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LES PME FACE À LA RSE

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LES PME FACE À LA RSE

Une étude de leurs comportements dans le contexte tunisien post-révolution

Ahmed Turki

Direction et Gestion | « La Revue des Sciences de Gestion » 2014/5 N° 269-270 | pages 161 à 169

ISSN 1160-7742 ISBN 9782916490434 DOI 10.3917/rsg.269.0161

Article disponible en ligne à l'adresse :

--- https://www.cairn.info/revue-des-sciences-de-gestion-2014-5-page-161.htm ---

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Com por te m en ts e t r es pons ab ilit é s oc ial e

Les PME face à la RSE :

une étude de leurs comportements dans le contexte tunisien post-révolution

par Ahmed Turki

Ahmed TURKI Maître assistant HDR

Université de Sfax, I HEC Sfax,

Tunisie

A

u même titre que les grandes entreprises (GE), les petites et moyennes entreprises (PME) sont appelées aujourd’hui à assumer leur rôle sociétal surtout avec le développement du mouvement sociétal. À travers celui-ci, il s’agit de repositionner les entreprises. Il ne s’agit plus d’entités qui poursuivent unique- ment des objectifs économiques. Au contraire, les PME sont invitées à intégrer la dimension sociétale dans leur processus de gestion tout en tenant compte de la dimension économique malgré leurs handicaps. Il s’agit donc de mettre en œuvre de nouvelles pratiques de gestion donnant naissance à de nouvelles actions rentables sur le plan économique et sociétal. Malgré les nombreuses études portant sur la notion de responsabilité sociétale de l’entreprise (RSE), celles-ci s’intéressent davantage aux GE (F. Perrini et al., 2007 ; A. Russo et F. Perrini, 2010). Par conséquent, leurs résultats ne peuvent être transposés sans adaptation aux PME.

Dans le contexte tunisien, la notion de RSE prend aujourd’hui une importance particulière. Avec le développement du mouvement sociétal après la révolution de janvier 2011, les PME tunisiennes, qui représentent plus de 80 % des entreprises actives, sont appelées à adopter de nouveaux comportements pro-sociétaux.

C’est dans ce cadre que s’inscrit cette recherche qui vise un double objectif. Le premier est d’analyser le comportement sociétal des PME tunisiennes au sein d’un environnement devenu hostile après la révolution de janvier 2011. Le second est de proposer un modèle d’évolution des comportements sociétaux des PME.

La présente recherche est composée de cinq parties. La première est consacrée à la présentation du contexte de la recherche.

La seconde partie traite de la notion de la RSE et ses caracté- ristiques au sein de la PME. La troisième partie présentera la méthodologie de la recherche. Les résultats sont présentés au sein de la quatrième partie. La discussion est faite au sein de la cinquième partie.

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Dossier II

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septembre-décembre 2014

1. La présentation du contexte de la recherche

La notion de la RSE a commencé à se développer en Tunisie au début des années 1990 avec l’instauration d’un cadre législatif et institutionnel environnemental. En 1993, la Commission Nationale de Développement Durable (CNDD) a été créée.

Celle-ci est chargée de mettre en place une stratégie nationale et un plan d’action pour le développement durable. De même et dans l’objectif d’inciter les entreprises à adopter les principes du développement durable, le gouvernement tunisien a lancé le programme de mise à niveau environnementale (PMNE) en 2001 qui cible plus de 2 600 entreprises.

Toutefois, il fallait attendre l’année 2011 pour que la notion de la RSE prenne une importance extrême à l’échelle nationale. En effet, suite à la révolution tunisienne du 14 janvier 2011, les revendications sociétales se sont intensifiées. Ainsi, les pressions sociétales sont devenues plus intenses et plus menaçantes pour les entreprises. Ces pressions, qui sont essentiellement de nature sociale et environnementale, émanent non seulement des parties prenantes internes mais aussi externes. À travers ces pressions, les parties prenantes essayent de faire assumer aux entreprises leur RSE auparavant négligée.

Ainsi, l’environnement de l’entreprise devient plus hostile. En cas de problèmes, les entreprises ne peuvent plus se fier aux pouvoirs publics puisque ces derniers cherchent à redresser leur niveau de légitimité. Même en cas de revendications non légales, les entreprises ne peuvent plus les ignorer. Elles sont obligées de trouver des arrangements sans l’intervention de l’État.

Après la révolution, les entreprises tunisiennes ne sont plus exposées à des pressions émanant des parties prenantes classiques comme les pouvoirs publics, le personnel ou les clients. Au contraire, de nouvelles parties prenantes émergent comme les chômeurs et les démunis qui sont devenues plus menaçantes que l’État. Ainsi, les entreprises s’intéressent davantage aux dimensions sociale et environnementale.

2. La PME face à sa responsabilité sociétale

La notion de la RSE a été développée pour la première fois par H.R. Bowen (1953) dans son ouvrage « Social Responsibility of the Businessman ». Pour lui, la responsabilité sociétale de l’entreprise (RSE) se réfère aux obligations du dirigeant qui sont intégrées dans ses stratégies et ses décisions et qui concordent avec les valeurs et les objectifs de la société. Le terme obligations a été analysé de différentes manières (H.R. Bowen, 1953 cité par A.

