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GÉOGRAPHIE DE LA DÉCOLONISATION

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GÉOGRAPHIE DE LA DÉCOLONISATION

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« L E G É O G R A P H E » Section dirigée par Pierre GEORGE

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GÉOGRAPHIE

DE LA

DÉCOLONISATION

par

HILDEBERT ISNARD

Professeur à l'Université de Nice

PRESSES U N I V E R S I T A I R E S DE F R A N C E 108, Boulevard Saint-Germain, Paris

1971

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DU MÊME AUTEUR

L'organisation de la propriété rurale dans la Mitidja (1851-1867). Consé- quences sur la vie des indigènes, Alger, Joyeux, 1949.

La vigne en Algérie. Etude géographique, Gap, Ophrys. T. Ι : 1951 ; t. 2 : 1954.

L'Algérie, Arthaud, 1954.

Madagascar, A. Colin, 1955 ; 2 éd. 1964.

L'Afrique tropicale et australe, Presses Universitaires de France, 1964 ; nouv. éd. 1967.

Le Maghreb, collection « Magellan », Presses Universitaires de France, 1966 ; 2e éd. 1971.

Dépôt légal. — 1 édition : 2 trimestre 1971

© 1971, Presses Universitaires de France Tous droits de traduction, de reproduction et d'adaptation

réservés pour tous pays

La loi du 11 mars 1957 n'autorisant, aux termes des alinéas 2 et 3 de l'ar- ticle 41, d'une part, que les « copies ou reproductions strictement réservées à l'usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective » et, d 'autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d'exemple et d'illustration, « toute repré- sentation ou reproduction intégrale, ou partielle, faite sans le consentement de l 'au- teur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite» (alinéa I de l 'article 40).

Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles 425 et suivants du Code Pénal.

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Il y a trente-six ans, une collection de géographie humaine pouvait consacrer un de ses volumes à une géographie de la colonisation. Aujourd'hui, il n'y a plus de colonies au sens juridique du terme : le moment parait donc venu de tenter

d'écrire une géographie de la décolonisation.

Depuis près de quatre siècles, la colonisation était à pied d'œuvre; partie de l'Europe occidentale, elle s'était étendue à la quasi-totalité de la planète qu'elle avait entrepris de façonner plus à son usage qu'à son image. Son long « processus de création destructive » y avait suscité une géographie ambiguë faite de paysages contradictoires, d'économies, d'hommes écar-

telés entre deux civilisations.

Il serait vain d'imaginer que la colonisation eût pu d'elle- même, avec le temps, réaliser l'intégration, l'assimilation des terres qu'elle avait soumises à son régime. Ce n'était pas sa finalité. Les treize colonies anglaises ne sont devenues les Etats-Unis d'Amérique d'aujourd'hui que grâce à la guerre d'Indépendance.

La colonisation met en place des structures qui engendrent la subordination : libérées, le plus souvent par la révolte, les colonies doivent inventer et appliquer une politique spéci- fique visant à la reconversion de l'héritage abandonné par leurs métropoles, en vue de le faire servir désormais à l'affir- mation de leur indépendance. Cette politique consiste en fait en un remodelage de toutes les structures surimposées à l'ancien I. Georges HARDY, Géographie et colonisation, Collection de géographie humaine, Paris, N.R.F., 2 éd., 1933.

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état de choses : elle aboutit à la création d'une nouvelle géo- graphie qui répond aux exigences d'une vie nationale authen- tique. C'est à cette condition que la décolonisation devient une réalité.

Pour entreprendre une telle étude, nous n'avions pas de précurseur qui eût facilité la tâche. Jusqu'ici, il s'est agi surtout d'analyser les mouvements d'idées, les luttes qui ont conduit à l'indépendance, les institutions politiques que les nouveaux Etats se sont données pour l'exercer. A ces Histoires de la décolonisation, nous avons voulu ajouter une Géographie de la décolonisation.

