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Financement public de la recherche clinique en France

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Academic year: 2022

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Financement public de la recherche clinique en France

Propositions du groupe d'experts inter-Instituts Thématiques Multi- Organismes de recherche Clinique d'Aviesan

Serge Adnot, ITMO Immunologie, Hématologie, Pneumologie Francis Berenbaum, ITMO Circulation, Métabolisme, Nutrition Christian Chabannon, ITMO Cancer

Jean- Marc Chalopin, ITMO Immunologie, Hématologie, Pneumologie

Geneviève Chêne, ITMO Microbiologie et Maladies Infectieuses Jacques Demotes,

ECRIN

Daniel Fagret, ITMO Technologies pour la Santé

Odile Launay,

Réseau National des Centres D'investigation Clinique

Marion Leboyer, ITMO NeuroSciences, Sciences Cognitives, Neurologie, Psychiatrie Stéphane Lehéricy, ITMO NeuroSciences, Sciences Cognitives, Neurologie, Psychiatrie

Vincent Lévy, ITMO Cancer

Claire Lévy-Marchal , ITMO Santé Publique Jean-Paul Moatti, ITMO Santé Publique

Richard Moreau

,

ITMO Circulation, Métabolisme, Nutrition

Olivier Rascol, Réseau National des Centres D'investigation Clinique

Pascal Roy,

ITMO Santé Publique

Eric Vicaut, ITMO Technologies pour la Santé

Yazdan Yazdanpanah,

ITMO Microbiologie et Maladies Infectieuses

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Les deux premières parties de cette note s’efforcent, dans les limites des données disponibles, de dresser un état actuel du financement public de la recherche clinique dans notre pays (les aspects de partenariat avec le secteur industriel privé ayant été couverts par ailleurs en particulier par les réflexions communes entre

l’Alliance pour la Recherche et l’Innovation des Industries de Santé –ARIIS- et AVIESAN). La troisième partie synthétise une série de 10 propositions pour faire évoluer la situation actuelle dans le sens d’une meilleure efficacité et de la simplification institutionnelle réclamée de façon convergente par l’ensemble des acteurs de la recherche publique.

INTRODUCTION

Le financement de la recherche clinique est une question délicate dans tous les pays. Il s’agit d’une activité dotée d’un impact fort et assez immédiat sur la santé et sur l’économie1-2. Cependant plusieurs facteurs font que le besoin d’un financement public et la nature de ce financement ne sont pas toujours bien compris par les décideurs. Les essais cliniques de médicament et de dispositif médical promus par l’industrie sont une activité importante qui, même si elle a eu tendance à décliner dans les dernières années3, peut être estimée à plus de €3Mds par an en France4. Cela peut parfois faire oublier que la recherche clinique académique coexiste, avec des objectifs différents, et avec un besoin de financement spécifique.

La recherche clinique est par ailleurs perçue comme une activité onéreuse. Elle est aussi perçue comme une recherche appliquée, moins gratifiée dans certaines instances scientifiques d’évaluation que les travaux fondamentaux qui font appel à des technologies plus pointues. Le problème majeur de la recherche clinique est d’être située à l’interface de multiples acteurs : entre l’hôpital, l’Université et les organismes publics de recherches (EPST), entre le monde du soin et celui de la recherche, entre industrie et académie, entre pilotage administratif et pilotage scientifique, entre financement ‘santé’ et financement ‘recherche’.

La recherche clinique se définit comme la recherche biomédicale effectuée à partir de données recueillies sur des participants humains, avec ou sans intervention (thérapeutique ou diagnostique). Elle correspond donc à un spectre extrêmement large d’activités, souvent intriquées car une étude donnée peut avoir plusieurs objectifs – par exemple un essai thérapeutique de médicament comportant aussi une recherche sur le mécanisme de la maladie. Il est toutefois nécessaire, pour analyser et proposer une clarification du rôle des différents acteurs de la recherche clinique en France, d’opérer certaines distinctions.

1 Johnston SC et al., Effect of a US National Institutes of Health programme of clinical trials on public health and costs. Lancet 2006, 367:1319-27.

2 Medical research: What’s it worth ? Wellcome Trust Report

www.wellcome.ac.uk/About-us/Publications/Reports/Biomedical-science/WTX052113.htm

3 Les chiffres de l’EMA montrent une diminution de l’ordre de 20% en cinq ans du nombre d’essais cliniques de médicaments en Europe, et indiquent que désormais 40% de ces essais ont un promoteur non-commercial. Ce chiffre était autour de 25% en 2006. Si l’on considère les études cliniques en général, la proportion est plus élevée car la quasi-totalité des études hors produits de santé est à promotion académique.

4 La recherche clinique représente environ 2/3 des dépenses R&D de l’industrie pharmaceutique, qui correspondent à 10-12% du chiffre d’affaires du secteur (>€50Mds par an). L’investissement du secteur du dispositif médical est moindre, mais devrait s’accroitre dans le nouveau contexte réglementaire.

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3 Une typologie des objectifs et composantes de la recherche clinique

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4 A – OBJECTIFS DE LA RECHERCHE CLINIQUE

La recherche clinique, telle que très largement définie ci-dessus, peut avoir 6 types d’objectifs, un projet particulier pouvant poursuivre simultanément plusieurs de ces objectifs :

1 la connaissance des déterminants de la maladie : recherche physiopathologique, étude de l’histoire naturelle de la maladie, identification de biomarqueurs diagnostiques, identification de potentielles cibles thérapeutiques. Les techniques sous-jacentes incluent la biologie, la génétique, l’imagerie, mais aussi l’épidémiologie lorsque l’étude porte par exemple sur l’identification de facteurs environnementaux en tant que déterminants de la maladie. Il s’agit d’une recherche visant à produire des connaissances, au même titre que l’étude de modèles cellulaires ou d’animaux transgéniques. Classiquement cette recherche d’amont est menée par les institutions académiques, mais les industriels s’intéressent de plus en plus précocement au mécanisme de la maladie afin d’identifier des cibles thérapeutiques potentielles fiables. Cette recherche génère avant tout de la connaissance, avec éventuellement un impact à distance sur la santé dès lors qu’elle débouche sur des innovations en matière de produits ou procédures de prévention, de diagnostic ou de traitement.

