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La formation du sentiment d'identité sexuelle chez le transsexuel

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Academic year: 2022

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UNIVERSITE PARIS VII

U.F.R. SCIENCE HUMAINE CLINIQUE

Thèse de doctorat de psychanalyse (nouveau régime)

Paulo Roberto CECCARELLI

La formation du sentiment d'identité sexuelle chez le transsexuel

Sous la direction de Madame le Professeur Sophie de MIJOLLA-MELLOR

- 1995 -

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à mes grands-parents

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Je voudrais témoigner ici de ma profonde reconnaissance à Madame le Professeur Sophie de Mijolla-Mellor qui a bien voulu accueillir cette recherche avec un esprit d'ouverture. Son soutien précieux a toujours été profondément stimulant.

Je voudrais exprimer aussi ma gratitude aux enseignants du séminaire "Interactions de la Psychanalyse" et plus particulièrement envers Madame Michèle Porte : ses critiques très pertinentes et pointues m'ont toujours incité à approfondir ma réflexion.

Mes plus vifs remerciements à tous ceux qui, chacun à

leur manière, ont contribué à l'aboutissement de ce travail. Plus

particulièrement à Paulo Fonseca qui m'a toujours soutenu pour le

réaliser, à Joyce McDougall et à Heitor O'Ddwyer de Macedo pour

les fructueuses discussions que j'ai pu mener avec eux, et à

Catherine Baranès dont l'intelligence et la perspicacité furent

décisives pour parvenir à la rédaction de ce travail.

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"Le visage humain n'a pas encore trouvé sa face (...) depuis mille et mille ans en effet que le visage humain parle et respire. On a encore l'impression qu'il n'a pas encore commencé à dire ce qu'il est et ce qu'il soit."

Antonin Artaud

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Avant-propos

Cette histoire est celle d'un transsexuel que nous avons rencontré dans un Centre de post-cure pour toxicomanes. Les résidents de ce Centre y étaient accueillis pour quelques mois en perspective d'une réinsertion socio-professionnelle. C'est là que nous y avons rencontré Patricia, 45 ans. L'intérêt de cette rencontre tient au fait qu'elle se situe hors du champ de notre recherche, dans la banalité du quotidien, sans cette contrainte - que ce soit avec les équipes médico-chirurgicales ou avec les chercheurs - qui pèse toujours sur le transsexuel en situation d'interview : convaincre son interlocuteur de la véracité et de la légitimité de ses dires. Ici, rien de tel; rien à prouver (du moins à des tiers, en position de prendre des décisions susceptibles d'orienter fortement son avenir). Nous-mêmes n'étions engagé avec elle ni dans une relation clinique ni dans une démarche de recherche. Les choses ont certes évolué par la suite : intéressé par son histoire, son témoignage "brut" - c'est-à-dire non analysé au filtre d'une démarche scientifique - nous avons parlé à Patricia de notre recherche. Elle a alors accepté de nous "aider" dans notre démarche et de nous "apporter"

quelques détails de son histoire personnelle.

Son histoire est assez typique : aussi loin que remontent ses souvenirs, elle a toujours eu le sentiment d'être une fille; désir des parents, mais surtout de la mère, d'avoir une fille parce que c'est plus facile à élever; rejet de tous les jouets de garçons et, parallèlement attrait pour ceux des filles;

épisodes précoces de travestissement à l'aide des vêtements et

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des produits de maquillage de sa mère; père présent à la maison, mais incapable d'assumer le rôle et la fonction paternelle; mère dévalorisant par son discours la figure masculine et, par conséquent, absence de repères identificatoires pour servir d'étayage au développement de la masculinité. Patricia s'est toujours sentie beaucoup plus proche de sa mère que de son père.

Elle est l'aînée de deux frères qui, rapporte-t-elle, l'ont toujours rejetée. Comme c'est bien souvent le cas chez les transsexuels, Patricia est plutôt réticente pour parler de son passé.

A l'adolescence Patricia acquit la conviction d'être un transsexuel. Elle s'est alors sentie totalement désemparée et sans personne à qui se confier. "Au bord du suicide et sans savoir quoi faire pour sortir de [son] isolement", et "poussée par le désespoir", elle raconte tout à ses parents qui surpris et choqués par un fait "qui leur aurait été absolument insoupçonné", la mettent littéralement "au pas de la porte." Patricia quitte alors son pays, en Amérique Centrale, pour la France pour mener à bien son projet de changement de sexe. Elle se retrouve très vite dans une grande ville de province avec comme seul moyen de subsistance, la prostitution. Puis c'est Paris, et toujours la prostitution mais aussi la drogue. Quand elle arriva au Centre, elle venait d'achever un sevrage dans un hôpital parisien. Elle avait par ailleurs commencé la prise d'hormones après son arrivée en France et avait déjà subi des interventions chirurgicales.

Elle se disait tout à fait satisfaite.

Ce que Patricia au Centre donnait à voir satisfaisait

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pleinement aux attentes sociales de notre société contemporaine vis-à-vis des femmes. Nous ne nous intéressons ici nullement aux mécanismes de socialisation qui étayent l'apprentissage des rôles et des statuts (masculin ou féminin) dans une société donnée, mais force nous est de reconnaître que les attitudes, la gestuelle, les préoccupations, la manière même de parler de Patricia, correspondaient tout à fait au comportement moyen d'une femme tel qu'il est finalement réglé par notre socio-culture.

Personne, à un premier contact, ne pouvait la différencier des autres femmes du foyer. Elle était toujours bien soignée, bien coiffée et, de plus, plutôt bien accueillie dans le groupe des femmes du foyer. Ce que nous voulons indiquer par là, c'est qu'au cours de nombreux mois où nous l'avons côtoyée, Patricia n'a jamais failli dans son rôle de femme (au sens sociologique de ce terme, et en ce qu'il est non seulement prescrit par un système social mais encore interprété par un sujet). Mais ce qui nous intéresse de notre place, ce sont les ressorts psychologiques qui permettent à Patricia, mais aussi à nombre de transsexuels, de jouer ce rôle.

Au Centre, les résidents assuraient les différentes tâches à tour de rôle : ménage, cuisine, courses... Certaines activités avaient lieu à l'extérieur du centre: Patricia y participait au même titre que les autres. Jamais, dans aucune de ces activités nous n' avons pu saisir la moindre "a-normalité"

le moindre comportement atypique, l'émergence éventuelle d'un

trouble psychologique quelconque. Ni plus ni moins de

bizarreries, de sautes d'humeur, d'écarts à la norme que chez la

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plupart des résidents : bien intégrée sans être dans l'hypernormalité.

Les réactions, en face, étaient tout aussi étonnantes.

Les nouveaux résidents, à leur arrivée, n'y "voyaient que du feu"

puis c'était l'étonnement, parfois même le rejet, dès qu'ils apprenaient que Patricia avait été un homme. Puis, les choses revenaient tout doucement dans l'ordre, et Patricia redevenait progressivement une femme parmi les femmes. Certaines tensions se produisaient certes parce qu'elle était transsexuelle et non une

"femme normale", stigmatisation finalement bien banale et dans le droit fil des intolérances manifestées à l'égard de tout groupe minoritaire. Cela dit, dans l'ensemble, les attitudes et comportements des résidents du centre comme des salariés ne se distinguaient pas de ceux déployés à l'égard des autres femmes.

Finalement, dans ses attitudes envers autrui comme dans les comportements d'autrui à son égard, Patricia se fondait dans le groupe des femmes. Femme parmi les femmes avec ses soucis, son trajet de "toxico" son projet de réinsertion, histoire singulière et banale.

