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La grotte de la Tassonière et l'hydrogéologie de son bassin versant
SESIANO, Jean
Abstract
Des traçages à la fluorescéine permettent de proposer un modèle hydrogéologique régional pour l'alimentation des sources du Brévon. Des mesures ultérieures permettront d'affiner ce modèle.
SESIANO, Jean. La grotte de la Tassonière et l'hydrogéologie de son bassin versant.
Hypogées , 2015, no. 73, p. 16-21
Available at:
http://archive-ouverte.unige.ch/unige:80006
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La grotte de la Tassonière et
l'hydrogéologie de son bassin versant
Par
fean Sesiano
NB: Le modèle proposé n'est pas
définitif, car des
observations sont encore en cours.La première fois que j'ai parlé de cette cavité au club, ce fut l'éton- nement. Oh ! Je sais, ce n'est pas Lascaux,
ni
Balme ou N{égevette, mais c'est quand même très ré-gional!
Plus exactement, dans le Chablais français, près du Rocd'Enfer (Fig.O1).
Et pourquoi avoir jeté
mon
dé-volu sur cette grotte,
sommetoute
assez insignifiante, situéeà
l47Omd'altitude ? Eh
bien, parce que 2 ruisseaux sont censésy couler, et qu'en présence d'eau souterraine,
il
est toujours inté- ressant de savoir où elle revoit le jour : peut-être en vue d'un futur captage comme eau de boisson ;il
est alors important de pouvoir déterminerun
périmètre de pro-{,.flçrM,
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Photo 01: Une étroifire clans Ia grotte Photo Alexlntlre Wellhoff
tection.
Et justement, 250m au NE de la cavité, à l'extrémité de la même barre rocheuse, on observeune
grosse émergence pérenne, la source du Brévon, appelée plus bas "source 1 du Brévon". Mais, pour que le problème ne soit pas trop simple,il
existe encore une grosse source, un peu en dessous.Photo 02: Phil verse la fluorescéine dans le ruissettu 1 dons Ia grotte de
lq Tossortnière. Pltoto Carole Litder Ne pourrait-elle pas être elle aussi
un point de sortie potentiel pour les eaux circulant dans
la
mon- tagne ? Nous allons essayer de ré- soudre cette énigme.ie u<ti)
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Fig.01 : Extrait tle Io carte topographirlue Tanit ge.t N' 3529 Ouest, Éch. 1/
25000,1G1/; (rymdrillcrge bleu : 1kn de côté). Les lieux rnentionnés dans le texte sottt irdiqués.
t6
C'est lors de la numérisation et de l'actualisation
de
divers articles écrits par notre membre feu J.-J.Pittard, que le récit de la décou- verte, accompagné
du plan
dela grotte, avait attiré mon atten-
tion.
On les trouvera en annexe.J'avais en effet déià travaillé dans
le
secteur avec une étude physi- co-chimiquedu lac de
Pêtétoz,l'une
des 120 nappesd'eau
demon inventaire de tous les plans d'eau naturels de la Haute-Savoie (Sesiano, 7993). Niché quelques centaines de mètres au SW de la grotte de la Tassonnière, au fond
d'une dépression
glacio-kars- tique, le lac de Pététoz ne possèdequ'un écoulement
souterrain dans lequel j'avais fait un traçageen
1988 (loc.cit.).
Le colorantCFH
était ressorti non pas à la source 1 du Brévon, contre toute attente, mais en aval de ce même Brévon, 200m plus bas
en
altitude, par plusieurs émissaires. Ce traçagea
été répétéle
Biuin
2015 afin d'obtenir des informations plus précises. Cette émergence sera ap- pelée plusloin
(source 2 du Bré- von>. Mais revenons à la grotte de la Tassonnière.Comme
trop
souventpour
lescavités,
les
coordonnéesde
lagrotte de
la
Tassonnière étaient impréciseset il a fallu
d'abord la localiser. Cefut
chose faite enmai
2014.(Voir
légende flgure 05). Pour m'assurer que c'était la bonne cavité, ie m'y insinuai sur une vingtaine de mètres. C'était gagné!
Maisà mon
âge, foinHypogées 23
Photo 03 : La source 7 du Brévon, 4h après Ie traçage à Ia Tassonnière.
