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N° 438 - janvier 2018Actualités à l’ACR 2017
Imagerie
musculo-squelettique
Musculo-skeletal imaging
Damien Loeuille*
* Service de rhumatologie, hôpitaux de Brabois Adultes, CHRU de Nancy.
Polyarthrite rhumatoïde
Peut-on prédire la réponse clinique au certolizumab par une IRM fonctionnelle cérébrale ?
Il est classiquement admis dans la polyarthrite rhu- matoïde (PR) qu’un patient sur 3 ne répond pas aux anti-TNF. Dans ce travail, l’activité cérébrale asso- ciée à un stimulus douloureux est étudiée grâce à une IRM fonctionnelle cérébrale. Cette technique d’imagerie est utilisée comme facteur prédictif de la réponse thérapeutique.
Les résultats préliminaires des 50 premiers patients inclus dans un essai clinique PreCePRA multi- centrique, randomisé, visant à évaluer la valeur prédictive d’une IRM fonctionnelle sur la réponse clinique au certolizumab comparativement au placebo chez des patients atteints de PR, ont été pré- sentés. Les PR actives (DAS 28 > 3,2) sont en échap- pement au traitement de fond conventionnel. Tous les patients bénéfi cient d’un protocole d’imagerie
fonctionnelle à l’inclusion à 12 et 24 semaines. Les patients sont positionnés dans l’IRM bras allongés le long du corps. À l’acquisition de la séquence, la palpation d’une articulation gonfl ée de la main est exercée. En fonction du volume cérébral activé, les PR sont réparties en 3 groupes, le groupe 1 avec volume ≥ 2 000 voxels, le groupe 2 avec un volume
< 2 000 voxels et le groupe 3 composé de témoins (placebo). Seuls les groupes 1 et 2 sont traités par certolizumab 200 mg tous les 15 jours. Le critère de jugement est le pourcentage de patients atteignant le seuil de faible activité à 12 semaines. À partir de cette date, les patients du groupe témoin bénéfi cient du traitement anti-TNF (fi gure 1) .
Une IRM fonctionnelle est réalisée à l’inclusion, à 12 et 24 semaines. Les patients répondeurs au traitement présentent des zones fonctionnelles cérébrales initiales de volume important par opposition aux patients non répondeurs, qui ont un faible volume d’activation céré- brale à la suite de la pression articulaire. Ces résultats préliminaires montrent que, en fonction de la signa- ture cérébrale magnétique, les patients peuvent être classés potentiellement comme répondeurs ou non au traitement anti-TNF (Schenker A, 2024) .
Mode B ou doppler puissance : quelles sont les synovites les plus sensibles au changement ?
Dans la PR, l’examen échographique fait partie des méthodes d’imagerie habituellement employées afi n d’évaluer l’activité de la maladie, notamment dans les PR en rémission pour lesquelles se pose la question d’une éventuelle réévaluation du traitement. Dans cette étude est déterminée la pertinence de l’éva- luation en mode B des synovites, qui sont souvent considérées comme des lésions peu sensibles aux changements, sièges de remaniements fi brotiques.
Dans ce travail bicentrique, la PR de 157 patients en échappement thérapeutique et bénéficiant d’une réajustement est explorée par échographie à l’inclusion, à 3 et à 6 mois. L’examen échographique Figure 1. Réponse au certolizumab des patients atteints de polyarthrite rhumatoïde en
fonction du volume d’activation cérébrale à la suite d’une pression articulaire. Seuls les patients ayant un volume cérébral fonctionnel important sont répondeurs.
ps1 (IRMf1) ps2 (IRMf2) ps3 (IRMf3) 0
500 1 000 1 500 2 000 2 500 3 000 3 500 4 000 4 500 5 000
Volume c ér ébr al (v ox el)
R² = 0,589 R² = 0,5609 Non-répondeurs Répondeurs
Réponse linéaire (non-répondeurs) Réponse linéaire (répondeurs) L’IRMf mesure le volume cérébral activé à la suite
d’une pression sur la main à J0, S12 et S24
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Points forts
» La réponse clinique au certolizumab pégol peut-elle être prédite par une IRM fonctionnelle cérébrale dans la polyarthrite rhumatoïde (PR) ?
