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LES JEUX DE LA FÊTE

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LES JEUX DE LA FÊTE

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Homme et société

n° 13

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ALBERT PIETTE

LES JEUX DE LA FÊTE

Rites et comportements festifs en Wallonie

Préface par Claude Rivière

PUBLICATIONS DE LA SORBONNE

1988

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Cet ouvrage a été publié avec le concours du Ministère de la Communauté Française de Belgique.

En couverture : dessin de Patrick ADRIAENS.

@ 1988. Publications de la Sorbonne, 14, rue Cujas, 75231 Paris.

Tous droits de reproduction, de traduction et d'adaptation réservés pour tous pays.

ISBN 2-85944-154-9 ISSN 0292-6679

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Préface

Ici on tire le coup d'envoi, là on tire les ficelles. Aux culbutes et moulinets des acteurs montois répondent les facéties et excentricités des masques stavelotains. La majorette du Premier Mai à Char 1eroi rêve d'une nuit de Trouilles de Nouilles à Binche. Là où la fête éclate, il y a du jeu : un jeu-divertissement qui crée l'embrouille dans le quotidien, un jeu régulé entre partenaires en compétition, un jeu de rôles dans le spectacle ludique, un jeu de dérapage contrôlé comme celui des Gilles qui oublient les cortèges programmés dans l'espace voisin des estaminets et demeures d'amis, un jeu de mains et de mots, un jeu d'amour et de hasard ; le commerçant ce jour-là peut,

tout en travaillant, se livrer à sa passion du jeu, c'est-à-dire de l'argent.

Et je n'indique qu'une partie des jeux de la fête. Albert Piette, lui, joue le grand jeu, dévoilant ses talents dans l'intervalle qu'il s'est donné pour écrire sur les fêtes de la Wallonie. Des folkloristes avaient certes fourni des matériaux en historiens du cru qu'ils sont souvent. Le sociologue comparatiste et interprète ne renie pas ses dettes, mais il devient à son tour créancier en offrant deux rendus pour un donné. Il sacrifie avec raison, dans la description ethnographique, aux normes de rigueur et de précision des traditionnistes. Il ne croit pas plus néanmoins aux traditions stagnantes qu'aux thèmes amplifiés p a r l'auteur du Rameau d'or sur le culte de la végétation et la magie de la fertilité. Non point qu'il nie les faits et la symbolique issus des pulsions biologiques de l'homme : se nourrir même abondamment, se reproduire ou du moins jouir de la bagatelle, mais il se refuse à généraliser indûment en hyperfocalisant sur la thématique de la fécondité humaine ou en prenant Binche et Mons pour des reliquaires du passé. Faut-il penser la fête survivance de traditions ? Certes dans l'esprit et quelquefois dans la forme, mais de traditions fort restaurées, pour la plupart assez récentes et qui se transforment au rythme des innovations populaires et des productions médiatiques.

Dépassant le pur compte rendu et l'interprétation réductionniste, A. Piette cumule les angles de vue et voyage parmi les topiques de l'analyse. Il a lu Roger Caillois. Il s'en inspire parcimonieusement, perçoit un recours au sacré sans règne du sacré, mais ne s'exerce pas à réciter à genoux les sourates : réactualisation du chaos primordial, résurgence de l'âge d'or, fulgurance remédiant à l'usure. C'est le travers des philoso- phes de cabinet instruits par l'érudition des ethnologues en chambre que de renvoyer au théâtre des mythes, comme si l'actuel s'expliquait par l'origine du monde, comme si le décryptage des fantaisies du bipède se faisait mieux à quatre pattes. Je ne dis pas que les idées d'un sacré de transgression ou de suspension du temps ne soient pas fécondes, mais il faut distinguer chez Caillois entre ces notions-là et sa poésie néo- évolutionniste de replongée de toute fête dans /' exaltation primitive, bien moins mystique et plus prosaïque qu'il ne la suppose. Si A. Piette tend à penser que tout se mélange : l'ancien et le nouveau, le profane et le sacré, il sait aussi que les divins

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offices ne chevauchent pas sur la kermesse et que la bière du tonneau ne se boit pas dans un calice.

Depuis Georges Bataille, on a reconnu dans la fête la part du don et de l'économie oblative dont la loi est d'échanger des pertes plutôt que de ne vouloir, comme dans l'économie capitaliste, perdre à aucun échange en tentant de maximiser les profits.

Est-ce à dire que les dépenses d'énergie soient des consommations inutiles ? Au vrai, la destruction somptuaire se produit sur fond de surplus social. Qui joue le Gille à Binche fait le beau, et faire le beau c'est parfois faire de la beauté qui nous manque.

Pour cela, il faut du symbolique et de l'imaginaire, chez nous comme ailleurs.

A ce propos, Jean Baudrillard fantasme lorsqu'il estime les primitifs voués à l'ordre symbolique et au schéma oblatif, comme s'il n'y avait qu'eux dans ce cas et comme si la Wallonie n'était pas aussi faite d'enthousiasme et de compétition, de risque et de goût du pouvoir dans les prêts à fonds perdus de la fête. A la signification des valeurs échangées s'ajoute comme élément du système festif, la manière de lancer des oranges à Binche, d'acquérir des crins à Mons, de recevoir des bourrades à Sta- velot, avec des surcroîts de plaisir et d'émotion. Les acteurs y gagnent qui de la joie, qui de l'amour, qui de la considération. Ils offrent aussi leur surplus de vie. Et je rejoindrais là Guy Nicolas quand celui-ci définit les rites du don, inclus dans la fête, comme un jeu d'affirmation des identités, même politiques, face à des menaces contemporaines de bouleversement d'une logique des relations.

Instruit p a r une pléiade de sociologues, A. Piette pondère leurs thèses et sollicite en outre les sémiologues, les épistémologues, les historiens, les linguistes. Il dit p a r exemple que la stylistique de la fête se caractérise p a r l'énumération d'images et de mots, la répétition de signes, l'amplification p a r le geste, le vêtement et le discours, la contradiction entre le prestigieux et le trivial, la discontinuité dans le sens linéaire du rite. Il tente de penser, c'est-à-dire d'ordonner intellectuellement le mélange de rite régulé, de jouissance ludique et de transgression bacchique, tout en distinguant la performance idéale et l'effectuation concrète. Pour quel résultat ? Pour le suivant, à mon sens.

Après examen critique d'une très large bibliographie et en menant l'observation participante d'un ethnographe de terrain à plusieurs reprises pour la même fête, A. Piette construit une problématique non seulement personnelle, mais aussi heuris- tique en vue d'appréhender de nombreux phénomènes festifs. Plusieurs chercheurs du laboratoire d'ethnologie de l'Université de Paris V ont déjà tiré profit de certains de ses cadres interprétatifs et je ne doute pas que la publication de cet ouvrage incitera de jeunes talents à se consacrer à des recherches sur des thèmes similaires. Je leur souhaite le même serré dans l'argumentation, la même cohérence des chapitres, la même concision descriptive, la même rigueur dans l'abstraction, et tout cela dans ce style agréable qui exprime avec habileté le mouvement fluide des fêtes wallonnes.

Si je disais qu'il s'agit d'une thèse de doctorat, une partie du grand public se méfierait en maudissant avant examen le jargon et l' hyperspécialisation. Eh bien, cher lecteur, tentez donc de butiner. Si vous n'y faites pas votre miel, vouez-moi aux gémonies ! Je ne dirai pas : je préfère être pendu. Qui aime la fête tient à la vie.