Carroll, 1979). Ces obligations sont sur le plan économique, légal, éthique et philanthropique (A. Carroll, 1979). Pour sa part, P. Wood (1991) identifie trois niveaux : organisationnel, individuel et institutionnel.

Par conséquent, il y a eu un élargissement du concept de la RSE. Dans ce sens, J.-P. Gond et A. Mullenbach-Servayre (2005)

supposent que le processus d’élargissement de cette notion est passé par quatre étapes. La première s’attache à catégoriser les responsabilités des entreprises. Il s’agit d’identifier les obliga- tions auxquelles elles sont soumises. La seconde se concentre sur les réponses sociétales que les entreprises sont tenues d’apporter. La troisième étape constitue une combinaison des deux premières en prenant à la fois les politiques sociétales formulées par les entreprises et leurs résultats. La quatrième étape place le concept d’éthique au cœur de la réflexion. Ainsi, les entreprises sont tenues de se référer à l’éthique dans toutes leurs actions.

Malgré le nombre important des travaux portant sur la notion de RSE, plusieurs points font l’état d’un consensus général : – La responsabilité de l’entreprise n’est plus uniquement de

nature économique et légale. L’entreprise est appelée à se comporter comme une entreprise citoyenne qui essaye de satisfaire (selon ses moyens) les attentes de la société.

– L’entreprise voulant assumer sa responsabilité sociétale est appelée à impliquer la société. C’est l’interaction entre celle-ci et l’entreprise qui fait émerger sa stratégie sociétale.

– Un lien se présente et est connu sous le nom de Triple Bottom Line. Ce concept transpose la notion de développement durable en entreprise par l’évaluation de sa performance sous trois angles : social (People), environnemental (Planet) et écono- mique (Profit).

La RSE n’est pas limitée à certaines entités économiques. Toutes les entreprises, indépendamment de leur taille, sont concer- nées. J. Longenecker et al. (2006) trouvent que généralement les dirigeants des PME s’intéressent à la dimension éthique au même titre que les dirigeants des GE. Cet engagement sociétal de la PME peut s’inscrire dans le cadre d’une démarche proactive, causée par la culture de l’entreprise, ou adaptative, causée par les pressions sociétales notamment réglementaires (A. Amara et F. Bensebaa, 2009).

À cet effet, plusieurs facteurs poussent les dirigeants des PME à assumer leur RSE. Le premier est relatif à la nature de l’environnement (J. Covin et D. Slevin, 1989). Dans le cas d’un environnement hostile, les PME sont poussées à adopter une stratégie plus proactive que réactive (dans le cas d’un environne- ment favorable). Ainsi, la dimension sociétale a plus de chances d’être adoptée par les PME dans le cas d’un environnement hostile (stratégie proactive) que favorable (stratégie réactive). Toutefois, cette hostilité de l’environnement requiert de la part des PME une réponse rapide. Le deuxième facteur est le degré de dépendance à l’égard des ressources (F. Quairel et M.N. Auberger, 2005). Les PME sont dépendantes à l’égard des acteurs de l’environnement qui fournissent les ressources nécessaires pour leurs activités.

Ainsi, la dépendance à l’égard des ressources est considérée comme un levier de la RSE pour les PME. Un comportement accepté par les acteurs sociétaux est à adopter par les PME afin de préserver leur survie. Ce comportement développé par les PME est davantage basé sur la réaction que sur l’anticipation (O. Torres, 2000).

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Le troisième facteur est la sensibilité envers les parties prenantes (Th. Laudal, 2011). Les PME sont généralement plus sensibles aux revendications sociétales que les GE. O. Torres (2000) explique ce constat par le facteur de proximité. En fait, le système d’infor- mation externe des PME est simple et repose sur la proximité géographique avec les intervenants. Ainsi, les PME deviennent plus sensibles à toute revendication sociétale que les GE. Comme l’affirme M. Santos (2011), le principal bénéfice issu des actions sociétales pour les PME est l’amélioration de la réputation.

Toutefois, F. Quairel et M.N. Auberger (2005) affirment que les PME qui veulent assumer leur responsabilité sociétale sont tenues de surmonter certains handicaps. D’abord, les pratiques liées au développement durable apportent des bénéfices économiques à moyen terme dont les PME ne les perçoivent pas puisque leur horizon temporel est le court terme (O. Torres, 2000). C’est le cas des PME tunisiennes qui s’engagent rarement dans le développement durable (J. Ben Boubaker Gherib et al., 2009).

Les PME tunisiennes perçoivent mal la relation entre les pratiques de développement durable et leurs avantages économiques.

Ensuite, et comme l’affirment J. Lepoutre et A. Heene (2006), le manque de ressources constitue un frein à l’engagement sociétal des PME. Ils identifient cinq types de ressources à savoir : les ressources financières, le pouvoir, le personnel qualifié, l’infor- mation et le temps. En plus, Th. Laudal (2011) évoque la notion de la masse critique comme frein à la prise en compte de la RSE par les PME. Pour lui, la taille limitée des PME ne leur permet pas d’avoir une base de connaissances et une expertise en matière de RSE. Toutefois, E. Bonneveux et al. (2012) et M. Santos (2011) trouvent que le manque de ressources ne constitue pas un frein décisif quant à l’engagement sociétal. Pour E. Bonneveux et al. (2012) par exemple, bien que certaines PME disposent de ressources limitées similaires, elles n’affichent pas le même niveau d’engagement sociétal. Les auteurs attribuent ce constat à des facteurs internes comme la volonté des dirigeants.