Normal - Banal - Ordinaire : tel se manifeste à un premier contact le transsexuel dont la démarche, au caractère a- normal, a-typique, peu commun est vite interprétée comme folle.

Mais, peut-on taxer de fou quelqu'un capable d'entretenir des relations sociales minimales en respectant et en jouant avec le code et les règles en vigueur dans son espace social?

Existerait-il une folie cachée derrière ce voile

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apparent de "tranquille normalité"?

Où situer la Folie?

Où situer la Normalité?

Entre Folie et Normalité où se situe le transsexualisme?

Une réponse à cette question, est-elle possible? est-

elle envisageable?

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PLAN GENERAL

I NTRODUCTION p.13

CHAPITRE I - EMERGENCE DU PHENOMENE TRANSSEXUEL

1.1 - Le phénomène p.40

1.2 - L'histoire récente p.43

1.3 - Une première approche de la question

transsexuelle p.56

1.3.1. - Les divers référentiels théoriques p.57 1.4 – Conclusion

p.78

CHAPITRE II - TRANSSEXE OU TRANSGENRE? p.81

2.1 - Le sexe biologique p.83

2.2 - Les états intersexuels p.86

2.3 - La distinction des genres p.91

2.4 - Différence des sexes et distinction des genres p.97 2.5 - Masculin/Féminin : une première difficulté p.105

2.6 - Les aspects culturels p.115

2.6.1 - Quelques considérations anthropologiques p.119

2.7 - L'identité du genre - Les théories de Stoller p.133

2.7.1 - Discussion des positions de Stoller p.142

2.8 - L'anatomie : est-ce toujours le destin? p.147

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CHAPITRE III - MASCULIN/FEMININ : UNE QUETE?

3.1 - Introduction p.154

3.2 - "A l'âge de 5 ans j'ai éprouvé un vrai désaccord

entre mon corps et mon esprit" : Le cas de Mr B p.157

3.2.1 - Discussion p.174

3.3 - Le désaccord "corps/esprit" chez le transsexuel p.182

3.4 - Conclusion p.192

CHAPITRE IV - LE TRAJET TRANSSEXUEL p.195 4.1 - L'identité : une introduction p.196

4.1.1 - Identité et psychanalyse:

quelques réflexions p.200

4.1.2 - De l'identité sexuelle p.202

4.2 - Un "moment d'hésitation" p.205

4.3 - "Je ne pouvais quitter le sac qu'en

devenant fille" : Le cas de Mme C p.209

4.3.1- Discussion p.226

4.4 - La place du transsexuel dans l'économie

libidinale familiale p.238 4.5 - ...et le mythe devint réalité p.254 4.6 - De la bisexualité psychique p.267

4.7 - L'identité sexuelle, peut-on l'imposer?:

Une identité trans. p.275

4.8 - Quelques observations sur l'idéal du Moi

chez le transsexuel p.282

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4.9 - Considérations à propos de l'identité:

conclusion p.285

CHAPITRE V - LOCATAIRE DANS SON PROPRE CORPS

5.1 - Introduction p.289

5.2 - "Tem jeito de tirar meu pintinho"(Peut-on

retirer mon zizi?) : Le cas André R. p.292 5.3 – La représentation psychique du corps p.311 5.4 – Les parents du transsexual p.321 5.4.1 - La mère du transsexuel p.322

5.4.2 - Le père du transsexuel p.330

5.5 - De corps sexué à l'identité sexuelle p.338

CHAPITRE VI - LA CASTRATION p.341

6.1 - La castration rituelle p.343

6.1.1 - Les castrations "avantageuses" p.344 6.1.2 - Les castrations dites "symboliques" p.348 6.2 - La castration chez le transsexuel p.355 6.3 - Les aspects médicaux du changement du sexe p.360 6.4 - Les aspects juridiques du changement du sexe p.372

6.5 - Conclusion

p.387

POUR CONCLURE p.394

BIBLIOGRAPHIE p.405

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INTRODUCTION

Le travail qui va suivre a pour objet la formation du sentiment d'identité sexuelle chez le transsexuel. Le transsexualisme nous apparaît en effet comme la "solution"

psychique qui interroge de la façon la plus radicale les processus d'identification ainsi que la notion d'identité sexuelle.

La souffrance centrale éprouvée par le transsexuel

découle de son sentiment d'une inadéquation totale entre son

anatomie et son sexe psychologique d'une part, son sexe

psychologique et son identité civile d'autre part. Autrement dit,

ces sujets chez qui le sentiment d'identité sexuelle ne s'accorde

pas avec leurs organes sexuels externes, sont poussés à une

exigence compulsive, impérative et inflexible de "changement de

sexe" comme si le sujet, face à cette conviction

d'incompatibilité entre ce qu'il est anatomiquement et ce qu'il

se sent être, se trouvait dans un corps difforme, maladif et

monstrueux. Ce sentiment peut atteindre une telle acuité que le

sujet qui en souffre peut aller jusqu'à l'auto-émasculation,

voire au suicide. D'autre part, au moment où nous rencontrons les

transsexuels, ils ont déjà entamé toute une série de démarches -

prises d'hormones, port de vêtements du sexe opposé... - qui nous

les rend d'autant plus difficiles à comprendre. A la demande de

réassignation sexuelle fait suite celles du changement de prénom

et de rectification d'état civil permettant d'accorder

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l'anatomie, enfin "re-trouvée", à l'identité civile.

Dans le transsexualisme, notre attention est avant tout attirée par le fait que ce "trouble" est, pour ainsi dire,

"autodiagnostiqué". Les personnes l'éprouvant sont toujours les premières à le diagnostiquer et à exiger le traitement qu'elles jugent nécessaire : administration d'hormones et opérations afin d'obtenir une réassignation sexuelle. De plus, le transsexuel s'adresse à l'autre - au psychanalyste, au médecin, à celui qu'il croit pouvoir l'aider - pour lui demander confirmation de ce dont il est déjà certain : il demande à celui qui le regarde son jugement objectif sur le fait qu'il est bien une femme, ou un homme. Un trait particulier au transsexualisme apparaît ici : les sujets qui revendiquent la "correction" sexuelle le font moins au nom de l'exercice "légitime" de la sexualité - comme c'est le cas de certains travestis par exemple - qu'au nom du statut social de leur identité.

La plupart du temps, le transsexuel est "informé" de sa condition, c'est-à-dire que quelque chose qui s'appelle

"transsexualisme" existe, à travers les médias : c'est en lisant

un magazine, un journal, en regardant une émission télévisée

qu'il arrive à nommer son état, ce qui lui permettra de se

dégager de sa souffrance et surtout de la nommer et, dorénavant,

d'entreprendre la démarche qui aboutira, si tout se passe selon

ses vœux, à l'intervention chirurgicale. Ainsi pourrait se

résumer le dire très courant du transsexuel : "C'est à ce moment-

là que j'ai appris que j'avais une âme de femme dans un corps

d'homme".

(15)

Nous trouvons des transsexuels de tout âge : certains adolescents, jeunes adultes et adultes mûrs. (Certains formulent même leur demande d'opération à un âge nettement plus avancé, ce qui a été le cas de Mme C, un de nos cas cliniques, qui s'est fait opérer à l'âge de 58 ans).

Nous tenterons, dans notre travail, de saisir les rapports entre ce que l'on appelle le sentiment d'identité sexuelle et les processus identificatoires. Quelques questions nous guideront :

- Qu'est-ce que l'"identité"?

