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Compte rendu. Ouvrage recensé : par Gregor Murray

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Compte rendu

Ouvrage recensé :

Serge Denis, Un syndicalisme pur et simple : mouvements ouvriers et pouvoir politique aux États- Unis, 1919-1939, Montréal, Boréal Express, 1986, 512 p.

par Gregor Murray

Politique, n° 11, 1987, p. 211-215.

Pour citer ce compte rendu, utiliser l'adresse suivante :

URI: http://id.erudit.org/iderudit/040565ar DOI: 10.7202/040565ar

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Serge Denis, Un syndicalisme pur et simple: mouvements ouvriers et pouvoir politique aux Etats-Unis, 1919-1939, Montréal, Boréal Ex-

press, 1986, 512 p.

Est-ce que l'absence d'une organisation politique autonome des travailleurs dans l'économie capitaliste la plus avancée du

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monde est véritablement si inéluctable? Telle est la question posée par Serge Denis dans une riche étude de 5 12 pages sur les mou- vements ouvriers et le pouvoir politique aux États-Unis entre

1919 et 1939. L'analyse se poursuit à deux niveaux. Premièrement, puissant dans la littérature existante, Denis nous trace l'évolution économique, politique et syndicale de cette période. Deuxièmement, il nous fait part d'une recherche beaucoup plus détaillée et originale sur les orientations politiques et les débats internes des différentes organisations ouvrières: d'une part, les deux grandes centrales syndicales, la Fédération américaine du travail et le Congrès des organisations industrielles et, d'autre part, les partis socialistes et les groupes révolutionnaires. Quoique cette partie soit un peu trop longue, il s'agit d'une lecture fort intéressante de l'histoire ouvrière américaine.

Pour Serge Denis, l'absence d'une action politique ouvrière indépendante aux États-Unis s'explique par deux périodes décisives.

D'abord, lors de la première décennie de ce siècle, la consolidation d'une pratique de syndicalisme d'affaires telle que prônée par Samuel Gompers empêcha le développement d'un syndicalisme de masse en faveur d'un syndicalisme d'élite pour les travailleurs de métier et marquera le divorce entre les organisations syndicales, au moins la dominante Fédération américaine du travail, et l'action politique indépendante.

Ensuite, les conditions objectives de la décennie 1930 fa- vorisaient l'apparition d'une conscience de classe et suggéraient l'organisation politique autonome. Les grèves multiples et le sur- gissement d'un syndicalisme de masse dans la forme du Congrès des organisations industrielles signalèrent une rupture importante avec le passé et menèrent vers de nouvelles actions politiques qui débordaient les deux partis politiques traditionnels. L'incorporation plutôt tardive de nouveaux droits syndicaux dans le New Deal de Roosevelt, face à une grande hostilité patronale, fut certes une manifestation de ce bouillonnement politique. Selon Denis, il

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fallut «la mise en œuvre directe, structurée et à très grande échelle d'une opération sans précédent» pour contrer l'apparition d'une action politique ouvrière autonome (437). Cette victoire marquera, selon l'auteur, la vie politique américaine pour les prochaines cinq décennies.

Les États-Unis présentent une combinaison particulière de retard accumulé et de rattrapage accéléré. Tel était le cas avec la création du syndicalisme de masse en 1936-1937 quand les effectifs syndicaux doublèrent en une seule année. L'auteur entrevoit cette même possibilité quant à l'apparition future d'un parti politique ouvrier. Il y a certes un retard accumulé, mais les conditions objectives ouvrent les possibilités d'un rattrapage accéléré. Un tel rattrapage, selon l'auteur, bouleverserait la situation mondiale aussi bien que nationale.

Parler d'un retard accumulé ne s'adresse pas nécessairement à l'analyse des causes de ce dit retard. De même, il n'est pas certain que les manœuvres habiles de Roosevelt de pair avec les divisions politiques parmi les partis de gauche soient la réponse complète à la non-apparition de ce fameux parti ouvrier indépendant.

Il aurait fallu ajouter d'autres pistes à l'analyse.

D'abord, il nous manque surtout une discussion, sinon un cadre, plus théorique ou analytique au début de l'ouvrage qui étudie d'une façon systématique les théories existantes et qui pourrait éclaircir les recherches subséquentes. En commençant avec Commons et Perlman, la littérature sur le dit «exception- nalisme» américain est abondante. Denis n'en parle que brièvement dans sa conclusion. C'est dommage qu'il ne la confronte pas d'une façon plus systématique à sa recherche car la qualité de son travail démontre qu'il est en mesure d'y faire une contribution intéressante.

Comme des perspectives comparatives le démontrent, il y a des variations importantes entre les partis politiques et les mouvements syndicaux. Une brève considération préalable de ces variations aurait pu ouvrir de nouvelles pistes d'analyse dans le cas américain.

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Ces considérations s'appliquent à la nature même de l'organisation syndicale. Par exemple, quelles sont les forces qui poussent vers l'action économique plutôt que politique, et vice-versa? Comment comprendre la division du travail habituelle entre les partis sociaux démocrates et les centrales syndicales. Sans exiger une œuvre théorique, une discussion de ce genre de question aurait pu être très bénéfique au niveau analytique.

Ensuite, l'étude traite surtout de l'analyse des documents des programmes et des débats internes des organisations politiques de gauche, et des orientations politiques des deux centrales syndicales et de leurs dirigeants. Elle accorde un intérêt particulier aux tendances bureaucratiques, aux lignes politiques «erronées», et aux habilités politiques de certains leaders comme facteurs stra- tégiques dans les contingences de l'histoire ouvrière. 11 s'agit certes d'éléments importants du bouillonnement des années 1930.

Mais il y a parfois un danger de croire, comme le suggéraient certaines analyses des années 1930, que la classe ouvrière «a seulement besoin d'être éclairée par une conscience de classe afin d'accomplir des miracles de progrès qui placeront les États-Unis aux premiers rangs des pays sur la voie de la révolution» (p. 195).

La notion implicite est que la conscience de classe vient d'une intervention extérieure. Pourtant, l'analyse des organisations ou- vrières et de leurs interventions devrait être une préoccupation des travailleurs eux-mêmes. La nouvelle génération des historiens a justement fait du travail innovateur sur le vécu des solidarités ouvrières américaines. Il faudrait s'interroger davantage sur les éléments qui contribuent ou nuisent à la construction des expériences solidaires, à l'action politique plus ou moins efficace, aux coalitions possibles et à ce qui est politiquement souhaitable et faisable. On pense, par exemple, aux transformations démographiques dans le marché du travail, aux bouleversements dans l'organisation de la production, et aux compositions et aux orientations ethniques des divers partis et groupes politiques. Dès lors, on comprendra

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peut-être pourquoi l'action politique des groupes de gauche reste néanmoins sur la marge des grands événements et pourquoi la nouvelle citoyenneté industrielle associée au New Deal de 1936 semblait un progrès réel, sinon suffisant.

Si on ajoute ces éléments à l'analyse de Denis, on ne peut qu'être d'accord que les années 1930 sont une période charnière dans l'histoire de l'action politique ouvrière américaine. L'hypothèse d'un rattrapage accéléré possible reste évidemment à démontrer.

Gregor Murray Université Laval.

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