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la recherche translationnelle, incluant la preuve du concept clinique représente, une fois identifiée la cible thérapeutique potentielle, l’étape de découverte et d’optimisation du produit, puis son développement préclinique et les premières étapes du développement clinique5. Cette étape à forte attrition, volontiers comparée à la ‘vallée de la mort’, a pour objectif direct l’innovation. Il s’agit classiquement d’une activité industrielle. Cependant l’émergence d’une capacité de recherche translationnelle en milieu académique (dont la mise en place d’Instituts Hospitalo-Universitaires -IHUs- par grands domaines a constitué une avancée récente en France), ou en partenariat avec des PME de biotechnologie ou de dispositif médical, fait qu’un nombre substantiel d’études de preuve du concept clinique sont maintenant initiées par des investigateurs académiques – en particulier dans le domaine des biopharmaceutiques ou des biothérapies. Cette recherche génère des connaissances tout en participant directement au développement de produits innovants.

3 le développement clinique d’un nouveau produit de santé (phases I-II-III) jusqu’à l’accès au marché, relève dans la majorité des cas d’un promoteur industriel (grand groupe ou PME), avec toutefois une composante académique en particulier dans les biothérapies. Cette recherche profite donc avant tout au développement industriel, et à l’économie en promouvant l’innovation, et bien entendu aux patients.

4 l’exploration de nouvelles indications pour un produit déjà commercialisé (« repurposing trials »). Il s’agit typiquement d’études de phase II-III initiées par des investigateurs académiques (plus rarement par l’industrie, surtout quand il y a une incitation en termes d’extension du brevet, ce qui est le cas en pédiatrie), visant à établir de nouvelles indications pour des produits existants dans les maladies rares, le cancer, ou pour de nouvelles populations. Cette recherche profite donc aux patients, aux professionnels de santé, au système de santé, et à l’économie en améliorant l’état de santé de la population, et aussi potentiellement au fabricant du médicament.

5 Selon le Conseil Scientifique de l'Inserm, la recherche translationnelle concerne «l’échange, la synthèse et l’application éthique des connaissances – dans un système complexe d’interactions entre chercheurs et utilisateurs – pour accélérer la concrétisation des avantages de la recherche (…), à savoir une meilleure santé, de meilleurs produits et services de santé et un système de santé renforcé»

(http://www.rickhanseninstitute.org/fr/ce-que-nous-faisons/domaines-prioritaires/recherche- translationnelle/definition).

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5 5 l’optimisation des stratégies de prise en charge (comparaison de stratégies thérapeutiques faisant partie du soin courant, avec des produits déjà sur le marché ou des procédés établis par la pratique, ou comparaison de stratégies incluant diagnostic et prise en charge). Ces études sont essentiellement initiées par des investigateurs académiques. Leur objectif est de déterminer quelle est la meilleure stratégie de prise en charge en termes de sécurité, d’efficacité clinique et de rapport coût/efficacité. Cette recherche indépendante du fabricant, centrée non pas sur le produit mais sur le patient profite donc aux patients, aux professionnels de santé, aux autorités de santé (HAS, ANSM), au système de soin, et à l’économie en améliorant l’état de santé de la population et en optimisant l’allocation des ressources aux soins.

6 enfin les études portant sur la santé des populations ont pour objectif principal la surveillance de la maladie dans une perspective d’indentification des facteurs de risque et de prévention. Cette activité s’appuie sur les outils de l’épidémiologie, dont les cohortes de patients ou en population générale. Il convient de distinguer les grandes cohortes, instruments construits pour répondre à plusieurs questions dont certaines ne sont pas définies par avance, et qui soulèvent la question du volume et de la pérennité de leur financement, des cohortes (souvent de moindre taille) destinées à répondre à une question précise et à tester des hypothèses d’intervention. Cette activité de recherche à la fois clinique et épidémiologique profite essentiellement au système de santé, dans toutes ses composantes.

B – FINANCEMENT DE LA RECHERCHE CLINIQUE : ETAT DES LIEUX EN FRANCE L’exigence de qualité des données et de crédibilité des résultats s’impose à toute recherche biomédicale6-7, et requiert un niveau de financement suffisant pour garantir une méthodologie appropriée, des données fiables et une analyse dépourvue de biais.

Cette exigence est d’autant plus cruciale en recherche clinique que patients et volontaires prennent des risques personnels pour réaliser ces études, et que les résultats de la recherche ont un impact certain sur l’économie et la santé. En conséquence, le niveau de financement des projets et l’accès à une infrastructure professionnelle constituent deux questions cruciales en recherche clinique.

1 Financement de l’infrastructure et financement de projets 1.1 Infrastructure

En recherche clinique, le besoin d’équipement reste limité, mais la pérennité des structures de support est capitale pour maintenir le savoir-faire, s’appuyer sur l’expérience passée, et pour assurer la continuité dans le recueil et le traitement des données (un essai clinique dure plusieurs années). Un financement récurrent de l’infrastructure est donc nécessaire8, mais la part entre ce qui relève de l’infrastructure et

6 Begley CG, Ellis LM. Raise standards for preclinical cancer research. Nature 2012, 483 :531-533.

7 Prinz F, Schlange F, Asadullah K. Believe it or not: how much can we rely on published data on potential drug targets ? Nat Rev Drug Discov. 2011, 10:712.

8 En France l’infrastructure est constituée essentiellement de :

- support à l’investigation: centres d’investigation clinique ou centres de recherche clinique, personnel CeNGEPS, peu de réseaux thématiques. Ce support concerne aussi bien la recherche clinique académique que celle promue par l’industrie, car dans les deux cas l’investigation s’effectue au sein du système de soins.

- support à la méthodologie, au traitement de données et à la gestion de l’essai: cette mission, essentiellement portée dans les autres pays par les ‘clinical trial units’, qui sont des formations de recherche avec un pilotage scientifique et une évaluation compétitive, souvent thématisées, est principalement assurée par les promoteurs institutionnels en France, avec un pilotage plus administratif et une logique de proximité. Parfois le promoteur a mis en place des structures-relais (URC). Ce support à la gestion et à la méthodologie concerne quasi-exclusivement les études académiques, car les promoteurs industriels disposent de ce savoir-faire en interne ou par l’intermédiaire de sous-traitants (CRO).

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6 ce qui relève du projet varie considérablement d’un pays à l’autre. De plus le financement de l’infrastructure inclut dans certains pays l’accès aux services de soins eux-mêmes, qui apparaissent gratuits pour l’utilisateur (c’est le cas des projets acceptés, sur la base de l’excellence scientifique dans le portefeuille du NIHR-CRN anglais, qui supporte dans ce cas les coûts d’investigation).

