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Les tiers devant les Commissions fédérales des banques, de la concurrence et de la communication

BOVET, Christian

BOVET, Christian. Les tiers devant les Commissions fédérales des banques, de la concurrence et de la communication. In: Tanquerel, Thierry ; Bellanger, François. Les tiers dans la

procédure administrative : Journée de droit administratif 2003 . Bâle : Schulthess, 2004.

p. 145-165

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:43242

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Les tiers devant les Commissions fédérales des banques, de la concurrence et de la

communication

CHRISTIAN BOVET

Professeur à l'Université de Genève,

Membre de la Commission fédérale de la communication (ComCom)*

L Introduction

Le droit public économique, dont font partie les trois matières abordées dans cette contribution, est parfois perçu comme une branche à part, obéissant à ses propres règles. S'il est vrai que l'approche économique de ces domaines engendre un certain nombre de règles spécifiques, il faut aussi souligner que le droit administratif général y trouve pleinement sa place. On peut donc appliquer ici de nombreux enseignements tirés, d'une part, des rapports gé- néraux de PrnRRE MooR et FRANÇOIS BELLANGER et, d'autre part, de l'article de

THIERRY TANQUEREL sur le dénonciateur - un acteur très présent en droit ban- caire et de la concurrence1.

L'accent est mis ici sur l'intérêt économique des tiers à intervenir d'une manière ou d'une,autre dans les procédures menées par ou devant les auto- rités de surveillance du marché visé par la réglementation. Celui-ci constitue dès lors le lieu de rencontre entre les intermédiaires financiers et les investis- seurs/clients (marché financier), les entreprises et les consommateurs (mar- chés des produits et géographique, en politique de la concurrence) et les opérateurs et les usagers (marché des télécommunications). Les protagonis- tes ne sont pas systématiquement dans la position bilatérale, apparente, qui ressort de cette liste. Au contraire, les entreprises concurrentes se retrou- vent souvent dans un face à face direct, avec les consommateurs en arrière-

Les opinions personnelles exprimées dans la présente contribution engagent unique- ment son auteur et, en aucun cas, la ComCom. L'auteur remercie vivement Mmes

PRANVERA Kt!LLEZI et URSULA MARTI, assistantes à la Faculté de droit de l'Univer- sité de Genève, de l'aide qu'elles lui ont apportée dans l'élaboration de cet article, en particulier de l'appareil critique. Etat des liens Internet au 27 février 2004.

En procédure administrative fédérale, cf art. 71 de la loi tëdérale sur la procédure administrative du 20 décembre 1968 (PA; RS 172.021).

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plan. De même, l'opérateur en télécommunication s'intéresse, notamment, aussi bien aux actions de l'opérateur dominant qu'aux procédures ou ac- cords entre ce dernier et d'autres opérateurs. Enfin, d'autres acteurs écono- miques, comme les travailleurs ou des associations professionnelles, peuvent . vouloir jouer un rôle dans la régulation du marché concerné. Le cercle des

«tiers» considérés est en conséquence très large.

Il. Tiers en droit bancaire et financier

A. En général

La surveillance bancaire et financière illustre bien les différents rôles que peuvent jouer des personnes physiques ou morales qui ne tombent pas dans le champ d'application de la loi fédérale sur les banques et les caisses d'épar- gne du 8 novembre 1934 (LB)2, de la loi fédérale sur les bourses et le com- merce des valeurs mobilières du 24 mars 1995 (LBVM)3 et de la loi fédérale sur les fonds de placement du 18 mars 1994 (LFP)4, mais qui sont néanmoins touchées par les décisions de la Commission fédérale des banques (CFB).

Dans ce domaine, la réglementation a pour but de protéger les investisseurs et les clients - en particulier les créanciers et les déposants - des intermé- diaires financiers, ainsi que d'assurer la bonne réputation et le bon fonction- nement de notre place financière, notamment des marchés de valeurs mobi- lières5. De nombreuses normes concrétisent ces objectifs. Certaines ont un caractère structurel, imposant aux établissements surveillés certaines obli- gations dans leur organisation6; d'autres ont avant tout un caractère person- nel, exigeant en particulier certaines qualités ou comportements des action- naires et organes dirigeants de l'entreprise7.

2 RS 952.0.

3 RS 954.1.

4 RS951.31.

En paiiiculier, art 1 LBVM et 1 LFP. Ace propos, p. ex. PETER NOBEL, Schweizerisches Finanzmarktrecht: Einfühnmg und Überblick, Berne, 1997, p. 18 ss, en particulier p. 20-21 (avec d'autres références). Une mise à jour régulière de cet ouvrage est publiée sur le site Internet de la maison d'édition à l'adresse www.sjl.recht.ch/index.cfm; une nouvelle édition complète est annoncée pour 2004.

6 P. ex. art 3 .• al. 2, let a et b, LB.

7 P. ex. art. 3, al. 2, let. c, LB et 10, al. 2, let. d, LBVM. Eg. art. 3, al. 2, let. cbis, LB et 10, al. 2, let. d, LBVM en relation avec les actionnaires.

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Les tiers devant les Commissions fédérales

L'article 11 LBVM définit par exemple, en termes très généraux, des règles de conduite que le négociant en valeurs mobilières doit observer strictement dans ses relations avec ses clients:

a. un devoir d'information; [le négociant] informe [ses clients] en particulier sur les risques liés à un type de transactions donné;

b. un devoir de diligence; il assure en particulier la meilleure exécution possi- ble de leurs ordres et vei11e à ce qu'ils puissent la reconstituer;

c. un devoir de loyauté; il veille en particulier à ce qu'ils ne soient pas lésés en raison d'éventuels conflits d'intérêts8.

Ces principes sont repris et explicités dans une circulaire de l' Association suisse des banquiers (ASB)9. Ces normes d'autoréglementation ont à leur tour reçu de l'autorité de surveillance bancaire une dimension particulière, puisque la CFB les a intégrées dans les «Normes d'autorégulation dont le respect par les banques et les négociants en valeurs mobilières doit être vérifié par l'organe de révisiom>10. Dans une large mesure, les règles de conduite de l' ASB deviennent, par cet aller et retour réglementaire, une or- donnance d'application de la loi sur les bourses 11. La CFB a effectué une opération similaire en relation avec d'autres textes de soft law comme les directives ASB concernant le mandat de gestion de fortune12, les directives ASB pour garantir l'indépendance de l'analyse financière13 ou encore les règles de conduite de l 'Association suisse des fonds de placement14. Même

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12 13 14

Art. 11, al. 1, LBVM. L'art. 11, al. 2, LBVM précise pour sa part que «dans l'accom- plissement de ces devoirs, il sera tenu compte de l'expérience des clients et de l'état de leurs connaissances dans les domaines concernés».

