patientes ont pris conscience des facteurs de risque du cancer du sein et 90% pratiquent désormais l’autopalpation de manière régulière; 100% des patientes accor - dent désormais une importance à tout symptôme mammaire. Le motif de cette consultation a été une mastodynie dans 21 cas; une manifestation banale d’esthétique et/ou inflammatoire dans 12 cas et, dans 40 cas, il s’agissait d’une “boule” dans le sein. L’échographie a été très efficace avec une sensibilité de 90 % alors que la mammographie a été peu contributive. L’analyse histologique systématique des pièces d’exérèse chirurgicale des 40 tumeurs du sein a révélé qu’il s’agit de tumeurs bénignes dans l’immense majorité des cas: fibrokyste, adénofibrome. Dans un cas, il s’agis - sait d’un carcinome médullaire du sein. Les auteurs insistent sur l’importance et l’efficacité de cette méthode de sensibilisation et recommandent l’introduction dans les programmes scolaires (collèges, lycées) de ce cours démonstratif.
S ANTÉ PUBLIQUE
Y. D. Harouna (1)* & J. Rakotomalala (2)
(1) Chirurgie générale et viscérale, Faculté de médecine, Université de Niamey, Niger.
(2) Chirurgie générale et plastique, Coopération française, Hôpital national,BP238,Niamey, République du Niger.
* Adresse pour la correspondance et les tirés à part :Docteur Harouna Yacouba Djimba,Service de chirurgie viscérale, Centre hospitalier, 42328 Roanne, France.
Tél 06 64 91 16 04 ou 04 73 17 80 90. Fax 04 73 28 25 18.Email :yacouba.harouna@laposte.net Manuscrit n°2226. “Santé publique”.Recu le 8 octobre 2000. Accepté le 18 septembre 2001.
breast tumor young woman self-examination paraclinic examination Niger Sub-Saharan Africa
tumeur du sein jeune fille autopalpation examen paraclinique Niger Afrique intertropicale
Bull Soc Pathol Exot, 2001,94, 4, 332-334 333 théorique était appuyée par une observation pratique au che-
vet d’une patiente et parfois les élèves étaient autorisées à assister à l’intervention chirurgicale. Toutes les élèves étaient chargées de sensibiliser les populations sur leur lieu de stage et leur entourage. Au cours de ces deux années scolaires, nous avons reçu à notre consultation 103 patientes pour un symp- tôme mammaire. Il s’agissait de 30 patientes, souvent pare n t e s ( m è res, sœurs) ou amies d’élèves, âgées en moyenne de 47 ans et donc exclues de cette étude et 73 patientes jeunes (élèves, sœurs ou amies), dont l’âge varie entre 13 et 24 ans ; elles constituent l’objet de cette étude.
Résultats
Fréquence : 60% des filles ont consulté au cours du premier mois et 80 % dans les six mois qui suivent la leçon.
E ffets de la leçon : 9 7 % des patientes aff i rment pre n d re conscience de la gravité des maladies du sein, 90 % ont pra- tiqué l’autopalpation pour la pre m i è re fois après le cours.
Seulement 2 % des patientes avaient entendu parler du can- cer du sein avant le cours (une parente proche en a été atteinte) ou sur le terrain de stage. Vingt-sept pour cent des patientes ont déclaré n’avoir jamais eu de problème mammaire, 73 % avaient déjà eu des signes, mais uniquement 0,5 % avaient consulté un médecin auparavant. Avant le cours, une anoma- lie quelconque dans le sein n’a inquiété que 2 %, contre 100 % après le cours. Les patientes ayant consulté avant le cours l’ont fait en moyenne après un mois d’évolution des symp- tômes contre trois jours après le cours.
Le motif de consultation : très souvent, la symptomatologie est polymorphe et la jeune fille consulte pour au moins deux signes associés. Il s’agissait de douleur unilatérale ou bilaté- rale, respectivement chez 7 et 5 patientes, de sensation d’une boule dans le sein dans 54 cas (24 fois à gauche et 30 fois à d roite), de prurit du mamelon dans 5 cas, d’écoulement mame- lonnaire dans 7 cas (écoulement séreux dans 4 cas, sérosan- guinolent dans 2 cas, lacté dans 1 cas), de volume mammaire anormal dans 4 cas.
