• Aucun résultat trouvé

Les relations entre archéologie et archéo-géographie

N/A
N/A
Protected

Academic year: 2021

Partager "Les relations entre archéologie et archéo-géographie"

Copied!
3
0
0

Texte intégral

(1)

Sandrine Robert

Les

r e la t io n s

e n tr

e t

archéo-géograp

Sandrine Robert (SDAVO, Conseil Général du Val-d'Oise et UMR ArScAn - Archéologie

environnementale)

L'archéologie e t l'archéo-géographie ont p a rta g é une histoire com m une autour d e la to p o g ra p h ie historique e t d e m éthodes telles que la photographie aérienne à basse altitude. Mais depuis une vingtaine d'années, elles se sont dissociées autour d e sources e t d'échelles d'é tu d e différentes (Robert à paraître).

En archéologie, on d é ve lo p p e une a p p ro ch e m orpho-fonctionnelle associant la form e et la fonction au point d e déduire l'une d e l'autre e t l'on se concentre sur l'information enfouie. En archéo-géographie, on dissocie la form e e f la fonction e t l'on observe l'information transmise.

L'approche morpho-fonctionnelle en archéologie

En a rch é o lo g ie , la p ré p o n d é ra n c e d o n n é e à l'e n fo u i c o n trib u a à d é v e lo p p e r une lecture essentiellement fonctionnelle des traces : la fonction est souvent d é duite d e la forme. L'archéologie préventive illustre bien c e tte a p p ro ch e : les archéologues étudient des vestiges actifs à une période donnée, qui n 'o n t plus d e fonction dans la société actuelle. La période m oderne est considérée com m e une limite tem p o re lle 1. L'extraction d e la c o u ch e de labour en milieu rural ou des couches de remblai les plus récentes en archéologie urbaine illustre c e tte rupture tem porelle. Les traces ne sont pas explorées dans leur dynam ique jusqu'au présent. On ne recherche pas la form e dans c e qu'elle est devenu e mais on te n te d e retourner à la tra c e dans son é ta t le plus proche d e la form e active. Ainsi, on s'intéresse surtout aux formes structurées e t non à celles déstructurées dans la c o u ch e de labour (Robert 2003).

En architecture, les typo-m orphologues ont dissocié définitivem ent la form e d e la fonction e t montré que la dynam ique se situait plutôt à l'interaction entre les deux. C 'est le d é c a la g e entre la form e e t la fonction qui est producteur d e dynam ique plus qu'une a d a p ta tio n univoque de l'une à l'autre. Dans c e tte conceptio n, on ne p e u t plus déduire une histoire sociale uniquem ent à partir d e la lecture des formes (Roncayolo 1988). Inversement, on ne pe u t écrire une histoire sociale sans une observation des formes. L'histoire s'écrit à partir de l'exam en d e c e qui surgit dans les décalages, au frottem ent des deux ensembles. C ette lecture nécessite une observation à la fois des fonctions (histoire, archéologie) mais aussi des formes (archéo-géo graphie) et propose une interaction entre les disciplines qui ne soit pas une instrumentalisation.

Une lecture dans l’association com plexe des échelles de temps et d ’espaces

C ette interaction de la form e et d e la fonction est nourrie par la com plexité des formes qui s'articule autour d e différentes échelles de temps e t d 'e space. L’é tu d e des réseaux d e voies m ontre par exem ple que l'on ne p e u t pas réduire un réseau à une form e localisée dans un tem ps ou dans un espace donné. Un itinéraire se m aintient dans le tem ps à travers une articulation des territoires locaux e t globaux e t une transform ation des tracés e t des modelés possédant des tem poralités très différentes (Robert 2002). Ce constat rend impossible une lecture des formes qui serait basée uniquem ent sur le local, le global, le présent ou le passé. C 'est pourtant la lecture qui a été privilégiée jusqu'à aujourd'hui dans les décou p a g e s disciplinaires. Ces partitions peuvent être ramenées à une simple différence d'objets d 'é tu d e , variant en fonction des sources utilisées et des échelles d e temps e t d 'e s p a c e choisies. Ainsi les architectes ont privilégié une é tu d e des formes locales du tissu urbain fa c e aux géographes qui se sont spécialisés plutôt dans l'analyse des flux à des échelles plus globales.

1 M êm e si les choses ch a n g e n t a v e c le d é ve lo pp e m e nt d e l'a rchéologie industrielle ou la fouille d'élém ents contem porains.

(2)

Environnement sociétés, espaces

La nouvelle géographie a reporté en arrière plan la g éograp hie classique plus soucieuse des formes que des flux. Elle a privilégié aussi le présent (temps des flux) au détrim ent du passé (temps com plexes des formes). Elle ne prend d o n c pas en c o m p te l'observation des formes du passé par l'archéologie.

