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au cabinet de Maître Marie-P. DE BUISSERET Rue Saint Quentin 3/ BRUXELLES le Commissaire général aux réfugiés et aux apatrides

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n° 260 100 du 2 septembre 2021 dans l’affaire X / X

En cause : X

ayant élu domicile : au cabinet de Maître Marie-P. DE BUISSERET Rue Saint Quentin 3/3

1000 BRUXELLES

contre :

le Commissaire général aux réfugiés et aux apatrides

LE PRÉSIDENT F.F. DE LA XèmeCHAMBRE,

Vu la requête introduite le 29 octobre 2020 par X, qui déclare être de nationalité guinéenne, contre la décision de la Commissaire adjointe aux réfugiés et aux apatrides, prise le 25 septembre 2020.

Vu l’article 51/4 de la loi du 15 décembre 1980 sur l’accès au territoire, le séjour, l’établissement et l’éloignement des étrangers (ci-après dénommée la « loi du 15 décembre 1980 »).

Vu le dossier administratif.

Vu l’ordonnance du 26 février 2021 convoquant les parties à l’audience du 24 mars 2021.

Entendu, en son rapport, F. VAN ROOTEN, juge au contentieux des étrangers.

Entendu, en leurs observations, la partie requérante assistée par Me M. QUESTIAUXlocoMe M.-P. DE BUISSERET, avocat, et Y. KANZI, attaché, qui comparaît pour la partie défenderesse.

APRES EN AVOIR DELIBERE, REND L’ARRET SUIVANT : 1. L’acte attaqué

Le recours est dirigé contre une décision de refus du statut de réfugié et de refus du statut de protection subsidiaire, prise par la Commissaire adjointe aux réfugiés et aux apatrides, qui est motivée comme suit :

«A. Faits invoqués

Selon vos déclarations vous seriez de nationalité guinéenne, d’origine malinké, de confession musulmane, sans implication ou appartenance à un parti politique.

En février 2019, vous auriez quitté la Guinée en avion pour rejoindre directement la Belgique. Vous auriez voyagé avec un passeur, du nom de [B.], qui se serait chargé de tous les documents pour voyager sans que vous n’ayez aucune information à ce sujet.

(2)

Vous auriez quitté la Guinée en étant enceinte et avec vos deux enfants déjà nés, [K.C.] et [M.S.C.].

Vous seriez arrivée en Belgique en date du 4 février 2019.

Vous auriez vécu à Coyah toute votre vie. En Guinée, vous auriez un partenaire, [S.C.], avec lequel vous ne seriez pas mariée mais avec qui vous auriez une bonne relation depuis plusieurs années. De cette relation sont nés vos trois enfants, le dernier, [M.B.C.] est né en Belgique, le 4 septembre 2019.

Vous seriez toujours en contact régulier avec [S.C.].

En 2012, lorsque vous auriez donné naissance à votre premier enfant, [M.S.C.], né le 23 novembre 2012, votre père vous aurait chassé du domicile familial en raison de cet enfant né hors mariage. Il aurait voulu vous donner en mariage, mais vous auriez refusé puisque vous auriez déjà été en relation avec [S.C.]. Vous auriez alors été habiter avec le père de vos enfants et sa famille à Somaya. Vous y auriez vécu pendant plusieurs années. Vous auriez accouché de votre fille le 3 aout 2016. En 2018, lorsque votre fille aurait eu 2 ans, vous auriez rencontré un problème avec la famille du père de vos enfants lorsque sa grande-soeur, [N.C.], et sa maman, [K.D.], auraient voulu faire exciser votre fille contre votre volonté.

En cas de retour en Guinée, vous craignez votre père, [Ko.C.], en raison de votre relation hors mariage et vous craignez que votre fille ne soit excisée par sa famille paternelle.

A l’appui de vos déclarations, vous déposez les documents suivants : l’original de l’engagement sur l’honneur du GAMS de protéger votre fille, [K.C.], contre l’excision, un certificat médical attestant de votre excision, un certificat médical attestant de la non-excision de votre fille, un document attestant du suivi médical de votre fils [M.S.C.], l’acte de naissance de votre fils [M.B.C.], plusieurs documents d’admission à consultation psychologique vous concernant et plusieurs documents d’admission à consultation psychologique pour votre fils [M.S.C.].

B. Motivation

Après une analyse approfondie de l’ensemble des éléments de votre dossier administratif, relevons tout d’abord que vous n’avez fait connaître aucun élément dont il pourrait ressortir des besoins procéduraux spéciaux et que le Commissariat général n’a de son côté constaté aucun besoin procédural spécial dans votre chef.

Par conséquent, aucune mesure de soutien spécifique n’a été prise à votre égard, étant donné qu’il peut être raisonnablement considéré que vos droits sont respectés dans le cadre de votre procédure d’asile et que, dans les circonstances présentes, vous pouvez remplir les obligations qui vous incombent.

En outre, bien que vous soyez à l’initiative de cette procédure d’asile et bien que vous soyez la seule destinataire de la présente décision, [K.C.] y a été formellement et intégralement associée par vos soins à chacune des étapes de cette demande (inscription annexe 26, le 04/02/2019). Le risque d’une mutilation génitale féminine dans son chef a été invoqué par vous lors de l’entretien personnel du 12 aout 2020 (Notes de l’entretien personnel du 12/08/2020, NEP, p. 9, 14, 20). Après examen complet de votre dossier administratif, le Commissariat général estime nécessaire de prendre une décision distincte pour vous et [K.C.] en ce qu’il constate des éléments particuliers qui le justifient.

Il ressort de l’examen de votre demande de protection internationale que vous n’avancez pas d’éléments personnels suffisants permettant de considérer qu’il existe dans votre chef une crainte fondée de persécution au sens de la Convention de Genève du 28 juillet 1951, ou un risque réel de subir des atteintes graves telles que définies dans le cadre de la protection subsidiaire.

Divers éléments empêchent de tenir pour établi votre récit tel que relaté et partant, nous amènent à remettre en cause la crainte dont vous faites état. En effet, vos déclarations sont lacunaires, imprécises et peu circonstanciées ce qui entament la crédibilité générale de votre récit.

