VI. LES INEGALITES D'ACCES A LA FORMATION TOUT AU LONG DE LA VIE
Il n’est pas question de faire ici une analyse exhaustive des inégalités d’accès à la formation tout au long de la vie. Si nous regarderons particulièrement dans un chapitre à part les inégalités femmes-hommes, nous donnerons ici un coup de projecteur sur plusieurs points :
- l’influence de l’origine sociale sur les cursus scolaires.
- l’influence des catégories socioprofessionnelles sur la formation continue dans les entreprises.
- l’accès à la formation continue pour les demandeurs d’emploi et le rôle de l’âge en particulier.
- le rôle possible de la validation des acquis de l’expérience comme facteur correctif.
1/ Cursus de formation initiale et catégorie socioprofessionnelle : un lien étroit
Il y a un lien fort entre l’origine sociale des enfants scolarisés et leur cursus de formation.
Ainsi, 78% des enfants de cadres scolarisés sont en bac général alors que seuls 33% des enfants d’ouvriers non qualifiés sont dans le même cas.
Alors que seuls 6% des enfants de cadres sont en BEP, c’est le cas pour 30% des enfants d’ouvriers non qualifiés.
Répartition des inscrits au sein des filières selon la PCS des parents
0%
20%
40%
60%
80%
100%
Agricult eurs exploitant s
Artisans, commerçants et chefs d'ent reprise
Cadres et professions int ellect uelles
supérieures
Professions intermédiaires
Employés Ouvriers qualifiés Ouvriers non qualifiés
Personnes sans act ivité professionnelle
Tot al
PCS des parents
Dans l’autre sens, au bac général, les enfants de cadres et professions supérieures représentent 28% des effectifs alors que ceux-ci ne représentent que 19% de la population scolarisée en Bretagne.
Au contraire, les enfants d’ouvriers qualifiés représentent 20% de la population scolarisée mais seulement 14% des effectifs en bac général. Les enfants d’ouvriers non qualifiés et de personnes sans activité professionnelle sont également largement sous-représentés au Bac général.
A contrario, en CAP et dans une moindre mesure en BEP, les enfants d’ouvriers et de personnes sans activité professionnelle sont surreprésentés par rapport à la moyenne.
Répartition par filière des élèves selon la PCS des parents
0%
10%
20%
30%
40%
50%
60%
70%
80%
90%
100%
CAP BEP BAC PRO BAC TECHNO BAC GENE Total
Agriculteurs exploitants Artisans, commerçants et chefs d'entreprise Cadres et professions intellectuelles supérieures Professions intermédiaires
Employés Ouvriers qualifiés
Ouvriers non qualifiés Personnes sans activité professionnelle Source : Rectorat, traitement GREF Bretagne
Note de lecture : les enfants de cadre représentent 28% des effectifs scolarisés en baccalauréat général.
Part des enfants de cadres ou professions intermédiaires et des enfants d’ouvriers ou personnes sans activité professionnelle selon les GFE
Bât, Gros Œuvre, Génie civil, Extract°
Bâtiment, Equipements et Finitions
Struct métalliques, Trav des métaux, Fonderie Mécanique, Automatismes
Electricité, Electrotech,Electronique
Trav des matériaux, Ind de process, Laboratoire Production alimentaire, Cuisine
Textile, habillement,cuir
Travail du Bois
Techniques graphiques, Impression Transports, Conduite, Manut°, Magasinage
Tertiaire de bureau, Tertiaire spécialisé
Commerce, Distribution Paramédical, Travail social, Soins personnels
Hôtellerie, Restaur°, Tourisme, Loisirs Nettoyage, Assainissement, Env, Sécurité
Techniques de la communication, Média Arts appliqués, Arts du spectacle
Moyenne
Formations générales, généralistes, développement personnel Aide à l'insertion sociale et professionnelle
0%
10%
20%
30%
40%
50%
60%
70%
5% 10% 15% 20% 25% 30% 35% 40% 45% 50%
Part des enfants de cadres ou professions intermédiaires
Part des enfants d'ouvriers ou de personnes sans activité professionnelle
Source : Rectorat, traitement GREF Bretagne
Note de lecture : les formations du GFE Nettoyage, assainissement, environnement, sécurité sont composées à 12% d’enfants de cadres ou professions intermédiaires et à 56% d’enfants d’ouvriers ou de personnes sans activité professionnelle.
Les formations générales, artistiques ou de l’audiovisuel sont celles qui accueillent le plus d’enfants de cadres (46% des élèves de ces GFE sont dans ce cas) et le moins d’enfants d’ouvriers (22%). Ces filières mènent plutôt à des études longues moins réalisées par les enfants de catégories socioprofessionnelles les moins favorisées.