Si l’on déplace le point de vue vers l’articulation entre la forme et le flux qui est dynamique et créateur de formes, on peut proposer un niveau d’articulation entre les disciplines. Ainsi, la lecture des flux à l'échelle

globale ne s'oppose plus à la lecture des formes matérielles projetées sur le sol par les sociétés à une échelle plus locale (tram e parcellaire, architecture...). Au contraire, la lecture de la dynam ique se fera à l'articulation entre les différents éléments. Elle nécessite alors d e prendre en c o m p te le présent des flux mais aussi les formes renvoyant à des tem poralités plus com plexes e t la scission faite habituellem ent entre présent et passé devient une articulation.

Au sein m êm e d e l'archéologie, une division est lisible entre les archéologues qui se basent à la fois sur l'observation localisée des modelés e t la reconstitution glo b a le des flux e t les archéo-géographes qui observent les formes à l'éch elle des tracés. À l'éch elle des modelés qui est aussi celle des fonctions, les temporalités sont très courtes (ex. une vingtaine d e réfections d e la Chaussée Jules-César en trois siècles). Les transformations sont alors interprétées co m m e des ruptures historiques (par exem ple : la fin d e l'entretien d e la Chaussée Jules-César au IIIe siècle correspondrait a ve c le d é b u t de la crise d e l'Empire romain). La seule observation des modelés tend à écrire une histoire fonctionnelle, valorisant l'id é e d 'u n e succession d e sociétés transform ant radicalem ent leur espace à c h a q u e fois. Si l'on ne base l'observation que sur c e tte échelle, on a la perception d 'u n e rupture qui est celle d e la fin de la fon ctio n d e grand parcours d e la Chaussée Jules- César, identifiée alors com m e la fin d e la relation entre Paris-Rouen. Mais si l'on d é p la c e le point de vue par l'analyse archéo-géographique, on a plutôt la perception d 'u n e continuité puisque la relation Paris-Rouen est utilisée aussi aux périodes m édiévale, m oderne e t contem pora ine pour la fonction d e grand parcours. Le tra cé s'est simplement d é p la c é (Robert 2002).

C ette pérennité dans la transformation pose la question d 'u n certain déterminisme des formes qui transcenderait les sociétés elles-mêmes. Nous proposons plutôt une histoire d e la dynam ique qui ém erge à la rencontre entre les formes e t les fonctions e t à la rencontre entre les différentes échelles d e temps et d'espace. Il ne s'ag it pas d 'u n déterminisme mais plutôt d 'u n e interaction.

Si l'on reprend l'exem ple des réseaux routiers, c e tte lecture d e m a n d e une observation des différents niveaux perceptibles par différentes approches :

- le flux (archéologie spatiale, géograp hie des flux), - les tracés (achéo-géographie, géographie), - les modelés (archéologie d e terrain, architecture).

C haque a p p ro ch e est spécialisée dans une observation particulière e t la lecture globale entre les différents niveaux ne pe u t se faire sans l'une d 'e n tre elle. C e tte articulation perm et d e percevoir les formes dans leur com plexité e t dépasse une interdisciplinarité basée souvent sur la simple instrumentation d 'u n e discipline par une autre.

Précisons qu'il s'a g it ici plus d 'u n e posture intellectuelle q u e d e la constitution d 'u n e véritable discipline. Ainsi, la lecture historique à partir de l'interaction entre les différentes formes p e u t être e ffe ctu é e aussi-bien par l'archéologue de terrain ou l'a rch ite cte que pa r le m orphologue ou le g é o g ra p h e des flux. Une fois sa propre lecture réalisée, le chercheur pe u t choisir d e l'associer aux autres visions pour construire son discours historique ou géographique.

Une lecture dans l’association com plexe des formes sociales et naturelles

Enfin, une partition a p paraît souvent entre des formes considérées co m m e d'origine « naturelle » e t des formes considérées co m m e d'origine « sociale ». Or lorsque l'on privilégie une lecture plus com plexe des phénomènes, on ne p e u t plus dissocier les différents niveaux. La lecture d 'u n flux, par exemple, se base sur sa continuité m êm e s'il associe des formes d'origines e t de tem poralités très différentes. Dans un réseau hydrographique, par exemple, il associera des formes d 'o rigine à la fois sociales et naturelles, à l'échelle des modelés, des formes proposeront le m êm e ty p e de contraintes topographiques qu'elles soient d'origine sociale ou naturelle. Une form e consfruite par l'hom m e p e u t ainsi avoir les mêmes effets d 'o b sta cle (infrastructures semi-enterrées ou sur talus, densité urbaine e tc,) que des modelés d'origine naturelle (vallées, relief..). Des axes routiers ou des simples rues se transform ent en véritables vallées lors de pluies torrentielles. Il y a ainsi une série de phénomènes physiques (effets d e pente e tc.) qui se jouent d e l'origine des éléments. Leur lecture d o it dépasser les clivages artificiels créés par les d é co u p a g e s disciplinaires (Chouquer (dir.) 2004).