» Les synovites de PR sans activité doppler sont-elles sensibles au changement ?
» Quelles sont les recommandations EULAR d’imagerie dans les vascularites des gros vaisseaux ?
» Quel est le site articulaire à examiner en échographie pour confirmer une goutte ?
Mots clés
IRM fonctionnelle cérébrale
Synovite froide en échographie Imagerie des vascularites Imagerie échographique de la goutte
Highlights
» Can response to certoli- zumab pegol in rheumatoid arthritis (RA) be predicted by functional MRI of the brain?
» Is synovial hypertrophy without doppler activity in RA joint sensitive to change?
» What are EULAR recommen- dations for the use of imaging in large vessels vasculitis in clinical practice?
» Where to look for uric acid cristals in gout patients?
Keywords
Functionnal MRI of the brain B-mode synovitis
on ultrasound Imaging of vasculitis Ultrasound imaging in gout explore 36 articulations qui sont étudiées à chaque
visite. Cet examen comporte une évaluation des syno- vites en modes B et DP selon un score de gravité décrit par Hammer et variant de 0 à 3. Seules les articula- tions présentant une hyper trophie synoviale sans acti- vité en mode DP sont étudiées en prenant un seuil d’anomalie supérieur à 1 et un changement d’au moins 1 grade. Les variations des synovites au cours du temps sont notées aussi bien en mode B qu’en mode DP. Il s’agit d’une population classique composée de 83 % de patients ayant une PR ACPA+ dont la durée moyenne d’évolution est de 9,9 ans. Le score moyen d’activité DAS 28 est de 4,5 (tableau I).
Une décroissance de 86 % des synovites froides (sans activité DP) est observée à 6 mois contre 60 % pour les synovites en mode DP. Lorsque l’ajustement est effectué sur le score d’hypertrophie synoviale à l’in- clusion, l’activité des articulations observée en mode DP a une plus faible tendance à décroître que celle qui n’en présentent pas.
Cette étude montre que, contrairement à notre ressenti, les articulations avec synovite hypertro- phique sans activité en mode B sont plus sensibles au changement, ce qui justifi e une évaluation précise de ces synovites froides (Terslev L, 2938) .
Quelles sont
les recommandations
d’imagerie dans les vascularites des gros vaisseaux ?
Douze recommandations de l’EUropean League Against Rheumatism (EULAR) ont été proposées en cours de congrès (Dejaco C, 783) .
➤ Concernant les patients suspects d’artérites des gros vaisseaux, un examen d’imagerie rapide est recommandé pour compléter les critères cliniques de ces artérites, dans un centre ayant un haut niveau d’expertise sur le sujet. La réalisation de ces examens ne doit pas conduire à un retard de la prise en charge du malade. Pour les patients ayant une suspicion élevée et un examen d’imagerie positif, le diagnostic d’artérite gigantocellulaire peut être posé sans nécessité de réaliser d’autres examens complémentaires (biopsie, etc.).
➤ Concernant les patients présentant une faible probabilité clinique et un bilan d’imagerie négatif, le diagnostic de vascularite des gros vaisseaux est impro- bable. Dans toutes les autres situations, des inves- tigations complémentaires doivent être effectuées.
➤ L’échographie des artères temporales et, éven- tuellement, des artères axillaires est recommandée Tableau I. Évolution de la réponse au traitement des synovites en mode B et en mode DP+.
