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Le rite saisi par l'Histoire. Une fête traditionnelle et ses nouvelles références historiques

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Academic year: 2021

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HAL Id: hal-01708505

https://hal-univ-tlse2.archives-ouvertes.fr/hal-01708505

Preprint submitted on 13 Feb 2018

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Le rite saisi par l’Histoire. Une fête traditionnelle et ses nouvelles références historiques

Dominique Blanc

To cite this version:

Dominique Blanc. Le rite saisi par l’Histoire. Une fête traditionnelle et ses nouvelles références historiques. 2018. �hal-01708505�

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LE RITE SAISI PAR L'HISTOIRE

Une fête traditionnelle et ses nouvelles références historiques par Dominique BLANC

Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales LISST - Centre d’Anthropologie - Toulouse.

[Version de 1998]

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Résumé : Documentée depuis le XVIe siècle, la fête du "Papogay" de Rieux-Volvestre, gros bourg des environs de Toulouse, réunit le premier dimanche de mai les hommes jeunes et vieux pour une longue séance de tir à l’oiseau qui permet de désigner le roi de l’année. Les premières photos du début du XXe siècle montrent des archers en habit des dimanches se rendant sur le pré sans grande cérémonie.

Or, à partir des années soixante, la création de costumes et d’attributs royaux en référence à une description d’Ancien Régime, l’obligation de porter un habit uniforme pour les archers organisés en compagnie, puis l’intronisation publique des nouveaux impétrants et les défilés en costumes des femmes et des enfants, tout concourt à donner un "cachet historique" visible à un rite qui jusque-là se déroulait entre soi. On assiste parallèlement à la redécouverte du prestigieux passé de la cité dont on met en valeur de précieux témoignages architecturaux (ce gros village était une ville épiscopale jusqu’à la Révolution). Nous nous sommes intéressés, d’une part, au processus d’historicisation du rite qui constitue en époques de référence diverses périodes historiques (essentiellement un Moyen Age emblématique d’un passé immémorial, englobant les périodes voisines et un XIXe siècle qui

représente ici "le temps des anciens" de la société rurale encore proche) tout en montrant que si "tout change" (on introduit chaque année d’autres innovations à caractère "historique"), ce qui ne peut changer c’est l’existence et le déroulement du rite resté central malgré les aménagements et grâce auquel le village existe "tant que nous avons un Roi".

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La petite cité de Rieux, dans le département actuel de la Haute-Garonne était le siège d'un évêché sous l'Ancien Régime. Sa cathédrale et quelques rares édifices rappellent sa splendeur passée. Des maisons à colombages soigneusement entretenues signalent la profondeur historique d'une

urbanisation aristocratique, ecclésiastique, puis bourgeoise après la Révolution. C'est aujourd'hui un gros et beau village, ce que certifie le placard officiel des « plus beaux villages de France » trônant à l'entrée du bourg. Plus d'évêché, plus de collège, plus de nobles et de grands propriétaires résidents.

Les activités qui font de Rieux (aujourd'hui Rieux-Volvestre) un lieu économiquement et socialement animé sont une résidence-clinique spécialisée, une maison de retraite moderne et un centre d'aide par le travail (C.A.T.) qui génèrent des emplois sur place et attirent des résidents travaillant dans la périphérie toulousaine. L'activité agricole y est marginale.

Si, pour les guides du "Pays de Cocagne", Rieux est connue et signalée en tant qu'ancienne capitale du Volvestre, pour les habitants des environs, elle doit sa renommée à sa fête du "Papogay", un tir à l'oiseau organisé par une compagnie d'archers tous les premiers dimanches de mai "depuis un temps immémorial". L'afflux d'un public plus lointain est un phénomène récent, dû en partie à une

couverture médiatique de la part des radios locales et de la télévision régionale. C'est aussi un phénomène limité à la séance de tir à l'arc des hommes adultes, apothéose et conclusion de la fête.

Le reste des festivités continue de se dérouler dans un relatif entre soi, même si aucune exclusive n’est jamais explicitement formulée.

La fête dure trois jours. Le vendredi en soirée, les archers de tous âges se rendent au domicile du roi couronné lors de la fête de l'année précédente afin de lui donner une aubade. Il les reçoit pour un apéritif suivi d'une collation copieusement arrosée qui peut se prolonger fort tard dans la nuit. Le samedi matin, les "Petits", c'est à dire les garçons depuis l'âge où ils peuvent tenir un arc jusqu'à l'âge de la puberté, et les "Moyens" jusqu'à dix-huit ans environ se réunissent sur la pelouse du stade un terrain à ciel ouvert entouré d'une rampe et flanqué d'une tribune couverte pour y élire, au cours d’une séance de tir à la cible (tir horizontal sur une cible à cercles concentriques), un "connétable" et un "huissier". Le samedi après- midi, les Petits et les Moyens défilent en ville en costume d'archers. Ils se rendent une nouvelle fois sur le terrain pour y procéder au tir au papogay (tir vertical sur un oiseau de bois fiché au sommet d'une perche). Le vainqueur dans chaque catégorie est proclamé "Roi des Petits" et "Roi des Moyens".

La journée du dimanche est la plus longue et la plus importante. C'est elle qui va permettre de donner à Rieux-Volvestre un nouveau Roi. Tout commence par une messe chantée dans l'ancienne cathédrale. À l'issue de la cérémonie religieuse, les archers se rendent en défilé dans la cour de l'ancien évêché (aujourd'hui le parc de la résidence-clinique). Là, sur un parterre carrelé jouxtant une tour Renaissance, a lieu l’intronisation des nouveaux archers acceptés dans la compagnie. Elle est

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suivie d'une série de danses exécutées par des groupes costumés. Un apéritif musical est ensuite offert sous le préau et dans le parc jouxtant le siège officiel de la compagnie. Après un repas pris en famille par les Rivois et leurs amis proches les visiteurs vont à l’auberge a lieu le défilé des "Grands"

(les hommes adultes, seuls membres à part entière de la compagnie). Accompagnés de chars et de musiques, tout comme les plus jeunes la veille, ils traversent le bourg de part en part jusqu'au terrain où ils vont à leur tour tenter de déquiller l'oiseau. La séance de tir est toujours relativement longue (de une heure à deux heures d'essais infructueux avant que le papogay ne chute enfin) et suivie par un nombreux public abreuvé de commentaires sur la fête, son déroulement, son histoire et sa signification par un sociétaire qui s'est fait une spécialité de cet accompagnement (très) sonore. Le dernier à avoir touché l'oiseau, juste avant sa chute, est proclamé roi et aussitôt couronné devant tout le village et les visiteurs rassemblés. Il reçoit divers insignes de sa charge des mains de son prédécesseur. Le tirage d’une tombola au profit de la compagnie termine l’après-midi. Les festivités sont alors closes jusqu'à l'année suivante.

Ce cérémonial est perçu par les Rivois comme immuable, en raison de sa répétition quasi

ininterrompue, de mémoire d'homme, et à l'ancienneté de son attestation (qui remonte de façon certaine au XVIe siècle). Il a pourtant connu d'importantes transformations. Plus encore : au risque de manier le paradoxe, on pourrait dire qu'à Rieux-Volvestre le changement est au cœur du maintien de la tradition. C'est ce que nous avons tenté d'observer et de comprendre en conduisant une recherche sur l' "historicisation" progressive de cette fête traditionnelle et sur ses contradictions.

