• Aucun résultat trouvé

"Neutre et international"?: le CICR et son action dans les guerres balkaniques (1912-1913)

N/A
N/A
Protected

Academic year: 2022

Partager ""Neutre et international"?: le CICR et son action dans les guerres balkaniques (1912-1913)"

Copied!
84
0
0

Texte intégral

(1)

Master

Reference

"Neutre et international"?: le CICR et son action dans les guerres balkaniques (1912-1913)

MANSOURI, Anaïs

Abstract

Ce mémoire s'est attelé à étudier l'action du Comité international de la Croix-Rouge lors des guerres balkaniques. Ces conflits ont été l'occasion de mettre en oeuvre une résolution de la Conférence de Washington en faveur d'une catégorie de victimes de guerre particulière, les prisonniers de guerre. Le CICR a envoyé sur le terrain un délégué et a mis sur pied une Agence internationale de secours. En nous basant sur des sources émanant du CICR, il a été possible de voir que son oeuvre en faveur des prisonniers de guerre a été conditionné par les circonstances et les personnalités actives sur place, notamment le délégué du Comité et le directeur de l'Agence de secours, pesant lourdement sur les retombées de son action.

MANSOURI, Anaïs. "Neutre et international"?: le CICR et son action dans les guerres balkaniques (1912-1913). Master : Univ. Genève, 2019

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:123643

Disclaimer: layout of this document may differ from the published version.

(2)
(3)

Anaïs Mansouri (10-306-090)

« Neutre et international » ? : le CICR et son action dans les guerres balkaniques (1912-1913)

Mémoire de Master en histoire Sous la direction du Prof. Matthias Schulz

Université de Genève Août 2019

(4)

Remerciements

J’exprime ma gratitude à tous ceux sans qui ce mémoire ne serait pas ce qu’il est : aussi bien par les discussions que j’ai eu la chance d’avoir avec eux que leurs suggestions et leurs contributions.

Je remercie particulièrement mon directeur, le professeur Matthias Schulz, qui m’a vu changer plusieurs fois de sujet de mémoire avant de m’arrêter définitivement au cœur de la « macédoine des peuples ». Sa disponibilité et ses remarques ont été profondément appréciées.

Je remercie également Fabrizio Bensi, l’archiviste du CICR, qui au détour d’une phrase prononcée à l’automne 2018, a réussi à attiser ma curiosité pour ce pan méconnu de la longue histoire du CICR.

J’adresse aussi mes remerciements à Lou Jacquemet. Entre discussions sérieuses et envois impromptus de « GIF » ou autres « mème » pendant la rédaction, elle a eu le temps et la patience de me relire. Ses retours constructifs sur mon travail ont été précieux.

J’ai ici une pensée pour Sumiko Chablaix, qui a toujours eu foi en moi et m’a permis de garder le cap. En dépit d’un agenda chargé, elle a pris le temps de relire mon travail et d’offrir des commentaires pertinents.

Mes remerciements vont aussi à mes parents, Valérie et Mehdi Mansouri, qui ont toujours été là pour moi. Malgré une période difficile, ils n’ont pas compté leurs heures pour me montrer leur soutien.

Enfin, je tiens à remercier ma grand-mère maternelle, Nicole Desnoux. Après plus de huit décennies sur Terre, elle conserve la curiosité rafraîchissante d’une enfant. La curiosité de celle qui n’a pu vivre ses rêves. La curiosité de celle qui n’a pu profiter d’une pleine éducation. Ce mémoire lui est dédié.

(5)

« Neutre et international » ? : le CICR et les guerres balkaniques (1912-1913)

Introduction 4

Les guerres balkaniques : une historiographie éparse 8

De la sélection des sources 10

I. Entre réticence et acceptation: les prisonniers de guerre comme

préoccupation du Comité international de la Croix-Rouge (1863-1912) 14

A. La maturation (1863-1899) 15

La Conférence internationale de Genève de 1863 16

La Ière Conférence internationale des Sociétés de la Croix-Rouge (Paris, 1867) 16 La Conférence de Bruxelles et le projet d’une Déclaration concernant les lois et

coutumes de la guerre (1874) 18

La première Conférence de la Paix de La Haye et la Convention

concernant les lois et coutumes de la guerre sur terre (1899) 22

B. L’acceptation (1899-1912) 23

La VIIe Conférence internationale des Sociétés de la Croix-Rouge

(Saint-Pétersbourg, 1902) 24

La VIIIe Conférence internationale des Sociétés de la Croix-Rouge

(Londres, 1907) 27

La IXw Conférence internationale des Sociétés de la Croix-Rouge

(Washington, 1912) 31

II. « Une mission extrêmement intéressante » : le délégué du CICR 34 A. Profil d’un délégué international : le docteur Carle de Marval 35

B. Le délégué sur le terrain 39

Le délégué et la presse 41

Le délégué : personnalité publique et personne privée 45

C. Le rapport du délégué 47

(6)

III. « Neutre et internationale » : l’Agence de Belgrade 55 A. L’Agence de Bâle en guise de modèle pour Belgrade 55

B. L’Agence : le lieu 58

C. Christian Vögeli : l’entrepreneur-consul devenu humanitaire 61

D. L’Agence : fonctionnement et leçons 64

Conclusion 72

Annexes 74

Orientation bibliographique 78

(7)

Introduction

« Il est 7 heures, et nous partons à 7h40, c’est vous dire que ma dernière lettre est pour vous. Tout est en ordre, et nous n’avons plus qu’à faire notre DEVOIR, maintenant »1.

C’est par ces mots que le Dr Carle de Marval, médecin originaire du canton de Neuchâtel, résume la mission qui vient de lui être confiée par le Comité international de la Croix-Rouge (CICR)2. Ce « devoir » qui semble être particulièrement cher au Neuchâtelois est, en date du 5 novembre 1912, une mission novatrice. Elle doit permettre au Comité d’avoir un rapport détaillé sur « l’organisation et le fonctionnement des Sociétés de la Croix-Rouge des États balkaniques et du Croissant- Rouge à Constantinople »3 pendant la Première Guerre balkanique. En effet, les pays balkaniques, coalisés dans une Ligue, ont pris les armes contre l’Empire ottoman.

La Première Guerre balkanique, qui dure d’octobre 1912 à mai 1913, oppose la Serbie, la Bulgarie, la Grèce et le Monténégro à l’Empire ottoman. La Ligue balkanique, soutenue en sous-main par la Russie, a pour objectif explicite de conquérir et de se partager les derniers territoires européens de l’Empire ottoman, qui consistent en 1912 de la Macédoine et de la Thrace. En plus de cet objectif territorial, les alliés souhaitent à tout prix éviter la création d’une Albanie indépendante. Malgré les fortes dissensions qui existent entre les pays balkaniques – nourries par les querelles religieuses et des nationalismes particulièrement prégnants – ils arrivent à former une alliance pour atteindre leur objectif commun.

1Lettre du Dr. de Marval à Gustave Ador, le 5 novembre 1912. ACICR AF 25-1. Le terme de

« devoir » est capitalisé dans la lettre dactylographiée.

2 Dans ce présent travail, les termes « Comité international de la Croix-Rouge », « CICR » et

« Comité » seront utilisés de manière interchangeable pour désigner l’organisation basée à Genève. En sus, les sources mentionnent à plusieurs reprises l’expression « Comité de Genève » ou « Comité international de Genève » pour faire référence au CICR. Cette expression sera reprise lorsqu’il en sera fait mention dans les textes contemporains.

3143e circulaire du Comité international de la Croix-Rouge, « Délégation du Comité international sur le théâtre de la guerre des Balkans », le 5 novembre 1912. ACICR AF 25-1.