L'ouvrage que nous présentons dans cette collection destinée aux étudiants de l'enseignement supérieur, s'apparente donc à un essai avec tout ce que ce mot comporte d'approximations et d'insuffisances. Il ne veut être qu'une approche d'un problème qu'il est peut-être prématuré de vouloir aborder avant de disposer de la documentation nécessaire à une synthèse valable.

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PREMIÈRE PARTIE L ' E S P A C E

D E D É C O L O N I S A T I O N

Dans cette première partie, nous aurons à préciser l'étendue et la diversité de l'espace dans lequel ont pu s'exercer les processus de la décolonisation.

A priori, relèvent donc de notre étude les anciennes colonies parvenues à l'indépendance. Est-ce à dire que toutes peuvent être considérées comme décolonisées ? Certes non, et le géographe devra s'expliquer sur le sens précis qu'il donne au mot décolonisation : il lui appartient de proposer sa définition.

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L E D O M A I N E H I S T O R I Q U E D E L A C O L O N I S A T I O N

Pour beaucoup, la décolonisation suppose l'indépendance : cette condition est nécessaire sinon suffisante. Un pays décolonisé serait d'abord un Etat défini par un territoire propre à l'intérieur de ses frontières, doté d'un gouver- nement, d'un drapeau, d'un système de lois, d'une monnaie, d'une économie ; reconnu indépendant par les autres puis- sances, il peut être admis à siéger dans les grandes instances internationales.

LES TERRITOIRES NON INDÉPENDANTS

Cependant, il existe encore des territoires qui, bien que libérés du statut colonial, ne sont pas pour autant devenus indépendants : ils sont intégrés plus ou moins étroitement à un commonwealth ou à une métropole. Nous aurons à préciser leur place dans une géographie de la décolonisation.

Quels sont-ils ? Dans l'ancien Empire colonial français, la Réunion, la Martinique, la Guadeloupe, les « trois vieilles colonies sucrières et esclavagistes » et la Guyane sont devenues en 1946 des départements d'outre-mer dotés des institutions politiques, administratives et sociales de la métropole. Quant au Territoire des Afars et des Issas, l'archipel des Comores en Afrique ; à la Polynésie et la Mélanésie françaises, la Nouvelle-Calédonie dans l'océan Pacifique ; aux Terres australes dans l'océan Indien ; à l'archipel de Saint-Pierre-et-Miquelon dans l'océan Atlan- tique, ce sont des territoires d'outre-mer, partie intégrante

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de la République française, tout en jouissant de l'autonomie interne.

La politique du Président Salazar a transformé le vieil Empire colonial portugais en un « Portugal un, en deçà et au-delà des mers » : celui-ci groupe autour de la métropole, l'Angola, la Guinée, le Mozambique, São Tome et l'archipel du Cap-Vert.

Les Philippines qui ont reçu une indépendance nominale en 1946, Porto Rico, les îles Hawaï restent soumis à l'étroite tutelle des Etats-Unis d'Amérique.

Sans être exhaustive, cette énumération prouve que la très grande majorité des anciennes colonies sont aujourd'hui des Etats indépendants, certains de longue date ; d'autres depuis quelques années à peine.

Il y a entre eux une grande diversité qui tient tant à l'histoire qu'à la géographie.

LES ANCIENNES COLONIES D'AMÉRIQUE

L'ensemble du continent américain, de l'Alaska à la Patagonie, doit ses caractéristiques spécifiques à la coloni- sation européenne.

A l'époque de sa découverte, à la fin du XV siècle, il ne constituait pas, loin de là, une terre vacante et sans maître : il possédait son peuplement, son organisation politique et son économie que les conquérants s'acharnèrent à détruire.

Il ne nous appartient pas de retracer les péripéties de cette prise de possession du sol par les colons. Nous nous bornerons à rappeler les faits essentiels dont les consé- quences pèsent toujours sur les structures actuelles des Etats.