1.2 Le financement par projet (non récurrent) est cependant le mécanisme le plus répandu, avec des volumes très différents d’un pays européen à l’autre (en Allemagne par exemple le BMBF consacre 30M€ par an aux essais cliniques), entre autres parce que le support des projets par l’infrastructure diffère, et selon qu’une partie variable de la masse salariale est ou non prise en compte (le projet finançant une part importante des coûts salariaux ou au contraire les seuls coûts marginaux). En Europe, on trouve volontiers des niveaux de financement de l’ordre de 1 à 2M€ par projet (AIFA en Italie, BMBF/DFG en Allemagne), ce qui est sensiblement plus élevé qu’en France. Le financement des essais cliniques par le 7e PCRD se situe en moyenne à 6M€ par essai. Le mode de calcul des coûts varie donc considérablement, le plus approprié à un suivi et une évaluation comparatives rigoureux étant sans doute celui proposé par le NIH américain qui comporte un coût fixe par patient inclus, plus des frais généraux ("overheads") de l’ordre de 30% destinés à financer l’infrastructure.

Les cohortes posent un problème particulier dans la mesure où elles nécessitent un suivi prolongé qui n’est habituellement pas possible avec les sources habituelles de financement par projet. Certains pays les financent comme des programmes, d’autres ont un appel d’offres spécifique permettant de couvrir un financement sur longue période (6 à 10 ans). A l’occasion des programmes dits TGIR (Très Grandes Infrastructures de Recherches) puis des Initiatives d’Excellence du « Grand Emprunt » la France a fait le choix de considérer les grandes cohortes comme de grands instruments de recherche, ouverts à la communauté des chercheurs qui peuvent bénéficier des données de la cohorte pour répondre à une question de recherche spécifique. Ainsi la colonne vertébrale de la cohorte peut être considérée comme une infrastructure de recherche, éligible à un financement pérenne, tandis que les projets connexes peuvent bénéficier d’un financement propre à l’occasion de différents appels à projets. Il faut cependant souligner que de nombreuses questions de recherche clinique nécessitent des suivis longitudinaux de longue durée et qu’à l’exception des grandes cohortes ayant bénéficié des financements TGIR et/ou grand emprunt, ces cohortes visant à tester des hypothèses spécifiques continuent de se heurter à une difficulté intrinsèque à assurer la pérennité de la collecte de données au cours du temps : un récent appel à projets de l’ITMO Santé Publique d’AVIESAN a ainsi fait apparaître de très importants besoins non couverts dans ce domaine (119 projets déposés à l’été 2012).

2 – Sources et mécanismes de financement

2.1 Financement de l’infrastructure de recherche clinique

La part prépondérante dans le financement de l’infrastructure est apportée via le budget des MERRI9 (santé / assurance maladie), qui alloue une somme récurrente Par comparaison avec ses voisins, la France dispose de financements récurrents assez conséquents concernant l’infrastructure de support à l’investigation (CIC, CRC, qui apparaissent très nombreux mais de faible dimension), mais aussi de financements récurrents importants pour les structures de promotion. Cela soulève la question de la défragmentation de l’infrastructure (investigation, méthodologie, promotion) sur un même site.

Ceci devrait également se traduire par des coûts de gestion plus faibles, au moins jusqu’à un certain seuil de services (par exemple au Danemark, les ‘Good Clinical Practice units’ proposent gratuitement 100h de monitorage pour chaque essai, et au-delà le facturent).

9 Les Missions d’Enseignement, de Recherche, de Référence et d’Innovation

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7 aux CIC (27 M€/an), aux CRC (14 M€/an), et aux structures de promotion (70 M€/an pour les DRCI et 15 M€/an pour les GIRCI). Les MERRI contribuent donc au financement de l’infrastructure supportant l’investigation, mais aussi à la gestion de la recherche clinique.

L’INSERM contribue pour une part plus modeste au financement des CIC, et à l’animation de leur réseau national (3 M€/an). L’Agence Nationale de Recherches sur le Sida et les Hépatites (ANRS) supporte elle aussi des centres de traitement de données, de méthodologie et de gestion (6 M€/an).

Le CeNGEPS est une structure partenariale entre secteur public et industrie, financée par des fonds initialement d’origine privée (10 M€/an) mais désormais issus du programme 204 de la LOLF, avec pour mission de renforcer les capacités d’investigation et de recrutement dans les essais industriels.

Les investissements d’avenir ont un impact sur la structuration de la recherche clinique au travers des IHU (250 M€) qui ont tous un volet recherche clinique, et des programmes F-CRIN (French Clinical Research Infrastructure Network) et Biobanques financés par l’AAP infrastructures biologie santé (18 et 16 M€

respectivement), qui vont permettre la création de plateformes distribuées de recherche clinique et de biobanques.

F-CRIN est la composante française d’ECRIN (European Clinical Research Infrastructure Network), infrastructure Européenne destinée à soutenir les essais multinationaux, financé en partie par le 7ePCRD (2 M€/an), en partie par les contributions des états membres (1,5 M€/an - en France ECRIN est financé par un budget issu du ministère de la recherche – 0,5 M€/an).

Enfin la contribution de l’Université est plus difficile à estimer compte tenu de la difficulté à identifier des activités relevant spécifiquement de la recherche clinique dans ses lignes budgétaires. L’Université, notamment mais pas exclusivement au travers de ses UFR médicales, contribue directement et significativement par la formation et par la masse salariale d’une partie de ses enseignants-chercheurs et autres personnels à la structuration de la recherche clinique en France.

2.2 Sources de financement public et partenarial des projets de recherche clinique

Les financements caritatifs (en particulier Ligue contre le Cancer (6 M€/an) et AFM/Généthon (env. 25 M€/an) interviennent selon leur stratégie propre, mais demeurent moins présents, en particulier en recherche clinique, en France que dans d’autres pays (le Wellcome Trust dépense chaque année un budget de l’ordre de grandeur de celui de l’INSERM). , Il existe donc quatre sources de financement public pour les projets de recherche clinique en France (en plus des sources Européennes ou internationales), qui correspondent (avec des proportions variables selon la source de financements) aux trois objectifs de : production de connaissance, innovation et transfert, et optimisation des soins et du système de santé.

2.2.1 Le plus important volet provient de financements qui relèvent du budget de la santé notamment issus de l’Assurance Maladie (mais aussi du programme 204 de la LOLF (DGS) en ce qui concerne l’ANSM):

le Programme Hospitalier de Recherche Clinique (PHRC : 90 M€/an) est la principale source de financement de la recherche clinique en France. Il a subi d’abord une segmentation entre PHRC national et régional, puis inter-régional (16M€), puis une segmentation thématique avec le PHRC cancer (géré par l’INCa, 16M€) et hors cancer (70M€). Historiquement le PHRC finance tout le spectre de la recherche clinique menée en milieu hospitalier (même si des priorités sont affichées chaque année), à l’exception de ce qui est couvert par l’ANRS (20 M€/an) (cf. infra).