Et si je reconnais en A. Piette l'un de mes meilleurs doctorants, je ne risquerais de me tromper que si mes éminents collègues et amis, Jean Remy, professeur à Louvain- la-Neuve, inspirateur de tel schéma explicatif, et Philippe Laburthe-Tolra, professeur à la Sorbonne, africaniste, ritologue et romancier de renom, ne s'accordaient, comme le jour de la soutenance, à reconnaître la qualité de /' observation et l intelligence de

l'interprétation.

Les réponses aux questions critiques, notre auteur les possède, bien sûr. C est pourquoi je me permets de le titiller : ce qu'il estime relever de la secondarité dans le rite n'est-il pas primaire dans la perception, tandis que le rite idéal manque de

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visibilité ? Doit-on opposer si fort sur un jeu d'apparences le pitre-bouffon de Stavelot au Gille solennel de Binche ? Pour être moins voyante à Binche qu'à Stavelot, la logique du marketing y est-elle absente ? Le manger-ensemble d'Écaussines produit-il un effet particulier ? Tarasque et dragon ne renvoient-ils pas aux mêmes fantasmes ? Dans les fêtes de Namur, la resémantisation d'une certaine tradition ne saurait-elle être opposée à la désocialisation du premier mai à Charleroi ?

Secondaires, ces jeux de chicane, p a r rapport à l'axe principal de la thèse : l'intervalle festif ! L'image de l'intervalle permet en effet de situer la fête dans l'espace et dans l'horizon social qui l'enclot : espace blanc entre deux lignes de vie écrites en lettres de sueur et de sang, temps mort pour rire afin de mieux vivre les journées de travail, jeu de turbulence et de tapage entre les morosités d'une société bouffie d'ennui, trouée à coups de revolver dans l'hôpital blafard du quotidien. Nul n'ignore que la brèche sera colmatée, dans la forteresse des conventions, et que ce sont les mêmes acteurs qui y contribueront. Ils savent fictif le jeu de massacre. D'ailleurs ne jouent-ils pas plus à raccommoder le tissu de la vie sociale qu'à le détruire ? Et c'est en fonction de cette trame quotidienne que s'explique ici l'intervalle festif : intervalle dans la quotidienneté, surplus symbolique p a r rapport à la vie courante, facteur d'autorégulation c'est-à-dire compensatoire du terne ordinaire, jeu de réversi- bilité comme un moment sans conséquence dans la vie quotidienne en ce qu'il ne la perturbe pas radicalement.

Pour finir, je ne donnerai mes grilles méthodologiques que pour montrer comment chacun, avec les siennes, peut parvenir à des résultats analogues, et pour baliser des pistes utiles à la communication scientifique. Dans son aspect de ritualité, la fête

c'est :

• une séquence temporelle d'actions. La démarche descriptive consiste à découper ce qui se passe en phases et sous-unités correspondant à l'aménagement spécifique d'activités ou d'objets réels et symboliques. Un ensemble festif s'élabore à partir d'un programme d'actions successives (défilé, discours, cocktail,...) ou simultanées qui comportent des « festèmes » (salutations aux autorités, intervention de l'orphéon municipal, station au cabaret) et des motifs encore plus particuliers (ramon à Binche, revolver de saint Georges à Mons). Dans une certaine marge, la fête supporte quelque improvisation et dérapage limité dans le cadre de séquences

globalement codifiées ;

• une ordonnance des rôles. L'attention se porte alors sur la situation des participants, sur leur position et leur conduite stéréotypée. Le rôle théâtralisé d'un jour diffère souvent de celui assumé dans les situations familières et dans les hiérarchies habituelles. Et par rapport au spectacle du théâtre, celui de la fête joue sur une proxémique différente et plus variée. A la phase de distinction entre organisateurs, acteurs locaux et spectateurs étrangers succède souvent le moment du spectateur-acteur, homo ludens, qui s'investit comme partie prenante dans le tumulte, les jeux et les ripailles. Après le cortège, porteurs de dragon et Blanc- Moussis jettent aux orties leur carapace ;

un système de communications. Attentif aux communicateurs, A. Piette l'est

* encore plus particulièrement au message de la fête (politique ou mythique) qui lui semble compromis par le processus de communication (boissons, danse, musique, masque, cortège). L'articulation message-processus de communication s'opère de maintes façons : soit que le processus transforme le message de type mythique en un rituel folklorique d'amusement public, soit que la communication festive suive, comme lors du Premier Mai, le message à l'endroit du monde ouvrier, soit que la communication, comme résidu d'un scénario rituel, devienne le message principal de la fête comme à Binche, soit que la communication se maintienne mais p a r dédoublement du message mythique de la fête à Mons. Le contexte paradoxal est

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cette oscillation entre le sérieux et le ludique, entre le vrai et le faux combat, entre la scène et la coulisse, entre l'engagement et le repli, entre la discipline sécurisante et le risque de l'outrance ;

• une structure téléologique de valeurs. Dans un langage allusif s'expriment les choix primordiaux d'un groupe. Verbalement peuvent être énoncées, le Premier Mai par exemple, des aspirations à réaliser, et comportalement sont traduites des habi- tudes éthiques et des préférences collectives, au point que l'on peut lire dans Les jeux de la fête la personnalité de base du Wallon et ses structures idéologiques qui servent de modèle commémoratif, tel le cortège au cimetière de Namur, ou de mo- dèle projectif, tel le projet de noces exprimé à Écaussines. La résonance affective liée à la participation, à l'émotion, à la mémoire des acteurs et spectateurs joue considérablement dans la valorisation de la fête et de ses messages ;

• un ensemble de moyens symboliques ordonnés aux fins à réaliser. Des lieux para- sacralisés tels l'hôtel de ville ou la route du péket, des moments définis dans le calendrier (carnaval, tel dimanche,...), des objets significatifs (masque, ramon, dragon,...), des attitudes verbales et comportementales (marche, slogan, jeu de la corde, course de patins à roulettes,...) sont autant de métaphores catalysant l'imagination et à visée intégratrice.

Invités à la lecture, nous le sommes aussi au tourisme, pour nous insérer, cœur compris, dans ces panoramas festifs. Ni Louvain, ni la Sorbonne, où A. Piette, sorti du berceau de Namur, s'est limé l'esprit, n'ont à rougir d'avoir produit ce brillant inter- prète et orchestrateur de fêtes wallonnes.

Claude RIVIÈRE,

Professeur à la Sorbonne - Paris V.

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Introduction

Multiples dans leur expression empirique, les fêtes semblent bien participer à un monde mouvant et ambivalent qui laisse place à des réalités fluides réunissant en elles-mêmes des aspects contraires ou contradictoires. Que l'on regarde la Danse des Paysans de Bruegel ou La kermesse de Rubens : le tournoiement des couples dansant, le bariolage des couleurs et l'enchevêtrement des formes selon le rythme musical produisent cet effet d'ondoiement caractéristique de la festivité. Mêlant scène et coulisses, la fête rassemble, à côté d'une ronde de couples dansant et s'embrassant, tout aussi bien, selon des degrés différents de participation, le mioche à la mamelle, l'enfant égaré parmi les regards expectatifs, le jeune homme avide de sa compagne ou le vieillard ivrogne. C'est une telle complexité comportementale, exprimée par l'allégresse picturale des courbes voluptueuses, qui va nous interroger tout au long de ces pages.

Pour contourner la complexité réelle d'un tel mouvement, les tentations sociolo- giques ou ethnologiques sont nombreuses, impliquant plus une approche latérale du phénomène qu'une appréhension de sa dynamique interne dans un cadre spécifique : elles vont de l'hyperdescriptif ethnographique devant l'étrangeté des coutumes ritu- elles ou vestimentaires aux illusions de certaines interprétations symboliques en passant par les théories fonctionnalistes ou les discours nostalgiques idéalisant la fête archaïque. En fait, ce mouvement festif, de même qu'il est impliqué dans l'œuvre d'art par des contraintes picturales, est déterminé dans la réalité sociale par des règles rituelles, symboliques, comportementales, sociologiques... Afin de répondre à la question : « Que se passe-t-il dans une fête ? », c'est cette structuration formelle qu'il convient d'étudier.