L'un des plus décisifs fut l'élimination quasi totale des populations autochtones. Au nord, les Indiens, groupés en clans semi-nomades, vivaient de chasse et de pêche : certains, comme les Iroquois, furent décimés dans la résistance qu'ils opposèrent aux Français partis de la côte. On sait

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aussi que la marche vers l'Ouest des colons américains, au XIX siècle, s'accompagna du massacre des Indiens et du parcage des survivants dans l'Oklahoma. En Amérique centrale, Arawaks et Caraïbes disparurent à peu près complètement des Antilles ; au Mexique, Hernando Cortès détruisit l'Empire aztèque qui s'était édifié sur les bases de la civilisation maya. Au Pérou, c'est l'Empire des Incas qui succombe sous les coups de François Pizarre.

A ces tueries organisées s'ajoutèrent les pertes provoquées par les nouvelles maladies importées et par les durs travaux dans les plantations. Fuyant le contact des colons, les populations indigènes de l'Amérique du Sud cherchèrent refuge dans les montagnes des Andes.

L'histoire de la colonisation européenne en Amérique fait apparaître une première opposition entre le Nord et le Sud. L'Amérique du Nord fut d'abord le domaine de la colonisation française dont les Anglais prirent rapidement le relais : pratiquement vidée de sa population indienne, elle est devenue, malgré une immigration d'origine diverse, une terre anglo-saxonne où ne subsiste plus qu'une minorité de langue française localisée dans le Québec.

Au sud des actuels Etats-Unis, l'Amérique a reçu ses premiers colons de la péninsule Ibérique : partagée par le traité de Tordesillas en 1494, entre l'Espagne et le Portugal, elle est restée profondément latine bien que la survivance d'une importante population indienne ait permis de nom- breux métissages.

Quant au Antilles, elles furent l'enjeu de toutes les colonisations européennes : Anglais, Français, Espagnols, Hollandais se les disputèrent une à une. Plus tard, les Américains entrèrent en lice.

Là ne s'arrête pas l'histoire du peuplement de l'Amérique par la colonisation. Mais désormais, la géographie a son mot à dire.

Le continent s'étire sur 18 000 km de latitude, des terres arctiques jusqu'aux abords du cercle polaire antarctique.

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C'est dire qu'il comprend au nord et au sud des régions comprises dans la zone tempérée, au centre une large bande appartenant à la zone intertropicale.

Poussés par l'esprit de lucre, les colons se ruèrent d'abord à la recherche des mines de métaux précieux. Mais dès le XVII siècle, c'est à l'agriculture qu'ils demandaient l'enrichissement : une agriculture susceptible de produire des récoltes demandées par les marchés européens : le sucre, le café, le coton, le tabac, toutes cultures tropicales. Le développement de cette agriculture coloniale s'effectua dans de grandes plantations exigeant l'intervention d'une abondante main-d'œuvre. Où la recruter ? Les immigrants européens étaient mal adaptés au climat ; les Indiens insuf- fisamment nombreux : on recourut à la traite des Noirs d'Afrique.

Du début du XVI au milieu du XIX siècle, ce fut un trafic ininterrompu à travers l'Atlantique, déversant dans les plaines du Mississippi, dans les îles antillaises, sur la côte du Brésil, des millions, près de cent millions a-t-on écrit, de Nègres.

L'entrée aussi massive d'hommes de couleur devait avoir des conséquences durables sur la géographie de la popu- lation : d'abord, un indescriptible métissage entre Blancs, Noirs, Indiens dans toute l'Amérique tropicale ; puis la constitution d'une société agricole stratifiée en classes hiérarchisées comprenant à la base un prolétariat en haillons d'esclaves, au sommet une aristocratie de planteurs déten- trice de la richesse et du pouvoir, désireuse de maintenir ses privilèges contre toute innovation.

Cette civilisation conservatrice de la plantation s'opposa longtemps, de toutes ses forces, à l'évolution économique vers l'industrialisation qui eût amené une restructuration de la société en faveur d'une bourgeoisie urbaine : ainsi s'explique, en partie au moins, le retard marqué de l'Amé- rique latine dans la voie de la décolonisation par le déve- loppement et la modernisation de son économie.