Ainsi, à titre personnel, vous invoquez uniquement une crainte vis-à-vis de votre père [K.C.] eu égard à votre relation hors mariage et vos enfants hors mariage (NEP, p. 14, 15). Or, force est de constater que vous êtes incapable d’étayer cette crainte et que les propos que vous tenez à ce sujet sont pour le moins brefs et aucunement détaillés.

(3)

Concernant votre père en tant que tel, les déclarations que vous faites à son égard ne permettent pas de convaincre le Commissariat général de l’existence d’une crainte à son égard. D’emblée, il convient de souligner que vous n’avez aucunement mentionné cette crainte auprès de l’Office des Etrangers (OE) (Questionnaire CGRA du 12/06/2019, p. 1). Questionnée sur ce que vous craignez en cas de retour dans votre pays d’origine, vous mentionnez spontanément l’excision de votre fille mais vous n’invoquez aucune crainte personnelle avant d’y avoir été expressément invitée (NEP, p. 14). De plus, vous déclarez que votre crainte concerne « surtout » l’excision de votre fille (NEP, p. 15). Le manque de spontanéité au sujet de votre crainte personnelle entame d’ores et déjà la crédibilité de celle-ci.

Ensuite, vous déclarez que votre père aurait voulu vous donner en mariage à l’un de ses amis en 2012 (NEP, p. 6). Or, vous n’êtes toujours pas mariée à l’heure actuelle (NEP, p. 5), et vos quatre soeurs, qui se trouvent toujours en Guinée, ne sont pas mariées non plus (NEP, p. 12). Vous auriez été scolarisée jusqu’à la 10ième année et vous auriez étudié le franco-arabe (NEP, p. 10). Votre père aurait payé vos études et vous déclarez que les enfants de votre famille vont tous à l’école, y compris les filles (NEP, p.

10). Invitée à donner le plus de détails possible sur votre père dans sa façon d’être, vous êtes pour le moins sommaire. Vous vous contentez de dire qu’il aurait voulu vous scolariser et qu’il serait très pratiquant du point de vue de la religion, sans étayer davantage vos propos (NEP, p. 12). Les quelques descriptions que vous donnez de votre situation familiale ne permettent aucunement d’établir un contexte familial dans lequel votre père serait strict et autoritaire, jusqu’à vous imposer un mariage forcé tel que vous l’invoquez.

De plus, invitée à expliquer votre crainte personnelle, vous êtes peu prolixe et déclarez que votre père n’aurait pas été d’accord concernant vos enfants hors mariage et aurait décidé de vous faire quitter la famille (NEP, p. 15). En cas de retour, vous invoquez que vous seriez battue et que vous ne pourriez plus rester avec le père de vos enfants (NEP, p. 15). Or, vous auriez été forcée de quitter le domicile de votre père déjà en 2012 (NEP, p. 3) et vous auriez vécu avec votre partenaire, [S.C.], et sa famille sans retourner chez votre père depuis lors (NEP, p. 3, 4). Vu que votre père serait au courant de votre relation depuis au moins 8 ans et que vous seriez toujours en relation avec [S.C.] (NEP, p. 6), la crédibilité de votre crainte est davantage entamée. Confrontée au fait que vous auriez déjà quitté votre père depuis 2012 et questionnée sur la crainte concrète qui existerait encore actuellement, vous répétez, sans aucune explication concrète, que votre problème concerne les enfants hors mariage et l’interdiction de vivre chez lui (NEP, p. 15). Cependant, concernant l’interdiction de vivre chez lui, le Commissariat général constate qu’en 2012, vous auriez refusé le mariage que votre père aurait voulu vous imposer (NEP, p. 5, 6) et vous auriez été habiter avec votre partenaire (NEP, p. 6). La famille de [S.C.] aurait accepté votre relation et vous déclarez que cela leur plaisait (NEP, p. 7). Ils auraient également bien accueilli la naissance de vos enfants (NEP, p. 8, 9). Vous n’auriez rencontré aucun problème avec la famille de [S.C.] avant que la volonté de faire exciser votre fille ne survienne (NEP, p.

8). Dès lors, vous n’auriez pas besoin de retourner chez votre père et vous ne mentionnez aucunement la survenance d’un quelconque problème entre 2012, le départ de votre domicile, et 2018, l’excision de votre fille. Questionnée alors davantage sur les problèmes que vous auriez eu avec votre père après 2012, puisque vous ne donnez aucune explication spontanée, vous déclarez avoir eu des problèmes avec lui après 2012, sans aucun détail supplémentaire. Invitée à donner les dates et expliquer ces problèmes, vous êtes incapable de donner des dates (NEP, p .15). Concernant les problèmes en question, vous vous contentez d’une réponse vague, à savoir qu’il aurait été fâché contre tout le monde lorsque l’excision de votre fille a été évoquée (NEP, p. 15). Questionnée alors sur la raison pour laquelle il aurait été fâché, vous répétez, à nouveau sans aucune explication, « parce que j’ai eu des enfants hors mariage » (NEP, p. 15).

Par conséquent, vu que vous n’apportez aucun élément tangible qui permet d’étayer cette crainte, et que le contexte familial strict et autoritaire dans lequel vous auriez évolué n’est nullement tenu pour établi, le Commissariat général ne peut considérer la crainte que vous invoquez envers votre père.

Concernant vos deux garçons, [M.S.C.], né le 23/11/2012, et [M.B.C.], né le 04/09/2019 (NEP, p. 8, 9), aucun crédit ne peut être accordé à la crainte que vous formulez à leur égard. Force est de constater que vous n’en faites pas mention de manière spontanée. Vous n’avez aucunement mentionné avoir une crainte pour vos garçons à l’OE (Questionnaire CGRA du 12/06/2019, p. 1). Questionnée sur l’existence d’une éventuelle crainte concernant vos enfants en cas de retour en Guinée, vous ne faites que mentionner l’excision de votre fille (NEP, p. 9). Questionnée alors explicitement sur une crainte éventuelle concernant vos fils, vous évoquez sommairement avoir peur qu’on fasse du mal à vos fils en raison des problèmes que vous auriez avec votre famille (NEP, p. 9).