Photo lean Sesiano
de
ces cavités alpines froides, étroites, humides et pleines d'as- pérités. J'aspireaux
galeries demétro, chaudes
et sèches. I'ai
donc dû motiver des clubistes et,le
bouche à oreille fonctionnant correctement, nous voilà enfin ré-unis sur le parking de La Chèvre- rie, à l'extrémité du lac de Vallon, ce dimanche de Pentecôte 24 mai 2OI5, soit près d'une année après
ma reconnaissance. La route fo- restière étant interdite
au
trafic,mon
4X4fait la
navette, muni d'une autorisation de passage, et nous voilà bientôt tous posés dans une clairière, 60m sous la grotte.Je leur remets la solution de 500gr de fluorescéine, leur indique la di- rection de la cavité et leur souhaite bonne chance (photos 01 et 02).
Le traçage
Pendant l'exploration
et le
tra- Çage,donc
sanscrainte
d'être<contaminé" par le traceur, j'ins- talle à
la
source 1du
Brévon le fluorimètre et des fluocapteurs decharbon actif, ces derniers pour
le
casoù
l'instrument viendrait àfaillir
(ce qui n'est fort heureu- sement encore jamais arrivé aucours de dizaines de traçages !).
En effet, ie soupçonne fortement la fluorescéine de vouloir ressor-
tir à
cette émergence, eu égard au contexte géologique. La grotteet la
source1
sonten
effet si-tuées dans
la
"Brèche inférieure de facies frontal".
En clair, noussommes
ici
au front de la nappe dela
Brèche, présentantici
descalcaires
et
des dolomies s'ap- puyant contre des schistes ardoi- siers constituantun
niveau im- ,iÂ.svrgile-\ cr
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Fig.
02 :
Fragment de Ia carte géologiqtte Samoëns-Pcts de Morgins au 1/50000. Les indicotions nous concernont sont Bi pour Brèche inférieure, Bs pour Brèche supérieure, S pour schistes ardoisiers, Ez pour zone d'ébotrlis.La source 1 du Brévon est indiquée par une étoile. Dans Ie triangle rouge, les dolines de la Friche de Pététoz.
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Photo
04 :
La zoneau nord de la pointe Photo lean Sesiano
Fig. 03 : La réponse du fluorimètre.
d'infiltrations de Chalune.
dolomies de
au nord de Photo lean
perméable (Fig.02). L'eau devrait donc cheminer à l'interface entre ces deux formations. Pour éviter toute incertitude, je place égale-
ment
des fluocapteurs à la source 2 du Brévon. L'appareil est discrè- tement placé, mais, sait-on tou- jours ce qui se passe dans la têted'un
randonneur, enfant de sur- croit, f e fais de fréquents aller-re- tour pour surveiller mine de rien le fluorimètre.Trois heures plus
tard,
l'équipe est de retour, enchantée de sa vi- site, proclamant que l'opération a réussi, bien que le débit des ruis- seaux fût fort chiche...Il
est temps pour eux de rentrer sur Genève. Ne sachant le temps que va mettre le colorant pour se manifester, ie m'apprête à passer lanuit
sur place, après avoir des- cendu toute la troupe au parking.Grosse surprise
à 17h, soit
4heures environ après l'iniection
du
traceur: la
source présente une magnifique teinte verte (Pho-to
03). Désertée par les touristesà
cette heure, cela m'évite une séance fastidieusede
question.Tout a donc bien marché. Trois heures plus tard, i'arrête l'instru- ment et rentre à Genève.
Résultats
et interprétation
Le débit très faible des ruisseaux dans la grotte, environldl/s,
est sans commune mesure avec le dé-bit de la source 1 du Brévon, ZO à
30 l/s, ce
jour-là. Il
semble donc que le faible apport provenant dela
grotte circule lentement dansun
réseau peu développé avant de rejoindrel'important et
plus rapidevolume de
l'émergence.Cela
peut
expliquer cette assez faible vitesse de transit de 70 m/h.Le
taux
de restitutiondu
colo-rant
s'en ressent puisqu'il n'est que de 30 gr, soit moins de 10olode ce qui a été injecté. Le fluori- mètre ayant été arrêté trop vite,
la
courbede
décroissance s'est sans doute étalée sur plusieurs di- zaines d'heures, avec néanmoins une concentration d'une dizaine de ppb (Fig. 03) En rajoutant cette quantité de traceurqui a
passé après l'arrêtdu
fluorimètre, celane
peut
qu'améliorer la restitu-tion.
