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Le monde vit ou survit... dans un formidable

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m

LE PROBLEME ECONOMIQUE DES ARMEMENTS

L'équilibre de la terreur va-t-il continuer ? La guerre des étoiles prendra-t-elle le relais ?

« On rêve à ce que pourrait être le bonheur du monde, si... »

Jean-Paul II

L

e monde vit — ou survit... — dans un formidable paradoxe : l'accumulation d'armes les plus terri- fiantes nous a « valu » quarante ans de paix, du moins en Occident. Cet « équilibre de la terreur » va-t-il continuer ? Que signifie le projet américain de « guerre des étoiles » ? Quelles sont les conséquences de la production d'armement sur la vie économique ? Quelle est à cet égard la situation de la France ? Autant de questions auxquelles on voudrait essayer de répondre.

U

ne première réserve de méthode s'impose.

Nous disposons actuellement de trois sources de statistiques concernant les armements :

1) celle de l'O.T.A.N. et du Fonds monétaire international ; 2) celle de l'International Institute and Strategie Studies (I.S.S.S.) de Londres ;

3) celle du Stockholm International Peace Research Institut (S.I.P.R.I.), institut indépendant fondé en 1966.

(2)

LE PROBLEME ECONOMIQUE DES ARMEMENTS 33 \

Mais des différences d'établissement des statistiques existent, concernant la prise en compte ou non des crédits de pension, des forces de sécurité intérieure, etc., sans parler des calculs parfois différents de produit intérieur brut selon les pays.

En outre et surtout, les données concernant l'U.R.S.S. sont des plus approximatives.

Par ailleurs, les armées elles-mêmes auxquelles s'appliquent ces dépenses présentent entre elles de sensibles différences.

Les Etats-Unis et la Grande-Bretagne disposent d'une armée de métier ; la France et la R.F.A. d'une armée de conscription.

En France, le service est d'un an, pouvant être prolongé pour les volontaires. En Allemagne, il est de dix-huit mois, et en raison de la dénatalité, il est question de le porter à deux mois. La France est favorable à une certaine féminisation ; l'Allemagne y est hostile. C'est en Israël que le service est le plus long : trois ans et trois mois pour les hommes, deux ans pour les femmes.

Ensuite vient l'U.R.S.S. : deux ans pour l'armée de terre et de l'air ; trois ans pour la marine.

De même, le nombre d'hommes sous les drapeaux est très différent :

— plus de 5 millions pour l'U.R.S.S. (5 115 000 en 1984), plus 5 300 000 réservistes — sans compter les forces des autres pays du pacte de Varsovie (dont la cohérence et la qualité ne sont pas assurées...) ;

— plus de 2 millions aux Etats-Unis (2 125 000 en 1984), plus 1 440 000 réservistes ;

— 471 000 en France (y compris la gendarmerie) ;

— 495 000 en R.F.A. ;

— près de 4 millions pour la Chine, 5 millions de réser- vistes, plus de 12 millions de « paramilitaires »...

Certains pays disposent d'armes nucléaires : France, Etats- Unis, Grande-Bretagne, Chine, U.R.S.S. (les cinq «Grands», membres du Conseil de sécurité de l'O.N.U.) ; peut-être : Israël, l'Afrique du Sud, la Norvège ? Elles sont interdites à certains pays : les cinq pays alliés de l'Allemagne (Bulgarie, Italie, Fin- lande, Hongrie et Roumanie) (1947) ; le Japon (1951) ; l'Allema- gne (1954). Mais des fusées Pershing sont installées sur le sol de la R.F.A. ainsi qu'en Grande-Bretagne et en Italie, non en France...

Autant de difficultés pour les comparaisons.

(3)

Sous ces réserves, un premier constat s'impose : c'est la progression constante et assez effrayante des dépenses d'arme- ment dans le monde.

Depuis le début du siècle, trois grandes périodes se déta- chent :

lu) celle de 1908 à 1913 où les dépenses sont en cinq ans, multipliées par 1,6, passant en milliards de dollars 1979, sur la base de prix constants de 1980, de 18 milliards en 1908 à 29 en

1913 ;

2") celle du second avant-guerre, de 1933 à 1938, passant sur les mêmes bases de 40 à 123, soit un triplement ;

3") celle de 1948 à 1981, passant de 129 à 510, soit un quadruplement (1).