- Peut-on parler d'"identité" chez l'être humain?

- Qu'est-ce que le "sentiment d'identité"? D'où vient ce sentiment qui nous permet, spontanément, de dire que nous sommes homme ou femme?

- Dans quelle mesure les processus d'identification et le sentiment d'identité sexuelle sont-ils liés?

- La certitude du transsexuel d'être une femme dans un corps d'homme - ou inversement - présente toujours un caractère très marqué. Cette certitude, serait-elle liée aux processus identificatoires?

Le transsexualisme nous conduit, en outre, à repenser l'affirmation de Freud selon laquelle "l'anatomie c'est le destin", cela nous forcera à cerner davantage la formation du sentiment d'identité sexuelle, et par conséquent les processus identificatoires chez le transsexuel.

Nous essaierons également d'examiner jusqu'à quel

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point l'héritage transgénérationnel des deux parents et la place que l'enfant, futur transsexuel, occupe dans le roman familial sont des facteurs très importants, voire décisifs, pour la manifestation de ce cas de figure. Si l'enfant est là pour permettre de faire un deuil, réel ou fantasmé, pour combler un vide, "guérir" une blessure qui date de sa préhistoire, le

"choix" transsexuel constitue peut-être la seule possibilité pour échapper à des arrangements plus "catastrophiques" pour son psychisme.

Dans une telle perspective, il convient d'établir quels sont les fantasmes, conscients et/ou inconscients, qui habitent les parents autour de la fonction maternelle et paternelle. Le souhait impératif que l'enfant ait un sexe donné, au point que son sexe de naissance est, pour ainsi dire, ignoré, pourrait-il "diriger" l'enfant vers une solution transsexuelle?

A travers le dire du transsexuel nous examinerons la question de sa certitude et l'importance pour lui de se faire opérer pour "changer de sexe". Cela nous amènera, en outre, à réfléchir sur la question du féminin et du masculin.

- Les catégories du masculin et du féminin recouvrent- elles une instance quelconque du réel?

- Ces catégories sont-elles universelles ou changent- elles selon les sociétés?

- Y a-t-il des rapports entre "masculin"/"féminin" et

"mâle"/"femelle"?

- Quel est le rôle des parents, et aussi celui de la

société, dans l'apprentissage/transmission des repères

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symboliques, ainsi que des rôles, du masculin et du féminin?

- Comment ce que nous appelons "masculin" et "féminin"

est-il acquis par l'être humain au début de la vie?

Ces différentes questions ne sont pas sans nous rappeler que toute "psychologie individuelle est aussi, d'emblée et simultanément, une psychologie sociale.

1

" C'est en effet dans Psychologie des foules et analyse du Moi que Freud réinterroge sa conception du Moi soulignant l'intrication du social et du sujet.

L'identité y apparaît comme le processus d'intégration des identifications construites autour du lien. Lien affectif à la mère au cours des premières identifications puis lien social après la génitalisation des pulsions sous le primat de l'Œdipe et sa normalisation à l'adolescence. Notons toutefois que ce processus intégratif des identifications ne rappelle en rien une sédimentarisation selon un mode linéaire mais reste toujours un processus dynamique et interactif.

La problématique transsexuelle dans sa construction comme dans sa revendication sociale se situe bien à cette charnière entre le social et l'individuel et tout au long de notre démarche nous aurons en quelque sorte à "surfer" entre ces deux versants de la construction identitaire. Mais ce sur quoi nous aimerions plus particulièrement recentrer notre travail c'est sur ce moment princeps de cette construction identitaire, Stade du Miroir pour Lacan, qui y voit "la souche des identifications secondaires". Or, ce qui se passe à ce Stade est assujetti à la production pictographique que la psyché de

1 - FREUD, S., (1921) "Psychologie des foules et analyse du Moi ", Paris, Payot, 1981, 123.

(18)

l'enfans a forgée lors de la rencontre entre les productions de la psyché de la mère et le corps de l'enfans.

Nous résumerions alors ainsi notre hypothèse centrale : le "choix" transsexuel est la seule possibilité trouvée par le sujet pour construire son sentiment d'identité sexuelle. Au moment du "Stade du Miroir" la mère du futur transsexuel a eu ce que nous désignerons par "un moment d'hésitation" vis-à-vis de son enfant devant son image réfléchie dans le miroir. Les processus identificatoires auraient ainsi "orienté" la construction d'une identité sexuelle, identité sexuelle en quelque sorte "imposée" avec toutes les conséquences que cela implique. Nous espérons largement débattre de cette question et apporter ainsi au lecteur, quelques éléments de réflexion. Notre propos ne vise nullement à permettre l'établissement de psychodiagnostics, et encore moins de nous engager dans des débats aussi oiseux que la pertinence, par exemple, du recours à la chirurgie comme aide thérapeutique à proposer à ces sujets.

La formation du sentiment d'identité sexuelle chez le transsexuel. Il nous apparaît nécessaire de nous arrêter un moment sur le titre même de notre travail et sur sa formulation d'apparence assez paradoxale: peut-on en effet parler, à la fois, de "sentiment" et d'"identité"? et qui plus est de "formation du sentiment"? qu'entendre par sentiment? dans quel registre théorique inscrire notre problématique?

Pour aborder la question du "sentiment" nous suivrons

les traces laissées par Freud lorsqu'il décrit le "sentiment

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océanique" (Ozeanische Gefühl): ce sentiment qui reflète une

"phase primitive du sentiment du Moi,

2

" et qui tend à rétablir le narcissisme illimité. Le sentiment d'identité sexuelle ne se confond certes pas avec le sentiment océanique. Si nous avons recours à ce dernier, c'est simplement parce que, dans les deux cas, nous sommes face à des sentiments éprouvés par le moi et dont les contenus ne sont pas objectivement vérifiables puisque subordonnés à l'univers fantasmatique. En d'autres termes, appréhender, dans le cadre théorique de la psychanalyse, le sentiment d'identité chez un sujet ne peut faire l'impasse sur la dimension fantasmatique de ce dernier. Pour cela, nous aurons à considérer des variables telles que les processus d'identification, le complexe d'Œdipe, l'inconscient parental, la place du sujet dans l'économie libidinale familiale... Traiter scientifiquement des sentiments (Gefühle) ne peut se faire sans difficultés, voire sans quelques risques de les voir associés aux représentations dont les contenus s'en approchent. "Normalement, nous dit Freud, rien n'est plus stable en nous que le sentiment de nous-mêmes, de notre propre Moi.

3

" Cependant, si les lignes de démarcation entre le moi et le monde extérieur sont raisonnablement bien établies - sauf évidemment dans les états pathologiques, et "au plus fort de l'état amoureux", précise-t-il - les frontières entre le Ça et le Moi ne sont pas, elles, tout à fait nettes. Cela peut produire des altérations du sentiment du

2 - FREUD, S., (1930) "Malaise dans la civilisation", Paris, PUF, 1989,15.

3 - Ibid., 7.

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Moi, ce qui montre que ses limites ne sont pas bien définies.

4

Le sentiment d'identité sera donc étroitement lié aux contenus du refoulé propre à chaque être humain. Ce refoulé qui contient la singularité de l'histoire de chacun représente, dans ce sens, l'identité du sujet malgré l'impossibilité d'y avoir accès.