Les conditions difficiles du traçage ont fait aussi qu'une par- tie du traceur s'est dispersée lors del'iniection,
avec de possibles pertes surle
calcairevu le
trèsfaible
débit, surtout qu'elle s'est faite sur deux ruisselets.Concernant
la
température de l'eau dans la grotte, elle n'atteintque
3.9"C,l'air
étant 1"C pluschaud.
C'est de l'eau de fonte des neiges,filtrant
lentement au travers du lapiaz boisé sus-jacent.L'émergence est à 4.7" C, l'eau pro- venant, semble-t-il, d'une vaste zone d'éboulis,
à
1900m d'alti- tude, bien exposée, au pied de la face NE de la Pointe de Chalune (Fig. 01 et Photo 04). Ce secteur, qui a reçu notre visite le 24iuin
ZOl5, présente des traces glaciaires indubitables : si les moraines sont très discrètes, le cirque glaciaire et son surcreusement sont bien vi- sibles. D'anciennes vallées mortes
sont
accidentées d'emposieuxet
de dolines obstruées par desblocs. Quant aux nombreux af- fleurements rocheux, buttes par- fois engazonnées et surmontées de maigres sapins, formées de cal- caire et de dolomie, ils sont zébrés de fractures, comme les parois du cirque du reste (Photo. 05).
Il
estclair que les
précipitations ne peuvent pas ruisseler sur un plan- cher présentant une telle fractu- rationet
quel'infiltration y
estprépondérante. Avec une lame d'eau annuelle
d'environ
1.8m,plus des 213 de cette eau va suivre Photo 05 : Calcaires et
Ia nappe de Ia Brèche,
la
pointe de Chalune.Sesiano
Photo
06:
Une des dolines de la Friche de Pététoz. Photo AlexandreWellhoff
1B
Hypogées 23
Fig.05 Plan de Ia grotte de Ia Tassonnière l.Rey novembre 1976. Les coordonnées sur Ie plan, désuètes, ont été ac- tualisées grâce à la nouvelle cartographie de I'IGN et en utilisqnt les nouveaux formats de coordonnées. Les condi-
tions de gé ol oc alis ation re stent né anmoins défavorable s.
Nouvelles coordonnées, à
!
30 m le long de la paroi rocheuse (en 3 formats):-
UTM [WGSB4] =: Zone32
314'170mE
5'118'480mN
1460 m.-
Long./ Lat. [wGS84], degrés décimaux=
6.5916l"E 46.19451'll l'460 m-
Lambert II étendu, en km = E 928.275 N 2'141.591 1'460 mcette sorte de plan incliné en di- rection du nord, guidée par d'im- portantes fractures méridiennes, vers la source 1 du Brévon. En pé- riode de forte crue, on
y
observe un débit de 200 l/s environ, alors que par étiage sévère (par ex. juil- let 2015), ce ne sont plus que 1 àZIls
qui sourdent. Avec la surface considérée du bassin versant, cela nous donne un débit moyen an- nueld'environ
16 l/s (Fig. 0a). Anoter qu'une analyse bactériolo- gique de la source 1, faite en fuin 2015, n'a montré aucune conta-
mination
fécaleou
autre:
elleest donc
parfaitement potable, même si une seule analyse n'est pas forcément représentative.Quant
à la
sourceZ du
Brévon(même température que la source 1), elle draine la Friche de Pététoz (fig.01), une zone accidentée par 3 grandes dolines (Photo 06), le lac de Pététoz étant l'une d'elle ; cette zone est située au NW du bassin versant de la source 1. Elle a reçu
notre visite le 13 juillet
2OI5.C'est aussi un terrain présentant à
son apex, vers 1800m, au nord de la Pointe de Chalune, des calcaires lapiazés avec des cirques de sur- creusement glaciaire s'appuyant contre les parois limitant au NW la dalle calcaire dont
on
a parlé plushaut.
