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LA LOI SUR LA PRESSE DES DANGERS D'UNE LOI DE CIRCONSTANCE TOME XXXVII

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LA LOI SUR LA PRESSE

DES DANGERS D'UNE LOI DE CIRCONSTANCE

Une loi de circonstance est toujours mauvaise et l'on nous en prépare une sur la presse qui est déplorable. Ceux qui l'ont élaborée tentent d'en justifier le projet en affectant de la représenter comme le fruit de longues et laborieuses méditations. Ce n'est là qu'une hypocrisie. Les mêmes hommes qui sont aujourd'hui au pouvoir et qui sollicitent un vote d'urgence combattaient tous les principes qu'ils y ont intro- duits lorsqu'ils se rangeaient hier dans l'opposition.

Lorsqu'en 1934 M. Léon Blum, qui n'était encore que le chef d'un parti sans pouvoir, apprit qu'on se proposait d'en- lever au jury la connaissance des délits de presse, il écrivit :

« Toute la doctrine républicaine depuis la Révolution fran- çaise s'inscrit contre une semblable innovation, car je ne veux pas me servir du mot de réforme. Le x i xe siècle est rempli de ces débats. Toujours les républicains ont considéré que la compétence du jury en matière politique représentait une des conditions substantielles, l'un des éléments de la liberté de la presse. Ce que je tiens pour inadmissible en toute hypothèse, c'est l'entrée en scène du juge répressif, c'est-à-dire du juge dont le métier consiste à condamner au nom de l'autorité de l'État dans les procès où cette même autorité est en cause. »

Plus récemment, cette année même, le président du Conseil

disait :

« Personne ne peut être sûr que la partialité ne faussera pas le jugement des magistrats nommés, promus, décorés par le gouvernement ou, du moins, et surtout, on peut être persuadé que l'opinion récusera ce jugement. »

TOME XXXVII. 1 9 3 7 . 2 4

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Après qu'on a pris si nettement position, il est difficile de soutenir qu'on ne se laisse pas guider par les seules cir- constances quand, sous le coup de l'émotion causée par une campagne de presse particulière, on entreprend de faire triom- pher en grande hâte une doctrine dont on s'était naguère déclaré le si féroce ennemi.

Sans désemparer, toute affaire cessante, on a voté matin et soir, et le président de la Chambre a pu formuler, sous une forme au moins malheureuse, l'opinion de la majorité exposant que le débat devait se dérouler avec un maximum de rapidité (Journal officiel, 4 décembre 1936. Débats parle- mentaires, page 3288, col. 1).

Est-il possible de traiter avec une pareille légèreté une question qui met en cause les libertés publiques, et de boule- verser avec moins de réflexion une législation qui est l'abou- tissement d'un siècle de luttes menées par des hommes libres contre des gouvernements tyranniques ?

La liberté de la presse est à la base même de nos institu- tions et toute atteinte qui lui est portée est un coup donné à l'indépendance non seulement de la pensée, mais du régime même. Par elle toutes les opinions peuvent se manifester, élever les critiques nécessaires, discuter les doctrines et les hommes, assurer l'échange du développement et la succes- sion des idées. La pressé constitue, par le contrôle qu'elle exerce et les révélations qu'elle publie, une sauvegarde contre les abus du pouvoir ; la liberté qu'on lui accorde est en pro- portion de celle dont jouissent les citoyens.

Il n'est de presse libre que dans un pays libre, et chaque entrave qu'on lui met est une servitude qui s'étend à la nation tout entière.

Aussi l'histoire de la presse et de ses libertés fait-elle partie essentielle de l'histoire de l'indépendance d'un peuple. Tout gouvernement est nécessairement autoritaire. Rares sont ceux qui demeurent amis de la liberté. Ceux qui détiennent le pouvoir imaginent mal qu'il peut exister un ordre en dehors de celui qu'ils ont établi et qu'ils rêvent toujours de rendre plus solide. L'opposition leur paraît nécessairement factieuse, parce qu'ils supportent malaisément les critiques. L'oppres- sion est un système élémentaire de gouvernement : on se résigne mal à ne pas l'employer. Aussi la presse est-elle toujours un

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objet de préoccupation pour celui qui détient le pouvoir.

Libre, elle porte sur lui des jugements qui peuvent être sévères ; asservie, elle est un moyen de gouverner, de tromper et d'opprimer, et l'on peut dire que c'est autour de cette liberté particulière que se livre le plus souvent la lutte, pour Ou contre la forme même et le principe de l'autorité. •

Quels qu'ils soient et quelles que soient leurs doctrines, les hommes demeurent des hommes avec leurs instincts et leurs passions. Ce qui paraît intolérable à celui qui est opprimé lui paraît légitime lorsque son tour est venu d'opprimer les autres. Rares sont les esprits assez libéralement impartiaux pour respecter la liberté du voisin lorsqu'elle contrarie leurs opinions. Souvent on a vn, par une incroyable contra- diction, les opposants de la veille renforcer les mesures qu'ils trouvaient scélérates lorsqu'ils n'avaient qu'à les subir et non à les appliquer. Les plus libéraux» lorsqu'ils détiennent la puissance publique, briment avec férocité ceux dont naguère il» dénonçaient les fureurs.

C'est pourquoi une loi, si ses conséquences touchent à la politique, ne doit pas avoir seulement pour objet de main- tenir la tranquillité publique ; il faut qu'elle défende les citoyens contre les excès que provoque toujours l'accession des hommes au pouvoir,

Une bonne loi sur la presse est celle qui, tolérante, assure à tous indifféremment la liberté de s'exprimer, maintient l'ordre social en toute circonstance sans se préoccuper des opi- nions, réprime le trouble, quel que 6oit celui qui le cause, ne livre personne à l'arbitraire d'une justice dévouée au pou- voir, et demeure insensible aux variations des gouvernements successifs. La loi ne doit jamais servir les passions d'un parti.

A partir du moment ou elle perd son caractère de généralité et peut devenir un instrument destiné à assouvir des ven- geances et étouffer des libertés, elle s'avère mauvaise. Si elle devient la servante d'un gouvernement particulier, elle risque, en portant atteinte aux droits de la conscience individuelle, de troubler l'ordre social dont elle a la garde.

Pendant tout le xixe siècle, la France a lutté pour acquérir la liberté de la presse. Des révolutions ont été faites pour elle.

Le sang a coulé généreux. Parmi nos institutions, aucune n'est peut-être plus essentielle.

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Si l'on veut apporter quelque modification à l'état actuel de la législation, peut-être trouvera-t-on de judicieuses réformes à proposer. Mais le problème est trop grave pour qu'il soit permis de l'aborder légèrement et l'on comprend quelle pitoyable impression produit la nouvelle qu'on va d'un coup tout bouleverser à la faveur d'une variation dans la politique. Les esprits prudents se montrent inquiets. On verra, par l'étude du projet voté par la Chambre, qu'il y a de quoi s'émouvoir.