Pour contrecarrer le problème de manque de ressources, V. Biwolé et al. (2008) trouvent que les PME camerounaises se sont organisées en réseau pour faire face aux exigences gouverne- mentales en matière de développement durable. Ces PME ont pu élaborer progressivement des certifications locales visant la mise en œuvre incrémentale des pratiques du développement durable. Contrairement à leurs homologues tunisiens, les concur- rents camerounais ont pu établir des relations entre eux pour surmonter les difficultés liées à la mise en œuvre des pratiques du développement durable (J. Ben Boubaker Gherib et al., 2011).

Cette revue de la littérature a permis d’identifier les spécificités de la RSE au sein de la PME. Si celle-ci est appelée à assumer sa RSE, certains facteurs l’incitent à s’engager davantage dans une démarche sociétale. Toutefois, la PME est tenue de surmonter certaines difficultés afin d’adopter un comportement sociétal.

Ainsi, la deuxième partie vise à identifier les comportements sociétaux des PME tunisiennes dans un environnement devenu hostile après la révolution de janvier 2011.

3. La méthode adoptée

L’objectif de cette recherche est d’analyser les comportements sociétaux des PME tunisiennes en période de post-révolution.

Sur la base des comportements adoptés, un modèle d’évolution de ces derniers est développé. Afin d’atteindre ces finalités, la méthode des cas semble être la plus appropriée (C. Marshall et G. Rossman, 2011). Celle-ci est définie comme une enquête empirique qui étudie un phénomène contemporain dans son contexte réel (R. Yin, 1989). En optant pour cette méthode, le chercheur tente d’avoir une idée plus générale que possible du phénomène étudié.

Concernant la taille de l’échantillon, la méthode des cas autorise le recours aux cas multiples. Comme l’affirment C. Marshall et G. Rossman (2011), une étude comparative des cas permet d’avoir une idée plus précise sur le comportement des entreprises face à un nouveau phénomène. Au total, 9 PME, appartenant à la région de Sfax, constituent l’échantillon de cette recherche. Le choix de la taille de l’échantillon s’est basé sur deux principes : la réplication et la saturation (R. Yin 1989). Selon le premier principe, la recherche doit étudier au moins deux ou trois cas tout en s’attendant à des résultats similaires. Si le chercheur arrive à ce constat, alors les résultats seront plus fiables. Avec le second principe, il s’agit pour le chercheur de ne plus mener des études sur des cas supplémentaires s’ils n’apportent pas de nouvelles informations.

Les entreprises, qui constituent l’échantillon, ont été choisies selon deux critères. Le premier est la taille de l’entreprise. Dans le contexte tunisien, le conseil du marché financier considère dans son bulletin N° 2588 du 2006 qu’une PME est toute entreprise dont l’effectif n’excède pas les 300 employés et que le montant des actifs immobilisés nets n’excède pas quatre millions de dinars. Afin d’enrichir davantage les résultats, ces cas appartiennent à différents secteurs d’activité. Le second est l’acceptation par les dirigeants. En analysant un sujet sensible, à savoir la prise en compte de la dimension sociétale, plusieurs PME ont refusé de participer à l’enquête. Le tableau suivant récapitule les caractéristiques de l’échantillon.

Tableau 1. Les caractéristiques de l’échantillon

Secteur d’activité Effectif Entretiens effectués

Cas 1 Agroalimentaire 231 8

Cas 2 Agroalimentaire 82 5

Cas 3 Cuir et chaussures 45 3

Cas 4 Cuir et chaussures 57 3

Cas 5 Industries chimiques 32 2

Cas 6 Industries chimiques 65 4

Cas 7 Industries chimiques 252 9

Cas 8 Matériaux de construction 295 8

Cas 9 Matériaux de construction 148 6

À travers la méthode des cas, plusieurs techniques de collecte de données peuvent être utilisées. Selon les finalités poursui- vies, deux techniques sont utilisées à savoir les entretiens en

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Dossier II

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profondeur et l’analyse documentaire (C. Marshall et G. Rossman, 2011). La collecte des données a reposé essentiellement sur les entretiens semi-directifs effectués avec les dirigeants, les directeurs de service ainsi que les autres catégories du personnel.

Au total, 48 entretiens ont été effectués dont la durée varie entre une demi-heure et une heure. Les thèmes abordés dans ces entretiens sont relatifs à la prise en compte de la responsabilité sociétale par les PME enquêtées. Plus spécifiquement, il s’agit d’identifier l’intensité et les sources des pressions sociétales, la perception des répondants envers la dimension sociétale, leurs logiques d’action, leurs objectifs et leurs perceptions envers les actions sociétales (voir tableau 2). Afin d’enrichir les données collectées, les documents internes, relatifs aux cas en rapport avec les objectifs de la recherche, ont été consultés.

Tableau 2. Les thèmes du guide d’entretien

Thèmes Sous-thèmes recherchés ou émergents

Pressions sociétales Sources de pressions sociétales Intensité des pressions sociétales Perception envers la

RSE

Vision envers la RSE Logique d’action sociétale Actions sociétales Nature des actions sociétales

Objectifs recherchés

Afin d’analyser les données collectées, la méthode d’analyse de contenu est adoptée. Cette méthode est composée essentielle- ment de trois étapes (L. Bardin, 1977).

