Equivalent pour le comportement de la suite r´ecurrente : u n+1 = sin(u n ) :
preuve astucieuse ou principe de comparaison ?
Guy Barles
∗Il est bien connu que, quel que soit le point de d´epartu0, la suite r´ecurrente : un+1= sin(un),
converge vers 0. Les arguments sont simples car : (i) pour tout n ≥1,|un| ≤1,
(ii) la fonction sin est croissante sur l’intervalle [−1,1], (iii) sin(x)≤xsur [0,1], sin(x)≥x sur [−1,0].
Un exercice classique consiste `a obtenir un ´equivalent de un et on peut prouver que :
un∼ ±√
3n−1/2 .
La preuve classique de cette estimation est la suivante : on introduit la suite (vn)n d´efinie par :
vn= 1 u2n , et on montre que :
vn∼ n 3 .
Cet ´equivalent est obtenu de la mani`ere suivante : pour n assez grand, si un 6= 0 (sinon tous les terme suivants sont nuls) alors un+1 6= 0 car le sinus est une bijection de [−1,1] sur [sin(−1),sin(1)] et grˆace au d´eveloppement
∗<guy.barles@idpoisson.fr>
1
limit´e du sinus en 0, on a :
vn+1 = 1 u2n+1
= 1
sin2(un)
= 1
(un−u3n/6 +o(u3n))2 .
En factorisant le un au d´enominateur et en utilisant la d´efinition de vn, il vient :
vn+1 = vn
(1−u2n/6 +o(u2n))2
=vn(1 +u2n/3 +o(u2n)
=vn+ 1/3 +o(1) .
Donc (vn)n se comporte pour n grand comme une suite arithm´etique et par des arguments standards, on r´ecup`ere l’´equivalent annonc´e.
Pour conclure, il suffit de remarquer que le sinus envoie [0,1] dans lui- mˆeme et de mˆeme pour [−1,0] donc siu1 ≥0 alorsun≥0 pour toutn ≥1 (et si u1 ≤0 alorsun≤0 pour toutn ≥1), ce qui permet d’obtenir l’´equivalent de (un)n `a partir de celui de (vn)n.
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Nous allons proposer une preuve alternative, moins astucieuse, reposant sur un principe de comparaison qui s’´enonce comme suit :
Proposition 1. Soit f : [a, b] → [a, b] une fonction croisssante et (xn)n, (yn)n deux suites `a valeurs dans [a, b] qui satisfont :
(i) il existe n¯ tel que x¯n≤yn¯, (ii) pour tout n ≥¯n,
xn+1 ≤f(xn) et yn+1 ≥f(yn). Alors, pour tout n≥n,¯ xn≤yn.
La preuve (tr`es facile) de cette proposition est laiss´ee au lecteur.
Pour obtenir l’´equivalent pour la suite (un)nnous allons la comparer grˆace
`
a cette proposition `a des suites (xn)n et (yn)n particuli`eres.
Pour cela, on pose pour une constantec > 0 que l’on choisira plus tard : wn =cn−1/2 ,
et on s’int´eresse `a wn+1−sin(wn) pour n assez grand : wn+1−sin(wn) = c(n+ 1)−1/2−sin(cn−1/2)
=cn−1/2(1 + 1/n)−1/2−(cn−1/2 −c3n−3/2/6 +o(n−3/2)
=cn−1/2(1− 1
2n +o(1
n))−(cn−1/2−c3n−3/2/6 +o(n−3/2)
= c 2(c2
3 −1)n−3/2+o(n−3/2) Il en r´esulte que, si n est assez grand :
– Si c > √
3,wn+1 ≥sin(wn) si n≥N1(c) , – Si c < √
3,wn+1 ≤sin(wn) si n≥N2(c) .
Pour conclure, on utilise la Proposition 1 de la mani`ere suivante : on choisit d’abord c > √
3 (moralement “proche de √
3”). Comme un → 0, il existeN ≥N1(c) tel que uN ≤wN1(c); on applique alors la Proposition 1 `a :
xn=uN+n , yn =wN1(c)+n , avec ¯n= 0 ; il en r´esulte que, pour tout n ∈N :
uN+n≤wN1(c)+n , ou que pour n assez grand :
un≤wN1(c)−N+n . On en d´eduit que :
lim supn1/2un ≤lim supn1/2wN1(c)−N+n=c . Cette propri´et´e ´etant v´erifi´ee pour tout c >√
3, on a : lim supn1/2un ≤√
3.
Pour obtenir une propri´et´e analogue pour la lim inf, on ´echange les rˆoles de (un)n et (wn)n : on choisitc <√
3 (moralement “proche de√
3”). Il existe N ≥N2(c) tel quewN ≤u1 : on applique alors la Proposition 1 `a :
xn=wN+n , yn =un,
avec ¯n= 1 ; il en r´esulte que, pour tout n ∈N : wN+n ≤un.
On en d´eduit que :
c= lim infn1/2wN+n≤lim infn1/2un . Cette propri´et´e ´etant v´erifi´ee pour tout c <√
3, on a :
√
3≤lim infn1/2un ,
ce qui conclut l’argument puisque lim infn1/2un = lim supn1/2un = √ 3 montre bien que n1/2un →√
3, i.e. l’´equivalent recherch´e.
Remarque 1. Nous avons introduit la suite :
wn =cn−1/2 ,
ce qui peut sembler une astuce. Mais le calcul effectu´e pour peut l’ˆetre pour la suite wn=cn−α : si on veut ´eliminer les premiers termes du DL et montrer ainsi que la suite (wn)n satisfait au mieux la relation de r´ecurrence (donc avec une erreur minimale), on voit qu’il faut prendre α = 1/2 et c = √
3.
On obtient ainsi l’´equivalent en utilisant des perturbations de cette “presque solution” qui donnent des “sous-solutions” (cf. (xn)n) et des sursolutions (cf.
(yn)n).