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Le cadre juridique suisse de la dation en paiement

OBERSON, Xavier

OBERSON, Xavier. Le cadre juridique suisse de la dation en paiement. In: Byrne-Sutton, Quentin, Mariéthoz, Fabienne et Renold, Marc-André. La dation d'oeuvres d'art en paiement d'impôts . Zurich : Schulthess, 1996. p. 65-75

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:12753

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LE CADRE JURIDIQUE SUISSE DE LA DATION EN PAIEMENT

XAVIER OBERSON

Professeur à la Faculté de droit de l'Université de Genève, Avocat

1. INTRODUcrlON

En droit privé, on considère qu'il y a dation en paiement lorsque le débiteur et le créancier se meltent d'accord pour que la dette soit exécutée par une prestation différente de celle initialement convenue' . La dation en paiement est donc une modification du contrat initialement conclu qui suppose l'acceptation du créancier. Une fois les parties d'accord sur la dation, la deite s'éteint alors par l'exécution de la nouvelle prestation.

Le droit fiscal suisse repose jusqu'ici sur le principe général du paiement des dettes fiscales en sommes d'argent. L'idée de permettre à certains contribuables d'acquitter l'impôt sur les successions ou sur les donations par une remise d'objets d'art ou de collections à l'Etat, à l'instar d'autres Etats étrangers', fait peu à peu son chemin en Suisse'. Le canton

Peter GauchlEugen Spirig, Kommentar Zum schweizerischen Zivilgesetzbuch, V Ik, 3e éd. Zürich 1993, n' 15 ad art. 172 du Code des Obligations (CO); Pierre Engel, Traité de droit des obligations, Neuchâtel 1973. p. 419.

,

Voir à ce sujet, notamment, Jean-Louis Bismuth, Rapport général: Dation en paiement d'oeuvres d'art, in: La vente internationale d'oeuvres d'an. Paris Deventer 1990, p. 481ss.

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du Jura vient de mettre en oeuvre une modification de sa législation canto- nale sur les successions et donations allant en ce sens'; tandis que le canton de Genève étudie actuellement la question'.

Dans le cadre du présent exposé, je souhaiterais examiner dans Quelle mesure l'institution de la dation en paiement peut s'insérer dans l'ordre juridique suisse. Notre analyse se limitera aux domaines de l'impôt sur la fortune et de l'impôt sur les successions et donations, seuls secteurs nous paraissant envisageables en droit actuel.

La Suisse étant un Etat fédératif, se pose, en premier lieu, la question de la répartition des compétences eD la matière entre la Confédération et les cantons. En second lieu, il convient de vérifier si l'ordre juridique ne pose pas certaines limites à l'instauration de la dation en paiement. Enfin, nous terminerons par Quelques considérations ayant trait à des problèmes parti- culiers.

2. LA RÉPARTITION DES COMPÉTENCES ENTRE LA CONFÉDÉRATION ET LES CANTONS

Selon la règle générale de répartition des compétences, la Confédération ne peut exercer que les pouvoirs que la Constitution lui attribue (art. 3 Cst.).

En droit actuel, la Confédération ne dispose pas de la compétence pour prélever un impôt sur les successions ou sur les donations; il en va de même en matière d'imposition de la fortune des personnes physiques (art. 4lter al.

1 et 5 Cst. a contrario). La mise en oeuvre d'une modalité particulière de liquidation des impôts sur les successions, sur les donations ou sur la fortune est donc de la compétence exclusive des cantons. A ce jour, l'ensemble des cantons prélèvent un impôt sur la fortune. De même, la quasi totalité d'entre eux ont introduit un impôt sur les successions et sur les donations, à

J Voir à ce propos également, Max Beat Ludwig, Kunst flir Steuern. ein Grenzfall, Archives 61 (1992/93) p. 685 ss.

,

Décret du Parlement jurassien du 30 novembre 1994 relatif au paiement de la taxe des successions et des donations au moyen de biens culturels, entré en vigueur le 1er mars 1995 (voir Annexe 7 du présent ouvrage).