COMMENT LA PRESSE A ACQUIS SA LIBERTÉ

S'il était besoin de justifier notre opinion touchant la pru- dence qu'il faut apporter dans l'élaboration des lois de presse, il suffirait de rappeler au prix de quelles luttes la liberté a été péniblement acquise. Sans cesse les conquêtes libérales ont subi l'assaut du pouvoir jaloux. Chaque gouvernement, quelle que soit sa forme, exerce une manière de tyrannie, plus ou moins étendue, à l'égard tantôt d'une grande partie du pays, tantôt d'une minorité. Soucieux de demeurer en place et de dominer, ceux qui gouvernent surveillent leurs adversaires politiques et ont pour première préoccupation d'en empêcher l'émancipation. La presse qui permet de disperser la pensée leur paraît toujours subversive, si elle élève quelque critique. Aussi a-t-on assisté au cours de l'his- toire à d'incessants flux et reflux de la liberté de publier.

A vrai dire, jusqu'à la Révolution, la question de la liberté de la presse ne s'est pas véritablement posée. S'oc- cupait-on beaucoup d'aucune liberté en général ?

Le besoin de connaître les nouvelles et de les commenter est ancien, mais la dispersion abondante de feuilles contenant des informations n'a guère commencé qu'avec l'imprimerie.

A Rome, des pontifes tenaient des Annales qui enregis- traient les grands faits de l'histoire. Rapidement le besoin se fit pourtant sentir de savoir davantage. Aux Acta publica succédèrent les Acta diurna plus périodiques et renseignant sur tout ce qui pouvait être de nature à inspirer l'intérêt.

Quand Thraséas fut condamné à mort pour avoir par son silence montré sa réprobation contre Néron, Tacite parle de l'avidité avec laquelle on lisait les Diurna « pour y voir ce

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(|ue n'avait pas fait Thraséas ». Diurna populi romani per provincias, per exercitus leguntur.

Dès ce moment, la publicité des nouvelles servit au gou- vernement. Tibère faisait écrire contre lui dans les recueils publics pour préparer contre les prétendus auteurs de basses et cruelles vengeances.

Après la chute de l'empire, les journaux disparurent. Les invasions barbares avaient anéanti jusqu'à l'esprit public.

En France, pendant tout le moyen âge, les relations entre les provinces étaient si peu fréquentes, les villes, les châteaux si isolés, les communications si difficiles qu'il ne vint à per- sonne l'idée de répandre les nouvelles. Jusqu'au xve siècle leur transmission se fit oralement. Les choses publiques étaient l'affaire des rois et des ministres. Le populaire ne prenait part à rien. Il faut arriver à l'invention de l'impri- merie et aux guerres religieuses pour voir naître, en même temps qu'un besoin ardent de polémiquer, un merveilleux instrument de dispersion de la pensée. Manifestes, procla- mations, pamphlets furent répandus à foison. Des feuilles clandestines, imprimées au recto seulement et cachées entre les cuirs d'une selle ou dans la doublure d'un manteau, appor- taient d'Allemagne les nouvelles des victoires huguenotes.

Pendant longtemps encore tous ces imprimés n'eurent aucune périodicité et se transmirent en cachette. Ce n'est qu'au début du xvne siècle que, presque en même temps, apparurent en France, en Hollande et en Angleterre les gazettes qui empruntèrent leur nom à la monnaie (gazetta) dont on se servait à Venise pour payer le feuillet donnant des nouvelles des guerres contre les Turcs.

« Aujourd'hui, écrivait Mornay, il n'y a boutique de fac- toureau, ouvroir d'artisan, ni comptoir de clergeau qui ne soit un cabinet de prince et un conseil ordinaire d'État ; il n'y a aujourd'hui si chétif et misérable pédant qui, comme un grenouillon au frais de la rosée, ne s'émouve et ne s'ébatte sur cette connaissance. »

Renaudot, qui n'avait rêvé à l'origine qu'un journal d'an- nonces commerciales, commença à publier des nouvelles poli- tiques. Richelieu, qui comprit du premier coup d'oeil les avan- tages qu'il pouvait tirer d'un périodique sur lequel il aurait la main, conféra un privilège. La presse était créée. Le premier

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numéro de la Gazette parut le 30 niai 1631. Son succès considérable. Les imitateurs furent nombreux. Le pou ne laissait pas d'ailleurs de surveiller étroitement les p cations. Un arrêt du 22 août 1656 condamna à six moi fermeture des imprimeurs qui s'étaient avisés d'impri:

les « libelles séditieux qu'ils intitulent gazettes sécrètes » une ordonnance du 26 février 1658 frappa de punition corpo- relle ceux qui « s'ingèrent de composer des gazettes, et riôn seulement les font distribuer toutes les semaines dans les villes et provinces du royaume, mais aussi les envoient en pays étrangers, d'autant que cette licence est une entreprise faite par des personnes privées, ignorantes de la vérité des choses, qu'ils écrivent inconsidérément, ce qui pourrait apporter un nouveau préjudice au service du roi à cause des suppositions et calomnies dont lesdites gazettes sont remplies. »

Peu après, un arrêt du 9 décembre 1670 défendait de

« vendre aucuns écrits qualifiés de gazettes à la main, à peine du fouet et du bannissement pour la première fois et des galères pour la seconde ».

Comme on le voit, on ne tolérait que les feuilles officiel- lement censurées. Ajoutons que les défenses n'empêchaient riett. Le prince de Condé, gouverneur de Bourgogne, écrivit au président du Parlement de cette province : « Quant aux gazetiers dont vous me parlez, c'est un mal sans remède. Il n'y a pas longtemps qu'on en a mis à la Bastille une douzaine tout en un coup, et cela ne les rend pas plus sages. »

Au xvine siècle, la presse fut particulièrement abondante, mais toujours tenue en chartre. On était pourtant frémissant de manifester sa pensée pendant le siècle des philosophes.

Les idées neuves bouillonnaient. Les pamphlets tendaient de plus en plus à devenir des journaux clandestins. On voulait exprimer, sans avoir à demander de permission, les doctrines généreuses encore taxées de subversives et dont pourtant un monde nouveau allait naître.

Dès l'ouverture des États généraux, tous ceux qui tenaient ou croyaient savoir tenir une plume se mirent à l'œuvre avec fièvre. Partout on publia des feuilles nouvelles. Déjà, le 23 juin 1789, Louis XVI avait invité les États généraux à lui faire connaître le moyen le plus convenable de concilier la

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rté de la presse avec le respect dû à la religion» aux mœurs, l'honneur des citoyens. On était ivre de liberté et la Cons- jante, en l'article J l de la Déclaration des droits de lorame, proclama : « La libre communication des pensées

des opinions est un des droits les plus précieux de l'bômrn» : ' ' i ^ ^ u t citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, ',> 4e guyf 4 répondre de l'abus de cette liberté dans les cas déter- t$x * minés par la loi. »

Le nombre des journaux qui virent le jour lut confidé?

rable. De mai 1789 à mai 1793, on compte qu'il se fonda au moins mille quotidiens. « L'effervescence étant arrivée a son comble, écrit Delisle de Sale, il se trouva que les vingt-quatre heures de la journée n'auraient pas suffi à un citoyen actif pour lire toutes les feuilles périodiques hurlées le matin pour l'instruction ou la destruction des démagogues. »

Au Palais-Royal, dans les rues, on s'arrachait ces feuilles qui faisaient surenchère. Pratiquement, jamais la presse ne fut aussi libre. Aucune loi n'édictait de sanction en cas d'abus.