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Or, pour rappel, cette crainte n’est pas établie. Vous invoquez également craindre qu’ils soient mal traités par leur famille paternelle, or, force est de constater qu’aucun problème ne serait survenu en Guinée avec votre famille paternelle concernant votre fils et qu’ils seraient même content de la naissance de votre dernier garçon (NEP, p. 9). Dès lors, vos déclarations n’étant pas davantage détaillées, cette crainte ne peut être considérée comme fondée.

Quant à votre fille mineure [K.C.], née le 03/08/2016 à Coyah, vous avez invoqué dans son chef une crainte de mutilation génitale féminine en cas de retour en Guinée. Après un examen approfondi de cette crainte concernant cet enfant, le Commissariat général a décidé de lui reconnaître la qualité de réfugié au motif qu’il existe un risque de mutilation génitale féminine dans son chef.

Le Commissariat général attire votre attention, à titre d’information, quant au fait que la Belgique condamne fermement la pratique des mutilations génitales féminines qui font l'objet d'une incrimination particulière en droit belge sur base des dispositions légales suivantes :

L’article 409 du Code pénal :

« §1. Quiconque aura pratiqué, facilité ou favorisé toute forme de mutilation des organes génitaux d’une personne de sexe féminin, avec ou sans consentement de cette dernière, sera puni d’un emprisonnement de trois à cinq ans. La tentative sera punie d’un emprisonnement de huit jours à un an.

»

§2. Si la mutilation est pratiquée sur une personne mineure ou dans un but de lucre, la peine sera la réclusion de cinq à sept ans. »

§ 3. Lorsque la mutilation a causé une maladie paraissant incurable ou une incapacité permanente de travail personnel, la peine sera la réclusion de cinq ans à dix ans.

§ 4. Lorsque la mutilation faite sans intention de donner la mort l'aura pourtant causée, la peine sera la réclusion de dix ans à quinze ans. »

§ 5. Si la mutilation visée au § 1er a été pratiquée sur un mineur ou une personne qui, en raison de son état physique ou mental, n'était pas à même de pourvoir à son entretien, par ses père, mère ou autres ascendants, toute autre personne ayant autorité sur le mineur ou l'incapable ou en ayant la garde, ou toute personne qui cohabite occasionnellement ou habituellement avec la victime, le minimum des peines portées aux §§ 1er à 4 sera doublé s'il s'agit d'un emprisonnement, et augmenté de deux ans s'il s'agit de réclusion. »

L’article 10ter, 2° du Code de procédure pénale :

« Pourra être poursuivie en Belgique toute personne qui aura commis hors du territoire du Royaume :…

2° une des infractions prévues aux articles 372 à 377 et 409, du même Code si le fait a été commis sur la personne d’un mineur ».

L'article 422 bis du Code pénal qui incrimine le délit de non-assistance à personne en danger visant toute personne qui ne signalerait pas le danger qu'encourt une fillette menacée de mutilations génitales énonce que: « Sera puni d'un emprisonnement de huit jours à un an et d'une amende [...] celui qui s'abstient de venir en aide ou de procurer une aide à une personne exposée à un péril grave, soit qu'il ait constaté par lui-même la situation de cette personne, soit que cette situation lui soit décrite par ceux qui sollicitent son intervention. [...] La peine prévue à l'aliéna 1er est portée à deux ans lorsque la personne exposée à un péril grave est mineure d'âge. »

Le Commissariat général est tenu de vous informer qu’en application de l’article 29 du Code d’instruction criminelle, il est de son devoir, dans l’exercice de ses fonctions, de dénoncer au procureur du Roi tout indice d’infraction aux articles 409 et 422 bis du Code pénal.

La seule circonstance que vous soyez le parent d’une fille reconnue réfugiée n’a pas d’incidence sur votre demande de protection internationale et ne vous offre pas automatiquement le droit à la reconnaissance de la qualité de réfugié en application du principe de l’unité de la famille.

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Quant au principe de l’unité de la famille, ledit principe peut entraîner une extension de la protection internationale au bénéfice de personnes auxquelles il n’est pas demandé d’établir qu’elles ont des raisons personnelles de craindre d’être persécutées pour un des motifs de la Convention de Genève ou qu’elles encourent personnellement un risque de subir des atteintes graves au sens de l’article 48/4 de la loi du 15 décembre 1980 et doit se comprendre comme une forme de protection induite, conséquence de la situation de fragilité où les place de départ forcé de leur conjoint ou de leur protecteur naturel.

Cette extension ne peut jouer qu'au bénéfice de personnes à charge et pour autant que ne s'y oppose aucune circonstance particulière, liée au statut de ces personnes ou à leur implication dans des actes visés à l'article 1er, section F de la Convention de Genève ou à l’article 55/4 de la loi du 15 décembre 1980. Outre le conjoint ou le partenaire du réfugié ou du bénéficiaire de la protection subsidiaire, peuvent bénéficier de cette extension ses enfants à charge ainsi que d’autres parents proches dont il est établi qu’ils sont à sa charge. Par personne à charge, on entend une personne qui se trouve légalement placée sous l'autorité du réfugié ou du bénéficiaire de la protection subsidiaire ou qui du fait de son âge, d'une invalidité ou d'une absence de moyens propres de subsistance dépend de son assistance matérielle ou financière. Dès lors que vous n’êtes pas à charge de votre fille [K.C.], vous ne pouvez prétendre à l’application du principe de l’unité familiale.

Les documents que vous déposez à l’appui de votre demande de protection internationale ne permettent pas d’inverser le sens de la décision.

A l’appui de votre demande de protection internationale, vous déposez l’original de l’engagement sur l’honneur du GAMS de protéger votre fille contre l’excision et la carte du GAMS de votre fille. Ces documents sont un indice de votre volonté de ne pas voir [K.C.] subir une mutilation génitale féminine.

Cette volonté n’est pas remise en cause dans la présente décision et ne permet pas de renverser les constats qui précèdent.

