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BEEF CARBON – Le plan carbone de la filière viande bovine Andurand J.1, Velghe M.

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Innovations Agronomiques 82 (2021), 43-51

BEEF CARBON – Le plan carbone de la filière viande bovine Andurand J.1, Velghe M.1, Labarre J.1, Dollé J-B.1, Moreau S.1

1 Service environnement, Institut de l’élevage, Maison Nationale des éleveurs, F-75595 Paris cedex 12.

Correspondance : josselin.andurand@idele.fr

Résumé

L’élevage bovin viande contribue à environ 5 % des émissions de gaz à effet de serre (GES) françaises.

Suite à ce constat, l’Institut de l’élevage, en lien avec les filières bovines et de nombreux partenaires, a mis en place Life Beef Carbon, un projet de réduction de l’empreinte carbone des systèmes bovins viande.

Plus de 1 800 fermes ont été diagnostiquées sur différents critères environnementaux. Une variabilité importante existe dans chaque système de production évalué au cours de cette étude. Les élevages les plus efficients ont des émissions 30 % inférieures à l’ensemble du groupe. Cette forte variabilité confirme qu’une réduction de 15 % de l’empreinte carbone des ateliers bovin viande est réalisable. Des améliorations techniques sur l’efficience du troupeau ou des intrants permettent de réduire les émissions de GES en améliorant aussi la durabilité économique des exploitations. La prairie et les haies permettent de compenser une partie des émissions tout en assurant la performance reconnue de l’élevage bovins viande sur les autres indicateurs environnementaux. Un des verrous à lever pour pouvoir envisager une réduction aussi ambitieuse est la pénétration insuffisante du conseil technique dans les filières bovins viande. D’autres stratégies de réduction comme les progrès de la sélection génétique ou l’incorporation d’additifs alimentaires constituent également des voies de réduction prometteuses des émissions de GES en élevage bovins viande.

Mots-clés : Empreinte carbone, émissions de gaz à effet de serre, stockage carbone, bovin viande, CAP’2ER®.

Abstract: BEEF CARBON – The carbon plan for the French beef sector

Beef cattle breeding contributes about 5% of French greenhouse gas emissions (GHG). Following this observation, the French Livestock Institute, in conjunction with the bovine sectors and many partners, set up Life Beef Carbon, a project to reduce the carbon footprint of beef cattle systems. Over 1,800 farms have been assessed on various environmental criteria. Significant variation exists in each production system evaluated during this study. The most efficient farms have 30% lower emissions than the average group. This high variability confirms that a 15% reduction in the carbon footprint of beef cattle farms is achievable. Technical improvements in the efficiency of the herd or the inputs make it possible to reduce GHG emissions while also improving the economic sustainability of farms. Grasslands and hedges are compensating part of the emissions while ensuring the recognized performance of beef cattle farming on other environmental indicators. One of the obstacles to be removed in order to be able to achieve such an ambitious reduction is the insufficient use of technical advice in the beef cattle sector. Other reduction strategies such as advances in genetic selection or the incorporation of feed additives are also promising ways to reduce GHG emissions in beef cattle farming.

Keywords: Carbon footprint, greenhouse gas emissions, carbon sequestration, beef cattle, CAP’2ER®.

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Introduction

Contexte

L’élevage est responsable d’environ 14,5 % des émissions de gaz à effet de serre (GES) d’origine anthropique dans le monde, dont 65 % peuvent être attribués à l’élevage bovin (Gerber et al., 2013).

L’élevage bovin viande est donc une activité émettrice de GES qui produit des biens (viande) et aussi des services comme le stockage de carbone dans les sols. L’élevage bovin joue un rôle important vis-à- vis du changement climatique, en tant qu’émetteur de gaz à effet de serre et aussi en tant que régulateur de ce changement. Le maintien des exploitations ne peut se faire sans la durabilité technico-économique et sociale de l’élevage. Des techniques existent pour réduire les émissions de GES de l'activité d'élevage.

Ceratines d’entre elles ont été synthétisées dans l’expertise collective de Pellerin et al. (2013). Les projets Life Beef Carbon et Beef Carbon Nouvelle Aquitaine visent à les déployer à grande échelle afin de les faire connaître auprès des agriculteurs, ainsi que les possibilités de leur mise en œuvre, et étudier leur efficacité.

Objectifs généraux du projet

Fort de ce constat, le principal objectif était de promouvoir des pratiques permettant de réduire de 15 % l’empreinte carbone de la viande bovine. Pour atteindre cet objectif, les partenaires visaient à :

 Partager un cadre commun et lancer une dynamique nationale et européenne centrée sur les méthodologies d’évaluation, les outils moblisés et les leviers d’action ;

 Tester et promouvoir les meilleures techniques permettant de réduire les émissions de GES et d’accroître le stockage de carbone ;

 Créer un observatoire de fermes de démonstration et un réseau européen d’éleveurs et de techniciens ;

 Construire et promouvoir une démarche collective et partagée pour des plans d’action carbone nationaux ;

Mettre en œuvre les plans d’actions carbone et construire les partenariats nécesssaires à leur déploiement.

1. Matériel et méthodes

1.1 Calcul des émissions de GES des ateliers bovins viande

Les élevages bovins allaitants ont été évalués de manière individuelle à l’aide de l’outil CAP’2ER® (outil d’évaluation de la performance environnementale et d’appui technique en élevage de ruminants), développé par l’Institut de l’Elevage (Idele, 2018b).