La liberté illimitée dégénéra en licence. Déjà on songeait à réglementer les droits. Camille Desmoulins avait poussé le premier cri d'alarme : « Le premier soin de ceux qui aspi- reront à nous asservir sera de restreindre la liberté de la presse... On ne pourra bientôt plus parler sans que l'homme en place ne dise qu'on trouble Tordre public I... »

Sous prétexte d'empêcher la circulation des livres sédi- tieux, la Convention promulgua la loi du 29 mars 1793 qui punissait de mort ceux qui seraient convaincus d'avoir . composé ou imprimé des ouvrages ou écrits provoquant la dissolution de la représentation nationale, le rétablissement de la royauté ou de tout autre pouvoir attentatoire à la souveraineté du peuple. Les journaux de l'opposition ces- sèrent de paraître. Deux mois plus tard, le 29 mai, une nou- velle Déclaration des droits de l'homme consacrait encore la liberté de la presse qui en fait n'était déjà plus qu'un vain mot. Si l'ambition de restreindre la liberté apparaissait, au moins n'osait-on déjà plus en discuter le principe. L'ar- ticle 353 de la Constitution de l'an III interdisait toute censure préalable et reconnaissait le droit d'écrire et de publier la pensée. Même l'article 355 prévoyait que, si deâ mesures exceptionnelles rendaient nécessaire une loi prohibitive, la

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prohibition ne pourrait être que temporaire et ne pas excéder un an.

Après thermidor, la presse jouit d'une plus grande libertëj mais le Directoire revint à un arbitraire hypocritement teinté de légalité. Un arrêté fit conduire à la Force trente et un auteurs ou imprimeurs de journaux sous la prévention dé conspiration contre la sûreté de l'État. Les Chambres approu- vèrent et votèrent une loi pour mettre la presse en tutelle.

Le Consulat ne laissa à partir de l'an I I I subsister que treize journaux politiques,sous menace d'ailleurs de suspension immédiate en cas de manque de soumission, et l'Empire continua les mêmes errements. En 1811, il ne restait que quatre journaux politiques.

En dehors de l'arbitraire d'une censure et de règlements draconiens, les infractions à la loi étaient traduites selon le droit commun, soit devant la Cour d'assises, soit devant le tribunal correctionnel, selon qu'il s'agissait de réprimer un crime ou un délit. La notion du délit politique justiciable seulement de la Cour d'assises n'était point encore née. .

La charte de 1814 proclama la liberté de la presse et laissa le jugement des infractions aux mêmes juridictions que l'Em- pire. Partout on protestait. La pensée n'est pas justiciable du tribunal correctionnel. Lorsqu'elle commet quelque délit, il est d'opinion, et c'est à l'opinion, c'est-à-dire au jury, de le sanctionner. Par la loi du 26 mai 1819, tout délit commis par la voie de la presse devint de la compétence de la Cour d'assises, à l'exception des injures et diffamations envers les particuliers. Cette grande satisfaction octroyée aux libéraux ne devait être que de courte durée. Après l'assassinat du duc de Berry et les manifestations de l'opposition, Louis X V I I I promulgua, le 25 mars 1822, une loi qui enleva au jury l'attri- bution qui lui avait été faite des délits de presse et en conféra la compétence au tribunal correctionnel.

Les trois glorieuses permirent de rendre à la liberté de la presse des garanties. La Charte de 1830 consacrait solennel- lement la liberté en décidant par l'article 7 que la censure ne pourrait jamais être rétablie et par l'article 69 que le jury seul connaîtrait des délits de presse.

La loi du 8 octobre sanctionna ce que la Charte avait promis, mais Louis-Philippe ne devait pas tarder à vouloir

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lui aussi brimer la presse et, le 9 septembre 1835, une loi porta devant la Chambre des pairs quelques crimes qu'on enlevait ainsi à la Cour d'assises pour les soumettre à une juridiction politique et docile. Comme on le voit, la lutte du pouvoir contre la presse ne se démentit jamais.

La Révolution de 1848 abolit les exceptions de 1835 et attribua exclusivement au jury la connaissance de tous les délits commis par la voie de la presse. On pouvait penser qu'après t a n t de luttes la presse avait acquis des garanties.

Depuis la Révolution on la proclamait libre et on lui enlevait, toutes les fois qu'on en trouvait l'occasion, les moyens de faire respecter cette liberté. Elle ne s'était pas pourtant découragée et ne se découragera pas encore lorsque les décrets de sep- tembre 1851 et février 1852 lui portèrent encore de rudes coups. Le tribunal correctionnel redevenait la juridiction des délits de presse, sous prétexte que les infractions s'étaient multipliées et que le jury rendait la répression moins rapide et moins efficace ; en outre la nécessité d'une autorisation et du versement d'une caution préalables à toute publication mettait la presse à nouveau en servitude.

La I I Ie République abrogea dès le 15 avril 1871 la légis- lation de l'Empire. De nouveau les journalistes obtinrent de rendre compte de leurs délits politiques à l'opinion seule des jurés. A partir de ce moment, sans oser revenir sur une conquête si laborieusement acquise, les gouvernements démo- cratiques qui se sont succédé ont fréquemment tenté, par un retour de tyrannie, de revenir à une correctionnalisation. Ils n ' y sont parvenus que partiellement. En 1875, le jugement d'un certain nombre d'infractions fut enlevé aux jurés. Les exceptions devinrent si nombreuses, les réclamations si véhé- mentes qu'on en arriva à décider qu'il fallait une fois pour toutes établir le Code de la presse de la République.

Ainsi fut élaborée la grande loi du 29 juillet 1881.

LA LOI DE 1881

. La loi qui depuis cinquante-cinq ans constitue notre Code de la presse ne fut pas improvisée ni votée avec « un maximum de rapidité ». Au contraire, elle fut longuement méditée et étudiée. M. Lisbonne, son rapporteur, précisa

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en la présentant : « Ce projet de loi ne couronne aucun édifiée : il en crée un nouveau sur un sol devenu libre. »

La tâche était malaisée. On se proposait de réunir en un seul contexte les dispositions éparses dans de nombreux docu- ments législatifs publiés à différentes époques et relatives à l'imprimerie, à la librairie, à l'affichage, au colportage et à la presse périodique, c'est-à-dire quarante-deux lois, décrets et ordonnance} comprenant 325 articles. Comme nous l'avons montré,il y avait eu autant de lois de la presse que de gouver- nements on France depuis la Révolution ; quelques-uns même en avaient édicté plusieurs sous l'influence d'événements extérieurs. La législation, tantôt oppressive et tantôt libérale, yetouchée au hasard des crises ou des peurs, modifiée selon l'heure ou la circonstance, avait démontré définitivement qu'il est deux esprits contraires qu'on ne peut que diffici- lement voir s'entendre : l'esprit de liberté et celui de gouver- nement.