C l i n i q u e : l’examen clinique était normal chez 21 patientes (29%), il s’agissait de simples mastodynies cycliques traitées médicalement avec succès. Chez deux patientes, il s’agissait d’une adénopathie axillaire banale confondue avec une “boule”
dans le sein. Trois patientes présentaient des tumeurs phy- lodes (2 unilatérales et 1 bilatérale) et, chez une patiente, il s’agissait d’une augmentation du volume des seins par impré- gnation hormonale en début de grossesse. Dans 6 cas, la consultation a été motivée par une galactophorite (5 cas) et une mastite chez une mère célibataire allaitante. Dans 40 cas (55 % ) , il s’agissait d’une tumeur du sein, douloureuse à la palpation dans 29 cas, mobile sans phénomène de peau d’orange ni de ganglions axillaires. Une échographie mammaire a été réali- sée chez toutes les patientes : le diamètre moyen de la tumeur était de 1,5 cm, avec des extrêmes de 1 cm et 5,7 cm, de nature kystique dans 5 cas (12,5 %), tumorale bénigne dans les 35 cas restants (87,5 %). La mammographie, examen difficile à obte- nir (un seul appareil pour tout le pays, coût excessif) a été obtenue chez 11 patientes, elle a été peu contributive : sans être formelle, elle a été en faveur d’une tumeur bénigne dans 3 cas (kyste, adénofibrome, lipome); chez 3 autres patientes, elle a mis en évidence des microcalcifications et, chez 5 patientes, elle était normale.
La conduite thérapeutique a été l’exérèse chiru rgicale avec analyse histologique systématique obligatoire pour les 40 patientes porteuses d’une tumeur du sein. L’analyse histolo-
gique des pièces a révélé un cas de cancer médullaire chez une patiente; dans les autres cas, il s’agissait de tumeurs bénignes et la corrélation échographie-mammographie-histologie a été de 98 %. Le suivi moyen a été de 17 mois avec des extrêmes de 3 mois et 23 mois et demi: une récidive a été observ é e , aucune lésion maligne diagnostiquée.
Commentaires
L
e cancer du sein chez la jeune femme voit son incidence en pro g ression (7, 13) surtout chez la femme noire afri- caine (2). Le pronostic est toujours réservé, du fait des pos- sibilités diagnostiques et thérapeutiques actuelles dans nos pays (1, 8, 12). Le cancer du sein constitue une des principales causes de décès par cancer des jeunes femmes de 15-35 ans (3).Dans les pays développés, le dépistage de masse utilise l’au- topalpation parfaitement maîtrisée et pratiquée par la plu- p a rt des femmes, l’examen clinique au moindre signe par le médecin traitant et au besoin par un spécialiste, la mammo- graphie accessible à toutes (5). Dans la plupart des pays sous- développés, le diagnostic des tumeurs du sein se fait encore t a rdivement et le pronostic est grave (12). Affection deve- nue aujourd’hui un véritable problème de santé publique, le cancer du sein n’a pas encore retenu l’attention de nos déci- deurs politiques (10) : l’accès aux médias limité et la non-sco- larisation des femmes âgées réduisent les possibilités de sensibilisation. Pourtant des moyens simples visant des g roupes cibles particuliers (jeunes filles, personnel paramé- dical appelé à exercer dans les zones rurales) nous ont paru très efficaces et peu coûteux. Dans les pays comme le nôtre où, pour des raisons culturelles et/ou religieuses, les thèmes relatifs à la vie sexuelle sont exceptionnellement traités en public, l’éducation de la jeune fille sur les bancs de l’école (celle du collège et du lycée) pourrait être une altern a t i v e dans l’espoir de voir rapidement la sensibilisation en matière de dépistage devenir une priorité nationale. NZ A R U B A R A, a u Nigeria (10), avait déjà recommandé l’introduction, dans l’enseignement primaire, des méthodes de sensibilisation en m a t i è re de cancer du sein. Les effets