Circulaire ASB n° 1275D du 4 février 1997, relative aux «Règles de conduite pour négociants en valeurs mobilières applicables à l'exécution d'opérations sur titres» du 22 janvier 1997. Texte reproduit in: Luc THÉVENOZ, URS ZULAUF, Réglementation et autoréglementation des banques, bourses, négociants, fonds de placement et marchés financiers en Suisse, Zurich, Bâle, Genève, 2003, n° 45-19.

Annexe l à la Circulaire CFB 96/3, «Rapport de révision: forme et contenu» (état au 18 décembre 2002) (BF 31A-14). Circulaire disponible et mise à jour également à l'adresse Internet www.ebk.admin.ch/f/publik/rundsch/index.htm. A noter qu'une modi- fication des principes de révision bancaire est en cours. Voir en particulier le commu- niqué de presse de la CFB du 11 septembre 2003, «La CFB met en consultation cinq circulaires concernant la révision», avec les documents annexés, à l'adresse Internet www.ebk.admin.ch/f/aktuell/index.htm.

Bulletin CFB 4012000, 24, 26, Bank B. (CFB, 30.03.2000). Cep. LUC THÉVENOZ,

«Les règles de conduite des négociants», RSDA (numéro spécial) 1997, p. 20, 23.

Annexe là la Circulaire CFB 9613 (n. 10), n° 9.

Idem, n° 14.

Idem, n° 15.

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s'ils en sont les «bénéficiaires», les investisseurs et les autres clients des intermédiaires financiers ne peuvent pas tirer argument de ces règles - léga- les, administratives ou d'autoréglementation - pour se voir reconnaître une qualité de partie dans l'hypothèse où un établissement assujetti à ia sur- veillance de la CFB les aurait enfreintes à leur détriment: sauf circonstances particulières, les victimes demeurent de simples dénonciateurs, avec les conséquences juridiques que cela implique15. Dans ce sens, il faut prendre avec précaution l'affirmation de KLEINER, selon lequel les créanciers de la banque se verraient généralement - in der Regel - reconnaître la qualité pour recourir16; il est vrai cependant que l'arrêt sur lequel il s'appuie faisait la part belle aux recours de tiers - dans ce cas-là, un concurrent réviseur bancaire17.

B. Violation de la garantie d'une activité irréprochable

La réglementation bancaire et financière exige des personnes exerçant une fonction dirigeante dans un établissement assujetti ou y détenant une par- ticipation qualifiée de présenter toutes les garanties d'une activité irrépro- chable 18; cette condition d'autorisation, comme les autres, doit être remplie de manière permanente19. Nonobstant leur position, ces personnes physi- ques ou morales ne tombent dans le champ d'application de la loi sur les banques ou de la loi sur les bourses; dans ce sens, elles ne sont pas en soi des sujets de cette réglementation et peuvent être considéréses comme des «tiers».

Elles peuvent néanmoins se voir reconnaître la qualité pour recourir suite à

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Supra n. l. Il n'en demeure pas moins que - malgré des déclarations comme celles figurant dans le préambule aux Règles de conduite ASB (supra n. 9), i.e. que «les [ ... } règles de conduite n'affectent pas les relations de droit privé entre les négociants en valeurs mobilières et leurs clients» - ces normes d'autoréglementation peuvent être invoquées dans un procès civil comme étant en particulier l'expression d'un usage ou de standards applicables dans la profession. A ce propos, p. ex. SJ 1988 33 7 (TF, 1.12.1987), SJ 1994 729, 733, consid. 2b,bb (TF, 5.05.1994), SJ 1998 379 (TF, 31. l 0.1994). Sur ces questions, CLAUDE BRETION-CHEVALLJER, Le gérant de fortune indépendant: Rapports avec le client, la banque dépositaire, obligations et

responsabilités, Zurich, Genève, Bâle, 2002, p. 81 ss.

Cep. BEAT KLEINER, «Commentaire de l'article 24 LB», in: BODMERiKLEINERILUTZ (éd.), Kommentar zum Bundesgesetz über die Banken und Sparkassen, Zurich, état 2002, ad art. 24, n° 5 «Zur Beschwerde legitimiert sind in der Regel die Bank, die Revisionsstellen, betrojfene Organsmitglieder und Geschiiftsführer sowie die Bankg/iiubiger».

Infra n. 27. Cep. ATF 120/1994 Ib 351, E. R. et R.

Voir les dispositions citées supra n. 7.

NOBEL {n. 5), p. 20.

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des mesures que la CFB pourrait prendre à leur encontre afin de rétablir l'ordre légal et de supprimer des infractions20. A titre d'illustration, l'autorité de surveillance a récemment prononcé21, sur la base expresse de l'article 3 5, alinéa 3, lettre b, LBVM, des interdictions personnelles de pratiquer le com- merce de valeurs mobilières pour des périodes allant de deux à neuf mois envers des collaborateurs d'un négociant coupables d'une pratique de «cours coupés» (Kursschnitt)22. La CFB s'est alors avant tout fondée sur la loi sur les bourses, les Règles de conduite ASB23 et les directives internes de l'éta- blissement bancaire concerné. Ces cadres sont ainsi passés du statut d'ac- teurs économiques, intégrés à un établissement assujetti, à celui de véritables parties à une procédure de surveillance.

Pour pouvoir pratiquer, les réviseurs bancaires doivent être reconnus par la CFB et donc remplir un certain nombre de conditions fixées par la LB24 et

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Art. 23tcr, al. 1, LB et 35, al. 3, LBVM. Le 1er al. de cette dernière disposition prévoit en outre que la CFB «prend les décisions nécessaires à l'application de la loi et de ses dispositions d'exécution et veille au respect des prescriptions légales et réglementai- res».

Bulletin CFB 43/2003, 87, Banque X (CFB, 27.11.2002). Eg., toujours à titre d'exem- ple, Bulletin CFB 42/2002, 123 ss, Montesinos (CFB, 28.08.2001), où la CFB a exigé que Je directeur général d'un établissement bancaire soit écarté sans délai de sa fonctlon dans la mesure où il avait, notamment, approuvé personnellement la relation d'affaires avec M. VLADIMIRO MONTESINOS, ex-chef des services secrets péruviens et conseil- ler personnel de l'ancien président péruvien ALBERTO FUJTMOR! (violation de la régle- mentation régissant la lutte contre le blanchiment).