(8)

Ce conflit se révèle particulièrement désastreux pour les Ottomans. Les troupes ottomanes subissent les assauts des États alliés et accumulent très rapidement les défaites stratégiques et symboliques, comme la perte de Salonique, berceau du Comité Union et Progrès alors au pouvoir à Constantinople. Les négociations de paix débutent à Londres en décembre 1912 avant de s’effondrer en février. Le traité de paix de Londres est finalement signé le 30 mai 1913. Signe d’échec de la Ligue, le traité aboutit à la création d’une Albanie autonome, soutenue par Vienne, qui bloque l’accès à la mer auquel rêve la Serbie.

Si les États balkaniques obtiennent tous un gain territorial, seule la Bulgarie s’estime lésée dans le partage. Les forts antagonismes entres les coalisés balkaniques font que l’unité de façade se désagrège rapidement au cours du printemps 1913. Alors que l’encre est à peine sèche sur le traité de Londres, la rupture entre les anciens alliés balkaniques est consommée. La Bulgarie déclare la guerre à ses anciens alliés le 16 juin 1913. Cette fois-ci, la Roumanie sort de sa neutralité pour se ranger aux côtés des coalisés, tandis que l’Empire ottoman profite de la confusion ambiante pour reprendre certains de ses territoires perdus, dont la ville-symbole d’Andrinople. La deuxième guerre ne dure que quelques semaines : alors que les troupes roumaines menacent Sofia, les Bulgares réclament et obtiennent un cessez-le-feu. Le traité de Bucarest, signé le 10 août 1913, met un terme au conflit et ampute la Bulgarie d’une large partie des terres macédoniennes acquises auparavant.

La Première Guerre balkanique est marquante sous plusieurs aspects. En effet, plusieurs crises dans la région ont alarmé les chancelleries européennes depuis 1871 : l’insurrection bosniaque de 1875-77 et la guerre russo-turque de 1877-1878 ont particulièrement frappé les esprits des contemporains. Mais depuis la guerre gréco- turque de 1897, seule la crise d’annexion de la Bosnie-Herzégovine de 1908-1909, véritable temps fort de la genèse des guerres balkaniques, fait craindre pendant plusieurs semaines une déflagration générale. Le premier conflit balkanique met ainsi brusquement fin à plus d’une décennie de paix relative sur le continent européen. Par ailleurs, ce conflit incarne aux yeux des contemporains l’étape finale qui doit mener à la résolution de la « Question d’Orient », qui a transformé depuis la fin du XVIIIe siècle l’Empire ottoman en un terrain où les intérêts stratégiques des grandes

(9)

puissances se déploient. Les observateurs ne s’y trompent pas : la presse francophone parle régulièrement de la « liquidation balkanique » pour désigner ces conflits4.

En outre, en dehors des considérations militaires et diplomatiques au sens strict du terme, cette guerre est le théâtre d’une petite révolution dans le domaine humanitaire. Le CICR est actif sur le théâtre de guerre balkanique. Fidèle au rôle d’intermédiaire entre les Sociétés nationales auquel il s’est astreint, le Comité international de la Croix-Rouge fait appel dès le 26 octobre 1912 à la solidarité internationale des Sociétés des pays neutres pour pourvoir aux besoins des Sociétés nationales des cinq belligérants5. En parallèle à son rôle d’intermédiaire entre les Sociétés de la Croix-Rouge, le CICR s’engage sur une autre voie plus active. Dans le cadre d’une mission d’information, le médecin-major Carle de Marval se rend sur place afin de voir comment les Sociétés de la Croix-Rouge des pays belligérants fonctionnent. À l’occasion de ces conflits, l’organisation envoie un délégué sur place, renouant ainsi avec une pratique qu’elle a déjà eue par le passé, notamment lors de la guerre des duchées (1864) et la guerre d’Orient (1875-78).

En plus de cette mission, le Comité prend l’initiative de mettre sur pied une Agence de secours internationale, à l’image de celles qu’il a créé pour la guerre franco-prussienne de 1870-71 (Agence de Bâle) et la guerre russo-turque de 1877-78 (Agence de Trieste). Le CICR, dans une circulaire adressée aux Sociétés étrangères, précise que cette agence est sous son contrôle et conserve « un caractère strictement neutre et international »6. Le consul de Suisse en Serbie, Christian Vögeli, est nommé à la tête de l’Agence de Belgrade. Pendant l’année où elle est en fonction, du 15 novembre 1912 au 30 novembre 1913, elle tente de remplir son cahier des charges avec les ressources humaines et financières qui lui sont allouées.

Par la force des choses, les deux guerres balkaniques sont devenues le prélude de la Grande Guerre tant sur le plan militaire que sur le plan humanitaire. Ainsi,

4Pour plus d’informations au sujet de la Question d’Orient, voir l’ouvrage classique de ANDERSON, Matthew, S., The Eastern Question : 1774-1923: A Study in International Relations, 1966.

5« 142e circulaire : Guerre des Balkans. Appel aux Croix-Rouges des États neutres », le 26 octobre 1912. ACICR, A AF 25-1.

6« 144e circulaire : Création d’une Agence internationale à Belgrade », le 16 novembre 1912. ACICR, A AF 25-1.

(10)

l’action que mène le CICR sur le front balkanique s’inscrit dans une période cruciale pour l’affirmation de l’action humanitaire de l’organisation en situation de conflit international. Mais plus encore, l’Agence internationale de secours de Belgrade incarne une évolution dans les attributions du CICR en ce qui concerne les prisonniers de guerre7. En effet, cette catégorie de « victimes de guerre » – telle que définie par François Bugnion8 - est, depuis les débuts du Comité international de la Croix-Rouge, un cas qui suscite interrogations et doutes. Depuis la création du CICR en 1863, leur cas souffre de leur manque de définition juridique dans le droit international humanitaire. L’extension progressive du domaine d’activité du CICR reste particulièrement sujette au contexte politique mais aussi à l’évolution de la pratique juridique. Étant le garant moral des Conventions de Genève, il est donc logique que le Comité en tire sa légitimité d’action. À l’heure des guerres balkaniques, les prisonniers de guerre valides bénéficient d’une protection juridique dans le droit de la guerre codifié par les Conférences de La Haye dès 1899. En revanche, ils ne sont pas formellement inclus dans le droit humanitaire international, également connu sous le nom le droit de Genève. Ils restent ainsi pendant plusieurs décennies dans un entre- deux incertain, avant de pouvoir bénéficier d’une protection garantie par la Convention de Genève de 1929 relative au traitement des prisonniers de guerre.

Ce travail vise dès lors à étudier l’action du CICR menée à l’occasion des guerres balkaniques. Quelles sont les évolutions juridiques qui ont permis à l’institution de s’occuper des prisonniers de guerre? En étant un « proto-délégué », de quelle manière le Dr. de Marval rend-t-il compte de la réalité du terrain? En quoi les tâches de l’Agence de Belgrade se révèlent-t-elles différentes de celles ses prédécesseurs ? Dans un contexte régional particulièrement marqué par les nationalismes, comment le Comité international justifie-t-il son action ?

7Le présent travail abordera principalement les prisonniers de guerre valides. Les blessés ou malades tombés aux combats sont considérés comme des prisonniers de guerre, couverts à l’art 2. de la Convention de Genève (1906) : « Sous réserve des soins à leur fournir en vertu de l'article précédent, les blessés ou malades d'une armée tombés au pouvoir de l'autre belligérant sont prisonniers de guerre et les règles générales du droit des gens concernant les prisonniers leur sont applicables […]. » Voir Convention pour l’amélioration du sort des blessés et des malades dans les armées en campagne, 6 juillet 1906, art.2. https://ihl-databases.icrc.org/applic/ihl/dih.nsf/ART/180-170003?OpenDocument .