Par la sélection qu'impliquait nécessairement l'hétérogénéité empirique des rituels festifs, nous avons retenu, plutôt que les fêtes strictement religieuses, les seules fêtes séculières ; et parmi celles-ci ni les « mini-fêtes »1 comme le bal du samedi soir, le gâteau d'anniversaire ou le concert « rock », nées du développement des loisirs et de l'extension de la communication de masse, ni les fêtes radicalement politiques telles les « liturgies »2 des pays de l'Est faisant de la politique une religion, mais bien les fêtes que d'aucuns qualifieront de « populaires ». Typées idéalement dans les peintures de Bruegel ou Rubens, elles rassemblent annuellement une collectivité ou un groupe spécifique, soit en maintenant une résonance politique comme la fête du Travail,

1 DUMAZEDIER J., Aujourd'hui, à chacun sa mini-fête, Autrement, n° 7, 1976, p. 82.

2 MOULIN L., Les socialisations, Gembloux, Duculot, 1975, p. 137 et RIVIERE C., Les liturgies politiques, Paris, P.U.F., 1987.

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soit, au-delà de toute dimension politique, en prolongeant une tradition locale, comme les carnavals ou les ducasses3.

A. PRÉFIGURATION DE L'OBJET SOCIAL « FÊTE »

En supposant que nous nous accordions pour dire du phénomène analysé « C'est une fête », celle-ci peut alors être associée à un cadre spécifique qui définit les principes d'organisation de ses différents éléments et leur donne sens4. Mais, d'abord, comment préciser la nature même de ce cadre ?

1. L e s c o n t e x t e s i n t e r s t i t i e l s

Il est parfois des notions très anciennes dans l'histoire d'une science et bien ancrées dans son vocabulaire, mais dont l'origine reste floue et la fécondité heuristique pas toujours exploitée : ainsi les notions de « période de marge » ou de « rites liminaires » constitutifs de la phase intermédiaire des « rites de passage », telles qu'elles furent développées par A. Van Gennep, au début du siècle5. Entre la phase de

« séparation » marquant le détachement d'un individu ou d'un groupe par rapport à un état déterminé dans la structure sociale et la phase d'agrégation indiquant la réintégration des intéressés dans une nouvelle position sociale ou culturelle, le stade liminal constitue une période ambivalente, en marge des normes et classifications quotidiennes. C'est ainsi que les « candidats » vivent cette période de transition dans une sorte de neutralité, ayant perdu toute réalité sociale, retirés dans une forêt ou sur une montagne, dépouillés de leurs vêtements, parfois peints en blanc ou barbouillés de terre. Désignés par un terme générique (les « néophytes », les « initiés »), ils sont aussi associés à une certaine ambivalence symbolique : ni vivants, ni morts, mais tout à la fois vivants et morts, ils peuvent être obligés de prendre la position immobile du mort et être traités comme des embryons ou nouveau-nés. Un tel processus s'organise d'ailleurs autour des mêmes symboles : la hutte ou le passage souterrain rappelle tout autant la tombe que le vagin, la nudité est caractéristique du nouveau-né comme du corps préparé à l'inhumation, le symbolisme lunaire est associé à la croissance et à la décroissance de la lune... Dans ses analyses sur les Ndembu de Zambie, V. Turner, insistant sur cette période liminale des néophytes, a décrit leur passivité et malléabilité face à leurs maîtres grâce auxquels ils seront « façonnés » pour une nouvelle vie. Réduits dans l'esprit de la communitas à une condition égale, ils sont mis en présence de représentations disproportionnées, grotesques ou incongrues de

3 Si ce terme désigne originellement la fête patronale, il signifie aujourd'hui toute fête publique associée à une localité.

4 Cette utilisation de la notion de « cadre » doit etre rapproch6e de la definition goffmanienne du meme terme : « I assume that definitions of a situation are built up in accordance with principles of organization which govern events - at least social ones - and our subjective involvement in them : frame is the word I use to refer to such of these basic elements as I am able to identify. Cf.

GOFFMAN E., Frame Analysis. An Essay on the Organization for Experience, New York, Harper and Row, 1974, pp. 10-11.

5 VAN GENNEP A., Les rites de passage, Paris, Librairie E. Nourry, 1909, p. 14.

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données naturelles ou culturelles, pour aviver leur prise de conscience du monde qui les entoure6.

On sait qu'A. Van Gennep avait envisagé la possibilité d'une autonomisation de cette période de marge, désormais indépendante des stades de séparation et d'agré- gation et pouvant se structurer selon ses propres séquences rituelles7. V. Turner a réutilisé cette idée dans de plus vastes perspectives intégrant comme interstitiels les phénomènes ou types en extériorité par rapport au système social (tels les mouve- ments millénaristes, chamans, moines, criminels...) ou en état d'infériorité structurale (comme les pauvres, mendiants ou travailleurs infrasalariés...)8.

Sans aucune référence explicite à de telles interprétations, les comportements interstitiels constituent un des centres d'intérêt d'une lecture sociologique de la quotidienneté. Ainsi, M. Maffesoli parle d'un temps « second », poétique et érotique,

« autour duquel s'organise la perdurance de la socialité »9. Dans ce processus qu'il appelle « centralité souterraine », il évoque l'aspect radical d'une certaine violence comme dans la débauche ou l'orgie (mais ne faudrait-il pas revoir l'impact paroxys- tique de ces situations, à travers la perspective esquissée ci-dessus ?) et la forme plus clandestine de la ruse et de la duplicité quotidienne. Dans la même perspective, M. de Certeau insiste aussi sur « les mille manières de braconner » que s'invente le quotidien dans sa réappropriation des diverses contraintes imposées par l'ordre dominant, par exemple dans les pratiques consommatrices10. Les « sanctuaires » que P. Lucas a découverts dans la vie quotidienne des mineurs se situent pareillement dans un « no man's land », dans des lieux qui n'en sont pas, entre le privé et le public, dans les vestiaires, les douches ou le temps du casse-croûtell. Quant à P. Sansot12 et J. Remy13, c'est par la notion de « secondarité » qu'ils abordent l'étude de l'espace interstitiel ne prenant sens que par rapport à l'espace primaire « vis-à-vis duquel il est une possibilité d'écart, de mise à distance, une possibilité de faire et d'être autre chose et de multiples choses »14 : il en est ainsi de la résidence secondaire à la ville d'eau en passant par les brasseries publiques ou les cercles privés.

De la partouze hebdomadaire à la réclusion des « néophytes », les pratiques interstitielles supposent des traits différentiels qu'il importe de repérer à partir d'une base typologique. Réservant la notion d'interstice à l'ensemble des pratiques situées

« entre les deux », nous ne ferons que distinguer la spécificité liminale ou non-liminale de certains phénomènes selon qu'ils constituent ou non un intervalle associé à un processus de transformation irréversible : ainsi, la phase liminale des rites de passage,

TURNER V., The Forest of Symbols. Aspects of Ndembu Ritual, Ithaca, Cornell University Press, 1967, pp. 93-111. II s'agit du chapitre IV intitule : Betwixt and Between : The Liminal Period in

« Rites de Passages ».

7 VAN GENNEP A., op. cit., pp. 14-15.

Q TURNER V., Dramas, Fields and Metaphors, Ithaca-London, Cornell University Press, 1974, pp. 232-234. Cf. aussi TURNER V., The Ritual Process, London, Routledge and Kegan Paul,

1969, passim.