Après de longues hésitations, de multiples discussions et de loyales explications, le parlement aboutit à voter un texte qui, s'il peut reoevôir quelques critiques de détail, donne satisfaction dans l'ensemble, en ce qu'il est le plus prudent et le plus libéral que nous ayons connu au cours d'un siàcle de luttes, de modifications et de changements.

Pour ne nous oeeuper que des dispositions dont on entend aujourd'hui nous imposer la modification, disons que la liberté de la presse y est d'abord accordée d'une manière absolue et sans autre limite que les sanctions imposées à ceux qui commettent des délits ou des crimes.

L'imprimerie et la librairie Sont libres ; tout journal ou écrit périodique peut être publié sans autorisation préalable et sans dépôt de cautionnement, sous la seule réserve d'une déclaration au Parquet du procureur de la République.

Les crimes et délits prévus par la loi sont déférés à la Cour d'assises et l'accusé est autorisé à établir la vérité du fait diffamatoire lorsqu'il s'agit d'un membre du ministère, d'un membre de la Chambre ou du Sénat, d'un fonctionnaire public, d'un dépositaire OU agent de l'autorité publique, d'un citoyen chargé d'un service ou d'un mandat public temporaire 6u permanent, d'un juré ou d'un témoin à raison de sa dépo- sitiom II en est de même des imputations diffamatoires poj1-

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téea contré un corps constitué* Ica armées de terre ou de mer, et les administrations publiques.

Les diffamations contre des particuliers Bont seules de la compétence du tribunal correctionnel et la preuve n'y est pas admise, sauf lorsqu'il s'agit de directeurs ou administrateurs d'entreprises industriellesj commerciales ou financières faisant publiquement appel à l'épargne»

La raison de cette distinction n'apparaît pas toujours clairement aux esprits non prévenus et mérite une expli- cation. La diffamation est une allégation qui porte atteinte à l'honneur ou à la considération d'autrui. Il suit de cette définition qu'il importe peu que l'imputation soit exacte ou non. La diffamation porte sur un fait vrai. 11 faut la distinguer de la calomnie qui porte sur une imputation fausse. La loi les confond.

Reprenant une théorie d'ailleurs ancienne, le législateur désireux d'assurer la paix sociale n'a pas voulu que les citoyens pussent s'injurier ou se diffamer réciproquement, même à propos de faits vrais. La guerre serait dans la cité si les particuliers pouvaient à chaque instant, sous prétexte de vérité, porter les uns sur les autres des accusations désho- norantes, fussent-elles exactes. L'intérêt général est qu'on vive en paix et il vaut mieux obtenir le silence sur toutes les vilenies vraies ou fausses que de laisser, sous prétexte de révélation d'une vérité inutile et méchante, un brandon de discorde toujours allumé. De là, lorsqu'il s'agit de personnes privées dont la vie n'intéresse point la vie publique, l'inter- diction de faire la preuve des faits diffamatoires allégués.

Sauf lorsqu'il s'agit de directeurs et administrateurs d'entre- prises capables de causer un dommage à J'épargne, le tri- bunal correctionnel n'a pas à savoir si l'imputation diffama- toire repose ou non sur un fondement sérieux. Il est une fois pour toutes interdit de diffamer et de calomnier.

Au contraire, lorsqu'il s'agit d'hommes puBlics, investis de mandats publics ou détenteurs d'une parcelle de la puis- sance publique, il est d'un intérêt général de savoir toute la vérité. Leurs agissements intéressent la généralité du pays et, si quelque accusation grave et déshonorante est portée contre eux, il convient qu'on puisse en apporter la preuve. Le pays tout entier est intéressé à savoir ce que valent ceux auxquels

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il fait confiance. Dans ce cas, le journaliste a le droit d'apporter ses preuves ; mais comme il lui faut la garantie que l'homme public ne le conduira pas devant des juges à sa dévotion, c'est au jury seul, émanation de l'opinion publique, qu'il appartient de se prononcer. Il y a là une garantie essentielle que la loi de 1881 a donnée à la presse et sans laquelle il n'est plus de liberté pour s'exprimer. La preuve en est dans la crainte du jury manifestée, au cours du xixe siècle, par les gouvernements à tendance despotique. Comme nous l'avons montré, ces derniers n'ont eu pour préoccupation que d'en- lever au jury l'une de ses plus glorieuses attributions : pro- noncer en dernier ressort dans les affaires politiques.

Depuis 1881, des modifications ont maintes fois été pro- posées. Toutes avaient pour objet de porter des atteintes à la liberté. Toujours le pays entier s'est cabré, les journalistes se sont élevés avec force, déclarant qu'ils étaient prêts à reprendre le dur combat mené par leurs anciens, mais qu'ils ne tolére- raient pas qu'on revienne aux erreurs d'un passé détesté.

Le Parlement, soucieux de la défense des libertés publiques, s'est fermement opposé à tout bouleversement. Il semblait que dans une démocratie qui remonte maintenant à plus de soixante ans, alors qu'on pouvait penser la tradition des liber- tés bien assise, on n'aurait plus à se défendre contre des entreprises empruntées aux plus méchants abus de la Res- tauration et de l'Empire. On pouvait croire qu'il ne se trou- verait pas de « Chambre introuvable » pour en accepter même la discussion.

C'est pourtant un projet destiné à asservir la presse et à la livrer à l'arbitraire qui vient d'être voté par la Chambre et que nous nous proposons d'étudier.

Le projet porte sur cinq points principaux, savoir : le contrôle financier des journaux, la correctionnalisation des délits de presse, l'aggravation des peines, l'extension de la notion d'homme public et la création d'un nouveau délit de fausse nouvelle.

STATUT DES PUBLICATIONS PÉRIODIQUES

Le nouveau projet comporte une modification complète du statut des journaux. Cette modification prévoit une amé-

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lioration à laquelle nous nous rangeons bien volontiers. La loi de 1881 prévoit que chaque journal est géré par un gérant responsable. A son défaut doivent répondre des crimes et des délits les auteurs ; puis, à défaut des auteurs, les impri- meurs ; et, à défaut de ces derniers, les vendeurs et distri- buteurs.