de notre cours sont ceux relatifs au cours de sémiologie connus chez tout jeune étu- diant en médecine. Cet impact psychologique oblige au moins à pre n d re conscience du danger des maladies de cette glande perçue à cet âge comme glande esthétique. Comme l’a dit NZ A R U B A R Adu Nigeria (10), les résultats d’une telle méthode de sensibilisation sont immédiats : 100 % des filles n’avaient aucune notion respectivement en matière de facteurs de risque et de dépistage ; 90 % ont compris et ont maîtrisé la tech- nique de l’autopalpation que toutes pratiquent désormais de façon régulière. Le dépistage des tumeurs du sein utilise tro i s principales méthodes : l’examen clinique, la mammographie et l’autopalpation. Cette dern i è re méthode prend donc ici toute sa valeur, car la mammographie est peu contributive et l’examen clinique est rarement sollicité (7, 9, 11). L’ a u t o p a l- pation, à condition d’être bien exécutée, est une méthode diagnostique très efficace comme en témoigne le taux de tumeur confirmée par l’examen clinique. La pathologie mam- m a i re de l’adolescente est dominée par la mastodynie essen- tielle (9), les algies souvent mal localisées, cycliques, en rapport avec les perturbations du statut hormonal non stabilisé à cet âge. Le principal motif de consultation est la sensation d’une b o u l e dans le sein (8, 9), dont l’exérèse révèle dans la plupart des cas un adénofibrome ou une maladie fibro k y s t i q u e . L’échographie constitue le moyen efficace actuel dans l’éva- luation des tumeurs du sein de la jeune femme : localisation,
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Y. D. Harouna & J. Rakotomalala
taille, nature kystique ou pleine (6). DI O P- BAet al. (4) ont évalué sa sensibilité à 96 %, avec 32 % de faux négatifs et 12 % de faux positifs dans le diagnostic des lésions cancéreuses. La mammographie est un examen peu fiable chez la jeune fille ( 9 ): selon MA U R E R(7), elle aurait une sensibilité de 80 %, avec 2 8 % de faux négatifs et 8 % de faux positifs ; GI L L E Tet al. ( 6 ) t rouvent un taux de faux négatifs équivalents à 15 % et 50 % plus que chez la femme âgée. Devant une tumeur du sein de la jeune femme, NE I N S T E I N(9) recommande une période d’ob- s e rvation d’au moins deux mois. En cas de persistance ou d’augmentation de taille, la chiru rgie à visée diagnostique s’im- pose. Les lésions précancéreuses sont rarement re t rouvées chez la jeune fille (8,9) de moins de 20 ans, mais non exception- n e l l e s : nous avons trouvé des calcifications chez 3 de nos patientes. Au-delà de 30 ans, une masse persistante, même non suspecte, doit faire l’objet d’une ponction-biopsie (9), le can- cer étant une éventualité diagnostique.
Conclusions
L
e manque de moyens diagnostiques et thérapeutiques du cancer du sein explique le pronostic encore eff royable de cette maladie dans la plupart des pays en voie de développe- ment. Le praticien en exercice dans ces pays se voit obligé de re c h e rcher des moyens peu onéreux de sensibilisation des femmes en vue d’une consultation précoce. Actuellement, la scolarisation de la majorité des jeunes filles nous permet de nous adresser directement à cette population cible: la leçon dis- pensée à l’école permet une meilleure compréhension du sein et de ses maladies.L’impact positif de cette méthode sur la population paramé- dicale mérite qu’elle soit divulguée dans les autres écoles (lycées, université) et plus tard insérée dans le pro g r a m m e s c o l a i re dès le primaire. Le dépistage précoce du cancer du sein est la seule garantie d’une amélioration pronostique dans les pays sous-développés où toute autre méthode thérapeutique que la chirurgie est incertaine.
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