A l’appui de votre demande de protection internationale, vous déposez un certificat médical attestant d’une excision de « type 1 » dans votre chef, laquelle n’a pas été remise en cause dans la présente décision qui ne se base pas sur la réalité de la mutilation que vous avez subie.

A l’appui de votre demande de protection internationale, vous déposez un certificat médical attestant de la nonexcision de votre fille [K.C.]. Ce document a été pris en compte par le Commissariat général dans la reconnaissance du statut de réfugié dans le chef de [K.C.]. Ce document renforce en effet la conviction du Commissariat général selon laquelle votre fille doit être protégée.

A l’appui de votre demande de protection internationale, vous déposez un document attestant du suivi médical de votre fils [M.S.C.] pour une blessure qu’il aurait eue au pied en date du 10/07/2020. Ce document atteste de la bonne guérison de votre fils et d’un suivi médical mais ne concerne aucunement votre demande de protection internationale.

A l’appui de votre demande de protection internationale, vous déposez l’acte de naissance de votre fils [M.B.C.]. Ce document atteste du lien de filiation et de l’identité de votre fils, toutefois, ces éléments n’ont pas été remise en cause par le Commissariat général.

A l’appui de votre demande de protection internationale, vous déposez plusieurs documents d’admission à consultation psychologique vous concernant et plusieurs documents d’admission à consultation psychologique pour votre fils [M.S.C.]. Ces documents ne font qu’attester qu’un suivi psychologique est mis en place vous concernant et concernant [M.S.C.], cependant vous ne faites parvenir aucune attestation psychologique établie par un médecin ni aucun rapport psychologique faisant état de votre situation. Dès lors, ces documents n’apportent aucun élément susceptible de modifier le sens de la présente décision.

Quant aux observations que vous avez faites parvenir au Commissariat général après votre entretien (cfr. farde verte, pièce n° 8), elles ont été prises en considération mais ne permettent pas d’invalider les arguments développés ci-dessus, ni d’établir l’existence, dans votre chef, d’une crainte fondée de persécution en cas de retour en Guinée étant donné qu’elles ne portent que sur des éléments non déterminants de la présente décision.

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C. Conclusion

Sur base des éléments figurant dans votre dossier, je constate que vous ne pouvez pas être reconnu(e) comme réfugié(e) au sens de l'article 48/3 de la loi sur les étrangers. Vous n'entrez pas non plus en considération pour le statut de protection subsidiaire au sens de l'article 48/4 de la loi sur les étrangers.

J'attire l'attention du Ministre en charge de l'asile et de la migration sur le fait que Madame [A.C.] est le parent d’une enfant mineure qui s’est vue reconnaître le statut de réfugié. ».

2. Le cadre juridique de l’examen du recours

2.1 Dans le cadre d’un recours en plein contentieux, le Conseil jouit, en vertu de l’article 39/2, § 1er, de la loi du 15 décembre 1980, d’une compétence de pleine juridiction, ce qui signifie qu’il « soumet le litige dans son ensemble à un nouvel examen et qu’il se prononce, en tant que juge administratif, en dernière instance sur le fond du litige, ayant la compétence de réformer ou de confirmer les décisions du Commissaire général […], quel que soit le motif sur lequel le Commissaire général […] s’est appuyé pour parvenir à la décision contestée. […].Ainsi, le Conseil peut, soit confirmer sur les mêmes ou sur d’autres bases une décision prise par le Commissaire général […] soit la réformer ou – si par exemple, il manque des éléments essentiels qui impliquent que le Conseil ne peut pas confirmer ou réformer la décision confirmée sans devoir ordonner des mesures d’instruction complémentaires à cette fin – l’annuler » (Projet de loi réformant le Conseil d’Etat et créant un Conseil du Contentieux des étrangers, Exposé des motifs, Doc. parl., Ch. repr., sess. ord. 2005-2006, n° 2479/001, p. 95).

2.2 Le Conseil est la seule juridiction compétente pour connaître des recours contre les décisions prises par le Commissaire général en application de la directive 2011/95/UE du Parlement européen et du Conseil de l’Union européenne du 13 décembre 2011 concernant les normes relatives aux conditions que doivent remplir les ressortissants des pays tiers ou les apatrides pour pouvoir bénéficier d’une protection internationale, à un statut uniforme pour les réfugiés ou les personnes pouvant bénéficier de la protection subsidiaire, et au contenu de cette protection (refonte) (ci-après dénommée la « directive 2011/95/UE »). A ce titre, il doit exercer sa compétence de manière à satisfaire à l’obligation d’offrir un « recours effectif devant une juridiction » au sens de l’article 46 de la directive 2013/32/UE du Parlement européen et du Conseil de l’Union européenne du 26 juin 2013 relative à des procédures communes pour l’octroi et le retrait de la protection internationale (refonte) (ci-après dénommée la « directive 2013/32/UE »).

A cet égard, l’article 46, § 3, de cette directive impose aux Etats membres de veiller « à ce qu’un recours effectif prévoie un examen complet etex nunctant des faits que des points d’ordre juridique, y compris, le cas échéant, un examen des besoins de protection internationale en vertu de la directive 2011/95/UE ». Certes, cette disposition n’est pas transposée dans ces termes dans la législation belge, mais il convient de rappeler que lorsqu’elles appliquent le droit interne et, notamment, les dispositions d’une réglementation spécifiquement adoptée aux fins de mettre en œuvre les exigences d’une directive, les juridictions nationales sont tenues d’interpréter le droit national dans toute la mesure du possible à la lumière du texte et de la finalité de la directive en cause pour atteindre le résultat visé par celle-ci et, partant, de se conformer à l’article 288, troisième alinéa, du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (ci-après dénommé le « TFUE ») (CJUE, affaires jointes C-397/01 à C-403/01, Pfeiffer e.a. du 5 octobre 2004, § 113).

2.3 Il s’ensuit que lorsqu’il procède à l’examen d’un recours introduit sur la base de l’article 39/2, § 1er, de la loi du 15 décembre 1980, le Conseil est tenu d’interpréter la loi de manière à se conformer aux exigences d’un examen complet etex nuncdécoulant de l’article 46, § 3, de la directive 2013/32/UE.