Les eaux s'infiltrentdans des
contre-pentes (Photo 07) ou dans de véritables pertes, impénétrablesà l'homme.
Plus bas, entre 1500 et 1700m, la végé-tation, herbes et sapins, recouvre
tout.
La surface de ce secteur, un peu plus grande que celle alimen- tant la source 1, mais recevant un peu moins de précipitations quele
précédent car environ 150m plus bas, donne un débit moyen annuel d'environ LIUs, mais avec un comportement sur l'année très différent : le débit à l'émergence est beaucoup plus régulier, pas-sant d'une cinquantaine
de
l/sen crue à une dizaine à l'étiage.
Cela est
dû
à l'influence régula- trice des pentes herbeuses et boi-sées de la surface d'alimentation.
En fait, c'est cette source 2 du Bré-
von qui soutient le débit annuel de
la
rivière. Si l'émergence deseaux se fait à plus basse altitude,
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c'est qu'à la
fin
de leur Parcours souterrain, elles viennent buter contre la surface de contact entre la nappe de la Brèche et la naPPede la Dranse, contre laquelle elle repose, les obligeant à remonter.
Conclusions et
PersPectives spéléologiquesCes travaux d'hYdrogéologie nous ont permis de mettre en évidence deux bassins versants
bien
déli-mités, alimentant chacun
une source. Uun étant Plutôt miné-ral
(éboutiset
IaPiaz)et
l'autreplutôt
herbeux et boisé,le
com- portement des sources 1 et 2 s'en ressent : la première a une réaction rapide et pointue, alors que la se-conde, beaucouP
moins.
Les dé- bits délivrés permettent de suppo-ser des réseaux bien déveloPPés en profondeur, mais les infiltrations diffuses, sauf en de rares Points, dans cette roche très fracturée, ne permettent Pas d'esPérer de belles découvertes spéléologiques faciles.
Annexe :
La
grotte
de la Tassonnière Alorsqu'il
se Promenait dans les montagnes de Bellevaux et qu'il suivait la base de la Paroi de ro- chers qui s'élève au-dessus du lac de Pététoz, JosePh ReY, le très actif président du Spéléo-Club de Belle- vaux est tout à couP fraPPé au vi-sage par un violent vent glacé qui s'échappe d'une anfractuosité!
Il comprend
immédiatementqu'il
s'agitlà
d'une intéressante indication: unetelle
circulationd'air est en effet
la
Preuve qu'il existe une grande caverne dansla
montagne...Mais,
Pour Pou-voir
y
entrer,il
faut tout d'abord désobstruer l'ouverture bien troP petite pourqu'on
Puisse Passer.Oh,
mais çane
tardera Pas, etvoilà que notre jeune Ballavaud peut se glisser en rampant dans une chatière derrière laquelle se
trouve une
galerie assez haute pour qu'il puisse se tenir debout.C'est le coeur battant d'esPoir que Joseph Rey, le Premier humain à fouler ce sol inconnu, Part à la découverte. Et 1à,
tout
à couP,il
butte contre un nid de blaireau, de tasson comme on dit chez nous ;
alors le nom de cette nouvelle ca-
verne est
vite
trouvé: ce sera la<Grotte de la Tassonnière ,.
Plus
loin, voici
une bifurcation dont une des branches laisse filtrer un peu de lumière :il
s'agit d'une deuxième entrée, mais Presque entièrement bouchée Parde
la terre et des cailloux, ce qui laisseprévoir un beau travail de terras- iement. L'-autre passage conduit à une étroiture dans laquelle le cou- rant d'air se fait touiours sentir, ce
qui
estle
signe d'une continua-Fig. 04
:
Les bassins-versants des sources 1 et 2 du Brévon.photo 07 : Surcreusements et contre-pentes sur les hauteurs de Ia Friche de Pététoz. Photo lean Sesiano
20
tion importante de ce souterrain.