Chiffres relatifs, qui ne tiennent compte ni de l'accroisse- ment de la population pendant ces périodes, ni du développe- ment considérable de la production au cours des « trente glo- rieuses ».

Mais que de surprises recèlent ces chiffres globaux !

Si, de toute évidence, les deux superpuissances s'arrogent toujours la plus grande part des armements dans le monde, en revanche cette part diminue nettement de 1960 à 1980, jusqu'à l'avènement du président Reagan, tandis qu'augmente celle des pays en voie de développement (P.V.D.). Parmi eux « explosent » littéralement les pays du Proche-Orient.

L' « explosion » du tiers monde

Le tableau suivant est éloquent :

RÉPARTITION DES D É P E N S E S MILITAIRES DANS L E MONDE

(en %) (2)

I960 1970 1980

O.T.A.N. et pacte de

85,4 77,4 68,8 Autres pays develop. 10,1 15,4 15,1

P.V.D 4,4 7,2 16,1

dont Proche-Orient 0,9 2,2 7,8

(1) Source : S.I.P.R.I., Stockholm.

(2) Même source.

(4)

LE PROBLEME ECONOMIQUE DES ARMEMENTS 333

Cette « explosion » du tiers monde est confirmée par la part de leurs dépenses d'armement (1982):

dans leur budget dans leur P.N.B.

Israël 44,6 % 35,7 %

Oman 43,4 % 25,8 %

Arabie Saoudite 29,6 % 17,7 %

contre :

France 18,1 % 4,2 %

U.S. A 27 % 6,5 %

{U.R.S.S 12-14 %)

Par tête d'habitant, ces dépenses représentaient en 1982 en dollars (3) :

Arabie Saoudite 2 796

Israël 1711 U.S.A 846 France 415 Japon 87 D'après une autre statistique, la répartition des dépenses

publiques aurait été, en 1980, en pourcentage (4) :

D É P E N S E S D É P E N S E S D É P E N S E S MILITAIRES DE S A N T É D'ÉDUCATION

P.V.D 22 % 5 % 15 %

Pacte 1 Varsovie 39 % 10 % 17 %

O.T.A.N 14 % 22 % 24 %

Que les P.V.D. consacrent quatre fois plus de leurs dépen- ses publiques à leur armement qu'à la santé : il est navrant de le penser...

(3) Source : I.I.S.S. (Londres).

(4) Source : O.N.U. et U.S.A., D.A.

(5)

La provenance de ces armements

Mais d'où viennent ces armes ? De deux sources.

D'abord des importations (5).

En 1979-1981, les pays en voie de développement rece- vaient à eux seuls les deux tiers des importations mondiales d'armes.

En vingt ans, de 1964 à 1983, la valeur totale des expor- tations d' « armes principales » vers le tiers monde a été multi- pliée par près de sept fois, soit en millions de dollars, aux prix constants de 1975 (6) :

1964 1974 1980 1983 1 195 5 064 10 660 8 764

A lui seul, le Proche-Orient recevait en 1977-1981 : 44 % de ces ventes d'armes, suivi de l'Afrique (24 %), de l'Extrême- Orient (13 %), de l'Amérique latine (11 %), de l'Asie du Sud (11 %) (S.I.P.R.I., 1981).

Et quels étaient les principaux fournisseurs ? L'U.R.S.S.

(37 %), les Etats-Unis (33 %)... et la France (12 %), suivie de loin par le Royaume-Uni (4 %), etc.

L'Arabie Saoudite et l'Irak sont nos grands clients. On y reviendra.

Pour PU.R.S.S. — dont plus des trois quarts des ventes étaient destinées au Proche-Orient en 1983 (7) — on notera cette particularité : certains des pays clients n'acquittent pas eux- mêmes leurs achats. C'est le cas de la Syrie (premier client) et de l'Irak. Mais ils les font payer par d'autres pays arabes (Arabie Saoudite, Koweit, Algérie...). La Libye fournit de son côté l'Iran...

etc.

Je laisse de côté les expéditions frauduleuses par pays tiers.

Mais, depuis quelques années, les pays du tiers monde pro- duisent eux-mêmes une partie de leurs armes.