1. Une histoire sans historiens?

Les organisateurs actuels de la fête manifestent depuis quelques années un souci aigu du sens de leur action. À l'approche du troisième millénaire (c'est ainsi qu'ils formulent eux-mêmes l'urgence) ils souhaitent réaliser un retour sur l'histoire du rite par eux annuellement répété, en harmoniser les phases et le cérémonial afin que "le Papogay de l'an 2000" revête un éclat tout particulier.

Pour eux, une vraie recherche historique devrait découvrir les documents indiscutables qui éclaireraient enfin le sens profond du rite. C’est l’origine de la fête qui les préoccupe à l’approche du nouveau millénaire : "Nous faisons cette fête qui existe depuis des siècles. Au fond, nous ne savons pas pourquoi. Nous cherchons quelqu'un pour nous dire quelle en est l'origine" (le président de la Compagnie); et cette origine est à chercher du côté des

commencements. Car, si le savoir fait défaut, c’est qu’il y a un manque, précisément identifié : les premiers documents historiques, "deux parchemins authentiques", ont disparus.

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Sans eux, aux yeux de nos informateurs, il n’est pas d’histoire possible. À Rieux, les textes de référence restent à venir. Pour les acteurs de la fête, la tradition a une longue histoire mais pas véritablement d'historien. On y cite comme un pis-aller quelques brochures et des dépliants périodiquement renouvelés, ou bien le travail d'une "dame" dont on croit savoir qu'elle a été professeur d'histoire et dont les recherches n'en finissent pas d'être en cours. Aussitôt formulé, l'intérêt de l'ethnologue (il n'y a jamais eu la moindre ethnographie de la fête) est redéfini par les acteurs comme la promesse d'un contrat : "Vous serez le bienvenu partout, mais il faut faire des recherches sur l'Histoire et nous aider à comprendre l'origine de la fête pour préparer avec éclat le jubilé de l'an 2000".

À Rieux, les documents perdus ont effectivement existé. Il s'agit bien de deux cahiers de parchemins et ils ont réellement disparu, sans doute au cours de manipulations intempestives et désordonnées d'archives municipales stockées dans un grenier. Mais nous en connaissons la teneur : il s'agit de statuts du XVIe siècle, d’une suite de comptes lacunaires et de brèves délibérations s'étalant du XVIe au XVIIIe siècle. Nous le savons parce qu'ils ont été partiellement publiés et précisément décrits.

Mais l'opinion actuelle n'en a cure : l'existence de "deux parchemins disparus" suffit à oblitérer la matérialité de leur contenu et à nourrir l’espoir de la redécouverte d’un texte originel. Ainsi, les responsables de la Compagnie exhibent-ils dès la première rencontre le gros ouvrage consacré à l'histoire de leur ville et de son ancien diocèse par un historien local reconnu, en précisant que s'y trouve un chapitre sur la fête du papogay mais en "oubliant" que l’essentiel du contenu des textes perdus y est donn . Cet ouvrage ne peut donc être "Le Livre" qui ailleurs sert de référence ultime ("c'est écrit dans le livre") quand se présente la nécessité de trancher une question concernant la réalité historique. Voilà pourquoi Rieux-Volvestre, ville chargée d’Histoire, est toujours à la recherche de son historien.

2. Les deux fêtes

Qu’apprennent les textes à qui veut bien les lire? Le premier cahier de feuilles de parchemin

commence en 1585. À cette date, une Compagnie de l’arbalète, réunissant les gentilshommes et les principaux bourgeois, se transforme en confrérie de saint Sébastien, sise en la chapelle du saint dans l’Église des Dominicains. Le premier document du second cahier concerne la naissance, en 1589, d’une autre confrérie de saint Sébastien, sise en la chapelle du saint, mais dans la Cathédrale. Il s’agit cette fois d’artisans et de paysans organisés en Société du jeu de l’arc.

La bonne ville de Rieux abrite donc deux compagnies de tir bien distinctes. L’une d’entre elles au moins est bien antérieure à la fin du XVIe siècle. Elle rassemble les hommes de la bonne société dont le jeu aurait été institué "en souvenir de l’arbalète de la vraie croix". Il consiste à désigner un roi qui devra, le premier mai suivant, payer un fifre et un tambourin, "un papegeaut de bois", deux gâteaux, un jambon, deux flacons de bon vin. Les "petites" victuailles seront consommées pendant le tir; le gros gâteau, le jambon et le grand flacon seront partagés au logis du roi. Le reste de l’année le roi est l’invité. Le jour de la fête, le nouveau roi va, "la flèche à la main", jusqu’à la bute où sont élus le connétable, le trésorier et l’huissier. Le tir établit une hiérarchie décroissante des fonctions. Par

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l’intermédiaire de ses officiers, le roi peut réunir ses arbalétriers pour tirer les dimanches et les jours de fête quand bon lui semble. La présence de chacun est indispensable sous peine d’amende. Les sociétaires-confrères contractent des obligations réciproques qui durent jusque dans la mort comme il est d’usage dans les confréries. L’activité des arbalétriers est documentée, outre le parchemin de 1585, pour une bonne partie du XVIIIe siècle et après 1819, mais par de rares procès-verbaux, avec de nombreuses périodes blanches. Les statuts de la société-confrérie du jeu de l’arc comptent à peu de choses près les mêmes articles que son aînée et modèle. Elle a connu, apparemment, autant de périodes d’interruption et le registre conservé (jusqu’à sa perte) mentionnait les rois de 1754 à 1794.

Le chanoine Contrasty cite, d’autre part, une description du XVIIIe siècle (non datée) qui nous informe sur l’état des deux fêtes quelques années avant la période révolutionnaire. Les "chevaliers de l’arbalète" assistent à quatre messes solennelles : le jour de saint Sébastien et le lendemain, le troisième dimanche de mai et le lendemain. Ce dernier dimanche est le jour du tir au papegaut : "Le papegaut est un gros oiseau de bois que l’on plante au bout de plusieurs longues perches attachées à l’arbre le plus élevé du Préau et réunies par une barre de fer à laquelle le papegaut est chevillé". Un défilé s’organise jusque chez le roi. Les arbalétriers sont à cheval. Devant eux des jeunes gens portent le carquois deux à deux, puis viennent les porteurs d’arbalètes suivis des porteurs de la collation disposée dans plusieurs corbeilles. Suivent les tambours, les fifres et les hautbois, puis un page

"portant la couronne sur un carreau de velours cramoisi galonné d’or". À leur suite s’avance le roi, le sceptre à la main, précédé du connétable portant l’épée nue suivi "des chefs deux à deux, ayant la cocarde au chapeau et la flèche à la main". Ils défilent devant le palais épiscopal l’évêque ne manque pas de les saluer de sa fenêtre puis ils se rendent au Préau "devant une grande affluence de

personnes de tout état" venues des environs.