9 MAFESOLI M., L'ombre de Dionysos. Contribution à une sociologie de l'orgie, 2e éd., Paris, Librairie des Méridiens, 1985, p. 49 et La conquête du présent. Pour une sociologie de vie quotidienne, Paris, P.U.F., 1979.

10 de CERTEAU M., L'invention du quotidien, Paris, Union Générale d'Éditions, 1980, pp. 11-13.

11 LUCAS P., La religion de la vie quotidienne, Paris, P.U.F., 1981.

12 SANSOT P., STROHL H., TORGUE H., VERDILLON C., L'espace et son double. De la rési- dence secondaire aux autres formes secondaires de la vie sociale, Paris, Éds du Champ urbain,

1978.

13 REMY J., VOYE L., Ville, ordre et violence, Paris, P.U.F., 1981, pp. 71-79.

14 Ibidem, p. 71.

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la période révolutionnaire ou la maison de jeunes par rapport à la résidence secondaire ou à la garçonnière.

Au-delà des diversités rituelles et symboliques, l'espace-temps interstitiel implique un double processus : non seulement le transfert d'éléments et relations caractéristiques de la vie quotidienne, transformés et manipulés de diverses façons dans un autre contexte mais, en même temps, le cadrage spécifique de ce nouveau contexte sous-tendu par des règles tout aussi spécifiques d'interprétation et d'organi- sation. C'est un des points essentiels étudiés par G. Bateson à partir de ses observations de loutres jouant à se disputer, c'est-à-dire engagées dans un type d'interaction dont les unités d'actions sont analogues, sans être identiques, à celles déployées dans un contexte de réelle agressivité. Le jeu constitue, selon G. Bateson, une classe de comportements définis par une négation (ce n'est pas un vrai combat) mais non pour autant équivalents aux comportements niés par cette négation (ce n'est pas non plus un non-combat). L'anthropologue américain, considérant que chaque classe de comportements est séparée des autres par une zone de limbe (limbo-zone), insère l'interaction ludique dans celle-ci. On peut y aller jusqu'à l'extrême limite d'un comportement sans entrer dans la classe suivante et sans risquer les conséquences inhérentes à celle-ci. Le jeu des loutres est ainsi classé entre les comportements agressifs et les comportements non-agressifs : entre les deux, il peut s'approcher du comportement agressif sans courir les risques de celui-cil5.

Quatre caractéristiques communes peuvent ainsi être attribuées aux espaces- temps interstitiels interprétés comme décontextualisation par rapport à la routine quotidienne :

• la position médiane des comportements interstitiels situés entre deux classes de comportements. De même que les pratiques des adolescents dans les clubs de jeunes ou autres espaces privilégiés se démarquent des comportements de totale dépendance vis-à-vis des autorités parentales, sans toutefois atteindre l'auto- nomie « idéale », psychologique ou matérielle, des adultes16, les pratiques spéci- fiques des résidences secondaires modifient les modalités quotidiennes d'habiter mais sont loin de faire surgir une réappropriation radicalement différente des rôles habituelsl7. Définissables par une négation (ce ne sont pas des comportements quotidiens), ils ne sont pas pour autant équivalents aux comportements niés par cette négation (ce ne sont pas non plus des comportements non-quotidiens). Selon la perspective adoptée, on voit que les zones liminales se situent entre deux types de comportements différents sous le mode transformé (les comportements adolescents entre ceux de l'enfant dépendant et de l'adulte) alors que les zones non-liminales séparent deux types de comportements différents sous le mode antithétique (les comportements de la maison de campagne entre ceux du domicile officiel, avec les rôles qu'ils impliquent, et leur expression antithétique).

• l'ambivalence comportementale résultant directement de cette position médiane.

Alors que la résidence secondaire est ainsi associée aux stéréotypes du loisir, de la nature et de l'amitié, elle suscite aussi l'ennui, l'énervement et la monotoniel8.

Située entre la vie d'écolier et la vie professionnelle, participant de l'insouciance de

15 BATESON G., The Message « This is Play >>, in SCHAFFNER B., (ed.), Group Processes : Transaction of the Second Conference, New York, Josiah Macy Jr Foundation, 1956, p. 194. Cf.

aussi BATESON G., Vers une ecologie de 1'esprit, I, traduit de l'américain par F. DROSSO, L. LOT et E. SIMION, Paris, Eds du Seuil, 1977, pp. 209-224. Cf. WINKIN Y., (6d.) , La nou- velle communication, Paris, Eds du Seuil, 1981, pp. 37-38.

16 REMY J., VOYE L., op. cit., p. 72.

17 SANSOT P. et al., op. cit.

18 Ibidem, p. 52.

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la première et du stress de la seconde, l'université fait de même coexister deux caractéristiques ambivalentes : d'une part, son utilité dans l'ensemble des rapports de production d'un système social, d'autre part, son indépendance par rapport à ce domaine au nom de laquelle elle peut revendiquer sa « neutralité » et une sépa- ration spatio-temporelle avec l'ensemble de la sociétél9. M. Bakhtine, dont les remarques sur les rites d'« indétronisation » sont révélatrices, a repéré une même ambivalence dans le monde carnavalesque médiéval : alors que l'intronisation carnavalesque, celle d'un esclave ou d'un bouffon, teintée d'une « relativité joyeuse », contient déjà l'idée de la détronisation future, le rite de détronisation lui-même, représentant l'enlèvement des insignes du pouvoir, n'a pas de portée négative absolue, puisqu'il est inséré dans le rythme de la mort créatrice et féconde20. A travers la logique de l'ambivalence, « tout ce que la hiérarchisation fermait, séparait, entre en contact et forme des alliances carnavalesques. Le car- naval rapproche, réunit, marie, amalgame le sacré et le profane, le haut et le bas, le sublime et l'insignifiant, la sagesse et la sottise, etc. »21.

. la relation dialectique (et non d'affrontement ou de rupture) entre l'espace inter- stitiel et l'ordre dominant. Ainsi, la vie alternative créée dans les clubs de jeunes peut impliquer une évasion psychologique et même aboutir, par une action agres- sive, à une certaine destruction de la société instituée. N'aurait-elle pas alors franchi les limites de la zone d'entre-deux ? Mais elle constitue, en même temps, les bases du retour vers un « primaire » transformé, via les contacts potentiels et l'apprentissage des rôles adultes22. L'intention « secondaire » et l'effet « pri- maire » s'inversent dans le campus universitaire, tremplin intellectuel vers le monde professionnel mais, en même temps, inducteur d'une prise de distance spatio-temporelle. C'est ce même jeu dialectique qu'explicite P. Sansot à propos de la maison de campagne dont l'effet secondaire reste associé, sans finalité transformatrice, à une permanence des rôles quotidiens : « En même temps que le lieu d'enracinement des identités, l'espace secondaire se propose comme scène théâtrale sur laquelle d'autres rôles sont possibles : « Là-haut, on joue à la mai- son » »23. Au-delà de la logique exclusive de l'identité, cette perspective, privilégiant la relation toujours dialectique entre les comportements dits quotidiens et leur mise en relations nouvelles dans l'espace-temps interstitiel, permettrait de décanter diverses pratiques de leur connotation transgressive valorisée dans certaines interprétations.