Notre explorateur se trouve bien- tôt dans un labyrinthe de galeries où l'on voit par endroits de fines stalactites blanches et des petites draperies cristallisées suspendues
à la voûte: les concrétions étant rares dans le sous-sol de la région de Bellevaux, ce fait mérite d'être signalé. Mais
surtout,
éventuels visiteurs, gardez-vousbien
d'y toucher!Cependant,
il
est temps de ren- treret,
naturellement,il
faudrarevenir avec des aides pour conti- nuer cette exploration. Au retour, le spéléologue découvre des résur- gences dont l'une est assez impor- tante. Une telle circulation d'eau souterraine prouve que le massif de la Pointe de Chalune est loin d'avoir révélé tous ses secrets.
C'est quinze jours plus tard que Joseph, aidé
de son
frère Jean- Claude, pénètre une nouvelle fois dans ce monde hypogé pour ar- river iusqu'à une étroiture fermée par un gros bloc de rocher. C'est là comme une porte secrète don- nant sur le mystère... Mais pour l'ouvrir,il
faut trouver le moyen de faire pivoter le roc. C'est réussi!Et maintenant, les deux garçons
doivent marcher à quatre pattes dans une longue et basse galerie remontante qui va les mener de surprise
en
surprise. C'est ainsi le conduit du <trait de scie",
ca-ractéristique d'une baisse brutale des eaux alors que la cavité était encore active. Plus loin, le couloir prend une forme arrondie presque parfaite, et on peut observer aus- si le joint de stratification incliné qui a facilité le creusement de ce
tunnel. Et voici un petit puits cir- culaire, profond de trois mètres;
encore plus
loin,
alors que le fa-meux courant
d'air
continue, la voûte est déchirée par une faille;ztJt,
voilà un
nouveau rétrécis- sement: Joseph veut s'y insinuer,mais
Jean-Claudeest
inquiet:"N'y
va pas, c'est probablement la fin, et c'est dangereux, il faudra revenir avec des copains...".
Oh,mais le grand frère n'est pas d'ac- cord ! En se
tortillant, il
arrive à se glisser dans cette mince ouver- ture, ce quilui
permet d'accéder à une nouvelle galerie qui se ter- mine par une haute cheminée quise perd dans le noir.
Alors, les deux courageux spéléo- logues reviennent sur leurs pas et travaillent à déblayer la deuxième entrée, puis découvrent, plus haut dans le rocher, parallèlement à la paroi extérieure, une autre grotte, curieuse par ses trois entrées, et
qui
appartientau
même réseau souterrain.Les levés topographiques, exécu- tés en novembre 7976 sous la di- rection deJoseph Rey qui vient de les mettre au point tout dernière-
ment,
nous indiquent que l'en- semble actuellement exploré de ceterritoire hypogé se développe sur une longueur de 300 m environ, avec une différence de niveau de 38 m. Deux petits ruisseaux,
ir-
dépendants
l'un
de l'autre, par- courent une partie des galeries,et celles-ci laissent entrevoir des possibilités de continuation.
Cette nouvelle trouvaille est par- ticulièrement intéressante car, si la région de Bellevaux est riche en gouffres, elle ne possède que très peu de véritables grottes horizon- tales, et c'est pourquoi la Tasso-
nière est une remarquable décou- verte (Fig. 05).
Messager, 11.2.1977
Hypogées 73
Remarque :
Les ruisseaux circulant dans la
grotte
rejoignent probablement la source du Brévon, 250m au NEet
une centaine de mètres plus bas. Géologiquement parlant, onse trouve au front de la nappe de la Brèche. La grotte se développe dans les calcaires dolomitiques du Trias. Les eaux, qui résurgent plus bas,
viennent buter contre
lesschistes ardoisiers imperméables de cette nappe,
ici
verticaux, lesforçant à remonter et à revoir le
jour. (T
=
9.5"Cle
30 mai ZOI4 pour l'air sortant de la grotte).Remerciements
Merci à Philippe Moret, Alexandre Wellhoff
et
Carole Linder pourl'opération de
traçagedans
lagrotte, ainsi qu'à mon
épouse pour les nombreuses visites sur le terrain et pour le traçage au lac de Pétêtoz en iuin 2OL5.Bibliographie
Pittard J.-J. G977). La grotte de
la
Tassonnière. Le Messager du 1r.2.7977.Sesiano