Après le tir, le roi élu reçoit l’hommage des chevaliers et les compliments des dames. Un tir "au blanc" (à la cible) désigne le connétable et celui que l’on appelle alors "le maréchal des logis" (il écope du méchant rôle du plus mauvais tireur chargé de rapporter les arbalètes sur son dos). Le roi nomme au pied de l’arbre son grand trésorier. Le défilé entre dans la ville avec son roi couronné, le connétable portant "le morceau du papegaut que le roi a abattu" et les chevaliers arborant l’épée nue en lieu et place de la flèche. Défilé et jonchée honorent la porte du roi avant un aller et retour vers le palais épiscopal. Un grand souper a lieu à l’hôtel de ville. Un bal aux violons est donné aux dames alors que tambours, fifres et hautbois font danser le peuple sur la place publique. Le lendemain : messe de Requiem avant la reprise des repas et des danses; "anciennement, la fête durait huit jours".

Les artisans et paysans de la seconde confrérie "tirent de l’arc", plus modestement, le premier dimanche de mai. Le vainqueur reçoit un chapeau et des gants. Le nouveau roi est lui aussi entouré d’un connétable, d’un trésorier et d’un huissier : "Ils font en cérémonie le tour de la ville, deux à deux, une flèche à la main, mais ils n’entrent point dans la cour de l’évêché. Ils font dire une messe tous les premiers dimanches du mois".

Ce document nous apprend qu’il existe alors une troisième société : "Les écoliers forment une compagnie de chevalerie. Ils s’exercent au Jeu de l’arc le quatrième dimanche de mai. Ils ont également des officiers et observent les mêmes cérémonies que la compagnie des arbalétriers. Ils défilent devant l’évêque; leur fête ne dure qu’un jour". Il s’agit sans nul doute des élèves des "écoles

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de grammaire", ces sortes de pré-collèges installés dans les petites villes et les gros bourgs, sous l’Ancien Régime, et qui donnaient aux fils de bourgeois une instruction au-delà du niveau "primaire"

des "petites écoles" sans exiger une pension coûteuse comme les collèges urbains. Peut-être des étudiants d’origine plus aristocratique se mêlaient-ils à ces "écoliers". Quoi qu’il en soit, la question d’une participation spécifique d’une partie de la Jeunesse se trouve posée dans ce premier

témoignage un peu développé.

Une brochure, datée de 1923, faisait déjà référence aux documents originaux cités (en 1936) par le chanoine Contrasty dont elle donne aussi des extraits. Rédigée par un auteur anonyme, sous les auspices de la "société du Tir au Papegay" elle s’intitule Notice historique concernant la Société du Papogay de Rieux. Elle signale, elle aussi, les deux registres des annales de la Confrérie de saint Sébastien ("ur parchemin" conservés à la mairie de Rieux, sans jamais mentionner le fait il a sans doute échappé à son ou ses auteurs qu’il s’agissait de deux compagnies différentes! Les statuts y apparaissent "calligraphiés par un maître écrivain et ornés, çà et là, de naïves enluminures"

Outre quelques détails sans intérêt particulier pour notre propos, on y apprend qu’en 1763 "Mr Rivat, roi de la confrérie, a acheté un sceptre et une couronne qui seront dorénavant conservés par le roi. Jusque-là celui-ci défilait une flèche à la main en guise d’insigne; aujourd’hui (en 1923) le roi reçoit un bâton de commandement sculpté et doré qu’il tient dans sa main droite ». D’autre part, en 1922, « pour assurer le recrutement des archers, il a été constitué une section des Pupilles qui a eu les honneurs d’un tir public, et pour lesquels il est dressé chaque année un mât de vingt mètres portant un oiseau de bois. On voit même des “confrères” de cinq ans tirer fort adroitement à la cible!». En 1923, « Les archers se rendent sur les lieux en cortège, avec fifres et musique, munis de leurs arcs fleuris, de leurs carquois et de leurs flèches qu’ils fabriquent eux-mêmes. Le Roi, portant ses armes enrubannées, son sceptre doré et orné de fleurs, défile encadré par les autorités, la foule en liesse suit et acclame les tireurs. Le maire tire la première flèche; puis sous la direction du Roi, le tir se poursuit, interrompu à son commandement par le cri de “À la recherche!” qui autorise les archers à ramasser leurs flèches, peintes de leurs couleurs distinctives ». Un tir à la cible désigne le connétable et l’huissier. Un bal « très animé », clôture la journée et termine la fête.

3. Habiller d'Histoire. Folklorisation et historicisation

La mémoire des acteurs actuels de la fête remonte précisément jusqu'à ce temps où les hommes

«tiraient au papogay » en costume de ville, un temps qui ne va guère au-delà des souvenirs des plus anciens archers encore en vie. Des photos des années 1920-1930 viennent étayer les récits

concernant cette époque où un habit des dimanches suffisait à vêtir un archer.

La rupture est venue à la fin des années 60. Elle a été marquée précisément par un changement de costume : le costume des archers, en premier lieu, mais aussi, pourrait-on dire, l'habillage de la fête.

À l'origine de cette mutation, il y a une initiative individuelle, celle d'un ingénieur chimiste de Rieux, poète en langue d'oc à ses heures. À la différence des jeunes occitanistes militants qui, à Toulouse, à la même époque, s'efforçaient de se démarquer du passé félibréen, le poète de Rieux se réclamait de l'Escolo deras Pirineos, l'importante « École » gasconne créée dans les Pyrénées par les adeptes locaux du Félibrige, à la fin du XIXe siècle. Dans la continuité des « Maintenances », les activités de ses membres comprenaient encore, au milieu du présent siècle, outre la création littéraire

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essentiellement poétique , l'animation de groupes de danses et de chants régionaux traditionnels.

Le poète local, reconnu comme tel (« Il écrivait des pièces de théâtre magnifiques et des poèmes en alexandrins et en occitan ») décide de prendre en main l’habillage de la tradition, toujours vivante à Rieux, mais qui ne revêt plus aucun éclat en dehors du cercle étroit des acteurs eux-mêmes. À cet effet, il met sur pied un groupe folklorique et, parallèlement, il organise la mise en scène du rituel.

Les deux initiatives vont de pair. L'étroite relation qui les unit est soulignée par la place centrale occupée par le costume et par une même référence explicite à l'Histoire.

Ainsi, le groupe folklorique comprend-il deux sections : la section « Dix-neuvième siècle », et la section « Moyen-Age ». Faute d'avoir pu interroger son initiateur, parti sous d'autres cieux, sur la pertinence de cette partition, il nous faut nous en remettre aux acteurs actuels.

La section « Dix-neuvième siècle » rassemble des danseurs revêtus du costume du Volvestre ou du moins de ce qui est perçu comme tel.

On sait comment des « costumes régionaux » ont été fixés par

l'iconographie mais aussi à l'occasion de fêtes régionalistes, entre 1880 et 1940. À Rieux, cette « invention » est

donc tardive. Elle est le fait du poète lui-même qui s'est appuyé sur les costumes «paysans » voisins déjà existant. Un béret, une blouse, une ceinture et un pantalon sombre pour les hommes; une coiffe, un corsage et une jupe large pour les femmes et des sabots pour tous en constituent toutes les pièces. Rien qui permette de distinguer d'un coup d'œil l'habit autochtone des autres costumes folkloriques du pays toulousain, pour la plupart tombés en désuétude.

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L'important n'est pas là. L'important, c'est que le groupe folklorique local n'existe qu'en écho à la fête du papogay et à la compagnie d'archers. Le nom de la formation le souligne : « Los arquiérots dal papogay » (les petits archers du papogay). Les arceaux fleuris que brandissent ailleurs les danseurs sont ici remplacés par des arcs stylisés ornés du même assortiment floral que les vrais arcs arborés par les tireurs lors du défilé précédant le tir à l'oiseau.

