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UNIVERSITÉ LIBRE DE BRUXELLES

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Academic year: 2021

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Texte intégral

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Faculté de Philosophie et Lettres

L’encens et le luminaire dans le haut Moyen Âge occidental Liturgie et pratiques dévotionnelles

Catherine G

AUTHIER

Thèse présentée en vue de l’obtention du grade académique de

Docteur en Histoire, art et archéologie, sous la direction de Monsieur

Jean-Marie S

ANSTERRE

Année académique 2007-2008

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À l’issue de ce travail, je tiens avant tout à remercier chaleureusement M. Jean- Marie Sansterre, promoteur de cette recherche, qui l’a suivie pas à pas depuis les débuts jusqu’à l’aboutissement. Qu’il trouve par ces mots l’expression de ma reconnaissance pour sa disponibilité, ses conseils judicieux et attentifs, ses relectures patientes et pertinentes. Il m’est agréable de remercier, tant pour leurs encouragements que pour leurs lectures critiques, MM. Devroey et Dierkens qui m’ont conseillée chaque fois que je les ai sollicités et ont toujours pris le temps de discuter de l’un ou l’autre point avec moi.

Ce travail a été entamé dans le cadre d’un mandat d’Aspirant du Fonds National de la Recherche Scientifique et s’est achevé grâce à un remplacement intérimaire d’assistance en Histoire à l’Université Libre de Bruxelles. Toute ma gratitude va à M. Jean-Pierre Devroey et au Fonds de Meurs-François qui ont permis que je mène cette recherche doctorale à son terme dans les meilleures conditions qui soient.

Au cours de cette recherche, il m’est arrivé de solliciter l’avis de spécialistes qui m’ont toujours répondu favorablement, ils trouveront dans la suite de ces pages l’expression de ma reconnaissance.

Mes remerciements s’adressent également à mes lecteurs attentifs : Hélène Denayer, Joëlle et Marie-Pierre Gauthier, Marie-Aline Laurent, Benjamin Moulet et Vincent Vandenberg. Je remercie pour leur aide informatique Gilles Gisseleire et Benjamin Moulet ; Illaria Faccin et Marie-Aline Laurent pour leur aide en italien ; les bibliothécaires de la BSH pour leur compétence et leur efficacité.

À mes collègues et amis, qui ont allégé et égayé mon quotidien de chercheuse : Paulo Charruadas, Bénédicte De Meyer, Bibiane Fréché, Sophie Glansdorff, Isabelle Lacourt, Marie-Aline Laurent, Benjamin Moulet, Fabienne Scandella, Vincent Vandenberg, merci.

Je remercie mes proches qui par leur soutien discret et indéfectible m’ont aidée tout au

long de ces années, je vous dédie ces pages avec affection.

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I

N T R O D U C T I O N G É N É R A L E

11

R

E M A R Q U E S P R É L I M I N A I R E S

45

P

R E M I È R E

P

A R T I E

: L

E S

S

O U R C E S L I T U R G I Q U E S

Chapitre 1 : Présentation critique des sources liturgiques 77 Chapitre 2 : Les usages de l’encens et du luminaire dans l’eucharistie 125 Chapitre 3 : Les usages de l’encens et du luminaire

dans la liturgie pascale 165

Chapitre 4 : Les usages de l’encens et du luminaire dans la dédicace 231 Chapitre 5 : Encore des usages de l’encens et du luminaire

dans les sources liturgiques 279 D

E U X I È M E

P

A R T I E

: L

E S

S

O U R C E S N O N

-

L I T U R G I Q U E S

Chapitre 6 : Les sources non-liturgiques : présentation des dossiers 321

Chapitre 7 : Tours 347

Chapitre 8 : Reims 429

Chapitre 9 : Auxerre et Saint-Riquier 483

C

O N C L U S I O N

G

É N É R A L E

521

S

O U R C E S E T

B

I B L I O G R A P H I E

545

A

N N E X E S

585

XX planches

T

A B L E D E S

M

A T I È R E S

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all. allemand(e)

angl. anglais(e)

ap. après

av. avant

arr. arrondissement

c. ou chap. chapitre

ca. circa

col. colonne(s)

cf. confer

dép. département

dir. directeur

ead. eadem

éd./éds. éditeur(s) ou édition f° folio

fasc. fascicule

fig. figure

fr. français

ibid. ibidem

id. idem

ital. italien(ne)

l. livre ou ligne

ms. manuscrit

mss manuscrits

n. note

n° numéro

or. origine

OR ordo romanus/ordines romani

p. page

pp. pages

pl. planche

r° recto resp. respectivement

rév. révisé(e)

s. siècle

sv. suivante(s)

sq. sequentur

t. tome

trad. traduit/traduction v. vers

v° verso

vol(s). volume(s)

AA SS : Acta Sancorum quotquot tot orbe coluntur AA. SS. OSB. : Acta sacntorum Ordinis Sancti Benedicti BHL : Bibliotheca Hagiografica Latina

CC SL : Corpus Christianorum, Series Latina

CC CM : Corpus Christianorum, Continuatio Medievalis CCM : Cahiers de Civilisation Médiévale

CCM : Corpus consuetudinum monasticorum

CSEL : Corpus Scriptorum Ecclesiasticorum Latinorum DACL : Dictionnaire d’Archéologie Chrétienne et de Liturgie EL : Ephémérides Liturgicae

HBS : Henry Bradshaw Society Publications LdM : Lexicon des Mittelalters

LQF: Liturgiewissenschaftliche Quellen und Forschungen LTK : Lexikon für Theologie und Kirche

MGH : Monumenta Germaniae Historica AA : Auctorum antiquissimorum

SRM : Scriptorum rerum Merovingicarum SS : Scriptores

NCE : New Catholic Encyclopedia

PL : Patrologia Cursus Completus, Series Latina RBPH : Revue belge de philologie et d’histoire RB : Revue bénédictine

SC : Sources chrétiennes

SEA : Statuta Ecclesiae Antiqua

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SF : Spicilegium Friburgense ST : Studi e Testi

Remarques sur la bibliographie et les références Pour éviter d’alourdir inutilement les notes de bas de pages :

• La numérotation des notes recommence à chaque chapitre. Les références bibliographiques également, pour éviter au lecteur de remonter trop haut dans le texte pour retrouver une référence complète. Toutefois, ceci ne s’applique pas aux sources récurrentes qui ont été abrégées. On trouvera la résolution de ces abréviations dans le texte, lors de leur première apparition, et dans la bibliographie (vol. II).

• Les références latines sont citées telles que dans leurs éditions (taille et caractère de police) sans l’apparat critique ; à l’exception des poèmes où les strophes sont séparées par /.

• Les références [pl. , fig.] renvoient aux illustrations dans le second volume.

• Les mentions infra et supra indiquent des renvois au sein d’un même chapitre.

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I NTRODUCTION

I. Le sujet : définition et intérêt

C’est un poncif de dire que la vie médiévale est encadrée par l’Église.

Mais ce l’est déjà moins de préciser que celle-ci est rythmée par la liturgie, tant cette dernière reste encore un domaine inhabituel pour les historiens. Mais qu’est- ce au juste que la liturgie ? Le mot liturgie signifie étymologiquement « service public », et par extension « service du culte ». Ce mot n’est pas utilisé dans le Moyen Âge occidental, où l’on utilise les expressions divina officia ou ecclesiastica officia

1

. Dans son acception actuelle, apparue au XVI

e

siècle, la liturgie désigne les moyens de communication avec le divin, c’est un ensemble de rites, de prières et de sacrements prescrits par l’Église ; c’est encore le rituel mis en place par l’Église

2

. Les dictionnaires spécialisés du Moyen Âge sont plus précis et insistent sur l’importance structurante de la liturgie : « Ensemble des principes établissant le déroulement des actes cultuels et de la relation au sacré. Fortement marquée de sens symbolique, de nécessités matérielles et de traits culturels, la liturgie et ses règles évoluent durant tout le Moyen Âge et forment un des aspects de distinction entre les communautés »

3

. La liturgie sera donc considérée dans ce

1 Pour une présentation des questions relatives à la définition de la liturgie voir : Éric PALAZZO, Liturgie et société au Moyen-Âge, Paris, 2000,pp. 12-15.