(3)

Sandrine Robert

L'étude des traces archéologiques montre c o m m e n t une a ctio n à partir du m om ent où elle est transposée sur le sol, devient une com posante du milieu, un hybride socio-naturel qui possède sa logique m atérielle propre e t c e c i quel que soit son temps d e fo n ctio n n e m e n t e t la valeur attribuée à la trace. Ainsi, dans la lecture des sols, il est quasi impossible aujourd'hui d e faire la différence entre des sols « naturellem ent » fertiles e t des sols enrichis progressivement par l'a c tio n de l'h o m m e e t pa r la présence d e vestiges archéologiques. Les traces physiques sont un m élange d'hum ains e t d e non-humains, des formes hybrides situées dans le temps continu des transformations physiques.

Dans c e tte conceptio n, c e n'est plus la distance que l'on mesure entre les constructions humaines e t le m onde naturel qui sont porteurs d'historicité (la fam euse distinction : g éolog ique/pas gélologique en archéologie de terrain) mais au contraire l'interaction entre les deux sphères.

Éléments bibliographiques

C h o u q u e r G. (dir.) 2004. Études rurales, n°167-168. « O bjets e n crise, ob je ts reco m po sés, transmissions e t transfo rm a tion s des e sp a c e s historiques. Enjeux e t con tours d e l'a rc h é o g é o g ra p h ie ». EHESS, Paris, 2004.

R obert S. (à paraître). A rc h é o lo g ie p ré v e n tive e t m o rp h o lo g ie : d e u x points d e vues scientifiques différents. A c te s d u c o llo q u e AGER V : A c tu a lité d e la re c h e rc h e en histoire e t a rc h é o lo g ie agraires, B esançon, 19-20 se p te m b re 2000. B esançon : Presses Universitaires Francomtoises, c o lle c tio n A nnales littéraires d e l'Université, série Environnem ent, S o c ié té e t A rc h é o lo g ie .

Robert S. 2003. L'analyse m o rp h o lo g iq u e des pa ysag es e n tre a rc h é o lo g ie , urbanism e e t a m é n a g e m e n t d u territoire. Exemples d 'é tu d e s d e form es urbaines e t rurales dans le Val-d'Oise. Thèse d e D o c to ra t d e l'Université d e Paris I. Sous la dir. d e G. Chouquer, Paris, 2003, 1400 p.

R obert S. 2002. Étude m o rp h o lo g iq u e d e la Chaussée Jules-César d a n s le d é p a rte m e n t d u Val-d'Oise. R evue a rc h é o lo g iq u e d u C e n tre d e la France, Tome 41, 2002, p. 173-186.

R o n c a y o lo M. 1988. La m o rp h o lo g ie e n tre la m a tiè re e t le social, M. R o n ca yo lo ré p o n d à G u y Burgel e t P. G enestier. Villes en p a ra llè le , n°12-13, nov. 1988. Dossier : Formes urbaines. Nanterre, Université d e Paris X, La b o ra to ire d e G é o g ra p h ie urb aine, 1988, pp. 42-59.

Références

Documents relatifs

Fouille du Cinéma "Les Enfants du Paradis" - Chartres Voir la suite.

La figure 1 propose une reconstitution de l’évolu- tion du lobe d’embouchure du Tibre au cours du 1 er millénaire av. est démontrée, sa position et sa morphologie ne sont pas

Pot horticole romain (II siècle après JC ), découvert par Laurence Brissaud entre le bâtiment G de l'internat et le bâtiment situé plus au sud et qui comprend les logements

Les savoirs gestuels investigués: l'expérimentation des arts entre histoire des techniques, archéologie et histoire culturelle..

Le DU permet également l’accès à la Licence 3 d’Histoire de l’art & Archéologie de l’Université de Lorraine (entrée de droit après obtention du DU pour tout

OFFRE DE FORMATION 2018 -2022 Les étudiants ayant une activité salariée d’au moins 10h par semaine et un contrat de travail couvrant la totalité de l’année

Ayant été lui-même sollicité pour mettre au point une méthode appelée, au Royaume-Uni, « caractérisation des paysages historiques » (Historic

Les descendants de la famille Langeron, à qui nous avions demandé de mobiliser leur mémoire à ce sujet, nous parlaient des « crasses 13 » : les crasses, c’était là