3. Les nouveaux éléments

3.1 En annexe de sa requête, la requérante dépose la décision de reconnaissance de la qualité de réfugié prise à l’égard de sa fille le 25 septembre 2020.

3.2 Le dépôt de ce nouvel élément est conforme aux conditions de l’article 39/76 de la loi du 15 décembre 1980. Le Conseil le prend dès lors en considération.

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4. Thèse de la requérante

4.1 La requérante prend un premier moyen tiré de la violation « […] de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés - La violation des articles 48/3, 48/4, 48/5, 48/6, 57/5 quater de la loi du 15 décembre 1980 sur l’accès au territoire, le séjour, l’établissement et l’éloignement des étrangers - La violation des articles 2 et 3 de la loi du 29 juillet 1991 sur la motivation formelle des actes administratifs ; - La violation des principes de bonne administration et plus particulièrement des principes de bonne foi, de prudence de gestion consciencieuse et de préparation avec soin des décisions administratives » (requête, p. 4).

La requérante prend un deuxième moyen tiré de la violation des « […] articles 39/65 et 48/3 de la loi du 15 décembre 1980 sur l’accès au territoire, le séjour, l’établissement et l’éloignement des étrangers ; Les articles 7, 9, 23 de la directive 2011/95 concernant les normes relatives aux conditions que doivent remplir les ressortissants des pays tiers ou les apatrides pour pouvoir bénéficier d’une protection internationale, à un statut uniforme pour les réfugiés ou les personnes pouvant bénéficier de la protection subsidiaire, et au contenu de cette protection ; L’erreur dans les motifs, la motivation inexacte ou insuffisante et l’erreur de droit ; L’article 288 du Traité sur le Fonctionnement de l’Union européenne

» (requête, p. 7).

La requérante prend un troisième moyen tiré de la violation des « […] articles 39/65, 48/3 et 57/1 §4 de la loi du 15 décembre 1980 sur l’accès au territoire, le séjour, l’établissement et l’éloignement des étrangers ; - Les articles 20 et 23 de la directive 2011/95 concernant les normes relatives aux conditions que doivent remplir les ressortissants des pays tiers ou les apatrides pour pouvoir bénéficier d’une protection internationale, à un statut uniforme pour les réfugiés ou les personnes pouvant bénéficier de la protection subsidiaire, et au contenu de cette protection ; - L’article 8 de la Convention européenne des droits de l’Homme ; - Les articles 7 et 24 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne ; - L’article 3 de la Convention internationale relative aux droits de l’enfant » (requête, p.

19).

4.2 En substance, la requérante fait grief à la partie défenderesse de ne pas avoir correctement évalué le bien-fondé de sa demande de protection internationale.

4.3 La requérante demande au Conseil, à titre principal, de réformer ladite décision et, partant, de lui reconnaître la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire. A titre subsidiaire, elle sollicite l’annulation de la décision querellée.

5. Examen de la demande sous l’angle de l’article 48/3 de la loi du 15 décembre 1980

5.1 L’article 48/3, § 1er, de la loi du 15 décembre 1980 dispose que « Le statut de réfugié est accordé à l’étranger qui satisfait aux conditions prévues par l’article 1er de la Convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, modifiée par le protocole de New York du 31 janvier 1967 ».

En vertu de l’article 1er, section A, § 2, premier alinéa, de la Convention relative au statut des réfugiés, signée à Genève le 28 juillet 1951 et entrée en vigueur le 22 avril 1954 (ci-après dénommée la « Convention de Genève » ; Recueil des traités des Nations unies, vol. 189, p. 150, n° 2545 (1954)), telle qu’elle est complétée par le Protocole relatif au statut des réfugiés, conclu à New York le 31 janvier 1967, lui-même entré en vigueur le 4 octobre 1967, le terme « réfugié » s’applique à toute personne qui,

« craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques, se trouve hors du pays dont elle a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays; ou qui, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle, ne peut ou, en raison de ladite crainte, ne veut y retourner ».

5.2 En l’espèce, la requérante invoque en substance une crainte d’être persécutée en raison de sa relation hors mariage et de la volonté de sa belle-famille d’exciser sa fille.

5.3 Dans la motivation de sa décision de refus, la partie défenderesse estime que les déclarations de la requérante, de même que les documents qu’elle verse au dossier, ne permettent pas d’établir le bien- fondé des craintes invoquées.

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5.4 A titre liminaire, le Conseil constate que la décision attaquée développe les motifs amenant la partie défenderesse à refuser la demande de protection internationale de la requérante. Cette motivation est claire et permet à cette dernière de comprendre les raisons de ce refus. La décision est donc formellement motivée.

Sur le fond, le Conseil estime que les motifs de la décision attaquée se vérifient à la lecture du dossier administratif, sont pertinents - dès lors qu’ils portent sur des éléments déterminants du récit - et ont pu valablement conduire la partie défenderesse à remettre en cause le bien-fondé des craintes ainsi alléguées par la requérante à l’appui de sa demande de protection internationale.

5.5 Le Conseil ne peut accueillir favorablement l’argumentation de la requête sur ces questions dès lors qu’elle n’apporte aucun élément concret et convaincant permettant de remettre en cause la motivation de la décision querellée et ne développe, en définitive, aucun moyen susceptible d’établir le bien-fondé des craintes alléguées.