2 La définition de l’Encyclopedia Universalis 2002 : « En religion, la liturgie est l’ensemble des règles définissant le déroulement d’un culte ». La définition du Petit Robert 2007 est plus restrictive : « Culte public et officiel institué par l’Église ».

3 « Liturgie », dans François-Olivier TOUATI (dir.), Vocabulaire historique du Moyen Âge : Occident, Byzance, Islam, Paris, 2002, pp. 184-185.

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travail comme l’ensemble des rites mis en place par l’Église catholique au Moyen Âge. Jean-Claude Schmitt définit ainsi le rite : « il est une suite ordonnée de gestes, de sons et d’objets mis en œuvre par un groupe social à des fins symboliques. (...) un rite suppose ou, pour mieux dire, construit dans son déroulement l’espace (une église, une place, une salle de banquet, la lice d’un tournoi etc.) et le temps (sa durée totale, ses rythmes, les pauses et, en particulier, les moments de plus grande intensité) qui lui sont propres. Un rite est pluridimensionnel, à la fois gestuel, vocal, vestimentaire, emblématique, et il comporte la manipulation d’objets symboliques. Il est ordonné en actions successives et hiérarchisées, qui comportent fréquemment la répétition solennelle de gestes ou de formules (bénédictions, encensements et aspersions, litanies, etc.) qui prolongent le rite, retiennent l’action, ajoutent à sa solennité, en dramatisent les moments essentiels »

4

.

Les anthropologues

5

ont été les premiers à montrer l’importance de la religion en tant que concept social. Ce dernier suppose que les représentations, les rituels et les symboles religieux traduisent des appartenances sociales, des formes de vie en communauté, légitiment des modes d’organisation politiques et sociaux.

Ils ont aussi montré que le rite structure la société, et qu’il est un facteur d’unification sociale. Le rite ne fonctionne que par la récurrence des acteurs, des mots, des objets, des temps, des lieux, comme autant de gages d’une stabilité rassurante et qui, dans une orchestration savante, permettent l’efficacité du rite

6

. Jean-Claude Schmitt poursuit sa définition du rite en qualifiant l’Église au Moyen Âge « comme première instance productrice de rituels »

7

, parce qu’elle se réserve les rites jugés les plus importants puisque ce sont ceux qui permettent de communiquer avec l’au-delà. La fonction de médiation du rite est en effet essentielle : par l’intermédiaire de ceux qui maîtrisent le rituel, les hommes d’Église, les laïcs espèrent bénéficier du salut divin pour leur âme, la santé dans

4 Jean-Claude SCHMITT, « Rites », dans Jacques LE GOFF et Jean-Claude SCHMITT (dir.), Dictionnaire raisonné de l’Occident médiéval, Paris, 1999, pp. 969-984, p. 969.

5 Sur l’importance et l’apport de l’anthropologie et de la sociologie à l’histoire de la liturgie ; et pour des références aux articles fondateurs voir Éric PALAZZO, « Religion et liturgie », dans Jean- Claude SCHMITT et Otto Gerhard OEXLE (dir.), Les tendances actuelles de l'histoire du Moyen Âge en France et en Allemagne. Actes des colloques de Sèvres (1997) et Göttingen (1998), Paris, 2003, pp. 227-229, p. 228 ; ID., Histoire des livres liturgiques. Le Moyen-Âge. Des origines au XIIIe siècle, Paris, 1993, pp. 23-24.

6 Éric PALAZZO, Liturgie et société, op. cit., pp. 13-14.

7 Jean-Claude SCHMITT, « Rites », op. cit., p. 976.

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leur corps ou la réussite de leurs entreprises. En ce sens, l’Église est bien, selon l’expression de Jean-Claude Schmitt « l’"agence rituelle" par excellence

8

».

L’Église en régissant la liturgie, tient en ses mains tous les moments clés de la vie sociale médiévale ; ce qui ancre son pouvoir dans la société.

L’intérêt de l’étude de la liturgie pour l’histoire médiévale apparaît dans les définitions données à l’instant. À une époque où le corps social et presque tous ses membres se reconnaissent comme chrétiens, la liturgie, moyen de rendre culte à Dieu, occupe une place centrale

9

. Pourtant, la liturgie médiévale a longtemps été considérée, principalement en France, comme un domaine de recherche

« réservé » aux ecclésiastiques

10

. L’étude (francophone) de la liturgie médiévale aura été longtemps le domaine presque exclusif des théologiens et des historiens de l’Église qui se préoccupaient essentiellement de l’édition des grands textes de la liturgie occidentale et de la mise en avant de l’histoire de ces livres sans intégrer les courants de l’historiographie tels que l’histoire des mentalités, l’histoire sociale ou encore l’anthropologie historique

11

. Cette situation était en partie due à la séparation entre l’Église et l’État qui a cantonné les recherches aux milieux ecclésiastiques ; la situation en Allemagne est différente. L’histoire de la liturgie ou la Liturgiewissenschaft n’a pas connu cette séparation, et elle fut très tôt enseignée dans les universités au sein des départements d’histoire et de théologie. Si bien que la Liturgiewissenschaft acquit très tôt un statut indépendant de « science humaine », ouverte aux tendances historiques les plus diverses. Dès la première moitié du XX

e

siècle, des historiens allemands ont utilisé la liturgie pour des recherches en histoire sociale ou politique. Mais, depuis une trentaine d’années, les historiens français ont intégré les apports des sciences sociales et de

8 Loc. cit.

9 Pierre-Marie GY, « Liturgie », dans Claude GAUVARD, Alain DE LIBERA, Michel ZINK (dir.), Dictionnaire du Moyen Âge, Paris, 2002, pp. 835-837.

10 Sur l’historiographie de l’étude de la liturgie et son apport à l’histoire médiévale voir l’ouvrage précurseur de Ernst H. KANTOROWICZ, Laudes Regiae. A Study in Liturgical Acclamations and Medieval Ruler Worship, Berkeley et Los Angeles, 1946, préface (trad. franç. par Alain WIJFFELS, Laudes Regiae. Une étude des acclamations liturgiques et du culte du souverain au Moyen Age, Paris, 2004) ; Éric PALAZZO, « Religion et liturgie », op. cit., passim ; ID., Liturgie et société, op.

cit., pp. 11-16 etID., Le Moyen Âge, op. cit., pp. 21-43. On se reportera également à ce dernier ouvrage pour des informations sur les différents auteurs et éditeurs de sources liturgiques qui seront cités dans ce travail.

11 Les liturgistes se plaçaient ainsi dans un courant qui remonte au XIXe siècle et qui a été relancé par le Concile Vatican II et sa volonté de retour à la « tradition » liturgique. Ce qui eut pour effet de relancer la recherche sur les textes liturgiques et sur leur tradition manuscrite.

(14)

l’anthropologie

12

: or, le Moyen Âge est pétri de rites, notamment par l’omniprésence de l’Église et de sa liturgie. D’où l’importance de connaître cette liturgie si l’on veut comprendre la société médiévale. L’étude de la liturgie n’est donc plus seulement cantonnée à l’étude des livres liturgiques mais elle est devenue une branche de l’histoire médiévale.

Avec ce renouveau historiographique, les historiens ont montré l’intérêt d’étudier la liturgie dans toutes ses composantes et de se détacher de la liturgie

« officielle » telle qu’elle est décrite dans les sources liturgiques. L’approche classique, préalable indispensable

13

, doit être complétée par une approche plus large qui se rapporte aussi aux rites moins officiels voire marginaux – comme les rites de la « religion populaire » – et qui surtout s’interroge sur la réception de la liturgie « officielle » par le peuple des chrétiens et la question du vécu liturgique.

Éric Palazzo, dans un ouvrage essentiel sur l’importance de la liturgie pour la compréhension de la société médiévale

14

, dit : « il s’agira ainsi de déterminer dans quelle mesure la liturgie contribue à constituer et à définir la société médiévale.

C’est en quelque sorte la vision, à travers la liturgie, des hommes du moyen âge et de la société dans laquelle ils évoluent que l’on a essayé de cerner. Pour ce faire, il est paru utile d’élargir quelque peu le concept même de liturgie, généralement associé aux seuls rites de l’Église. C’est ainsi que l’on a été attentif aux manifestations dévotionnelles pratiquées par des clercs ou des laïcs à côté de leur participation à la liturgie à proprement parler »

15

. C’est cet élargissement que nous nommons paraliturgie : l’ensemble des pratiques qui impliquent des éléments liturgiques mais qui ne sont pas strictement utilisés dans les rites de l’Église ou par les ecclésiastiques.