• la nécessité des limites des comportements interstitiels et donc des règles spécifiques pour ne pas qu'ils franchissent l'espace ou le temps qui leur est réservé. En effet, qu'il soit public ou privé, collectif ou individuel, le comportement interstitiel est toujours bien localisé (comme la résidence secondaire ou le café du coin) et/ou limité dans le temps (comme les vacances ou le carnaval) ou, en tout cas, minimisé (comme les multiples braconnages du consommateur). Comme le jeu d'agressivité pratiqué par les loutres de G. Bateson, de tels comportements sont en plus régulés par des limites dont on peut s'approcher sans risques mais au-delà desquelles on tombe dans une autre classe de comportements. Ce sont ces limites variables que n'oublient ni le client d'un bar devant la strip-teaseuse qu'il ne peut approcher, ni l'ouvrier redonnant l'impression de travailler lorsque le passage du 19 MARIN L., Utopiques : jeux d'espaces, Paris, Les Éds de Minuit, 1973, pp. 18-19.

20 BAKHTINE M., La poétique de Dostoïevski, traduit du russe par I. KOLITCHEFF, Paris, Éds du Seuil, 1970, pp. 169-175.

21 Ibidem, p. 171.

22 REMY J. et VOYE L., op. cit., p. 72.

23 SANSOT P.et al., op. cit., p. 67.

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chef de service est annoncé. La manipulation des normes habituelles comporte, en fait, des limites et des intensités différentes selon le type d'entre-deux social. Un bel exemple est repérable dans la comparaison de la résidence secondaire et de la garçonnière. La première stimule une recombinaison presque exclusivement imagi- naire des modalités quotidiennes de l'habiter reproduites quasi identiquement mais vécues comme librement acceptées dans le relâchement et la spontanéité. Il n'en est pas de même de la garçonnière qui, tout à fait en marge de l'existence familiale, constitue un lieu privilégié d'affirmation virile trop contenue dans le domicile officiel... On voit bien que les comportements pratiqués dans les interstices sociaux non seulement n'excluent pas l'absence de règles mais surtout impliquent une subtilité accrue de celles-ci quant à l'entrée, à la sortie de l'espace-temps insterstitiel et ses rites d'interaction.

2. L ' i n t e r v a l l e f e s t i f

Comment alors définir l'intervalle festif24 que l'on peut proposer comme un prototype de l'interstice non-liminal ? Il est bien évident que les fêtes correspondent à des limites spatio-temporelles précises permettant divers comportements qui pourraient difficilement avoir cours en dehors de celles-ci. C'est ainsi, par exemple, que dans l'espace limité d'une ville ou d'un quartier, selon une durée déterminée, les attitudes les plus insolites ont lieu sans encourir les sanctions des forces de l'ordre, alors qu'en dehors de ces limites, le même individu continuant le même comportement aurait maille à partir avec les autorités, risquant emprisonnement ou hospitalisation...

Ainsi en est-il des rituels codifiés qui feraient scandale en dehors de l'espace-temps festif : il est tragi-comique d'imaginer les Gilles de Binche continuer à danser la journée du mercredi des Cendres ou un groupe de leaders socialistes accomplir de leur plein gré le défilé symbolique de la fête du Travail au mois d'avril... Il faut aussi penser aux conduites les plus folles qui seraient jugées indécentes en dehors du carnaval : ainsi, R. Da Matta a-t-il pu, à Rio, observer : « les gens dormir, uriner et faire l'amour sur les bancs des petits jardins du centre-ville [...], des familles camper en plein centre de la ville »25.

« C'est la fête », concluraient tous les gens interrogés à propos de ces trois exemples, visant ainsi un cadre spécifique pour de telles attitudes. Mais, quelles sont précisément les caractéristiques impliquées dans un tel méta-message, en fonction des comportements qu'il interprète ? Telle est la question qu'il faut poser pour définir l'intervalle festif.

a ) C a d r e et c o m p o r t e m e n t s f e s t i f s

Quel type de cadre peut en effet intégrer, organiser et interpréter les comporte- ments les plus variés, susceptibles d'apparaître dans les fêtes locales ou « popu- laires », du sérieux au ludique et du spontané à l'officiel ? Il est intéressant de voir comment les définitions lexicales proposées par le Trésor de la langue française, se heurtant à l'ambiguïté du phénomène, mêlent les pôles « réjouissances » et

24 Associé à l'adjectif « festif », nous utiliserons, avec le même sens, plus souvent le terme « inter- valle » plutôt qu'« interstice », en fonction d'une consonance plus harmonieuse.

25 DA MATTA R., Carnavals, bandits et héros. Ambiguïtés de la société brésilienne, traduit du brésilien par D. BIRCK, Paris, Éds du Seuil, 1983, p. 114.

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« célébration »26. Pénétrer celui-ci par l'un de ses aspects implique de négliger l'im- portance de l'autre. Entre les définitions strictes de la fête religieuse ou profane comme commémoration d'un événement ou d'une personne, et de la fête comme manifestation joyeuse illustrée par les rassemblements de stands et manèges forains, divers rapports possibles entre les pôles « réjouissances » et « célébration » sont énoncés.

Ou bien, la fête constitue un « ensemble de réjouissances collectives destinées à commémorer » comme si l'attitude ludique servait à célébrer ; ou bien la fête consiste seulement en « réjouissances dont l'origine réside dans la commémoration ». Une telle fête, non plus véritablement commémorative mais simple résidu diachronique d'un processus de désémantisation ou de sécularisation, est encore différente de la fête- célébration « donnant lieu à des réjouissances ». Tel serait le cas de la fête des mères dont le comportement ludique n'est pas destiné à commémorer, mais apparaît seulement, selon une relation plus lâche, comme une expression occasionnelle dans la fête. Un dernier type de rapport se manifeste encore dans la fête comme « ensemble de manifestations organisées à l'occasion de certaines grandes fêtes » comme le 14 juillet français où les acteurs exalteraient, dans les moments de réjouissances, leur propre acte commémoratif célébrant lui-même un événement précis.

a. La fête-célébration

Témoignant de ces ambiguïtés lexicales, les théorisations sociologiques de la fête semblent rendre compte de l'une ou l'autre dimension. Ou bien, elles proposent un cadre spécifique d'interprétation de la fête, sans se préoccuper d'intégrer tous les comportements qui s'y déroulent. Ou bien, elles insistent sur l'aspect de certains comportements tout en négligeant le cadre contextuel qui les sous-tend.

Les premières théories sont surtout représentées par les analyses de sociologie religieuse considérant la fête comme un acte de célébration. Après E. Durkheim pour qui la fête est une occasion donnée à la collectivité de se célébrer et de s'exalter elle- même27 et H. Hubert insistant sur la répétition dans la fête d'« un fait unique, mythique », via une présence réelle ou une commémoration28, F.-A. Isambert a repris la notion de « célébration » définie comme « valorisation symbolique » ou « insistance collective sur ce qu'il importe de ne pas laisser dans l'ombre »29. Comment intégrer, dans cette dimension, l'ambivalence des comportements carnavalesques décrits par M.

Bakhtine et les attitudes les plus indécentes que R. Da Matta a observées à Rio et que n'importe quel observateur — si peu avisé soit-il — a repérées dans nos carnavals ou ducasses ? Tel est bien le risque d'un concept trop exclusif comme celui de « célébration » et de l'articulation autour de celui-ci de quelques rapports de tension (célébration-festivité, sujet-objet, sacré-profane...). Si l'on admet que cette définition ne vaut que pour les fêtes religieuses, elle ne résiste néanmoins pas à quelques questions articulées autour de la mixité du phénomène. La dimension cérémoniale n'est-elle pas déjà ludique ? A quoi sert le divertissement qui déborde parfois la cérémonie ? A détourner l'objet de la fête ? La régulation de la cérémonie s'oppose-t-elle nécessairement à la spontanéité des réjouissances ? Celles-ci ne sont-elles pas aussi régulées, voire codifiées ? Quels sont donc les rapports entre

26 QUEMADA B. (sous la dir. de), Trésor de la langue française, tome 8, Éds du C.N.R.S., 1980, s.v.

27 DURKHEIM E., Les formes élémentaires de la vie religieuse, 5e éd., Paris, P.U.F., 1968, pp. 496-498. Nous étudierons plus loin la théorie durkheimienne de la fête.