La difficulté à traiter la question du sentiment d'identité sexuelle réside dans le fait que nous ne pouvons en parler qu'à partir de ce qui est communicable. Or, ce qui est communicable est assujetti à des fantasmes mis en œuvre à l'intérieur d'un scénario qui se présente avec toutes les images culturellement associées à la féminité et à la masculinité. Quand un sujet évoque, avec la plus grande assurance, son sentiment d'identité sexuelle, les refoulements mis en œuvre dès le début de sa vie l'empêchent d'avoir accès aux pictogrammes (au sens de Piera Aulagnier) et aux scénarios fantasmatique qui constituent le soubassement même de ce qu'il nous communique. Si le sujet peut repérer, ou plutôt se repérer, dans ce qu'il nous dit, c'est grâce à ce qu'il va définir comme son identité : ce qui demeure peu ou prou, pour lui, immuable sa vie durant, ce vécu intime qui lui est spécifique et qui lui confère sa particularité de sujet.

L'identité étant en effet fortement liée au sentiment qui lui donne son existence et qui garantit sa pérennité, nous pensons que leurs origines, à tous deux, sont à rechercher à l'aube des processus identificatoires.

Dans ce travail, nous aurons à aborder des questions et des problèmes liés à l'utilisation du terme identité en

4- Ibid., 8.

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psychanalyse mais notre objectif n'est pas pour autant d'aboutir à une définition exhaustive de la notion d"'identité" ou du

"sentiment d'identité sexuelle" En ce qui concerne le terme d'"identité", celui-ci n'est pas à prendre dans son caractère descriptif - on pense en particulier aux travaux américains comme ceux de Lichtenstein

5

et Erikson

6

qui, par l'utilisation qu'ils font de ce terme, relèguent au second plan la dualité des pulsions et, par là même, la sexualité. Si nous reprenons ici ce terme, ce n'est que pour mettre l'accent sur l'aspect profondément et nécessairement paradoxal de l'identité, mis à jour par l'interrogation psychanalytique. Ainsi, pour en revenir au choix de notre titre, La formation du sentiment d'identité sexuelle, le terme de sentiment y est à entendre dans son sens le plus usuel : le sentiment éprouvé par tout un chacun d'être homme ou femme; et l'identité est ce qui confère au sujet l'assurance de son existence dans l'espace et dans le temps en lui permettant de se reconnaître dans son passé et de créer des projets pour l'avenir.

Le terme même de transsexualisme mérite, lui aussi, un léger temps d'arrêt : on y retrouve le préfixe "trans" associé à

"sexe". Ce dernier terme renvoie à la coupure, venant en effet du latin secare , couper; quant au préfixe Trans le dictionnaire

7

nous propose :

5 - LICHTENSTEIN, H.," The Dilemma of Human Identity" , Aroson, New York, 1977.

6 - ERIKSON, E., "The problem of ego identity", in Journal of the American Psychoanalytic Association, 1956, 4, 56-21.

7 - "LE ROBERT", Dictionnaire alphabétique et analogique de la langue Française, Paul Dupont, Paris, 1985, 9, 431.

(22)

"TRANS~. Préfixe emprunté au lat. trans («par delà»), prépos. et préverbe qui a en français le sens de «au delà de», «à travers», et qui marque le passage ou le changement. 1 - TRANS préverbe et préposition «par delà», «au delà de». Comme préposition s'emploie avec des verbes marquant le mouvement comme le repos. En composition, à côté du sens de «au delà» a aussi le sens «de part en part». Marque le changement total dans

"transformo", "transfiguro".

Pour "Transsexualisme

8

" nous trouvons :

"1- Psychiatrie : sentiment délirant d'appartenir au sexe opposé, malgré une morphologie sexuelle normale, le plus souvent associé au désir de changer de sexe." 1 - "Transsexualité" : Situation d'une personne qui passe d'un sexe à l'autre par modification de la sexualité somatique."

Le préfixe "Trans" semble indiquer que l'on peut traverser, passer à travers la coupure du sexe. Dans ce sens, le transsexuel serait celui qui "voyage" à travers la coupure des sexes; qui pourrait être d'un côté ou de l'autre, qui pourrait changer de côté comme nous l'évoque le mythe de Tirésias. Mais le transsexuel n'est pas, en fait, dans cette situation; il ne quitte pas, à proprement parler, un sexe pour un autre : il

"quitte" les attributs d'un sexe pour revêtir les apparences de l'autre sexe. Donc, en toute rigueur, le transsexualisme dans son acception étymologique n'existe pas.

8 - Ibid., 450 .

(23)

Ainsi lorsqu'on parle du transsexualisme - ou quand quelqu'un évoque son désir de changer de sexe, ou vient de se faire opérer - on se pose la question: change-t-on réellement de sexe? En fait, on ne peut stricto sensu changer de sexe, tout au plus peut-on changer d'apparence. Les meilleures chirurgies, celles qui sont les plus réussies n'interviennent qu'au niveau morphologique mais laissent intact ce qui, au niveau biologique, signe l'identité sexuelle du sujet : son sexe chromosomique XY ou XX. En d'autres termes, et quelques soient les "miracles"

accomplis par les médecins d'aujourd'hui, un sujet XY (de sexe mâle) ne deviendra jamais XX (de sexe femelle). On ne peut donc, biologiquement, donner un sexe de femme à un homme et inversement. On ne peut bien entendu prévoir ce que peuvent nous réserver les avancées de la manipulation génétique mais, pour l'instant, la possibilité qu'un homme enfante, qu'une femme produise des spermatozoïdes relève encore de la science-fiction.

Ainsi, ce fameux "changement de sexe" doit se comprendre comme un changement de "façade", comme une nouvelle apparence donnée à l'aspect extérieur du sujet. C'est en ce sens qu'il faut entendre le terme de réassignation même si l'intervention touche aussi, dans une certaine mesure, l'intérieur du corps. C'est, en particulier, le cas lorsque, pour harmoniser l'anatomie du sujet avec son sentiment d'identité sexuelle, on procède à une

"transformation" Femme->Homme. Le chirurgien n'interviendra

jamais qu'au niveau de la forme et au plus profond de ses

cellules le sujet gardera toujours l'empreinte chromosomique de

son sexe d'origine. (En ce sens, seul le délire - comme

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d'ailleurs Schreber a pu en témoigner - ouvre en fait à cette réussite : changer de sexe!) Et cela les transsexuels ne l'ignorent pas. Ainsi par exemple quand on a demandé à Kathy Dee après son opération de réassignation sexuelle si elle se sentait finalement femme, elle a répondu que la fin de son parcours "ne s'achèverait qu'avec [sa] mort", puisque "[elle] ne sera jamais une femme véritable". Mme C - que nous rencontrerons au cours de ce travail - fut opéré à l'âge de 58 ans et nous a donné ce témoignage: "L'intervention chirurgicale sert, plutôt, à apaiser cette souffrance interne, qui est la nôtre, de se sentir femme dans un corps d'homme. Pourtant, psychiquement je n'avais pas de choix. J'avais l'impression de passer à côté de la vie : je ne la vivais pas. Est-ce que ce que j'étais au fond de moi, le vrai moi, devrait être condamné à ne jamais vivre?"

Pour ce qui concerne notre travail de réflexion, il nous importera moins de savoir s'il s'agit réellement d'un

"changement du sexe" dans son sens le plus large, que d'essayer de comprendre les facteurs qui sont à l'origine d'une telle revendication.

Passons maintenant à la présentation de quelques conventions d'écriture.