Une loi sur la dation a été adoptée par le Grand Conseil genevois le 1er décembre 1995 (voir Annexe II du présent ouvrage).

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l'exception notable du canton de Schwytz qui ne perçoit ni l'un ni l'autre et du canton de Lucerne qui ne connaît pas l'impôt sur les donations".

L'institution de la dation en paiement s'inscrit dans le cadre d'une politique culturelle cantonale visant à favoriser, par le recours à l'instrument fiscal, le maintien d'objets de haute valeur culturelle, artistique ou scien- tifique, dans le canton de situation de ces biens. Le droit fiscal sert ainsi d'instrument d'incitation. Les cantons ne sauraient toutefois, en agissant de la sorte, heurter des domaines d'intervention appartenant, en vertu du droit constitutionnel, à la Confédération. En droit actuel, le problème ne se pose guère étant donné que la Confédération ne dispose pas de compétence géné- rale pour agir en vue de protéger les biens culturels. L'article 24sexies al.

2 Cst., seule disposition pouvant entrer en considération, oblige simplement la Confédération à ménager l'aspect caractéristique des localités, des sites évocateurs du passé et des monuments; de surcroît, cet article est de toute façon une norme de compétence parallèle qui n'exclut pas celle des cantons'.

3. LES LIMITES DE L'ORDRE JURIDIQUE

Les cantons sont donc compétents en la matière. Ils ne sont pas pour autant libres d'agir comme ils l'entendent. Le droit fédéral, comme le droit cantonal, contiennent toute une série de principes pouvant fixer des limites à l'action des cantons. Sans prétendre à l'exhaustivité, on peul tenter d'en présenter quelques-unes.

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Le canton de Lucerne frappe toutefois de l'impôt sur les successions, les donations

survenues au cours des 5 dernières années avant le décès. Il convient de noter que les législations cantonales présentent de nombreuses disparités tant dans la délimitation du cercle des contribuables, de l'assiette et de la fiKation du taux, dom la présentation dépasserait le cadre de cette étude. Pour un aperçu général, voir Informations fiscales de la commission intercantonale d'information fiscale, Les impôts sur les successions et les donations, Berne (état 1er janvier 1994).

Blaise Knapp, La protection des biens culturels, in : Rapports suisses présentés au Xlflème Congrès international de droit comparé, Zurich 1990, p. 227 SS, 228.

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A. Le principe de légalité

Selon le principe de la légalité, les impôts doivent être prévus dans une base légale fonnelle, laquelle se prononce sur tous les éléments essentiels de l'imposition (le cercle des contribuables, l'objet et le mode de calcul de l'impôt)'. La jurisprudence précise encore que les exceptions au régime ordinaire d'imposition nécessitent également une base légale fonnelle". La dation en paiement représente une modalité exceptionnelle de versement en naTUre de l'impôt nonnalement dû qui ne s'adresse par définition qu'à un cercle restreint de contribuables. Dans ces conditions, il nous paraît évident que l'instiTUtion de la dation en paiement doit être l'oeuvre du législateur cantonal et ne saurait, par exemple, être introduite sous la fonne d'une simple ordonnance de l'exécutif du canton.

A cela s'ajoutent des raisons liées à la fonne juridique particulière de l'intervention étatique lors de l'acceptation d'une dation. En effet, et en confonnité avec le régime existant en droit privé, il est généralement admis que le contribuable ne peut que proposer à l'Etat de recourir à la dation; ce dernier est alors libre de l'accepter ou non. L'adoption d'une dation en paiement suppose donc une négociation entre les parties en présence, l'Etat et les contribuables, aboutissant en cas d'accord, à notre sens, à la conclusion d'un contrat de droit administratif. Un tel mode de procéder est en principe admis en droit suisse, à la condition de ne pas être exclu expressément par la loilo

Toutefois, selon la jurisprudence constante, les conventions fiscales prévoyant une réglementation qui déroge aux dispositions légales en ce qui concerne l'existence, l'importance ou le mode d'exécution de l'obligation fiscale ne sont admissibles que si elles sont expressément prévues par la

ATF 120 la 171, 178 c.P.; 120 la l, 3 Verband Studierender an der UniversitiU;

ATF du 30 avril 1993, RDAF 1993 p. 346, 348; ATF 118 la 324, 324 Commune de Lugano.