28 HUBERT H., Préface à CZARNOWSKI S., Le culte des héros et ses conditions sociales, Paris, F.

Alcan, 1919, p. LXIII.

29 ISAMBERT F.-A., Le sens du sacré. Fête et religion populaire, Paris, Les Éds de Minuit, 1982, pp. 159-160.

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cérémonial et réjouissances ? « Dissociations et compénétrations paradoxales » ?30 N'échappant pas aux ambiguïtés lexicales et phénoménales de la fête, F.-A. Isambert reprend même le « prétexte » historique avancé par le dictionnaire lorsqu'il note que les modes d'expression de la fête, par leur consistance propre, « deviennent souvent opaques, au point de voiler aux yeux du spectateur, voire du participant, leur signification, c'est-à-dire l'objet qu'ils célèbrent »31.

Gagne-t-on en pertinence heuristique à théoriser la fête — pourtant observée comme intermédiaire entre l'imaginé et la réalité32 — via la notion de « valorisation symbolique » ? Est-il excessif de déceler dans cette perspective un glissement d'attention de l'ordre du signifiant vers l'ordre du signifié, une insistance sur celui-ci par rapport aux modalités concrètes d'effectuation ? Émerge ainsi un des fondements- clés de la métaphysique occidentale : celui de l'extériorité dangereuse du signifiant à moins qu'elle ne soit soumise à la plénitude du signifié. De même que la stricte correspondance saussurienne entre signifiant et signifié, tels recto et verso d'une feuille de papier, est un des aboutissements de cette conception33, les recherches de type sémiotique, axées sur la forme objective des rituels, manquent l'impact du surplus du système signifiant festif et ses modalités concrètes d'effectuation. Lorsqu'elles étudient les fêtes « folkloriques » axées sur une tradition locale, au lieu de préciser la spécificité dynamique du processus de folklorisation, elles risquent d'atteindre une conception limitée de la fête comme désémantisée dans un contexte urbain par rapport à son contexte rural originel ou comme pur spectacle par rapport à un acte mythique accompli dans une communauté traditionnelle34.

N'échappant pas à l'idée du rituel comme phénomène sérieux, les conceptions du symbole comme inducteur de significations multiples sont fondées sur le même postu- lat épistémologique35. Sans négliger radicalement une telle perspective théorique, il paraît évident qu'elle ne peut rendre compte à elle seule de la surabondance des signifiants festifs impliqués dans les manifestations carnavalesques36.

fi. La fête-transgression

Il est une autre expression théorique de la fête, axée non plus sur la définition d'un cadre spécifique mais sur l'ensemble des comportements qu'elle autorise ; compor- tements soustraits à toute règle rituelle, réduits à la logique de la jouissance et mesurant leur aspect transgressif par rapport à la loi.

Le contexte sociologique et épistémologique du XIXe siècle n'est pas sans intérêt pour comprendre la naissance d'une telle perspective imprégnée d'un surplus symbo- lique évident. Contre la logique classique de l'identité, Hegel vient d'exalter la méthode dialectique et la contradiction comme moteur de la pensée et de l'histoire.

L'idée de chaos est particulièrement valorisée par la philosophie romantique allemande 30 Ibidem, p. 157.

31 Ibidem, p. 158.

32 Ibidem, p. 153.

33 L'œuvre de J. DERRIDA constitue une importante critique de ce postulat métaphysique. Cf.

DERRIDA J., L'écriture et la différence, Paris, Éds du Seuil, 1967, pp. 409-428 et De la Gram- matologie, Paris, Les Éds de Minuit, 1967, pp. 42-108.

34 Cf. GREIMAS A.-J., Sémiotique et sciences sociales, Paris, Éds du Seuil, 1976, pp. 175-185 et MESNIL M., Trois essais sur la Fête, Bruxelles, Éds de l'Université de Bruxelles, 1974, pp. 17- 25 et Les héros d'une fête : le beau, la bête et le tzigane, Bruxelles, Éds Labor, 1980, pp. 12-13.

35 Cf. TURNER V., Symbols in African Ritual, Science, 179, 1973, pp. 1100-1105.

36 Une premiere Elaboration théorique selon cette perspective a etc proposde par BABCOCK B.A., The Novel and the Carnival World : an Essay in Memory of Joe Doherty, Modern Language Notes, 89/6, 1974, pp. 924-930 et Too many, Too Few : Ritual Modes of Signification, Semiotica, 23, 3/4, 1978, pp. 291-302.

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et Freud commence à insister sur la nature régressive et irrationnelle du comportement humain. Dans la même perspective, l'art surréaliste recommande la désintégration par l'« écriture automatique » exprimant une conscience libérée de toute maîtrise ration- nelle et atteignant, comme l'enfant, le fou ou le « primitif », une « surréalité ». De mê- me que la philosophie husserlienne, à la recherche de l'essence véritable des choses, décante celles-ci de multiples « accidents », le cubisme fait aussi éclater l'objet pour rendre l'équivalent plastique de son essence réduite à ses prédicats nécessaires.

Prolongeant une tradition sociologique après de Bonald, Saint-Simon et Comte, exaltant la communauté contre l'individualisme, Durkheim découvre les nouveaux fondements qu'il cherchait pour l'organisation sociale dans les « formes élémentaires » des sociétés « primitives » australiennes37. Quelques années plus tard, le Collège de sociologie, après le gouffre de la première guerre mondiale, l'apparition du nazisme et du communisme, privilégiera l'étude des « activités humaines créatrices d'unité »38 et se doublera même d'une visée militante par la création d'une « communauté morale » dont les rites régénérateurs restitueraient « à la société un sacré actif »39.

Dans un tel contexte, la fête va devenir, au-delà de tout positivisme sociologique, une nécessité symbolique subsumant dans son essence les principes destructeur, communiel et sacré, pour lutter contre les valeurs de la société technicienne, axées sur la production, l'individu et le profane.

Chez E. Durkheim comme chez R. Caillois, le processus festif consisterait ainsi en un mouvement destructeur libérant, dans l'effervescence collective qui en résulte, la société de ses avatars quotidiens et atteignant, tels la « surréalité » de Breton délivrée du joug rationnel ou l'objet pictural de Picasso libéré de ses « accidents », la substance sociale réduite à son substrat sacré.

Le vocabulaire des deux auteurs témoigne de ce processus destructeur allant jusqu'à oublier la soumission à l'ordre sacré40. Qu'il s'agisse de corroboris ou de cérémonies religieuses, les fêtes australiennes évoquées par E. Durkheim consistent en un « degré extraordinaire d'exaltation », « passions déchaînées », « mouvements désordonnés », « gestes violents, cris, véritables hurlements, bruits assourdissants »,

« mêlée générale » ... 41. L'auteur va jusqu'à nier les limites de la classe des compor- tements festifs : « le tumulte réglé reste du tumulte »42, « les fêtes populaires font perdre de vue la limite qui sépare le licite et l'illicite »43.