On se rend compte alors que des sources connues mais utilisées dans cette nouvelle perspective apporte des informations surprenantes tant sur les rites paraliturgiques que sur la réception par les fidèles de la liturgie « officielle »

16

.

12 Voir supra n. 5.

13 L’approche renouvelée de l’histoire de la liturgie ne saurait être possible sans le travail des grands érudits qui ont édité les sources liturgiques.

14 Éric PALAZZO, Liturgie et société au Moyen Âge, Paris, 2000.

15 Ibid., pp. 15-16.

16 Gérard ROUWHORST, « La célébration de l’eucharistie selon les Actes de Thomas », dans Marc SCHNEIDERS, Charles CASPERS et Herman A.J. WEGMAN, Omnes circumadstantes : contribution towards a history of the role of the people in the liturgy : presented to Herman Wegman on the occasion of his retirement of the chair of History of liturgy and theology in the Kath. Universiteit

(15)

L’outil le plus évident de cette approche renouvelée est constitué par les sources hagiographiques, mais nous verrons que d’autres types de sources apportent aussi des informations pertinentes sur les pratiques liturgiques et dévotionnelles.

Le rite n’est efficace que dans la stabilité et la présence de tous ses éléments. À ce titre, l’étude des éléments constitutifs du rituel est intéressante : comment leur présence ou leur absence structurent-elles le rite ? L’encens et le luminaire font partie de ces éléments certes secondaires mais sans lesquels le tableau serait incomplet. Très souvent présents dans la liturgie – et leur absence est significative –, ils participent au bon déroulement du rite, notamment en liant les « ingrédients » entre eux. Présentons maintenant de façon plus détaillée, ce qu’il faut entendre par encens et luminaire.

Le terme « encens »

17

du latin incensum (chose brûlée), est en français comme en latin polysémique. Il désigne dans son sens le plus large tout matériau qui brûle en produisant une fumée odorante. Le parfum ainsi créé est également désigné par le mot encens. Le plus souvent, ce matériau est composite, il s’agit d’un mélange de différentes matières végétales comme des racines, des graines, des écorces, des résines et des gommes. Ces deux dernières sont elles aussi désignées par le terme encens. Enfin, une dernière ambiguïté s’ajoute puisque, en français comme en latin, une résine spécifique est aussi appelée encens. Il s’agit de la résine appelée autrement oliban. C’est le nom scientifique du « vrai encens », qui permet de le distinguer des autres résines, en particulier de la myrrhe. En effet, myrrhe et oliban sont deux des ingrédients principaux de tout encens. Provenant des mêmes régions et vendus sur les mêmes marchés, ils sont souvent déjà mélangés. Dès lors, les confusions sont aisées, et il est difficile lorsque le terme incensum est utilisé dans une source de savoir de quelle matière il s’agit exactement. Quand on parle du pays de l’encens, de la route de l’encens et du commerce de l’encens il faut le comprendre dans le sens de gommes-résines,

Utrecht, Kampen, 1990, p. 51 insiste également sur l’importance du vécu liturgique et de la prise en compte de la diversité des sources. Sur la question du vécu liturgique et de ses rapports avec la foi voir les mises en garde et l’introduction de Éric Palazzo, « Les médiations liturgiques » dans Transmettre la foi au Moyen Âge, Annales. Histoire, Sciences sociales, 53e année, n°6, nov-déc 1998, pp. 1131-1142.

17 Nous nous intéressons ici à la question moderne et non aux connaissances médiévales.

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sans désigner l’oliban en particulier

18

. Cette polysémie ne constitue toutefois pas un handicap puisque, pour les hommes du Moyen Âge comme pour nous aujourd’hui, ce qui importait était le mélange odorant, l’encens dans son acception la plus large.

Ces résines et gommes sont produites par des arbustes et des arbres de la famille des térébinthacées ou burséracées [pl. I, fig. 1]. Cette famille tropicale compte plus de six cents espèces et se caractérise par des canaux sécréteurs qui libèrent la gomme-résine quand on les entaille [pl. III, fig. 4]. L’encens est extrait des arbres du genre Boswellia, dont on a répertorié vingt-cinq espèces ; la myrrhe est produite par le genre Commiphora

19

. D’apparence, les résines et les gommes se ressemblent mais elles diffèrent par leur composition chimique. Les résines sont insolubles dans l’eau mais solubles dans l’alcool tandis que les gommes, insolubles dans l’alcool, le sont partiellement dans l’eau. Les gommes-résines insolubles dans l’eau ou l’alcool pur se dissolvent dans un mélange d’eau et d’alcool chauffé. Dans ces gommes-résines, le principe odorant est contenu dans une petite quantité d’huile essentielle. Pour être plus précis, il faut donc désigner l’oliban comme une oleo-gomme-résine

20

. Les analyses chimiques contemporaines ont montré la complexité chimique de ce composé et ont révélé ses vertus thérapeutiques qui sont connues empiriquement depuis l’Antiquité : effet psychotrope, anti-inflammatoire, antiseptique et respiratoire.

L’oliban est caractérisé par une série d’acides triterpenoïdes inhabituels qui incluent des dérivés acétates de l’acide α-boswellique et de l’acide β- boswellique

21

. C’est surtout l’effet apaisant qui était connu, on suppose aujourd’hui qu’il est dû à une substance psychoactive qui se forme par des

18 Nigel GROOM, Frankincense and Myrrh. A Study of the Arabian Incense Trade, Londres, 1981, p. 13 ; Dominique CHAMPAULT, Pascal et Maria MARÉCHAUX, La route de l’encens, Paris, 1996, p. 10 ; Roger E. REYNOLDS, « Incense » dans Joseph R. STRAYER (éd.), Dictionary of Middle Ages, New-York, 1985, pp. 431-432, E. PAX, « Weihrauch » in Michael BUCHBERGER (éd.), LTK, Freiburg, col. 990 et sv. ; J.J MAC GARRAGHY, « Incense » dans New Catholic Encyclopedia, New-York, 1967-1979, pp. 417 et sv. Sur la route de l’encens voir en dernier lieu : David PEACOCK et David WILLIAMS (éd.), Food for the Gods. New Light on the Ancient Incense Trade, Oxford, 2007 ; Ann C. GUNTER (éd.), Caravan Kingdoms. Yemen and the Ancien Incense Trade, Washington, 2005.

19 Nigel GROOM, Frankincens and Myrrh, op. cit., p. 100.

20 Dominique CHAMPAULT, La route de l’encens, op. cit., p. 10.

21 Pim F. VAN BERGEN, Torren M. PEAKMAN, Elizabeth C. LEIGH-FRIBANK et Richard P. EVERSHED, « Chemical evidence for archaeological frankincense : boswellic acids and their derivatives in solvent soluble and insoluble fractions of resin-like materials », dans Tetrahedron Letters, vol. 38, n°48, pp. 8409-8412.

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transformations chimiques. Mais l’oliban a aussi des vertus anti-inflammatoires.

Testées en milieu clinique, des préparations à base d’acide boswellique ont donné de meilleurs résultats dans le traitement de rhumatismes articulaires que les thérapies traditionnelles à la cortisone

22

. D’autres vertus antiseptiques permettent une utilisation externe sur les blessures ou interne en inhalation contre des affections respiratoires. Un autre mode d’administration est le gargarisme qui permet de traiter les infections de la gorge et de la bouche

23

.

Dès l’Antiquité, on a cherché à classifier les différentes espèces de Boswellia pour savoir laquelle produisait la meilleure qualité d’oliban.

Nigel Groom retrace ces différents classements qui se sont poursuivis jusqu’à l’époque moderne

24

. Il serait inutile de reprendre ici son travail, mais non sa conclusion, selon laquelle la lumière n’a pas encore été faite dans ce domaine car aucune étude scientifique exhaustive n’a encore été menée

25

. Il n’est pas intéressant pour notre travail de s’étendre sur les différentes espèces de Boswellia, d’autant qu’elles transitent toutes par l’Arabie et que, sur les marchés, on ne faisait probablement pas la distinction entre elles (sauf peut-être entre un mélange de différents encens et de l’oliban pur)

26

. L’espèce qui produit le meilleur oliban est le Boswellia sacra [pl. I, fig. 1], ses caractéristiques sont communes à tous les encensiers.