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8 le programme de Soutien aux Traitements Innovants et Coûteux (STIC : 10 M€/an) a pour but l’évaluation indépendante du rapport coût/bénéfice de produits innovants récemment introduits sur le marché.

L’ANSM peut financer depuis 2012, sur appel à projets (6 M€/an), des études non interventionnelles indépendantes sur la sécurité du médicament.

En 2012, la DGOS a fait évoluer le champ de son Programme de Recherche en Qualité Hospitalière (PREQHOS) pour l’étendre à d’autres thématiques relevant plus généralement de la performance du système des soins. La performance des soins de santé est prise en compte dans toutes ses dimensions : qualité, accessibilité, efficience, équité. Ce nouveau programme de recherche, désormais dénommé Programme de Recherche sur la Performance du Système des Soins (PREPS), est censé s'inscrire en complémentarité avec les programmes de recherche relevant d'autres institutions, comme ceux de la Haute Autorité de Santé (HAS) et de la Caisse Nationale d'Assurance Maladie des Travailleurs Salariés (CNAMTS). Il a connu un indéniable succès (112 projets déposés) qui couvre aussi bien des aspects de recherche clinique que de recherche en sciences économiques, de gestion et sociales (ou une combinaison interdisciplinaire des deux). Il existe également un appel à projets DGOS en matière de recherche infirmière et paramédicale : PHRIP.

2.2.2. La deuxième source relevant du budget de la recherche est principalement portée par les financements issus du programme 172 de la LOLF (DGRI) et des investissements d’avenir :

L’ANR finance de la recherche clinique (25 M€/an), non pas tant des essais thérapeutiques (seulement la preuve du concept clinique dans le cadre de projets partenariaux financés par l’appel à projets Recherches Partenariales et Innovation Biomédicale (RPIB), mais un nombre non négligeable de projets comportant une composante clinique dans le domaine des technologies pour la santé (TecSan), des programmes thématiques ou blanc dans le domaine biologie santé (études sur le mécanisme de la maladie, identification de biomarqueurs, imagerie), ou au travers de l’AAP santé publique.

L’ANRS finance sur appel à projets la recherche clinique sur le SIDA et les hépatites (y compris hors de France) (20 M€/an).

Il est difficile de faire rentrer le financement des grandes cohortes (celles qui constituent un instrument de recherche capable de répondre à diverses questions pas nécessairement définies a priori) dans un schéma d’appel à projet décloisonné, du fait des montants et surtout de la durée des projets. Le programme cohortes-TGIR géré par l’IReSP (4M€ par an) a été conçu pour répondre à cette exigence, puis le programme ‘investissements d’avenir’ a permis de financer des grandes cohortes (68 M€ d’engagements sur 10 ans). La pérennité de ce programme devrait être assurée sur le long terme et, en fonction des évolutions scientifiques, la possibilité de compléter les grandes cohortes existantes par de nouveaux projets significatifs devra être ouverte. Etant donné leur coût élevé, il convient également de mieux coordonner avec les pays voisins le financement de grandes cohortes afin d’éviter la situation où deux pays financeraient en même temps deux cohortes similaires mais pas nécessairement interopérables. La collaboration internationale dès la planification de ces projets est donc indispensable, et il faudrait également mieux sensibiliser le programme- cadre de l’Union Européenne à ces questions.

2.2.3 Une part, encore limitée de financements, associe conjointement les budgets santé et recherche, en particulier pour promouvoir la recherche translationnelle, c'est- à-dire les « ponts » entre recherche fondamentale et applications cliniques (et vice versa) :

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9 L’INSERM co-finance, avec la DGOS du Ministère de la Santé, un appel à projets de ‘recherche clinique translationnelle’, seul programme « généraliste » spécifiquement dédié à la recherche translationnelle dans l’état actuel (3M€/an) L'INCA co-finance, avec la DGOS, des projets de ‘recherche clinique translationnelle’ à hauteur de 18 M€/an.

2.2.4 Enfin, la recherche clinique bénéficie de financements relevant directement de dispositifs visant à promouvoir l’innovation et le transfert principalement au travers de programmes partenariaux.

Ces financements sont dirigés vers le soutien à l’innovation dans le domaine de la santé – préventive (y compris vaccins), diagnostique et thérapeutique, en particulier vers l’innovation issue des PME de biotechnologie et de dispositif médical. Ils correspondent pour partie aux programmes Emergence ou partenariaux de l’ANR (RPIB et TecSan) susmentionnés, pilotés par des PME avec des partenaires académiques.

Il s’agit également des programmes partenariaux des pôles de compétitivité (FUI), associant équipes académiques et industrielles. L'aide publique est de 25 M€/an, mais essentiellement tournée vers des projets de recherche préclinique.

De même, Oseo soutient, au travers d’avances remboursables, le développement clinique des produits de santé issus des PME pour renforcer leur compétitivité, les projets concernés impliquant fréquemment des partenaires académiques.

INSERM Transfert, la filiale de l’INSERM en charge de la valorisation des innovations biomédicales issues des laboratoires de recherche de l’INSERM, accompagne les chercheurs dans le montage et la gestion de projets européens et internationaux, comme dans la gestion d'appels à projets institutionnels ou industriels, ce qui inclut des études pré-cliniques ou cliniques. INSERM Transfert gère notamment depuis 2009 une « enveloppe de maturation » de projets dont une partie est consacrée à la recherche translationnelle utilisant des échantillons biologiques humains provenant de patients ou de sujets sains pour valider un mécanisme d’action ou l’activité d’un agent pharmacologique (1,26M€ sur 2009- 2011) ; ainsi, les projets translationnels suivis par Inserm Transfert et sélectionnés dans le cadre de l’appel à projets ANR Emergence 2011 la maturation ont reçu un engagement de financement de 1, 08 M€.

Il faut également noter qu’un certain nombre d’essais cliniques à promotion académique sont financés (en partie ou en totalité) par le (ou les) fabricant(s) des produits testés, soit pour comparer des stratégies utilisant des traitements déjà sur le marché, soit pour explorer l’efficacité d’un produit dans une nouvelle indication.

2.2.4 Financements Européens et internationaux

L’union Européenne finance depuis longtemps, par l’intermédiaire de la priorité santé du programme-cadre, de la recherche clinique portant sur le mécanisme des maladies. Il est également habituel de voir le programme cadre financer des projets de développement ‘translationnel’ (ex vaccins, biothérapies) qui incluent, à la fin de l’étape translationnelle, une étape de preuve du concept clinique (phase I-II). La part des 6 Md€ du programme-cadre effectivement consacrée à la recherche clinique proprement dite demeure cependant faible.