8BUGNION, François, Le Comité international de la Croix-Rouge et la protection des victimes de la guerre, Genève, CICR, 2000, pp. XXIV-XXVIII.

(11)

Lorsque la première des guerres balkaniques éclate, le terrain est propice aux changements dans la pratique humanitaire. Véritable répétition générale du premier conflit mondial, les guerres balkaniques sont l’occasion pour le CICR de tester dans le feu de l’action une potentielle évolution de sa mission. La généalogie juridique révèle que le Comité a saisi le problème rapidement, sans toutefois réussir à trouver des solutions concrètes. Il faut attendre l’année charnière de 1899 avant que les Conférences internationales des Sociétés des la Croix-Rouge ne s’emparent vraiment de ce sujet. La résolution sur les prisonniers de guerre adoptée à la IXe Conférence (Washington) signale un tournant. Elle sert de base pour envoyer une délégation dans les Balkans en la personne de Carle de Marval. Elle permet également au CICR de mettre sur pied l’Agence de Belgrade. Pour tenter de faire face aux difficultés, le Comité justifie à plusieurs reprises sa double action en répétant un mot : neutre. Cette position se révèle néanmoins relativement difficile à mettre en pratique face à la réalité de la situation. Si le cas du délégué est plus facilement gérable, il n’en est rien pour l’Agence de Belgrade. Malgré les garde-fous mis en place par le Comité, la méfiance qu’inspire l’institution a eu en partie raison de son efficacité en faveur des victimes de guerre.

Les guerres balkaniques : une historiographie éparse

Les études portant sur les guerres balkaniques ont subi de plein fouet les aléas de l’histoire mouvementée du XXe siècle. Sa proximité chronologique avec la Grande Guerre a durablement impacté la production historiographique. Par la suite, la Seconde Guerre mondiale, puis la période communiste a contribué à renforcer ce silence. Ainsi, la seule étude conséquente publiée entre 1912 et 1945 traite de la diplomatie des guerres balkaniques9. Il faut attendre la fin des années 1970 et surtout les années 1990 pour voir apparaître plusieurs monographies et études portant sur ces conflits.

Deux tendances sont perceptibles dans l’historiographie des guerres balkaniques: l’histoire militaire et l’histoire politique. Cette dichotomie est

9HELMREICH, Ernest C., The Diplomacy of the Balkan Wars 1912-1913, Cambridge, Harvard University Press, 1938.

(12)

particulièrement visible dans les ouvrages collectifs. Dans un même ouvrage, un chapitre se consacrant aux effectifs militaires des belligérants peut très bien côtoyer un autre s’intéressant à la politique intérieure de l’un des pays concernés10. L’un des ouvrages ayant relancé l’intérêt pour cette question est celui de Richard C. Hall11. Malgré un indéniable biais pro-bulgare dû principalement aux sources utilisées, il reste l’un des classiques de l’histoire militaire des guerres balkaniques. Dans sa suite, plusieurs autres ouvrages se sont inscrits dans ce renouveau historiographique, notamment celui dirigé par Jean-Paul Bled et Jean-Pierre Deschodt12.

Depuis les années 2000, un nouveau front historiographique s’attache à analyser la mémoire de ces guerres, en particulier à la lumière des conflits qui ont déchiré l’ex-Yougoslavie (1991-2001). Le centenaire des guerres balkaniques a aussi participé à cet intérêt pour la mémoire et la réception de ces guerres dans les pays concernés et révèle parfois les difficultés de ces derniers à les appréhender sereinement. Ce nouvel axe d’intérêt permet de révéler que toutes les guerres balkaniques semblent s’inscrire dans une continuité presque téléologique, qui participe à la construction d’une identité nationale. L’ouvrage collectif dirigé par Katrin Boeckh et Sabine Rutar s’inscrit parfaitement dans ce courant13.

Contrairement aux aspects militaires, politiques ou bien mémoriels, l’action humanitaire dans les guerres balkaniques est extrêmement peu abordée. En effet, il n’existe presque aucune étude traitant de ce sujet précis14. Néanmoins, plusieurs articles et chapitres d’ouvrages collectifs effleurent cette question, dont le plus pertinent est celui d’Annette Becker, qui revient sur ces guerres par l’angle du droit

10Voir en guise d’illustration les contributions de Jean-Noël Grandhomme et de Catherine Durandin dans DURANDIN, Catherine, FOLSCHWEILLER, Cécile (dir.), Alerte en Europe : la guerre dans les Balkans (1912-1913), Paris, L’Harmattan, 2014.

11HALL, Richard C., The Balkan Wars 1912-1913. Prelude to the First World War, London/New York, Routledge, 2000.

12BLED, Jean-Paul, DESCHODT, Jean-Pierre (dir.), Les guerres balkaniques, 1912-1913, Paris, PUPS, 2014.

13BOECKH, Katrin, RUTAR, Sabine (ed.), The Balkan Wars from Contemporary Perception to Historic Memory, Cham, Palgrave MacMillan, 2016.

14Cette affirmation est valable principalement pour les ouvrages rédigés en français, anglais ou allemand. Dans le cas d’études écrites en serbe, grec, turc ou encore bulgare, il est impossible de vérifier cette affirmation.

(13)

international15. Dans une approche plus inspirée de la science politique, l’article d’Andreea Stoian Karadeli s’interroge, malgré son titre, surtout sur les conceptions théoriques de l’aide humanitaire en s’appuyant sur le cas du Croissant-Rouge dans les guerres balkaniques16. Enfin, l’histoire du CICR est l’objet d’une riche production dont seuls quelques ouvrages méritent une mention dans le cadre de ce panorama.

L’ouvrage de François Bugnion sur les victimes de la guerre reste incontournable17. Sur l’aspect plus spécifique des différentes agences établies par le CICR, il faut noter la thèse de Gradamir Djurović sur l’Agence centrale de recherches18. L’auteur retrace les origines de l’Agence centrale de recherches, depuis l’Agence de Bâle jusqu’au Service International de Recherches (SIR). L’Agence de Belgrade y est mentionnée sur moins de cinq pages, signe de son relatif oubli dans l’historiographie.

De la sélection des sources

Ce travail fait appel à différents types de sources. Étant donné le peu d’études consacrées au travail du Comité pendant les guerres balkaniques, les principales sources proviennent des fonds du CICR. L’institution conserve en effet un fonds d’archives non-conditionné dédié entièrement aux guerres balkaniques19. La correspondance entre le CICR et les Comités centraux des Sociétés des pays belligérants, les rapports du Dr. de Marval, de Christian Vögeli ainsi que la comptabilité de l’Agence y sont notamment inclus. Par ailleurs, l’ancien fonds possède plusieurs dossiers qui complètent de manière fort intéressante le fonds balkanique du CICR. Il faut noter que plusieurs limites ont conditionné le choix des sources, la première et plus importante d’entre elles étant d’ordre linguistique. Si la majorité des sources sont écrites en français, anglais ou bien en allemand, quelques

15BECKER, Annette, « Droit, observations et interventions humanitaires dans les Balkans, 1912- 1914 », in DURANDIN, Catherine, FOLSCHWEILLER, Cécile (dir.), Alerte en Europe : la guerre dans les Balkans (1912-1913), Paris, L’Harmattan, 2014, pp. 39-54.

16KARADELI STOIAN, Andreea, « Humanitarian Activity in the Context of the Balkan Wars », New Trends in Social and Liberal Sciences, vol. 2, n°1, spring 2017, pp. 1-22.

17BUGNION, François, Le Comité international de la Croix-Rouge et la protection des victimes de la guerre, Genève, CICR, 2000.

