J Radiol 2010;91:579-81
© Éditions Françaises de Radiologie, Paris, 2010
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lettre digestif
Gliomatose péritonéale : à propos d’un cas et revue de la littérature
H Boufettal (1), K Elmouatacim (1), M Noun (1), S Hermas (1), N Samouh (1), S Benayad (2), S Azzouzi (2) et S Zamiati (2)
Key words: Peritoneal gliomatosis. Immature teratoma.
Chemotherapy. Surgery. Prognosis.
Mots-clés : Gliomatose péritonéale. Tératome immature.
Chimiothérapie. Chirurgie. Pronostic.
contraste au niveau des parois et des por- tions solides, mesurant 195/195/100 mm, refoulant les anses intestinales, avec in- filtration en flammèche de la graisse péritonéale (fig. 1) et un épanchement péritonéal et épanchement pleural bilaté- ral. Le CA 125, a été le seul marqueur do- sé en préopératoire, il a été augmenté à 313 (normale < 35 U/ml). Une annexec- tomie droite a été réalisée sur une énor- me tumeur ovarienne droite de 20 cm de diamètre solidokystique. Une ascite séreuse de 300 ml prélevée pour cytologie péritonéale.
L’exploration complète de l’abdomen et du pelvis trouve des nodules péritonéaux diffus prélevés pour étude anatomopa- thologique dont le plus gros mesure 2 cm, localisés au niveau du grand épi- ploon, des gouttières pariétocoliques, in- testin grêle, le cul-de-sac de Douglas et le péritoine pariétal. Le foie et les coupoles diaphragmatiques étaient macroscopi- quement indemnes. L’examen anatomo- pathologique a objectivé un tératome
multitissulaire immature avec gliomato- se péritonéale, de grade histo-pronostic 3 (contingent neuroépithélial immature occupant quatre champs ou plus par lame au grossissement × 40) selon la classifica- tion de Norris et O’Connor et de stade 1a selon la FIGO associé à une gliomatose péritonéale au niveau des nodules périto- néaux. La patiente a été mise sous 6 cycles de chimiothérapie adjuvante à base de BEP comprenant bléomycine, étoposide et un sel de platine (cisplatinum). Cette chimiothérapie a été instaurée deux mois après l’intervention. Quelques épisodes de neutropénie non compliqués ont été notés durant le traitement par chimio- thérapie. Une surveillance mensuelle par l’échographie abdominopelvienne est réalisée avec un dosage de l’αFP en cas de suspicion de récidive. Une échographie abdominopelvienne de contrôle a été réa- lisée après chaque cycle de chimiothéra- pie. Cette dernière a été normale durant les trois premiers cycles de chimiothéra- pie. L’échographie faite après le quatriè-
Fig. 1 : TDM abdominopelvienne montrant une volumineuse masse abdominopelvienne solidokystique hétérodense siège de calcifications.
a gliomatose péritonéale est définie par l’implantation de tissu glial ma- ture sur des surfaces du péritoine ou d’organes intrapéritonéaux en association à des tératomes ovariens, matures ou im- matures. Il s’agit d’une entité rare : moins de 100 cas recensés dans la littérature. Son évolution est théoriquement bénigne (1- 10). À partir de l’histoire clinique d’une patiente de 20 ans opérée pour un térato- me immature de l’ovaire associé à une gliomatose péritonéale. Cette patiente a présenté, douze mois après l’intervention, une récidive péritonéale sous forme de tissu gliale bénin. Il nous a paru intéres- sant de rappeler cette entité particulière représentée par la gliomatose péritonéale.
Cas clinique
Une patiente âgée de 20 ans, a été opérée il y a douze mois pour un tératome imma- ture de l’ovaire droit avec gliomatose péritonéale révélé quatre mois avant l’in- tervention par des douleurs pelviennes paroxystiques et une importante masse abdominopelvienne augmentant rapide- ment de volume.
L’échographie abdominopelvienne a ob- jectivé une masse d’échostructure mixte solidokystique à prédominance solide hy- peréchogène hétérogène, mesurant 147/
69 mm. La tomodensitométrie (TDM) abdominopelvienne a montré une volumi- neuse masse abdominopelvienne solidokys- tique hétérodense siège de calcifications, discrètement rehaussée par le produit de
L
(1) Service de Gynécologie Obstétrique « C », Maternité Lalla Meryem, Hôpital Ibn Rochd de Casablanca.
(2) Service Central d’Anatomie Pathologique, Hôpital Ibn Rochd de Casablanca.
Correspondance : H Boufettal, 53, rue Allal Ben Abdel- lah, 20000, Centre-ville, Casablanca, Maroc.
E-mail : mohcineb@yahoo.fr
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H Boufettal et al.
Fig. 2 : Tomodensitométrie abdominopelvienne de contrôle mon-
trant une réduction de cette masse à 14 mm. Fig. 3 : Implant péritonéal de tissu glial mâture au faible grossisse- ment × 4 (noter la présence de tissu glial mature et le revê- tement péritonéal qui est normal).
me cycle (8 mois après l’intervention) a montré une masse solidokystique latéro- utérine droite mesurant 23 mm. Après le sixième cycle de chimiothérapie, l’écho- graphie et la tomodensitométrie abdomi- nopelvienne de contrôle ont montré une réduction de cette masse à 14 mm (fig. 2).
Les marqueurs tumoraux (αFP et CA125) sont négatifs. Une nouvelle inter- vention est décidée.