Outre leur répartition géographique que nous aborderons plus bas, les encensiers ont en commun d’être de petite taille (de 3 à 5 mètres) et, souvent, de

22 Michael PFEIFER, Der Weihrauch. Geschichte, Bedeutung, Verwendung, Regensburg, 1997, p. 13.

23 Miriam POLUNN et Christopher ROBBINS, La pharmacie naturelle. Un guide illustré de la médecine par les plantes, trad. Patricia Mathieu, Genève-Paris, 1993, p. 90.

24 Nigel GROOM, Frankincense and Myrrh, op. cit., pp. 96-108.

25 La lecture des différents articles sur les encensiers ne nous a de fait pas éclairé sur les différentes espèces tant ils sont confus. Signalons que N. Groom ne mentionne pas cet article intéressant : Théodore MONOD, « Les arbres à encens dans le Hadramaout (Yémen du Sud) », dans Bulletin du Museum national d’histoire naturelle, Paris, 9ème série, 1, 1979, Section B n°1, pp. 131-169.

M. Pfeifer quant à lui élude la question. Depuis la publication du livre de Nigel Groom, il n’existe à notre connaissance pas d’autres articles qui viendraient apporter une réponse.

26 Pour plus d’informations sur la botanique, on peut lire : Georges BIRDWOOD, « On the genus of boswellia », in Transactions of the linnean society, n°27, 1870, pp. 111-148 ; J. CARTER, « A description of frankincense tree of Arabia with remarks on the misplacement of the

“Libanophorous region” in Ptolemy's geography », in Journal of the Bombay royal branch of the royal Asiatic society of Great Britain and Ireland, n°2, 1848 (1969), pp. 380-390 ; F. Nigel HEPPER, « Arabian and frankincense trees » in Journal of Egyptian archaeology, n°55, 1969, pp. 66-72 ; Théodore MONOD, « Les arbres à encens dans le Hadramaout (Yémen du Sud) », op.

cit. ; Gus W. VAN BEECK, « Frankincense and myrrh in South Arabia » in Journal of the American oriental society, n°78, 1958, pp. 141-152 ; Nigel GROOM, « The frankincense region », dans Proceedings of the 10th seminar, Cambridge, 1976.

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ne pas posséder de tronc unique, ce qui leur donne l’apparence d’un buisson. Les feuilles apparaissent à la fin de l’automne, sont plus grandes au sommet qu’à la base et ont une texture feutrée et duveteuse. Les fleurs éclosent au printemps, elles poussent sous forme de grappes de couleur blanche ; au début de l’été, les fleurs devenues rouge pâle laissent la place à des baies à noyaux. C’est à ce moment, à la saison chaude, qu’on incise l’écorce des branches et des troncs pour récolter l’oliban

27

. La gomme-résine, distillée par un système de canaux, ne peut être accessible que par saignée dans la partie profonde de l’écorce [pl. III, fig. 4]. La saignée est réalisée à l’aide d’un outil à deux lames, l’une coupante, l’autre émoussée, implantées de part et d’autre d’un manche

28

. La lame tranchante opère les incisions dans l’écorce, la lame mousse agit comme un racloir pour détacher les concrétions de résine. De cette entaille fraîche viennent sourdre immédiatement des perles visqueuses, blanches et opaques. Cet aspect est à l’origine même du mot oliban.

En hébreu, deux mots différents désignaient l’encens mais ils devinrent rapidement synonymes. Le premier, lebonâh, désigne le vrai encens, la racine sémitique lbn signifiant blancheur, pureté et réfère directement à la consistance de l’encens et à sa qualité. Le second, ketôreth, signifie encens, dans le sens mélange destiné à être brûlé pour dégager un parfum. La Septante traduit lebonah par λιβανος et λιβανωτος, la Vulgate par thus. La Septante traduit kethoret généralement par θυµιαµα ou θυµιαµατα, la Vulgate par thymiama, incensum, et à tort par thus

29

. Il semble qu’au haut Moyen Âge, incensum, thus, (o)libanum et thymiama soient utilisés de façon synonyme, t(h)us conservant peut-être une suprématie pour désigner l’oliban

30

.

Composées de résine, de gomme et d’huile, les gouttes se solidifient par évaporation de l’huile et forment des blocs de formes irrégulières appelés larmes

27 Pour la récolte : E. FRANQUINET, « Wierook » in Wetenschappelijke tijdingen, 33, 1974, col. 195 et sv., col. 195-196 ; Dominique CHAMPAULT, La route de l’encens, op. cit., pp. 39-41 ; Théodore MONOD, « Les arbres à encens dans le Hadramaout (Yémen du Sud) », op. cit., pp. 149-150 ; Michael PFEIFER, Der Weihrauch, op .cit., p. 12.

28 Il est décrit avec précision par Théodore MONOD, « Les arbres à encens dans le Hadramaout (Yémen du Sud) », op. cit., p. 149.

29 E. FEHRENBACH, « Encens » dans dom Fernand CABROL et dom Henri LECLERCQ (éd.), DACL, t. 5, vol. 1, col. 2 et sv., col. 2-3 ; Nigel GROOM, Frankincense and Myrrh, op. cit., p. 13 ; Michael PFEIFER, Der Weihrauch, op. cit., pp. 17-18.

30 Les recherches dans les différents dictionnaires de latin ont été infructueuses, c’est toujours encens qui est donné comme traduction, sans précision entre les différents sens possibles.

(19)

ou perles [pl. III, fig. 5]. Pour éviter la cicatrisation de l’écorce et augmenter la production, l’entaille est approfondie dans les semaines suivantes jusqu’à ce que la veine se tarisse. Entre chaque incision qui ravive la plaie, les perles solidifiées sont cueillies et triées. Les larmes les plus pâles et les plus régulières sont les plus prisées, les raclures impures, c’est-à-dire mêlées de parcelles d’écorce, de poussière ou de cailloux forment l’oliban de dernier choix. Les différentes qualités sont conditionnées en jarres ou en tonneaux pour le transport

31

.

Les informations sur la durée de cette récolte sont contradictoires. La production varierait en fonction des conditions climatiques de l’année et de l’arbre. Pour un sujet moyen on estime qu’on peut raviver la plaie une dizaine de fois, à environ une semaine d’intervalle. La récolte d’été s’achèverait avec l’arrivée des pluies de la mousson (juillet-août). Quand la demande en oliban est très forte, une deuxième récolte peut avoir lieu au printemps. Dans ce cas, les arbres sont entaillés au mois de novembre et la collecte des larmes, qui sont plus lentes à se coaguler, se fait au mois de février

32

. Selon M. Pfeifer, une récolte produirait pour un arbre de taille moyenne 500 grammes d’oliban et un temps de repos de un ou deux ans serait nécessaire entre chaque récolte

33

.

L’aire de répartition des encensiers

34

s’étend en Inde, en Afrique du Nord- Est (Somalie, Éthiopie) et en Arabie du Sud [pl. II, fig. 2]. C’est cette dernière région qui nous concerne le plus, elle est connue depuis l’Antiquité comme la principale zone d’exportation, mais ceci est peut-être dû au fait que le commerce des autres aires de production était aussi aux mains des Arabes

35

. La majorité de la zone s’étend sur la côte sud de la péninsule arabique, dans le Yémen et l’Oman actuels [pl. II, fig. 2, 3]. L’espèce arabe est identifiée comme boswellia (b.) sacra (muqur au sud Yémen). En Somalie, l’oliban est collecté sur le mohr madow (b.

31 À titre indicatif, Théodore MONOD, « Les arbres à encens dans le Hadramaout (Yémen du Sud) », op. cit., p. 150 donne quelques chiffres pour la production moderne de l’Hadramaout en 1977 (chiffres en livres) : février : 900 ; mars : 2300 ; mai : 1500 ; juillet : 1600 ; septembre : 800 ; novembre : 2210. Soit pour six mois : 92 10 livres (4180 kg).

32 Dominique CHAMPAULT, La route de l’encens, op. cit., p. 41 ; Nigel GROOM, Frankincense and Myrrh, op. cit., pp. 146-148.