(5) Les importations mondiales d'armes 1979-1981 se répartissent ainsi : pays industrialisés : 38 % ; P.V.D. : 62 % (dont Proche-Orient : 27 % ; Afrique du Nord : 9 %, etc.).

(6) S.I.P.R.I., 1984, pp. 212-215.

(7)

Proche-Orient Afrique du Nord Afrique Sud saharienne

Asie du Sud

78 % 5 % 3 % 14 %

Source S.I.P.R.I., juin 1984.

(6)

L E PROBLEME ECONOMIQUE DES ARMEMENTS 335

Une trentaine de P.V.D. possèdent aujourd'hui une indus- trie d'armement souvent moins sophistiquée que celle des grands pays industrialisés, mais en pleine croissance. C'est le cas du Brésil qui tente d'alléger son endettement en vendant des armes (au Guatemala et ailleurs), et celui de l'Egypte qui cherche à être le pourvoyeur d'armes des pays arabes. Israël, de son côté, vend des avions de chasse, etc.

Souvent d'ailleurs, ces pays copient le matériel que nous leur vendons, ou ils assemblent chez eux les pièces détachées.

Ainsi s'étend au monde entier, et jusqu'aux plus pauvres des pays, la course aux armements.

Il reste de toute évidence que l'effort militaire le plus consi- dérable est celui de l'U.R.S.S. et des Etats-Unis, « ces deux Her- cules au berceau », prédisait Napoléon.

A la recherche de Farinée absolue

Connaît-on cette extraordinaire vision d'Ernest Renan ? Après avoir été l'un des prophètes du scientisme (l'Avenir de la science, 1850), il écrivait dans ses Dialogues philosophiques de

1876 : « Je fais parfois un mauvais rêve : c'est qu'une autorité pourrait bien avoir un jour à sa disposition l'Enfer, non un enfer chimérique, mais un enfer réel. Alors s'instituerait une papauté vraiment infaillible : l'être en possession de la science mettra une terreur illimitée au service de sa vérité... Le jour, en effet, où quelques privilégiés de la raison posséderaient le moyen de détruire la planète, leur souveraineté serait créée, et ces privilégiés régne- raient par la terreur absolue. Mais c'est un mauvais rêve... »

Une réserve s'impose ici : il ne serait pas objectif, il ne serait pas juste de mettre sur le même plan U.R.S.S. et Etats-Unis, quel que puisse être 1' « impérialisme américain ». Il faut rappeler que les Etats-Unis avaient rapidement désarmé après 1945 ; et que c'est le coup de Prague qui a provoqué leur retournement. Il ne faut pas oublier que de la chute de Saigon à la prise de Kaboul, de 1950 à 1980, treize pays sont passés sous influence marxiste, sinon directement soviétique (8). Il faut toujours se rappeler le

(8) Afghanistan, Angola, Bénin, Cambodge, Cuba, Ethiopie, Irak, Laos, Libye, Mozambique, Syrie, Viêt-nam. Yémen du Sud.

(7)

mot terrible de Lénine : « La paix ne peut signifier que l'instau- ration du communisme dans le monde entier (9). »

Par quels moyens ?

On est très mal renseigné sur les dépenses militaires de PU.R.S.S. Les statistiques officielles font valoir une baisse annuelle (de 0,4 %) de ces dépenses de 1970 à 1980. Les évaluations occidentales au contraire les font progresser annuellement autour de 4 %.

Le calcul d'après le P.N.B. est aléatoire, car les statistiques soviétiques (par fidélité à la théorie de la valeur-travail de Marx...) ne comptent pas les services dans le produit national (réduit à un P.N.M., produit national matériel...). Sous cette réserve, comme le total du produit national des Etats-Unis serait le double de celui de PU.R.S.S. et que la part des dépenses militaires améri- caines est de 6,5 à 7 % du P.N.B., contre environ 14 % en U.R.S.S., on en déduit qu'avec un effort deux fois plus lourd en U.R.S.S., la masse des armements serait comparable.

Un spécialiste de ce problème estime que « l'économie pure- ment militaire recouvrirait près d'un quart de l'activité globale du pays (10) ».

Puissance comparable, disions-nous. C'est ce qui ressort du moins de leur puissance nucléaire stratégique.