"

ATF 103 la 243 Christian Science Society; Pierre Moor, Droit administratif,

Volume l, Les fondements généraux. 2e éd. Berne 1994, p. 354.

10 ATF 103 la 505, 512 Gehr. Hoffmann AG; Blaise Knapp, Précis de droit administratif, 4e éd., Bâle 1991, no 1487.

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loi". Ce point de vue milite donc également pour l'instauration dans la loi cantonale, tant du principe même de la dation, que des modalités de conclusion de celle-ci.

B. L'égalité de traitement

Plus délicate est la question de la confomtité de la dation en paiement au principe de l'égalité de traitement garanti à l'article 4 Cst. Il est en effet admis que la poursuite de buts extra fiscaux par le législateur fiscal doit respecter le principe d'égalité de traitement". Selon le principe général, toute distinction juridique qui ne trouve pas de justification objective et raisonnable dans les faits qu'il s'agit de réglementer est contraire à l'article 4 Cst".

Il nous parait toutefois que la différenciation opérée par la dation en paiement entre les contribuables qui en sont bénéficiaires et les autres contri- buables devant acquiner leurs impôts en monnaie sonnante et trébuchante repose justement sur des motifs objectifs. La dation en paiement poursuit un but particulier, celui d'éviter la disparition de biens culturels, qui justifie la différence de traitement. En outre, les contribuables, on l'a vu, ne disposent de toute façon pas d'une prétention juridique à l'obtention de cene modalité particulière de paiement, celle-ci devant être acceptée par l'Etat.

Enfin, dans la mesure où la valeur des objets remis en dation corres- pond effectivement à celle du montant d'impôt qui aurait dû être acquiné selon les règles ordinaires, ou du moins s'en rapproche objectivement, la différence de traitement n'a alors guère d'incidence sur la capacité contributive des contribuables. Les bénéficiaires de la dation supportent en effet une charge fiscale comparable à celle des autres contribuables, car la dation en paiement n'introduit, en défmitive, qu'une modalité particulière' de liquidation de l'impôt. De ce point de vue, la dation en paiement s'avère

"

Archives 58 (1989/90) p. 210 ss, 213; ATF 101 la 92,98 Kurth; voir à ce propos,

notamment, les remarques critiques de Jacques-André Reymond, La bonne foi de l'administration en droit fiscal, in : Présence et actualité de la Constitution dans "ordre juridique suisse, Mélanges offerts à la Société suisse des juristes pour son Congrès 1991 à Genève, Bâle 1991, p. 383 SS, 375 ss.

12 ATF 112 la 247 B.; Danielle Yersin, L'égalité de traitement en droit fiscal, RDS 1992 Il p. 145 SS, 214 ss.

"

ATF 119 la 128 Paul Kuhn; 118 la 2 F.

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également conforme aux principes de l'égalité de l'imposition et de la capacité contributive, concrétisation du principe de l'égalité de traitement en droit fiscal".

C. La loi fédérale d'harmonisation

On peut ensuite se demander si la loi fédérale du 14 décembre 1990 sur l'harmonisation des impôts directs des cantons et des communes" (LAID)

qui pose des principes obligatoires aux cantons ne réduit pas les compé- tences cantonales dans le secteur qui nous occupe. Entrée en vigueur le 1er janvier 1993, la LHID accorde aux cantons un délai de g ans pour adapter leur législation. Cela étant, la LHID n'a aucune incidence pour les impôts sur les successions et donations, qualifiés d'impôts indirects par la doctrine dominante'·.

