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Normalienne et agrégée de l’enseignement secondaire en économie- gestion, Doctorante à l’Université Paris 1 Panthéon Sorbonne en droit international public.

Pascale Ricard

« A

ujourd’hui, la valorisation des richesses de la mer est concentrée sur les hydrocarbures, l’énergie éolienne, la pêche et l’aquaculture.

Demain, l’homme exploitera l’énergie hydrolienne, l’énergie ther- mique des mers, certains minerais ; il y trouvera des ressources pour fabriquer des médicaments et produira de l’eau douce à partir d’eau salée ». L’exploitation des ressources marines apparaît dans le rapport « Un principe et sept ambi- tions pour l’innovation » produit par la commission « innovation 2030 » pré- sidée par Anne Lauvergeon et rendu public en octobre 2013, profondément stratégique pour l’économie française. Combiné avec la publication récente par le Conseil économique, social et environnemental (CESE) d’un avis rela- tif à l’extension du plateau continental français, il montre bien toute l’atten- tion et tout l’espoir portés sur la valorisation des richesses marines. La France possède en effet le second espace maritime mondial, répartit sur tous les océans. Cet espace maritime contient ainsi de nombreuses ressources, vivantes et non vivantes, dont l’exploitation est un atout économique mais constitue aussi une source de devoirs importante pour la France. En effet, elle est par- tie à la Convention des Nations unies sur le droit de la mer, adoptée à Montego Bay en 1982 (CMB, Colombo to Montego Bay), considérée comme la « constitution des océans ». Elle doit respecter les obligations qui y figurent, de même que les autres obligations internationales auxquelles elle a consenti.

La notion de « France maritime » peut être décomposée en deux dimen- sions : une dimension géographique, relative à l’étendue de son espace mari- time et une dimension fonctionnelle relative à sa puissance maritime, son rayonnement, sa présence au-delà de son propre domaine maritime. Les océans étant des espaces « polyrégimes » (J.-P. Beurier), les droits et devoirs de la France dépendent principalement de la zone maritime dans laquelle elle se trouve : ses eaux intérieures, territoriales, sa zone économique exclusive, son plateau continental, les zones non soumises à la juridiction nationale ou encore les zones maritimes d’un autre État. De plus, les droits et devoirs de la France maritime dépendent également des différentes « casquettes » que l’État revêt, selon qu’il agit en tant qu’État côtier, État du port ou État du pavillon. Ce

« dédoublement fonctionnel », mis en avant par G. Scelle, souligne la diversité de situations auxquelles la notion de « droits et devoirs de la France maritime » peut renvoyer.

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ENJEUX ULTRAMARINS Comment la France peut-elle utiliser ses droits pour s’affirmer sur la

scène internationale ? Le renforcement de ses devoirs est-il une contrainte ou une nécessité ? Enfin, les ambitions économiques de la France sont-elles compatibles avec les enjeux internationaux ?

Un espace à valoriser

La France maritime est un espace géographique, dont elle peut exploi- ter les ressources avec une grande liberté. Cet espace, pour être valorisé, néces- site d’être protégé.

Mettre en avant ses atouts : des droits étendus pour l’exploitation de ses ressources

La France possède des droits pour exploiter ses ressources, droits qui s’amoindrissent plus l’on s’éloigne des côtes. Dans ses eaux territoriales, la seule limite à l’exploitation économique des ressources d’un État est le droit de passage inoffensif des autres États (article 19 CMB). Le passage perd ce caractère si le navire étranger porte atteinte à « la paix, au bon ordre ou à la sécurité de l’État côtier ».

Au-delà des eaux territoriales, la France possède des droits souverains sur ses ressources. Elle dispose de tels droits pour l’exploitation de sa Zone économique exclusive (ZEE) « aux fins d’exploration et d’exploitation, de conservation et de gestion des ressources naturelles, biologiques ou non bio- logiques » (article 56 CMB). Elle dispose ainsi de droits étendus, notamment en matière de pêche ou d’exploitation des énergies marines. Les contreparties de ces droits sont peu contraignantes. Par exemple, l’État n’ayant pas atteint le volume admissible de captures doit partager le reliquat avec d’autres États sans littoral ou géographiquement désavantagés (article 62 CMB). L’État ne peut cependant exercer ses droits souverains qu’à la condition de tenir dûment compte des droits des autres États, tout comme lorsqu’il exploite les ressources de son plateau continental. Sur celui-ci, la France possède également des droits étendus pour exploiter les ressources sédentaires et minérales qui s’y trouvent. Ces droits le sont d’autant plus que l’espace maritime français comprend désormais une ZEE en Méditerranée et un plateau continental étendu dans différentes régions du monde.