18DJUROVIĆ, Gradimir, L’Agence centrale de recherches du Comité international de la Croix- Rouge, Genève, Institut Henry-Dunant, 1981.

19Ce fonds contient également un dossier (portant le numéro 4) consacré à la guerre italo-turque (1911-1912).

(14)

unes sont rédigées dans les langues des pays belligérants. Dès lors, les sources émanant de ces pays, notamment celles du Croissant-Rouge rédigées en turc ottoman, n’ont pas pu être exploitées.

Les procès-verbaux des séances du Comité international de la Croix-Rouge sont également utilisés. L’édition établie par Jean-François Pitteloud reste l’une des sources primordiales pour étudier l’action du CICR20. L’une des principales limites de cette source est qu’à partir des années 1900, les activités du Comité sont moins bien reflétées dans les procès-verbaux. Ainsi, les réunions ayant principalement trait aux guerres balkaniques sont au nombre de dix, étalées entre le 23 octobre 1912 et 22 novembre 1913. Trois autres séances au début de l’année 1914 – le 22 janvier, 15 mars et le 1er juin – qui mentionnent brièvement le retard puis la bonne réception du rapport du directeur de l’Agence de Belgrade achèvent de compléter ce tableau.

Toutefois, le contenu de ces dix entrées reste particulièrement succint.

Afin de compléter le panorama des sources émanant du CICR, il est nécessaire d’inclure le Bulletin international des Sociétés de la Croix-Rouge. La revue, fondée en 1869, permet en filigrane d’accéder à la position du CICR vis-à-vis de l’évolution du droit international. Au sein du Bulletin, les guerres balkaniques sont le sujet principal des publications de janvier 1913 à juillet 1914, soit sur cinq numéros21. Les éditions du Bulletin de janvier, juillet 1913 et juillet 1914 sont les plus intéressants car ils contiennent des rapports – ou pré-rapport dans le cas du délégué - des principaux protagonistes : celui du Dr. de Marval sur le théâtre des hostilités (janvier 1913), celui du Dr. Ferrière à l’Agence de Belgrade (juillet 1913) et celui de Christian Vögeli (juillet 1914). Une limite importante à l’utilisation de cette source se révèle très rapidement. En effet, la revue à été créee à l’image du CICR : véritable reflet de l’ethos Comité, le Bulletin se révèle extrêment neutre et ne prend que très rarement position, ce qui se révèle à la fois un avantage pour les praticiens et une limite pour les historiens.

20PITTELOUD, Jean-François (éd.), Procès-verbaux des séances du Comité international de la Croix- Rouge : 17 février 1863-28 août 1914, Genève, Société Henry Dunant – Comité international de la Croix-Rouge, 1999.

21Les numéros de janvier 1914 (n°177) et avril 1914 (n°178) ne mentionnent ni les guerres balkaniques, ni l’Agence de Belgrade.Ils n’ont donc pas été comptabilisés.

(15)

L’étude de l’action du Comité international de la Croix-Rouge ne peut se faire sans étudier les bases légales sur lesquelles il s’appuie. Le CICR participe pleinement à la genèse et à la consolidation du droit international humanitaire. Il a eu un important rôle dans la conception des Conventions de Genève de 1864 et 1906. Mais le droit international humanitaire doit également coexister avec un autre type de droit, le droit de la guerre. Leur développement parallèle et concurrente englobe plusieurs types de normes, des traités aux codes en passant aux déclarations. Ainsi, les principaux textes normatifs établis entre 1864 (première Convention de Genève) et la veille de la Première Guerre balkanique seront pris en compte, avec un accent mis sur les textes encore en vigueur lors des conflits22. Par ailleurs, les comptes-rendus des différentes Conférences internationales des Sociétés de la Croix-Rouge ont bien évidemment leur place dans le corpus. Ces textes para-légaux sont le témoin de l’évolution des attributions des Sociétés et du Comité international. Ils permettent de retracer minutieusement les débats, les questionnements et les doutes qui ont pu les agiter.

Les guerres balkaniques ayant régulièrement fait la une de la presse, les journaux représentent une source à ne pas négliger. Dans ce travail, le Journal de Genève sera presque exclusivement utilisé. La réputation du journal sur la scène genevoise et romande explique en partie ce choix. De plus, son fort ancrage local et ses liens avec l’élite locale – dont font partie les membres du Comité – et son inclusion dans la comptabilité budgétaire de l’Agence de Belgrade renforcent la pertinence de ce choix. Dans le cas de la présente étude, une sélection de journaux à été faite. Afin de couvrir l’entièreté du sujet, les numéros choisis s’étalent d’octobre 1912, date du début du premier conflit, à août 1913, lorsque les belligérants ont signé le traité de Bucarest. Ainsi, ce sont 113 numéros répartis sur tous les mois de la période concernée qui ont pu être comptabilisés pour tenter d’offrir un échantillon représentatif23. Malgré les limites inhérentes aux sources émanant de la presse, dont les plus importantes sont la ligne éditoriale, le modèle économique et le récit

22Dans le cas présent : la Convention de Genève (1906) et les Conventions et Déclarations de La Haye (1907).

23La recherche effectuée sur https://www.letempsarchives.ch/ a été faite en cherchant plusieurs dizaines de mots-clés ou combinaisons de termes tels que « Balkans », « guerre balkanique », « Comité international de la Croix-Rouge » ou bien encore selon le nom des capitales balkaniques. Force a été de constater les limites du moteur de recherche de la base de données : après plusieurs requêtes, les mêmes numéros apparaissaient systématiquement dans les résultats.

(16)

journalistique lui-même, le Journal de Genève reste primordial pour appréhender la vie locale, dont le CICR fait indéniablement partie.

Par ailleurs, il est à noter que plusieurs correspondants envoyés sur le théâtre des hostilités ont laissé derrière eux des recueils d’articles ou des récits circonstanciés des évènements. Parmi les plumes les plus célèbres ayant écrit sur les guerres balkaniques se trouve Léon Trotsky. Son témoignage récemment publié en langue française permet de compléter le tableau dessiné par les sources institutionnelles et juridiques24. En dépit de son orientation marxiste, une tendance à se focaliser sur la politique interne des pays balkaniques et une vision militante du journalisme, ce recueil d’articles contribue à obtenir un aperçu du quotidien des populations locales en temps de guerre.

Le croisement de ces multiples sources permet d’élargir le regard et d’offrir une représentation aussi fidèle que possible du rôle du CICR dans ces conflits. La lecture croisée de ces sources soulignent bien que le Comité international est tiraillé entre la fidélité à ses principes fondateurs et la perspective d’évoluer pour prendre en charge de nouvelles catégories de victimes de guerre.

Les attributions du Comité international de la Croix-Rouge trouvent leurs origines dans le droit international humanitaire, notamment dans les Conventions de Genève. Or, la relation qu’entretient le CICR avec le droit de Genève n’est pas exempte de tensions. La dynamique entre les normes juridiques et la pratique humanitaire est emprunte d’une ambiguïté certaine. Le CICR justifie son action en se basant sur le droit international, mais force est de constater que cela ne l’empêche nullement de faire preuve d’intiative. À plusieurs reprises, la pratique du Comité précède la codification du droit international humanitaire. Dans le cas des guerres balkaniques, l’envoi d’un délégué et la préoccupation pour le sort des prisonniers de guerre illustrent parfaitement ce fait. Ces victimes de guerre sont une préoccupation du Comité depuis ses débuts, puisque la question est soulevée dès 1865.

24TROTSKY, Léon, Les guerres balkaniques 1912-1913, Paris, Ed. Science Marxiste, 2002.