A ce sujet, projet de Circulaire CFB «Règles de surveillance sur les comportements abusifS sur le marché», publiée sur le site Internet de la CFB Je 16 décembre 2003.

Projet, avec annexe (glossaire) et lettre d'accompagnement, disponibles à l'adresse www.ebk.admin.ch/f/aktuell/index.htm. Selon le glossaire (ég. projet lui-même, n° 55-56):

Le choix d'un cours pour le client qui est moins avantageux que celui de la transac- tion à la bourse ou avec la contrepartie génère un gain illicite au détriment du client.

La pratique des cours coupés est illicite lorsque la transaction de bourse est effectuée sur la base d'un contrat de commission (cas usuel). Lorsque l'intermé- diaire financier se porte directement contrepartie ( c' .-à-d. agit à partir du nostro ), il doit appliquer au client le cours du marché au moment où il se porte contrepartie et exécute la transaction. L'intermédiaire ne peut toutefois se porter directement contrepartie que s'il supporte le risque, c'. -à-d. qu'il ne connaît pas les conditions de la contrepartie.

En droit communautaire, Directive 2003/6/CE du Parlement européen et du Conseil sur les opérations d'initiés et les manipulations de marché (abus de marché) du 28 janvier 2003, JOCE 2003 L 96, p. 16.

Supran. 9.

Art. 20 LB.

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l'ordonnance sur les banques et caisses d'épargne du 1 7 mai 1972 (OB )25.

En particulier, tant les membres de la direction que les réviseurs responsa- bles doivent <~ouir d'une bonne réputation»26. Or, dans un arrêt du début des années 7027, le Tribunal fédéral a eu à se prononcer sur la qualité pour recou- rir d'une société de révision bancaire suite à l'octroi par la CFB de son agrément à une entreprise tierce. Celle-ci avait pour principal animateur un ancien employé de la première société qui, selon les informations qu'elle avait communiquées à la CFB, avait, d'une part, violé sa clause contractuelle de prohibition de concurrence et, d'autre part, incité des clients et des em- ployés à le suivre dans sa nouvelle entreprise. Entre le moment où la décision de la CFB a été rendue et celui où notre Haute Cour s'est prononcée, le Tribunal d'honneur de la Chambre fiduciaire suisse a en outre considéré ledit réviseur coupable des reproches qui lui étaient faits. Après avoir rappelé les difficultés d'application del' article l 03, lettre a, de la loi fédérale d' organisa- tion judiciaire du 16 décembre 1943 (OJ)28, lorsqu'un tiers conteste une déci- sion favorable à un tiers29, le Tribunal fédéral a finalement admis la qualité pour recourir du concurrent en ces termes:

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Wer eine Veifügung anficht, die einen Konkurrenten begünstigt, wahrt damit vorab sein eigenes, mittelbar aber zugleich das offentliche fnteresse, da auf seine Beschwerde hin zu prüfen ist, ob das objektive Recht richtig angewendet worden ist [. . .]. Folglich kann seiner Beschwerde nicht mit dem Einwand begegnet werden, dass sie offentlichen Interessen diene oder auf solche gestützt werde.

Sein schutzwürdiges Interesse ist sodann regelmiissig tatsiichlicher Art[. . .}.

Es kann wirtschajilichen, allenfalls aber auch ideellen Charakter haben [. . .};

doch ist es stets ein rein prozessuales Rechtsschutzinteresse, das seinen Ursprung darin hat, dass der Beschwerdeführer eine /atsiichliche Benachteiligung von sich abwenden, einen praktischen Nutzen und Erfolg erreichen will [. . .].

Daher kann der Beschwerdeführerin nicht entgegengehalten werden, ihre lnteressen seien «rechtlich und materiel l» - d. h. vom anwendbaren materiellen Recht aus gesehen - nicht schutzwürdig, und ein Eingriff in ihre subjektiven Rechtefalle ausser Betracht. Darauf stellt Art. 103 lit. a OG nicht ab30.

RS 952.02.

Art. 35, al. 2, let. b etc, OB.

ATF 99/1973 lb 104, Treuhandgesellschaft X RS 173.110.

ATF 99/ 1 973 lb l 04, Treuhandgesellschaft X., consid. 1 a.

Idem, consid. le (références omises).

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Les tiers devant les Commissions fédérales

Cette opinion n'est pas unanimement approuvée par la doctrine31.

C. Assistance administrative internationale

L'assistance administrative en matière boursière consiste en une procédure tendant, en principe sur une base réciproque (entraide), à la récolte et à la transmission d'informations et de documents par une autorité de surveillance des marchés financiers nationale à une autorité étrangère du même type.

L'entraide dans le cadre de la surveillance des marchés porte sur les ban- ques32, les négociants33 , ainsi que les entreprises impliquées dans la direction, la gestion et la distribution de parts de fonds de placement34. Les opérations d'initiés et les actes de manipulation de cours constituent les situations typi- ques fondant les requêtes d'autorités étrangères, et c'est donc avant tout sous l'angle de l'article 38 LBVM35 que la CFB et le Tribunal fédéral ont eu l'occasion d'appliquer les principes régissant cet échange de données36.

La seconde phrase de l'article 38, alinéa 3, LBVM prévoit expressément que «la transmission d'informations sur des personnes qui, de manière évi- dente, ne sont pas impliquées dans une affaire nécessitant l'ouverture d'une

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LUCREZIA ÜLANZMANN-TARNUTZER, Die Legitimation des Konkurrenten zur Verwaltungsgerichtsbeschwerde an das Bundesgericht, Saint-Gall, 1996, p. 184 ss.

Eg. ISABELLE HÀNER, Die Beteiligten im Verwaltungsve1fahren und Verwaltungs- prozess: unter besonderer Berücksichtigung des Verwaltungsverfahrens und des

Verwaltungsprozesses im Bund, Zurich, 2000, p. 339 ss et, plus particulièrement, p. 340, no 1747 (où elle relève que, dans cet arrêt, le Tribunal fédéral n'avaitpas encore appliqué de manière cumulative les critères retenus pour le recours des concurrents) et p. 345 (où elle indique ne pas être convaincue par les arguments de GLANZMANN- TARNUTZER [n. 31]).

Art. 23sexies LB. Pour les contrôles transfrontaliers: art. 23septies LB.

Art. 38 LBVM. Pour les contrôles transfrontaliers: art. 38a LBVM.