33 Michael PFEIFER, Der Weirhauch, op. cit., p. 12.

34 Pour ce paragraphe : Nigel GROOM, Frankincense and Myrrh, op. cit., p. 109 et sv. , p. 232 ; Nigel HEPPER, « Arabian and frankincense trees », op. cit., pp. 66-69 ; Gus VAN BEEK,

« Frankincense and myrrh in south Arabia », op. cit., pp. 141-142 ; Dominique CHAMPAULT, La route de l’encens, op. cit., pp. 37-39 ; Michael PFEIFER, Der Weihrauch, op. cit., p. 14 ; Freya STARK, La route de l’encens. Un voyage dans l’Hadramaout, trad. de l’angl. par Danielle Tramard, Paris, 1992, pp. 17-20.

35 Nigel GROOM, Frankincense and Myrrh, op. cit., p. 231.

(20)

carteri) et le yeggar (b. frereana) ; des doutes considérables existent sur l’identification d’un troisième arbre en Somalie appelé mohr add (b. bhau- dajiana) qui n’a pas encore été retrouvé depuis sa classification en 1860. Des formes inférieures d’oliban viennent du b. papyrifera, trouvé en Éthiopie, au Soudan et en Afrique de l’Est, et des espèces indiennes b. serrata (ou b. thurifera). L’affirmation que l’encensier pousse seulement à une hauteur de plus de 600 mètres est incorrecte bien que la qualité des gommes des arbres côtiers puisse être inférieure

36

. D’autres facteurs cependant semblent déterminants pour la qualité de l’oliban : la nature du sol, la pluviosité, le climat. Les encensiers poussent sur des sols calcaires, avec une prédilection pour les sols caillouteux, les éboulis de pente et les anciens lits de rivières (wadis) où les sédiments sont meilleurs. Les racines des arbres s’étendent largement en surface pour recueillir un maximum d’eau ; les arbres poussent donc de façon espacée. La côte sud de la péninsule arabique a un climat influencé par la mousson d’été qui, de juin à septembre, vient buter contre la chaîne montagneuse, rempart naturel contre les vents asséchants du désert [pl. II, fig. 3]. Cela crée des masses de vents humides provenant de l’océan et une bruine incessante qui favorisent une végétation exceptionnelle, spécialement dans ces régions

37

. On ne sait rien des procédés d’arboriculture des temps passés. Il est permis de supposer que la multiplication des sujets se faisait par bouturage puisque des expériences récentes prouvent le succès de cette technique

38

. Mais les conditions idéales à la croissance des encensiers étant encore en partie méconnues et surtout difficiles à reproduire, la culture de ces arbres est quasi inexistante.

L’encens se présente donc sous la forme de grains, de perles ou de poudres agglomérées. Il faut le déposer sur des charbons ardents pour qu’il brûle et exhale son odeur. Pour ce faire, une simple coupelle suffit, qui n’est pas toujours couverte. L’encens pouvait être brûlé dans de la vaisselle d’or, d’argent, de bronze, de fer ou de terre, en fait dans tout matériau non fusible. Plusieurs mots latin désignent un encensoir

39

, thymiaterium, thurieremium, incensorium ou

36 Ibid., p.232.

37 Dominique CHAMPAULT, La route de l’encens, op. cit., pp. 37-39.

38 Loc. cit.

39 Sur les encensoirs voir : Casper STAAL, « De geurende smaak », Zintuigen in de Middeleeuwen (Madoc themanummer 4, winter 2006), pp. 221-231 ; Dora PIGUET-PANAYOTOVA, « Silver censer », Acta XIII Congessus internationalis archaelogiae christianae III (1998), pp. 639-660 ;

(21)

incensarium, fumigatorium. Les encensoirs sont soit stationnaires, soit portatifs.

Les encensoirs portatifs sont le plus souvent en forme de boule avec parfois un ou des pieds plus ou moins élevés [pl. V]. Des chaînes de suspension permettent de les soulever et de les balancer, elles sont habituellement au nombre de trois et reliées à un anneau [pl. V ; pl. VI]. Cette forme reste la forme courante pendant tout le début du Moyen Âge. La boule est parfois couverte d’un couvercle percé.

C’est dans le Liber pontificalis

40

que nous lisons les plus anciennes indications relatives aux encensoirs dans le christianisme. Par exemple

41

, Constantin fit don à la basilique qu’il fonda de deux encensoirs d’or pesant chacun 30 livres

42

et il offrit annuellement 150 livres d’aromata (épices à brûler) devant les autels

43

. Au baptistère Saint-Jean de la basilique il donna un encensoir d’or le plus fin orné de 49 émeraudes et pesant 15 livres. À la basilique de Saint- Pierre, il donna un encensoir d’or le plus pur, décoré sur tous les côtés de 60 pierres, pesant 15 livres ; et, pour assurer les revenus de l’église, l’empereur donna plusieurs territoires dont la propriété de Sybille (Antioche) qui pourvoyait 200 livres d’aromata, 200 de nard et 35 de baume

44

. Les églises fondées par les papes reçurent toutes des présents de ce genre. Il est intéressant de remarquer que ces mentions sont nettement antérieures aux premières sources relatives à l’utilisation liturgique de l’encens. On peut donc se demander si ces encensoirs offerts par Constantin ne sont pas fixes et simplement utilitaires, sans aucune

A. B. TONNOCHY, « The censer in the Middle Ages », The Journal of the British archaeological association, 3d series, v. II, 1937, pp. 47-56 ; Elizabeth PARKER MACLACHLAN, « Liturgical vessels and implements », dans Thomas. J. HEFFERNAN, E. Ann MATTER (éd.), The Liturgy of the Medieval Church, Kalamazoo, 2001, pp. 369-430, pp. 409-413 ; H. LECLERCQ, « Encensoir » dans DACL, t. V, 1, col. 21-33.

40 L. DUCHESNE (éd.), Le Liber Pontificicalis, texte, introduction et commentaire, 3 vols., Paris, 1886. Raymond DAVIS, The Book of Pontiffs (Liber Pontificalis). The ancient biographies of the first ninety Roman bishops to AD 715, Liverpool, 2000 (Translated Texts for Historians vol. 6.

Édition révisée (19891), traduite en angl. et commentée).

41 Nous ne relevons pas ici toutes les donations faites par les papes aux églises de Rome ; celles citées ici, à titre d’exemple, en reprennent les caractéristiques : objets monumentaux en métal précieux et richement ornementés. Pour plus de détails sur ces différentes donations et leur significations, on se réfèrera à Béatrice Agnès CASEAU, Euodia : The Use and the Meaning of Fragrances in the Ancient World and their Christianization (100-900 AD), Princeton, 1994, pp. 282-288 et 292-307, où elle aborde l’originalité de ces donations, et un point intéressant, les inventaires des églises : ce n’est pas parce qu’on ne mentionne pas explicitement un encensoir, qu’on ne brûlait pas d’encens, puisque tout récipient peut servir d’encensoir.

42 Raymond DAVIS, The Book of Pontiffs, op. cit., p. 128 : la livre romaine équivaut à 327,45 g.

43 L. DUCHESNE, Liber Pontificalis, op. cit., I, p. 174 : thimiamateria II ex auro purissimo, pens.

lib. XXX ; donum aromaticum ante altaria annis singulis lib. CL.

44 L. DUCHESNE, Liber Pontificalis, op. cit., I, p. 177 : tymiamaterium ex auro purissimo cum gemmis ex undique ornatum numero LX pens. lib. XV. (...) sub civitatem Anthiociam : possessio Sybilles, donata Augusto, (...) aromata lib. CC, mardi olei lib. CC, balsamum lib. XXXV.

(22)

connotation religieuse ; toutefois, une dernière mention laisse entendre un usage cultuel puisque l’empereur offre chaque année des épices comme encens à brûler devant les martyrs saint Pierre et saint Marcellin

45

. Les descriptions d’encensoirs, dans le Liber pontificalis, nous montrent qu’il s’agit d’objets de luxe, en or, décorés de pierres précieuses et assez massifs. Mais, il semble que ce soit là une exception qui reflète la générosité de l’empereur. Selon Béatrice-Agnès Caseau, au départ tout objet pouvait faire office d’encensoir, ce n’est que plus tard qu’il y eut une spécialisation de la vaisselle liturgique. La majorité des encensoirs connus par l’archéologie ne sont ni en or ni en argent, mais sont façonnés dans des métaux moins chers, voire en argile.