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10 En dehors de ce cadre, jusqu’en 2010, seuls quelques essais cliniques avaient été financés par le 6e ou le 7ePCRD. Mais depuis 2011, le 7ePCRD inscrit régulièrement des appels à projets pour des ‘investigator-driven clinical trials’ ou de la ‘comparative effectiveness research’ sur des thématiques ciblées, avec 26 projets financés en 2011 pour un montant de 152M€ (moyenne 6M€ par essai). Il s’agit nécessairement d’essais multinationaux, indépendants du fabricant.

Les ERA-net du domaine santé financent également de la recherche sur le mécanisme de la maladie (Neuron, E-RARE, etc..), et aussi pour certains de la recherche translationnelle (TransCan). Le partenaire de ces projets pour la France est l’ANR (et pas le PHRC) ce qui rendrait délicat leur implication dans des essais thérapeutiques.

L’European and Developing Countries Clinical Trials Partnership finance des essais cliniques dans les pays du sud sur le SIDA, le paludisme et la tuberculose (20 M€/an).

L’Innovative Medicines Initiative (IMI) finance de la recherche partenariale entre secteurs public et privé pré-compétitive supportant le développement du médicament. La recherche clinique financée a essentiellement pour objectif l’identification et la validation de biomarqueurs prédictifs de la sécurité et de l’efficacité de médicaments. Cependant, pour la première fois en 2012, IMI finance des essais cliniques (en substance pour le développement clinique de nouveaux antibiotiques) avec un niveau de financement public conséquent (de plus de 90M€ prévus pour le projet ‘New Drugs for Bad Bugs’).

Enfin des financements internationaux sont également disponibles pour de la recherche clinique menée en France, qu’il s’agisse de pays Européens qui ne restreignent pas à leur territoire les financements nationaux (cas du Danemark,), ou des financements des NIH américains. Mais l’impact de ces financements en France reste en l’état anecdotique.

3. Financement de la recherche clinique : les évolutions nécessaires.

Le panorama des sources de financement qui vient d’être dressé fait d’une part apparaître la difficulté de consolider l’ensemble des données chiffrées afin de parvenir à une vision globale des efforts nationaux en faveur de la recherche clinique, d’autre part une série de constats qui pointent la nécessité d’améliorations et de modifications des dispositifs existants.

En particulier, ce panorama fait apparaître un certain nombre de redondances dans les champs couverts par les différentes sources de financement. Ainsi, les recherches sur le mécanisme de la maladie qui peuvent être aussi bien financées par l’ANR, par le PHRC (national ou inter-régional), ou par l’AAP Inserm/DGOS de recherche clinique translationnelle. Il en est de même pour l’AAP lancé en 2012 par l’ANSM qui duplique en partie le champ du PHRC.

Ce panorama fait également apparaître certaines discordances qui sont le produit de l’historique et de la complexité du système français mais qui conduisent à sous- dimensionner le soutien à des segments essentiels (recherche translationnelle, cohortes, grands essais multicentriques, transfert pour l’innovation) et à en sur- dimensionner d’autres ce qui, en pratique, revient à financer des projets insuffisamment compétitifs, tant au plan de la recherche internationale que des retombées nationales pour le système de soins et l’économie. Des évolutions s’avèrent

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11 donc indispensables, et le groupe d’experts inter-ITMOS d’AVIESAN a souhaité mettre en débat une série de propositions

3.1. Corriger les défauts de financement pour la recherche translationnelle et pour l’infrastructure des cohortes cliniques

Le défaut de financement le plus patent concerne le financement public pour les projets (précliniques, mais aussi en partie cliniques) de recherche translationnelle en France. Cette recherche constitue clairement une priorité scientifique internationale, comme l’illustre par exemple la récente création par les NIH américains d’un National Center for Advancing Translationnal Sciences (NCATS) doté d’un budget annuel de 575 millionsUS$10. Elle est un maillon clé de la chaîne de l’innovation biomédicale. Pourtant, en l’état actuel, la plupart des projets de recherche translationnelle ne « cadrent » pas avec les principales sources de financement : trop « aval » pour les appels à projets « blancs » de l’ANR, trop

« amont » pour le PHRC. Pourtant, les investissements d’avenir ont créé six IHU (ainsi que l’infrastructure Neuratris et un IRT) dont la mission centrale est précisément d’agir comme des infrastructures de recherche translationnelle, permettant à des projets issus du secteur académique de s’y dérouler pour développer de nouveaux produits de santé au sein du secteur public. Seul l’appel RPIB de l’ANR finance explicitement des projets translationnels, mais ils doivent être pilotés par une PME. Ceci a un impact sur le potentiel de valorisation et de transfert du secteur académique, y compris pour l’étape clinique finale qui consiste en la preuve du concept clinique. L’AAP Inserm/DGOS de recherche clinique translationnelle ne couvre pas les étapes à haut risque du développement préclinique, et son volume financier n’est pas à la hauteur des enjeux. Une démarche a été engagée au cours de l’année 2012 pour étendre l’AAP recherche clinique translationnelle, au-delà de la DGOS et de l’INSERM, d’une part à l’ensemble des partenaires d’AVIESAN, d’autre part à la programmation de l’ANR. Ceci devrait permettre une montée en puissance, les besoins estimés s’établissant au quadruplement des financements actuels pour atteindre 12M€/an en régime de croisière.

Comme mentionné ci-dessus, les avancées récentes pour assurer la pérennité de la collecte des données longitudinales pour de « grandes cohortes » n’ont pas résolu ce même problème pour les multiples recherches cliniques longitudinales indispensables pour répondre à de nombreuses questions permettant d’optimiser la prise en charge des principales pathologies. Il est indispensable de mettre en place un dispositif spécifique pour les cohortes cliniques, soit à travers un appel d’offres propre, soit à travers un fléchage inclus dans le PHRC.

3.2. Réduire la segmentation excessive des dispositifs

Le PHRC a débuté en 1992 comme un AAP national unique finançant la recherche clinique sur la base d’un projet. Il a joué un rôle précurseur car, à cette époque, le mode de financement public de la recherche clinique reposait avant tout sur la décision individuelle d’investigateurs d’y consacrer une part des dotations récurrentes d’unités de recherche relevant des universités ou des organismes. En Europe, il a aussi joué un rôle précurseur car le financement public de la recherche clinique était à cette époque peu répandu.