5.5.1 Tout d’abord, la requérante soutient que la partie défenderesse a totalement ignoré les conséquences pour elle du maintien de sa fille en Belgique. A cet égard, elle soutient que, en cas de retour seule en Guinée, elle serait menacée par sa famille, laquelle lui ferait subir des pressions insupportables afin de faire exciser sa fille. Elle ajoute avoir été menacée et maltraitée par sa belle- famille lorsqu’elle s’est opposée à l’excision de sa fille et soutient qu’elle subira les représailles de sa famille et de sa belle-famille partout en Guinée. Sur ce point, elle soutient qu’« Il est également évident que le simple fait d’exprimer son opposition à l’excision sera perçu comme un non-respect des traditions, ce qui fera d’elle une femme méprisée, stigmatisée, voire chassée de la famille. Une femme qui est chassée de sa famille est automatiquement mal perçue par la communauté. Il y a tout de suite sur elle une présomption qu’elle soit de mauvaise vie, qu’elle soit infréquentable, raison pour laquelle il n’est pas possible pour une femme en Guinée de survivre à un bannissement de sa famille et de sa communauté sans tomber ensuite dans la mendicité ou la prostitution ». En conséquence, elle considère que la partie défenderesse devrait l’entendre pour qu'elle puisse s’exprimer quant à ce qu’il adviendrait d’elle en cas de retour en Guinée sans sa fille, compte tenu de ce nouvel élément. Elle ajoute craindre les représailles de sa belle-famille et de sa famille en raison de son opposition à l’excision de sa fille et qu’en s’opposant à une pratique extrêmement répandue dans la société guinéenne, elle nourrit une crainte de persécution en raison de ses opinions politiques. Ensuite, elle se livre à des développements théoriques concernant la notion d’opinions politiques et considère pouvoir légitimement soutenir qu’elle a des raisons de craindre d’être persécutée au sens de la Convention de Genève en raison de l’opinion politique qu’elle a exprimée en s’opposant à la coutume de l’excision pour sa fille mineure. Sur ce point, elle précise que ladite coutume est une pratique sociale quasiment obligatoire pour être reconnue comme femme dans la société guinéenne et qu’il est pratiquement impossible de s’y soustraire. De plus, elle soutient que, en s’opposant à cette coutume, elle se met au ban de la société. Au vu de ces éléments, elle soutient que la persécution alléguée se rattache à un des motifs de la Convention de Genève et que, au vu du contexte légal et sociétal prévalant en Guinée, il lui serait impossible de trouver une protection adéquate auprès de ses autorités nationales contre les agissements de sa famille ou pour l’aider à empêcher l’excision de sa fille. Enfin, elle soutient que cette situation est confirmée par le rapport de mission de l’OFPRA des 7 et 18 novembre 2017, dont elle reproduit un extrait dans la requête.

Premièrement, le Conseil observe que la partie défenderesse a valablement remis en cause tant le contexte familial de la requérante que celui de sa belle-famille, et qu’elle a également, à juste titre, remis en cause le projet de mariage forcé de la requérante par son père et la réaction de ce dernier à la naissance hors-mariage des enfants de la requérante. Or, le Conseil observe que la requête ne développe pas le moindre argument afin de renverser ces motifs de la décision querellée, lesquels sont établis à la lecture du dossier administratif.

Deuxièmement, le Conseil souligne que la requérante n’a pas mentionné le moindre problème en six années passées au sein du foyer de sa belle-famille. A cet égard, le Conseil observe que, bien que le premier fils de la requérante ait vécu dans ce foyer durant toute la période, elle n’a pas mentionné la moindre violence ou maltraitance à l’encontre de celui-ci.

Troisièmement, le Conseil estime largement invraisemblable que la requérante ne se soit pas renseignée sur la position de son compagnon et de sa famille quant à la pratique de l’excision avant que la question de l’excision de sa fille ne soit amenée par sa belle-famille, deux ans après la naissance de

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Sur ce point, le Conseil estime que c’est d’autant plus invraisemblable que la requérante déclare que toutes les femmes sont excisées dans cette famille (Notes de l’entretien personnel du 12 août 2020, p.

17) et que la nièce de son compagnon est décédée des suites de son excision (Notes de l’entretien personnel du 12 août 2020, pp. 18 et 19).

En conséquence, le Conseil estime que la requérante reste en défaut d’établir que les membres de sa famille ou sa belle-famille l’auraient rejetée, maltraitée et menacée suite à la naissance hors-mariage de ses enfants ou son refus de faire exciser sa fille, pas plus qu’elle ne démontre qu’elle serait, en cas de retour dans son pays d’origine, persécutée en raison de son opposition à l’excision par les membres de sa famille, de sa belle-famille ou plus largement par la population guinéenne. Dès lors, les arguments de la requête concernant ce qu’il adviendrait de la requérante en cas de retour en Guinée sans sa fille, le fait que la persécution alléguée se rattacherait à un des motifs de la Convention de Genève, qu’il lui serait impossible de trouver une protection adéquate de la part de ses autorités nationales au vu du contexte légal et sociétal prévalant en Guinée et que ces derniers éléments sont confirmés par un rapport de mission de l’OFPRA ne sont pas pertinents en l’espèce. Dans la même lignée, le Conseil estime qu’il ne peut donc répondre favorablement à la demande formulée par la partie requérante de procéder à une nouvelle audition de la requérante sur cet aspect de son récit.

5.5.2 Ensuite, le Conseil relève que la requête contient une volumineuse argumentation au sujet de la notion d’unité de famille et au sujet de celle d’intérêt supérieur de l’enfant (requête, pp. 7-22).

Toutefois, au-delà de la condition de dépendance largement discutée dans la requête introductive d’instance, le Conseil rappelle que le principe d’unité de famille, dont le bénéfice est sollicité par la requérante, n’est pas expressément consacré par la Convention de Genève. Celui-ci est affirmé dans une recommandation figurant dans l’Acte final de la Conférence des Plénipotentiaires des Nations Unies sur le statut des réfugiés et des apatrides qui a adopté la Convention de Genève.

D’une part, cette recommandation ne possède aucune force contraignante et, d’autre part, si l’unité de famille y est définie comme un « droit essentiel du réfugié », il ne peut être déduit des termes utilisés que les Plénipotentiaires ont considéré que ce droit devait entrainer l’octroi du statut de réfugié aux membres de la famille d’un réfugié.