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Dans l'Amérique anglo-saxonne, les choses se passèrent autrement : les Noirs furent longtemps contenus dans le

« Vieux Sud ». Au nord du Tropique du Cancer, les régions tempérées reçurent une immigration croissante venue de tous les coins de l'Europe. Cependant, la main-d'œuvre manquait pour coloniser les vastes espaces quasiment vides qui s'étendaient derrière la façade atlantique : l'agriculture et l'élevage durent recourir à la mécanisation. La mise en valeur du sol fournit ainsi non seulement les incitations, mais aussi les surplus nécessaires à la naissance de l'indus- trie. Nous savons que les Etats-Unis et le Canada devaient continuer sur cette lancée.

Le développement de l'économie au nord du Tropique eut pour résultat de débloquer la masse des Noirs accumulés dans le Sud : ceux-ci se répandirent à travers l'Union ; ils s'urbanisèrent pour tenir les emplois inférieurs nécessaires à l'industrie. En même temps se propagèrent les préjugés raciaux nés du régime des plantations, mais aggravés du mépris qu'une société fondée sur le prestige de l'argent éprouve pour ses classes pauvres : né de la colonisation esclavagiste, le problème noir conserve toute sa virulence aux Etats-Unis.

Autre héritage de l'époque coloniale, l'état d'infériorité économique et sociale dans lequel se trouve la minorité canadienne d'origine française : passée en 1763 sous la domination anglaise, elle se replia dans un ruralisme conser- vateur tandis qu'autour d'elle, stimulée par l'exemple américain, les Canadiens anglo-saxons prenaient en main la direction des affaires.

Ainsi, à partir de la situation coloniale créée au XVI siècle, les processus économiques se déroulèrent différemment dans le nord et dans le sud de l'Amérique. L'Amérique latine, en grande partie tropicale, s'ankylosa longtemps dans son agriculture de plantations et l'extraction minière alors que l'Amérique anglo-saxonne, pionnière par nécessité, s'en- gageait délibérément dans la voie de l'entreprise innovatrice.

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Ce développement inégal engendra des disparités crois- santes, elles-mêmes génératrices de tensions. Dans l'Amé- rique anglo-saxonne d'abord : une des causes de la guerre de Sécession réside dans le conflit qui devait éclater entre les régions tropicales jalousement enfermées dans leur vie traditionnelle et les régions tempérées ouvertes au progrès.

Entre l'Amérique du Nord et l'Amérique du Sud ensuite : le Nord, devenu terre d'un capitalisme dynamique, fut amené à chercher un champ d'expansion dans le Sud attardé : celui-ci, mal dégagé de la colonisation ibérique, risquait alors de tomber sous un nouveau système de dépendance.

La quasi-totalité du continent américain est aujourd'hui composée d'Etats indépendants : il a été le premier à se libérer du régime colonial. Le signal fut donné par les treize colonies anglaises échelonnées en bordure de l'Atlan- tique : en 1783, c'était chose faite, les Etats-Unis naissaient du traité signé à Paris entre l'Angleterre et ses colons insurgés. Puis ce fut le tour de Saint-Domingue qu'une révolte déclenchée par Toussaint Louverture délivra du joug de la France en 1803 : la République d'Haïti fut la première nation noire à conquérir son indépendance.

La Révolution américaine fut un exemple pour le reste du continent. Cependant si l'indépendance des Etats-Unis résulta d'un mouvement populaire au sein d'une commu- nauté égalitaire, en Amérique latine, les Indiens, les Noirs, les Pauvres Blancs étaient trop résignés à leur sort pour prendre les armes. Ce furent les notables : bourgeois des villes et maîtres des plantations qui menèrent le combat contre les représentants des lointaines métropoles. A la puissance économique, ils voulaient ajouter l'autorité poli- tique. Les grands libérateurs, Francisco Miranda, Simon Bolivar, luttèrent pour instaurer le pouvoir de la classe privilégiée à laquelle ils appartenaient.