Le groupe folklorique n'a donc pas été conçu comme une association de plus. Il a fait entrer, avec une génération de retard, le village de Rieux et sa tradition spécifique dans le concert des spectacles folkloriques. Il a aussitôt participé à des manifestations régionales, nationales, puis internationales.

L'attrait des tournées et des voyages a été pour beaucoup dans l'adhésion des jeunes générations.

Pourtant, les Rivois le répètent avec force : « Le Papogay, ce n'est pas du folklore, c'est la Tradition ».

Le groupe folklorique a été conçu pour « habiller » les manifestations de la tradition et non pour les détourner à son profit. Son évolution le démontre. Après le temps des tournées est venu le temps des « entrées ». À chaque visite d’une personnalité extérieure dans le village ou la région proche, le groupe folklorique, mais aussi des archers en costume, étaient sollicités pour donner une note « colorée » à son accueil. Après quelques obtempérations (« pour remercier du soutien et des subventions ») la décision a été rapidement prise de refuser définitivement de participer à ce qui était douloureusement vécu comme une façon de galvauder la tradition. Il n'en fut plus question pour les archers, et le groupe folklorique lui-même s'est bientôt contenté de ses prestations locales et de sa participation au rituel de mai. Les principaux animateurs de la fête, et parmi eux le président de la compagnie des archers, sont aussi des membres actifs du groupe folklorique.

Pour comprendre les raisons de l’existence et du succès de ce dernier, il suffit sans doute de s’interroger sur le fait qu’il est actuellement dirigé par une femme. En effet, le tir à l’oiseau est une affaire d’hommes, exclusivement. Les femmes ont toujours occupé dans la fête une place très marginale, quand elle n’était pas nulle. Or, les Rivois d’aujourd’hui sont des individus « modernes », majoritairement employés dans le secteur tertiaire. Les femmes participent activement à la vie sociale de la petite ville. Les promoteurs de la fête ont parfaitement conscience de ce phénomène. Ils

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savent qu’il y a là un archaïsme et ils ne souhaitent pas le perpétuer. Le débat est donc vif dans la compagnie sur la possibilité d’accorder à des femmes le statut de sociétaire ce qui n’implique nullement que des femmes puissent tirer à l’oiseau. L’animation du groupe folklorique offre une solution pragmatique : les femmes s’y trouvent mêlées, souvent en position dominante, aux

«confrères » masculins qui pour l’instant les excluent des vraies instances de décision. La responsable du groupe est l’épouse du bras droit du président. Ils servent tous deux de relais, en direction des femmes, mais aussi en direction des plus jeunes. Ces derniers constituent, en effet, l’autre objet de débat. Car les archers de plein droit sont non seulement des hommes, mais des hommes d’âge mûr.

Or, tout comme les femmes, poussées sur le devant de la scène par la « modernisation », les jeunes refusent une position exclusivement subordonnée aux exigences des hommes adultes. Leur

participation volontaire au rite est cependant une nécessité cruciale. Ainsi a-t-on « inventé », dans la continuité des Pupilles de 1923, un roi des Petits et un roi des Moyens et le groupe folklorique sert à entraîner, dès le plus jeune âge, les enfants de Rieux dans le sillage de leurs aînés. L’époux de la responsable a donc mis sur pied un ensemble de petits joueurs de fifres qui, après bien des négociations avec les nouveaux instituteurs, a réussi à rassembler les enfants de l’école primaire.

Cette dernière intègre désormais les répétitions dans son emploi du temps. L’animateur du groupe (par ailleurs éducateur de profession) a composé une mélodie toute simple promue en quelques années au rang d’ « hymne du papogay ». Son titre, Tantiro, est aussi le nom du paysan mythique qui a tué le premier perroquet (papogay) venu défier les habitants de la région. Il se révéla être le diable et l’heureux élu épousa la fille du roi.

Ainsi la musique enfantine remet-elle en honneur la légende (« retrouvée » ou nouvellement adaptée au contexte local, elle est racontée comme un récit étiologique pendant le tir du dimanche par l’animateur de l’après-midi) tout en installant les jeunes enfants scolarisés, garçons et filles, au cœur du rituel. Ce sont eux qui ouvrent les festivités par leur première aubade au roi, le vendredi soir, eux encore qui donnent le signal de l’ouverture de chaque séance de tir. Étroitement lié à la formation folklorique, ce nouveau groupe est un exemple parlant des mécanismes qui président au fonctionnement et à l’évolution de ce dernier.

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Conçue comme une évocation d’un héritage paysan ancestral, révolu, mais encore proche, fixé (figé) dans un XIXe siècle censé représenter le passé régional et terrien, la section « Dix-neuvième siècle », celle des chants et des danses « anciens », se voit agréger en permanence des innovations qui « enrichissent » la fête tout en intégrant de nouvelles catégories de participants actifs. L’autre section, la section "Moyen-Age", met l’accent sur le passé plus lointain de la cité et sur son aspect

aristocratique. Fondée sur le paraître, son activité consiste essentiellement en la confection de costumes destinés à être présentés au cours de la fête, lors de la cérémonie d’intronisation et des différents défilés.

Les références historiques de ses prestations (présentations avec révérences et danse de menuets) sont indéterminées et indécidables. Le Moyen-Age évoqué ici est un passé aristocratique fluctuant entre le temps des seigneurs et les cours de la Renaissance, en écho à ce que l’on croit savoir de l’ancienneté de l’architecture de la vieille cité. La section est animée par des femmes qui confectionnent des

vêtements pour elles-mêmes et pour leurs très jeunes enfants.

Quant aux archers, l’ingénieur-poète a conçu pour eux une tenue sobre : chemise blanche, pantalon blanc ou noir, longue ceinture rouge enroulée autour de la taille, béret noir, un foulard crénelé jaune ou vert sur les épaules et une cravate blanche ou jaune assortie d'une épingle à l'effigie du papogay.

Hormis le foulard et la ceinture, rien qui ait pu choquer ceux qui arboraient jusque-là un costume des dimanches. Il est simplement devenu coloré et uniforme. Le roi, en revanche, a reçu des attributs

«royaux » : un manteau garni d'hermine couvert d'une cape rouge brodée d'or, une couronne dorée fourrée de velours rouge, sans oublier un sceptre de bois. Nulle appartenance précise à une

«époque» n'est perceptible à travers les costumes des uns et des autres. Ils sont sans âge, et pourtant ils évoquent manifestement un passé historique.

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[En 1997, un futur premier ministre est venu en voisin saluer le Roi sortant entre les deux tours des élections législatives qui allaient le porter au pouvoir...]

Si la référence au XIXe siècle renvoie à un passé paysan ancré dans une culture « régionale », la référence au Moyen-Age dote d’un passé « noble » tous les habitants du village. On comprend alors pourquoi les archers désignent toujours Rieux du terme de « Ville-Cité », pourquoi le plus ancien texte connu concernant la fête est perçu, bien qu’il date de la fin du XVIe siècle, comme « un parchemin du Moyen-Age », pourquoi enfin on a « oublié » depuis longtemps qu’il y avait deux sociétés-confréries à l’origine, bien distinctes de par leur composition sociale. Le « Moyen-Age », c’est ici ce long temps de beauté distinguée et abolissant les distinctions : ici, point de seigneurs et point de paysans dont on peut retrouver l’écho dans l’ancienneté toute neuve des façades

monumentales récemment remises en valeur.