Le nombre de têtes nucléaires stratégiques intercontinentales d'une portée supérieure à 5 500 km était en 1983 de 9 792 aux Etats-Unis et de 8 671 en U.R.S.S. — pour la France il est de 132, pour la Grande-Bretagne de 64 et pour la Chine de 580 (II).

(La puissance des Etats-Unis est donc de plus de 75 fois la nôtre.) Or la force nucléaire de la France, si tous ses moyens étaient employés, représenterait 120 mégatonnes, soit l'équivalent de 6 000 bombes d'Hiroshima (20 000 t).

Pour évaluer la puissance atomique totale des Etats-Unis (en 1983) il faudrait donc multiplier ces chiffres par 75.

soit 450 000 bombes d'Hiroshima... et environ autant pour

(9) Cité par Boukowski, les Pacifistes contre la paix, R. LalTonl, p. 14.

(10) R. Tangac, « l'U.R.S.S. et sa grande armée», les Etudes, décembre 1984, p. 585.

(11) Le Monde, 21-22 octobre 1984. Source: secrétariat général de la Défense nationale. Mais l'U.R.S.S. dispose de plus de sous-marins que les Etats-Unis. (Pour la Chine, la portée moyenne est de 1 800 à 5 500 km.)

(8)

LE PROBLEME ECONOMIQUE DES ARMEMENTS 337

l'U.R.S.S. (12). C'est l'arsenal de la terreur — sur la crainte duquel est aujourd'hui fondée la paix...

Encore faut-il y ajouter les armes conventionnelles, sans parler des armes chimiques, bactériologiques, etc.

Mais depuis quelques années, l'équilibre des deux Grands tend à être rompu :

1) les Etats-Unis ont relâché leur effort militaire après la guerre du Viêt-nam, sous la présidence Carter (13) pendant la

«détente» (de 1965 à la fin des années soixante-dix);

2) les Soviets, au contraire, ont continué le leur. Ils ont installé des SS-20 le long de l'Europe de l'Est et des frontières de la Chine. Ils disposent de nombreuses armes antimissiles ;

3) d'où la double réplique américaine :

a) l'installation de Pershing-2 en Europe (Allemagne.

Grande-Bretagne, Italie) (14),

b) un réarmement plus qu'énergique sous l'impulsion du président Reagan, aboutissant au projet de la « guerre des étoi- les ».

L'effort militaire des Etats-Unis

En cinq ans de temps (d'octobre 1980 à octobre 1985) les dépenses militaires auront plus que doublé, selon le projet de budget présenté le 4 février dernier (en milliards de dollars cou- rants) :

1980 1981 1982 1983 1984 1985 (octobre) 131 151 179 200 247 277

(12) Ces chiffres sonl confirmes par Frank Barnaby, directeur du S.I.P.R.I.

qui évalue l'arsenal mondial nucléaire à 60 000 bombes d'une puissance de 16 milliards de tonnes T.N.T., équivalant à plus d'un million de bombes type Hiroshima, soit quatre tonnes T.N.T. par habitant de la terre (A. Kastler,

colloque de l'I.F.R.I., Paris, janvier 1981).

(13) Sur la base des prix de 1975, les dépenses militaires ont diminué en milliards de dollars de 107 en 1970 à 86 en 1976, pour revenir à 100 en 1980 et 110 en 1981. (277 prévus pour 1985-1986, cf. infra).

(14) Au 1" juillet 1984, 378 SS-20 ont été déployés dont 243 vers l'Europe, et 48 Pershing-2 installés.

(9)

et l'on prévoit :

1986 314

1987 354

1988 402

Sur les 277 milliards de dépenses d'armement prévues, 40 (exactement 39,3) sont affectés à la recherche en matière de nouveaux armements. C'est le poste du budget qui a augmenté le plus.

Au total, sur un projet de budget de près de 1 000 milliards de dollars, les dépenses militaires représentent 29 %, et 6,6 % par rapport au P.N.B. — contre pour la France : 18 % et 4 % du P.N.B.

Or, tandis que s'élèvent à ce point les dépenses militaires les dépenses civiles se réduisent, principalement pour l'agriculture, l'aide médicale aux personnes âgées, etc. (de près de 39 milliards de dollars).

Effort énorme, qui se traduit — à défaut d'un relèvement d'impôts — par un déficit énorme : 222 milliards cette année,

180 milliards prévoit-on en 1986.