Art. 63 LFP. Cf ATF non publié du 30 juin 2000, cause 2A.584/1999, Dom Fund.

Contrairement à la LB et à la LBVM, la LFP ne contient pas de dispositions relatives aux contrôles transfrontaliers.

Cette disposition est actuellement en cours de révision et un projet a été mis en consultation au début de l'année 2004 par le Conseil fédéral. Pour plus de renseigne- ments (en particulier le rapport explicatif), voir le site du Département fédéral des finances à l'adresse Internet www.efd.admin.ch/f/dok/gesetzgebung/vernehmlassungen/

2004/01/boerseng.htm.

On notera que si la CFB peut, selon la loi (art. 23sexies, al. 1, LB, 38, al. l, LBVM et 63, al. 1, LFP), faire appel aux autorités étrangères pour obtenir des informations et des documents nécessaires à l'application de la réglementation qui lui incombe, ce sont avant tout les autorités étrangères qui s'adressent à la Suisse; l'autorité de notre pays semble avoir très peu d'occasions, voire de raisons, d'utiliser cette voie.

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CHRISTIAN BOVET

enquête est interdite»37 . Dans sa pratique, la CFB a posé trois conditions cumulatives à cette exception dite du «tiers non-impliqué»38 : (i) les tran- sactions visées par la requête doivent avoir été initiées par un employé banque ou un gérant externe sur la base d'un mandat discrétionnaire; (ii) le. client n'a d'aucune manière participé à la prise de décision et, en particulier;

n'a donné aucun conseil en relation avec cet investissement; et (iii) il ne doit exister «aucun indice contraire ou soupçon concret», dans la mesure où la ·.

CFB doit pouvoir donner une assurance inconditionnelle à l'autorité requé- rante39.

Cette situation doit être clairement distinguée de celle où un investisseur invoque son observation du marché pour justifier ses transactions, car:

La Corn.mission fédérale [des banques] n'a pas à examiner les raisons invo- quées par la recourante pour expliquer ces opérations. C'est en vain que la recourante affirme qu'elle s'était uniquement fondée sur les nombreux articles parus dans la presse financière spécialisée pour procéder auxdites opérations. De telles allégations ne sont pas déterminantes dans ce contexte. En effet, il appartient uniquement à l'autorité requérante de déterminer, sur la base de ses propres investigations et des informations transmises par la Commission fédé- rale, si ses craintes initiales de possible distorsion du marché étaient ou non fondées40.

Dans ce cas, le client devient en quelque sorte un «tiers impliqué» et les informations relatives aux transactions auxquelles il a participé seront trans- mises à l'autorité de surveillance étrangère.

L'arrêt Flammarion41 constitue une décision de principe en matière de qua- lité pour recourir dans les affaires d'assistance administrative concernant des activités de gestion de fortune. C'est ainsi que le Tribunal fédéral a ad- mis qu'un gérant de fortune indépendant- qui, pas plus que le client, n'est un

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Cette disposition serait maintenue dans l'art. 38 LBVM révisé (projet de nouvel al. 4, phrase 3; n. 35). Cependant, le délai pour recourir serait ramené à 10 jours et les règles sur la suspension des délais ne seraient pas applicables à ce délai (projet de nouvel al. 5; n. 35).

DANIEL ZUBERBÜHLER, «Surveillance des intermédiaires financiers: évolution inter- nationale et marge de manœuvre pour la Suisse», in: THÉVENOZ/BOVET (éd.),Journée 2002 de droit bancaire et financier, Berne, 2003, p. 157.

Ibidem.

ATF non publié du 9 janvier 2003, cause 2A.276/2002, Euronext Brussels, consid. 3, renvoyant à l'ATF 127/2001 II 142,X, consid. 5, qui contient encore d'autres référen- ces.

ATF 127/2001 II 323, Flammarion.

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Les tiers devant les Commissions fédérales

sujet direct de la surveillance - a qualité pour contester une décision fondée sur l'article 38 LBVM. Notre Haute Cour se base en particulier sur une interprétation téléologique du troisième alinéa de cette disposition, en relation avec les critères développés par la jurisprudence et la doctrine pour les aiti- cles 6 et 48, lettre a, PA ainsi que 103, lettre a, OJ42 . L'argumentation rete- nue repose essentiellement sur la protection de la confidentialité des infor- mations détenues par Je gérant mais aussi de son identité:

Der Geheimhaltungspjlicht unterliegen siimtliche Angaben, die sich aus der unmittelbaren geschqftlichen Beziehung zwischen Kunde und Bank ergeben, somit auch die Tatsache, oh und zugunsten von wem ein Vermogens- verwaltungsauftrag besteht [. . .]. Der selbstéindige Vermogensverwalter handelt im Rahmen der ihm vom Kunden eingeraumten Befugnisse ais dessen

Hilj~person bzw. Stellvertreter. Soli seine Identitéit amtshilfeweise ins Ausland preisgegeben werden, betr!fft dies das einzelne Kundenverhaltnis, es sei denn, er habe als Mitarbeiter oder Organ einer beauftichtigten Bank oder eines Effektenhiindlers bzw. des Kun den se/ber gehandelt43.

En revanche, celui qui détient une simple procuration - par opposition à un mandat discrétionnaire - ne se voit pas reconnaître une telle qualité pour recourir44 . La situation est la même pour l'ayant droit économique qui peut en principe exercer une influence juridique et économique sur l'entité qu'il contrôle; lorsque, exceptionnellement, tel n'est pas le cas, il a qualité de par- tie, par analogie avec ce qui est admis en matière d'entraide pénale et dans les limites de l'article 38, alinéa 3, LBVM45.

42 43

44 45

Cf. HANER (n. 31), p. 251 SS.

ATF 127/2001 Il 323, Flammarion, consid. 3b/bb. Voir ég. récemment, en entraide pénale, ATF non publié du 19 janvier 2004, cause lA.233/2003, consid. 1.1-1.3 (qua- lité pour agir en cas de saisie de documents comptables en mains d'un avocat, avec précision de la jurisprudence relative aux cas où la banque peut ou non recourir lors- qu'elle doit fournir de tels documents).

ATF 127/2001 II 323, Flammarion, consid. 3b/bb.

Idem, consid. 3b/cc. Selon Je projet de révision de l'art. 38 LBVM (nouvel al. 5, phr. 1 ), seul le client pourrait contester par la voie du recours de droit administratifla décision de la CFB de transmettre des informations à l'autorité de surveillance étrangère. Pour plus de détails, cf le rapport explicatif (n. 35), p. 17.