Même perspective chez R. Caillois dont la comparaison de la fête et de la guerre est significative. Selon ce dernier, l'une et l'autre, « explosions monstrueuses et infor- mes », « images de désordre et de mêlée », « joie longtemps contenue de détruire »44 se ressemblent par le paroxysme de leur moment, leur dimension socialisatrice, mais aussi leur gaspillage, leur visée violatrice et destructrice. Chez Caillois, la fête ne semble pas non plus impliquer une limite des comportements. Évoquant dérèglements 37 Cf. par exemple TIRYAKIAN E.A., L'école durkheimienne à la recherche de la société perdue : la sociologie naissante et son milieu culturel, Cahiers Internationaux de Sociologie, LXVI, 1979, pp. 94-114.

oo Cf. JAMIN J., Un sacré collège ou les apprentis sorciers de la sociologie, Cahiers Internationaux de Sociologie, LXVIII, 1980, pp. 5-30.

39 CAILLOIS R., L'homme et le sacré, 3e éd., Paris, Gallimard, 1972, p. 3.

40 Une lecture intégrale des Formes élémentaires de la vie religieuse ferait bien sûr apparaître l'attention de Durkheim sur la régulation de certains moments d'exaltation comme les transes. Il s'agit seulement pour nous d'interpréter un surplus symbolique, au-delà de certaines précisions descriptives.

41 DURKHEIM E., op. cit., pp. 308-312 et p. 545.

42 Ibidem, p. 309.

43 Ibidem, p. 547.

44 CAILLOIS R., op. cit., pp. 220-221.

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sexuels, excès, outrance, débauche, il assimile la fête à une « universelle confusion »45 où « chacun est tenu de s'empiffrer jusqu'à la limite du possible [et non de la fête !]...

jusqu'à l'épuisement... jusqu'au vertige »46. Il s'agit bien de « transgresser les pro- hibitions et [de] passer la mesure, [de] profiter de la suspension de l'ordre cosmique pour prendre le contre-pied de la règle »47.

Entre Durkheim et Caillois, une différence fondamentale risque toutefois d'appa- raître quant à leur théorie de la fête. Si l'on suit le schéma de la dialectique hégélienne, il est clair que la fête durkheimienne, moment de négativité, est intégrée dans l'ordre social qu'elle vise à régénérer. Or, il n'est pas exclu que les propos de Caillois tendent à articuler la fête autour d'un pur négatif, qu'il ne souhaite voir récupérer par une quelconque positivité... si, pour autant, une telle perspective est possible. C'est ainsi que chez Durkheim il faut comprendre l'excès transgressif comme résultant de la joie et de l'effervescence des participants via un processus psychodynamique tandis qu'il semble, chez Caillois, constituer l'essence même de la fête, suivant en cela la défi- nition freudienne : « La fête est un excès permis »48. La référence de Caillois au mythe du chaos primordial serait, dans ce cas, plus révélatrice par sa finalité mythique dans le texte de l'auteur que par son contenu mythologique intrinsèque. Radicalisation de l'orientation archaïsante de Durkheim, le mythe du chaos ne serait qu'une légitimation de la transgression festive49. Cette position de la fête comme négativité formelle, refus du monde quotidien et capacité d'instaurer un monde idéal est, en tout cas, radicale dans l'œuvre de G. Bataille : la fête, dépense fondatrice et actualisation du sacrifice humain, y est l'occasion d'apprécier des « instants rares, fugitifs et violents » que l'ordre dominant a confisqués50.

J. Duvignaud a-t-il ainsi raison de reprocher à Durkheim et Caillois d'associer la fête au jeu51 ? Certes, Durkheim reconnaît l'existence de gestes qui, dans la fête, ne correspondent pas à « un objet précis et une raison déterminée »52 : mais, relevant du jeu, sont-ils encore des rites ? Pour Durkheim, le « rite est autre chose qu'un jeu, il est de la vie sérieuse »53. Il est indispensable à l'individu et sert à maintenir et affirmer le groupe. Telle était déjà sa position lorsqu'il niait les règles de « tumulte » et ainsi la 45 Ibidem, p. 145.

46 Ibidem, pp. 154-155.

47 Ibidem, p. 146.

48 FREUD S., Totem et tabou, traduit de l'allemand par S. JANKELEVITCH, Paris, Payot, 1984, pp. 161-162.

49 Cf. ISAMBERT F.-A., op. cit., pp. 287-288. Il convient de noter que dans La dissymétrie, ouvrage postérieur, Caillois a substitué à une telle perspective critique, voire militante, la reconnaissance de la nécessité structurale des rapports entre ordre et désordre. Cf. CAILLOIS R., La dissymétrie, Paris, Gallimard, 1973, pp. 85-87. Les travaux de M. Maffesoli témoignent aussi d'une insistance variable soit sur la structure utilitaire des diverses formes de violence (comme la fête), soit sur leur actualisation qui les fait apparaître comme excessives et sans finalité. Pour la première dimension, voir, par exemple, MAFFESOLI M., L'ombre de Dionysos, op. cit., p. 112.

« La fête rappelle le chaos original qui reste un élément de l'ordre existant ». Pour la seconde dimension, on peut se référer à La connaissance ordinaire où l'auteur évoque la « pulsion de l'être-ensemble » capable de réapproprier « les endroits les plus aseptisés, ces endroits que la technostructure contemporaine s'est ingéniée à élaborer... Les rassemblements sportifs, les manifestations musicales ou politiques, les bruits et les rumeurs des rues de nos villes, les occasions festives de tous ordres, tout cela souligne avec force cette prééminence du tout. Cf.

MAFFESOLI M., La connaissance ordiniaire. Précis de sociologie compréhensive, Paris, Librairie des Méridiens, 1985, p. 101.

50 Cf. JAMIN J., op. cit., p. 24 et HOLLIER D., Le collège de sociologie (1937-1939), Paris, Gallimard, 1979, p. 230.

51 DUVIGNAUD J., Fêtes et Civilisations, Paris, Weber, 1973, p. 187.

52 DURKHEIM E., op. cit., p. 545.

53 Ibidem, p. 546.

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spécificité du jeu festif. R. Caillois reconnaît aussi, à la fin de son livre, la dimension ludique de la fête par rapport aux directes implications d'une guerre atomique54 ; mais ne ruine-t-il pas de cette manière tout son développement antérieur, son rappro- chement de la fête et de la guerre par leurs caractéristiques et leurs fonctions ? Comme Durkheim, il manque, en tout cas, de saisir la dimension dialectique et ambivalente de la fête.

Cette aporie apparaît plus radicalisée chez J. Duvignaud. Acte sublime, surprenant, imprévisible, la fête —quelle qu'elle soit : un candomblé brésilien, la danse au « Bus Palladium » ou les ébats des corps amoureux... — est irréductible à toute dimension conceptuelle ou classificatrice. Derrière le masque anticipant « sur une vie qui n'a pas encore eu lieu »55, la fête débouche sur « un mode sans structure et sans code, le monde de la nature où s'exercent seulement les forces du « ça », les grandes instances de la subversion »56. Irréductibles à toute approche analytique, de telles fêtes le sont tout autant à la vie sociale dont elles ne constituent pas, comme chez Durkheim, un moment paroxystique et régénérateur57.

Idée séduisante, sans doute, que cette lecture de la fête à partir de « son intentionalité et, surtout, son imprévisible invention... »58. Mais J. Duvignaud le sait, bien sûr : « les choses sont embrouillées. Nous voudrions que la transe soit pure et que le rite soit absolu »59. Pourquoi alors ne pas étudier ce « brouillage » ?

C'est ainsi qu'à la mystique de la signification, fait pendant dans les théories de la fête une mystique de la transgression. A l'encontre des traits minimaux caractéris- tiques des espaces interstitiels, les théories de la fête-transgression posent celle-ci en tant qu'espace-temps opposé radicalement à la vie quotidienne comme s'il consti- tuait une classe de comportements antithétiques mais ayant une portée équivalente.