Les mentions d’encensoirs que nous avons rencontrées dans les sources désignent toujours des encensoirs mobiles, mieux adaptés à leurs usages dans la liturgie. Il est aujourd’hui certain qu’on usait d’encensoirs mobiles dès le V

e

siècle, l’archéologie en témoigne mais rien ne permet d’affirmer qu’on n’en usât pas plus tôt

46

.

Le balancement de l’encensoir au Moyen Âge pouvait prendre plusieurs formes, mais les plus courants sont : le romain où les chaînes sont rassemblées dans la main et l’on fait de petits mouvements (utilisé le plus souvent dans l’encensement de personnes) et le nordique où les chaînes sont lâches et l’on fait de grands mouvements (utilisé dans les processions)

47

[pl. XX, fig. 31]. Dans les inventaires, on trouve aussi des encensoirs suspendus par quatre chaînes avec une cinquième pour ouvrir le couvercle.

L’archéologie nous apprend qu’à partir du Moyen Âge central (XII

e

siècle) la forme de l’encensoir devient plus élaborée. Le pied, la coupe et le couvercle jusque-là ronds présentent trois ou six côtés. Tandis que la coupe gardera une forme quasi inchangée, le couvercle deviendra une véritable œuvre d’art. Muni d’un anneau ou d’une boule qui retient la chaîne qui le soulève, il prend les formes les plus variées : tour, clocher, forteresse, … Il permet d’exprimer

45 L. DUCHESNE, Liber Pontificalis, op. cit., I, p. 183 : annis singulis oleum nardinum pisticum lib.

DCCCC, balsamum lib. C, aromata inincensum sanctis martyribus supra scriptis beato Marcellino et Petro lib. C.

46 H. LECLERCQ, « Encensoir », op. cit., col. 33.

47 R. E. REYNOLDS, « Incense », op. cit., plus tard se développent aussi des encensements modum crucis vel coronae, en forme de croix ou de cercles, souvent des combinaisons des deux.

(23)

visuellement la valeur symbolique de l’encensoir

48

: le temple de Salomon et les rites sacrificiels de l’Ancien Testament ou bien plus souvent la Jérusalem Céleste, thème qui a été étudié par Marie-Thérèse Gousset

49

[pl. V].

Les récipients pour les grains d’encens sont l’accompagnement nécessaire à l’encensoir. Dans le christianisme paléochrétien et le haut Moyen Âge, ce sont de simples petites boîtes ressemblant à des pyxides ou à des reliquaires ; les exemples archéologiques subsistant sont difficilement identifiables. À partir du XII

e

siècle, ils prirent la forme de plats ovoïdes, d’où leur nom de navettes, avec un pied et un couvercle bi-partite, muni d’une charnière au centre, souvent avec une poignée incurvée

50

[pl. V, fig. 8].

L’autre élément secondaire de la liturgie au centre de notre travail est le luminaire. Par luminaire nous entendons : « Tout moyen servant à l’éclairage, huile et cire essentiellement, particulièrement important dans la liturgie »

51

, que nous étendons aux différents supports de ces moyens d’éclairage artificiels. Nous précisons que nous étudions bien le luminaire et non la lumière, même si au niveau symbolique les deux champs s’interpénètrent naturellement, car l’étude de la lumière nous éloignerait par trop de notre sujet. Le but ici n’est pas de faire une

48 Robert LESAGE, Notices « Encens, encensement et encensoir » dans, G. JACQUEMET (dir.), Catholicisme, hier, aujourd’hui, demain, t. 4, Paris, 1956, col. 106-109, col. 109.

49 Marie-Thérèse GOUSSET, « Un aspect du symbolisme des encensoirs romans : la Jérusalem Céleste » dans Cahiers archéologiques 30, 1982, pp. 81-106, p. 81 : « La Jérusalem Céleste est un thème majeur dans l’art médiéval occidental du IXe à la fin du XIIe siècle. C’est le thème eschatologique par excellence puisqu’il a pour objet l’aboutissement de la Révélation, c’est-à-dire l’accomplissement de l’espérance eschatologique. La Jérusalem Céleste est le symbole de l’Église parvenue à sa totale perfection. C’est l’évocation du paradis dans toute la profondeur de son mystère telle que la présentent l’épître aux Hébreux et l’Apocalypse. Présent dans les écritures, les commentaires patristiques, non seulement sur l’Apocalypse mais sur tous les passages de la Bible où apparaît le nom de Jérusalem, dans la liturgie, les hymnes, les sermons, divers traités, ce thème se trouve exprimé dans toutes les formes d’art. Depuis l’Église considérée en tant que macrocosme jusqu’à l’encensoir, véritable microcosme, la Jérusalem Céleste apparaît dans toutes les expressions artistiques comme une notion essentielle et une image familière. L’orfèvrerie est la technique la plus apte à concrétiser la vision de saint Jean. Regroupant les avantages de la sculpture et de la peinture, elle offre la possibilité de fabriquer des images à trois dimensions évoquant l’aspect coloré de la vision à l’aide de matériaux précieux : or, argent, gemmes, perles, cristal,… les orfèvres, en adaptant la description johannique aux formes fonctionnelles des objets liturgiques, ont considérablement enrichi leur signification. Grâce à la pureté de l’or, à sa qualité inaltérable, à la magie et au scintillement des pierres précieuses, ils ont créé les plus somptueuses matérialisations de la Jérusalem Céleste. » Elle étudie ensuite une série de vingt encensoirs romans.

50 Elizabeth PARKER, « Liturgical vessels and implements », op. cit., pp. 412-414.

51 « Luminaire », François-Olivier TOUATI (dir.), Vocabulaire historique du Moyen Âge, op. cit., p. 187.

(24)

étude des différents types de luminaire

52

, mais de donner les informations de base nécessaires à la compréhension de la suite de ce travail.

Les modes d’éclairage artificiels au Moyen Âge restent encore méconnus.

Ce n’est que récemment que les archéologues se sont inquiétés de ce genre de question pour la période médiévale, ce qui explique en partie le manque d’information dans la littérature. Les sources nous renseignent principalement sur les usages ecclésiastiques, elles citent des cierges, des chandelles, des flambeaux, des torches, des lampes à huile en argile, parfois en métal ou en verre. Différents systèmes sont aussi mentionnés : des chandeliers, des lanternes, des lustres, des couronnes de lumière qui peuvent porter des cierges ou des lampes.

Le Liber Pontificalis entre dans des détails assez précis sur le luminaire de plusieurs basiliques, ce qui a d’ailleurs fréquemment suscité l’intérêt des chercheurs

53

. Les descriptions qui sont faites, très précises, permettent de reconstituer des luminaires extraordinaires dont rien n’a été conservé.

L’abondance de détails fournis contraste avec la pauvreté et le manque de précisions des sources postérieures. Si l’on se rapporte aux donations faites à la basilique du Latran, on distingue déjà plusieurs termes qui renvoient à différents luminaires. Les coronae, en argent ou en or sont, comme leurs noms l’indiquent, de forme cylindrique [pl. XII, fig. 20]. Elles soutiennent des delphini, c’est-à-dire

52 Il n’existe pas encore de synthèse satisfaisante sur le luminaire médiéval, comme les renvois bibliographiques le montrent (ou alors elles sont obsolètes). Sur le luminaire en général voir : Catherine VINCENT, « Luminaire » dans André VAUCHEZ (dir.), Dictionnaire encyclopédique du Moyen Âge, Paris-Cambridge-Rome, 1997, vol. 2, pp. 920-921 ; François GENTILI, « L’éclairage domestique », Un village au temps de Charlemagne. Moines et paysans de l’abbaye de Saint- Denis du VIIe siècle à l’an mil, Paris, 1998, pp. 271-274 ; F. W. ROBINS, The Story of the Lamp (and the Candle), Londres- New York- Toronto, 1939 ; Guillaume JANNEAU, Le luminaire. De l’Antiquité au XIXe siècle, Paris, 1934 (Les Arts décoratifs 11) ; Henri-René D’ALLEMAGNE, Musée du luminaire depuis l’époque romaine jusqu’au XIXe siècle, Paris, 1891 ; H. LECLERCQ,

« Éclairage des églises », DACL vol. 4-2, col.1726-1730 ; G. JARITZ, G. BINDING,

« Beleuchtung », LdM, t. 1, col. 1838-1839 ; Elizabeth MACLAHAN, « Liturgical vessels », op. cit., pp. 424-425 ; Jean VERDON, La nuit au Moyen Âge, Paris, 1994, pp. 98-102 ; Laurent CHRZANOVSKI (dir.), Lychnological Acts 1. Actes du 1er Congrès international d’études sur le luminaire antique (Nyon – Genève, 29.IX – 4. X. 2003, Montagnac, 2005 ; A. CLOSS, L. OEING- HANHOFF, R. SCHNACKENBURG, E. PAX et L. SCHMIDT, « Licht » dans LTK, vol. 6, col. 1022- 1027 ; Laskarina BOURAS, « Lighting devices » in Joseph R. STRAYER (dir.), Dictionnary of the Middle Ages, v. 7, New York, 1986, pp. 574-579 ; B. I. MULLAHY, « Light, liturgical use of » dans NCE, 2nd éd., pp. 580-582.