Cependant il a connu par la suite une segmentation qui peut sembler préjudiciable à l’excellence scientifique. En réduisant le champ de la compétition, de bons projets

10 Source: NIH Press Release – 3 May 2012

http://www.nih.gov/news/health/may2012/od-03.htm

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12 peuvent ne pas être retenus tandis que d’autres projets sont susceptibles d’être sélectionnés pour des raisons principalement liées à leur thématique ou à leur origine géographique.

Segmentation géographique

Le PHRC a été scindé à la fin des années 90 en un AAP national, en partie thématisé, et un PHRC régional, puis interrégional, souvent plus ouvert dans ses choix thématiques.

Cependant ces enveloppes inter-régionales sont fixées a priori, et tendent à multiplier les projets sous-financés. La sélection ne porte pas nécessairement sur les meilleurs projets à l’échelon français, ce qui n’incite pas les régions à attirer les meilleurs talents, et ne prépare pas non plus à entrer dans la compétition internationale.

La question de la segmentation régionale mérite une évaluation sur le long terme. Plutôt que de réduire la compétition à une région au risque de l’enkyster dans un environnement faiblement compétitif, il serait préférable d’utiliser ces moyens dans un AAP national, souple et évolutif dans le temps, pour promouvoir des projets émergents, et / ou apporter un soutien transitoire (3 ans) à des thématiques en émergence.

Segmentation thématique

Avec la création de l’INCa, le PHRC a été scindé en PHRC cancer et hors-cancer, avec les mêmes inconvénients que la segmentation géographique car ici aussi les montants des enveloppes respectives sont fixés a priori. De même, le PHRC ne couvre pas les domaines d’intervention de l’ANRS. Les STIC font l’objet d’un AAP distinct du PHRC, alors même que ces projets pourraient faire l’objet d’un seul et même AAP, avec par exemple un fléchage par la Haute Autorité de Santé (HAS) de thématiques qui nécessitent une évaluation comparative efficacité/ sécurité ou coût/bénéfice. Enfin l’ANSM vient de lancer son AAP, mais il eut également été possible d’allouer ce montant à un fléchage, au sein du PHRC, de projets concernant la sécurité du médicament.

Segmentation institutionnelle

Les premiers Centres d’Investigation Clinique (CIC) ont été créés en 1992. Ces centres apportaient des moyens nouveaux pour renforcer et promouvoir autour d’un projet scientifique animé par des investigateurs chercheurs et cliniciens les applications de la recherche d’amont au profit des malades. Il existe désormais un CIC dans la quasi- totalité des CHUs en France, qui relèvent de la double tutelle de la DGOS et de l’INSERM.

Quarante-et-un CIC sont organisés autour de 54 modules (qu’ils soient pluri- thématiques, ou spécialisés en biothérapies, innovations technologiques ou en épidémiologie clinique) et d’une dizaine de réseaux nationaux que nous envient bien des pays.

Leur activité embrasse l’ensemble du continuum de la recherche clinique et translationnelle, depuis ses interfaces avec la recherche fondamentale jusqu’à ses applications en Santé Publique. Les CIC agissent ainsi " à double sens", facilitant l’accès des cliniciens et des malades aux progrès de la recherche d’amont comme l’accès des chercheurs aux investigations chez l’homme sain ou malade.

Vingt-huit Centres de Recherche Clinique (CRC) ont été créés par un appel d'offre de la DGOS en 2011 s'adressant à tous les établissements de santé. Les CRC sont des outils définis comme purement dédiés à la réalisation de la recherche clinique, à l’acquisition de données, à l’aide aux inclusions et à la coordination logistique des moyens dédiés à l'investigation. Ils sont chargés d’assurer la mission spécifique d’appui à l’activité de recherche clinique au niveau local par leur rôle de plateforme institutionnelle d’aide à la recherche clinique, d’appui à l’inclusion et à la réalisation des essais et d’interface investigateur / patient ou volontaire sain. En pratique, leur mise en place contribue indubitablement à renforcer le maillage de l’infrastructure de recherche clinique sur

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13 l’ensemble du territoire national mais peut alimenter une complexification et une difficulté de coordination entre structures institutionnelles différentes.

Cette tendance à la segmentation est certainement favorisée par le fait que seule une minorité de dispositifs, correspondant à des montants de financement limités (comme l’AAP recherche clinique translationnelle DGOS/INSERM), relèvent d’une gouvernance conjointe entre la santé et la recherche.

La solution la plus radicale serait de constituer un appel à projet unique de recherche clinique, alimenté par la conjonction de toutes les sources de financement ‘recherche’, santé’ et ‘industrie et partenariats’. Le Swedish Research Council fonctionne de cette façon, recevant des fonds de différents ministères pour organiser un AAP unique. Sans aller jusque-là, il est indispensable de redéfinir les champs respectifs, d’assurer une meilleure complémentarité entre les dispositifs de financement (et c’est en ce sens que s’inscrivent les différentes propositions d’évolution contenues dans ce rapport) et à l’intérieur d’un même dispositif, de proposer des découpages qui garantissent la comparabilité de l’ensemble des projets relevant d’un même domaine.

3.3. Assurer la cohérence d’ensemble des programmes thématiques

Certains programmes sont thématiques par essence du fait qu’ils relèvent d’agences spécialisées sur des pathologies particulières (ANRS, INCA). Quant à eux, l’ANR comme le PHRC ont pour habitude d’associer programmes thématiques ou fléchage, volontiers en phase avec les plans nationaux santé, et des programmes blancs.

En pratique, le PHRC est assez ‘blanc’ tant sur le plan thématique que concernant les catégories de recherche soutenues (qui vont des études du mécanisme de la maladie aux biomarqueurs, aux essais randomisés, et aux études portant sur l’organisation des soins). En revanche d’autres programmes sont fortement thématisés ; c’est le cas par exemple de l’AAP ‘investigator-driven clinical trials’ du 7ePCRD.

S’il est parfaitement légitime de se donner les moyens de privilégier une thématique donnée du fait d’une crise sanitaire, d’une priorité de santé publique ou des nécessités de renforcer un domaine spécifique de recherche dans la compétition internationale, l’absence d’un pilotage cohérent, associant systématiquement santé et recherche, ne permet guère de faire évoluer les thématiques au cours du temps et de garantir que la thématisation ne conduit pas à déséquilibrer la dynamique d’ensemble de la recherche et de sous-dimensionner d’autres domaines importants.

3.4. Homogénéiser les modalités d’évaluation des projets

La pratique dans de nombreux pays (Allemagne, 7ePCRD, IMI, etc.) est d’effectuer une sélection à deux tours, avec une première évaluation sur la base d’un synopsis, puis une seconde sur la base du protocole complet. Ceci permet d’économiser beaucoup de ressources dans le processus de sélection.