La laparotomie a montré un ovaire gau- che de taille normale, un nodule de 15 mm blanchâtre du péritoine du cul-de- sac de Douglas. Une exérèse chirurgicale de ce nodule a été réalisée. Les suites opé- ratoires ont été simples avec sortie à J2 du postopératoire. Le suivi de la patiente, toujours en vie, avec un recul de18 mois après la première intervention n’a pas montré d’autres récidives du tératome
Fig. 4 : Coupe histologique d’un nodule de gliomatose péritonéale au grossissement × 20.
immature. L’examen anatomopathologi- que de ce nodule péritonéal a retrouvé un tissu glial mature (fig. 3,4 et5). L’évolu- tion clinique a été favorable.
Discussion
Le terme de gliomatose péritonéale correspond aux implants de tissu glial pé- ritonéaux retrouvés lors d’un tératome ovarien. C’est une affection rare diagnos- tiquée lors de l’exérèse d’un tératome ovarien. L’origine de la gliomatose est controversée. Selon la théorie classique, la gliomatose serait secondaire à une ruptu- re de la capsule tératomateuse. Les fac- teurs trophiques sécrétés par les macro- phages présents dans la cavité péritonéale
favoriseraient l’implantation et la diffé- renciation de ces cellules en cellules gliales (1-5). Pour d’autres auteurs, la découverte d’adénopathies mésentéri- ques, latéroaortiques ou rétro-péritonéa- les massivement envahies par du tissu glial mature, prouverait que la dissémi- nation cellulaire gliale s’effectue par voie lymphatique (4, 10). Plus récemment, Ferguson (8) a montré que les cellules gliales pourraient dériver de cellules sou- ches normales pluripotentes, telles les cel- lules souches ovariennes, qui trouveraient dans le péritoine les facteurs nécessaires à leur différenciation.
La gliomatose péritonéale touche préfé- rentiellement la femme jeune au cours de la deuxième décade (2-5). Les signes fonc- tionnels sont ceux des tératomes ovariens.
Il n’existe pas de signes cliniques ou para-
Fig. 5 : Cellules gliales mâtures régulières dans du tissu péritonéal normal (grossissement
× 40).
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cliniques spécifiques à la gliomatose péri- tonéale (4, 6), en dehors de la symptoma- tologie liée à la masse péritonéale.
Le dosage des marqueurs tumoraux séri- ques est habituel en cas de découverte d’une tumeur ovarienne. Une élévation non spécifique du CA 125 peut être re- trouvée (2, 4, 11). L’alphafoetoprotéine peut être augmentée dans 18 à 45 % des cas (2, 11), dans notre cas, l’alphafoetopro- téine n’a pas été demandée avant la pre- mière intervention. Durant la surveillan- ce ce marqueur a été toujours négatif. Un taux sérique supérieur à 400ng est consi- déré comme un facteur de risque d’évolu- tion péjorative (2).
Les implants péritonéaux se présentent macroscopiquement sous forme de petits nodules blanchâtres. Ils peuvent être de découverte histologique sur des prélève- ments péritonéaux pelviens, abdomi- naux, sur le grand épiploon ou dans des ganglions lymphatiques pelviens.
Microscopiquement il s’agit d’un dérivé neuro-ectodermique mature sous forme de tissu glial (fig. 3,4 et 5) (1, 2, 11).
Le traitement dépend d’une part du gra- de de la tumeur primaire (tératome) et d’autre part du degré de différenciation de la gliomatose péritonéale (9, 11). Les gliomatoses matures peuvent être traitées par simple résection et n’imposent pas, à elles seules, de geste complémentaire. À l’opposé, les gliomatoses immatures, mê- me si elles s’associent à un tératome de bas grade, sont à haut pouvoir métastatique et imposent une chimiothérapie adjuvante (3, 4, 11).
La gliomatose péritonéale évolue selon plusieurs modes. En effet, les implants peuvent rester asymptomatiques et sta- bles, insensibles à la chimiothérapie ou subir une régression fibreuse. La dégéné- rescence gliale ou tératomateuse est ex- ceptionnelle (3), et elle n’a jamais été dé- crite dans les suites d’une gliomatose
péritonéale de grade 0. Dadmanesh et al.
(7) rapportent deux cas de transformation maligne en glioblastome, malgré la chi- miothérapie adjuvante. Shefren et al. (12) rapporte un cas chez une jeune fille de 16 ans décédée 5,5 ans après la chirurgie initiale. Onze cas de transformation mali- gne d’évolution défavorable publiés à ce jour (4, 9, 11). Le pronostic dépend du ty- pe du tératome ovarien (mature ou im- mature), de son grade, du degré de diffé- renciation de la gliomatose péritonéale et de l’évolution des implants gliomateux (1, 2, 4, 10). Un cas de gliomatose péritonéale a été décrit dans le cadre du syndrome de Demons Meigs (9).
Conclusion
La gliomatose péritonéale pose tout d’abord un problème de diagnostic, no- tamment avec une carcinose péritonéale.
La présence d’implants impose alors leur exérèse ou des prélèvements multiples qui feront poser le diagnostic. La glioma- tose ne modifie péjorativement le pronos- tic des tératomes qu’en cas de transforma- tion maligne qui reste exceptionnelle.
Malgré cela, et vu que le nombre de cas ayant bénéficié d’un long suivi est faible, une surveillance régulière à long terme est fortement recommandée en raison de risque de transformation maligne même après une intervention chirurgicale initia- le et une chimiothérapie.
Références
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