Par ailleurs, l’article 23 de la directive Qualification cité en termes de requête consacre en droit de l’Union européenne un droit à l’unité de la famille pour les membres de la famille du bénéficiaire d’une protection internationale qui, individuellement, ne remplissent pas les conditions nécessaires pour obtenir cette protection. Toutefois, cet article n’impose pas aux Etats membres d’octroyer aux membres de la famille du bénéficiaire d’une protection internationale le même statut qu’à ce dernier. Il découle de cet article que la directive Qualification « se limite à imposer aux États membres d’aménager leur droit national de manière à ce que les membres de la famille, au sens visé à l’article 2, sous j), de ladite directive, du bénéficiaire d’un tel statut puissent, s’ils ne remplissent pas individuellement les conditions pour l’octroi du même statut, prétendre à certains avantages, qui comprennent notamment la délivrance d’un titre de séjour, l’accès à l’emploi ou l’accès à l’éducation et qui ont pour objet de maintenir l’unité familiale » (CJUE, arrêt N. R. K. Ahmedbekova, et R. E. O. Ahmedbekov du 4 octobre 2018, dans l’affaire C-652/16, point 68).

Certes, la Cour de justice de l’Union européenne a également jugé que « l’article 3 de la directive 2011/95/UE doit être interprété en ce sens qu’il permet à un État membre de prévoir, en cas d’octroi, en vertu du régime instauré par cette directive, d’une protection internationale à un membre d’une famille, d’étendre le bénéfice de cette protection à d’autres membres de cette famille, pour autant que ceux-ci ne relèvent pas d’une cause d’exclusion visée à l’article 12 de la même directive et que leur situation présente, en raison du besoin de maintien de l’unité familiale, un lien avec la logique de protection internationale » (arrêt cité, point 74).

Cependant, la possibilité qui est ainsi ouverte aux Etats membres d’adopter des normes plus favorables ne saurait, en soi, suffire à créer un droit dont des personnes pourraient se réclamer alors même que l’Etat n’en aurait pas fait usage. Or, en l’occurrence, il n’est pas contestable que le législateur belge n’a pas prévu que les membres de la famille d’un bénéficiaire de la protection internationale bénéficient du même statut que ce dernier. En effet, la volonté confirmée par le législateur dans l’exposé des motifs de la loi du 1er juin 2016 modifiant la loi du 15 décembre 1980 est de transposer l’article 23 de la directive 2011/95/UE en créant un droit au regroupement familial en faveur de certains membres de la famille du

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Ainsi, la circonstance que la transposition de l’article 23 de la directive 2011/95/UE serait imparfaite, à la supposer avérée, ne suffit pas à créer un droit à se voir accorder un statut de protection internationale dans le chef de membres de la famille d’un bénéficiaire d’une telle protection.

Les recommandations du HCR ne possèdent pas davantage une force contraignante. En outre, ces textes se bornent à constater la possibilité d’octroyer un statut dérivé à des ascendants sans qu’il puisse y être vu l’indication d’une norme supérieure imposant aux Etats parties de s’y conformer.

La requérante invoque, par ailleurs, l’intérêt supérieur de l’enfant. Elle ne démontre toutefois pas, et le Conseil n’aperçoit pas davantage, en quoi la prise en compte de l’intérêt supérieur de l’enfant suffirait à ouvrir à l’ascendant d’un bénéficiaire d’une protection internationale un droit à bénéficier du même statut que ce dernier.

De même, le Conseil rappelle que, dans le cadre de la présente procédure, il n’a pas de compétence pour se prononcer sur la question d’une éventuelle violation de l’article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales dont la violation est invoquée en termes de requête, celle-ci ne relevant pas du champ d’application de la Convention de Genève et pas davantage de celui de l’article 48/4 de la loi du 15 décembre 1980. La procédure d’asile n’a, en effet, pas pour objet de permettre de se substituer aux procédures mises en place dans les Etats de l’Union Européenne en général, ou en Belgique en particulier, en matière de respect de la vie privée et familiale ou plus largement de droit au séjour mais bien de se prononcer sur l’existence dans le chef d’une personne de raisons de craindre d’être persécutée dans son pays d’origine ou sur l’existence de sérieux motifs de croire qu’en cas de retour dans son pays d’origine, cette personne encourrait un risque réel de subir des atteintes graves visées à l’article 48/4 de la loi précitée.

Au vu des développements qui précèdent, le Conseil conclut qu’aucune norme juridiquement contraignante n’impose à l’Etat belge d’accorder une protection internationale à une personne au seul motif qu’elle appartient à la famille d’un bénéficiaire d’une telle protection (dans le même sens, voy. les ordonnances non admissibles n° 13.652 et n° 13.653 du Conseil d’Etat du 6 février 2020).

Par conséquent, la requérante ne peut être reconnue réfugiée sur la base du principe de l’unité de la famille.

5.5.3 Quant aux documents versés au dossier administratif, le Conseil observe que la requérante ne développe pas d’arguments qui remettraient en cause l’analyse de la partie défenderesse quant à ceux- ci. Partant, après examen de ces pièces, le Conseil estime pouvoir faire siens les arguments développés par la partie défenderesse en sorte qu’ils sont sans pertinence pour pallier les insuffisances affectant le récit.

En ce qui concerne la décision de reconnaissance de la qualité de réfugié de la fille de la requérante datée du 25 septembre 2020 annexée à la requête, le Conseil constate que ce document confirme la reconnaissance de la qualité de réfugié dans le chef de la fille de la requérante, élément qui n’est pas contesté en l’espèce. Dès lors, le Conseil estime que ce document ne permet pas de renverser les motifs de la décision et les constats qui précèdent.

5.6 En définitive, la partie défenderesse a donc pu valablement contester la crédibilité du récit produit par la requérante à l’appui de sa demande de protection internationale, et remettre en cause la réalité des menaces et maltraitances de sa famille et de sa belle-famille, les déclarations de la requérante à ces égards n’ayant pas été jugées crédibles en l’espèce. De même, le Conseil estime que la requérante reste en défaut d’établir le bien-fondé de sa nouvelle crainte en cas de retour en Guinée sans sa fille, reconnue en Belgique.

Les moyens développés dans la requête ne permettent pas de conduire à une autre conclusion. La requérante n’y apporte pas d’élément de nature à expliquer de manière pertinente les lacunes, les inconsistances et les invraisemblances relevées dans la décision attaquée et le présent arrêt, ou à établir la réalité des faits invoqués, nia fortiori, le bien-fondé des craintes alléguées.

