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Le dédoublement parfait, ou la pleine adhésion à soi, ce sont des états limites vers lesquels la conscience s’oriente avec obstination, mais qu’elle n’atteint jamais

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Academic year: 2022

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Texte intégral

(1)

   

La connaissance de soi, pour Rousseau, fait donc  appel à deux attitudes extrêmes et opposées : ou  bien le moi devient   étranger à lui‐même, afin de se percevoir en spectateur, comme un objet  extérieur ; ou bien, au contraire, il cherche à se connaître par sentiment, sans se quitter, grâce à une  intuition immédiate qui prévient toute division de la conscience. Point de milieu possible,  semble‐t‐

il, entre l’unité complète et la scission (1) achevée. C’est là le devoir qu’il s’est prescrit : il nous le fait  hautement savoir, et nous ne pouvons désormais refuser notre confiance. Comment contester la  sincérité de celui qui se met en situation de subir la vérité ? 

 Seulement il promet plus qu’il ne peut tenir. Le dédoublement  parfait, ou la pleine adhésion à soi,  ce sont des états limites vers lesquels la conscience s’oriente avec obstination, mais qu’elle n’atteint  jamais. Les philosophes, et notamment J‐P Sartre, conviennent que cette recherche est vouée à  l’échec ; ils vont jusqu’à croire qu’elle n’est jamais entreprise que dans l’obscure intention de  rencontrer l’échec. Cette quiétude, cette plénitude, cette sécurité nous sont désirables parce que la  condition naturelle de la conscience de soi est exactement l’inverse : insécurité, fuite, présence et  distance imparfaites. La réflexion, d’une part, nous arrache à la spontanéité aveugle de l’instinct ;  mais, d’autre part, comme la réflexion reste éternellement inachevée, nous n’accédons jamais à la  clairvoyance où l’image de nous‐mêmes apparaîtrait avec la précision d’un objet. 

Dans la réflexion, l’unité primitive de  la conscience se fêle : l’être qui se rapporte réflexivement à lui‐ 

même perd la possession entière de soi qui est le privilège des actes obscurs du sentiment. Se voir  réflexivement, c’est rencontrer un fantôme, à la fois proche et jamais rejoint. C’est donc dissiper une  précieuse présence : l’on recule dans le néant pour se représenter sa propre existence. Ainsi devient‐

on l’esclave d’un paraître, que l’on a fait surgir sur une scène imaginaire afin de s’apparaître à ses  propres yeux. A partir de là, tous les dangers moraux du mensonge nous guettent : vanité, amour  propre, etc. Telle est la théorie (2). Aussi comprend‐on que Rousseau ait eu parfois la tentation d’en  finir avec la réflexion et de nier la possibilité même de toute vue intérieure. Le voici qui décrète : 

« Nous ne voyons ni l’âme d’autrui, parce qu’elle se cache, ni la nôtre, parce que nous n’avons point  de miroir intellectuel. Nous sommes de tout point aveugles, mais aveugles‐nés ». Nous ne possédons  ni la vision, ni le miroir où notre effigie puisse se refléter. Nous sommes condamnés à l’obscur. 

Est‐ce   dire que nous serons privés de toute connaissance de nous‐mêmes ?   Nullement, Si, dans  l’obscur, l’acte du regard est impossible, il nous reste l’évidence du sentiment. 

       Jean Starobinski, L’œil vivant, Gallimard 1961   

Notes :1) Scission : action de se scinder, séparation ;‐ 2) théorie : il s’agit de celle de Rousseau,  présentée ici par Starobinski. 

QUESTIONS : 

1) Résumez ce texte en 120 mots à 10% près. Le candidat indiquera à la fin du résumé le  nombre de mots utilisés. 

2) Commentez et discutez, à l’aide notamment des œuvres au programme, la phrase  suivante : « Le dédoublement parfait, ou la pleine adhésion à soi, ce sont des états 

(2)

limites vers lesquels la conscience s’oriente avec obstination, mais qu’elle n’atteint  jamais. »    

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