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m. Tiers en droit de la concurrence

A. En général

La PA s'applique aux enquêtes menées par la Commission de la concur- rence (Comco ), pour autant que la loi fédérale sur les cartels et autres res- trictions à la concurrence du 6 octobre 1995 (LCart)46 n'y déroge pas47 . Les tiers - à savoir les personnes physiques ou morales qui ne sont pas parties à des accords ou à des concentrations d'entreprises ou encore qui ne détien- nent pas une position dominante - sont omniprésents dans les procédures de première instance et apparaissent dans une moindre mesure, sans que les questions juridiques soulevées soient moins intenses, dans les procédures de recours.

Les tiers jouent d'abord un rôle comme dénonciateurs. L'article 26 LCart rappelle en effet expressément qu'une enquête préalable de la Comco peut être ouverte «d'office, à la demande des entreprises concernées ou sur dé- nonciation de tiers»48. Il s'agit d'une première source d'information pour l'autorité de la concurrence qui devra, bien entendu, vérifier les faits allégués et déterminer si la situation dénoncée tombe sous le coup de la loi sur les cartels et, le cas échéant:

s'il y a lieu d'ouvrir effectivement une enquête administrative49 ou

s'il convient de renvoyer le dénonciateur devant le juge civil, pour autant que celui-là s'y estime fondé50.

Le dénonciateur comme d'autres tiers peut d'ailleurs être amené voire contraint à collaborer avec le Secrétariat de la Comco dans l'établissement des faits. L'article 40 LCart prévoit en effet, notamment, que «les tiers concer- nés sont tenus de fournir aux autorités en matière de concurrence tous les renseignements utiles et de produire toutes les pièces nécessaires». La dé- termination du cercle des «tiers concernés» (betroffene Dritte) ne répond à aucune exigence particulière: il suffit que, d'une manière ou d'une autre, ils

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RS 251.

Art. 39 LCart.

Souligné par l'auteur.

Sur l'absence de recours en cas de refus d'ouvrir une enquête, voir notamment BENOÎT CARRON, «Commentaire de ('article 26 LCart» et «Commentaire de l'article 27 LCart»

in: TERCTER/BOVET (éd.), Commentaire romand - Droit de la concurrence, Genève, Bâle, Munich, 2002, ad art. 26, n° 12-16 et ad art. 27, n° 19.

Art. 12 ss LCart.

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Les tiers devant les Commissions fédérales

soient actifs sur le même marché que les parties principales ou en relations économiques avec elles; pour l'essentiel, ce sont les concurrents, les fournis- seurs et les clients des entreprises directement visées par la procédure d'en- quête51. Ils peuvent tous aussi être entendus comme témoins52.

B. Participation aux enquêtes portant sur des restrictions de la concunence

La participation de tiers aux enquêtes liées à des accords ou des positions dominantes est encore renforcée par l'article 43, alinéa 1, LCart, qui prévoit que:

Peuvent s'annoncer afin de participer à l'enquête concernant une restriction à la concurrence:

a. les personnes qui ne peuvent accéder à la concurrence ou l'exercer du fait de la restriction à la concurrence;

b. les associations professionnelles ou économiques que leurs statuts auto- risent à défendre les intérêts économiques de leurs membres, pour autant que des membres de l'association ou de l'une de ses sections puissent participer à l'enquête;

c. les organisations d'impo1iance nationale ou régionale qui se consacrent statutairement à la protection des consommateurs.

La doctrine est partagée sur la portée de cette disposition. Pour une partie, il ne s'agirait en substance que d'un renvoi aux règles générales de la procé- dure administrative fédérale, en particulier les articles 6 et 48 PA53. Pour d'autres auteurs, le cercle est plus large que celui défini par ces deux dispo- sitions. Ainsi, comme soutenu de manière foti pertinente et convaincante par

BIT.GER:

51

52 53

lm Gegensatz zur erwiihnten Rechtsprechung zur Beschwerdebefugnis des Konk:urrenten nach VwVG muss zu dieser Behinderung - die sich aus der Konkurrenzsituation bzw. der wirtschaftlichen Beziehung ais sa/cher ergibt

STEFAN BILGER, Das Verwa/tungsverfahren zur Untersuchung von Wettbewerbs- beschriinkungen, Fribourg, 2002, p. 220. Eg. art. 43, al. 1, Jet. a, LCart, qui se réfère aux «perso1U1es qui ne peuvent accéder à la concurrence ou l'exercer du fait de la restriction à la concurrence».

Art. 42 LCart.

Eg. art. 103, Jet. a, OJ. En particulier, JüRG BORER, Kommentar zum schweizerischen Karte/lgesetz, Zurich, 1998, ad art. 43 LCart, 6; BALZ GR.OSS, «Commentaire de l'article 43 LCart», in: HOMBURGERISCHMIDHAUSER/HOFFET/DUCREY {éd.), Kommentar zum schweizerischen Kartellgesetz, Zurich, 1996/ l 997, ad art. 43, 13 (sa note de bas de page 10) et 1.5; ainsi que, MARCEL DIETRICH «Commentaire de l'article 39 LCart», in HOMBURGER/SCHMIDHAUSERIHOFFET/DucREY (n. 53), ad art. 39, n° 36.

155

(13)

CHRISTIAN BOVET

- nach der kartellgesetzlichen Regelung nicht noch das Merkmal der Erheblichkeit bzw. der unmittelbaren, deutlich Verschlechterung der wirtschaftlichen Position, mithin das Erleiden deutlich spürbaren wirtschaftlichen Nachteils durch die untersuchte Wettbewerbsbeschréinkung hinzutreten. lnsofern, sind geméiss Art. 43 Abs. T lit. a KG Konkurrenten, Abnehmer und Lieferanten auch dann zur Teilnahme am Untersuchungsverfahren befugt, wenn sie nicht erheblich bzw. besonders spürbar und damit nicht stiirker ais andere Marktteilnehmer der gleichen · Marktslufe betrojfen sinc/54.

Cette conception large doit être étendue aux deux autres catégories de par- ticipants à l'enquête mentionnés à l'article 43, alinéa 1, LCart55.

Il faut cependant distinguer clairement le droit de participer à la procédure, tel qu'envisagé par la règle évoquée ci-dessus, de la qualité de partie à la procédure, selon les art. 6 et 48 PA56 . Dans le premier cas, les participants à la procédure ont des droits limités. Ils peuvent en particulier communiquer leur avis par écrit sur la proposition du Secrétariat de la Comco57. Pour le surplus, l'article 43, alinéa 2, LCart permet de limiter la participation à une audition de témoin ou à un interrogatoire de partie, lorsque plus de cinq par- ticipants ayant des intérêts identiques interviennent dans l'enguête58 . Cette disposition ne fonde pas un droit des participants à être entendus oralement par la Comco ou son Secrétariat.