La première est la retranscription intégrale des entretiens effec- tués et des documents consultés. La deuxième se résume dans l’identification de l’unité d’analyse qui est dans cette recherche un groupe de mots. La troisième consiste à coder le discours des répondants et les documents en optant à la fois pour les codages fermé et ouvert.

Le codage fermé suppose que le chercheur choisit les codes en fonction des thèmes préétablis qui sont fonction des objectifs de la recherche. Toutefois avec la richesse informationnelle que procure la méthode des cas, de nouveaux thèmes émergent au fur et à mesure, d’où le recours au codage ouvert. Afin de faciliter l’opération de codage, l’analyse de contenu informatisée a été adoptée en se basant sur le logiciel NVivo.

4. L’analyse des résultats

La présentation des résultats s’effectuera sur la base des 3 catégories des thèmes identifiés à savoir : les pressions socié- tales, la perception envers la responsabilité sociétale et les actions sociétales.

4.1. Les pressions sociétales :

un bouleversement après la révolution

Le premier thème abordé avec les interviewés porte sur les pressions sociétales. Il s’agit plus particulièrement d’identifier

leurs sources et leur intensité. La principale conclusion tirée de ces entretiens est l’intensification des pressions sociétales après la révolution tunisienne c’est-à-dire après le 14 janvier 2011.

« Nous avons enregistré pendant la période post-révolution une intensification considérable des pressions sociétales » (Un dirigeant, cas 5).

« Après la révolution, les pressions sociétales sont devenues intenses et menaçantes émanant de plusieurs sources qui étaient auparavant négligeables » (Un dirigeant, cas 9).

« Avant la révolution, les pressions sociétales se résument uniquement dans les pouvoirs publics. Puisque notre activité est polluante, l’État, à travers ses organismes, exerce des pressions écologiques pour se conformer à la réglementation environne- mentale » (Un dirigeant, cas 7).

L’enquête montre que ces PME font face actuellement à des pressions sociétales intenses internes et externes. Comme l’évoque un dirigeant, avant la révolution, seules les pressions écologiques sont détectées, surtout pour les entreprises polluantes, en provenance de l’Agence Nationale de Protection de l’Environnement (ANPE). Alors qu’aujourd’hui, ces entreprises sont tenues de gérer, en plus des pressions écologiques, des pressions émanant essentiellement du personnel et de la communauté. Les revendications de ces parties prenantes sont de nature sociale.

Pour le personnel, les revendications sont essentiellement de nature matérielle. En effet, plusieurs grèves ont été enregistrées pendant la période post-révolution ce qui a causé plusieurs arrêts de production. Certaines grèves ont été organisées par les syndicats qui ont été créés, dans la plupart des cas, après la révolution. En fait, la majorité des entreprises tunisiennes ont vu la création de syndicats ; un phénomène peu visible avant la révolution.

« Les grèves survenues constituent pour nous une menace. Nous avons pris les mesures nécessaires pour trouver des arrange- ments avec le personnel via le syndicat malgré nos ressources limitées » (Un dirigeant, cas 6).

« Nous n’avons réclamé que nos droits comme la titularisation et l’ajustement de nos salaires. Avant la révolution, on n’avait pas la possibilité de les demander » (Ouvrier, cas 8).

Le personnel suppose que leur pression sur les entreprises a pour objectif d’atteindre l’équilibre entre les objectifs sociaux et les objectifs économiques. Avant la révolution, les pressions étaient exercées sur les employés de la part des dirigeants.

Aujourd’hui, c’est le cas inverse.

De même, des pressions sociétales externes ont été exercées par certains chômeurs sur ces PME afin de leur trouver un emploi.

« Plusieurs chômeurs diplômés de la région ont revendiqué leur droit au travail. Bien que nous reconnaissions que ce droit est légitime, il nous a été impossible de les recruter tous » (Un dirigeant, cas 1).

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4.2. La perception envers la responsabilité sociétale

Avec l’intensification des pressions sociétales au cours de la période post-révolution, la dimension sociétale est devenue pour la plupart des PME enquêtées une menace qu’il est impératif de la gérer.

« Les pressions sociétales ne peuvent être ignorées comme c’était le cas avant la révolution » (Un dirigeant, cas 2).

« La dimension sociétale constitue une menace pour l’entreprise » (Un dirigeant, cas 7).

Ces propos confirment que le changement survenu sur la société après la révolution était considérable. En effet, si les dirigeants se contentaient auparavant d’ignorer les pressions sociétales, il est impossible aujourd’hui d’adopter un tel comportement.

Passant d’un facteur négligeable à une menace, les dirigeants ont été appelés à changer rapidement de comportement envers la dimension sociétale.

Même le personnel a ressenti ce changement.

« Après la révolution, nos revendications ont plus de chances d’être acceptées » (Ouvrier, cas 6).

Ainsi, la dimension sociétale devient une contrainte à gérer par ces PME afin de préserver leur légitimité. Toutefois, la majorité des dirigeants admet que la dimension sociétale ne constitue qu’une menace et ne peut être en aucun cas une opportunité.

« Je ne vois pas comment notre entreprise pourrait bénéficier de la dimension sociétale » (Un dirigeant, cas 5).

« La dimension sociétale continuera à être toujours une menace » (Un dirigeant, cas 9).