Leurs efforts aboutirent entre 1811 et 1824. L'Amérique

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latine coloniale était émiettée en vice-royaumes et en capi- taineries générales. Bolivar aurait voulu les réunir en une

« nation latino-américaine » : la Confédération de Grande Colombie s'écroula en 1830 ; la Petite Confédération des Etats-Unis d'Amérique centrale en 1839. L'Amérique latine se trouva ainsi morcelée en 17 Républiques de très inégale grandeur dont les frontières indécises seront la cause de conflits ultérieurs.

Les possessions anglaises de l'Amérique du Nord for- mèrent longtemps des colonies qui n'avaient en commun que l'allégeance à la Couronne : à partir de 1867, elles entrèrent dans une Fédération et constituèrent le Dominion du Canada. Celui-ci devait rapidement passer sous l'in- fluence de son puissant voisin.

Dans les Antilles, le dernier bastion espagnol, Cuba, tomba en 1898. L'Angleterre libéra la Jamaïque, Trinité et Tobago en 1962. La Martinique et la Guadeloupe devinrent en 1947 des départements français d'outre-mer.

A la multitude de colonies insulaires succédèrent dans les Caraïbes autant d'Etats indépendants.

Nous verrons que, bien qu'acquise depuis longtemps, l'indépendance ne signifie pas la décolonisation en Amérique plus qu'ailleurs.

LES ANCIENNES COLONIES D'AFRIQUE

Si la colonisation européenne se porta en Amérique jusqu'au XVIII siècle, c'est l'Afrique qui constitua son domaine au cours du XIX siècle : elle y prit des caracté- ristiques différentes.

Au XIX siècle, l'Europe occidentale est en plein dévelop- pement économique : l'industrialisation s'y poursuit sur un rythme croissant dans une ambiance de concurrence. Les capitalismes nationaux sont à la recherche de sources de matières premières et de débouchés nouveaux pour leur production et leur surplus monétaire.

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L'Amérique libérée amorce elle aussi la mise en valeur de ses richesses. Reste l'Afrique et l'Asie. L'Afrique toute proche présente des conditions favorables à la colonisation.

C'est le continent tropical par excellence, à l'exception de ses deux extrémités : nord et sud qui appartiennent à la zone tempérée. Outre d'immenses réserves de bois à usages variés, il offre de grandes possibilités aux cultures indus- trielles et aux cultures alimentaires demandées par l'essor urbain en Europe. Des ressources minières gisent sans doute dans ses formations géologiques : l'or et le diamant à coup sûr.

La conquête de ce nouvel Eldorado ne se heurterait pas à de fortes résistances : la traite des esclaves entreprise pour coloniser l'Amérique y a préparé le terrain en écrémant les éléments jeunes de la population : cette hémorragie a ruiné la démographie, désorganisé les constructions politiques, stoppé toute évolution. L'Afrique est alors dans un état de faiblesse qui la livre en proie facile aux appétits d'une colonisation armée de puissants moyens : elle va devenir un champ clos où s'affrontent la France et l'Angleterre ; les autres puissances se disputant les restes. Jusqu'au moment où les rivaux décident de partager l'Afrique en domaines réservés : ce fut l'œuvre de la Conférence de Berlin en 1884-1885. N'échappa au dépeçage que l'Ethiopie qui fut assez habile pour amorcer sa modernisation : l'occupation italienne en 1935 ne sera qu'un court intermède.

Ainsi, chacun se mit à coloniser les régions qui lui reve- naient. Dans l'ensemble, il ne fut pas question d'enraciner en Afrique un peuplement important. Les conditions géo- graphiques n'y étaient guère favorables : les nombreuses endémies tropicales mal étudiées n'étaient pas encore jugulées par la médecine. D'autre part, l'Europe, en régime de plein emploi, ne disposait guère de population dispo- nible : les contingents qui la quittaient redoutaient l'inconnu et préféraient l'Amérique où les attiraient des possibilités d'accueil depuis longtemps en place.