Il s'ensuit cette conséquence juridiquement exacte, mais pratiquement paradoxale, que, lorsque l'auteur de l'article et le gérant sont poursuivis, l'auteur, véritable coupable, n'est que le complice du gérant et que, comme il est souvent impossible de connaître l'auteur, le gérant se présente seul à la barre du tribunal. On sait ce qu'est le gérant, pauvre diable appointé ou non, qui cumule en général la qualité de gérant avec les fonctions de concierge, de garçon d'ascenseur ou de balayeur. Il n'est choisi que pour récolter les condam- nations. Insolvable, indifférent aux sanctions qu'il accueille d'un sourire, il reconnaît bien volontiers devant ses juges qu'il est le responsable, fait ajouter une mention de plus à son casier judiciaire, et se retire satisfait avec le sentiment du devoir accompli. II est l'homme de paille qui empêche d'at- teindre le véritable coupable, lequel, — propriétaire, direc- teur, administrateur ou rédacteur en chef, — échappe à toute responsabilité autre que pécuniaire.

La loi de 1881 contient là une lacune. Il ne devrait pas être permis de se faire condamner par procureur, et si l'on veut apporter un remède à la comédie du gérant actuel, nous approuverons volontiers.

Mais tout autre est le statut proposé qui entend per- mettre au gouvernement d'exercer un contrôle pécuniaire sur des entreprises absolument privées.

On fait observer, ce qui est un truisme, que les journaux ont une influence sur l'opinion publique et l'on signale, ce qui est un autre truisme, qu'un journal coûte fort cher à mener.

Par un syllogisme assez rigoureux, on conclut qu'il est néces- saire de savoir d'où viennent les ressources et comment vivent les journaux qui sont susceptibles d'émouvoir l'opinion publique. Est-il utile de préciser, ce qui n'est point inscrit dans la loi, mais qui est évident, que cette mesure est surtout intéressante en ce qui touche les journaux d'opposition ou susceptibles de faire opposition ?

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Pour parvenir à ce résultat, on impose à tout journal paraissant au moins trente fois par an de se constituer dan»

les trois mois sous forme de société anonyme ou de commandite par actions. Les actionnaires ou commanditaires souscrip- teurs, porteurs de titres nominatifs, devront faire suivre leur nom des sociétés industrielles, commerciales ou financières dans lesquelles ils sont administrateurs, directeurs ou gérants.

Toutes ces mentions devront être publiées en première page du premier numéro. Et la société devra en outre faire connaître au public le chiffré du tirage de son journal avec le nombre des abonnements, la vente au numéro, les services gratuits, les invendus, publier son inventaire, son bilan, son compte des profits et pertes, sous peine en cas d'infraction de trois mois à un an de prison et de 1 000 à 10 000 francs d'amende.

Est-il possible d'aller plus loin dans l'oppression et l'inqui- sition odieuse ? Peut-on concevoir plus outrageante atteinte à la liberté non seulement de la presse, mais simplement du commerce et de l'industrie ?

Une pareille mesure, si elle est admise, aura pour effet de miner beaucoup de feuilles de médiocre tirage auxquelles là révélation de la pauvreté de leur expansion enlèvera leurs derniers lecteurs. Sans doute a-t-on excepté les journaux et revues corporatifs, scientifiques, et les journaux de province édités dans un département et mis en vente dans ce seul département. Mais cette dernière exception, admise sans doute par crainte d'une révolte trop générale, n'en rend que plus indolente l'obligation imposée aux grands quotidiens.

Il serait à l'avenir interdit à un particulier d'avoir son journal et de publier librement ses opinions sans avoir à rendre de comptes autrement que pour des infractions pénales qu'il pourrait commettre. Il lui faudrait se mettre en société.

M. dé Villèle avait déjà pensé à tenter une pareille entreprise et lui-même y avait renoncé. Pendant qu'on discutait en 1827 la loi de justice et d'amour dont on sait qu'elle était un chef- d'œuvre de machiavélisme et d'arbitraire où la violence le disputait à l'absurde et qui allait à l'anéantissement de l'impri- merie en France, M. de Villèle montant à la tribune s'écria :

« Voulez-vous savoir quels sont les bénéfices des journaux ? » et il révéla véhémentement les 20 000 abonnés du Constitu- tionnel, les 12 600 abonnés des Débats, les 6 500 abonnés de

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la Quotidiennet et les 4 000 du Journal de Paria, II s'était procuré les bilans, révélait les ressources et les dépenses»

De tous côtés dos clameurs s'élevèrent et ces clameurs furent expliquées par ces mots prononcés à la tribune pour

éclairer le ministre :

— Rien n'est plus français que le reproche fait à M. de Vil- lèle sur l'inconvenance de porter à la tiibune des détails sur la fortune des particuliers, Cela ressemble trop aux temps horribles de la Révolution. Personne n'a oublié que la condam»

nation en masse des fermiers généraux n'a été motivée que sur l'état présumé do leurs bénéfices.

Est-il possible de faire aujourd'hui une autre réponse ? Quand on Ut les discours qui ont accompagné favorablement le vote do ces articles à la Chambre, on ne peut manquer d'être frappé que les seuls arguments fournis l'ont été pour attiser des haines de classes, jeter le soupçon sur de grandes entre- prises et ameuter contre elles des passions aveugles» Ce n'est point en créant des fossés plus profonds que ceux qui s©

sont déjà creusés entre les citoyens, qu'on fera régner une paix sociale déjà trop compromise,

Pénétrer ches les particuliers, les traiter en suspects à rai*

son de leurs opinions ou de leur fortune, et molester un© mino- rité au nom des principes injustes et ennemis de la liberté n'est point faire oeuvre de législateur, mais de partisan.

De ces articles sur le statut des journaux nous retiendrons comme seule mesure sage l'interdiction pour le gouvernement d'entretenir des journaux sur les fonds secrets et l'inter- diction pour les journaux français de recevoir des fonds secrets de Puissances étrangères.

CORREÇTIONNALISATION DES DÉLITS DE PRESSE ET AGGRAVATION DE PEINES

Le gouvernement en déposant son projet s'est ému en cons- tatant que la diffamation est mal réprimée en France et il demande un renforcement de la pénalité, Le fait ne peut être contesté et voilà longtemps que des plaintes légitimés s'élèvent contre la faiblesse de la répression, La question est de savoir quel remède il faut apporter à ce mal. Doit-il être législatif ou sont-ce au contraire les tribunaux qui manquent de fer-

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meté ? Pour notre part, nous n'éprouvons aucune hésitatioa à répondre que si la loi de 1881 était appliquée on n'aurait pas aujourd'hui à discuter la question. Nous examinerons plus loin ce qu'il faut penser de la Cour d'assises; voyons d'abord ce qui se passe en correctionnelle, puisque c'est cette juridiction devant laquelle on veut tout conduire.

Les procès de diffamation qui s'élèvent entre particuliers sont légion. Ils sont de la compétence du tribunal correc- tionnel. A Paris, c'est la 12e Chambre qui consacre presque tout son temps à trancher ces litiges. Son rôle est si sur- chargé qu'elle est obligée de renvoyer les affaires parfois à plusieurs mois pour les prendre à leur tour. Ainsi voit-on côtoyer des affaires de voisins qui se sont injuriés, de loca- taires insultés par leur concierge ou réciproquement avec des procès de journaux où se liquident des campagnes de presse poursuivies avec ou sans bonne foi. En même temps se débattent de pénibles affaires où l'honneur des familles est véritablement en cause et où la vie privée a été indiscrètement outragée.