Qui finance donc ce déficit ? Qui couvre les emprunts du Trésor ?

L'épargne nationale, pour partie sans doute. Mais comme le Fédéral Reserve Board (dans la personne de son redoutable président Paul Volkner) limite étroitement l'émission de monnaie pour limiter l'inflation, ce sont les capitaux étrangers qui, attirés par le taux élevé du crédit aux Etats-Unis, la solidité du dollar, la reprise économique, viennent acheter les bons du Trésor.

Si bien qu'on peut dire que ce sont les capitaux étrangers qui soutiennent l'effort de réarmement américain... et entretien- nent la hausse du dollar qui, à son tour, nourrit la hausse par un entraînement psychologique bien connu, en contradiction — au moins pour un temps — avec l'équilibre spontané du mar- ché (15).

Arrêtons-nous ici un instant pour mesurer combien i l est abusif de parler — sans nuance — de la politique libérale des Etats-Unis. Libérale, oui, elle l'a été et l'est encore par les désen-

(15) Rappelons que le dollar couvre 80 % des opérations financières dans le monde, tandis que les Etats-Unis n'effectuent que 30 % du commerce mondial.

(10)

L E PROBLEME ECONOMIQUE DES ARMEMENTS 339

gagements de l'Etat, la baisse des impôts (de certains du moins), l'appel à l'initiative des entrepreneurs. Mais antilibérale par le déséquilibre budgétaire franchement accepté et le règne moné- taire du dollar comme monnaie internationale.

Dans quelle mesure ce déséquilibre a-t-il favorisé la brusque reprise américaine ? Il est vraisemblable qu'il y a contribué et l'on a pu dire à cet égard que le président Reagan était un « grand keynésien » (tel « nouvel économiste » l'a récemment comparé à

Roosevelt) (16).

Un fait est sûr, mais il est très difficile d'en chiffrer l'impact : ce sont les industries de pointe qui bénéficient le plus directement des dépenses d'armement. L a part des dépenses militaires de recherche-développement (R.-D.) dans le total des dépenses gou- vernementales à ce sujet est considérable et augmente forte- ment (17) :

1976-1979 1982 1984

Etats-Unis . . . 48,6 % 60,8 % 69,4 % contre :

France 32,6 % 37,7 % —

Royaume-Uni 51,6 % 50,2 % —

On reviendra plus loin sur l'impact de ces dépenses de recherche-développement.

La « guerre des étoiles »

Ces dépenses sont directement concernées par le projet de la « guerre des étoiles », officiellement de 1' « initiative de défense stratégique » (I.D.S.).

Techniquement, il s'agit d'un rayon laser de puissance émis du sol, dirigé sur une station orbitale, qui renvoie ce rayon sur le missile ennemi sortant de son silo... Il ne s'agit donc plus de

(16) « Ronald Reagan n'est pas un républicain classique. Sur le plan budgétaire macro-économique et de la défense, il doit être comparé avant tout à Roosevelt et il recourt à une macro-économie keynésienne des plus tradi- tionnelles. » (J.-J. Rosa, « la Stratégie économique de l'Administration Reagan », Politique économique, janvier 1985).

(17) Source : S.I.P.R.I., 1984, p. 170. Mais dans le total des dépenses R.-D. publiques et privées, la part des dépenses militaires R.-D. est compa- rable : 24 %.

(11)

détruire par des antimissiles les missiles ennemis au-dessus du sol américain, au moment de leur entrée dans l'atmosphère — ce qui d'ailleurs pourrait provoquer des dégâts — mais de détruire les missiles ennemis au-dessus du sol ennemi !

Politiquement, la stratégie de la dissuasion par l'équilibre des armes offensives — et leurs quarante ans de paix — serait remplacée par un bouclier d'armes défensives stationnées dans le cosmos. Certains journalistes ont même écrit : la guerre serait ainsi tuée dans l'œuf !... Ainsi les Etats-Unis posséderaient-ils — théoriquement — 1' « arme absolue » contre la guerre ! — à sup- poser que PU.R.S.S. n'ait pas les moyens techniques d'en faire autant dans un proche avenir...