Afin d'éviter toute confusion nous adopterons, quand nous parlerons du (ou de la) transsexuel(le), la convention proposée par la Harry Benjamin International Gender Dysphoria Association à Amsterdam en 1987. Ainsi, dirons nous M->F (mâle-

>femelle), pour tout transsexuel né masculin (c'est-à-dire pourvu

d'un sexe anatomique mâle à la naissance et de sexe chromosomique

(25)

XY), et F->M (femelle->mâle) pour un transsexuel né de sexe féminin et de sexe chromosomique XX. Par ailleurs, les transsexuel(le)s nous demandent d'utiliser, quand on s'adresse à eux, le genre auquel ils estiment appartenir, ce qu'il font quand ils parlent d'eux mêmes. Ainsi disent-ils "une transsexuelle"

pour une personne M->F, et "un transsexuel" quand il s'agit d'une personne F->M.

Néanmoins, dans certaines situations, il est difficile d'éviter l'ambiguïté, l'imprécision, voire la confusion, qui sont inhérentes à notre sujet, même si elles peuvent, à une première lecture, apparaître comme de "vulgaires" coquilles. Le cas le plus fréquent que nous avons rencontré renvoie à l'inscription du sujet dans son histoire : quel genre utiliser quand un transsexuel F->M déjà opéré, nous parle du temps qui a précédé son opération? Dans ce cas, devons-nous utiliser "il" (ce qu'il est devenu) ou "elle" (ce qu'il(elle) a jadis été)? Difficulté qui vient se redoubler quand nous sommes amené à traduire des interviews menées en anglais, langue dans laquelle ni les participes passés, ni les adjectifs ne s'accordent.

Si nous abordons toutes ces considérations syntaxiques, c'est qu'il nous a semblé que l'acte d'écriture révèle une gêne qui se situe bien ailleurs que dans la difficulté des accords grammaticaux - gêne qui nous semble tout à fait révélatrice d'autre chose, voire salutaire et que nous conservons volontiers pour garder le caractère ambigu du propos.

Précisons un autre point très important pour bien

(26)

délimiter notre champ de recherche et éviter des généralisations excessives. Ce serait évidemment un leurre que d'essayer de comprendre de la même façon l'inadéquation que prétendent sentir certains sujets entre leur identité sexuelle et leur corps : la similitude apparente des discours manifestes camoufle une grande diversité de contenus latents, voire refoulés. Ainsi, serait-il réducteur et sûrement dangereux de ne voir dans le transsexualisme qu'une manifestation stéréotypée, parfois caricaturale, du discours social : le "transsexuel typique"

n'existe pas davantage que l"'homosexuel typique", ou

"l'hétérosexuel typique". Dans ce sens, nous ne soutenons nullement que le transsexualisme n'a qu'une seule origine et les hypothèses que nous avançons ne prétendent en aucun cas à l'exhaustivité : au contraire, ce que nous cherchons à mettre en évidence, c'est l'impossibilité dans laquelle on se trouve d'isoler le transsexualisme comme une entité nosographique précise, comme s'il s'agissait d'une pathologie. Cela apparaît avec plus de force encore si on prend en compte qu'aucune prévision ne peut se faire, a priori, concernant l'avenir des enfants qui refusent, à des degrés divers, leur sexe d'assignation. Les études de Zuger et Green

9

mettent en évidence que parmi les garçons d'apparence très efféminée, rares sont ceux qui deviennent transsexuels : 1 sur 44 dans le groupe de Green et 1 sur 45 dans le groupe de Zuger. C'est pourquoi, même si l'on veut, à juste titre, insister sur l'existence d'un trouble d'identité, on doit aussi rappeler que la possibilité pour ces

9 - Cité par CHILAND, C., "Enfance et transsexualisme", in La psychiatrie de l'enfant", 1988, 31, 2, 345.

(27)

garçons de développer une trajectoire transsexuelle s'avère assez mince. Alors, comment définir les transsexuels?

Beaucoup de ceux qui se revendiquent comme transsexuels ne s'inscrivent pas dans le cadre au sein duquel nous avons circonscrit notre problématique. Nombreux, parmi ceux qui se revendiquent comme tels, reproduisent de façon plus que caricaturale les stéréotypes de la femme ou de l'homme; certains rêvent d'un rôle de maîtresse de maison si conventionnel qu'il ferait trembler les féministes même les plus libérales : "Mon rêve c'est d'avoir une maison, un mari, d'adopter des enfants, et de m'en occuper", nous disait un "transsexuel" M->F que nous avons rencontré dans la salle d'attente d'un service spécialisé.

D'autres, par contre, séduiraient les plus farouches défenseurs du M.L.F. (Mouvement de Libération de la Femme) tellement est large l'éventail de leurs propositions et leur conception concernant la femme : "La femme détient en elle tant de richesses qu'elle ne se rend pas compte de tout ce qu'elle possède. Il lui arrive, parfois, d'en réclamer une petite parcelle, à corps et à cris, que personne ne pourra jamais lui accorder puisqu'elle en est déjà détentrice.

10

" Des "transsexuels militants" qui prétendent se rallier à la cause des femmes mais qui gardent, au fond d'eux, des positions ouvertement machistes. Il y a aussi des

"transsexuels", tant masculins que féminins, qui après être passés par le calvaire des interventions chirurgicales et des traitements hormonaux finissent par avoir une relation

10 - DULLAK, S., "Je serai elle : Mon odyssée transsexuelle", Paris, Presses de la Cité, 1983, 184.

(28)

"homosexuelle" où ils reproduisent fidèlement le rôle traditionnel mari/femme. D'autres encore essaient, coûte que coûte, de maintenir la tromperie imaginaire dans laquelle ils se sont engagés malgré eux, à partir du moment où le voyage entrepris dans la "trans-sexuelle" n'offre plus aucun billet de retour. Pour ces sujets au bord du délire et partageant leur vie entre la foule indistincte des rues de Pigalle et les amis incertains qui s'entassent dans les quinze mètres carrés d'un studio, voués à la prostitution pour survivre et chez qui l'éphémère illusion d'un moment de bonheur se limite à un

"shoot", l'expression "pauvres malheureux" est plus que faible pour traduire leur réalité : une vie qui s'est égarée dans la quête d'un sens. Pire encore sont ceux chez qui le glissement dans la psychose, voire le suicide, est la seule issue possible une fois réalisée l'erreur qu'ils ont commise - parfois avec la complicité des "responsables" des Services de Santé - et l'irréversibilité de leur état.

Le pôle extrême de cette perspective se confond avec

une caricature tragique de la femme : parmi cette multitude

fabriquée au prix de chirurgies esthétiques qui féminisent le

visage (pommettes, nez, menton) et transforment - parfois

mutilent - le corps (mains, jambes, hanche, taille, sexe, voix)

au point qu'un homme pourvu d'un vagin artificiel n'a

physiquement plus rien d'un homme, l'on a parfois du mal à

distinguer entre les femmes biologiques, les transsexuels et les

travestis. Les lois du marché et les préférences de la clientèle

ne font que désorienter davantage ces pauvres hères qui ne savent

(29)

plus quelle "solution" est la plus rentable : être ou non un homme "transformé"? être avec ou sans pénis? Et ici on commence à perdre tout repère et ne plus savoir avec qui l'on est.