Le problème concerne donc uniquement l'impôt sur la fortune. On doit relever toutefois que la LAID est plutôt discrète sur ce sujet. Seuls les articles 13 et 14 LHID traitent de cet impôt et posent peu de contraintes aux cantons. Ces dispositions, en substance, confirment le principe généralement reconnu de la fixation par les cantons d'un impôt sur la fortune nette du contribuable, laquelle doit être évaluée à la valeur vénale; sous réserve d'une évaluation de façon appropriée à la valeur de rendement (essentiel-

lement pour les immeubles agricoles) (art. 14 al. 2 LHID). Au surplus, la

LHID ne contient aucune disposition relative aux modalités de paiement de l'impôt. Dans ces conditions, force est d'admettre que la LHID, hormis la fixation de principe de l'évaluation à la valeur vénale de la fortune imp0- sable, n'enfreint guère la liberté des cantons d'introduire la dation en paiement.

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ATF liS la 1 F.; 114 la 221 Müller; U21A 2408.; 110 la 7 Hegetschweiltr.

RQ 1991 Il 1256.

16 Francis Cagianut, Commentaire de ta Constitution fédérale, No 4 ad. art.

42quinquies Cst.; Ernst Hahn, Steuerrecht. 7e éd. Berne 1993, p. 493; Ernst BlumensteiniPeter Locher, System des Steuerrechls, Se éd. Zurich 1995, p. 141.

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D. Le concordat Intercantonal sur l'Interdiction des arrangements f"!Seaux

L'article 42quater Cst. accorde à la Confédération la compétence d'édicter des dispositions contre les arrangements fiscaux destinés à accorder aux contribuables des avantages injustifiés. En l'absence de réglementation fédérale adoptée sur cette base, les cantons ont conclu un concordat inter- cantonal, entré en vigueur le 6 octobre 1949 (CIAF)"; aux termes duquel, ils s'engagent en principe à ne plus conclure d'arrangements fiscaux avec les contribuables. Est considéré comme arrangement, selon la doctrine, tout accord conclu entre le contribuable et le fisc dans lequel la prestation fiscale est déterminée d'une manière s'écartant de la réglementation légale géné- rale". A priori, l'institution de la dation en paiement qui, sous couvert d'un accord entre l'Etat et le contribuable, aboutit à mettre en place une forme spéciale de versement de l'impôt devrait tomber dans le champ d'application du Concordat.

Le Concordat réserve toutefois quelques exceptions. En premier lieu, les cantons s'interdisent de conclure des arrangements particuliers qui soient en contradiction avec leur législation en matière d'impÔts sur les succes- sions, les donations et les mutations (art. 1 al. 4 du CIAF). Par conséquent, et dans la mesure où elle figure expressément dans la loi cantonale, l'insti- tution de la dation en matière d'impôts sur les successions et donations n'est pas contraire au Concordat.

En second lieu, le Concordat prévoit la possibilité d'accorder dans la loi des facilités pour l'imposition des personnes physiques qui, pour la première fois ou après une absence au pays d'au moins 10 ans, prennent domicile ou séjournent en Suisse sans y exercer d'activité lucrative, (art. 1 al. 3 lettre a CIAF). Ces facilités peuvent être offertes pour le reste de l'année en cours, après l'entrée en Suisse, et l'année suivante. Au surplus, pour les personnes de nationalité étrangère qui ne sont pas nées en Suisse, les allègements fiscaux peuvent continuer à être accordés au-delà de cette

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Concordat entre les cantons de la Confédération suisse sur l'interdiction des

arrangements fiscaux du 10 décembre 1948 (RS 671.1.), auquel l'ensemble des cantons ont aujourd'hui adhéré.

"

Francis Cagianut, Commentaire de la Constitution fédérale, No 4 ad. art. 42quater

Cst.; le même. Das Verbot von Steuerabkommen im heutigen Steuerrecht, in: Mélanges Hafelin, Zurich 1989, p. 325 ss.