Dans le second cas, la qualité de partie et les droits qui y sont attachés sont définis par les règles ordinaires59. L'article 43, alinéa 1, LCart ne constitue pas une lex specialis et n'élargit pas en droit de la concurrence le concept habituel de qualité de partie6°.

54 55 56 57 58

59 60

BILGER (n. 51), p. 220, avec d'autres références.

Idem, p. 221 ss.

CARRON (n. 49), ad art. 43, n° 9.

Art. 30, al. 2, phrase 1, LCart.

Les droits des parties découlant de la PA sont cependant réservés. A ce propos, CARRON (n. 49), ad art. 43, n° 24 ss.

Voir la contribution de FRANÇOIS BELLANGER dans le présent ouvrage.

DPC J 997 /2, p. 243 (Commission de recours pour les questions de concurrence, 25.04.1997), consid. 1.7.1, avec d'autres références.

(14)

Les tiers devant les Commissions fédérales

C. Recours dans les procédures de contrôle de concentration d'entreprises

Alors quel 'article 43, alinéa 1, LCart étend la participation à la procédure d'enquête à des tiers qui, autrement, pourraient en être exclus, l'article 43, alinéa 4, LCart, applicable au contrôle des concentrations d'entreprises, limite le cercle des parties à la procédure aux entreprises participantes, à savoir:

a. en cas de fusion, les entreprises qui fusionnent;

b. en cas d'acquisition de contrôle, les entreprises qui acquièrent le contrôle et celles que vise l'acquisition du contrôle61 .

Comme pour le premier alinéa de cette règle, la portée de l'article 43, alinéa 4, LCart est disputée: pour une partie de la doctrine cette disposition exclurait toute possibilité de recours pour les tiers; il s'agirait en particulier de préser- ver les spécificités de ce type de procédure, qui se doit d'être rapide et efficace62. D'autres auteurs considèrent en revanche que les normes ordi- naires servant à déterminer qui a qualité pour recourir - les articles 6 et 48 PA, ainsi que 103, lettre a, OJ - devraient s'appliquer. Il convient cependant de se montrer strict dans l'appréciation des intérêts de fait ou de droit fon- dant cette qualité et, ainsi, de prendre en compte d'une certaine manière la volonté du législateur exprimée à l'article 43, alinéa 4, LCart63 . On souli- gnera pour le surplus que, selon le texte clair de cette dernière disposition, celle-ci ne régit que la procédure d'examen, pas la procédure de recours; sur le plan systématique, cette conception est conforme à celle retenue à la sec- tion précédente pour l'article 43, alinéa 1, LCart.

---~---

61 62

63

Art. 3, al. 1, de l'ordonnance sur le contrôle des concentrations d'entreprises du 17 juin 1996 (OCCE; RS 251.4).

En particulier, WALTER STOFFEL, «Die Beschwerde an die Rekurskommission für Wettbewerbsfragem>, RSDA (numéro spécial) 1996, p. 48; FRANCIS NORDMANN, Die schweizerische Fusionskontrolle im Lichte des europii.ischen Wettbewerbsrechts, Zurich, 1996, p. 246; KARL HOFSTETTER, RETO SCHILTKNECHT, «Fusions- und Marktmachtkontrolle im neuen schweizerischen Kartellgesetw, RSJ 1997, p. 12 7. Eg.

BORER (n. 53), ad art. 43, 13; ROGER ZACH, Schweizerisches Kartellrecht, Berne, 1999, 669 et 687 ss.

GROSS (n. 53), ad art. 44, 55-56; FRANK SCHERRER, Das europii.ische und das schweizerische Fusionskontollverfahren, Zurich, 1996, p. 438; FRANK SCHERRER

«Fusionskontrolle nach revidiertem Kartellgesetz - Erste Faite und offene Fragem>, PJA 1997, p. 1397; CHRlSTlAN BOVET, «Remarques liminaires aux articles 32-38

LCart», in: TERCIER/BOVET (n. 49), n° 18 SS.

157

(15)

CHRISTIAN BOVET

Ni la Commission de recours pour les questions de concurrence ni le fédéral ne se sont à ce jour prononcés sur la portée de l'article 43, alinéa LCart dans la procédure de recours. En effet, il leur a suffi de se fonder les règles générales rappelées ci-dessus pour déclarer irrecevables les cours présentés, en particulier, lors de la concentration Le Temps64 . Dans décision la plus récente, le Tribunal fédéral, statuant sur un recours de droit administratif sur refus d'effet suspensif par la Commission de recours, s'est borné à rappeler que:

Aux termes de l'art. 103 lettre a OJ, a qualité pour former un recours de droit administratif «quiconque est atteint par la décision attaquée et a un intérêt digne de protection à ce qu'elle soit annulée ou modifiée». Dans la procédure·

d'examen des concentrations d'entreprises, seules les entreprises participan- tes ont qualité de partie (art. 43 al. 4 LCart). Dans la mesure où la société recourante ne fait pas partie du cercle des entreprises participantes, on peut se demander si elle a qualité pour former un recours administratif au regard de l'art. 48 lettre a PA d'une part et un recours de droit administratif selon l'art. 103 lettre a OJ d'autre part, étant précisé que ces deux dispositions légales s'inter- prètent de la même manière (cf.ATF 124 II 499 consid. 3b)65.

Il a, pour le surplus, laissé la question ouverte, rejetant le recours pour d'autres motifs.

Le droit communautaire a joué un rôle de précurseur en matière de contrôle des concentrations sur notre continent et a fortement inspiré la réglementa- tion suisse dans ce domaine. Les deux phases d'examen, selon l'impact de la concentration sur la concurrence dans les marchés concernés, ainsi que les délais respectifs d'un et de quatre mois prévus par la loi sur les cartels66 sont typiquement inspirés de l'ancien Règlement CE 4064/8967. Or, aux termes de l'article 230, alinéa 4, CE:

64

65

66 67

A ce propos, CHRISTIAN BOVET, «Premières expériences dans Je contrôle des concen- trations», in: BOVET (éd.), Libéralisation des télécommunications/ Concentrations d'entreprises (Journée du droit de la concurrence 1998), Zurich, 1999, p. 80 ss, avec toutes les références utiles.