En revanche, d'autres nous obligent à réfléchir davantage aux éléments participant à la formation du sujet, à sa psychosexualité et, par conséquent, à son identité sexuelle. Les tests psychologiques et les entretiens qu'ont eus ces sujets avec des médecins et psychanalystes ne révèlent rien qui puisse faire penser à des troubles psychiques. Bien entendu, côté organique point d'anomalie. On ne trouve pas chez ces sujets les positions extrêmes que nous venons de citer. Rien chez eux ne dénonce une attitude ou un comportement particulièrement stéréotypé ou défensif. Ce sont généralement des sujets qui, une fois les traitements hormonaux terminés et les chirurgies menées à terme, manifestent une vie plutôt "normale", apparemment bien adaptés à leur "nouveau sexe". (C'est le cas de Mr B, un des cas cliniques que nous présentons dans ce travail. Il s'est fait opérer il y a de nombreuses années et, selon l'équipe médico-psychologique qui le suit depuis les premiers entretiens entrepris en vue de l'opération de "réassignation", il "va de mieux en mieux") Dans ces cas là, nous avons, par convention, décidé de parler de

"vrais transsexuels." On peut certes débattre longuement d'une telle formulation, mais nous la maintenons car elle nous permet de distinguer ce cas de figure de ceux que nous avons évoqués précédemment et qui, tout en gardant certains points communs avec les premiers, présentent cependant de grandes divergences.

Remarquons, de plus, que la formule - "vrai transsexuel" - est

(30)

couramment utilisée, à la fois, par les transsexuels entre eux et par les équipes médico-chirurgicales. Cette précision est d'importance parce que c'est justement la problématique de ce groupe qui fera l'objet de notre étude. Pour certains auteurs, comme nous le verrons, les "vrais transsexuels" sont ceux qui ont toujours affirmé appartenir au sexe opposé, ce qui est déjà très discutable: quel crédit accorder à l'adulte qui nous dit avoir toujours refusé son sexe d'assignation? De quelle "oreille écouter" ce qui n'apparaît pas comme une plainte mais comme une affirmation? En ce sens, comment ne pas entendre avec les plus grandes précautions ce "s'être toujours senti homme", ou femme, d'autant que l'on doit se garder d'oublier que chez les transsexuels les remaniements de la réalité sont toujours très radicaux? On peut en effet aisément concevoir qu'une personne qui s'est toujours sentie de sexe masculin et qui veut à tout prix être reconnue comme tel, éprouve quelques réticences à se souvenir de ses premières règles.

Il est important de distinguer le transsexuel du travesti : la dimension fétichiste présente dans le port des vêtements féminins chez le travesti, n'existe pas chez le transsexuel. Pour les travestis, comme c'est le cas également pour certains fétichistes, les vêtements féminins servent à masquer ce qui est destiné à être dévoilé. De plus, nous savons depuis longtemps déjà l'importance que revêt le pénis chez le travesti, ce qui lui permet de se vivre en femme phallique.

Autrement dit, on ne peut concevoir la problématique du travesti,

(31)

contrairement à celle du transsexuel, sans y rattacher l'importance du pénis qui constitue l'insigne de son sexe qui est justement le sexe masculin. C'est ce qui fait d'ailleurs que le travesti n'est pas quelqu'un qui cherche à se faire opérer car ce jeu avec les organes génitaux (masquer/dévoiler) constitue déjà pour lui une source d'érotisme. Quand il sollicite une intervention chirurgicale pour devenir "une vraie femme" c'est la plupart du temps poussé par les lois du marché ou la "pression du groupe". Et quand, en effet, cela arrive, tout l'investissement narcissique dont le pénis jouissait est déplacé sur le "nouvel"

organe. Cela se traduit par un souci à l'égard de ce dernier qui peut prendre, dans certains cas, des allures fort compétitives, voire d'apparence machistes, comme, par exemple, une fierté ostentatoire quant à la profondeur du vagin. On observe, par ailleurs, chez ces sujets, contrairement aux transsexuels, un refus, voire une peur, de parler de leurs démarches : est-ce pour éviter une remise en question de la demande qui s'y cache? Au fond, ces sujets n'ont jamais douté d'être des hommes.

On peut encore moins confondre le transsexuel avec

l'homosexuel. Dans les homosexualités, où les problématiques de

fond sont, là aussi, extrêmement variées, l'identité sexuée du

sujet - femme ou homme - n'est pas remise en question et c'est au

niveau du choix d'objet que se produit l'inversion. Si

homosexuel(le) se sent très féminin, ou très masculin, c'est à

cause de ses identifications secondaires et non de sa certitude

d'appartenir à l'autre sexe. Par ailleurs, les transsexuels

(32)

refusent énergiquement d'être traités comme des homosexuels. Pour eux leur sexualité est résolument hétérosexuelle, ce qui est dans le droit fil de leur sentiment d'identité sexuelle. On notera aussi que le transsexuel, quelque soit son sexe anatomique d'origine, a véritablement l'homosexualité en horreur, quand il ne développe pas de véritables préjugés contre l'homosexuel.

Lorsqu'il lui arrive d'être pris pour un d'entre eux, il se montre profondément écœuré.

Dans la paranoïa, c'est la composante homosexuelle qui revient sur le devant de la scène sous forme de délire.

L'"argumentation" du Président Schreber

11

sur son délire de transsexualisation est exemplaire : "Je serais curieux qu'on me montre quelqu'un qui, placé devant l'alternative ou de devenir fou en conservant son habitus masculin ou de devenir femme mais saine d'esprit, n'opterait pas pour la deuxième solution." Pour Schreber la question ne se situe pas au niveau de sa virilité ou de sa féminité : ce que le retour des motions pulsionnelles insupportables met en cause, c'est son sentiment d'être un homme.

L'éruption du délire paranoïaque, qui représente la dernière tentative du sujet pour maintenir le minimum de "cohérence" entre les investissements libidinaux, est l'aboutissement d'un long processus et traduit une série d'échecs du refoulement : processus que l'on ne retrouve pas chez le transsexuel. (Pour un sujet "normal", percevoir en lui des attitudes et des sentiments

11 - SCHREBER, D-P., (1903) "Mémoires d'un névropathe" , Paris, Seuil, 1975, 151.

(33)

qu'il qualifierait de féminins ou de masculins ne remet pas en question sa constitution de sujet. Par contre, cette dernière risque de s'écrouler dès lors que le sujet s'interroge sur le fait même d'être un homme ou une femme.) Quant à d'autres manifestations de la psychose où la demande transsexuelle serait à comprendre comme une forme de délire circonscrit, "encapsulé", la question est plus complexe : peut-on parler d'un délire, qui serait là depuis toujours, chez un sujet qui ne manifeste pas le moindre trouble psychique?

En même temps, rencontrer de "vrais transsexuels" est loin d'être aisé. Ces sujets, comme nous le précisait l'un d'eux,

"n'ont jamais créé quelque chose qui pourrait ressembler à une institution parce qu'une fois opérés, une fois qu'ils ont finalement réussi à acquérir leur vraie identité, ils se perdent dans le monde et cherchent plutôt à oublier leur passé." Par ailleurs, les comptes-rendus d'analyses de transsexuels sont quasiment inexistants, ces derniers estimant, de leur côté, n'avoir aucune raison de chercher une aide psychothérapeutique.

Et quand, finalement, ils s'y soumettent dans le seul but de

"décrocher" l'autorisation pour se faire opérer, le matériel livré ne l'est parfois qu'avec parcimonie. C'est donc avec d'infinies précautions que l'on doit aborder ce dernier et tenter de l'analyser. En d'autres termes, on pourait dire de ces sujets que leur problème se déroule davantage sur la scène corporelle que sur celle de la vie psychique que Freud nous a appris à reconnaître et à explorer.