(17)

I. Entre réticence et acceptation: les prisonniers de guerre comme

préoccupation du Comité international de la Croix-Rouge (1863-1912)

« N’y aurait-il pas moyen de fonder des Sociétés volontaires de secours qui auraient pour but de donner ou de faire donner, en temps de guerre, des soins aux blessés ! »25

La Croix-Rouge puise ses origines dans le célèbre ouvrage d’Henry Dunant, Un souvenir de Solférino. Le banquier genevois, en route pour rechercher Napoléon III sur les champs de bataille de la campagne d’Italie, arrive mi-juin 1865 aux environs de la ville de Castiglione. Les nombreux blessés et morts de la bataille de Solférino impactent durablement le « simple touriste »26 qu’est Dunant, qui note dans son ouvrage les difficultés que rencontrent les services sanitaires des armées pour soigner les blessés.

Un souvenir de Solférino est plus qu’un témoignage : l’ouvrage offre des pistes pour améliorer concrètement la situation des militaires blessés. Pour Dunant, la création de « Sociétés volontaires de secours » doit en effet remédier à l’incurie des services sanitaires des armées. Mais plus encore, il souhaite que les États se réunissent en vue de formuler une convention servant de base de fonctionnement aux sociétés de secours27. Si les idées du Genevois paraissent au premier abord utopiques, elles gagnent petit à petit les élites et notamment Gustave Moynier, président de la Société genevoise d’utilité publique. En février 1863, deux réunions (le 9 et 17 février) actent la pérennité du mouvement qui prend la forme d’un comité composé de cinq personnes : le général Dufour, les docteurs Appia et Maunoir, Gustave Moynier et Henri Dunant.

Les toutes premières années du CICR – qui s’appelle alors encore le Comité international de secours aux blessés en cas de guerre – sont consacrées à la structuration des idéaux d’Henry Dunant, qui passe par deux actions : la création de

25DUNANT, Henry, Un souvenir de Solférino, Genève, Imprimerie Jules-Guillaume Fick, 1863, p.

150.26Ibid., p. 12.

27HAROUEL, Véronique, Histoire de la Croix-Rouge, Paris, PUF, 1999, p. 7.

(18)

Sociétés nationales de secours et la mise en place d’un texte juridique qui donnera une assise à l’action du Comité, la Convention de Genève du 22 août 1864 pour l’amélioration du sort des militaires blessés dans les armées en campagne.

Si la Convention de 1864 tente de régler le sort des militaires blessés et malades, elle ne fait aucunement mention d’une autre catégorie de victimes de la guerre : les prisonniers de guerre. En effet, ces derniers ne sont pas inclus dans l’œuvre de secours originelle de la Croix-Rouge. La question des prisonniers de guerre est articulée en trois aspects : l’œuvre de secours aux prisonniers de guerre en elle-même, les bureaux de renseignements et de transmission de secours et la création ou non d’organisations dédiées spécifiquement à cette catégorie de victimes de guerre. L’historique des débats peut aisément se diviser en deux parties : la maturation et l’acceptation.

A. La maturation (1863-1899)

Les premières années du CICR sont marquées par un enthousiasme certain pour cette nouvelle forme de charité. Si les militaires blessés et malades ont les honneurs de son attention dès le départ, cela n’est pas le cas des prisonniers de guerre valides. Cette réticence d’entrer en matière est plus le fait d’une considération pragmatique quant aux moyens à disposition de la toute jeune institution que d’un réel désintérêt pour ces victimes de guerre.

La Conférence internationale de Genève de 1863

La Conférence internationale de Genève d’octobre 1863 est une conférence privée convoquée par le Comité des Cinq en vue de discuter de l’organisation future de l’œuvre ainsi que de préparer le terrain à une éventuelle norme juridique. Des médecins militaires ainsi que des officiers sont conviés à cette réunion.

Parmi les diverses propositions envoyées au Comité en vue de la conférence, deux concernent spécifiquement les prisonniers de guerre. La première d’entre elles émane du philanthrope britannique Twining qui propose l’adoption d’un Code de

(19)

l’honneur des armées qui préciserait, entre autres, « la conduite à tenir envers les prisonniers »28.

La seconde proposition est soumise par le prince Demidoff, chambellan du tsar :

« Les blessés méritent évidemment les marques les plus énergiques d’intérêt et les secours les plus prompts ; mais après eux, il est une autre classe de malheureux qui, plus ou moins maltraités par les marches et les combats, subissent, bien qu’ils aient la vie sauve, une douleur morale qu’il appartient aussi à l’esprit chrétien de consoler ; je veux parler des prisonniers de guerre »29.

Le Russe se réfère par ailleurs à l’expérience qu’il a concrétisée pendant la guerre de Crimée. Il suggère une mise à l’étude d’un système qui permette aux prisonniers de guerre de correspondre avec leurs proches et d’en recevoir des secours matériels30.

Toutefois, aucune des deux propositions n’est retenue par la conférence. Son président, le général Dufour, craint en effet de « se jeter hors des limites de sa tâche, qui est déjà si considérable qu’elle devra s’estimer heureuse si elle réussit à la remplir toute entière […] »31. L’idée est donc lancée, mais elle est écartée pour des considérations d’ordre pratique. La toute jeune œuvre ne souhaite pas se disperser dès le départ.

La Ière Conférence internationale des Sociétés de la Croix-Rouge (Paris, 1867)

Sous le nom de Conférence internationale des Sociétés de secours aux blessés militaires des armées de terre et de mer se tient à Paris, du 26 au 31 août 1867, la première réunion de toutes celles qui allaient devenir les Sociétés nationales de la Croix-Rouge. À cette occasion, les prisonniers de guerre sont mentionnés dès les

28Compte rendu de la Conférence internationale réunie à Genève les 26, 27, 28 et 29 octobre 1863 pour étudier les moyens de pourvoir à l’insuffisance du service sanitaire dans les armées en campagne, Genève, Imp. J.-G. Frick, 1863, p. 27.

29Ibid., pp 27-28.

30Ibid., p. 29.

31Ibid., p. 122-123.

(20)

travaux préparatoires. Ils sont cités sous le thème suivant : « Proposer le meilleur mode de faire parvenir aux prisonniers des secours en argent et nature »32.

Lors de sa huitième séance du 25 juin, la commission préparatoire se penche sur le rapport ad hoc établi par Henry Dunant33. Ce dernier relance ainsi la question des prisonniers de guerre écartée par la Conférence de 1863. À cet effet, il commence par établir une nette distinction entre les prisonniers blessés, dont la condition lui paraît réglée par la Convention de 1864, et les prisonniers valides sur lesquels il focalise son attention. Ces derniers sont placés sous la responsabilité première du gouvernement qui les détient. Toutefois, les Comités de secours se doivent, même à titre subsidiaire, de se préoccuper de la condition des prisonniers de guerre valides aussi bien que de celle des blessés :

« Il est donc très évident que la pratique, aussi bien que l’étude sincère du rôle international des Comités imposent à ceux-ci le devoir de s’occuper du sort des prisonniers de guerre, en tant que les soins donnés par les gouvernements ne suffisent pas, et sinon dans la même mesure que cela a lieu pour les blessés dont l’état réclame impérieusement les premiers soins, du moins dans la mesure du possible, et aussitôt que le service des premiers est assuré »34.

Quelques lignes plus loin, Dunant réitère sa position en précisant que ce devoir doit être assumé avec l’impartialité inhérente à toute activité des Comités de secours :

« Le prisonnier de guerre devant être aux yeux des Comités […] un personnage neutre auquel ils doivent leur protection, sera l’objet d’une sollicitude égale de la part des Comités de son pays et de ceux qui fonctionnent dans la contrée où il est retenu »35.

La neutralisation des prisonniers de guerre est ici un élément essentiel. Le sort des prisonniers est ainsi calqué sur celui des militaires blessés et malades. Elle constitue la condition capitale pour que les Comités de secours puisse intervenir en leur faveur.