ATF non publié du 22 mai 2003, cause 2A.85/2003 Etablissements Ed. Cherix et Filanosa SA c. Edipresse SA, consid. 1.3 (recours contre le refus d'octroi d'effet suspensif par la Commission de recours pour les questions de concurrence).

Art. 32 et 33 LCart, ainsi qu'art. 20 OCCE.

Règlement 4064/89 du Conseil du 21 décembre 1989, relatif au contrôle des opérations de concentration entre entreprises, art. 1 O. Remplacé par le Règlement 139/2004 du Conseil du 20 janvier 2004, applicable à partir du 1er mai 2004, JOCE 2004 L 24, p. 1, art. 1 o.

(16)

Les tiers devant les Commissions fédérales

Toute personne physique ou morale peut former [ ... ] un recours contre les décisions dont elle est le destinataire et contre les décisions qui, bien que prises sous l'apparence d'un règlement ou d'une décision adressée à une autre personne, la concernent directement et individuellement.

Cette disposition et l'interprétation qu'elle a reçue des autorités et juridic- tions européennes - du moins quant aux concurrents - ne sont pas sans rappeler l'application par nos tribunaux du droit ordinaire suisse en matière de qualité pour recourir. Un arrêt récent, basé sur une jurisprudence cons- tante du Tribunal de première instance et de la Cour de Justice des Commu- nautés européennes (CJCE), permet d'illustrer ce propos68. En l'espèce, la recourante, la société française BaByliss, était concmTente des deux entre- prises participant à la concentration, SEB et Moulinex, et n'était pas destina- taire de la décision attaquée. Il s'agissait donc de déterminer si elle était directement et individuellement concernée par la décision de la Commission européenne. Le Tribunal de première instance a admis sans hésiter le carac- tère direct del 'affectation, dès lors que la décision permettait la réalisation immédiate de l'opération de concentration projetée; la décision était «de na- ture à induire une modification immédiate de la situation des marchés concernés, qui ne dépend alors que de la seule volonté des parties»69.

Le Tribunal a ensuite rappelé que des personnes autres que les destinataires de la décision étaient individuellement concernées par celle-ci, lorsqu'elles sont atteintes «en raison de certaines qualités qui leur sont particulières ou d'une situation de fait qui les caractérise par rapport à toute autre personne et de ce fait les individualise d'une manière analogue à celle du destina- taire»70. Dans la mesure où, notamment, BaByliss avait activement participé à la procédure par plusieurs lettres communiquant ses observations à la Com- mission, ainsi que lors d'une réunion et d'une conférence téléphonique avec les agents en charge de l'examen du projet de concentration, le Tribunal admit également que la seconde condition de! 'article 230, alinéa 4, CE était remplie71 . Même si cette participation active ne suffit pas, à elle seule, à démontrer le caractère individuel de la décision, il n'en demeure pas moins qu'elle «constitue un élément régulièrement pris en considération [ ... ] pour

68 69 70 71

Affaire T-114/02 BaByliss SA, arrêt TPICE du 3 avril 2003.

Idem,§ 89.

Idem,§ 91, citant l'arrêt CJCE du 15 juillet 1963 Plaumann/Commission, aff. 25/62, Rec. 1963, p. 199 ss.

ArrêtBaByliss SA (n. 68), § 92.

159

(17)

CHRISTIAN BOVET

établir, en conjonction avec d'autres circonstances spécifiques, la

lité [d'un] recours»72. S'agissant de ces dernières, le statut de concurrent de BaByliss faisait peu de doute: la société était l'un des principaux opérateurs sur les marchés des produits de petit électroménager dits de beauté ou de soins personnels (sèche-cheveux, fers et brosses chauffantes, etc.)73. La recevabilité du recours introduit par un concurrent potentiel ne saurait être··

contestée, lorsqu'il s'agit «de marchés oligopolistiques caractérisés, notam- ment, par des banières à l'entrée élevées résultant de la grande fidélité à la marque ainsi que par la difficulté d'accès au commerce de détai1»74.

Iv. Tiers en droit des télécommunications

A. En général

Le marché suisse des télécommunications est en grande partie libéralisé de- puis 199 8. Le législateur suisse a adopté de nombreux textes 75 fortement inspirés du droit communautaire en vigueur avant l'adoption du nouveau cadre

72 73 74

75

Idem,§ 95.

Idem,§ 96-98.

Idem,§ 100 (avec d'autres références). En droit allemand, voir la décision du Trib\Ulal de Düsseldorf(OLG), du 19 septembre 2001, WuW 2001/12, p. 1217 ss, consid. 4 (p. 1221-1222):

Es sollen solche Unternehmenskonzentrationen verhindert werden, die die Wettbewerbsbedingungen auf dem Markt derart veréindern, dass die Funktionsfahigkeit des Wettbewerbs nicht mehr gewi.ihrleistet ist, von einer bestimmten Schwelle ab der Wettbewerb no ch mehr eingeschrankt wird oder sich die Chance fiir ein Wiederaufleben des erlahmten Wettbewerbs noch mehr verschlechtert. lm Hinblick au/ diesen Zweck der Fusionskontrolle muss der Dritte, der mit seiner Beschwerde eine vom BKartA beschlossene Freigabe angreift, durch diese ais Trager eigener Intffessen und/oder eigener «rechtlich geschiitzter Positionenem> betroffen sein. Das .fuhrt notwendig zur der Erkenntnis, dass die Betro.ff'enheit des Dritten aus der drohenden Verschlechterung der Wett- bewerbsbedingungen auf dem relevanten Markt resultieren muss, dass daher der Dritte durch die Freigabe in seinem eigenen unternehmerischen und wettbewerblichen Beti.itigungsfeld und Gestaltungsspielraum au/ dem relevanten Markt - durch drohende negative Veranderung der Wettbewerbsbedingungen - betroffen sein muss. Das hat der Senat in seinem im vorliegenden Verfahren ergangenen Anordnungsbeschluss zum Ausdruck gebracht mit der Formulierung, ausreichendfür die materie/le Beschwer müsste ein (unmittelbares oder mittelbares) Wettbewerhsverhaltnis des Beschwerdeführers zu einem der Fusionsbeteiligten sein, wenn dieses Wettbewerbsverhiiltnis durch den Zusammenschluss (mit-)betroffen wird. (Références omises)

En relation avec cette contribution, voir en particulier la loi fédérale sur les télécommu- nications du 30 avril 1997 (LTC; RS 784.10) et l'ordonnance sur les services de télécommunication du 31octobre2001 (OST; RS 784.101.1).