L'impossibilité où se trouve nécessairement la loi d'établir par avance des degrés dans la gravité des diffamations fait de toutes ces affaires un incroyable et injuste chaos. Beaucoup de procès, qui se réduisent à des criailleries sans intérêt, ne devraient pas dépasser le prétoire de la simple police. Leur afflux fait perdre de leur importance aux litiges qui méri- teraient d'être pris en considération. Les procès de presse sont rituels. Ils amènent à la barre des feuilles ennemies pour lesquelles les invectives réciproques et les imputations désho- norantes constituent le pain quotidien qu'elles offrent à leurs lecteurs. Tour à tour elles se prétendent offensées et s'as- signent. On demande aux juges réparation des pires outrages.

Il faut reconnaître que la justice demeure insensible. La diffamation est punie d'une peine de cinq jours à six mois d'emprisonnement et d'une amende de 25 à 2 000 francs ou de l'une des deux peines seulement. Il est donc possible de réprimer sérieusement. Pratiquement, les procès se heurtent à une indifférence générale. Sous prétexte que ces procès intéressent surtout des particuliers, que ce sont, comme on dit, des procès « entre parties », le ministère public écoute avec une pitié souriante et n'intervient jamais. Quant aux tri-

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bunaux, ils distribuent des amendes dérisoires. Les centaines de mille francs demandées dans les assignations se réduisent à quelques centaines de francs.

Ajoutons que, pour bien montrer qu'on n'attache aucune importance à l'honneur des particuliers, des amnisties rituelles effacent les condamnations et blanchissent les casiers. Être condamné pour diffamation ne constitue pas une flétrissure.

Par la faute des tribunaux indulgents et du Parlement pusil- lanime, on n ' y attache pas d'importance. Il en résulte qu'on peut diffamer impunément et que personne n'est à l'abri des méchants. On peut dire que jamais une peine d'emprison- nement n'est prononcée. Est-ce la faute de la loi ? Est-ce elle qu'il faut changer ? La vérité est que si le ministère public intervenait efficacement dans les affaires au lieu de jouer un rôle muet, s'il attirait l'attention du tribunal sur la néces- sité de prononcer des peines efficaces d'emprisonnement, et si les peines étaient prononcées, les diffamateurs peu désireux de se rendre en prison deviendraient plus circonspects.

E n tout cas, à moins que le gouvernement ne soit bien sûr d'obtenir dans les affaires qui l'intéressent des condamna- tions, on ne voit pas en quoi on gagnerait à enlever aux assises les affaires qu'elles jugent pour obtenir devant le tribunal correctionnel des condamnations de principe qui n'émou- vront personne. Si, au contraire, le projet comporte pour corollaire la certitude d'une docilité judiciaire insolite, il faut se hâter de le faire échouer.

Devant la Cour d'assises, il en va tout autrement. C'est là que se traduisent les diffamations portées contre les hommes publics que nous avons énumérés. Contre eux, nous l'avons dit, il convient que la lumière soit faite ; la preuve peut être rapportée, et si elle l'est, l'absolution s'ensuit. Les jurés sont souverains et ne répondent que par oui ou par non à la ques- tion de culpabilité qui leur est posée.

Les acquittements sont très fréquents. Les hommes publics s'en montrent marris. Beaucoup n'osent pas pour- suivre. Est-ce à dire que les acquittements sont systéma- tiques ? Nous ne le pensons pas et nombreux sont les exemples de condamnation qu'on pourrait rapporter. Sans doute il arrive qu'un procès qui met en cause les choses de la poli- tique soit jugé avec passion, mais avant de condamner l'insti-

IOME xxxvii. — 1937. H

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tution, sachons bien nous rappeler qu'il ne s'agit que da questions d'espèces. Souvent l'acquittement vient de ce que l'intime conviction des jurés, -~ et on ne leur demande pas autre chose, — est que le diffamateur a dit vrai et qu'il a rai- son, L'homme public aura beau jeter de grands cris, le verdict n'aura pas toujours été aussi injuste qu'il veut bien le dire.

Si d'autres hésitent à poursuivre, c'est peut-être aussi que souvent ils ne sont point aussi sûrs qu'ils le disent de montre?

le caractère calomnieux de la diffamation,

En dehors de cette observation et è supposer que le jury montre, comme on le soutient, une trop grande mansué- tude, il n'en reste pas m©ins qu'il faut le conserver. Seul il donne une garantie contre l'arbitraire du pouvoir. De deux maux il faut choisir lo moindre. Entre le jury parfois indulgent à l'excès, mais indépendant» et les juges correctionnels dont l'avancement et la décoration sont entre les mains du pou*

voir, il n'y a pas d'hésitation possible, L'histoire est là pour révéler les avantages et les inconvénients de l'un et de l'autre système. Il ne faut pas oublier que c'est un tribunal correc- tionnel servile qui, le 16 mai, infligea trois mois de prison à Gambetta pour avoir dit que le chef du pouvoir exécutif devait se soumettre ou ge démettre,

Quels que soient les inconvénients du jury, ils sont moindres que ceux que présente le tribunal correctionnel, et l'on a le droit de s'étonner que la proposition vienne des mêmes hommes qui depuis quarante ans ont qualifié dé « Scélérates » les lois qui dessaisissent au profit du tribunal correctionnel la répression des menées anarchistes, crime essentiellement d'opinion. Les arguments fournis contre cette loi d'exception sont les mêmes que ceux fournis en matière de presse, avec eette seule différence que les menées anarchistes offrent socia- lement un péril que ne présente pas l'imputation diffamatoire dirigée contre un homme public.

S'il était besoin au surplus de rappeler les véritables prin- cipes de la doctrine libérale, nous reproduirions seulement le texte de l'exposé des motifs du décret pris par le Gouverne- ment provisoire le 6 mars 1848 :

« Considérant que les lois de septembre, violation flagrante de la Constitution jurée, ont excité dès leur présentation la réprobation unanime des citoyens ;

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« Considérant que la loi du 9 septembre 1835 sur les crimes, délits et contraventions de la presse et des autres moyens de publication est un attentat contre la liberté de la presse ; qu'elle a inconstitutionnellement changé l'ordre des juri- dictions, enlevé au jury la connaissance des crimes et des délits dé presse... »

On devrait pouvoir espérer que ce manifeste indigné publié pat* des hommes qui avaient souffert du régime qu'on veut rétablir serait susceptible de rappeler aux saines tradi- tions de la liberté.

Nous avons été surpris d'apprendre que le rapporteur se prétendait aujourd'hui soutenu par les journalistes et leurs grandes associations. Ce qu'on propose est si contraire à toutes les grandes traditions dont s'honore la presse que nous demeu*

rions confondus. Nous avons heureusement appris que la nouvelle n'était pas exacte. M. Quenette a pu, sans être démenti, dire à la tribune que des trois associations de presse dont on prétendait avoir l'approbation, la première, groupant les journalistes parlementaires, n'acceptait la correctionna- liâation qu'à la condition de composer un tribunal extraor- dinaire impossible composé de juges exceptionnels n'atten- dant pas d'avancement, que la seconde n'était représentée que par les délégués du Syndicat national des journalistes qui avaient parlé de leur propre chef sans consulter leurs man- dants, et que la troisième, formant le Syndicat des journalistes français, s'opposait au projet avec véhémence.