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Cependant une colonisation de peuplement put s'établir en plusieurs régions de l'Afrique. D'abord dans les régions tempérées du nord et du sud.

Le sud de l'Afrique pénètre dans une zone où règnent les caractéristiques de la géographie méditerranéenne : les Hollandais occupèrent Le Cap en 1652 et y installèrent une escale sur la route maritime des Indes. La petite colonie fut renforcée en 1685 par l'immigration des huguenots français chassés par la révocation de l'édit de Nantes. Un siècle plus tard, elle passa sous la domination anglaise : il en résulta un exode massif des colons vers le nord où ils fondèrent les Républiques du Transvaal et de l'Orange.

Les Anglais les y poursuivirent et les contraignirent à entrer dans le Commonwealth en 1902. Mais l'Afrique du Sud devait s'ériger en Etat indépendant sous le nom de République sud-africaine.

La prise de possession du sol n'alla pas sans conflits avec les autochtones : répression des révoltes zoulous, mesures d'extermination appliquées au Transvaal et surtout san- glantes guerres cafres qui aboutirent au massacre des popu- lations bantoues. La main-d'œuvre manquant pour l'agri- culture et l'extraction minière, on institua l'esclavage ; plus tard ce fut l'introduction de travailleurs asiatiques et l'immigration d'Indiens et de Malais. La colonisation se créa ainsi une armée du travail qui, à mesure qu'augmen- taient ses effectifs, risquait de mettre en cause la suprématie des Blancs : c'est pour l'assurer que fut imaginée et stricte- ment appliquée une doctrine de ségrégation raciale appelée apartheid.

La République sud-africaine est donc aujourd'hui un Etat indépendant où la minorité des descendants de colons maintient sous sa domination une majorité d'hommes de couleur.

L'Afrique du Nord faillit subir le même sort. De 1830 à 1912, la conquête l'incorpora au domaine colonial français.

Les colons affluèrent pour exploiter les ressources que recèle

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cet ensemble de terres méditerranéennes : ils mirent en place une admirable agriculture monétaire, comprenant des champs de céréales, des vignobles, des vergers, des primeurs.

Les prospections révélèrent l'existence de gisements de minerais, de pétrole et de gaz naturel. Les autochtones, dépouillés de leurs meilleures terres et en nombre croissant grâce au développement de l'économie et à l'application de mesures d'hygiène sociale, fournirent une abondante main-d'œuvre à bon marché.

Ancienne possession turque, l'Algérie manquait de tradi- tions politiques et nationales, elle fut érigée en colonie et reçut à ce titre une infrastructure d'administration, d'équi- pement et de mise en valeur qui la marqua profondément.

La métropole en poursuivit l'assimilation : celle-ci parut sur le point de se réaliser avec l'octroi du statut de l'Algérie en 1947, c'est-à-dire sept ans à peine avant le début de l'insurrection. En fait l'assimilation de deux communautés inégales dont les différences culturelles, sociales et écono- miques empêchaient la fusion était un leurre : elle camouflait la prédominance de la minorité coloniale. Il fallut des années de lutte impitoyable pour que la France l'admît et accordât l'indépendance à l'Algérie en 1962.

La Tunisie et le Maroc en tant que protectorats conser- vèrent un simulacre d'organisation politique traditionnelle : la colonisation y fut plus légère. Le retour à l'indépendance s'effectua sans grandes difficultés en 1956.

Plus à l'est, la Libye et l'Egypte constituent des façades méditerranéennes du désert saharien. En 1911, la Libye fut occupée par l'Italie ; elle recouvra son indépendance en 1951 ; mais son importance stratégique et la richesse de ses gisements pétroliers lui ont longtemps valu l'intérêt particulier que lui témoignèrent l'Angleterre et les Etats- Unis. Quant à l'Egypte, elle connaissait une longue histoire d'indépendance lorsque l'ouverture du canal de Suez en 1869 attira sur elle l'attention de l'Angleterre. Sur un prétexte qui se présenta en 1882, celle-ci occupa militaire-

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ment le pays et exerça la direction effective de l'adminis- tration et de l'économie : l'Egypte devint le fournisseur des industries cotonnières du Lancashire. En 1914, au statut d'occupation succéda le protectorat qui dura jusqu'à la proclamation de l'indépendance en 1922. Indépendance toute relative puisque l'armée anglaise restait dans le pays pour protéger le canal de Suez. C'est en 1954 seulement que l'indépendance devint effective avec le retrait des troupes étrangères.