Les activités de recherche scientifique marine participent également de la mise en valeur de l’espace maritime français. Une meilleure connaissance de la biodiversité permet d’en assurer la conservation et une exploitation adaptée, et d’en protéger les valeurs d’option(valeur potentielle, inconnue du fait du manque actuel de connaissances) et de legs (prise en compte de la valeur de ces ressources pour les générations futures).

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cela, certains mécanismes sont prévus, comme la police des pêches ou la répression des pollutions. La France a également le devoir de protéger l’envi- ronnement marin (articles 61 et 192 CMB), ce qui lui permet de sauvegarder ses ressources et d’en conserver une utilisation durable. Afin de protéger l’intégrité de son espace, sa population ou ses navires, la France doit lutter contre les activités illicites telles que le trafic de stupéfiants, les activités terro- ristes et la piraterie, susceptibles de porter atteinte à la paix et la sécurité de l’État. La surveillance des activités humaines en mer représente ainsi le véri- table défi dans ces domaines, car les capacités de surveillance sont très limi- tées, en particulier en matière de protection de l’environnement.

Une puissance à affirmer

La possession d’un immense espace à valoriser participe de la puis- sance maritime de la France. Mais cette puissance va plus loin : il s’agit de rayonner au-delà de son territoire et d’être à la hauteur des enjeux internatio- naux.

Faire rayonner sa puissance au-delà de son territoire : l’utilisation de droits conditionnés

Au-delà des limites de la juridiction nationale, l’utilisation de droits permet à la France d’affirmer sa puissance en ayant accès à certaines ressources.

Elle possède ainsi des libertés conditionnées en haute mer : navigation, survol, pose de câbles et oléoducs, construction d’îles artificielles, pêche, recherche scientifique (article 86 CMB). En tant qu’État du pavillon, elle « exerce effec- tivement sa juridiction et son contrôle dans les domaines administratif, tech- nique et social sur les navires battant son pavillon », et en est donc responsable (article 94 CMB). Dans la Zone internationale des fonds marins, la France pos- sède des droits relatifs à l’exploration et l’exploitation des ressources minérales.

Ces droits sont encadrés par l’Autorité internationale des fonds marins et conditionnés à un partage des bénéfices tirés de cette exploitation avec les pays en développement mais aussi à la protection de l’environnement. La France s’est ainsi engagée dans des activités d’exploration de nodules polymétalliques dans la zone de Clarion-Clipperton, au large du Mexique.

Certains droits sont mobilisables par la France en vertu de son statut d’État côtier. Par exemple, elle possède un droit d’intervention en haute mer, dans le rare cas où un accident de mer serait à l’origine d’une pollution immi- nente ou avérée de ses côtes (article 221). Ce statut d’État côtier lui donne

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ENJEUX ULTRAMARINS également accès à des ressources vivantes, dans le cadre de sa participation à

un grand nombre d’organisations régionales de gestion des pêches. Cela lui permet de conserver sa présence dans les négociations internationales au sein des différentes régions du monde et de favoriser ses intérêts.

L’étendue de ces droits est cependant parfois incertaine. C’est le cas en ce qui concerne la bioprospection, activité qui consiste à prélever des res- sources génétiques en vue de leur exploitation commerciale, souvent à des fins pharmaceutiques. Si cette activité est actuellement basée sur le principe du

« premier arrivé, premier servi », un régime de partage des avantages issus de leur exploitation est en cours de négociation au sein du Groupe de travail des Nations unies sur la biodiversité marine au-delà des limites de la juridiction nationale. Ces dispositions feront partie d’un éventuel accord de mise en œuvre propre à la CMB. Une autre incertitude concerne les modalités d’exer- cice de la responsabilité de l’État pour dommage à l’environnement. Même limités, les droits de la France au-delà de son espace maritime sont donc une occasion d’affirmer sa puissance économique et son influence au sein des dif- férentes institutions concernées. Il convient alors de ne pas négliger ses devoirs, compte tenu de l’ampleur des enjeux auxquels la communauté inter- nationale est confrontée.