Par uii paradoxe étrange et qu'il convient de marquer, le projet de correctionnalisation intervient au moment même où l'on vient d'abroger la commission de classement qui assu- rait plus d'indépendance aux magistrats et, avec une certaine insolence, si les hommes publics se réfugient dans le prétoire correctionnel en prétendant qu'ils n'ont plus confiance dans la Cour d'assises, ils abandonnent cependant encore au jury le Président de la République et les corps constitués comme s'ils n'avaient pour eux aucune sollicitude. Peut-on montrer mieux qu'ils n'agissent que dans leur misérable intérêt per- sonnel ?

Au demeurant, puisqu'on veut une modification, nous admettrons volontiers celle qui consiste à renforcer les.

peines actuelles, à permettre d'appliquer aux diffamateurs

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les aggravations que comporte la récidive, et à refuser le bénéfice du cumul des peines. De même nous approuverons toute simplification de procédure et toute mesure susceptible de hâter la solution des procès. Il faut en finir avec des litiges qui s'éternisent. Dans la mesure où il convient d'assurer la tranquillité publique en châtiant des coupables, tout le monde sera d'accord ; la désunion ne naîtra que lorsque, sous pré- texte d'assurer cette répression, on cherchera à faire régner l'arbitraire en étranglant la liberté.

EXTENSION DE LA NOTION D'HOMME PUBLIC

Le projet comporte une autre innovation qui contient une idée juste, mais qui, de la manière dont elle est pré- sentée, est inacceptable.

On observe que la liste des personnages publics contre lesquels la loi de 1881 permet de faire la preuve des impu- tations diffamatoires est incomplète. Nous avons déjà fourni

l'énumération stricte de la loi. Il est certain qu'en dehors des corps constitués, des ministres, députés, et dépositaires de l'autorité publique, des hommes faisant appel à l'épargne, etc., d'autres individus ont, par la fonction qu'ils exercent, une influence considérable sur l'opinion et doivent compte de leurs actes. Il en est ainsi par exemple des secrétaires de syndicats et des chefs de partis politiques. Ceux-là sont aussi des hommes publics sur lesquels on a le droit d'être rensei- gné. Leur activité peut les rendre redoutables et il est juste qu'ils n'échappent pas aux investigations s'ils ont en quelque chose démérité.

Du moins doit-on trouver pour les désigner une formule claire. Celle qu'on propose est impossible à accepter, parce qu'elle est trop imprécise pour ne pas permettre tous les arbitraires.

L'article 31 nouveau dit :

« Est considéré comme personne publique quiconque exerce une fonction ou un mandat publics, ou qui, par son action, ses écrits, ses discours ou les moyens qu'il met en œuvre, est susceptible d'exercer une influence directe sur l'opinion publique. »

Avec une pareille formule un juge pourra permettre l'ad-

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mission de la preuve contre qui il voudra. C'est une extension absolument inadmissible. Nous avons indiqué comment la règle, pour des raisons de paix publique, était qu'on n'admît pas la preuve et qu'elle n'était possible qu'envers certains hommes qui, à raison de leur mandat ou de leur fonction, avaient le droit de se voir sévèrement interroger sur leurs agissements. A moins de vouloir transformer tout, il faut conserver le principe qui, à l'usage, s'est révélé excellent. On peut, si l'on veut, étendre le nombre de ceux contre lesquels la preuve est admise, mais, s'agissant d'une loi pénale d'inter- prétation étroite, on ne peut le faire qu'en dressant en tout cas une liste limitative.

Autrement, personne n'est plus à l'abri de la malignité publique. Qui n'est pas susceptible d'exercer une influence directe ou indirecte sur l'opinion ? On y comprendra les can- didats, puis les industriels et les commerçants, dont on dira qu'ils sont par leur profession susceptibles d'agir sur l'opinion de ceux qu'ils emploient, puis les prêtres qui se verront rendre un privilège que la séparation de l'Église et de l'État leur avait enlevé, les philosophes qui répandent des pensées neuves, les économistes qui bouleversent dans leurs livres les systèmes admis, et tout le monde en un mot, jusqu'aux poètes. Qui peut nier l'influence que Victor Hugo eut sur l'opinion en publiant les Châtiments ? On permettra de faire la preuve contre l'homme simplement riche parce qu'il a « les moyens d'exercer une influence » et contre le vieux du village qu'on vient consulter parce qu'il est raisonnable.

Comme on le voit, la liste est sans limite. On ouvrira des débats insensés. Est-il nécessaire, par les procès qu'on va provoquer, de mettre dans la cité plus de trouble qu'il n'en est à l'heure actuelle ?

LE DÉLIT DE FAUSSE NOUVELLE

Le projet que nous examinons comporte enfin un article exorbitant. Déjà la censure qui s'exerce actuellement sur la radiophonie montre le souci du gouvernement de ne per- mettre la publication d'aucune nouvelle qui ne soit officielle.

La contradiction est toujours l'ennemie née des gouverne- ments qui supportent mal les critiques et ne permettent pas

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les révélations qui ne leur sont pas favorables. La presse, qui a pour ambition de renseigner, n'exige sa liberté que pour pouvoir précisément empêcher les abus et les révéler, s'ils existent, pour qu'on n'y persiste pas. Au surplus, la vérité officielle est souvent un mensonge le lendemain, et il faut être prudent dans son appréciation. Comme l'a spirituellement demandé VŒuvre, une nouvelle vraie officiellement démentie est-elle une nouvelle vraie ou une fausse nouvelle ? D'autre part, il est bien évident que, lorsqu'une fausse nouvelle publiée de mauvaise foi a pour effet de causer le trouble, son auteur ne peut demeurer impuni. Le législateur de 1881 avait adopté un texte très raisonnable.

« La publication ou reproduction de nouvelles fausses, de pièces fabriquées, falsifiées ou mensongèrement attribuées à des tiers sera punie d'un emprisonnement d'un mois à un an et d'une amende de 50 francs à 1 000 francs ou de l'une de ces deux peines seulement, lorsque la publication ou repro- duction aura troublé la paix publique et qu'elle aura été faite de mauvaise foi. »

Le texte proposé transforme la dernière phrase et veut que le délit soit constitué lorsque la publication sera « de nature à troubler la paix publique ou les relations internatio- nales et qu'elle aura été faite en connaissance de cause et de mauvaise foi ». C'est dire qu'on laisse la portée de l'article à l'appréciation des juges et qu'on leur demande de condamner l'éventualité de troubles non réalisés et dont ils auront à dire s'ils peuvent être déternaines par un article.