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période, mais à la condition que la prestation due ne soit pas inférieure au montant déterminé par l'application des dispositions du droit fiscal conunun à la propriété immobilière se trouvant en Suisse, aux valeurs mobilières suisses et aux choses mobilières suisses. Selon cette disposition, la dation en paiement pourrait ainsi être offerte aux personnes remplissant les conditions de l'article 1 al. 3 CIAF, dès lors que le montant d'impôt ne s'écartera en principe pas de l'impôt calculé selon les règles ordinaires. Les objets d'art ou de collections situés en Suisse devront toutefois être évalués en conformité à la valeur vénale de ces biens.

Quoiqu'il en soit, il nous paraît qu'indépendamment de l'application possible des exceptions relatées plus haut, cet accord intercantonal ne s'oppose de toute façon pas à l'instauration par les cantons de l'institution de la dation en paiement, dans la mesure où celle-ci est prévue dans la loi.

Le Concordat vise à lutter contre la concurrence excessive des canIOns cher- chant à attirer des contribuables sur leur territoire au moyen de facilités fiscales. A partir du moment où le principe de la dation en paiement, conune les conditions précises de son octroi, sont prévus dans une loi au sens formel, cette institution s'inscrit alors dans un régime général d'imposition ouvert aux contribuables qui en remplissent les conditions.

L'arrangement entre l'Etat et le contribuable, s'il se produit, perd son caractère spécial et personnalisé car il est légitimé par la loi.

4. QUESTIONS PARTICULIÈRES

Ayant tenu compte des limites fixées par l'ordre juridique, le législateur n'est pas encore au bout de ses peines. Avant de pouvoir mettre en oeuvre l'institution de la dation en paiement se posent encore à lui des problèmes, certes plus concrets, d'opportunité, de praticabilité, ou liés à la répartition des compétences fiscales entre les cantons et les conununes.

A. La délimitation et l'évaluation des objets

Le législateur doit tout d'abord définir le cercle des objets pouvant entrer en considération. Faut-il par exemple inclure les objets scientifiques? Limiter la dation aux biens meubles? Ne viser que les objets d'intérêts culturels du canton, d'une région, ou de la Confédération? Autant de questions difficiles mais incontournables pour le législateur. A cela s'ajoute un problème de

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technique législative qui est de proposer une définition légale satisfaisante des objets concernés". Eu égard au caractère exceptionnel de la mesure fiscale en cause, qui, somme toute, frustre l'Etat de disponibilités fiscales, une définition restrictive des objets susceptibles d'être offerts en dation s'impose; de ce point de vue seuls les biens présentant un haut intérêt culturel devraient pouvoir entrer en considération.

Ensuite, un autre problème central en la matière est bien évidemment celui de l'évaluation des biens faisant l'objet d'une dation. Il s'agit là d'un problème familier des fiscalistes qui ne devrait pas être insurmontable. En outre, s'agissant en particulier de l'impôt sur les successions et donations, la question de l'évaluation des objets d'art se pose de toute manière, indépendamment de la mise en oeuvre ou non de la procédure de dation en paiement. Par exemple, à Genève, les meubles meublants, collections, objets d'art, tableaux et tous objets mobiliers doivent être estimés à leur valeur vénale pour fixer le montant de l'impÔt sur les successions (art. 9 de la loi sur les droits de succession"'} ou sur les donations (art. 15 al. 1 de la loi sur les droits d'enregistrement"). En cas de dation en paiement, nous avons vu plus haut que pour respecter le principe d'égalité de traitement, la valeur des objets d'art ou de collections concernés devrait se rapprocher le plus possible de la valeur vénale. En France, par exemple, la Commission interministérielle d'agrément pour la conservation du patrimoine artistique national, chargée de déterminer l'intérêt artistique ou historique des objets, comme de les évaluer, dispose d'un fichier informatique lui permettant de suivre les prix du marché international de l'art". Pour assurer une évalua- tion correcte, le recours à des experts en la matière sera donc souvent indispensable.