Ces résultats montrent que les dirigeants ne sont pas convaincus de l’utilité d’une action sociétale. Pour eux, la responsabilité sociétale se limite seulement à la conformité réglementaire mais en raison des pressions, il devient nécessaire de les gérer.

« Notre responsabilité est vis-à-vis de l’État. Les pressions de la part de la communauté sont inacceptables » (Un dirigeant, cas 1).

« Je comprends les revendications sociétales. Toutefois, il fallait trouver d’autres moyens pour faire passer leur message » (Un dirigeant, cas 4).

Néanmoins, les dirigeants du cas 3 affirment que l’intérêt accordé à la dimension sociétale a été l’occasion de réflexion sur des actions sociétales bénéfiques pour la société et l’entreprise.

Ils mettent l’accent sur la persistance des pressions sociétales comme stimulant majeur dans le changement de la perception envers la dimension sociétale.

« C’est vrai qu’au début, la dimension sociétale était une contrainte à gérer. Mais cela ne peut persister. Il est impératif de la trans- former en opportunité. » (Un dirigeant, cas 3).

Si la majorité des dirigeants suppose que la dimension sociétale est une menace, le personnel ne partage pas le même avis.

« Je ne crois pas que la dimension sociétale constitue une contrainte pour l’entreprise. Au contraire, si celle-ci accepte de satisfaire les revendications sociétales, elle améliorera le climat de travail ce qui se répercute positivement sur sa performance. » (Un informaticien, cas 4).

Ces propos démontrent la divergence existante entre les dirigeants et les employés. Si les premiers essayent de limiter leurs engagements sociétaux, les seconds supposent que ce type d’engagement est bénéfique pour toutes les parties y compris l’entreprise.

4.3. Les actions sociétales

Pour certaines PME enquêtées, ces actions sociétales datent depuis plusieurs années et se résument dans les actions écolo- giques. Puisque la réglementation environnementale exige la réduction de la pollution, ces PME ont été poussées à s’intéresser à la protection de l’environnement.

« Nous disposons d’un problème environnemental majeur à savoir les rejets hydriques. Conformément à la norme NT 106.02, nous devons traiter ces rejets avant de les déverser dans le milieu naturel » (Un dirigeant, cas 4).

La recherche documentaire montre que les actions écologiques développées se basent sur les technologies de contrôle plutôt que sur les technologies de prévention de la pollution. Ces actions se résument dans la plupart des cas dans l’installation des stations d’épuration en traitant la pollution après sa génération.

Ainsi, ces actions sont de nature réactive et ne réduisent pas la pollution à la source.

Néanmoins avec l’intensification des pressions sociétales, les actions apportées revêtent plutôt un aspect social.

« Après la révolution, nos actions sociétales se résument dans la création d’emplois et l’augmentation des salaires » (Un dirigeant, cas 1).

Bien que la conjoncture économique soit devenue difficile et que plusieurs entreprises aient enregistré une récession de leurs activités, celles-ci ont été obligées de répondre positivement aux attentes sociétales.

« Bien que notre activité ait été fortement affectée par la révolu- tion, nous avons procédé à une augmentation des salaires » (Un dirigeant, cas 9).

« Nous avons procédé à de nouveaux recrutements malgré nos problèmes économiques » (Un dirigeant, cas 3).

« Nous avons réagi en augmentant les salaires pour préserver notre entreprise. » (Un dirigeant, cas 2).

Bien que ces PME n’aient pas prévu de nouveaux recrutements, certaines d’entre elles ont été poussées à le faire aggravant davantage leur situation économique. Néanmoins, le recrutement ne constitue pas la seule solution adoptée par ces PME. En effet, à cause de leurs ressources limitées, certaines entreprises enquêtées se sont regroupées pour aider certains chômeurs de

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la région à créer leur propre projet. Cette action, qui a permis d’alléger considérablement les pressions sociétales, a été adoptée en collaboration avec le syndicat qui a procédé à des négociations avec ces chômeurs pour aboutir à cet arrangement.

Ces exemples montrent le danger que représentent les revendi- cations sociétales. Malgré leur situation économique fragile, les entreprises ont répondu positivement aux revendications. Pour certaines PME, des arrêts de production ont été enregistrés puisque celles-ci n’ont pu répondre positivement aux revendi- cations.

Les actions sociétales ont touché aussi le personnel des entre- prises enquêtées qui a vu la satisfaction de certaines de ses demandes.

« Après la révolution, nous avons eu finalement une réponse favorable de la part de la direction concernant certaines de nos demandes » (Ouvrier, cas 2).

Ces propos montrent que malgré toutes les pressions exercées sur les entreprises de la part des employés, ces derniers n’ont pu obtenir satisfaction de toutes leurs revendications. La capacité limitée de ces PME ainsi que la perception envers les actions sociétales constituent des facteurs explicatifs de la satisfaction partielle des revendications du personnel de la part des dirigeants.

En effet, la majorité des dirigeants supposent que les actions sociétales sont des coûts à minimiser.

« Face à ces pressions sociétales, nous ne pouvons pas les ignorer. Il faut les gérer avec le minimum puisque la conjoncture économique actuelle n’est pas encore favorable » (Un dirigeant, cas 5).