CAP’2ER® repose sur le concept de l’analyse de cycle de vie (ACV) et suit les recommandations internationales (FAO, 2016 ; IPCC, 2006). L’ACV consiste à évaluer les impacts environnementaux d'un produit (changement climatique, bilan azote, consommation d’énergie, biodiversité, stockage carbone) depuis l’extraction des matières premières mobilisées aux différentes étapes du cycle de production jusqu’à sa consommation et son élimination.

Dans le cadre de l’application de l’ACV, le périmètre retenu s’arrête à la sortie de la ferme (Figure 1), c’est-à-dire au portail de l’exploitation. Deux niveaux d’investigation sont proposés par l’outil CAP’2ER® :

 Le Niveau 1 couvre l’échelle atelier. Il a pour objectif de sensibiliser les éleveurs aux impacts environnementaux de leur activité avec une collecte rapide et simplifiée sur l’atelier.

 Le Niveau 2 couvre l’échelle de l’exploitation avec les différents ateliers qui la composent.

L’objectif de ce niveau 2 est de réaliser une évaluation fine des impacts environnementaux de l’exploitation, d’identifier les leviers d’actions afin de mettre en place un plan d’action pour améliorer l’empreinte carbone de l’exploitation.

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BEEF CARBON – Le plan carbone de la filière viande bovine

Les gaz à effet de serre principaux comptabilisés pour le secteur agricole sont le méthane (CH4), le protoxyde d'azote (N2O) et le dioxyde de carbone (CO2). Les émissions de GES sont exprimées en kg équivalent CO2 en tenant compte du pouvoir de réchauffement global (PRG) de chacun des 3 gaz, qui sont respectivement 1, 25 et 298 pour le CO2, CH4 et le N2O.

On recense 5 postes principaux d’émissions de GES :

L’animal via les fermentations entériques qui émettent du CH4 entérique ;

 La gestion des effluents couvrant les émissions de méthane et protoxyde d’azote sur toute la chaîne des effluents : bâtiment / stockage et pâturage ;

 La fertilisation des cultures comptabilisant les émissions directes de protoxyde d’azote (engrais organique et minéral) et les émissions indirectes liées au sol (lessivage de l’azote, redéposition de l’ammoniac, retournement des prairies, etc.) ;

 L’énergie directe : comptabilisant les émissions de CO2 liées aux consommations d’énergies directes utilisées sur l’exploitation (carburant et électricité) ;

 Les intrants : comptabilisant les émissions en équivalent CO2 liées à la fabrication et aux transports.

Figure 1 : Périmètre de l’évaluation des émissions de GES de l’atelier bovins allaitants (CAP’2ER®)

Après avoir calculé l’ensemble des émissions de GES de l’atelier bovin viande, elles ont été rapportées à la viande produite sur l’atelier sans distinguer les différents types de produits (broutards, génisses, vaches de réforme, bœufs ou encore jeunes bovins).

Au-delà des émissions de GES liées aux processus de production, les flux de carbone liés à l’utilisation des sols et aux changements de pratiques sont également pris en compte dans l’évaluation de l’empreinte carbone de la viande. C'est particulièrement le cas pour les aliments importés qui entrent dans la composition des rations et qui sont liés à la conversion des terres, comme le soja. Ainsi, pour le tourteau de soja, les données utilisées considèrent ce déstockage de carbone.

Pour le maïs et les céréales produites en France, nous considérons un déstockage moyen de 160 kg C/ha/an après la conversion des pâturages en terres cultivées (Dollé et al., 2013) au cours des vingt dernières années. Des études sur la séquestration du carbone dans les prairies menées dans le cadre des projets European Grass Green (Soussana et al., 2007) et CarboEurope (Schulze et al., 2009) montrent que les prairies sont des puits nets de CO2 atmosphérique, stockant entre 500 et 1 200 kg C/ha/an en fonction de la gestion (densité animale, mode d’utilisation, fertilisation). Selon ces

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résultats, nous supposons que les prairies permanentes augmentent chaque année la teneur en carbone du sol de 570 kg de carbone par ha. L’inclusion de prairies dans la rotation des terres cultivées augmente le retour de la biomasse dans la matière organique du sol. Ainsi, le bilan carbone annuel moyen du sol pour la rotation des cultures avec des prairies a été calculé en supposant que les terres cultivées libèrent 950 kg de carbone par an et que la prairie augmente de 570 kg de carbone par an et par hectare. On considère également que les haies stockent le carbone avec 125 kg de carbone par 100 mètres linéaires.

Enfin, l’unité fonctionnelle utilisée pour exprimer les résultats est la production brute de viande vive (pbvv) en kilogramme de viande vive produite durant l’année sur l’exploitation (kgpbvv). La pbvv est égale aux ventes (en vif et en carcasse), moins les achats et plus la variation d’inventaire. L’ensemble des poids est converti en kg vifs. Le ratio kgpbvv sur UGB permet de mesurer la productivité, c’est l’indicateur socle pour l’éleveur afin de mesurer la performance technique de son élevage et de se comparer au sein d’un même système (Tresch et al., 2013). Il est dépendant du système mais l’objectif étant la progression des éleveurs, c’est cet indicateur reconnu (Blachon et al., 2018) qui a été choisi.

Cette méthodologie permet d’obtenir trois indicateurs carbone pour le lait, exprimés en kg éq. CO2/L lait vendu corrigé :

 Les émissions de GES ;

 Le stockage carbone ;

L’empreinte carbone nette qui prend en compte les émissions de GES et le stockage carbone.

L’analyse multicritères permise par CAP’2ER® utilise la méthode du bilan apparent pour déterminer la quantité d’azote en excédent et les risques de perte vers l’eau (Moreau et al., 2020).