Ces références historiques diverses ne manquent pas de poser un certain nombre de problèmes quand il s’agit d’harmoniser le déroulement d’un rituel qui les met en jeu parfois simultanément. Les acteurs en ont conscience mais ce que nous posons, nous, en termes de folklorisation ou

d’historicisation de la fête, ils le définissent, eux, par une expression qui fait aujourd’hui l’unanimité :

« la fête doit avoir du cachet ».

4. Le cachet : en avoir ou pas

C’est en fonction de cette exigence qu’il nous faut comprendre le sens de ce qui nous apparaît comme une historicisation rapide, une avancée systématique vers plus de cohérence dans la mise en scène historique. L'introduction d'un défilé en costumes du Moyen-Age, en tête de la parade des archers, a constitué une innovation spectaculaire. Elle l'est devenue plus encore en 1997 quand des jeunes femmes ont porté dans leurs bras leurs bébés, costumés eux aussi, en guise de présentation des nouveaux Rivois aux acteurs et spectateurs de la fête. L'effet a été décuplé par la présence d'un

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groupe, engagé pour la circonstance, exécutant des chants et des danses de la Renaissance. Il y a là, par ailleurs, confirmation du fait que la référence à des périodes diverses ne gêne personne : leurs magnifiques costumes, exécutés par des professionnels, sont venus se fondre dans le Moyen-Age généreusement extensible des Rivois. Le défilé n'en a reçu que plus d'éclat et le cérémonial toujours plus de « cachet ».

Autre changement important : la musique. Jusqu'en 1995, les archers étaient accompagnés par une musique de bandas, ces fanfares du sud-ouest tauromachique empruntées aux ferias espagnoles.

Leurs tambours et leurs cuivres tonitruants ne correspondaient plus à « l'esprit » de la fête, de l'avis de ses organisateurs.

Alors que se mettait en place le groupe de jeunes enfants chargés de jouer à la flûte un air

emblématique, comme nous venons de le voir, les bandas ont été remplacées par les musiciens du Conservatoire Occitan de Toulouse. Luthiers, collecteurs d'air populaires, ces derniers animent bals et fêtes dans toute la région où ils sont reconnus comme des experts en musiques traditionnelles, tant en raison de leurs connaissances (certains d'entre eux ont des diplômes de haut niveau en ethnologie et collaborent à des revues spécialisées) que par la qualité de leurs exécutions (on considère qu'ils rétablissent une tradition authentique et non un folklore galvaudé). Qui d'autre pouvait contribuer à donner à la fête son « cachet » musical ? La rupture est rude, pourtant, entre les fanfares multicolores et les quatre hautbois rustiques au registre en apparence très limité et au répertoire inconnu du public. Mais n'était-ce pas le but recherché? Si la musique est habituellement, dans toute fête, un élément majeur de renouement et de reconnaissance, un changement brutal a toutes les chances de marquer une rupture radicale d'autant plus efficace.

Le choix des musiciens du Conservatoire Occitan a des implications multiples. Il intègre une musique

« authentifiée » par un label reconnu qui a l'avantage de renvoyer à l'aspect positif du folklore (le traditionnel, populaire et ancien) tout en se démarquant de son aspect négatif (les poupées vivantes en costume régional). Deux choses sont significatives de ce point de vue. Tout d'abord le fait que l'ensemble Renaissance n'ait été invité qu'une seule saison. Il jouait une musique beaucoup plus « riche » que le Conservatoire, exécutait des chants choraux et des danses « d'époque ». Cela n'a pas été du goût des participants. Ils ont apprécié l'enrichissement coloré du défilé costumé mais pas les interruptions du cérémonial au profit des prestations de l'ensemble. Quand la cérémonie

d'intronisation du dimanche matin a marqué une pause pour laisser place aux chants de la Renaissance exécutés a capella, les spectateurs ont couvert de leurs murmures les voix des

chanteurs. Que la fête ait un « cachet » est apprécié (même au prix d'une cure d'austérité musicale) mais le cachet de la fête ne doit jamais cacher le rite. Par ailleurs, l'ensemble Renaissance entrait en

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contradiction trop flagrante avec les prestations du groupe folklorique rivois qui faisait résonner ses sabots juste après les violes et les voix angéliques.

Le Papogay a donc trois musiques. Tout d’abord, celle du groupe local. Minimaliste dans sa composition et dans ses prestations, elle n'en reste pas moins très importante par ses interventions à des moments cruciaux dans le déroulement du rite. Vient ensuite la musique du Conservatoire Occitan qui donne sa couleur à la fête en l'accompagnant de bout en bout, mais en s'effaçant au profit des moments forts du rite (ce que n’a pas fait un ensemble Renaissance trop envahissant).

Et puis il reste une fanfare, la « Fanfare Républicaine de Blagnac », dont personne ne comprendrait qu’elle ne continue pas à être invitée chaque année.

C'est un ensemble de cuivres et de percussions qui joue, lui aussi, en costumes « historiques », mais datant… des soldats de la Première République!. Elle ouvre la marche des défilés, alterne avec le Conservatoire quand les archers vont récupérer leurs flèches après une salve de tir à l'oiseau. Sa présence apparaît indispensable lors de l'apéritif-concert qui suit la cérémonie d'intronisation des nouveaux archers. Installés sous un hangar, les musiciens assis disposés en formation d'orchestre exécutent un large répertoire, des marches militaires aux standards du jazz.

Le contraste avec la prestation du groupe folklorique, qui vient d'avoir lieu, et celle du Conservatoire

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qui jouera en alternance tout le reste de la journée est là aussi atténué. Depuis 1996, quand la fanfare s'arrête pour boire le verre de l'amitié, les joueurs de hautbois s'avancent et jouent des airs connus de tous, « traditionnels », certes, mais consensuels. Ils se terminent en général par le Se Canta, depuis vingt cinq ans l'hymne approprié aussi bien pour les réunions militantes que pour les fins de repas. Groupe folklorique, fanfare et Occitans mêlent leurs voix, sublimant en un instant consensuel leur mutuel anachronisme.

La musique est un bon exemple de la direction prise par le changement mais aussi des tâtonnements et des imprécisions, voire des contradictions, qui l'accompagnent. Toutefois, l’innovation y va bien dans le sens d’une référence au passé. L’élément majeur et déterminant de ce bricolage précaire est décidément une valorisation de l’ancien : l’introduction très récente de musiques « anciennes » s’accompagne désormais d’une exposition d’instruments « anciens » dans une salle municipale pendant toute la durée de la fête.

Autre exemple de cette évolution : il n’y a pas si longtemps, l’intégration au monde des nouveaux archers adultes concernait uniquement les jeunes du village déjà assidus au tir à l’oiseau au sein du groupe réservé aux adolescents. Les formalités de cette intégration se déroulaient au sein de la compagnie. Aujourd’hui, elle est élevée au rang d’intronisation et elle a lieu aux yeux de tous, au cours d’une « cérémonie officielle » (c’est ainsi que les Rivois l’ont baptisée) qui a très vite revêtu un caractère solennel imprégné d’un cachet « historique ».