Si nous insistons sur l'importance de bien distinguer

(34)

ce groupe particulier que nous avons défini comme les "vrais transsexuels", c'est parce que sans cet avertissement, la frontière ténue qui le différencie de certains travestis, psychotiques et homosexuels peut à tout moment s'évanouir. C'est la critique que nous opposerons d'ailleurs à certains théoriciens qui évaluent, à notre sens, de façon trop expéditive la demande des transsexuels sans vraiment se donner la peine d'entendre la psychodynamique propre à chaque cas et qui se révèle voilée par la demande de transsexualisation.

Nous ne nous attarderons pas sur les théories biologiques concernant le transsexualisme. Malgré les moyens d'investigation actuels, rien n'a pu être décelé qui puisse laisser penser que les forces biologiques sont, à elles seules, à l'origine de ce phénomène

12

: il est impossible d'établir une concordance entre l'appétence au transsexualisme et un quelconque désordre hormonal. Nous ne voulons pas dire par là que la dimension bio-physiologique n'a aucune importance, mais seulement que, chez l'être humain, le biologique est soumis à la dimension symbolique et à l'inconscient. Cela dit, c'est précisément l'hypothèse biologique qui prévaut parmi les transsexuels, hypothèse qui a le double "avantage" de "désamorcer" le problème en le vidant de sa charge culpabilisante - il est alors traité comme une erreur de la nature - et de donner à l'acte chirurgical

12 - MONEY, J., EHRHARDT, A., "MAN & Woman, Boy & Girl", Baltimore, John Hopkins Press, 1972. Et aussi : MONEY, J., BRENNAN, J. G., " Sexual dimorphism in the Psychology of female transsexuals", in Transsexualism and sex reassignement, Baltimore, Johns Hopkins University Press, 1969. En France voir les opinions à ce sujet dans : "Le transsexualisme", in Droit et éthique médicale Volume 1, Textes rassemblés par le DR Odile DIAMANT-BERGER, Paris, Masson, 1984.

(35)

la possibilité d'être la seule thérapeutique envisageable. Cela évite de s'engager dans toute discussion comme de questionner la pertinence thérapeutique de la chirurgie.

*

* *

Pour mieux rendre compte de notre propos nous ferons

partager au lecteur le chemin qui fut le nôtre, parcouru parfois non sans un certain étonnement, au fur et à mesure que nous avancions tant dans la théorie que dans la clinique. C'est dans cet esprit que nous avons choisi la disposition des chapitres.

Dans un premier temps, nous présenterons au lecteur les éléments essentiels lui permettant de se familiariser avec la problématique transsexuelle. Si sous sa forme actuelle - demande de réassignation, chirurgie correctrice, etc - le transsexualisme est un phénomène récent, on le rencontre toutefois tout au long de l'histoire et dans les cultures les plus diverses. Nous chercherons ainsi, dans ce chapitre introductif, à présenter un éventail aussi large que possible - dans le temps comme dans l'espace - de la problématique transsexuelle.

Dans le deuxième chapitre nous poserons les questions

principales permettant d'aborder, par la suite, la problématique

transsexuelle : la question du sexe et du genre, d'une part,

celle du masculin et du féminin d'autre part. Pour introduire ces

(36)

deux axes de réflexion nous présenterons succinctement l'approche de la biologie d'une part, et la douloureuse question posée par les états intersexués.

Peut-on distinguer sexe et genre? Si la question de la différence des sexes domine la théorie psychanalytique, la distinction des genres, elle, est beaucoup plus souterraine.

Quant à la distinction sexe/genre, c'est Stoller qui opéra la distinction la plus radicale allant même jusqu'à proposer une

"identité de genre". Cette première problématique ne doit pas occulter la question du masculin et du féminin : comment penser ces deux termes? Sont-ils culturellement déterminés ou relèvent- ils d'un ordre universel? A partir de cette question, nous en lancerons une, toute aussi importante pour notre travail: comment l'enfant arrive-t-il à savoir s'il est un garçon ou une fille : naît-on garçon? fille? ou le devient-on? Après avoir exploré les rapports que peuvent entretenir sexe, genre, masculin et féminin, nous réévaluerons l'affirmation célèbre de Freud :

"l'anatomie c'est le destin".

Dans le troisième chapitre nous explorons, à travers un cas clinique, l'acquisition par le sujet transsexuel, des repères symboliques du masculin et du féminin ainsi que de ses retentissements sur les processus identificatoires.

Cela nous amènera à repenser dans le quatrième

chapitre la question de l'identité et de la manière de la traiter

dans le cadre référentiel de la psychanalyse. En reprenant notre

hypothèse centrale - le "moment d'hésitation" - nous essaierons,

à la lumière d'un deuxième cas clinique, d'en saisir les

(37)

retentissements dans la formation du sentiment de l'identité sexuelle. Après avoir étudié la place de l'enfant dans l'économie libidinale familiale, nous montrerons comment l'identité sexuelle peut être "imposée" à l'enfant.

Si le chapitre quatre essaie de montrer comment une identité sexuelle peut être "imposée" à l'enfant, dans le chapitre cinq nous travaillons sur les conséquences d'une telle

"imposition" et, là aussi, à travers un cas clinique. Nous interrogerons en particulier la représentation psychique que le sujet peut se forger de son propre corps ainsi que l'attitude - consciente ou inconsciente - adoptée par les parents eux-mêmes vis-à-vis de ce corps.

Au dernier chapitre nous traiterons de la castration dans ses multiples dimensions : mutilatrice, symbolique ou non, comme c'est le cas pour les châtiments, les rituels initiatiques, les eunuques etc. Ensuite, nous aborderons la question de la castration en psychanalyse et essaierons de comprendre la demande du transsexuel sous cet angle. Nous y verrons aussi les complications médicales des chirurgies dites "correctrices". A ce propos, nous rapporterons l'entrevue que nous avons eue avec un médecin responsable d'un de ces services. Nous évoquerons aussi dans ce chapitre, sans nous y appesantir, quelques aspects juridiques liés à la demande transsexuelle.

Nous reprendrons en fin de travail les questions

principales qui nous auront servi de fil conducteur avec les

hypothèses et les arguments qui y sont liés pour proposer nous

conclusions.

(38)

Quant à notre matériel clinique il a été recueilli aussi bien au Brésil, à Paris ou à Londres, en cabinet privé ou dans les consultations spécialisées de ces différents pays.

Par ailleurs, tout matériau clinique utilisé pose la question de sa pertinence par rapport au phénomène que l'on essaie d'isoler, question d'autant plus aiguë qu'il s'agit ici d'événements censés s'être produits à l'aube des processus identificatoires. Le moment d'hésitation chez la mère lors du Stade du Miroir , qui constitue le cœur même de notre hypothèse, n'est "repérable", à notre sens, qu'à travers le transsexualisme, dont il serait à l'origine. De plus, rien ne nous autorise à affirmer que le moment d'hésitation conduirait inéluctablementau transsexualisme tout comme une longue période d'attachement à la mère ne conduit pas, irrémédiablement, au "choix" homosexuel.

Si seulement trois entretiens cliniques seront intégralement rapportés, nous nous autoriserons, cependant, à y intégrer certains passages d'autres entretiens, ainsi que de faire appel à des vignettes cliniques de chercheurs ayant, eux aussi, travaillé sur ce sujet.