Concernant la biodiversité, une contribution à son maintien est calculée dans l’outil : on dénombre les éléments agroécologiques présents sur l’exploitation (Idele, 2018b). Ces éléments sont en hectare équivalent de biodiversité en utilisant les coefficients d’équivalence définis dans les règles BCAE/PHAE (Moreau, et al., 2020).

A partir des données fournies par les diagnostics et les données Agribalyse (2014), nous avons estimé le poids carbone d’un jeune bovin (JB) allaitant issue d’un atelier engraissement spécialisé ou d’un naisseur engraisseur de JB. Pour les ateliers engraissements spécialisés, un poids carbone de 19,5 kgeqCO2.kgvif-1 a été affecté (Agribalyse, 2014 ; Données du projet Life Beef Carbon) aux broutards entrants. Pour les naisseurs-engraisseurs, nous avons détaillé les produits en considérant que 48 % de la viande produite était du JB et que le reste de la viande produite était des vaches de réforme, génisses ou broutards avec un poids carbone de 19,5 kgeqCO2.kgvif-1 (Agribalyse, 2014 ; Données du projet Life Beef Carbon).

1.2 Description de l’échantillon de fermes diagnostiquées

Le projet est conduit en France, Irlande, Italie et Espagne. Nous allons présenter ici les résulats obtenus en France dans diverses régions. Cet échantillon illustre une diversité de systèmes de production et permet de présenter les résulats par système bovin viande. La population a été classée, divisée en différentes catégories : naisseur, naisseur avec engraissement des femelles, NE (naisseur-engraisseur) de veaux, NE de JB et engraisseur spécialisé de JB lait ou allaitant.

Les systèmes sont classés en suivant les définitions suivantes :

Naisseur : Atelier bovins viande avec au moins 5 vaches allaitantes (VA) et produisant des broutards (animaux maigres). Les veaux, les jeunes bovins et les bœufs doivent représenter moins de 0,2 veau, jeune bovin ou bœuf/VA.

NE (Naisseur-Engraisseur) de veaux : Atelier bovins viande avec au moins 5 VA et produisant des veaux, entre 0,5 et 1,3 veaux (mâles et femelles)/VA.

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BEEF CARBON – Le plan carbone de la filière viande bovine

NE de JB : Atelier bovins viande avec au moins 5 VA et produisant des animaux lourds (engraissés, cela inclut les broutards repoussés), soit plus de 0,2 JB/VA, et le nombre de JB vendus doit être supérieur au nombre de bœufs vendus.

Engraisseur spécialisé : Atelier bovins viande sans vache allaitante et nombre d'UGB bovin viande > 8.

L’échantillon analysé porte sur 1 847 diagnostics (Tableau 1) CAP’2ER® Niveau 1 réalisés entre 2016 et 2018 dans le cadre du projet Life Beef Carbon. Les diagnostics de niveau 2 moins nombreux (170) et moins représentatifs des systèmes de production ne sont pas repris dans cette analyse.

Tableau 1 : Effectifs par système bovins viande

Système Naisseur (N)

Naisseur avec engraissement

des femelles (NEF)

Naisseur engraisseur

des jeunes bovins (NEJB)

Naisseur engraisseur

de veaux (NEV)

Engraisseur spécialisé

de JB allaitants

(EJBA)

Engraisseur spécialisé

de JB lait (EJBL)

Effectif 610 578 314 91 39 145

L’évaluation de l’empreinte carbone de la viande nécessite la collecte d’un large éventail de données. La collecte est organisée en 6 sections : les effectifs des troupeaux de bovins et production de lait et viande, les bâtiment et la gestion des effluents, les surfaces, rotations et utilisations de fertilisants, les achats d’aliments et la consommation d’énergie (carburant et électricité). Suite à cette collecte des données, les conseillers (Entreprise de Conseil en Elevage et Chambre d’agriculture) ont présenté les résultats et identifié des pistes d’amélioration avec les éleveurs. Un réseau de 170 fermes innovantes a bénéficié d’un accompagnement renforcé par la construction d’un plan d’action adapté au contexte et aux objectifs de chaque éleveur.

1.3 Traitement statistique mobilisé pour l’analyse des résultats

Une partie de l’analyse a utilisé les statistiques descriptives pour permettre l’analyse des résultats. Dans une deuxième partie, nous avons utilisé des statistiques paramétriques ou non paramétriques selon la validité des tests. En effet, les variables ne suivent pas toujours une distribution connue, notamment la loi normale. Les hypothèses sous-jacentes à ces tests sont alors invalides. Dans ce cas-là, l’analyse de corrélation s’est faite grâce à des tests non paramétriques. Les tests utilisés sont les tests de Pearson (paramétrique) ou Kendall et Spearman (non-paramétriques). La régression linéaire simple a aussi été utilisée dans les mêmes conditions de validation des hypothèses (indépendance des observations, linéarité entre x et y, normalité des erreurs et homoscédasticité) que le test de Pearson. La régression linéaire et le test de Pearson ont été utilisés pour le lien entre GES (brut ou net) et biodiversité ou stockage de carbone. Le test de Kendall a été utilisé pour les aspects relatifs à l’azote.

Les corrélations avec d’autres indicateurs environnementaux ont été réalisées d’un côté sur les ateliers naisseurs, NEF, NE de JB et NEV, et d’un autre côté sur les engraisseurs spécialisés. Il faut bien noter que l’unité fonctionnelle choisie permet difficilement de mélanger les systèmes, et de plus, les systèmes d’engraissements purs ont des dynamiques très différentes des systèmes naisseurs que l’on masquerait en intégrant l’ensemble des systèmes dans les mêmes analyses.