Bien qu’elles soient utiles pour calmer les protestataires, l’enquête montre que les dirigeants de ces PME ne sont pas convaincus de l’utilité de ces actions sociétales. Ces dirigeants considèrent que ces actions ne sont bénéfiques qu’à court terme (réduction des pressions). Alors qu’elles auront des impacts négatifs sur le long terme. Ils affirment que les décisions relatives aux augmentations des salaires et aux nouveaux recrutements ont été prises en urgence et ne sont pas issues d’une planification. Selon eux, il aurait été préférable que ces décisions soient planifiées à long terme pour le bénéfice de toutes les parties.

« Nous étions obligés d’adopter une telle action (augmentation des salaires) afin de préserver notre entreprise » (Un dirigeant, cas 8).

Toutefois, il est impératif de signaler que le personnel ne partage pas le même avis que les dirigeants. En effet, les employés supposent que leurs revendications sont légitimes et la révolu- tion s’est déclenchée essentiellement suite à l’intensification des problèmes sociaux.

« Avant, nous étions sous-payés. Les augmentations de salaires antérieures ne compensaient pas l’augmentation du taux d’infla- tion » (Technicien, cas 6).

« J’étais récemment recruté. Je vois que les dirigeants ne partagent pas nos revendications. Ils essayent d’exploiter au maximum les employés pour minimiser les charges en refusant tout nouveau recrutement » (Ingénieur, cas 1).

Cette vision négative envers les actions sociétales n’est pas totalement partagée par les responsables du cas 3. Ces derniers

affirment que ces actions ne peuvent être pour longtemps consi- dérées comme des charges.

5. L’interprétation des résultats

L’analyse des résultats révèle que la dimension sociétale était négligée par les entreprises tunisiennes avant la révolution. La réponse sociétale apportée se limitait à des actions écologiques exigées par les pouvoirs publics pour les entreprises polluantes.

Comme l’affirme J. Ben Boubaker Gherib (2011), la réglementation demeure le principal moteur de l’engagement des PME dans le développement durable (DD).

Face à l’intensification rapide de ces pressions sociétales après la révolution, l’enquête montre que ces PME n’ont pu formuler rapidement une réponse adéquate. En plus et bien que toutes les entreprises aient formulé des actions sociétales, plusieurs d’entre elles ne sont pas conscientes qu’elles sont en train d’assumer leur RSE. La principale raison à ce constat est que la RSE est faiblement diffusée au sein des entreprises avant la révolution pour diverses raisons. La première est que les entreprises tunisiennes s’intéressaient davantage à la dimen- sion environnementale que sociale avant la révolution puisque les pressions environnementales étaient généralement plus intenses que celles de nature sociale. La seconde est que les PME tunisiennes, à l’exception des PME exportatrices, trouvent des difficultés à tirer des profits économiques de leur RSE (J.

Ben Boubaker Gherib et al., 2009). Par conséquent, les PME enquêtées n’ont pu se préparer à temps à la RSE et ont opté pour une stratégie réactive et non proactive.

Au cours de la période post-révolution, les pressions menaçantes proviennent, entre autres, de la part du personnel face auxquelles les PME ont été obligées de trouver des solutions d’arrangement.

Ce constat contredit les propos de F. Quairel et M.N. Auberger (2005) selon lesquels les clients et les banques sont considérés comme les seuls acteurs qui peuvent influencer les stratégies des PME pour intégrer la dimension sociétale.

Toutefois, face à l’hostilité croissante de l’environnement, les PME sont appelées à fournir une réponse rapide (J. Covin et D.

Slevin, 1989). Ainsi, la RSE constitue une contrainte à laquelle les PME sont mal préparées (A. Paradas, 2006). Plutôt que de se baser sur l’anticipation, ces PME fondent leur stratégie sur la réactivité. Comme l’affirme O. Torres (2000), la gestion quotidienne des PME s’intéresse aux problèmes immédiats ce qui laisse peu de temps à la planification stratégique.

Cette focalisation sur le court terme a influé la perception des dirigeants des PME envers la responsabilité sociétale. En effet, la majorité des répondants suppose que ladite responsabilité ne peut constituer une opportunité. Au contraire, elle représente une menace et les actions sociétales sont à minimiser puisqu’elles sont considérées comme des charges. C’est pour cette raison que généralement la RSE dans les PME est non structurée (M. Santos, 2011). Contrairement aux dirigeants, le personnel

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suppose que la prise en compte de la dimension sociétale n’aura que des effets positifs sur l’entreprise.

Ainsi, les dirigeants de ces PME cherchent en premier lieu la pérennité économique de leurs entreprises au détriment de leur société (J. Ben Boubaker Gherib, 2011). Cette perception négative envers la responsabilité sociétale constitue le résultat d’un changement rapide de l’environnement auquel les entre- prises n’ont pu se préparer à temps. En fait, avant la révolution, la dimension sociétale n’était pas prise au sérieux par les entre- prises à cause de l’intensité faible des pressions sociétales et d’un manque d’obligations légales relatives à l’adoption du principe du développement durable (J. Ben Boubaker Gherib, 2011). Mais l’intensification rapide des pressions associée à un manque d’expérience dans la gestion de la dimension sociétale a fait que celle-ci se transforme rapidement en une menace.

Toutefois, cette perception négative ne peut être adoptée pour longtemps. Comme l’affirme un responsable, il est judicieux d’opérer des changements pour que la dimension sociétale se transforme d’une menace en une opportunité.