Mais il faut élargir la question sur le plan économique. L'on peut se demander si la politique très coûteuse de réarmement du président Reagan n'est pas inspirée par la pensée que l'économie soviétique — qui n'est pas particulièrement prospère — ne pour- rait pas supporter un effort comparable.

Il reste que l'annonce de la « guerre des étoiles » a été suivie de l'acceptation par les Soviétiques d'une reprise des entre- tiens de Genève sur le désarmement ?... Ainsi l'économie — plus de missiles, mais moins de beurre — deviendrait-elle Vultima ratio de la paix entre les peuples !

La situation de la France

Parmi les pays européens, la France tient une place compa- rable à celle de l'Allemagne fédérale et de la Grande-Bretagne, un peu supérieure à la première, et un peu au-dessous de la seconde.

1) Dépenses militaires en millions de dollars au prix de 1980.

Trois pays se situent actuellement aux alentours de 27 mil- lions de dollars.

R.F.A

Royaume-Uni ...

(Etats-Unis

1974 1980 1984 1983 R.F.A

Royaume-Uni ...

(Etats-Unis

20 788 25 335 23 522 143 656

26 962 26 355 26 749 143 981

27 623 26 759 26 489 167 673

28 042 27 355 29 443 186 544)

(12)

L E PROBLEME ECONOMIQUE DES ARMEMENTS 341

Cet accroissement est quelque peu trompeur pour la France en particulier, car il reflète celui du produit national, dans lequel le pourcentage des dépenses nationales ne varie guère — alors qu'il augmente aux Etats-Unis. Il se situe aux alentours de 4 % contre 7 % aux Etats-Unis.

2) Part des dépenses militaires dans le P.N.B. (18).

1974 1980 1982 1983 1984

France 3,7 4,0 4,2 4,2 4,1

R.F.A 3,6 3,3 3,4 3,4 3,3

Royaume-Uni . . . 5,0 5,1 5,1 5,6 5,4

Etats-Unis 6,1 5,6 6,5 6,9 7,1

3) Quant à la part des dépenses militaires dans le total des dépenses publiques, la France se situait en 1982 entre la Grande-

Bretagne et l'Allemagne fédérale :

1979 1982

France 17,5 18,1

R.F.A 27,9 28,2

Royaume-Uni . . . . 10,6 11,4

(Etats-Unis 24,2 27,0)

4) Enfin, la charge des dépenses militaires par habitant est comparable (en dollars) (environ 400 dollars) :

1979 1982

France 424 415 (19)

R.F.A 504 462

Royaume-Uni . . 352 436 Etats-Unis .... 543 846

Rappelons que le cas du Japon est particulier. Longtemps son effort militaire a été très faible. Il augmente aujourd'hui,

(18) Sources : S.I.P.R.I., 1984, pp. 118 et 127. Pour 1984 : Rapport J. Fran- cou à la commission des Finances du Sénat, 19 novembre 1984, p. 48.

(19) Le chiffre indiqué par le ministère des Finances est un peu moins élevé, cf. infra.

(13)

mais en 1983 il n'était encore qu'un peu inférieur au tiers de celui de la France : en milliards de dollars au prix 1980, France : 27,3 ; Japon : 10,9 — soit 1 % du P.N.B.

Evolution dans le temps

11 est à noter que, depuis 1981, la part des dépenses publi- que affectées à la défense tend à diminuer.

Le pourcentage s'est fortement réduit après la guerre d'Algérie de 1960 à 1970, de 28,5 % à 17,6 % (dépenses hors pension). Il est resté à peu près à ce niveau jusqu'en 1981 :

16,9 %. Mais il s'est abaissé depuis lors à 15,09 % (1985).

En millions de francs constants 1982, le total des dépenses de défense (hors pension) a été de :

1982 1983 1984 1985 122 855 121316 119926 119 926 En milliards de francs courants, il atteint 182 pour un bud- get total de près de 1 000 milliards (20). Mais les dépenses mili- taires d'équipement augmentent (de 45,6 % à 47,7 %) au détri- ment des dépenses de fonctionnement.