Après la grand-messe, face aux archers rassemblés devant un large public, le président de la

compagnie s'adresse à tous : « Pour être admis dans la compagnie, outre le fait d'être né à Rieux ou d'avoir des attaches fortes dans notre ville-cité, ce qui a été de tout temps la condition essentielle, il faut faire une demande auprès du conseil d'administration lors de l'assemblée générale qui se tient au mois de novembre, être parrainé par un archer reconnu comme un véritable mantenaire de notre tradition. Ensuite l'archer devient stagiaire et doit pendant deux ans faire preuve de sa bonne foi et de son attachement à notre tradition. Avant de prêter le serment et d'être reconnu archer du Papogay ». Les impétrants sont alors invités à prêter serment : « Comparaissent devant nous S.P., roi du papogay 1997 et X, X, X. Tous trois ont émis la requête d'être admis en tant qu'archers ». Les parrains s'avancent alors : « Moi, Y., archer, je me porte garant de M. X. Je lui remets l'écusson, signe

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d'appartenance à la compagnie » (applaudissements). Chaque candidat jure fidélité à la compagnie, s'engage « à porter honneur et respect au roi ». Le roi accepte alors de les accueillir : « Je vous accorde un délai de deux papogay pour faire preuve de votre bonne foi et de votre attachement à notre tradition ».

Sont ensuite intronisés comme membres à part entière les stagiaires acceptés deux ans auparavant :

« Guidés par vos parrains respectifs, vous avez participé à deux papogay et vous avez fait preuve de votre loyauté et de votre attachement à notre tradition. Vous êtes maintenant dignes d'être

définitivement admis au sein de notre compagnie. Vous vous engagez à toujours tirer droit à l'oiseau, à porter honneur et respect au roi, à maintenir la tradition du tir au papogay. Vous vous engagez à aller tous les premiers dimanches de mai en défilé dans la ville du lieu de rassemblement fixé

jusqu'au mât ». Chacun jure solennellement après chaque demande d'engagement. Le président leur remet alors les statuts de la compagnie sur lesquels chacun s'engage à « respecter les règlements et en rien de n'y venir à l'encontre ».

La cérémonie revêt d'autant plus d'éclat que le moment auquel nous venons d’assister ne concerne pas des Rivois de souche ayant fait leur apprentissage d’archers depuis leur plus jeune âge. En effet, pour quatre authentiques enfants du pays, il y avait (en 1998) quatre intégrations de Rivois

originaires de l'extérieur (mais résidents depuis plusieurs années déjà) et quatre entrées en « stage ».

L'habillage « historique » vient ici aussi prêter main forte à l’importance symbolique du serment. Les responsables de la compagnie y arborent des capes de velours, les parchemins roulés et entourés d'un ruban rouge sont extraits d'un coffre de bois clouté. Le président a beau atténuer la pompe de cette nouvelle institution (« Nous allons procéder à ce que nous appelons la cérémonie officielle, bien qu'elle soit plus conviviale qu'officielle… »), nul ne se départit de son sérieux et les voix tremblent au moment de prêter serment en public. En quelques années seulement, le coin de cour carrelé adossé à la tour et au portail monumental est devenu la scène et le décor d'une cérémonie qui s'est imposée à tous.

Il fut un temps où le nombre réduit des archers, limité au noyau d'hommes adultes qui héritait de la tradition de génération en génération n'impliquait aucune restriction dans l'accès à la compagnie. Or, la nouvelle population, dont l’augmentation est due essentiellement à des apports extérieurs,

s'intéresse de plus en plus à la fête emblématique du village. L'intégration volontaire immédiate n'est pas possible aux yeux des dirigeants de la compagnie. Elle mettrait à égalité un néophyte motivé,

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sans attaches anciennes à Rieux et un jeune Rivois descendant d'une longue chaîne de générations d'archers. Les principes du parrainage et de la mise à l'épreuve ont donc été institués. Un aspirant, sauf s'il a déjà tiré dans le groupe des petits ou des moyens, doit se trouver un parrain au sein de la compagnie et participer à la fête pendant deux ans avant d'être officiellement reçu comme membre.

L'entrée dans la compagnie n'est donc plus une simple formalité, pas plus qu'elle peut être assimilée à une adhésion à une association. La contrepartie de cette restriction est l'institution d'un rite public spectaculaire qui sanctionne aux yeux de tous l'aboutissement d'un long processus d'agrégation.

Les candidats natifs de Rieux, qui ont « tiré » depuis l’enfance peuvent alors s’avancer. Eux ne se sont vu imposer ni parrains ni stage probatoire. Leurs anciens sont leurs garants et toute leur vie

antérieure parle pour eux : « Depuis votre plus jeune âge et pendant de longues années, vous avez appris à tirer droit à l'oiseau et à porter honneur et respect au roi. Vous êtes déjà des archers confirmés. Cette année pour la première fois, vous allez avoir l'honneur de rivaliser avec vos aînés.

C'est avec grand plaisir que je vous accueille officiellement au sein de notre compagnie. Je vous remets donc ses statuts ». Chacun des nouveaux membres jure alors honneur et fidélité. Pour eux, il ne s’agit que d’une confirmation.

À l'autre bout de la fête, si l'on peut dire, une autre mise en scène est venue faire pendant, en 1996 et 1997, à l'intronisation. Dès l'élection du roi par la chute de l'oiseau de bois, le vainqueur reçoit des mains du monarque précédent les insignes de sa royauté (sceptre, couronne, manteau et cape) et une figurine représentant le roi du papogay qui pourra trôner pour toujours dans sa demeure, alors qu'elle abritera l'oiseau pendant un an seulement. Les deux années citées, les archers ont imaginé de mettre aux enchères la flèche victorieuse. Il lui ont confectionné un écrin qui permet de la présenter au public comme une relique et un trophée. La fête ne se termine donc plus par une dispersion rapide des présents mais se voit couronnée par une autre « cérémonie officielle » qui, en 1997, semble elle aussi être appelée à se fixer, avec toujours plus de « cachet ».

Pour renchérir encore dans ce sens, les organisateurs ont souhaité que la messe du dimanche matin ne soit plus une simple messe appréciée des croyants et fuie par les mécréants, mais une messe solennelle. Dans la suite logique de l'option choisie pour la musique de la fête, le choix s'est porté sur une grand-messe dite et chantée en occitan avec une chorale spécialisée dans les chants anciens à laquelle assistent les archers et tous les participants costumés (les autorités étant accueillies dans le choeur). Malgré la difficulté à trouver un prêtre qui sache et qui veuille dire une messe intégralement en occitan, l'innovation s'est imposée et la vieille cathédrale, signe d'une splendeur passée, reprend toute sa place dans la fête aux yeux des Rivois. La cour de l'ancien évêché, la cathédrale, les vieilles maisons à colombages devant lesquelles on se rassemble avant le départ du défilé : la Ville-Cité offre à la fête son décor monumental.

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[La mise en scène "historique" de la Cité implique le redoublement des signes d'appartenance à un passé glorieux présent dans le patrimoine actuel. Ainsi présente-t-on en effigie dans la fête, outre les objets liés au Papogay lui-même (l'oiseau de bois agrandi et/ou miniaturisé, la poupée du roi en costume et celles des petits archers) les monuments de carton qui défilent devant les vrais.]