Nous voilà dans le pur domaine hypothétique, Comme l'a fort bien montré un député, on demandera au juge de Cas- tellane ou de Bressuire de dire si une nouvelle est susceptible v de créer des complications diplomatiques entre la France et la République de Nicaragua ou le royaume de Siam. C'est

simplement absurde. f

L'absurdité ne serait encore que peu de chose s'il ne s'y joignait l'odieux. Dire qu'on condamnera une fausse nouvelle parce qu'un juge estime par voie de déduction ou d'induction qu'elle pourra troubler la paix publique, c'est tomber dans l'arbitraire le plus redoutable. Un gouvernement estime évi- demment toujours qu'on risque de troubler sa paix quaB(d on le contredit et si on publie une nouvelle qui lui déplaît.

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T' Voilà déjà longtemps qu'une théorie juridique allemande, contre laquelle nous nous sommes toujours élevés et qui jusqu'à présent n'a jamais été admise chez nous, voudrait, par mesure préventive, qu'on pût prendre des mesures coerei»- tives Contre les individus qui n'ont commis aucun délit, mais qui sont supposés devoir en commettre et qui sont, comme on dit, en état dangereux, A plusieurs reprises, dans les congrès de droit pénal, la question fut débattue, et notamment à Bruxelles en 1010. On y refusa très énergiquemcnt de suivre le professeur von Liszt de Berlin dans sa doctrine. C'est pour»

tant un principe voisin qu'on entreprend d'introduire dan$

la loi nouvelle. L'article incriminé sera réputé en état dange*

reux, pour reprendre la formule consacrée, et susceptible en conséquence de causer le trouble, ce qui permettra la condam*

nation de l'auteur. C'est une dérogation aux règlos essentielles du di'oit public. C'est à la loi seule qu'il appartient impar- tialement et d'avance de déterminer les faits délictueux et les sanctions qu'ils méritent.

Avec lé texte ancien, le châtiment était encouru lorsqu'un trouble avait suivi la publication de la fausse nouvelle; c'était d'ailleurs le veau de la Déclaration des droits de l'homme qui dit en son article 10 s « Nul ne peut être inquiété pour se»

opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l'ordre publie établi par la loi. » Avec le texte nouveau, l'éventualité d'un trouble, qui peut-être ne se produira pas et dont la possibilité peut naître dans l'esprit d'un juge passionné, suffit. Est-ce admissible ? Admettre l'arbitraire d'un juge dans la détermination du caractère dangereux d'un article qui n'a encore causé aucun désordre, c'est mettre entre les mains du gouvernement une arme redou- table et lui permettre de s'en servir dans les luttes politiques de l'avenir. Dans les luttes passionnées que suscitent ces conflits, le parti au pouvoir ne manquera pas de trouver parmi ses adversaires une foule de gens ayant publié des nouvelles plus ou moins exactes et qu'il estimera avoir agi de manière à troubler sa tranquillité. Si l'on ajoute que ce délit également est correctionnalisé, on voit où l'on va.

L'idée de punir ainsi un fait rendit possible par une fausse nouvelle, jnais non encore déterminé, n'est d'ailleurs pas neuve.

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L'article 8 de la loi du 9 novembre 1815 déclarait cou- pable d'acte séditieux celui qui répandait des nouvelles tendant à alarmer les citoyens sur le maintien de l'autorité légitime.

Le texte était tombé en désuétude. L'article 4 de la loi du 27 juillet 1849 reprit le principe et condamna exactement comme on le demande aujourd'hui la publication de fausses nouvelles lorsque ces nouvelles ou pièces étaient de nature à troubler la paix publique. L'Empire s'empara de cette dispo- sition et alla même plus loin, puisque même la fausse nouvelle publiée de bonne foi était punissable en vertu de l'article 15, paragraphe 1e r, de la loi du 17 février 1852. Si la publica- tion était faite de mauvaise foi ou si elle était de nature à troubler la paix publique, elle était, en vertu du paragraphe 2, punie d'emprisonnement.

Proudhon fut condamné, en vertu de ce texte, pour avoir, dans son livre : De la justice dans la Révolution et dans V Église, dit que pendant la guerre de Crimée les sœurs de charité négligeaient les blessés qui ne se confessaient pas.

La République avait abrogé ces textes injustes. La loi de 1881 avait trouvé une formule heureuse. On veut revenir à une formule condamnée. La raison qu'on en donne est spécieuse. Le texte actuel serait, a dit le rapporteur, inappli- cable. C'est inexact. On peut parfaitement poursuivre un propagateur de fausses nouvelles qui a causé un trouble à la Bourse, ou provoqué des attroupements. Si l'on ne poursuit pas, il appartient au garde des Sceaux de s'en prendre à lui- même. Peut-être souvent a-t-il pensé que les jurés trouveraient la nouvelle moins fausse que ne pense le ministre. C'est pour- quoi, pour conclure, on propose de poursuivre maintenant le trouble supposé devant le tribunal correctionnel dont on paraît attendre toutes les complaisances. La vérité est que la loi de 1881 donne des garanties suffisantes et que, si une fausse nouvelle ne cause pas de trouble, elle n'a pas d'importance.

Pour conclure, après une discussion qui demanderait encore de longs développements, nous ne saurions trop répéter combien nous estimons déplorable le projet actuelle- ment soumis aux Chambres.

On a le droit d'être d'autant plus inquiet qu'on n'a point dissimulé que ce n'est qu'un début. M. Vaillant-Couturier

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a dit M< Le projet de loi tel qu'il sort de nos délibérations ne représente pas un nouveau statut de la presse... Ce n'est qu'un travail d'orthopédie. Nous jugeons indispensable de mettre prochainement sur le chantier, conformément au programme du rassemblement populaire, un statut général de la presse. »

Voilà qui promet !

Le travail d'orthopédie qu'on nous offre constitue déjà une entreprise de despotisme qu'on eût pu croire impossible dans un pays qui, comme le nôtre, a lutté depuis un siècle pour ses libertés publiques et qui a trop souffert de certaines entraves au cours de son histoire pour accepter délibérément de les subir de nouveau, alors qu'il se proclame par ailleurs hostile à un régime de dictature.

Toutes les modifications proposées ont été prises dans des textes surannés établis aux heures où la liberté a eu le plus à souffrir de contrainte.

Comment peut-on songer à nous imposer un recul qui nous obligerait à nous battre à nouveau pour une indépendance de pensée et d'opinion que nos pères avaient conquise et que notre devoir est de maintenir ?

Nous ne saurions pour terminer que reprendre les mots magnifiques que Royer-Collard adressa en 1827 à Villèle dans une pareille conjoncture :

« J e ne saurais adopter aucun, amendement : la loi n'en est ni digne, ni susceptible ; il n'est point d'accommodement avec le principe qui l'a dictée. Je la rejette purement et simplement par respect pour l'humanité qu'elle dégrade et pour la justice qu'elle outrage.

« Votre loi, sachez-le bien, sera vaine, car la France vaut mieux que son gouvernement. »

MAURICE GARÇON.

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