Au total nos dépenses militaires sont équivalentes à nos dépenses d'enseignement et un peu plus du double de celles des affaires sociales à la charge du budget (en milliards de francs) :

1983 1984 1985

Défense 158,8 171,0 182,0

Education 156,2 169,3 174,7

Affaires sociales .... 88,0 81,0 81,0 (dont Santé) . . . (42,4) (29,2) (29,7) (21)

(20)

Dépenses totales Défense

'Déficit)

1981 1982 1983 1984 1985

Dépenses totales Défense

'Déficit)

617 731 123 211 29 384

788 726 144 392 95 456

891 987 159 061 117 762

939 466 171 022 122 268

994 662 182 022 138 937 (Rapport J. Francou, cité p. 42) (21) Mais le total des dépenses sociales de la nation s'élevait en 1984 à 1300 milliards (dépassant le total du budget) dont 900 pour la Sécurité sociale financée par les cotisations des individus et des entreprises.

(14)

LE PROBLEME ECONOMIQUE DES ARMEMENTS 343

La France, exportatrice d'armes

On aurait une idée fausse de notre production d'armement si l'on oubliait que la France est le troisième grand pays expor- tateur d'armes.

En 1979-1981, pourcentage des exportations mondiales:

U.R.S.S., 36 % ; Etats-Unis, 33 % ; France, 9 % ; Royaume-Uni, 3,6 %.

Pour 1983, les livraisons d'armes se sont élevées à 33,1 mil- liards de francs. Elles représentent près de 40 % de notre produc- tion d'armement (22).

Elles ont été en 1983 destinées pour 80 % au tiers monde (23), dont :

70 % au Maghreb et au Proche-Orient

13 % à l'Europe de l'Ouest et l'Amérique du Nord 7 % à l'Extrême-Orient

5 % à l'Amérique latine 4 % à l'Afrique noire.

Nos exportations d'armes au Proche-Orient alimentent le

« recyclage des pétrodollars ». En termes simples, pour acheter notre pétrole, nous échangeons des francs contre des dollars que nous envoyons au Proche-Orient, qui nous les renvoie pour payer ses achats d'armes. C'est, au fond, un troc de pétrole contre armements.

En 1984, nous avons enregistré deux records :

1 ) nous avons reçu pour environ 61,8 milliards de commande (dont 35 pour l'Arabie Saoudite) ;

2) nous avons vendu plus d'armes aux Etats-Unis que nous ne leur en avons acheté (24).

Nous n'avons importé que l'équivalent de 10 % de nos exportations.

(22) En milliards de francs courants :

mo 1981 1982 1983 Armements C.A. total (H.T.) 57,7 69,8 75,5 86,1 Exportation

total (H.T.)

23,4 28,5 28.9 33,05 dont 51 % de matériels aériens

35 % de matériels terrestres 14 % de matériels navals.

(23) Elles représentent selon les estimations entre 14 et 17 % du total de nos exportations vers le tiers monde. La Libye a été un de nos clients dans les années passées.

(24) Le Monde, 15 novembre 1985.

(15)

Leur impact sur notre commerce extérieur est évidemment favorable. Avec 4,5 % du total de nos exportations (725 milliards en 1983 — 851 en 1984) elles atténuent fortement notre déficit extérieur (42 milliards en 1983, 20 en 1984). Sans elles, il eût été de 75 milliards en 1983.

On comprend que le gouvernement socialiste les ait main- tenues, malgré ses condamnations verbales, et lorsqu'on sait que nos ventes d'armes ont dépassé nos exportations agro-alimentai- res, on savoure à leur prix les déclarations de M . Pierre Mauroy à l'hebdomadaire la Vie juste avant mai 1981 : « François Mitter- rand veut qu'à la France des marchands d'armes se substitue une France qui vende des produits alimentaires et des produits d'équi- pement... »

Sous réserve de l'aspect moral de ces exportations, certains font valoir qu'elles attestent notre savoir-faire industriel et peu- vent ainsi entraîner les commandes civiles.

Peut-on élargir la question de l'influence de la production d'armement sur l'ensemble de l'économie nationale ? Quelques points peuvent être dégagés.

1) La dépense par habitant aurait été de 2 450 F en 1983.

2) L'industrie d'armement emploie 325 000 personnes (dont 75 000 dans les arsenaux, 70 000 dans le secteur nationalisé (S.N.I.A.S., S.N.E.C.M.A., Dassault-Bréguet, etc.), le reste (180 000) dans le secteur privé et probablement 700 000 (en aval ou en amont) dans les sous-traitances.