Que se va-t-il se passer si la valeur proposée excixle le montant des impÔts dus par le contribuable? Le canton en cause devra-t-il rembourser la différence? La réponse nous paraît devoir être nuancée. En droit privé, la

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Voir par exemple art. 1 al. l lettre a de la loi fédérale sur la protection des biens

culturels en cas de conflit armé (RS 520.3), à laquelle le projet du canton du Jura se réfère.

20

"

Du 26 novembre 1960, RS/GE 0/3/5.5.

Du 9 octobre 1969, RS/GE D/3/6.

Bismuth op. cit. p. 518.

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dation en paiement, dans la mesure où le créancier y donne son consen- tement, a pour effet de libérer le débiteur par la remise d'une prestation différente dé celle conclue originellement. En revanche, il est admis que si la prestation effectuée a une valeur supérieure à la prestation due, le créancier garde le profit". En effet, la dation en paiement n'est qu'une forme particulière d'extinction d'une obligation préexistante qui n'a pas pour conséquence de créer une nouvelle obligation à charge du créancier.

De même en droit fiscal, lors d'une dation, les.parties en présence, le canton d'une part, le contribuable, de l'autre, acceptent que la prestation normalement due, née en application de la législation cantonale d'impôt, s'éteigne par une remise d'objets en nature. Selon ce point de vue, le canton ne devrait ainsi pas être tenu de rembourser au dataire, la différence positive entre la valeur de l'objet remis et le montant des impôts normalement dus". Il ne paraît toutefois pas interdit, en principe, au législateur cantonal de prévoir une réglementation différente de celle du droit des obligations qui, par exemple, introduirait la possibilité de versement d'une soulte, en cas de dation de valeur notablement supérieure à celle des impôts dus. Pareil mécanisme, outre qu'il rendrait sans doute plus difficile la mise en oeuvre d'une dation en paiement, s'écarterait cependant du principe qui en constitue la base.

B. La prise en compte des compétences communales

Problème typiquement helvétique, il s'agit de ne pas négliger les intérêts des communes qui peuvent se trouver parties prenantes dans la procédure de dation à plusieurs titres. Dans de nombreux cantons, mais non pas à Genève, les communes participent au produit de l'impôt cantonal sur les successions ou sur les donations, notamment sous la forme de .. centimes additionnels" aux impôts cantonaux. En outre, certains cantons (notamment Fribourg, Grisons et Vaud) prélèvent même un impôt communal sur les successions et donations". Dans ces hypothèses, bien évidemment, la

23 Gauch/Spirig op.cit. n" 15 ad. art. 172 CO; Engel op. cit. p. 419.

24 Dans le même sens, notamment dans la perspective du droit français, Bismuth op.

cit. p. 520 ss.

25 Informations fiscales de la commission intercantonale d'information fiscale, op. cit.

p.48.

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participation des corrununes à la procédure de dation s'avère nécessaire; à moins que le canton ne décide d'emblée de limiter la dation à la' part cantonale de l'impôt nonnalement dû".

5. CONCLUSION

En résumé, il apparatt que l'ordre juridique ne s'oppose pas en principe à l'instauration de la dation en paiement par les cantons suisses; dans la mesure où certaines conditions-cadre sont respectées par le législateur cantonal. Tenant compte de l'intérêt général que la dation représente pour la Suisse, on peut toutefois se demander s'il est opportun que les cantons introduisent chacun selon des modalités qui leur sont propres une telle institution. Ne conviendrait-il pas plutôt qu'une action plus globale, ou du moins plus coordonnée, soit entreprise par les cantons qui sont, on l'a vu, compétents en la matière? A la lumière des expériences positives résultant de l'application du concordat intercamonal sur les arrangements fiscaux, on pourrait ainsi songer à l'adoption d'un concordat spécifique sur la dation en paiement.

2.

Voir en ce sens l'art. l al. 3 du décret jurassien.

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