32Conférences internationales des Sociétés de secours aux blessés militaires des armées de terre et de mer tenues à Paris en 1867, Paris, Commission générale des délégués, 1867, p. XIV ; p. 283.

33Ibid., pp. 338-348.

34Ibid., p. 345.

35Ibid., p. 346.

(21)

Enfin, pour que ces activités en faveur des prisonniers de guerre soient effectives, il préconise qu’elles soient l’objet d’une reconnaissance juridique internationale :

« Il est évident que les Comités ne sauraient remplir l’immense tâche qui leur incombe envers les prisonniers de guerre, sans que leur activité à cet égard ne soit reconnue et secondée par les gouvernements ; il serait donc désirable qu’un article additionnel à la Convention diplomatique assurât aux Comités le droit de s’occuper des prisonniers […] »36

La position de Dunant est ainsi très claire. À la question de départ – à savoir quel est le meilleur moyen de faire parvenir une aide matérielle aux prisonniers de guerre –, il ajoute que ce soit les Comités de secours qui prennent en charge cette tâche.

De fait, aucune suite n’est donnée à ce rapport, qui est simplement admis par la Conférence. Il faut dire que l’époque n’est pas en faveur de Dunant. Ce dernier, faisant face à une faillite retentissante, a été pressé de démissionner de son poste de secrétaire du Comité international, chose qu’il accomplit le 25 août 1867. Sa présence à la Conférence n’est rien d’autre qu’un témoignage de reconnaissance à celui qui a été à l’origine de l’œuvre de la Croix-Rouge.

La Conférence de Bruxelles et le projet d’une Déclaration concernant les lois et coutumes de la guerre (1874)

La guerre franco-prussienne a démontré les importantes lacunes de la Convention de Genève, qui est violemment prise à partie à l’issue du conflit. Les nombreuses violations dont elle a été l’objet sont mises en exergue par les belligérants. Les populations civiles, qui ne bénéficient alors pas de la protection de la Convention, sont particulièrement touchées par les exactions. Le nombre important de soldats captifs souligne aussi les lacunes de la Convention de Genève quant à leur protection.

Ces derniers trouvent un avocat de leur cause en la personne d’Henry Dunant.

Dès 1864, Dunant s’inquiète de leur sort comme le montre son intervention en leur faveur à l’occasion de la première Conférence internationale des Sociétés de la Croix-

36Id.

(22)

Rouge. En 1871, il est désormais exclu du Comité international, Henry Dunant cherche une autre plateforme au sein de laquelle il peut mettre en pratique ses idées. Il va pour cela utiliser de moyens qui ont fait leur preuve : créer une société ad hoc, puis réunir une conférence internationale pour faire un projet de convention, qui servira de base à un traité diplomatique37.

À cet effet, il fonde en compagnie d’autres philanthropes l’Alliance universelle de l’ordre et de la civilisation. La première réunion publique de l’association, qui se tient à Paris du 3 au 8 juin 1872, se clôt par la constitution d’un Comité permanent international destiné à « amener la réalisation d’une convention diplomatique, réglant uniformément le sort des prisonniers de guerre dans les pays civilisés ». Ce Comité permanent a pour tâche de rédiger un projet de convention, et de mettre sur pied une conférence internationale avec des délégués dûment accrédités38. Entre juillet 1872 et juillet 1874, Henry Dunant et le Comité permanent s’attèlent à faire la publicité de leurs œuvre auprès des cours et de chancelleries européennes, avec un succès certain. Au cours de l’année 1873, le Comité permanent se transforme en Société pour l’amélioration du sort des prisonniers de guerre39. L’effort fourni par Henry Dunant et ses collègues commencent à payer puisque les États se montrent bien disposés envers le Genevois40. La conférence doit ainsi se tenir à Paris au début du mois de mai 1874.

À quelques semaines de l’ouverture de la Conférence, une manœuvre diplomatique russe capte l’élan diplomatique privé en plein vol en présentant un congrès diplomatique à Bruxelles prévu pour juillet 187441. Le gouvernement russe reprend l’idée de Dunant et l’englobe dans un projet plus vaste qui vise à réguler l’ensemble des lois et coutumes de la guerre. La nouvelle dynamique lancée par Saint-Pétersbourg expose le glissement de l’initiative purement privée à l’impulsion

37DE POURTALÈS, Yvonne, DURAND, Roger, Henry Dunant promoteur de la Conférence de Bruxelles de 1874 : pionnier de la protection diplomatique des prisonniers de guerre, tiré à part de la Revue internationale de la Croix-Rouge, n° 674 (février 1975), p. 7.

38Id.

39BOISSIER, Pierre, Histoire du Comité international de la Croix-Rouge : De Solférino à Tshoushima, Genève, Institut Henry-Dunant, 1963, p. 381.

40DE POURTALÈS, Yvonne, DURAND, Roger, op. cit., p. 14.

41Le déroulé de la manœuvre russe est détaillé dans DE POURTALÈS, Yvonne, DURAND, Roger, op. cit., pp. 14-18.

(23)

diplomatique. La Conférence de Bruxelles se déroule sur près d’un mois, du 27 juillet au 27 août 1874. Parmi les 56 articles qu’il contient, le projet de Déclaration comprend douze articles – les articles 23 à 34 - consacrés spécifiquement aux prisonniers de guerre.

Au cours des délibérations, un point surgit de manière insistante : l’intégrité de la Convention de Genève. Les négociateurs réaffirment à de multiples reprises que la Convention « doit rester intacte »42 et que les éventuelles modifications du texte doivent se faire sous la forme d’articles additionnels43. En sous-main, il est aisé de constater que cette volonté est le vœu du Comité international, qui ne souhaite pas voir son œuvre modifiée sans son aval. Le Comité n’est pas représenté à Bruxelles, mais il reste attentif aux évolutions du droit international et de toute tentative d’empiétement dans sa « chasse gardée ». Ainsi, les participants de la Conférence de Bruxelles voient leur travail comme étant dans la parfaite continuité du droit de Genève. Le délégué belge l’exprime bien lorsqu’il déclare à ses collègues que le

« chapitre VII du Projet russe [pourrait former] un troisième chapitre de l’œuvre de Genève »44.

Le projet du cabinet russe, présenté aux délégués de la Conférence, fait de larges emprunts à celui préparé par la Société de secours aux prisonniers de guerre45. Si ces emprunts sont un témoignage de reconnaissance envers les idées promues par Henry Dunant, il n’en reste pas moins que la Conférence reste avant tout une affaire de diplomates. Nulle mention n’est faite des Sociétés de secours aux prisonniers de guerre et aucun membre de la Société n’est admis aux commissions pour délibérer et défendre leurs thèses46. Les discussions portent principalement sur des points de détails, qui visent moins à expliciter les articles qu’à mettre en avant les impératifs militaires47.

42Actes de la Conférence de Bruxelles (1874), Bruxelles, Impr. du Moniteur belge, 1874, p. 77.

43Gustave Moynier s’est exprimé à ce sujet par le biais d’une lettre envoyée à Bruxelles. Voir Actes de la Conférence de Bruxelles (1874), op. cit., p. 77.

44Ibid., p. 80.

45Nom sous lequel est connu le Comité permanent lors des délibérations.

46DE POURTALÈS, Yvonne, DURAND, Roger, op. cit., p. 22.