Adapter ses ambitions à la hauteur des enjeux internationaux : des devoirs renforcés

Les devoirs de la France se sont amplifiés au cours des dernières décennies. En tant qu’État du port, elle est soumise à des obligations renfor- cées de contrôle en vue de faire appliquer les conventions internationales et de lutter contre la navigation de navires sous-normes ou les activités illicites. De plus, les États ont un devoir général de coopération, en vue de la conservation et de l’exploitation durable des ressources (articles 117 et 118 CMB). Cette coopération que la France réalise permet d’en assurer une gestion raisonnable et d’éviter les conflits entre États. La France, dans ses ambitions économiques, doit ainsi prendre en compte le reste de la communauté internationale et coopérer pour lutter contre les menaces touchant les océans, en particulier les menaces environnementales telles que les effets néfastes du changement cli- matique, la pollution tellurique, la surexploitation des stocks ou encore la pol- lution sonore des océans ou les dangers relatifs à l’ouverture de nouvelles routes maritimes en Arctique. Ces enjeux requièrent un comportement adapté de l’État français.

Les États ont, en effet, l’obligation générale de protéger l’environne- ment et de préserver les écosystèmes rares ou vulnérables (Partie XII de la CMB). La coopération en matière de protection de l’environnement est ainsi plus qu’un devoir : c’est un véritable défi, qui appelle une position stratégique.

Ce défi a été souligné par l’adoption du « message d’Ajaccio », le 26 octobre 2013, lors du troisième Congrès international des aires marines protégées, qui

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tion est un premier pas vers la nécessité d’occuper une place stratégique dans les négociations pour la conservation et le partage des avantages relatifs à l’ex- ploitation de la biodiversité marine. L’enjeu est également celui des capacités juridiques et matérielles de contrôle et d’intervention en mer, en particulier loin des côtes, afin de maintenir la sécurité et de protéger ces espaces.

En conclusion, les ambitions économiques de la France fondées sur ses ressources marines sont légitimes, puisqu’elles sont la traduction de ses droits et libertés sur les océans. Cependant, pour être compatibles avec les enjeux internationaux actuels, ces ambitions économiques doivent tenir compte de certaines contraintes. La France doit alors rechercher l’équilibre délicat entre l’affirmation stratégique de sa puissance et le respect de devoirs internationaux « dans l’intérêt commun de l’humanité » et se doter des moyens, notamment navals, pour y contribuer.

ÉLÉMENTS DE BIBLIOGRAPHIE J.-P. Beurier : Droits maritimes; Dalloz Action, 2ndeed., 2008, 1216 p.

P. Dailler, M. Forteau, A. Pellet : Droit international public; LGDJ, 8eed., 2009, 1709 p.

K. Neri, S. Doumbé-Billé (Dir.) : L’emploi de la force en mer, Cahiers de droit international; Bruylant, 2013, 625 p.

V. Tassin : Les défis de l’extension du plateau continental. La consécration d’un nouveau rapport de l’État à son territoire; Indemer, Pedone, 2013, 494 p.

E. Druel, J. Rochette, R. Billé, C. Chiarolla : De la possibilité d’un accord international sur la gouvernance de la biodiversité marine dans les zones au-delà de la juridiction nationale, Studiesn° 07/13, Iddri, Paris, France, 2013, 46 p.

A. Lauvergeon (Dir.) : Un principe et sept ambitions pour la France, Rapport de la Commission

« Innovation 2013 », octobre 2013, 58 p.

C. Chabaud (Rapporteure) : Quels moyens et quelle gouvernance pour une gestion durable des océans ? (Avis du CESE), juillet 2013, 250 p.

G. Grignon (Rapporteur) : L’extension du plateau continental au-delà des 200 milles marins : un atout pour la France(Avis du CESE), octobre 2013, 182 p.

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