2. Résultats

L’ensemble des données de 1 847 éleveurs a permis de déterminer le niveau d’efficience environnementale des élevages, de mettre en relation les résultats environnementaux avec les indicateurs de pratiques, d’apprécier le lien entre efficience environnementale et efficience économique, et d’identifier les pistes d’améliorations (Idele, 2017 ; Idele, 2018a).

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2.1 Les élevages avec un faible impact carbone ont une meilleure efficience technique

Les caractéristiques et les performances varient considérablement entre les différents contextes pédoclimatiques et la conduite technique de l’élevage. Les éleveurs ont aussi différentes stratégies de production, ils peuvent priviligier la productivité, la valorisation économique dans le cadre de label ou l’économie d’intrants. Le Tableau 2 présente les caractéristiques des systèmes. Une variation assez forte des valeurs intra-système est observée et s’explique par la diversité de systèmes allaitants existant au sein de notre classification. Les productions sont différentes en fonction des systèmes (animaux maigres et animaux finis). Les exploitations n’ont pas le même lien au sol. On observe que les systèmes naisseurs sont assez extensifs, herbagers et avec un recours faible aux intrants. Les systèmes ayant une phase d’engraissement ont des chargements plus élevés, avec un recours aux concentrés et maïs plus fort.

Tableau 2 : Caractéristiques et performances techniques par système des exploitations de l’échantillon sélectionné

Caractéristiques N NEF NE JB NEV EJBA EJBL

Valeurs moyennes

SAU viande (ha) 116 130 131 83 57 23

Part de maïs dans la SFP (%) 3 5 14 5 64 79

Nombre de vaches 78 87 102 66 NA NA

Chargement apparent (UGB/ha) 1,11 1,23 1,61 1,26 2,27 2,59

Production brute de viande vive

(kgpbvv/UGB) 291 314 367 265 910 911

Quantité de concentrés

(kg bruts/UGB) 561 721 815 703 2378 1779

Temps moyen au pâturage

(mois/an) 7,5 7,3 5,9 7,1 0,8 0,07

Intervalle Vélâge-Vélâge – IVV

(jours) 383 380 380 391 NA NA

Taux de renouvellement (%) 21 24 34 18 NA NA

Age au premier vêlage 35 35 34 2,7 NA NA

Finition (%) 29 21 89 35 100 100

Fertilisation minérale azotée

(kg N/ha) 28 30 56 37 76 70

La Figure 2 illustre la répartition par poste des émissions de gaz à effet de serre. Le premier poste d’émission est la fermentation entérique avec environ 56 % des émissions, ensuite 23 % des émissions sont imputées aux postes gestion des effluents. Les postes suivants ont des niveaux plus mineurs mais ne se révèlent pas moins importants dans une logique de réduction des émissions de GES, où tous les postes doivent être mis à contribution. Les résultats présentés en Figure 2 sont comparables avec les publications (Gac et al., 2014). La part de méthane entérique est supérieure aux résultats présentés par des études antérieures (Geber et al., 2013).

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BEEF CARBON – Le plan carbone de la filière viande bovine

Figure 2 : Répartition des postes d'émissions des systèmes N, NEF, NEJB et NEV

Les émissions de GES présentés dans le Tableau 3 ne peuvent pas être comparées d’un système à l’autre. En effet, les systèmes ne produisent pas les mêmes types de produit. Les naisseurs produisent des animaux maigres qui doivent encore être engraissés (type broutard), alors que les engraisseurs spécialisés produisent des animaux finis destinés à l’abattage et à la consommation.

De plus, le poids carbone du broutard entrant dans les ateliers d’engraissement spécialisés n’est pas inclus. Les résultats présentés dans le Tableau 3 traduisent le fait que la phase « naissage » est plus émétrice de GES que la phase d’engraissement, puisqu’elle est moins productive et nécessite la présence sur l’exploitation des femelles de renouvellement, c’est-à-dire d’animaux improductifs. Les engraisseurs spécialisés n’ont que des animaux productifs sur leurs exploitations, en dehors du taux de mortalité.

Les 10 % des élevages ayant les émissions brutes les plus faibles (TOP 10 % dans le Tableau 3) ont une moyenne inférieure d’environ 30 % par rapport à l’ensemble de l’échantillon. A l’échelle française, les résultats sont supérieurs aux résultats de Dollé et al. (2015), qui trouvaient que les naisseurs, NE de JB émettaient respectivement 15,2 kgeqCO2.kgpbvv-1 et 12,2 kgeqCO2.kgpbvv-1. Les résultats sont proches d’autres résultats obtenus sur les fermes du réseau INOSYS (Moreau et al., 2017). Ainsi, les systèmes naisseurs des réseaux d’élevage INOSYS ont une empreinte carbone de 18,5 kgeqCO2.kgpbvv-1 contre 19,0 kgeqCO2.kgpbvv-1 dans les 610 naisseurs des projets Beef Carbon. Ces résultats sont également comparables avec les résultats obtenus au niveau européen (O Brien et al., 2019) et international (Mc Auliffe et al., 2018).

Tableau 3 : Emissions de GES par système

Système N NEF NEJB NEV EJBA EJBL

Moyenne (kgeqCO2.kgpbvv-1) 19,0 18,4 16,4 23,3 9,2 8,7

Moyenne du TOP 10 %

(kgeqCO2.kgpbvv-1) 12,9 12,1 11,9 12,7 4,8 4,4

Empreinte nette

(kgeqCO2.kgpbvv-1) 11,3 12,5 13,5 16,7 8,8 8,4

On observe une forte variabilité au sein des systèmes, les box-plots de la Figure 3 l’illustre parfaitement.