47Il en est ainsi notamment lorsque les délégués doivent se prononcer sur l’interdiction de bombarder

« des quartiers de villes », une demande émanant des habitants d’Anvers. La proposition est amendée

(24)

Le texte de la Déclaration n’est jamais ratifié. Le refus des États de se voir imposer une limite à leur souveraineté a primé sur la volonté de codifier les règles de la guerre. Ce constat est par ailleurs écrit explicitement dans les premières pages des Actes :

« La liberté d’action des Gouvernements au point du vue militaire, et le droit des États de pourvoir à leur propre défense, ne sauraient donc être soumis à des restrictions fictives, que d’ailleurs la pression des faits rendraient stérile. Il nous semble qu’aucune illusion ne saurait prévaloir dans la pratique contre cette inflexible nécessité. »48

Ce cas est également illustré lorsqu’il est question du secours aux prisonniers de guerre. Le délégué belge transmet une proposition de la Société belge pour le secours aux prisonniers de guerre. Encore une fois, les négociateurs n’estiment qu’il n’est pas nécessaire de s’avancer plus à ce sujet :

« […] ces questions touchent à des matières extrêmement délicates à l’égard desquelles l’appréciation des Gouvernements doit nécessairement dépendre du degré de confiance qu’inspireraient les personnes chargées de cette mission de charité auprès des prisonniers de guerre […] MM. les Délégués ne se croient pas appelés à délibérer sur des règles générales qui auraient pour effet de restreindre d’avance cette liberté d’appréciation de leurs Gouvernements. »49

L’accent mis sur la préservation de la souveraineté au détriment de la codification du droit de la guerre. Le contraste entre l’assentiment enthousiaste des États à la Convention de Genève et la fin de non-recevoir exprimée en 1874 s’explique par la différence de leurs buts: la Convention de Genève vient en aide aux militaires blessés et malades, tandis que la Déclaration de Bruxelles souhaite restreindre la liberté des États à faire la guerre.

L’échec ainsi est double pour Henry Dunant : le texte reste in fine à l’état de projet et les prisonniers restent ainsi sans protection véritable dans le droit de la guerre. L’expérience bruxelloise marque la fin effective de l’aventure de l’Alliance universelle de l’ordre et de la civilisation, qui s’est vue ôtée sa raison d’être.

dans le projet final. A cet effet, voir les articles 15-17 de la Déclaration etActes de la Conférence de Bruxelles (1874), op. cit., p. 38.

48Ibid., p. 5.

49Ibid., p. 90.

(25)

La première Conférence de la Paix de La Haye et la Convention concernant les lois et coutumes de la guerre sur terre (1899)

Les nouvelles modalités de la guerre, qui n’est désormais plus le domaine réservé des militaires, et le progrès fulgurant de la science font prendre conscience des dangers que pose un potentiel nouveau conflit. Le tsar russe – Nicolas II cette fois-ci – est à nouveau à l’origine d’une conférence traitant du droit de la guerre.

Celle-ci, réunie à La Haye, a comme objectif d’atténuer les calamités de la guerre en limitant les méthodes et les moyens de combat.

Signe des espoirs qu’elle porte, la première Conférence de La Haye est aussitôt appelée Conférence de la Paix50. Si le CICR reste globalement étranger à la Conférence de La Haye, les conclusions adoptées par les délégués ont un impact certain sur l’évolution des attributions du Comité international. En témoigne deux points tout particulièrement : la constitution de bureaux de renseignements et la mission des Sociétés de secours.

Les bureaux de renseignements ne sont pas une nouveauté pour le Comité international. La Conférence internationale de Berlin, en 1869, avait adopté à cet effet une résolution prévoyant la création d’une Agence internationale de secours et de renseignements. Cependant, cette institution ne repose alors sur aucune base dans le droit positif. Dans les faits, un belligérant n’est donc pas tenu légalement de fournir les noms des blessés que ses troupes ont recueillis, ni des prisonniers capturés51. Ainsi, l’article 14 du Règlement annexé à la Convention II de La Haye fait un premier pas dans le règlement de cette question :

« Il est constitué, dès les début des hostilités, dans chacun des Etats belligérants […] un bureau de renseignements sur les prisonniers de guerre. Ce bureau chargé de répondre à toutes les demandes qui les concernent, reçoit des divers services compétents toutes les indications nécessaires pour lui permettre d’établir une fiche individuelle pour chaque prisonnier de guerre. […] »52

Élément à souligner, cet article porte sur la création de bureaux nationaux de renseignements, et non pas d’un bureau international. Dans les faits, rien dans l’article

50BUGNION, François, op. cit., p. 75.

51Ibid., p. 76.

52Art. 14 du Règlement annexé à la Convention II de La Haye du 29 juillet 1889.

(26)

n’oblige un belligérant à transmettre les informations qu’il collecte à l’autre partie. En un sens, la Conférence de La Haye ne résout qu’à moitié le problème53.

Second point important qui touche la Croix-Rouge, la mission des Sociétés de secours est mentionnée dans l’article 15 du Règlement annexé à la Convention II de La Haye de 1899. L’article en question la stipule ainsi :

« Les Sociétés de secours pour les prisonniers de guerre régulièrement constituées selon la loi de leur pays et ayant pour objet d’être les intermédiaires de l’action charitable, recevront, de la part des belligérants, pour elles et pour leurs agents dûments accrédités, toute facilité, dans les limites tracées par les nécessités militaires et les règles administratives, pour accomplir efficacement leur tâche d’humanité. Les délégués de ces sociétés pourront être admis à distribuer des secours dans les dépôts d’internement, ainsi qu’aux lieux d’étape des prisonniers rapatriés, moyennant une permission personnelle délivrée par l’autorité militaire, et en prenant l’engagement par écrit de se soumettre à toutes les mesures d’ordre et de police que celle-ci prescrirait »54.

Toutefois, un problème survient à la lecture de l’article : celui-ci fait mention de

« Sociétés de secours pour les prisonniers de guerre ». Or, les Sociétés de la Croix- Rouge prêtent assistance aux militaires blessés et malades, mais pas encore aux prisonniers de guerre55. De fait, l’article 15 ne fait pas vraiment référence à ces Sociétés établies mais à une autre organisation promue par Henry Dunant : l’Alliance universelle de l’ordre et de la civilisation et son projet de convention diplomatique réglant le sort des prisonniers de guerre. Malgré l’échec de Bruxelles, les idées évoquées en 1874 – notamment dans les projets d’articles de la Déclaration - trouvent une seconde vie à La Haye. Ils sont ainsi repris et amendés à l’occasion de la Conférence de la Paix de 1899. L’article 15 donne ainsi une reconnaissance juridique internationale à des Sociétés qui n’existent plus dans les faits.

B. L’acceptation (1899-1912)

53BUGNION, François, op. cit., p. 76.

54Art. 15 du Règlement annexé à la Convention II de La Haye du 29 juillet 1889.

55BUGNION, François, op. cit., pp. 79-80. Le paragraphe qui suit est, sauf indication contraire, tiré des pages précitées.

(27)

Les articles 14 et 15 de la IIe Convention de La Haye prévoit ainsi l’intervention de sociétés de secours en faveur des prisonniers de guerre. Cette reconnaissance dans le droit positif va pousser le Comité international de la Croix-Rouge à s’interroger sur l’attitude à adopter : persister dans le secours aux militaires blessés et malades ou bien accepter d’étendre son champ d’action aux soldats valides faits prisonniers par l’ennemi ?

La VIIe Conférence internationale des Sociétés de la Croix-Rouge (Saint-Pétersbourg, 1902)

La première occasion pour se pencher sur cette question intervient rapidement puisque la question émerge en 1902 lors de la VIIe Conférence internationale des Sociétés de la Croix-Rouge à Saint-Pétersbourg. Parmi la quinzaine de sujets mis en débat, l’un d’entre eux porte précisément sur les prisonniers de guerre. Cette troisième question du programme de la conférence, baptisée « les prisonniers de guerre et la Convention de La Haye », regroupe deux rapports distincts mais similaires ; l’un émane de la Croix-Rouge française, l’autre de la Croix-Rouge russe56.