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En 1997, l'évolution qui vient d'être décrite arrive à un tournant. Les responsables de la compagnie qui ont réussi à mener à bien ces changements en imposant un « cachet historique » à la fête s'interrogent sur la prochaine étape : ne faut-il pas éliminer tout ce qui contrevient à ce choix, et s'engager résolument dans une mise en scène historique de la vie de la cité le temps de la fête? Le point d'achoppement principal ne réside pas dans les nombreux anachronismes visibles dans les innovations déjà réalisées mais dans l'environnement de la fête tel qu'il existe depuis plusieurs générations. En effet, le premier week-end de mai accueille aussi les flonflons d'une fête foraine. La moitié du parcours du défilé et la phase décisive du tir à l'oiseau se déroulent au milieu des bruits des manèges, des tirs à la carabine et des autos-tampons. Cette cohabitation paraissait normale quand le décorum du rite importait très peu à ses acteurs. En 1997, elle est devenue incongrue. La question se pose du déménagement des forains ou, tout simplement, de la fin de leur présence (« Ils enlèvent du cachet à la fête »). Les responsables de la compagnie se prennent alors à rêver devant nous d'une vraie ville-cité, avec, pendant deux jours, un véritable « marché médiéval ». Les artisans et les

commerçants y figureraient en costume, des jeux « anciens » remplaceraient avantageusement sur la place les manèges modernes…

Malheureusement, les forains, ayant eu vent de ce projet, ont fait savoir qu'aucun d'entre eux ne reparaîtrait à Rieux si la concession de la fête de mai leur était supprimée. Or le Papogay n'est pas la fête patronale. Cette dernière a lieu en septembre : sans les forains, elle n'aurait plus de raison d'être. Les archers allaient devoir déployer des trésors d'imagination pour arriver à leurs fins sans affronter directement une corporation toute puissante dans l'industrie des fêtes locales. Nous étions persuadés, en 1997, que le mouvement était irréversible et qu’une mise en scène historique plus importante et plus cohérente allait occuper de plus en plus d'espace et de temps.

Mais le Papogay de 1998 réservait bien des surprises. Pour s’en tenir à la cérémonie finale, qui semblait destinée à se fixer rapidement et à l’éloignement souhaité de la fête foraine, toutes les prévisions se sont trouvées contredites. En mai 1998, la cérémonie finale est réduite à la remise des insignes, et elle a lieu en plein cœur de la fête foraine, sur un kiosque à musique certes, mais au milieu des flonflons assourdissants de manèges qui ne prennent même pas la peine de s’arrêter de tourner quelques minutes. Tout le reste a bien été maintenu, un ensemble supplémentaire de

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cabretas (cornemuses) et de hautbois a même été engagé, mais la désinvolture de ce final, jointe au manque de « rigueur » dans le défilé ne peuvent que déconcerter celui qui a été abreuvé avec insistance de grands discours sur le « cachet » de la fête.

Certes, à en croire nos interlocuteurs : « Tout peut se discuter, et on en discute sans arrêt à la compagnie, tout peut changer ». Devant notre étonnement face à si peu de rigidité dans le maintien d'un héritage présenté par ailleurs comme essentiel, la réponse fut toujours la même : « Tout peut se discuter mais il y a une chose qui ne changera jamais, c'est qu'à Rieux-Volvestre il y a un roi! ».

Comprendre cet adage, c'est se donner une chance d'expliquer ce mélange de rigueur et de laxisme, cette volonté d'historiciser la fête tout en accumulant sans sourciller les volte-face et les

anachronismes.

5. La Tradition et ses objets

« Le fait que nous ayons un roi, ça ne changera jamais, c'est le cœur de la vraie tradition. Et la tradition, c'est le plus important pour nous ». Dès que le discours évoque la tradition, il n'est plus question de dispositions à prendre, plus de cérémonial à programmer, à adapter, à modifier : « La tradition, c'est quand chacun sait ce qu'il doit faire ». Alors chacun est à sa place, quand il faut et où il faut : « Le boulanger, on n'a pas besoin de le lui dire, le matin de la fête il prépare les fougasses qui décorent la cuvée du roi (un tonneau de muscat généreusement ouvert aux archers tout au long de la journée). Il suffit d'aller les chercher. Les femmes, on n'a pas besoin de le leur dire. Je n'y pense même pas quand je m'habille pour défiler. La mienne arrive avec les fleurs qui ornent mon carquois (pivoines, genêts et lauriers). Elle sait depuis longtemps chez qui aller les cueillir. Les archers, par exemple, ils se mettent toujours à la même place sous le mât. Ils n'ont pas besoin de calculer. Chacun sait où il est par rapport aux autres. Les nouveaux apprennent en se plaçant à côté de leurs

parrains».

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Évoquer la tradition, c'est évoquer des gestes et des objets bien précis qui la perpétuent. Le discours s'oriente alors vers le « cœur de la tradition » : le tir à l'oiseau et il s'attache aussitôt à décrire les attributs indispensables de l'archer : les arcs et les flèches. Ils ont eux aussi une histoire, mais elle n'a rien à voir avec l'Histoire des historiens. Sa périodisation est gouvernée par la profondeur de la mémoire des acteurs actuels. S'agissant des flèches, par exemple, il y a un autrefois, à savoir le temps des grands-pères, quand ils allaient cueillir des baguettes qu'ils liaient en bottes et qu'ils faisaient tremper dans la rivière. À la bonne saison, les baguettes étaient mises à sécher et chacun façonnait les siennes pour en faire des flèches à la dimension requise. Puis il y a eu avant, il y a « dix ou quinze ans », quand un handicapé s'est proposé pour fabriquer des flèches pour tout le monde moyennant une compensation financière. Aujourd'hui enfin, chacun fait ses propres flèches et celles de ses fils.

C'est là la règle affichée, mais il y a aussi la possibilité de les acquérir auprès de la compagnie. Le tournage de ces flèches communes est en fait l'occasion de se réunir tout l'hiver (les flèches ne sont plus des baguettes récoltées, elles sont découpées dans des planches de bois). Chaque archer choisit ses couleurs par différence avec les autres. Son fils en choisira de semblables, avec une légère modification qui le distinguera à son tour.

La fabrication des arcs est présentée selon la même périodisation. À Rieux, ces instruments

indispensables ne font l’objet ni d’un discours technique ni d’un discours historique. C’est que nous sommes ici dans une Tradition qui a peu à voir, malgré les apparences, avec celle de l’archerie classique. Les changements perpétuels dans la fabrication des arcs ne sont pas perçus comme un