L’indicateur GES montre très bien la variabilité des systèmes mais aussi les différences d’efficacité. Il apparaît comme un indicateur agrégé des performances techniques des exploitations. La variabilité des résultats confirme l’idée qu’une marge de progression est envisageable dans les systèmes les moins efficients. L’amélioration technique, sur des critères tels que la mortalité, l’IVV, la consommation d’intrants est l’une des possibilités de réduction des impacts de l’élevage. Une corrélation forte a été trouvée après

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un test de Pearson entre la consommation d’énergie directe (électricité, carburant) et indirecte (engrais et aliment), c’est en accord avec les résultats proposés en 2014 par Veysset (Veysset et al., 2014). La consommation totale d’énergie est de 18,78 MJ/kgpbvv dans les systèmes naisseurs, 18,95 MJ/kgpbvv dans les systèmes NE de jeunes bovins et 12,66 MJ/kgpbvv dans les systèmes engraisseurs spécialisés.

On remarque que les élevages qui ont des émissions plus faibles sont les élevages qui utilisent le mieux les intrants dans le système. Les systèmes du TOP 10 % ont une meilleure productivité avec une utilisation d’intrants plus faible. C’est toujours le cas quelque soit l’indicateur technique selectionné (Tableau 4), sauf sur l’indicateur azote minérale chez les EJB allaitants. Ceci peut s’expliquer par des rendements plus élevés dans ces systèmes qui justifie un apport d’azote plus important.

Figure 3 : Variabilité des émissions de GES des systèmes bovins viande ; a) N, NEF, NE JB et NEV ; b) EJBA, EJBL

Tableau 4 : Comparaison des performances techniques entre le TOP 10 % et le reste du groupe

Naisseur NE de JB EJB allaitant

Variables Moyenne Moyenne

TOP 10 % Moyenne Moyenne

TOP 10 % Moyenne Moyenne TOP 10 % Quantité de concentré

(kg/100kgpbvv) 167 117 175 143 266 207

Carburant (MJ/ha) 10,7 6,9 9,5 6,7 5,2 1,7

Azote minéral (kg N/ha) 27,8 17,5 56 51,7 76 92

Productivité (kgpbvv/UGB) 291 399 367 493 910 1529

Intervalle vélâge-vélâge 382 379 380 376 NA NA

A l’intérieur des systèmes naisseurs, nous avons testé le lien entre pourcentage de prairie dans la SAU et les émissions de GES. Nous n’avons noté aucun lien entre les émissions de GES et la part de prairies permanentes dans la SAU, après un test de Pearson (p-value > 0,05). Cette absence de corrélation est illustrée dans la Figure 4. Nous n’avons pas trouvé de corrélation entre la productivité des systèmes, c’est-à-dire la pbvv/UGB, et la part de prairies dans la SAU, ce qui confirme le résultat précedent.

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Andurand J., et al.

Figure 4 : Absence de corrélation entre la part de prairies permanentes dans la SAU et les émissions de GES sur les systèmes N, NEF, NE de JB et NEV

L’un des avantages des systèmes herbagers est le stockage de carbone. Les résultats sont illustrés dans le Tableau 5. A partir des estimations de stockage de carbone, on calcule l’empreinte nette des systèmes bovins viande. Une corrélation négative, après un test de Pearson, a été trouvée entre l’empreinte nette des systèmes et la part de prairie permanente dans la SAU. La compensation des émissions de gaz à effet de serre est de l’ordre de 30 % dans les systèmes naisseurs, NEF, NEJB et NEV. La compensation dépend à la fois du pourcentage de prairie dans la SAU et mais aussi du chargement. En effet, plus celui- ci est élevé, plus la compensation est faible. Ceci est dû à une production plus forte sur une même surface et donc un dénominateur plus important.

Tableau 5 : Autres impacts environnementaux des systèmes bovins viande

Système N NEF NEJB NEV EJBA EJBL

Excédent du bilan azoté (kg N/ha

viande) 75,98 78,55 106,26 76,52 132,71 147,64

Risque de perte d’'azote vers l'eau

(kg N/ha de SAU viande) 9,16 18,94 25,93 13,77 38,48 45,76

Biodiversité entretenue (ha de biod/ha

de SAU viande) 1,78 1,62 1,42 1,38 0,93 0,85

Stockage de carbone (kg C/ha) 550,57 456,53 353,42 423,83 72,88 61,48

Compensation carbone 42 % 33 % 17 % 28 % 4 % 4 %

Dans cette partie, une vision atelier a été développée pour répondre au enjeux du projet, c’est-à-dire de communiquer aux agriculteurs sur leurs impacts environnementaux. La pbvv est une unité que les agriculteurs connaissent et il apparaissait simple de l’utiliser pour caractériser les impacts environnementaux. A partir des bases de données, un calcul de l’impact du JB a été effectué à partir de deux systèmes : naisseur-engraisseur de jeunes bovins et engraisseur spécialisé de jeunes bovins allaitants. Les jeunes bovins issus des ateliers engraissements spécialisés ont un poids carbone moyen de 13,4 kgeqCO2.kgviande vendu et ceux issus des ateliers naisseur-engraisseurs ont un poids carbone moyen de 13,1 kgeqCO2.kgviande vendu.

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2.2 Relations entre émissions de GES et indicateurs environnementaux

Les prairies, haies, arbres et parcelles en agroforesterie ont la capacité de stocker du carbone. Ces élements agro-écologiques sont aussi un réservoir de biodiversité.