(18)

Les tiers devant les Commissions fédérales

réglementaire en 200276 . Une présentation détaillée de ce domaine com- plexe dépasserait largement le thème de cet ouvrage. Nous ne nous intéres- serons ici qu'à deux sujets: nous reviendrons d'abord brièvement sur les droits des tiers évincés lors de l'octroi de concessions de téléphonie mobile

(B) 77 , puis aborderons le droit des opérateurs à être renseignés sur les ac-

cords d'interconnexion passés entre d'autres entreprises actives dans ce secteur (C).

B.

Concessions de téléphonie mobile

La LTC prévoit actuellement trois types de concessions: celles de téléphonie fixe et mobile et celle relative au service universel. Alors que pour la pre- mière catégorie, la loi institue un véritable droit à la concession lorsque les conditions applicables à la demande sont remplies78, les candidats à une concession de téléphonie mobile doivent, par contre, participer à des procé- dures publiques d'allocation des ressources sous forme de mise aux enchè- res (auctions) ou de sélection par critères (beauty contests)79. Quant à la concession de service universel, elle fait également l'objet d'un appel d'of- fres publics0. La question des tiers n'intervient effectivement qu'en matière

76

77

78 79

80

Voir les différents textes réglementaires publiés sur le site de la Direction générale européenne de la société de l'information, à l'adresse Internet www.europa.eu.int/

information_society/topics/ecomm/useful_information/llbrary/text_en.htm.

Pour plus de détails, voir notre contribution à la Journée de droit adrninistratif2002:

CHRISTIAN BOVET, «Utilisation souterraine et aérienne du domaine public», in:

BELLANGER/TANQUEREL (éd.), Le domaine public, Genève, Zurich, Bâle, 2004, p. 87 SS.

Art. 6 LTC, en particulier al. 3.

Art. 7 et 23 ss LTC, ainsi que les art. 6 et 8 ss OST, l'ordonnance sur la gestion des fréquences et les concessions de radiocommunication du 6 octobre 1997 (OGC; RS 784.102.1), l'ordonnance de l'Office fédéral de la communication sur la gestion des fréquences et les concessions de radiocommunication du 9 décembre 1997 (RS 784.102.11), les art. 9 ss de l'ordonnance sur les redevances dans le domaine des télécommunications du 6 octobre 1997 (ORDT; RS 784. l 06), l'ordonnance de !'Office fédéral de la communication sur les redevances dans le domaine des télécommunica- tions, du 22 décembre 1997 (RS 784 .106.11) et les art. 4 ss de l' ordoilllance du Département fédéral de l'environnement, des transports, de l'énergie et de la commu- nication (DETEC) sur les émoluments dans le domaine des télécommunications du 22 décembre 1997 (RS 784.106.12). Pour une comparaison des deux procédures d'oc- troi de concessions de téléphonie mobile, cf. CHRJSTIAN BOVET, «Aspects des écono- mies de réseaux», in: AUERIDELLEY/HOTIELJERIMALINVERNI (éd.), Aux confins du droit - Essais en ! 'honneur du Professeur CHARLES-ALBERT MORAND, Bâle, Genève, Munich, 2001, p. 509-510.

Art. 14 ss LTC et 16 ss OST.

161

(19)

CHRISTIAN BOVET

de téléphonie mobile: d'une part, l'octroi de concessions de téléphonie fixe donne lieu à peu de contentieux en raison du régime prévu par le législateur et, d'autre part, la concession de service universel a été accordée sans contestation à Swisscom, faute d'autres candidats, d'abord dans le cadre du régime transitoire instauré par la LTC81, puis selon la procédure qui a abouti . en juin 200282.

S'agissant donc de téléphonie mobile, il n'est pas possible de recourir contre le refus del 'autorité d'octroyer une concession de radiocommunication, lors- qu'il n'existe pas assez de fréquences pour satisfaire tous les candidats (Bewerber)83. Pour notre Haute Cour:

81 82

83

b) Stehen nicht genügend Frequenzen ftir aile Bewerber zur Veifügung, kann von vornherein nicht a/len eine Konzession erteilt werden. Darin liegt der wesentliche Unterschied zu Art. 6 Abs. 3 FMG, der namentlich für die Fernmeldedienstekonzession (gemiiss Art. 4 .ff FMG) ·und die Grund- versorgungskonzession (gemass Art. 14

.If.

FMG) gilt, welche beide einer vergleichbaren Einschrankung nicht - weder in tatsiichlicher noch in rechtlicher Hinsicht -unterliegen. [. .. }

g) Art. 99 Abs. 1, namentlich lit. d OG, schliesst die Verwaltungs- gerichtsbeschwerde in Fiil/en aus, in denen der entscheidenden Behorde ein relativ grosses Ermessen zusteht oder technische Aspekte wesentlich sind {. . .]. lm vorliegenden Zusammenhang verfagt die Konzessionsbehdrde sowohl über Entschliessungs-ais auch über Auswahlermessen; sodann sind for die Konzessionserteilung erhebliche technische Gesichtspunkte beachtlich, was nicht zuletzt daraus hervorgeht, dass der Gesetzgeber mit der Kommuni- kationskommission bewusst eine besondere, fachkundige lnstanz ais Konzessionsbeh6rde eingesetzt hat (vgl. Art. 56 Abs. 1 letzter Satz FMG ).

Wenn bei einer solchen Ausgangslage der Beschwerdeweg an das Bundesgericht o.ffen stehen sollte, müsste dies der Gesetzgeber ausdrücklich so vorsehen. Andernfalls ist davon auszugehen, dass Art. 99 Abs. 1 lit. d OG seine Ausschlusswirkung entfaltet. Dies trijji im vorliegenden Zusammenhang zu, nachdem aus dem Fernmeldegesetz, wie dargelegt (vgl. E. 3), nicht hervorgeht, Art. 99 Abs. 1 lit. d OG sei nicht anwendbar. [. . .}

h) Demnach besteht jedenfalls dann, wenn nicht genügend Frequenzen zur Verjugung stehen, kein Anspntch auf eine Mobilfunkkonzession. [. . .] Gegen

Art. 66 LTC.

Voir notamment le communiqué de presse de la ComCom du 7 juin 2002 («Swisscom conserve la concession de service universel pour les cinq prochaines années»), sur le site Internet de cette autorité à l'adresse www.fedcomcom.ch/comcom/f/communiques/

2002/233.html.

ATF 125/1999 II 293, Sunrise.

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