La colonisation réussit à fixer un peuplement européen dans quelques régions montagneuses de l'Afrique tropicale au climat salubre. L'entreprise eut un succès durable en Rhodésie du Sud où elle se fonda sur les cultures d'expor- tation tandis que deux puissants trusts anglo-américains et sud-africains exploitaient les gisements de cuivre faisant partie du copperbelt katangais. Prenant appui sur la Répu- blique sud-africaine, les colons d'origine anglaise pratiquent une rigoureuse politique d'apartheid qui assoit leur pouvoir sur une majorité de Noirs : ils viennent de se séparer du Commonwealth et de la Couronne.

Tout le reste de l'Afrique tropicale, à l'exception des territoires portugais dont il a déjà été question, a été soumis au système de la colonisation d'exploitation : il s'agissait de réaliser les potentialités latentes du milieu naturel au profit des métropoles. L'entreprise exigeait de gros capitaux qui furent apportés par des particuliers et des sociétés : tout le capitalisme international participa aux investisse- ments par l'intermédiaire de puissants trusts.

La population noire procura la main-d'œuvre bon gré mal gré : en plusieurs régions, il fallut en effet l'y contraindre, non pas en rétablissant l'esclavage moins efficace désormais que le salariat, mais en la soumettant au régime du travail obligatoire.

L'exploitation coloniale se porta sur deux domaines privi- légiés : l'agriculture de plantation et l'extraction minière.

Cependant la majeure partie du paysanat africain restait

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confiné dans son économie de subsistance. Il fallait l'intro- duire dans le système colonial pour pouvoir mobiliser sa force de travail et en faire un consommateur. Diverses mesures furent appliquées : paiement de l'impôt par tête, institution du régime des cultures forcées imaginé par le Hollandais Johannes Van den Bosch dans les Indes orien- tales. Le commerce d'importation se développa donc avec la monétarisation croissante des masses africaines : il fut monopolisé par des sociétés d'import-export pratiquant le procédé de la traite à l'aide d'intermédiaires libanais, indiens ou chinois. Le fonctionnement de cette économie exigea la mise en place d'une infrastructure de la circulation.

Enfin, dernier élément constitutif du système : des villes nouvelles grandirent qui devinrent rapidement des pôles d'attraction pour toute une population libérée par la dégra- dation des genres de vie traditionnels.

Ainsi structurée, l'Afrique contribua au développement de l'économie des puissances coloniales ; de trois d'entre elles en particulier.

Depuis le XVII siècle, la France était installée sur la côte de l'Ouest africain. De cette base de départ, elle fit, dans la seconde moitié du XIX siècle, la conquête de vastes territoires que son administration découpa en colonies.

Née en 1902, la Fédération de l'Afrique occidentale fran- çaise groupera huit colonies dirigées de Dakar. Durant la même période, l'Empire s'accrut d'immenses régions taillées dans l'Afrique centrale : réunies en 1910 en une Fédération de l'Afrique équatoriale française, capitale Brazzaville, elles constituèrent quatre colonies. Enfin, en 1895, c'était au tour de Madagascar de subir la domination française.

Quand, en 1960, sonna l'heure de l'indépendance, les Fédérations se disloquèrent et quinze Etats nouveaux naquirent à l'existence.

C'est au lendemain de la Conférence de Berlin que l'An- gleterre se lança avec le plus de vigueur dans la conquête de territoires en Afrique tropicale : à l'ouest, elle établit son

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autorité en Nigeria, Gold Coast et Sierra Leone ; à l'est, en Ouganda, Kenya, Tanganyika et sultanat de Zanzibar ; au centre, l'équipée de Cecil Rhodes lui permit d'occuper les deux Rhodésies et le Nyasaland.