53 Depuis H. LECLERCQ, « Éclairage », op. cit. à plus récemment avec les articles de H.

GEERTMAN, « L’illuminazione della basilica paleocristiana secondo il Liber Pontificalis », Rivista di Arceologia Cristiana 64 (1988), pp. 135-160 et Carlo PAVOLINI, « L’illuminazione delle basiliche : Il Liber Pontificalis e la cultura materiale » dans Herman GEERTMAN (dir.), Atti del colloquio internazionale Il Liber Pontificalis e la storia materiale, Roma, 21-22 febbraio 2002, pp. 115-134 (Mededelingen van het Nederlands Instituut te Rome Antiquité, vol. 60-61).

(25)

des becs ouvragés pour les mèches des lampes à huile. Les fara (canthara) se distinguent des coronae par leur simplicité, souvent en bronze, elles ne soutiennent pas de dauphins : les lampes y sont directement accrochées par un système de godets [pl. XII, fig. 21]. Les cereostata souvent en étain ou en bronze soutiennent des bougies. Ces trois supports étaient suspendus, alors que les candelabra étaient posés au sol et portaient autant des bougies que des lampes [pl. XI, fig. 19].

Parmi les donations on citera en exemple, Constantin qui offrit à la basilique du Latran une lampe de l’or le plus fin avec 50 dauphins, pesant 50 livres, avec des chaînes de 25 livres ; quatre couronnes en or avec 20 dauphins, pesant chacune 15 livres ; et encore d’autres luminaires dispersés dans l’église pour la fourniture desquels il assigna aussi des revenus à l’église

54

. À partir de ces données et d’objets comparables mais postérieurs qui nous sont parvenus, les chercheurs ont établi des correspondances. Ainsi, pour une couronne d’or offerte par Constantin à l’église des Saints-Pierre et Marcellin, et comportant 120 dauphins pour un poids de 30 livres

55

: si, comme les exemplaires du XII

e

siècle ils sont espacés d’une dizaine de centimètres chacun, on obtient des dimensions considérables : une circonférence de douze mètres et un diamètre de quatre mètres ! Les rapports de poids font état, après calculs, d’un lustre de près de dix kilos, en sachant que la structure est probablement creuse et simplement recouverte de métal

56

. La durée de combustion de ces lampes à huile a aussi été estimée : il est admis qu’un litre d’huile (d’olive) brûle pendant septante-huit heures avec une mèche

57

. Ces estimations diffèrent complètement d’autres qui ont pu être faites, ce qui montre la relativité de ces calculs. Ainsi, Marie-Claire Amouretti estime que les lampes antiques ont généralement une capacité de quelques centilitres et que la durée moyenne de combustion, une fois remplie, est de deux heures et demie ; mais, précise-t-elle encore cette durée est fonction de la longueur de la mèche qui boit plus ou moins. Ainsi « Un litre d’huile donne

54 Liber Pontificalis, op. cit., pp. 53-54 : et farum ex auro purissimo, qui pendet sub fastidium cum delfinos L ex auro purissimo pens. lib.L cum catenas, quae pens. lib. XXV ; coronas IIII ex auro purissimo cum delfinos XX, pens. sing. lib. quindenas (...) quibus constituit in servitio luminum : massa Gargiliana, territurio Suessano, praest. singuis annis sol. CCCC.

55 Liber Pontificalis, op. cit., p. 66 : coronam auream, quae est farus cantarus, cum delfinos CXX, pens. lib. XXX.

56 Ces conversions ont été faites par H. LECLERCQ, « Éclairage », op. cit., col. 1728.

57 Carlo PAVOLINI, « L’illuminazione delle basiliche », op. cit., p. 116.

(26)

l’équivalent de la contenance de dix ou douze lampes, soit 250 à 300 heures d’éclairage, à titre approximatif »

58

. Jean-Pierre Brun ne se risque pas à faire des estimations quant aux quantités consommées mais, il ressort de son étude que de nombreuses huiles étaient utilisées pour l’éclairage et qu’elles étaient d’ailleurs souvent de mauvaise qualité et de moindre coût

59

.

En 1986, Marie-Claire Amouretti disait déjà que l’étude des lampes antiques avait pris un tel essor que l’on pouvait parler de « lychnologie »

60

. Rien de tel encore pour le Moyen Âge, même si l’étude de l’olivier suscite un regain d’intérêt. Néanmoins, les techniques, le principe de fabrication et de fonctionnement d’une lampe restent, semble-t-il, les mêmes

61

; ce que les historiens et archéologues antiques ont montré pour les lampes antiques peut donc être étendu aux exemplaires médiévaux. Les lampes antiques peuvent être en métal (or, argent, bronze) ou en verre, mais elles sont le plus souvent en argile [pl. XI, fig. 19 ; pl. XII, fig. 23]. Les méthodes de fabrication et de fonctionnement sont les mêmes quel que soit le matériau. Les lampes présentent un récipient à huile muni d’un ou de plusieurs becs destinés aux mèches. Des trous aménagés dans le couvercle permettent la prise d’air. Souvent munies d’un manche, elles peuvent aussi être suspendues à l’aide de chaînettes. Dans l’Antiquité, les lampes de métal sont généralement destinées à porter plusieurs mèches et à être suspendues ou à rester fixes par opposition aux lampes en terre communes facilement transportables (car plus légères). Bien que la majorité des lampes étaient produites dans des ateliers locaux, les archéologues ont pu établir un essai de typologie, et il semble que l’Afrique du Nord était un important centre de production, puisque l’on retrouve des « lampes de Carthage » dans toutes les provinces de l’empire romain, de l’Asie mineure à la Grande-Bretagne. À partir

58 Marie-Claire AMOURETTI, Le pain et l’huile dans la Grèce antique. De l’araire au moulin, Paris, 1986, p. 190.

59 Jean-Pierre BRUN, Le vin et l’huile dans la Méditerranée antique. Viticulture, oléiculture et procédés de transformation, Paris, 2003, pp. 177-179.

60 Loc. cit.

61 Sur les lampes : Annie LEFÈVRE et Nicole MEYER, « Les lampes en céramique des fouilles urbaines de Saint-Denis », Archéologie Médiévale 18, 1988, pp. 73-111 ; François COMTE, « Le luminaire en verre », Le verre au Moyen Âge, 1989, pp. 46-51 (Les dossiers de l’archéologie, 143) ; Catherine VINCENT, Fiat lux : Lumière et luminaire dans la vie religieuse en Occident du XIIIe au début du XVIe siècle, Paris, 2004, pp. 84-87 ; J. ENGEMANN, G. JARITZ, M. RESTLE, K. BRISCH, « Lampe » in LdM, v. 5, col. 1630-1632 ; H. LECLERCQ, « Lampes » dans DACL, vol. 8, 1, col. 1086-1221 ; A. BRIDE, « Lampes » dans Catholicisme, hier, aujourd’hui, demain, vol. 6, col. 1746-1750 ; Danièle FOY, « Lampes en verre coniques et à pied tubulaire », dans Laurent CHRZANOVSKI (dir.), Lychnological Acts 1. op. cit., pp. 107-113.

(27)

des III

e

et IV

e

siècle, sans que l’on sache vraiment expliquer pourquoi, on constate une perte de maîtrise technique dans le travail de l’argile des lampes qui se font plus grossières.