En particulier, dès lors que les problèmes allégués par la requérante ne sont pas tenus pour établis en l’espèce, il n’apparaît en conséquence pas nécessaire d’examiner les arguments de la requête relatifs aux possibilités de protection offertes par les autorités guinéennes ou aux possibilités de rattachement

(11)

5.7 Au vu des développements qui précèdent, le Conseil considère que la requérante ne démontre pas en quoi la Commissaire adjointe aurait violé les dispositions légales et les principes de droit cités dans la requête, ou n’aurait pas suffisamment et adéquatement motivé la décision ; il estime au contraire que la Commissaire adjointe a exposé à suffisance les raisons pour lesquelles elle parvient à la conclusion que la requérante n’établit ni la réalité des faits invoqués, ni le bien-fondé de la crainte alléguée.

5.8 Il découle de ce qui précède que la requérante n’établit pas qu’elle a quitté son pays d’origine ou qu’elle en reste éloignée par crainte d’être persécutée au sens de l’article 48/3 de la loi du 15 décembre 1980.

6. Examen de la demande sous l’angle de l’article 48/4 de la loi du 15 décembre 1980 6.1 L’article 48/4 de la loi du 15 décembre 1980 énonce que :

«§ 1er. Le statut de protection subsidiaire est accordé à l'étranger qui ne peut être considéré comme un réfugié et qui ne peut pas bénéficier de l'article 9ter, et à l'égard duquel il y a de sérieux motifs de croire que, s'il était renvoyé dans son pays d'origine ou, dans le cas d'un apatride, dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, il encourrait un risque réel de subir les atteintes graves visées au paragraphe 2, et qui ne peut pas ou, compte tenu de ce risque, n'est pas disposé à se prévaloir de la protection de ce pays et ce, pour autant qu'il ne soit pas concerné par les clauses d'exclusion visées à l'article 55/4.

§ 2. Sont considérées comme atteintes graves:

a) la peine de mort ou l'exécution;

b) ou la torture ou les traitements ou sanctions inhumains ou dégradants du demandeur dans son pays d'origine;

c) ou les menaces graves contre la vie ou la personne d'un civil en raison d'une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international.».

Cet article est la transposition des articles 2, f, et 15 de la directive 2011/95/UE (anciennement 2, e, et 15 de la directive 2004/83/CE du Conseil de l’Union européenne du 29 avril 2004).

6.2 Il découle de cet article que pour pouvoir bénéficier du statut de protection subsidiaire, il faut que le demandeur encoure, s’il était renvoyé dans son pays d’origine, un « risque réel ». Cette notion renvoie au degré de probabilité qu’une personne soit exposée à une atteinte grave. Le risque doit être véritable, c’est-à-dire réaliste et non hypothétique.

Le paragraphe 2 précise ce qu’il y a lieu d’entendre par les mots « atteintes graves » en visant trois situations distinctes.

6.3 S’agissant des atteintes graves visées à l’article 48/4, § 2, a), et b), de la loi du 15 décembre 1980, le Conseil constate que la requérante ne fonde pas sa demande de protection subsidiaire sur des faits ou des motifs différents de ceux qui sont à la base de sa demande de reconnaissance de la qualité de réfugié.

Partant, dans la mesure où il a déjà jugé, dans le cadre de l’examen de la demande du statut de réfugié, que ces faits ou motifs manquent de crédibilité ou de fondement, le Conseil estime qu’il n’existe pas davantage d’élément susceptible d’établir, sur la base des mêmes événements ou motifs, qu’il existerait de sérieuses raisons de croire qu’en cas de retour dans son pays d’origine la requérante encourrait un risque réel de subir des atteintes graves visées à l’article 48/4, § 2, a, et b, de la loi du 15 décembre 1980, à savoir la peine de mort ou l’exécution, la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants.

6.4 Au regard de l’article 48/4, § 2, c), de la loi du 15 décembre 1980, la requérante ne développe aucune argumentation circonstanciée qui permette de considérer que la situation dans son pays d’origine correspondrait actuellement à un contexte de violence aveugle dans le cadre d’un conflit armé interne ou international. En tout état de cause, le Conseil n’aperçoit, dans le dossier administratif, ou dans le dossier de la procédure, aucune indication de l’existence de sérieux motifs de croire qu’elle serait exposée, en cas de retour dans son pays, à un risque réel d’y subir des atteintes graves au sens dudit article.

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6.5 En conséquence, il n’y a pas lieu d’accorder à la requérante la protection subsidiaire prévue par la disposition légale précitée.

7. La demande d’annulation

7.1 La requérante sollicite enfin l’annulation de la décision attaquée. Le Conseil ayant conclu à la confirmation de la décision attaquée, il n’y a plus lieu de statuer sur cette demande d’annulation.

8. Les constatations faites supra rendent inutile un examen plus approfondi des moyens de la requête, cet examen ne pouvant, en toute hypothèse, pas induire d’autre conclusion quant au fond de la demande. Le Conseil rappelle à cet égard que dans le cadre de la compétence de pleine juridiction qu’il exerce au contentieux de l’asile, il est amené à soumettre l’ensemble du litige à un nouvel examen et à se prononcer par un arrêt dont les motifs lui sont propres et qui se substitue intégralement à la décision attaquée. Il en résulte que l’examen des vices éventuels affectant cette dernière au regard des règles invoquées en termes de moyens, a perdu toute pertinence.

PAR CES MOTIFS, LE CONSEIL DU CONTENTIEUX DES ETRANGERS DECIDE :

Article 1er

La qualité de réfugié n’est pas reconnue à la partie requérante.

Article 2

Le statut de protection subsidiaire n’est pas accordé à la partie requérante.

Ainsi prononcé à Bruxelles, en audience publique, le deux septembre deux mille vingt et un par :

M. F. VAN ROOTEN, président f.f., juge au contentieux des étrangers,

M. P. MATTA, greffier.

Le greffier, Le président,

P. MATTA F. VAN ROOTEN

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