Le rapport français est présenté par le professeur Louis Renault au nom de la Société française de secours aux militaires blessés. La question à laquelle il s’intéresse tient en quelques mots : « Les Sociétés de secours aux blessés peuvent- elles et doivent-elles se charger des soins à donner aux prisonniers de guerre dans les termes du Règlement de La Haye ? »57. Elle résume à elle seule le dilemme juridique auquel les Sociétés nationales et le CICR font face depuis 1899. En se référant à l’article 15 de l’annexe à la Convention concernant les lois et les coutumes de la guerre sur terre, le rapport souligne que l’intervention des « sociétés de secours pour les prisonniers de guerre » est autorisée par cet article58. Mais pour que les interventions de ces sociétés spécifiques soient efficaces, le professeur Renault rappelle qu’elles devraient déjà se préparer en temps de paix. Or, cela a un coût qui

56Septième Conférence internationale de la Croix-Rouge tenue à Saint-Pétersbourg du 16 au 22 mai 1902. Compte rendu, Comité russe de la Société de la Croix-Rouge, Saint-Pétersbourg, Impr. Trenké et Fusnot, 1903, pp. IX-XII.Pour le rapport français, voir pp. 46-48. Pour le rapport russe, voir pp. 49-51.

57Ibid., p. 46

58Id.Si leur intervention sur le terrain est bien autorisée, la mise en place de ces Sociétés n’est nullement obligatoire. L’article 15 n’est pas contraignant et laisse une large marge de manœuvre aux États sur cette question.

(28)

peut ne pas être supporté par des structures nouvellement créées. Le texte propose une solution à ce problème pratique : « pourquoi ne pas utiliser un organisme existant, sérieusement éprouvé et inspirant confiance à tout le monde, aux Gouvernements comme aux particuliers ? »59 Autrement dit, pourquoi ne pas charger les Sociétés de la Croix-Rouge de « ce service nouveau »60, sous réserve de leur acceptation ? Par ailleurs, ce « service » n’est en soi pas nouveau, puisque le rapporteur précise plus loin que des « Sociétés de secours aux blessés se sont occupées des prisonniers valides » dans le passé. Ce qui est en jeu dans le rapport est bien la régularisation de leur intervention61. Aux yeux du rapporteur français, la question principale que soulève ce rapport est de savoir si les « Sociétés de secours aux blessés sont disposées à accepter ce nouveau service »62.

Du côté russe, la question des secours aux prisonniers de guerre est élargie pour inclure notamment celle des bureaux de renseignement. L’intitulé de son intervention est en cela explicite : « Les Associations de la Croix-Rouge et les Bureaux de renseignements et Sociétés de secours pour les prisonniers de guerre, prévus par la Convention de La Haye concernant les lois et les coutumes de la guerre sur terre »63. Le Comité central russe s’intéresse ainsi aux articles 14, 15 et 16 de l’annexe de la Convention, qui portent respectivement sur ces thématiques. Le rapport estime que ces deux organismes seront nécessaires en cas de guerre, mais que leur tâches devront être assumées par les Sociétés de la Croix-Rouge. En effet, le Comité central russe estime qu’il est

« incontestable qu’il devrait s’établir, en cas de guerre, des relations intimes entre ces nouvelles créations de l’humanité souffrante et la Croix-Rouge qui pendant des années en a été l’unique refuge. De plus, le Comité central de Russie est convaincu que, par la force des choses, les Sociétés de la Croix-Rouge seront, au moins au début de la guerre, chargées de remplacer les Bureaux de renseignements et les Sociétés de secours pour les prisonniers de guerre »64.

59Ibid., p. 47.

60Id.

61Id.

62Ibid., p. 48.

63Ibid., p. 49.

64Id.

(29)

En sus, le Comité central russe soulève un point non négligeable : les Bureaux de renseignements seront à terme amenés à collaborer de manière étroite si l’éventuelle

« prochaine guerre internationale » s’éternisait. Afin de faciliter leur travail, il suggère la création d’un « Bureau international pour les prisonniers de guerre »65 placé sous l’autorité du Comité international de la Croix-Rouge, moyennant sa reconnaissance comme « organe central des Associations de la Croix-Rouge par les Puissances signataires de la Convention de La Haye »66. Le texte russe lie ainsi la questions des prisonniers de guerre à la reconnaissance internationale du CICR – laquelle n’est mentionnée dans aucun texte de droit international à ce stade67 – et la délimitation de ses compétences. En guise de conclusion, le Comité central russe propose que les Sociétés de la Croix-Rouge mettent « à l’étude la question de la fondation de Bureaux de renseignements sur les prisonniers de guerre, de Sociétés de secours pour les prisonniers de guerre, ainsi que d’un Bureau international de renseignements et de secours pour les prisonniers de guerre »68.

Ces deux rapports sont l’objet d’une discussion lors de la séance plénière du 17 mai69. L’idée que les Sociétés de la Croix-Rouge prennent en charge les secours aux prisonniers de guerre emporte aisément l’adhésion de certains des intervenants70. L’inclusion dans les activités des sociétés de la Croix-Rouge des bureaux de renseignements pour les prisonniers de guerre est également acceptée relativement facilement. Les représentants belge et autrichien – le Dr. Lejeune et de Lee – se démarquent en soulignant que des organismes semblables existent déjà dans leur pays71.

65Ibid., p. 50.

66Id.

67 En revanche, les différentes Sociétés nationales de la Croix-Rouge reconnaissent depuis la Conférence de Karlsruhe le statut d’intermédiaire neutre du Comité international dans la mouvance.

Voir Quatrième Conférence internationale de la Croix-Rouge tenue à Carlsruhe du 22 au 27 septembre 1887. Compte rendu, Comité central des Sociétés allemandes de la Croix-Rouge, Berlin, Starcke, 1887.

68Septième Conférence internationale de la Croix-Rouge tenue à Saint-Pétersbourg du 16 au 22 mai 1902. Compte rendu, op. cit., p. 51.

69Ibid.,pp. 243-251.

70Parmi lesquels les Russes Frédéric de Martens et le Dr. Féodorow, le Français Fréville de Lorme ainsi que l’Allemand Bodo de Knesebeck.

71Ibid., p. 246 (intervention belge) et p. 247 (intervention autrichienne).

Références

Documents relatifs

Saussure dans le "Journal de Genève" (1857 -1913)..

Des secours (materiel scolaire, livres) pour un montant de 350.000 francs francais furent remis aux internes par cette mission, dont les constata- tions et conclusions firent

De leur cote, les Societes nationales des pays ou se trouvaient des families « Volksdeutsche », en collaboration avec les' delega- tions du CICR en divers endroits, maintenaient

Le délégué régional a également pris contact avec le secrétaire général de l'U niversité de Costa-Rica et des professeurs de la faculté de d ro it en vue de créer

34 L’article 12 de la Charte de La Havane prévoyait, en effet, que : « Les États membres reconnaissent que : a)  les investissements internationaux, tant publics que

Les delegues ont egalement et6 recus par M. Pieter van der Byl, ministre de la Defense et des Affaires etrangeres. Au cours de l'entretien, ils ont eVoque les activites presentes

ACTIVITE DU COMITE INTERNATIONAL DE LA CROIX-ROUGE EN INDE (Bengale, Assam, Etat de Tripura) et au Pakistan oriental ' Aide aux refugies musulmans et hindous (septembre 1950) 1.. Inde

V êtem ents pour enfants remis à la Croix-Rouge hongroise Poumons d ’acier pour l'H ôpital Laszlo. Instrum ents chirurgicaux pour les Cliniques dermatologique