Toute matière graisseuse peut servir de combustible, et si la préférence va à l’huile d’olive (dont la combustion est la plus longue et surtout la plus propre), on sait que l’on utilisait d’autres huiles végétales et même des graisses animales à l’état solide. Les sources et l’archéologie tendent à montrer un abandon progressif, mais pas complet, du luminaire à huile au profit du luminaire solide qu’il s’agisse de bougies ou de lampes avec réserve de combustible solide

62

.

Les lampes médiévales en argile n’ont pas caractéristiques morphologiques et technologiques bien établies, et de nombreux tessons découverts en fouille ont pu être mal identifiés. Toutefois, les fragments retrouvés permettent de voir qu’il s’agit de lampes sur pied, dont la base est circulaire et qui portent une coupelle intermédiaire. Au sommet du pied, le réservoir de petite taille est muni d’un bec destiné à recevoir la mèche. La préhension s’effectue entre la base et la coupelle qui sert à la fois à protéger la main et à récupérer le combustible perdu [pl. XIII, fig. 22]. Une étude consacrée aux lampes en céramique trouvées sur le site de Saint-Denis montre que la capacité des réservoirs, qui présentent le plus souvent une forme ouverte sauf dans le cas de lampes à pied, varie de 15 à 165 millilitres. Mais la capacité totale du réservoir ne permet pas de connaître la quantité de combustible qui le remplissait et encore moins la durée de combustion qui dépend du combustible, de sa quantité et du matériau composant la mèche. Quelle que soit sa taille, le réservoir porte toujours un bec ou un porte-mèche ; en l’absence de bec, la mèche est dite flottante mais ce système ne se retrouve en général que sur les lampes en verre. Les mèches n’ont pas laissé de traces, on suppose qu’elles pouvaient être composées de fibres végétales (lin, chanvre, moelle de sureau,…). Quant aux combustibles, l’analyse de résidus oriente vers des graisses animales plutôt que végétales ; ce qui serait aussi une caractéristique des lampes en terre

63

. À côté de ces modèles, les sources et l’iconographie permettent de savoir qu’il existait d’autres lampes destinées à être suspendues aux plafonds des églises qui étaient probablement en verre et qui

62 Catherine VINCENT, Fiat lux, op. cit., p. 83.

63 Annie LEFÈVRE, « Les lampes en céramique », op. cit., passim.

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portaient des mèches flottantes. En matière translucide (verre ou peau), elles prennent la forme d’une coupelle ou d’un calice, dont le col est cerclé de métal d’où partent trois chaînettes qui permettent la suspension [pl. VIII, fig. 13 ; pl. X].

Un de ces exemplaires a été mis au jour à Villiers-le-Sec et montre que les lampes de verre n’étaient peut-être pas réservées uniquement au milieu ecclésiastique

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. Il s’agit d’une découverte exceptionnelle car l’objet est entier et c’est le plus ancien qui nous soit parvenu (pour le Moyen Âge occidental). Il se trouvait dans un contexte daté entre le VIII

e

et le IX

e

siècle [pl. X, fig. 17]. Il semble que les lampes en verre aient été préférées pour la suspension.

Moins courantes, les couronnes de lumière semblent désigner des lustres cylindriques qui supportent des lampes et/ou des cierges par un système de godets et de fiches. Un candélabre désigne un support à luminaires multiples, qu’il s’agisse de cierges ou de lampes.

Durant le Moyen Âge, les cierges

65

communs étaient faits de suif tandis que les cierges liturgiques étaient faits, le plus souvent, de cire d’abeille. Les premiers sont parfois appelés candela et les derniers cereus, mais comme nous le verrons dans la suite de ce travail, on peut considérer que ces deux termes sont synonymes et il est parfois difficile de savoir de quelle matière il est question dans les sources

66

.

La cire est récupérée après extraction du miel des rayons. Les rayons sont broyés et pressés pour extraire le miel. L’opération est répétée plusieurs fois jusqu’à ce que tout le miel ait été exprimé. Placé dans un sac, le reste des rayons est plongé dans de l’eau bouillante ; la cire fondue passe par les mailles du sac et remonte à la surface où elle peut-être récoltée après refroidissement. Pour dix

64 François GENTILI, « L’éclairage domestique », Un village au temps de Charlemagne, pp. 271- 274.

65 Sur les cierges, bougies et leurs supports voir : Catherine VINCENT, Fiat lux, op .cit., pp. 95-112 et 116-117 ; K. ELMSHAÜSER, « Kerze », LdM, t. 5, col. 1116 ; W. SCHMID, « Wachs », LdM, t. 8, col. 1888-1890 ; P. SPRINGER, M. RESTLE, K. BRISCH, « Leuchter », LdM, t. 5, col. 1916-1917 ; F. CABROL, « Cierges », DACL, v. 3, col. 1613-1622 ; H. LECLERCQ, « Chandelier », DACL, v. 3, col. 210-215 ; B. FISCHER, « Kerzen », LTK, t. 5, col. 1411-1412 ; R. BERGER, U. RAGACS,

« Leuchter », LTK, t. 6, col. 859-860 ; Robert LESAGE, « Chandelier », « cierge », « cire », dans G. JACQUEMET, (dir.), Catholicisme. Hier, aujourd’hui, demain, Paris, t. 2, 1949, col. 898-9, 1122- 1123, 1138. Sur la fabrication des cierges et la production de cire voir : Bruno CORBARA, La cité des abeilles, Paris, 1991 (Découvertes Gallimard 125), p.106-107 ; Philippe MARCHENAY, L’homme et l’abeille, Nancy, 1979, pp. 196-198 ; Robert DELORT, Les animaux ont une histoire, Paris, 1984, p. 260-265 ; L’abeille, l’homme, le miel et la cire, Paris, 1981 (Catalogue d’exposition du Musée national des arts et traditions populaires 23 octobre 1981-19 avril 1982), pp. 157-175.

66 Catherine VINCENT, Fiat lux, op. cit., pp. 88-95.

(29)

kilos de miel produit, on ne compte qu’un kilo de cire

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; ce qui en fait un produit rare. La cire produite par les abeilles est blanche et les rayons qui viennent d’être construits sont de cette couleur ; mais après quelques mois ils prennent une couleur jaune qui s’assombrit de plus en plus jusqu’à devenir brune. C’est pourquoi il est souvent indispensable de « grêler » la cire, c’est-à-dire la réduire en un mince ruban qui sera exposé au soleil pendant une dizaine de jours, pour lui redonner sa blancheur. L’opération de fonte et d’exposition au soleil peut-être répétée plusieurs fois afin d’obtenir une cire aussi blanche que possible, qui sera alors conditionnée en pains, conservés à l’abri de la lumière.

La méthode utilisée pour fabriquer les cierges durant le haut Moyen Âge est dite « à la romaine » ou « à la cuiller ». Les mèches, faites de fibres végétales ou textiles, sont suspendues à un cadre. L’artisan fait couler de la cire ou du suif, maintenus liquides dans un bain, sur chaque mèche ; le cadre est tourné pour chaque jetée. Il faut une dizaine de jetées pour confectionner un cierge, opération délicate car il faut à chaque fois faire couler la cire plus bas pour que le cierge prenne une forme conique [pl. IX, fig. 14]. Les cierges sont ensuite mis à sécher, et, juste avant d’être secs, ils sont roulés. Cette technique ne convient pas pour les cierges de grande taille dont la mèche ne supporterait pas le poids de la cire ; ceux-ci, comme le cierge pascal, sont moulés à la main. On distingue des chandeliers à pointe [pl. XI, fig. 18] et des chandeliers à douille ou godets. Par sa taille, le cierge pascal ne pouvait être porté que par un système à douille ; les plus petits cierges sont généralement percés à la base pour être enfilés sur une fiche.

On conserve très peu de chandeliers par rapport à l’usage qui en fut fait. Il existe également des lustres, qui prennent souvent la forme de couronnes, des bassins et des herses. Le bassin est une simple coupelle dans laquelle on fixe le cierge et dont le but principal est de récupérer les coulures de cire. La herse est un système sur pied, à fiches ou à godets, qui prend la forme d’un triangle.

Aux côtés des cierges, on distingue aussi les torches ou flambeaux dont la forme est plus grossière, constitués de matières inflammables entortillées, qui présentent parfois plusieurs mèches.

67 Robert DELORT, Les animaux ont une histoire, op. cit., p. 260 estime qu’un kilo de cire exige le travail de 30 000 abeilles pendant une dizaine de jours.

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