Elle y appliqua son système propre d'administration indirecte qui confiait aux autorités coutumières, l'exercice d'une certaine autonomie interne. Mais l'implantation d'une colonisation dans les hautes terres du Kenya devait provo- quer la révolte des Mau-Mau en 1955.

Cependant, le système anglais déclencha un acheminement rapide vers l'indépendance : en 1957, Gold Coast ou Ghana ouvrit la voie, suivirent le Tanganyika en 1961, l'Ou- ganda en 1962, le Kenya et Zanzibar en 1963, le Nyasaland ou Malawi en 1964, la Rhodésie du Nord ou Zambie en 1964.

La plupart d'entre eux entrèrent dans le Commonwealth.

Troisième grande puissance coloniale africaine : la Bel- gique. On sait comment naquit en 1885 l'Etat indépendant du Congo placé sous le règne du roi Léopold II : une vaste région de l'Afrique centrale allait être livrée aux entreprises des missions chrétiennes et du capitalisme international.

Celui-ci s'intéressait plus particulièrement à la province du Katanga qui contient un des plus riches bassins miniers du monde.

Le paternalisme colonial cachait mal les dissensions internes : celles-ci éclatèrent en 1960, dès l'indépendance acquise. Au Congo-Kinshasa, la décolonisation se révélera particulièrement difficile.

L'Afrique d'aujourd'hui est, à quelques exceptions près, un continent indépendant que se partagent 33 Etats d'impor- tance très différente.

LES ANCIENNES COLONIES D'ASIE ET DU PACIFIQUE Dans l'hémisphère oriental, la colonisation européenne s'était étendue à trois groupes de pays : le Proche-Orient, l'Asie du Sud-Est et l'Australasie.

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Au cours de la première guerre mondiale, la France et l'Angleterre intervinrent dans le Proche-Orient afin d'en chasser les Turcs. Elles conclurent un accord de partage qui établissait le mandat de l'une sur les Etats du Liban, de la Syrie, des Alaouites et du Djebel Druze et le mandat de l'autre sur la Palestine, la Transjordanie et l'Irak, tandis que deux royaumes étaient créés dans la péninsule arabique : l'Arabie séoudite et le Yémen.

Le mécontentement des peuples et les rivalités entre les deux puissances coloniales ouvrirent une ère de révoltes jusqu'en 1941. Profitant de l'effacement de la France, l'Angleterre réussit à l'éliminer : en 1945, le Liban et la Syrie devinrent des Etats indépendants. L'Angleterre s'était retirée de l'Irak depuis 1930 ; elle abandonna son mandat sur la Transjordanie qui prit en 1949 le nom de royaume Hachémite de Jordanie.

On eût pu croire le Proche-Orient définitivement libéré et maître de ses destinées. En fait, la colonisation y avait laissé des germes de graves difficultés : des oppositions entre Etats arabes ; des intrigues internationales relatives aux richesses pétrolières et surtout un foyer de guerre chaude avec la création en 1948 de l'Etat d'Israël sur des terres palestiniennes.

L'Asie du Sud-Est constitue un ensemble géographique bien défini. Sa position sur les routes maritimes vers l'Ex- trême-Orient lui a donné de bonne heure une importance stratégique et commerciale. Située dans la zone tropicale humide, elle est apte à toutes les riches cultures de plan- tation. Son sous-sol renferme des ressources minières variées.

Dès la plus haute Antiquité, des civilisations brillantes s'y développèrent : des Etats fortement organisés surent maîtriser les conditions naturelles et féconder le milieu par des aménagements. C'est là que prirent naissance les modes de production asiatiques qui permirent l'accumu- lation de très fortes densités humaines, l'essor de grandes

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1971. — Imprimerie des Presses Universitaires de France. — Vendôme (France)

ÉDIT. N° 31 625 IMPRIMÉ EN FRANCE IMP. N° 22 431

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