Ainsi, les PME s’enfoncent dans un cercle de passivité (N. Gondran, 2001). Le manque de moyens, le manque de perception des bénéfices économiques et stratégiques, liés à l’intégration de la dimension sociétale et la sous-information des dirigeants en matière de société, constituent des facteurs qui empêchent les PME d’intégrer la dimension sociétale qui sera perçue uniquement comme étant une menace.

Face à cette réticence envers l’intégration de la dimension socié- tale, il apparaît que les PME enquêtées adoptent, d’une façon générale, un comportement défensif où elles ne réalisent que les actions sociétales demandées afin de préserver leur légitimité (A.

Carroll, 1979). Ce résultat ne s’aligne pas avec celui de J. Covin et D. Slevin (1989) selon lequel les PME adoptent généralement une stratégie proactive face à l’accroissement de l’hostilité de l’environnement. De même, ce résultat est en contradiction avec celui obtenu par A. Amara et F. Bensebaa (2009) qui trouvent, à la lumière d’une étude portant sur une entreprise appartenant au secteur textile-habillement, que le comportement proactif existe conjointement avec le comportement réactif. Les facteurs contingents peuvent aussi expliquer en partie cette différence de résultats. En effet, A. Amara et F. Bensebaa (2009) attribuent l’adoption du comportement proactif à certains facteurs comme la certification OHSAS 18001 et les pressions des donneurs étrangers ce qui n’est pas le cas pour les entreprises enquêtées.

Toutefois, des caractéristiques du comportement proactif commencent à se développer. Le fait que certains dirigeants commencent à changer de perception envers la dimension sociétale ne constitue que le passage progressif vers un comportement plus responsable. Comme l’affirment G. Giannarakis et N. Sariannidis (2012), la performance sociétale des entreprises décroît suite au déclenchement des crises. Toutefois, celles-ci cherchent à accroître leur niveau de performance sociétale après une certaine période afin d’améliorer leur image vis-à-vis de la société.

À la lumière de ces résultats et en se référant au processus d’évolution des pressions sociétales développé par R. Ackerman

et R. Bauer (1976), nous pouvons proposer un modèle d’évolution des comportements sociétaux des PME en trois phases comme le montre la figure suivante :

Figure 1. Le processus d’évolution des comportements sociétaux

Au cours de la première, la période pré-révolution, les pressions sociétales sont faibles bien que les problèmes existent. Peu d’acteurs sociétaux se préoccupent de la gravité de ces problèmes où le degré d’autonomie des entreprises est à son niveau maximum et la légitimité est préservée. La période pré-révolution a enregistré plusieurs problèmes sociétaux comme le chômage des jeunes diplômés et la diminution du pouvoir d’achat du citoyen.

Mais, peu de parties prenantes s’intéressent à la résolution de ces problèmes. Même les efforts gouvernementaux demeurent insuffisants face à l’ampleur de ces problèmes. Pour les entre- prises enquêtées, la RSE se limite essentiellement aux actions écologiques imposées par la réglementation environnementale (J. Ben Boubaker Gherib, 2011). Ces PME sont réticentes face aux actions sociétales puisqu’elles procurent des bénéfices à long terme alors que l’horizon temporel des PME est le court terme (O. Torres, 2000). Avec un tel comportement, les PME privilégient l’aspect économique sur l’aspect sociétal. Ainsi, l’objectif primordial est la maximisation du profit indépendam- ment des conséquences.

La deuxième phase du processus d’évolution des pressions sociétales s’est déclenchée juste après la révolution. Durant cette phase, la société a commencé à se préoccuper de ses problèmes.

Certaines formes de pressions sociétales se sont déclenchées contre les entreprises qui ont vu leur degré d’autonomie diminuer avec l’intensification des pressions. Ainsi, l’environnement de l’entreprise devient hostile.

Par manque de planification stratégique, les PME ne peuvent réagir d’une manière rapide et réfléchie. Toutefois, elles sont tenues d’apporter une réponse sociétale. Ainsi, ces PME considèrent que la dimension sociétale est une contrainte qu’il est impératif de gérer afin de préserver leur légitimité. Elles commencent à assumer progressivement leur responsabilité sociétale tout en essayant de minimiser leurs actions sociétales considérées comme des coûts. Leur comportement sociétal devient basé davantage sur la réaction. En plus des pressions sociétales intenses, la révolution a fait jaillir des valeurs sociétales, comme la solidarité, qui auparavant n’étaient pas perçues. En plus, la période post-révolution s’est caractérisée par un regain d’intérêt aux valeurs religieuses qui accordent une importance aux aspects sociétaux. Comme l’affirment Ch. Siwar et M. Hossain (2009), l’islam encourage la mise en œuvre des comportements proso- ciétaux par l’adoption des principes éthiques.

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Dossier II

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Toutefois, cette deuxième phase n’a duré que très peu puisque les pressions sociétales sont devenues rapidement plus menaçantes pour les entreprises. En effet, durant la troisième phase, presque la totalité des acteurs sociétaux sont devenus conscients de la gravité de leurs problèmes et ont forcé les entreprises à se conformer à leurs revendications. Le degré d’autonomie de ces entreprises est à son niveau minimum où leur légitimité est menacée. Comme l’affirme un responsable du cas 3, cette vision négative envers la dimension sociétale ne peut persister. Puisque leurs ressources sont limitées, ces PME ne peuvent considérer pour longtemps les actions sociétales comme étant des coûts.