Non pas maintenus entre les limites de deux classes de comportements, ils sont le plus souvent décrits sans limite transgressive. Une telle conception, sous-tendue par l'explication téléologique des rituels, exalte la fête de façon quasi exclusivement sérieuse, dont la fonction serait de renforcer la société instituée, la détruire ou la détruire pour la renforcer. Ainsi, la fête est bien déplacée de sa propre logique, celle du rituel, de la règle, du jeu et de l'ambivalence.

b) Signification et f o n c t i o n n a l i t é en j e u

Il n'est pas bien utile d'insister sur les multiples explosions nostalgiques qu'impliquent de telles conceptions ; elles opposent la fête « archaïque »60 ou « es-

54 CAILLOIS R., L'homme et le sacré, op. cit., pp. 237-238.

55 DUVIGNAUD J., op. cit., p. 71.

56 Ibidem, p. 41.

57 Ibidem, p. 46.

58 Ibidem, p. 190.

59 DUVIGNAUD J., Le don du rien, Paris, Stock, 1977, p. 48.

60 WUNENBURGER J.-J., La fête, le jeu et le sacré, Paris, Éds Universitaires, 1977, pp. 21 et ss.

La synthèse philosophique trop « sérieuse » de l'auteur, à partir des données de Durkheim et Caillois, insiste sur la régulation de la transgression festive par ses limites spatio-temporelles et sa référence au mythe primordial. La transgression : imitation stricte d'un mythe cosmologique ou technique médiatrice vers le sacré ? L'auteur semble insister, malgré quelque hésitation, davantage sur la seconde possibilité (pp. 70-71). Alors que J. Cazeneuve envisage surtout la fête comme une actualisation des gestes ancestraux, l'un et l'autre associent en tout cas le rituel festif à une dimension ontologique permettant à l'homme de participer au « numineux » sans renoncer à son statut intérieur. Cf. CAZENEUVE J., Les rites et la condition humaine, Paris, P.U.F., 1958, pp.310-316.

(21)

e) Le cas du dimanche gras 53

3. La structuration hiérarchique de la fête binchoise 53

a) Hiérarchie entre les différents personnages carnavalesques 53

a. La réaction des autres personnages carnavalesques 54

p. Le vécu festif des personnages concernés 55

b) Hiérarchie entre les sociétés de « Gilles » 57

a. Fonctionnement d'une société de « Gilles » 57

p. « Sociétés » plus ou moins prestigieuses 58

X. Deux stratégies festives 60

c) Hiérarchie entre « Binchous » et Binchois 61

d) Conclusion 62

4. Conclusion : l'harmonie dans la hiérarchie 64

CHAPITRE II. LE CARNAVAL DE STAVELOT 65

A. Le personnage « Blanc-Moussi », à Stavelot 65

1. Le costume du « Blanc-Moussi » 66

2. L'horizon historique du « Blanc-Moussi » 66

a) Le carnaval : une « affaire » locale 67

a. L'expression des tensions socio-politiques 67

p. La création de « revues » 67

b) Le « Blanc-Moussi » : un héritage populaire 68

3. Le processus promotionnel du « Blanc-Moussi » 69

a) Nouvelle légitimation sociale des « Blanc-Moussis » 69

b) L'Image publicitaire du « Blanc-Moussi » 69

a. La profondeur historique du « Blanc-Moussi » 70

p. L'élévation spirituelle 70

%. La dimension ésotérique 71

4. La confrérie des « Blanc-Moussis » : une triple orientation symbolique 72

5. Conclusion 73

B. Les pratiques festives 74

1. Le cortège du dimanche 74

a) Les groupes stavelotains 74

b) Les « Blanc-Moussis » 75

2. La participation des chevaliers d'honneur 76

a) La réception officielle 76

b) Le rituel d'intronisation 79

C. La régulation des pratiques festives 79

1. Gestualité idéale du « Blanc-Moussi » 80

2. Logique comportementale des pratiques festives 81

a) Les « Blanc-Moussis » et le public 81

b) Les autres groupes travestis et le public 82

c) Les comportements en dehors du cortège 82

a. Le dimanche soir 82

p. Les samedi et lundi 82

3. Le processus compétitif dans la fête stavelotaine 83

a) L'imitation de la confrérie des « Blanc-Moussis » 84

b) L'expression d'une singularité propre 85

c) Conclusion 86

4. Conclusion : la compétition pour l'égalité 86

CHAPITRE III.

LA COMPLEXITÉ COMPORTEMENTALE DANS LA FÊTE FICTIONNELLE 87

A. L'extériorité comportementale 87

B. L'interstitialité comportementale 88

C. La fluidité comportementale 90

DEUXIÈME PARTIE. LA FÊTE NON-FICTIONNELLE 93

CHAPITRE IV. LE « GOÛTER MATRIMONIAL » À ÉCAUSSINES 94

A. Pour la petite histoire 94

B. Le « Goûter matrimonial » comme fête du mariage 95

(22)

1. La ritualisation idéale du mariage 95

a) Le cortège du mariage 96

b) Rituels d'intégration 96

2. La ritualisation secondaire du mariage 97

C. La régulation des pratiques festives 99

1. La logique intentionnelle 99

a) La production d'un discours local 99

b) L'attitude globale de la population 100

c) Le comité organisateur 101

2. La logique comportementale 102

a) Le cortège matinal 102

b) Les « candidats au mariage » 102

c) Les attractions touristiques 103

D. Conclusion 105

CHAPITRE V. LA FÊTE DU TRAVAIL : APPROCHE DYNAMIQUE DU RITUEL 107

A. L'événement fondateur 107

B. Les significations de la ritualisation idéale du 1er mai 108 1. Les 1er mai des Chevaliers du Travail : l'expression de la ferveur syndicale 109 2. Les 1er mai jusque 1914 : l'expression d'un millénarisme politique 110

a) L'expression politique 110

b) Un rituel d'incantation 111

3. Les 1er mai de l'entre-deux-guerres : l'expression d'une idéologie politique 112

a) Les 1er mai de progrès social 112

b) Les 1er mai de crise socio-économique 113

a. La stratégie politique 113

5. Un cortège « politico-dramatique » 114

C. Les diverses formes d'expressions ludiques et inconsistantes 115 D. Les 1er mai d'après 1945 : la recherche de nouvelles significations 117

1. Nouvelles formes rituelles 117

2. Une nouvelle signification ? 118

a) Comportement des participants au cortège 119

b) L'intervention des autres partis politiques 120

E. Conclusion 122

Annexes 123

CHAPITRE VI. LES FÊTES DE WALLONIE, À NAMUR 125

A. L'enjeu secondaire de la Wallonie 125

B. Les pratiques festives 126

1. La genèse des fêtes de Wallonie 127

2. L'exemple namurois 128

a) Ritualisation de la dimension politique 129

b) Ritualisation de la dimension culturelle 130

c) Ritualisation de la dimension linguistique 134

d) La présence du « comité central de Wallonie » (C.C.W.) 135

C. Conclusion 136

CHAPITRE VII.

LA COMPLEXITÉ COMPORTEMENTALE DANS LA FÊTE NON-FICTIONNELLE 137

A. L'extériorité comportementale 137

B. L'interstitialité comportementale 138

C. La fluidité comportementale 139

TROISIÈME PARTIE. LE JEU DE LA SECONDARITÉ ET DE L'ANTISTRUCTURE 141 CHAPITRE VIII. DRAGON LÉGENDAIRE ET MISE EN SCÈNE RITUELLE 142

A. Le combat légendaire 142

1. Le combat de saint Georges 143

2. Le combat de Gilles de Chin 143

3. Approches syntagmatique et paradigmatique 144

B. Le combat rituel 148

Références

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