Pour les essais cliniques, il est indispensable de disposer du protocole complet, au moins pour le second tour d’évaluation. Ceci signifie qu’il est difficile d’employer le même panel d’experts pour les essais cliniques et pour le reste des recherches biomédicales. Cependant il faut aussi réduire autant que possible la segmentation.

Une possibilité serait de faire un premier tour commun, puis un second tour avec un panel spécifique pour les projets cliniques.

Le standard international est enfin de recourir à un jury international et donc de demander une rédaction des projets en langue anglaise. Ceci a au passage l’avantage de préparer les équipes à déposer aux AAP du 7ePCRD.

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14 Comme mentionné ci-dessus, la séparation du soutien aux infrastructures en deux appels d’offres distincts (CIC/CRC) conduit à une multiplication des structures qui ne répond pas forcément, en pratique, à des différences fonctionnelles marquées.

Enfin la transparence de l’évaluation, avec la mise à disposition systématique d’un rapport d’évaluation explicitant les forces et les faiblesses du projet est nécessaire pour faire progresser les équipes.

3.5. Trouver le bon équilibre entre financement ‘intramural’ et ‘extramural’

Le PHRC a été créé à une époque où le modèle de financement essentiel en France correspondait à une modalité que l’on pourrait qualifier d’intramurale, c'est-à-dire dans laquelle chaque institution finance, via esseniellement des salaires, des équipements et de la dotation récurrente, ses propres équipes de recherche. En matière de recherche clinique, ce modèle essentiellement « intramural » pouvait réduire le nombre d’équipes prêtes à s’engager dans cette recherche en général, dans ses domaines les plus à risque et, comme la segmentation des dispositifs évoquée ci-dessus, réduisait le champ de la compétition inter-projets.

Depuis l’avènement de l’ANR (et l’accroissement du budget du PCRD qui distribue en France plus d’argent que l’ANR), la situation s’est modifiée, avec une insistance vers le financement sur projet (ce en quoi le PHRC était précurseur) mais aussi une culture de financement extramural : l’ANR finance les projets sélectionnés par ses jurys d’experts, indépendamment de la nature de l’institution qui soumet le projet (Université, Hôpital, INSERM, Pasteur, PME, etc…).

La recherche clinique se trouve de ce point de vue dans une situation particulièrement exacerbée d’asymétrie : le PHRC finance selon une logique intramurale les projets réalisés en milieu hospitalier puisque la nécessité d’un investigateur principal médecin hospitalier et d’une promotion hospitalière en sont la condition, tandis que les autres financeurs supportent les projets quelle que soit l’institution-hôte. Cette différence dans les conditions d’éligibilité des investigateurs porteurs des projets est l’une des raisons qui font que l’Université et les laboratoires de recherche (en particulier CNRS) ne comportant pas de cliniciens exerçant dans un service hospitalier, n’ont pas accès direct au PHRC.

Ces équipes restent dès lors peu impliquées dans la recherche clinique en France, à l’opposé de nombreux pays voisins où son expertise scientifique et méthodologique et sa dimension transdisciplinaire, par-delà le secteur médical, sont valorisées. Ce qui doit importer in fine pour le financeur est qu’il sélectionne, selon ses objectifs propres, les projets porteurs du meilleur retour sur investissement, indépendamment du site institutionnel où la recherche est effectuée et gérée. Là encore, une gouvernance conjointe santé/recherche des dispositifs ne pourrait que contribuer à un décloisonnement institutionnel porteur de gains en qualité et productivité scientifiques.

3.6 Se donner les moyens d’initier de grands essais internationaux

Les mêmes questions se posent pour les essais internationaux : lorsqu’il devient nécessaire, pour accéder aux patients et à l’expertise médicale, de réaliser une partie des recrutements dans des pays étrangers, mieux vaut couvrir les coûts de l’investigation à l’étranger que de financer en France un essai de faible puissance statistique, ou s’appuyant sur des centres d’investigation manquant d’expertise. Un certain nombre de pays financent ainsi le coût de l’investigation à l’étranger, qu’il s’agisse des NIH américains ou simplement du Danemark.

A cet égard, l'Europe s'est dotée d’un dispositif dédié à la recherche clinique inscrit sur la feuille de route des grandes infrastructures de recherche : European Clinical Research Infrastructures Network (ECRIN). Tout d'abord financé par les programmes cadre européens (6° puis 7)-, ECRIN va devenir une des premières ERIC (European Research

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15 Infrastructure Consortium) dont les membres fondateurs sont la France, l'Allemagne, l'Italie et l'Espagne. Entièrement dédiée à la recherche clinique, ECRIN est un réseau de 23 pays offrant des services distribués destinés à aider les promoteurs d'essais paneuropéens dans le montage et le déroulement de leurs études. F-CRIN en représente la composante française et a l'ambition d'aider les investigateurs et les promoteurs français à accroître la place des essais européens à portage français.

3.7. Permettre le financement de grands projets

Réduire le nombre de projets retenus et augmenter les montants alloués va aussi dans le sens d’un allègement du travail de sélection (les taux de succès au PHRC oscillent entre 30 et 45%, au-delà des 20 à 25% considérés en général comme gage de bonne sélectivité pour les projets retenus). Il serait souhaitable, pour des essais cliniques, de pouvoir allouer des montants allant de 1 à 5 millions, voire plus, pour permettre la réalisation de grands essais susceptibles d’avoir un fort impact non seulement en termes de publication, mais surtout sur le système de soins et sur la santé.

Pouvoir réaliser de grandes études signifie aussi que, le cas échéant, ces financements puissent être mobilisés pour couvrir les coûts de l’investigation hors de France (au moins en Europe). Les études initiées en France doivent aller au terme de leur recrutement et de leurs objectifs pour atteindre le meilleur niveau de puissance statistique.

Les grands projets ont indirectement une action structurante en permettant l’organisation de réseaux qui renforcent la capacité à mener ultérieurement des essais académiques ou industriels.

Enfin les systèmes d’évaluation de la recherche et des chercheurs doivent promouvoir la participation à de grands projets en valorisant l’obtention des financements nécessaires, et en prenant en compte tous les auteurs et acteurs de ces projets (par exemple la communauté de la physique des particules, habituée des grands projets, signe ses articles en ordre alphabétique, favorisant la collaboration plutôt que la compétition individuelle).