Au contraire, les GFE 18 (Nettoyage - Assainissement - Environnement - Sécurité), 13 (Transports - Conduite - Manutention - Magasinage) ou 10 (Textile - Habillement - Cuir) accueillent une majorité d’enfants d’ouvriers et une petite part d’enfants de cadres.
2/ L’inégalité d’accès à la formation continue des salariés
2-1/Un accès au plan de formation défavorable pour les ouvriersDes disparités existent également dans l’accès à la formation continue. Plus le niveau de qualification des salariés est bas, plus le taux d’accès à la formation continue est faible dans le cadre du plan de formation.
En corollaire, les salariés ayant un niveau de formation initiale élevé, ont un taux d’accès à la formation continue plus élevé.
Taux d’accès à la formation continue des salariés (2001)
0%
5%
10%
15%
20%
25%
30%
35%
40%
45%
50%
Cadres Professions intermédiaires
Employés Ouvriers qualifiés
Ouvriers non qualifiés
Source : Les femmes en Bretagne – Préfecture de Bretagne – D’après l’Enquête Emploi et l’enquête Formation Qualification Professionnelle.
Selon l’étude du CESR (La formation professionnelle continue dans les entreprises privées en Bretagne – 2002), l’accès des salariés à la formation continue s’améliore quantitativement, ainsi que qualitativement.
Cependant, des disparités demeurent encore présentes : l’accès à la formation continue est plus important pour les personnes des catégories socioprofessionnelles favorisées ainsi que pour les personnes à plus haut niveau de formation initiale.
Des disparités existent également selon les entreprises. Ainsi, plus l’entreprise est grande et plus les salariés ont accès à la formation continue. C’est dans les entreprises de 10 à 49 salariés que les taux de participation sont les plus faibles. Elles sous-utilisent le levier de la formation.
Les plans de formation des entreprises ont progressé avec un taux d’accès des salariés en augmentation (32,1% en 1999 contre 23,4% en 1991).
2-2/Un accès variable au CIF
Le Congé Individuel de Formation (CIF) est également un dispositif qui permet la formation tout au long de la vie.
Les bénéficiaires du CIF sont majoritairement des employés (50%) et des ouvriers qualifiés (31%).
Le CIF fonctionne à deux niveaux : il favorise globalement les premiers niveaux de qualification vis-à-vis des personnes les plus qualifiées. Mais, dans les premiers niveaux de qualification le système va dans l’autre sens : ainsi les employés pèsent 28% des emplois mais 50% des CIF. De même, les ouvriers qualifiés pèsent 17% de l’emploi mais 30% des CIF. Par contre, les ouvriers non qualifiés représentent 14% de l’emploi régional et 11% des CIF.
Répartition des bénéficiaires du CIF selon la PCS
Source : Fongécif Bretagne - Traitement GREF Bretagne
Les formations dispensées dans le cadre du CIF sont majoritairement des formations de niveaux V (50%) et IV (32%). Ceci est en relation avec la PCS des bénéficiaires.
Répartition des bénéficiaires du CIF selon le niveau de la formation dispensée
47
141
343
541
26 0
100 200 300 400 500 600
I et II III IV V Infra V
Source : Fongécif Bretagne - Traitement GREF Bretagne
Répartition selon la catégorie socioprofessionnelle des bénéficiaires du CIF
123
338
544
73
20 0
100 200 300 400 500 600
Ouvriers non qualifiés Ouvriers qualifiés Employés Agts Maitrise/Techn/Autres
prof intermediaires
Ingénieurs et Cadres
Répartition des bénéficiaires du CIF selon le sexe
0 100 200 300 400 500 600 700
Hommes Femmes
Source : Fongécif Bretagne - Traitement GREF Bretagne
3/ L’inégalité d’accès à la formation continue des demandeurs d’emploi
Tout d’abord, il est nécessaire de s’interroger sur l’âge des bénéficiaires de formation continue.
Les dispositifs de l’AFPA, du PRS ou du Chèque Formation sont adressés aux demandeurs d’emploi, quel que soit leur âge. Cependant, l’âge moyen des sortants de formation continue en 2003 est de 29 ans et leur âge médian est de 28 ans. L'âge médian des bénéficiaires de l’AFPA est de 31 ans et celui du PRS est de 28 ans. Les plus de 50 ans ne représentent que 3% des formés et sont donc largement sous-représentés.