3) Des calculs ont été faits pour mesurer cet impact de façon globale. Ils ne sont qu'à demi convaincants. On estime qu'un supplément de 1 milliard de francs 1982 de dépenses mili- taires provoque une augmentation de 1,5 milliard pour les dépen- ses d'équipement et de 1,3 pour les dépenses de fonctionnement.

Tout impact a disparu dès la seconde année. Mais il faudrait savoir quel serait l'impact d'une dépense civile comparable...

On ne sache pas au surplus que l'économie du Japon ait souffert de son long refus de production d'armement... (Il change quelque peu aujourd'hui.)

4) Loin de tout calcul, le simple bon sens nous indique que la dépense consacrée à la production ou à l'achat d'armes aurait pu être employée pour une large part à la production ou à la

(16)

LE PROBLEME ECONOMIQUE DES ARMEMENTS 345

consommation civile. L'Affluent Society occidentale aurait été encore plus « affluent », sinon plus élevée. Et la vie ou la survie précaire des pays en développement aurait été mieux assurée...

5) Reste une dernière question.

Les dépenses d'armement ne sont-elles pas un stimulant pour la science et la technologie ? (On a vu l'importance des dépenses militaires de recherche-développement pour les Etats- Unis.) Sans doute. Mais à cet égard, 1T.F.R.I. (Institut français de relations internationales) notait dans un colloque sur le désar- mement (janvier 1981) que le progrès scientifique ne tend pas toujours à favoriser le désarmement, au contraire.

« Loin d'avoir favorisé l'arrêt de la course aux armements l'innovation scientifique et technologique s'est surtout traduite par l'élaboration d'armes toujours plus meurtrières et sophistiquées [...]. En outre l'innovation technologique a constamment gêné la tâche des négociateurs (sur le désarmement) [...]. Des accords conclus [...] ont été souvent compromis par l'évolution même de la technologie survenue entre-temps. D'où cette constatation des praticiens du désarmement : "La science va plus vite que le désar- mement."

Cette constatation pose un problème de fond : la science ne joue-t-elle qu'à une science unique, en faveur de Vaccroissement des armements ? Faut-il donc n'y voir que la "malédiction" du désarmement ? »

Les réponses à cette question au cours de ce colloque ont été nuancées. Certains ont rappelé le vœu formulé antérieurement (25) d'une sorte de serment d'Hippocrate par lequel les scientifiques s'interdiraient personnellement de participer aux travaux portant sur les armes atomiques. Mais, hélas ! que vaut aujourd'hui le serment d'Hippocrate ?...

A ce pessimisme, il est permis d'opposer cette étonnante pensée de Pasteur, écho rassurant au « mauvais rêve » d'Ernest Renan : « Un jour viendra où la guerre tuera la guerre, grâce au progrès scientifique permettant des dévastations si considéra- bles que tout conflit deviendra impossible. »

En douterait-on, qu'il ne resterait plus qu'à s'en remettre aux appels des autorités spirituelles — je songe entre autres au

(25) A la conférence Pugwash lors de son symposium à Kyoto en 1975.

I.F.R.I., la Science et le désarmement, 1981.

(17)

message de Jean-Paul II du 1e r janvier, à la veille de la nouvelle négociation de Genève. On rêve parfois à ce que pourrait être le bonheur du monde, si régnaient sur ses destins, à la place d'idéo- logies meurtrières, ceux que l'Evangile appelle des « artisans de paix ».

A N D R E PIETTRE de l'Institut

NOTRE AMI OLIVIER WORMSER

Nous venons d'apprendre la mort de notre ami, Olivier Wormser, gouverneur de la Banque de France et ambassadeur de France.

Engagé en juillet 1941 dans les Forces françaises libres, il a occupé d'importantes fonctions auprès du Comité français de libération nationale à Londres à partir de 1943.

Ambassadeur à Moscou, puis à Bonn, il avait été l'un des plus brillants artisans de la diplomatie gaulliste.

La Revue avait publié d'importants articles sur son ambassade à Moscou et les instructions qui lui avaient été données par le général de Gaulle pour accomplir sa mission.

Ce diplomate était un écrivain.

Sa disparition laissera un grand vide dans le monde économique, diplomatique et littéraire.

J E A N J A U D E L

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