3.8. Renforcer l’usage de la recherche clinique comme instrument de support à la décision pour les autorités de santé

Les essais cliniques comparant des stratégies thérapeutiques dans le cadre de leur autorisation (ou hors des conditions d’autorisation), ainsi que les études de pharmaco-épidémiologie sont des instruments de recherche en appui des politiques de santé publique. Il importe donc que les autorités de santé puissent commanditer ce type d’étude ou intervenir pour établir des priorités dans les AAP correspondants. En Italie, l’AIFA (qui regroupe les missions de l’ANSM, de l’HAS et du CEPS) a pris l’initiative de financer des essais cliniques indépendants, dont un certain nombre correspondaient à des questions fléchées par l’AIFA elle-même.

En France l’HAS n’exploite pas la possibilité de commanditer, lorsque l’incertitude nécessite d’être levée, des essais cliniques comparant deux ou plusieurs stratégies thérapeutiques dans une affection donnée afin d’émettre des recommandations

‘fondées sur la preuve’. L’HAS devrait pouvoir flécher, dans un AAP commun, des questions qui ont impact sur ses recommandations, ou sur la décision de rembourser (ce qui est en partie la mission des STIC actuellement, mais mériterait d’être mieux canalisé par les autorités de santé).

Les autres acteurs du système de santé (patients, professionnels de santé) peuvent aussi être invités à intervenir dans le choix d’éventuelles priorités. Enfin la collaboration des agences avec leurs homologues internationaux serait aussi un moyen de gagner en puissance et en qualité de l’évidence, au bénéfice des patients et du système de santé français.

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16 3.9. Favoriser le décloisonnement et la simplification institutionnelles pour assurer une couverture des besoins de financement sans duplication ni défaut de financement.

La condition sine qua non des évolutions proposées ci-dessus est d’assurer une clarification institutionnelle des dispositifs existants afin d’assurer leur complémentarité et leur cohérence d’ensemble.

Une première avancée consisterait à garantir une gouvernance commune santé et recherche de tous les dispositifs et ceci quelle que soit l’origine des financements mobilisés.

Une deuxième avancée serait de supprimer les conditions institutionnelles d’éligibilité qui restreignent l’accès à certains dispositifs. En particulier, l’appartenance au secteur hospitalier et la promotion hospitalière ne devraient plus être une condition exclusive pour le dépôt comme investigateur principal aux appels à projets PHRC et PREPS.

Une troisième avancée consisterait à intégrer les financements en provenance des agences « thématiques » (ANRS, ANSM, INCA etc.) dans les appels à projets et appels d’offres généraux, quitte à laisser ces agences leur liberté de choix quant au soutien apporté aux projets sélectionnés et à les associer activement à la programmation de ces appels généraux dont une partie devra être thématisée en fonction des besoins.

Ces avancées générales permettraient d’aboutir à un paysage « simplifié » du soutien public à la recherche clinique dont les grands traits seraient alors les suivants :

Un appel d’offres unique et des modalités d’évaluation communes pour les infrastructures de recherches cliniques (CIC, CRC), la différenciation entre ces structures qui devraient à l’avenir avoir une même dénomination (CRIC par exemple) se faisant sur la base de leurs capacités modulaires à remplir une ou plusieurs fonctions (recherche translationnelle, grands essais multicentiques internationaux, essais cliniques, appui méthodologique).

Un appel à projets de recherche clinique translationnelle piloté par l’ANR, AVIESAN et la DGOS permettant une montée en puissance des financements consacrés à ce domaine.

Le maintien d’un dispositif spécifique pour les « grandes cohortes » avec possibilité d’étendre autant que nécessaire leur nombre par rapport au périmètre identifié par les Initiatives d’Excellence.

Un redécoupage des appels à projets PHRC, PREPS, STIC, et des différentes agences sanitaires de façon à assurer la comparabilité entre des types de projet relevant d’un même domaine et à mutualiser les différentes sources de financement des partenaires concernés. Ce redécoupage pourrait concerner les 4 domaines suivants :

- L’ensemble des recherches cliniques visant à comprendre les mécanismes de la maladie regroupant les études physiopathologiques, les études interventionnelles hors essais thérapeutiques sur l’homme, et les études épidémiologiques des déterminants de la maladie.

- Les essais cliniques proprement dits avec un budget combinant différentes sources. Ceci se justifie car les essais cliniques sont évalués sur la base de leur protocole, et il est difficile de les expertiser dans le même panel que des études de physiopathologie.

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17 - Les cohortes cliniques et autres études de suivi longitudinal visant à tester des hypothèses explicatives ou d’amélioration de la prise en charge thérapeutique (hors « grandes cohortes »).

- L’ensemble des recherches visant à optimiser le fonctionnement du système de soins et la diffusion des innovations diagnostiques et thérapeutiques (avec une attention particulière à l’ouverture aux sciences humaines, économiques et sociales ainsi qu’aux questions d’amélioration de la sécurité du patient).

-

3.10. Améliorer la présence de la recherche clinique française au plan européen La Commission européenne a présenté le 30 novembre 2011 un ensemble de mesures visant à promouvoir, entre 2014 et 2020, la recherche, l'innovation et la compétitivité en Europe, appelé « Horizon 2020 ». Une nouveauté importante est que "Horizon 2020"

rassemble pour la première fois tous les financements de l'UE en matière de recherche et d'innovation – en augmentation - , et regroupera dans un seul programme le programme-cadre de recherche (PCR), le volet "innovation" du programme-cadre pour la compétitivité et l'innovation des PME (CIP) et la contribution de l’Union Européenne à l’Institut européen d’innovation et de technologie (EIT).

La recherche clinique, comme d’ailleurs la recherche en santé publique, constitueront très certainement une des priorités mise en avant par les programmes de l’Union Européenne pour l’Horizon 2020 (2014-2020). Ainsi, l’ European Medical Research Councils (EMRC) qui coordonne l’ensemble des organismes de recherche de l’Union Européenne dans le cadre de l’European Science Foundation a-t-il récemment diffusé son rapport sur « le transfert de la recherche médicale vers la pratique clinique » qui consacre l’essentiel de ses recommandations « au renforcement d’une recherche clinique rigoureuse et de qualité capable de répondre aux attentes des patients, des professionnels de la santé et de la société, et dont les priorités devraient être guidées par les manques de connaissances et les incertitudes identifiées par des revues systématiques de la littérature scientifique sur les différents sujets »11.

L’ensemble des propositions ci-dessus soumises au débat des partenaires concernés par le groupe d’experts inter-ITMOs d’AVIESAN, visent notamment à mettre la recherche française dans une meilleure position pour se saisir des opportunités qui vont être offertes dans la période 2014-2020 par l’insistance croissante sur la recherche clinique dans les programmes européens.

11 EMRC, “Implementation of Medical Research in Clinical Practice” May 2011: www.esf.org/publications

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