Ainsi, les entreprises enquêtées ont réagi en apportant la réponse sociétale dont l’objectif est d’alléger les pressions sociétales et de hausser leur degré d’autonomie. Elles commencent à concré- tiser une logique gagnant-gagnant où les actions sociétales sont perçues comme des investissements rentables. Avec l’expérience accumulée, les entreprises commencent à choisir les actions qui réalisent la logique gagnant-gagnant. Comme l’affirment B. Faivre- Tavignot et al. (2010), l’introduction de la dimension sociétale au sein du processus de gestion de l’entreprise constitue une opportunité d’apprentissage pour les managers. Ces derniers révisent leurs pratiques de gestion et en développent de nouvelles, basées sur une stratégie proactive. Par manque de ressources, ces PME ne peuvent passer directement d’un comportement anti sociétal à un comportement proactif. Ainsi, la dimension sociétale n’est plus perçue comme une contrainte mais plutôt comme une opportunité à saisir. Leur comportement sociétal devient davantage proactif que réactif.

Conclusion

L’analyse de la réaction des PME face aux pressions sociétales, surtout après leur intensification suite à la révolution, constituait l’objet principal de cette recherche. L’étude menée sur 9 cas montre que les PME adoptent un comportement basé plutôt sur la réactivité. Suite au déclenchement des pressions sociétales, ces PME ont réagi rapidement afin de préserver leur légitimité.

Les résultats montrent aussi qu’avant la révolution, ces entre- prises adoptaient un comportement basé sur l’exclusion totale de la dimension sociétale. Mais l’intensification rapide des pressions sociétales a fait que le comportement de ces entre- prises change rapidement vers un comportement plutôt réactif.

Ainsi, les dirigeants supposent que les actions sociétales sont des charges à minimiser et réalisent par conséquent la logique gagnant-perdant. Avec plus d’expérience en matière de gestion sociétale, les PME réussissent à assurer la logique gagnant- gagnant et adoptent par conséquent un comportement qualifié de proactif qui se base sur l’anticipation.

Cette recherche propose un processus d’évolution des comporte- ments sociétaux des PME en fonction des pressions sociétales en trois étapes. Dans la première, l’intensité des pressions socié- tales est faible et les PME excluent toute prise en compte de la dimension sociétale. C’est au cours de la seconde étape que les

PME commencent à s’intéresser à leur RSE avec l’intensification des pressions sociétales. Avec l’expérience accumulée en matière de gestion sociétale, les PME passent à la troisième étape. Au sein de celle-ci, les PME adoptent davantage un comportement proactif basé sur la logique gagnant-gagnant.

Implications de la recherche

À la lumière des résultats aboutis quatre implications peuvent être énoncées. La première est que les PME, comme les GE, sont concernées par la RSE. Aucune entreprise, quels que soient son secteur d’activité et sa taille, n’est épargnée de la prise en considération des aspects sociétaux. La seconde implication est que les PME trouvent des difficultés majeures dans la mise en œuvre de leur responsabilité sociétale. Ces difficultés sont liées en partie à leurs spécificités : focalisation sur le court terme, ressources limitées, etc. Ainsi, les PME sont sollicitées à être assistées essentiellement par les pouvoirs publics dans leur démarche sociétale. Bien que ces derniers soient en quête de légitimité et se trouvent face à des difficultés majeures surtout après la révolution, ils sont appelés à développer une nouvelle politique qui soit en adéquation avec les circonstances actuelles et qui favorise l’intégration des préoccupations sociétales par les entreprises.

La troisième implication réside dans le fait que les comportements sociétaux adoptés par les entreprises ne sont pas statiques.

Au contraire, même si les entreprises préfèrent l’adoption d’un comportement sociétal par rapport à un autre, certaines parties prenantes les poussent à opter pour un comportement spécifique.

Ainsi, si les parties prenantes peuvent influer significativement le comportement des entreprises, il est appelé à ce que les dirigeants leur accordent une importance particulière.

La quatrième implication est relative aux parties prenantes. Au terme de cette recherche, il est évident que la menace que repré- sente une partie prenante varie en fonction des changements de l’environnement. Si avant la révolution les pouvoirs publics étaient considérés comme la principale, sinon l’unique, source de pressions sociétales, aujourd’hui ce n’est plus le cas. Au cours de la période post-révolution les parties prenantes, autrefois inexistantes, sont devenues menaçantes comme les syndicats et les chômeurs. Ainsi, les dirigeants sont appelés à analyser périodiquement l’environnement afin d’apporter le plus rapide- ment possible, en cas de changement, la réponse adéquate.

Limites de la recherche

Cette recherche souffre de deux limites majeures. La première est relative à la région de l’enquête. Celle-ci s’est limitée à une seule région. Prendre en compte d’autres régions permet d’avoir une idée plus précise sur les comportements sociétaux adoptés par les PME d’une part et d’identifier les spécificités régionales d’autre part. La seconde limite réside dans les techniques de

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collecte de données. Se baser sur les discours et les documents peut ne pas fournir une idée précise sur le phénomène étudié. Il serait intéressant dans le futur d’opter pour l’observation (passive ou active) afin de mieux cerner les comportements sociétaux des entreprises.

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Références

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