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obstacle à l’enracinement en profondeur de la Tradition. Peu importe à ces archers-là si l’on est passé en un demi-siècle, d’arcs en baguettes naturelles à des arcs tournés dans des planches puis à de simples bâtons. Tous ces tâtonnements ont été, pour les acteurs, guidés par une logique, une évolution collective, depuis le temps où chacun s’est mis à fabriquer lui-même son arc, qui les a conduits à un type d’arc-bâton (un bâton droit avec une boule-poignée en son centre) auquel ils souhaitent s’arrêter parce qu’il leur semble l’aboutissement d’une recherche inconsciente. Car ici il ne s’agit plus d’un rapport à l’Histoire mais d’un rapport direct à l’origine : « Nous avons eu l’occasion d’interroger des spécialistes des arcs du monde entier, ils nous ont dit que notre système de tir était sans doute très ancien. Sans le savoir nous avons fabriqué l’arc le plus primitif ». Par-delà l’histoire, vite évoquée, de l’introduction de l’arc dans les systèmes d’attaque des armées « modernes », c’est le premier geste de l’homme armé qui est aperçu. Ainsi certains membres actifs de la Compagnie sont-ils à la recherche de nouveaux témoignages de la proximité avec l’origine. Un regard sur les murs du salon de l’éducateur musicien suffit à le confirmer. Près d’un faisceau de flèches rivoises on peut distinguer un javelot africain (« il se rapproche beaucoup de notre arc-bâton ») et des flèches « zouloues » (« ou papoues, je ne sais plus. En tout cas, primitives. Je les ai vues dans une exposition et je les ai achetées. J’ai eu le coup de foudre : c’était exactement les nôtres! »). Un commentaire technique peut alors intervenir, mais uniquement en termes de comparaison et non d’efficacité : « Nous avons nous aussi une façon particulière de tenir nos flèches, par le bout d’étoupe de l’encoche et non par l’encoche comme les vrais archers…)

[La main sur la main de son fils, le père guide ses premières flèches...]

[...et son fils est le premier à le féliciter si jamais il décroche l'oiseau quand vient le tour des hommes adultes]

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Mais ce qui distingue de manière décisive et définitive les archers du Papogay des membres des compagnies d’archerie, c’est qu’à Rieux « en dehors de la fête, on ne touche pas aux arcs! ». Ici, on ne s’entraîne jamais, on essaie simplement les nouveaux arcs la veille du premier tir. C’est une règle d’or : sont exclus d’office ce qui se présenteraient avec des arcs de type sportif et ceux qui

s’exerceraient pour un vulgaire tir à la cible. Les anecdotes sur ce sujet sont sans cesse répétées à l’observateur étranger : « Il est arrivé que des amis me demandent de leur garder leurs arcs, le dernier soir de la fête. Un an après, ils sont revenus les chercher, ils les avaient oubliés! » Seuls les jeunes garçons sont autorisés à faire quelques gammes en dehors de la période rituelle car c’est là une occasion privilégiée pour les pères de parler à leurs fils du tir à l’oiseau.

Partant des objets, ils faut aller plus loin pour comprendre ce qui importe vraiment dans le rite. De même que l’on ne touche pas aux arcs entre deux Papogays, le roi ne « fait » strictement rien du moment de son couronnement, à la fin de la fête, jusqu’à l’aubade qui ouvre celle de l’année suivante, contrairement à ses prédécesseurs de l’Ancien Régime qui organisaient la vie de la compagnie pendant un an. En fait son triomphe a lieu juste avant le couronnement du roi qui lui succédera. Le cœur de la Tradition c’est ici le passage du pouvoir et non l’exercice du pouvoir lui- même. Les seules obligations du roi de l’année sont de repeindre le papogay qu’il peut exposer chez lui, d’assister à l’Assemblée Générale de la Compagnie réunie chaque mois de novembre, au cours de laquelle seront enregistrées et parrainées les demandes de nouveaux candidats à l’intronisation.

Enfin, il devra offrir la collation qui suivra l’aubade du premier vendredi de mai.

On ne s’entraîne pas au tir, la fonction principale du roi de l’année est de n’en exercer aucune : comment expliquer alors que la compétition soit si vive et que la place du roi soit aussi convoitée?

Ces interrogations imposent que l’on s’intéresse de plus près au mode de désignation du roi. Plus prosaïquement : qui fait tomber le papogay ? Comment distinguer parmi les centaines de flèches projetées à une hauteur considérable par des archers totalement inexpérimentés utilisant des arcs de pacotille celle qui, après des dizaines d’impacts, a porté le coup décisif ? La première réponse est toujours : « Les flèches ont des couleurs différentes ». Si l’on argue du fait qu’il est totalement impossible de les distinguer à une telle distance, l’autre réponse, définitive, surgit aussitôt : « Celui qui l’a fait tomber le sait. En fait, on n’a jamais eu à regarder la flèche pour vérifier. Le vainqueur met tant d’enthousiasme quand il a touché que l’on sait que c’est lui ». Et la plupart du temps, comme on dit à Rieux : « Ça tombe bien! ». On n’y a pas souvenir de contestations de la victoire. Cela peut paraître étrange. Mais nous avons assisté, en 1996, à une bien curieuse scène. Après presque deux heures d’essais infructueux, le Papogay chute soudain. Or, deux clameurs s’élèvent. Un tout jeune homme intronisé le matin même a cru toucher l’oiseau, tout comme un homme jeune, mais avec quelques années d’expérience, qui laisse aussi exploser sa joie. Chacun croit sincèrement avoir atteint le but. Le tout jeune homme est alors entouré par de plus anciens qui lui expliquent que son manque d’habitude a dû lui jouer des tours, qu’il est très difficile la première fois de distinguer l’impact des ses propres flèches. En quelques secondes, le jeune tireur n’est plus très sûr de lui.

Devant la joie de celui que l’on porte déjà en triomphe, il n’est plus sûr de rien du tout, il ravale ses larmes et rejoint le cortège du seul roi de l’année. Ce dernier, rugbyman, jeune père de famille et membre actif de la compagnie connaît une apothéose bien méritée… Tous les acteurs ont sans aucun doute été sincère au cours de ce bref épisode. La désignation du vainqueur n’est au fond que

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l’aboutissement d’une suite de gestes « traditionnels » où l’initiative individuelle, si peu assistée par une « technique » quasi inexistante, a peu de part dans le résultat.

Le secret de la Tradition est là : c’est l’oiseau, c’est le papogay qui choisit le nouveau roi. La preuve en est que si l’on a trop de mal à déloger l’oiseau de bois, on peut toujours secouer un peu le mât pour que la chose soit rendue plus facile. Mais si l’oiseau tombe tout seul (c’est déjà arrivé), alors aucun nouveau roi ne sera désigné, cette année-là.

[Il y a un "Roi des Petits"]

[Il y a un "Roi des Moyens"]

Cette place centrale de l’oiseau, cette raison d’être ultime de la Tradition, qui motiverait une autre analyse, les Rivois l’ont mise en scène de manière assez naïve et très significative en 1998. Un grand bruit s’est fait entendre en haut de la tour qui surplombe la scène où a lieu la cérémonie

d’intronisation. Au moment où le roi désigné l’année précédente allait dire quelques mots pour la première fois, un homme déguisé en papogay a surgi de l’escalier de la tour au milieu d’un nuage de fumée rouge et noire. Il s’est saisi du micro, a écarté assez violemment un roi visiblement non

prévenu et s’est mis à répéter d’une voix caverneuse : « Je suis le papogay, n’oublie pas que c’est moi qui t’ai fait roi. Sans moi, tu ne serais rien! ». Cette irruption intempestive a perturbé comme à dessein l’ordonnancement réglé de la cérémonie « historique » d’invention récente. Son « mauvais goût » même soulignait de manière dérangeante le malaise ressenti par ceux qui ne parviennent pas sans heurt à habiller d’Histoire la transmission de la Tradition.

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[Mais il n'y a qu'un seul "Roi du Papogay"]

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[Photos : Dominique BLANC et Béatrice BLANC FRANTZ Rieux-Volvestre : 1995, 1996 et 1997.]

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