Après une régression linéaire, dans les 2 groupes définis, aucune corrélation n’a été trouvée (p-value > 0,05) entre la biodiversité et les émissions de GES. Il en est de même pour le stockage de carbone, en revanche après un test de Pearson, une corrélation négative a été trouvée entre les émissions de GES nettes et la part de prairies permanentes dans la SAU (cor = -0,57 et p-value < 0,05).

Ce résultat est en accord avec le fait que les émissions de GES brutes ne sont pas liées au pourcentage de prairies.

Les systèmes ayant le plus de prairies ont des excédents d’azote plus faibles et un risque de pertes vers l’eau également plus faible. Une faible corrélation postive a été trouvée entre les émissions de GES brutes et l’excédent azoté (p-value = 0,03 chez les systèmes « naisseurs » et p-value = 0,01 chez engraisseur spécialisé). L’excédent peut ensuite être perdu vers l’eau, ou l’air ou bien stocké dans les sols. Le risque de pertes vers l’eau est corrélé postivement avec l’excédent azoté de l’atelier (Test de Kendall, tau = 0,52, p-value < 0,05). Le risque de pertes vers l’eau est par contre corrélé de façon négative avec la part de prairies permanentes dans la SAU (Test de Kendall, tau = -0,28, p-value < 0,05).

Notre étude confirme la place centrale de la prairie sur les impacts positifs de l’élevage allaitant. En plus des parties évaluées dans le projet, la prairie permet de lutter contre l’érosion (Huyghe, 2009) et est au centre de la diversité des paysages en zone d’élevage.

2.3 Techniques de réduction des émissions

D’après une méta-analyse de Veneman et al. (2016), les techniques de réduction de méthane étudiées ont un potentiel compris entre 6 et 25 % des émissions brutes. Les inhibiteurs chimiques réduisent jusqu’à 25 % des émissions de méthane entérique suivis ensuite par des additifs alimentaires qui captent l’hydrogène dans le rumen, les tannins ou les lipides avec une moyenne de réduction des émissions de méthane entérique de 10 % à 20 %. La vaccination n’a pas d’effets sur les émissions de méthane tandis que l’intensité au pâturage, les probiotiques et les évolutions de faune du rumen n’ont pas d’impacts significatifs. Ces méthodes ont un coût non négligeable pour l’éleveur. Le rapport INRA (Pellerin et al., 2013) les classe parmi les actions à un coût élevé, c’est-à-dire qu’elles demandent des achats d’intrants sans baisses de charge, ni valorisation de produits supplémentaires.

La sélection génétique est aussi un des leviers qui pourraient être mobilisés pour améliorer l’efficience des animaux. Le but serait de mettre en place des programmes de génétique sur des phénotypes comme le CH4 émis par kg de matière sèche ingéré par exemple. Des recherches persistent encore sur la relation entre microbiote et les émissions de CH4, la relation entre CH4 et les qualités maternelles et la relation entre CH4 et RFI (Residual Feed Intake). Le groupe d’experts européen BovINE estime que le potentiel de réduction avec la sélection génétique est de 1 % par an (ICBF, 2020)

Les potentiels de réduction ont été estimés grâce à des simulations effectuées sur les fermes innovantes du projet Life Beef Carbon. Les potentiels de réduction sont inférieurs à 10 %, mais plusieurs des stratégies peuvent être mises en place simultanément. Les leviers présentés sont réalisables sur l’exploitation avec un faible surcoût de temps de travail et une amélioration de l’EBE intéressante. Les actions sont en majorité des améliorations techniques.

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Andurand J., et al.

Tableau 6 : Les leviers de réduction des émissions de GES évalués dans Beef Carbon

Objectifs Situtation témoin Simulation Effet sur les

GES net Effet sur EBE (€) Diminuer l’IVV NE de JB

Pays de Loire Passage de 390 à 375j -2,2 % 2 600 Réduire le délai

entre le dernier vélâge et l’abattage

NE de JB

Pays de Loire Passage de 340 à 280j -7 % 5 300

Augmenter le taux de finition

NE de JB

Pays de Loire Finition vaches de réforme -6,7 % 5 800 Santé et

croissance des jeunes animaux

Naisseur extensif

Pays de Loire -4 % mortalité et + 100g/j -3 % 2 700

Réduction de l’âge au premier vêlage

Naisseur avec engraissement des

femelles Charolais Vêlage à 35 mois

Passage à 30 mois en double période Passage à 24 mois

De -4 % à -14 % /

Autonomie Naisseur

engraisseur veaux Aveyron

Passage RGI en méteil et prairie temporaire flore

variée plus longue -8,9 % 5 000 Amélioration du

pâturage Naisseur Normandie +20 jours pâturage, Passage

en pâturage tournant -2 % /

Raisonner la fertilisation

NE de JB Pays de Loire

Optimiser fertilisation minérale (-23 uN/ha) Favoriser légumineuses

(-43 uN/ha)

-3,5 % -6,5 %

1 500 3 000

3. Discussion

3.1 Résultats et comparaison avec les études existantes

L’échantillon recueilli dans le projet Life Beef Carbon est composé d’éleveurs engagés volontairement dans la démarche. L’échantillon peut être considéré comme étant représentatif en termes de systèmes mais non en termes de pratiques des éleveurs des systèmes. L’échantillon sur-représente les engraisseurs spécialisés de bovins lait. La voie d’engraissement bœuf a aussi été évaluée dans le projet, mais le faible nombre d’individus diagnostiqué ne nous permet pas de rendre des résultats suffisament robustes dans cette publication. On peut toutefois noter que leurs émissions nettes sont inférieures à un système NE de JB, grâce aux avantages des systèmes herbagers sur le stockage de carbone.