Age des sortants de formation continue
0 100 200 300 400 500 600 700
16 ans 18 ans
20 ans 22 ans
24 ans 26 ans
28 ans 30 ans
32 ans 34 ans
36 ans 38 ans
40 ans 42 ans
44 ans 46 ans
48 ans 50 ans
52 ans 54 ans
56 ans 58 ans
60 ans
Age
AFPA Chèque Formation Contrat de qualification PRS Source : AFPA, DRTEFP, CRB – traitement Gref Bretagne
Alors que les femmes représentent plus de 50% des chômeurs, elles ne représentent que 41% des formés.
L’AFPA ne forme que 36% de femmes, le PRS en forme 39%. La formation continue est donc un système très masculin sauf pour les chèques formation qui forment une majorité de femmes sur le GFE 16 (Paramédical - Travail social - Soins personnels), traditionnellement occupé de façon majoritaire par les femmes. Seules les formations AREF des Assédic présentent un équilibre.
Répartition Femmes/Hommes des sortants de formation continue en 2003
Source : AFPA, DRTEFP, CRB – traitement Gref Bretagne
Globalement, la répartition Femmes/Hommes au sein des GFE reste la même que pour la formation initiale. Les femmes sont majoritaires sur les GFE « tertiaires » 14 (Tertiaire de bureau - Tertiaire spécialisé), 15 (Commerce et distribution), 16 (Paramédical - Travail social - Soins personnels) et 17 (Hôtellerie - Restauration - Tourisme - Loisirs). Encore une fois, la palette de formation féminine est beaucoup plus restreinte que celle des hommes qui se répartissent sur l’ensemble des GFE.
Répartition Femmes/Hommes par GFE
0%
20%
40%
60%
80%
100%
CULTURE HE-MER- CULTURE OEUVRE- TRACTION UIPEMENT IONS LLIQUES- -FONDERIE MATISMES TECHNIQUE- E UX- RATOIRE IMENTAIRE- LLEMENT- DU BOIS APHIQUES- ON ONDUITE- ASINAGE BUREAU- PECIALISE TRIBUTION L SOCIAL- ELS AURATION- ISIRS ISSEMENT- ECURITE S DE LA ION-MEDIA IQUES- CTACLE
Femmes Hommes 0
500 1 000 1 500 2 000 2 500 3 000 3 500 4 000 5 000
AFPA Chèque Formation Contrat de qualification PRS Hommes Femmes
4/ La Validation des acquis de l’expérience, un équilibrage possible ?
La validation des acquis de l’expérience offre une double possibilité de correction des arbitrages que les individus ont pu être amenés à faire dans leur parcours :
- Les uns auront exercé des fonctions ou des responsabilités qui requièrent généralement des diplômes d’un niveau supérieur à celui qu’ils ont obtenu en formation initiale.
- Les autres auront occupé des emplois, parfois dès la sortie de l’école, dans d’autres domaines ou d’autres métiers que ceux pour lesquels ils se sont formés.
Ce nouveau dispositif, créé depuis seulement 3 ans, devrait permettre à la fois l’accès à un premier niveau de certification et la reconnaissance des compétences acquises en dehors des systèmes d’enseignement.
Tout d’abord, il convient de préciser que la demande de VAE double en effectif chaque année depuis sa mise en place.
Le nombre de candidats est passé de 370 en 2002 à 1 360 en 2003 pour se situer à 3 184 en 2004.
Le nombre de certifications, délivrées en totalité pour 2004, est de l’ordre de 1 600, tous niveaux de formation confondus.
Les chiffres devraient encore être multipliés par deux en 2005.
Evolution de la demande de VAE en région Bretagne
Source : données collectées auprès des certificateurs – Traitement GREF Bretagne.
Ensuite, il convient d’analyser la structure de la demande de VAE par niveau de formation. En effet, une des premières inégalités identifiées de la formation continue est qu’elle profite avant tout aux personnes les plus diplômées.
370
1360
3184
0 500 1 000 1 500 2 000 2 500 3 000 3 500 4 000
Année 2002 Année 2003 Année 2004
Total des demandes de VAE par niveaux de formation (cumul 2003 – 2004)
Source : données collectées auprès des certificateurs – Traitement GREF Bretagne.
En ce qui concerne la VAE, le niveau de diplôme le plus demandé est le niveau 5 (42%), cumulé avec le niveau 4, il représente plus des 3/4 (73%) de la certification sollicitée par la voie de la VAE.
Cette répartition de la demande illustre bien la fonction de « requalification » de la VAE dans la relation emploi formation.
Si l’on regarde la structure des âges des 1 930 candidats présentés devant un jury de l’Education Nationale en 2004 en Bretagne, on remarque que 24% d’entre eux ont plus de 45 ans (10% moins de 30 ans et 66% entre 30 et 45 ans). Cela illustre bien la forte demande sociale des actifs des tranches d’âge plus élevées pour une reconnaissance de leurs compétences acquises et développées au fil du temps.