Ce matériel clinique sera présenté sous forme de

récit, sans rapporter les questionnements qui nous guidaient

alors. Cela afin de permettre aux cas cliniques de conserver leur

dynamique propre. André, troisième et dernier de nos cas

cliniques, est le seul à avoir suivi, avec nous, une analyse

pendant 2 ans et demi. C'est donc lui qui nous a permis de

recueillir le plus de données. Nous l'avons présenté en dernier

(39)

lieu pour différentes raisons. Outre le fait déjà évoqué qu'il ait suivi une analyse avec nous, c'est aussi parce que s'agissant d'un enfant de 5 ans on ne peut en toute rigueur parler de transsexualisme. Cela dit, il nous a aussi semblé condenser et renforcer nombre d'éléments déjà travaillés avec les cas précédents, en particulier ceux concernant la dynamique transgénérationnelle, et les réactions et attitudes de chacun des parents face à la problématique identificatoire de l'enfant.

Aidé par les observations et analyses que nous ferons

des cas présentés, nous essaierons de répondre aux questions que

nous avons posées et de vérifier la pertinence de nos hypothèses,

dans l'espoir de jeter quelque lumière permettant de mieux

comprendre le transsexualisme.

(40)

CHAPITRE I - EMERGENCE DU PHENOMENE TRANSSEXUEL

Nous entamerons ce premier chapitre par une brève rétrospective de quelques figures qui ne sont pas sans nous évoquer ce qui est aujourd'hui rangé sous la dénomination de

"transsexualisme". Cela nous permettra de situer la question dans une perspective historique. Ensuite, nous retracerons dans ses grandes lignes l'"évolution" du phénomène transsexuel depuis 1952, date de référence puisqu'elle marque la réalisation de la première chirurgie de "changement de sexe", jusqu'à nos jours. Le terme de "phénomène" est, cependant, à comprendre ici dans son sens purement descriptif. Nous évoquerons, par ailleurs, les positions théoriques et les conclusions de divers chercheurs qui se sont intéressés au problème.

1.1 - Le phénomène

Le sentiment d'appartenir à l'autre sexe, affirmé par les transsexuels, est sans doute aussi ancien que n'importe quelle forme d'expression de la sexualité. Ce qui par contre est récent, c'est l'opportunité de "changer de sexe" grâce aux nouvelles techniques médicales et à l'hormonothérapie.

L'histoire, ainsi que la mythologie, des différentes cultures

foisonnent de récits où le personnage s'habille ponctuellement ou

systématiquement, voire définitivement, dans l'autre sexe. Cela

peut déclencher des réactions aussi diverses que variées et qui

(41)

tiennent autant à l'époque qu'au contexte.

De nombreuses descriptions depuis la mythologie gréco- romaine jusqu'au XIXème siècle ainsi que des sources anthropologiques, indiquent l'étendue du phénomène et montrent que ce qui est maintenant connu et désigné sous le terme

"transsexualisme" n'est propre ni à notre culture, ni à notre époque

13

. (Par rapport aux mythes grecs où un changement de sexe se produit et même si l'on ne peut parler de transsexualisme stricto sensu, il est intéressant d'y signaler la présence de certains conflits et aspects, telle que la bisexualité psychique, propre à la dimension humaine. Nous y reviendrons.)

L'Abbé de Choisy, devenu l'ambassadeur de Louis XIV au Siam à l'âge de 32 ans, a été élevé par sa mère comme une fille.

Il a écrit : "Je me considérais comme une vraie femme. J'ai essayé de comprendre pourquoi je me sentais comme ça. C'est un attribut de Dieu d'être aimé et adoré. L'homme, continue l'Abbé de Choisy, a la même ambition, et c'est la beauté qui crée l'amour. Et la beauté est féminine.

14

" Le Chevalier d'Eon, rival de Madame de Pompadour, fut présenté comme la belle et nouvelle maîtresse de Louis XV. Plus tard, devenu diplomate, il a accompli d'importantes missions en Russie comme femme puis, quelques années plus tard, comme homme. Après la mort du roi, il vécut toujours en femme. A sa mort, il avait vécu 49 ans comme homme et 34 ans comme femme

15

.

13 - GREEN, R., "Mythological, Historical, and Cross-Cultural aspects of Transsexualism", in

Transsexualism and sex reassignement, Baltimore, John Hopkins University Press, 1969, 13-22.

14 - Ibid., 16.

15 - Ibid., 16.

(42)

Le récit d'"une femme dans un corps d'homme" nous le trouvons, aussi, dans certaines tribus contemporaines d'Amérique du Nord (les Berdaches), en Sibérie, à Madagascar, en Polynésie, le phénomène possédant même parfois une dimension chamanique ritualisée, quasi-religieuse

16

.

De nombreux cas de figure pouvant être classés comme transsexualisme ont été relevés aussi par Krafft-Ebing

17

dans Psychopathia Sexualis. Dans un chapitre où il parle de

"l'instinct du travestissement" qu'il conçoit comme une

"propriété psychosexuelle", il nous donne quelques précisions cliniques très intéressantes. Sans pouvoir l'affirmer avec certitude on peut, néanmoins, penser au transsexualisme. Dans l'obs. 354

18

, par exemple, nous trouvons l'autobiographie d'un sujet qui raconte son histoire, sa souffrance, son malheur, ses années d'études, son mariage, etc. Le sujet en question écrit :

"Tout l'extérieur chez moi est masculin, toute ma façon de sentir, de penser est purement féminine. Ce qui est masculin chez moi, je le hais profondément. Je ressens avec honneur ce qui est féminin; là il y a pour moi harmonie et paix; que suis-je donc le plus: une femme ou un homme"? Ce même sujet, avance déjà la possibilité de réassignation sexuelle. Parlant à lui-même il dit : "Peut-être le médecin et le chercheur peuvent-ils t'aider à trouver une nouvelle existence. Transplantation! Steinach! Il a réussi, avec un succès fabuleux, à transformer les sexes chez les animaux; ne peut-on pas tenter scientifiquement cette expérience

16 - EY, H., "Manuel de Psychiatrie" , Paris, Masson, 6e édition, 1989, p. 901.

17 - KRAFFT-EBING, " Psychopathia Sexualis" , Paris, Editions Climuts, 1990, p.630.

18 - Ibid., 650.

(43)

chez un sujet humain s'y prêtant volontairement?"

Krafft-Ebing qualifie ce cas comme "unique en son genre", et conclut: [le sujet] "se sentait complètement étranger au sexe masculin. Il avait les sensations d'une femme et ce sentiment d'être une femme le saturait entièrement, sans que l'on pût constater en lui le moindre signe de folie.

19

" Nous laissons la conclusion aux lecteurs.

Evidemment parler de transsexualisme, tel que nous le concevons aujourd'hui, dans ces récits risque, pour le moins, de nous fourvoyer dans les pièges des diagnostics a posteriori avec tous les dangers que cela comporte. Cependant, ces sujets présentaient, de toute évidence, des perturbations dans ce qu'on appelle "le sentiment d'identité sexuelle". En plus, leur discours, la façon dont ils décrivent leur malheur est très proche de ce que l'on trouve dans le récit des transsexuels.

1.2 - L'histoire récente

Le mot Trans-sexualism fut utilisé pour la première fois par le Dr D.O. Cauldwell en 1949, dans un article dans lequel il présente le cas d'une fille qui voulait être garçon et qui, par conséquent, désirait modifier ses caractères sexuels afin de ressembler à un homme. Il donna à son article le nom de Psychopathia Transsexualis,

20

terme inspiré, sans doute, du

19 - Op. cit., p. 651.

20 - CAULDWELL, D. O., "Psychopathia Transsexualis", Sexology, 1949, 16, 274-280.

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