Les comparaisons avec d’autres ACV en élevage sont parfois compliquées car l’ensemble des choix méthodologiques n’est pas toujours explicité dans ces publications (De Vries et al., 2015 ; Sykes et al., 2020). Les unités d’expression des résultats sont aussi une source de variation importante dans la littérature internationale. Certains auteurs expriment leurs résultats en kg carcasse (Pelletier et al., 2010 ; Alan-Rotz et al., 2019 ; Mogensen et al., 2015), d’autres en kg de produit ou produit vendu (Lessechen et al., 2011 ; Bogliglio et al., 2018), d’autres encore kg de poids vif (Kamali et al., 2016 ; Lynch, 2019).

D’autres auteurs font aussi le choix de la pbvv ou ses équivalents comme le gain moyen quotidien (Dick et al., 2015 ; Kamalaris et al., 2020 ; McAuliffe et al., 2018 ; Berton et al., 2016). Les récents travaux et

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projets européens (BovINE, 2020) pour réduire l’empreinte carbone en bovins viande s’orientent également vers l’indicateur pbvv, plus parlant pour les éleveurs.

La démarche Life Beef Carbon fait le choix de donner une vision atelier. Ce choix a été fait car le projet visait d’abord une communication vers les éleveurs. Il apparaissait intéressant de rendre compte de l’impact de leur atelier. L’inconvénient de cette approche est qu’il n’y pas de distinction entre les produits sortis de l’exploitation. Cela permet de simplifier grandement la collecte pour qu’elle soit réalisable sur un grand nombre de ferme. En effet, pour évaluer en kg de viande vendu selon le produit (broutards, génisses, réformes…), il faut connaître l’ensemble du parcours de vie sur plusieurs années de chaque animal se trouvant dans l’exploitation. La démarche est réalisable mais paraît difficilement concevable pour un projet à large échelle. La méthode utilisée pour passer des kgpbvv aux kgviande vendu est une approche qui est tout à fait faisable avec des diagnostics CAP2ER® de niveau 1. Elle conforte des résultats complémentaires obtenus en s’appuyant sur les CAP’2ER® niveau 2 où les ventes sont détaillées par produits. Dans nos travaux, la part des JB dans la pbvv est estimée à partir des résultats des fermes du réseau INOSYS. Cette moyenne prise pour notre calcul cache une variabilité assez importante. Il pourrait donc être intéressant de confirmer les résultats obtenus dans notre étude par quelques ACV à l’échelle de l’animal. On peut noter que le poids carbone du JB est inférieur à celui trouvé par Berton et al., 2016 pour les JB allaitants engraissés en France avec une clef d’allocation économique.

3.2 La prairie garante de la performance environnementale

Les corrélations reflètent un lien entre les émissions de GES et d’autres indicateurs environnementaux.

La présence ou l’absence de corrélation entre plusieurs des indicateurs laissent penser qu’il n’y pas de contradiction entre la réduction des émissions de GES et les indicateurs environnementaux évalués. Il est à noter que le pourcentage de prairies permanentes dans la SAU ne joue pas sur les émissions de GES mais qu’il est prépondérant pour tous les autres indicateurs environnementaux.

Le projet a aussi été l’occasion d’évaluer les exploitations bovins viande sur un ensemble d’autres critères : la biodiversité, le stockage de carbone ou l’excédent azoté et les risques de fuites d’azote vers l’eau. Dans CAP2ER®, la biodiversité est évaluée de manière indirecte en suivant les surfaces en prairies permanentes et les mètres linéaires de haie. La démarche pourrait être complétée par la prise en considération des pratiques de l’agriculteur sur les parcelles (comme le chargement, ou la fertilisation) ou les pratiques de gestion des infrastructures écologiques ou la typologie des haies. La démarche d’évaluation indirecte de la biodiversité semble par ailleurs la plus adpatée au déploiement à un grand nombre d’exploitations. Ces résultats ont permis de montrer que l’élevage bovins viande permet le maintien d’une diversité paysagère, grâce à la présence de prairies, cultures fourragères, haies ou autres infrastructures agroécologiques. Cette hétérogénéité paysagère agit en faveur de la biodiversité (Le Roux et al., 2008). L’éleveur ne peut agir seul sur cette perspective, d’après Sabatier et al. (2015) c’est un champ de la recherche à ouvrir pour mettre en place des actions de gestion collective de la biodiversité.

Une démarche de type Biotex (Manneville et al., 2014) sur un large nombre de fermes permettrait d’affiner la connaissance, d’adapter nos modèles simplifiés et d’entrer dans une démarche d’amélioration.

Le stockage de carbone est aujourd’hui l’un des grands atouts des systèmes allaitants herbagers. La capacité à stocker du carbone indéfiniment par les prairies permanentes est toutefois discutée (Chenu et al., 2014). L’évolution des modèles de stockage de carbone sous les prairies est donc à suivre dans de futures adaptations de la méthodologie CAP2ER®. Dans un contexte de céréalisation et d’abandon de l’élevage dans plusieurs régions françaises, il est également important de pouvoir intégrer le stock existant sous prairies. Ce stock peut très rapidement alimenter le compartiment atmosphérique dans un contexte de diminution de la production de ruminants dans ces zones.

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Andurand J., et al.