Les plus de 45 ans sont plus représentés au sein de ce dispositif (un quart des candidats) que dans les systèmes de formation continue adulte où ils ne sont que 7% des dispositifs PRS+AFPA+Chèque formation.
Avec un taux de développement de 100% par an depuis 3 ans, la VAE peut être un dispositif de
« requalification » puissant, en particulier pour les plus de 45 ans qui semblent utiliser ce dispositif comme une revanche de leur histoire formation-emploi, à un moment où cette population devient stratégique pour le maintien du niveau de population active en Bretagne. La VAE semble un moteur pertinent et puissant pour lutter, en particulier, contre les inégalités d’accès à la formation des seniors.
91
488
746
1272
2085
0 500 1 000 1 500 2 000 2 500
Niveau I Niveau II Niveau III Niveau IV Niveau V
LES INEGALITES D'ACCES A LA FORMATION TOUT AU LONG DE LA VIE
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Indicateurs Clefs
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Cursus de formation initiale et catégorie socioprofessionnelle
Le lien est fort entre les catégories socioprofessionnelles et le cursus de formation initiale : par exemple, 78% des enfants de cadres sont en bac général alors que c’est le cas pour 33% des enfants d’ouvriers non qualifiés.
La répartition des catégories socioprofessionnelles se fait aussi sur les spécialités : beaucoup d’enfants de cadres dans les filières artistiques ou audiovisuelles. A l’opposé, les filières de formation vers les métiers du nettoyage, du transport et du textile comptent très peu d’enfants de cadres et beaucoup d’enfants d’ouvriers.
L’inégalité d’accès à la formation continue des salariés
Plus le niveau de qualification est bas, plus le taux d’accès à la formation continue est faible dans le cadre des plans de formation (taux d’accès de 45% pour les cadres et de 10% pour les ouvriers non qualifiés).
Les CIF favorisent globalement les premiers niveaux de qualification.
L’inégalité d’accès à la formation continue des demandeurs d’emploi
L’âge médian de l’ensemble des systèmes de formation professionnelle continue est de 28 ans.
Ce dispositif favorise énormément les jeunes. Mais seuls 3% des formés ont plus de 50 ans.
Un jeune de moins de 26 ans a un taux d’accès à une formation qualifiante 10 fois plus fort que les personnes de 50 ans et plus.
Une femme demandeuse d’emploi sur sept accède à une formation contre un homme sur quatre.
La validation des acquis de l’expérience, un équilibrage possible ?
Mise en place depuis trois ans, elle dépasse en 2004 le CIF ou le Chèque formation pour le nombre de certifications délivrées.
Le niveau le plus demandé est le niveau 5.
Le quart des candidats a plus de 45 ans quand leur part dans les dispositifs PRS, AFPA et Chèques formation est de 7%.
LES INEGALITES D'ACCES A LA FORMATION TOUT AU LONG DE LA VIE
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Synthèse
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Les cursus de formation initiale sont fortement marqués par la catégorie socioprofessionnelle des parents : huit enfants de cadres sur dix poursuivent un baccalauréat général mais seulement trois sur dix pour les enfants d’ouvriers non qualifiés. Cet effet se poursuit à l’université, dans les arrêts d’études en première année en particulier.
Globalement, la formation initiale ne corrige pas les inégalités sociales de départ, voire les amplifie.
Au niveau de la formation continue des salariés, l’accès à la formation est fort si le niveau de formation initiale est élevé, cet accès sera faible si le niveau de formation initiale est bas.
Pour le Congé Individuel de Formation, les premiers niveaux de qualification sont privilégiés, même si là encore la formation appelle la formation : les employés pèsent 28% des emplois et 50% du CIF, les ouvriers qualifiés représentent 17% des emplois et 30% du CIF, enfin les ouvriers non qualifiés (14% de l’emploi), ne comptent que pour 11% du CIF.
Pour la formation continue des demandeurs d’emploi, un jeune de moins de 26 ans a presque 10 fois plus de chance d’accéder à une formation qualifiante qu’une personne de plus de 50 ans. La moitié de la formation continue des demandeurs d’emploi est utilisée par les jeunes de moins de 28 ans.
Seule la VAE semble aller à contre courant, au plan des niveaux de formation et de l’âge. Délivrant depuis 2004 plus de certifications que le CIF ou le Chèque formation, elle se situe aux niveaux V et IV pour 75% des candidats (42% pour le niveau V). De plus, 24% des candidats ont plus de 45 ans, soit trois à quatre fois plus que dans les dispositifs de formation continue mis en place par le Conseil Régional, l’Etat ou les Assédics.