4. Leviers de réduction

Les leviers techniques de réduction présentés dans le projet Life Beef Carbon ont tous un effet positif sur l’EBE. L’amélioration technique des élevages est parfois plus dépendante du temps que l’éleveur peut accorder à la mise en œuvre de ces leviers que d’un besoin d’investissement. Le potentiel de réduction dépend aussi fortement de l’environnement de l’exploitation, et de son optimisation. Les éleveurs ayant un bon niveau technique sur leur exploitation auront moins de leviers de diminution facilement mobilisables.

Le projet Life Beef Carbon fait ressortir le besoin de conseil et de suivi des techniques des exploitations bovins viande. La pénétration du conseil technique et l’accès à l’outil d’évaluation est nécessaire pour permettre à l’agriculteur de faire le lien entre ses pratiques et les impacts environnementaux.

L’amélioration des performances environnementales ne peut se faire sans une progression technique des éleveurs bovins viande. L’amélioration technique est difficile sans mise en avant des progrès économiques possibles. Cette conclusion est en accord avec d’autres publications (Pellerin et al., 2013) qui considéraient qu’un tiers des actions pouvant conduire à une réduction d’émissions de GES pouvait entrainer un gain financier pour l’éleveur.

Les autres leviers d’actions demandent des investissements financiers et des évolutions des systèmes plus ou moins important. Ces mesures ne pourront pas être actionnées facilement par les agriculteurs car ils demandent des investissements sans retour financier. Des voies de financements sont à explorer comme l’achat du carbone non émis ou l’évolution des politiques publiques.

Il est également à noter que les freins à la mise en place de stratégies de réduction des émissions de GES en élevage ne sont pas uniquement économiques et techniques. Il existe en effet d’importants freins sociologiques qui sont en cours d’évaluation dans le cadre du projet Life Beef Carbon. Le sentiment démobilisateur d’une stigmatisation injustifiée de l’élevage en fait notamment partie, ce qui nous interroge sur les besoins d’une communication plus positive, en particulier sur la perception du secteur bovins viande d’avantage comme une potentielle solution plutôt qu’une cause du changement climatique.

La bibliographie illustre la possibilité d’utiliser d’autres leviers de réduction des émissions de GES, comme l’utilisation d’additifs alimentaires pour permettre de réduire les émissions de méthane par les ruminants.

Ceratins additifs permettent une dimunition conséquente des émissions de méthane, mais ils sont coûteux pour l’éleveur. De plus, on peut aussi questionner l’acceptabilité du consommateur quant à l’ajout d’additifs dans l’alimentation des bovins. L’amélioration génétique des animaux est également une piste prometteuse. Les modèles d’évaluation des émissions de GES comme CAP2ER® devront être adaptés en ce sens.

Conclusion

Le programme Beef Carbon a permis de mobiliser les principaux acteurs de la filière bovins viande autour d’une dynamique fédératrice et pragmatique. Son bilan a permis de tirer des leçons en termes d’organisation, d’innovations et de connaissances, et de préparer le déploiement auprès de l’ensemble des éleveurs bovins viande. De la diffusion des outils à l’élaboration d’un conseil carbone adapté, d’une coordination cohérente mobilisatrice à une stratégie de communication à destination de tous publics, ce travail de réflexion collective a permis aux organisations et à leurs représentants professionnels d’avoir une vision prospective de la route qui leur fait face. Ce travail a notamment permis de nourrir le Pacte pour un engagement sociétal de l’interprofession et d’alimenter plusieurs démarches européennes, régionales et privées. Une réduction de 15 % des empreintes carbone des exploitations bovins viande semble atteignable. La multiplication des diagnostics permet aujourd’hui aux éléveurs de disposer de références d’exploitations comparables, locales et de fiches leviers permettant de guider leurs décisions.

Le défi est maintenant de déployer les leviers de réduction, les incitations, le conseil et la communication pour réduire l’empreinte carbone des exploitations.

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Remerciements

L’équipe projet remercie :

 Les membres du comité de pilotage et du comité technique pour leur participation et leurs conseils avisés ;

 Les éleveurs pour leur implication ;

 Les conseillers pour leur motivation et leur engagement ;

 Le Ministère de l’agriculture et de l’alimentation ainsi que le programme européen LIFE pour leur appui et leur financement.

Les partenaires de ce projet étaient : INTERBEV, Les Chambres d’Agriculture, La Coopération Agricole, France Conseil Elevage et Bovins Croissance, CRA Rhône Alpes Auvergne, CRA Bourgogne, CRA Bretagne, CRA Occitanie, CRA Normandie, CRA Pays de la Loire, Elevage Conseil Loire Anjou, EILYPS, Maison de l'Elevage - EDE du Tarn, FEDER, Littoral Normand, SICAREV, SICAGIEB, URGO, CDA Loire Atlantique, CDA Maine et Loire, CDA Mayenne, CDA Sarthe, CDA vendée, CDA Deux Sèvres, AGRIAL, CAVEB, TER’ELEVAGE, TRISKALIA, CAM, CAVAC, Bovin croissance Sèvres Vendée Conseil, CLASEL, CDA Calvados, CDA Manche, CDA Orne, CDA Eure, CDA Saône et Loire, CDA Cotes d’Or, CDA Nièvre, Alysé, ELVEA 71-58, ELVEA 21-89, Charolais horizon, Covido-bovicoop, CEBM, CDA Haute Loire, CDA du Cantal, CDA Allier, CDA Puy de Dôme, Altitude, CELIA, CDA Ariège, CDA Aveyron, CDA Haute Garonne, CDA Gers, CDA Lot, CDA Haute Pyrénées

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