Fréquence du changement du score échographique par rapport à l’inclusion Temps Score des articulations
avec hypertrophie synoviale à l’inclusion
Fréquence du changement
des articulations DP– (%) Fréquence du changement des articulations DP+ (%)
3 mois Grade 2 2 60 56
Grade 3 3 80 59
6 mois Grade 2 2 61 64
Grade 3 3 82 66
Figure 2. Aspect d’une artère temporale normale en coupe longitudinale. B et C. Signe du
“halo” en échographie, en coupe longitudinale et axiale non compressible. D. Dilatation et sténose sur une IRM angiographique. E. TEP scanner au FDG montrant une augmen- tation d’activité dans les artères sous-clavières, carotidiennes et de l’aorte abdominale.
A
C
B
D E
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en technique d’imagerie de première intention pour les vascularites des gros vaisseaux à localisation crânienne. Un signe du halo (fi gure 2, p. 49) non compressible en échographie est fortement suggestif d’une vascularite des gros vaisseaux.
➤ L’IRM haute résolution des artères crâniennes permet une évaluation de l’infl ammation des parois vasculaires et doit être considérée comme une technique d’imagerie de seconde intention lorsque l’échographie n’est pas possible ou ne permet pas de conclure.
➤ Le scanner et la tomographie par émission de positrons (TEP) ne sont pas recommandés pour évaluer l’infl ammation des gros vaisseaux à loca- lisation crânienne.
➤ L’échographie, la TEP, l’IRM et/ou le scanner peuvent être utilisés pour détecter l’infl ammation des parois vasculaires et/ou apprécier les change- ments morphologiques de la lumière vasculaire pour les localisations extracrâniennes et ainsi poser le diagnostic d’artérite des gros vaisseaux. L’écho- graphie n’a ici qu’un intérêt limité.
➤ Pour les patients suspects de maladie de Takayasu, l’IRM permet d’évaluer l’infl ammation de la paroi vasculaire artérielle et/ou les sténoses endo- luminales et doit être faite en première intention, dans un centre d’expertise rompu à la réalisation de ce type de demande.
➤ La TEP, le scanner et/ou l’échographie peuvent être utilisés comme des techniques d’imagerie de seconde intention pour les malades suspects de Takayasu. L’échographie a un intérêt très limité dans l’exploration de l’aorte abdominale.
➤ L’angiographie n’est pas recommandée pour le diagnostic de vascularite des gros vaisseaux ou de la maladie de Takayasu, et doit être remplacée par les autres techniques d’imagerie déjà mentionnées.
➤ Concernant les patients suivis pour une vascula- rite des gros vaisseaux ou une maladie de Takayasu chez lesquels une rechute est suspectée, l’imagerie
permet de confi rmer ou d’exclure celle-ci. L’ima- gerie est classiquement non recommandée chez les patients en rémission clinique ou biologique.
➤ Concernant les patients ayant eu une vascularite des gros vaisseaux, l’IRM angiographique, l’angio- graphie et/ou l’échographie peuvent être utilisées pour évaluer les lésions structurales (sténose, occlu- sion, dilatation et/ou anévrysmes) [fi gure 2] . La fréquence du suivi ainsi que la méthode d’imagerie sont adaptées à chaque cas.
➤ Les examens d’imagerie doivent être réalisés par un radiologue expert rompu aux techniques et disposant de conditions techniques optimales. La reproductibilité des examens d’imagerie fait partie des priorités.
Quel site articulaire examiner en échographie pour confirmer une goutte ?
Récemment, le groupe OMERACT d’échographie a donné une défi nition précise des lésions articulaires et abarticulaires associées à la présence de dépôts de cristaux d’urate de sodium : aspects de double contour (dépôts de cristaux d’urate de sodium à la surface du cartilage donnant une forte écho génicité de cette couche, même lorsque le faisceau ultra- sonore n’est pas perpendiculaire), agrégats (petites structures hyperéchoïques intratissulaires ou intra- liquidiennes), tophus (agrégation hypo échoïque de cristaux) ou encore érosion (rupture de la cor- ticale osseuse dans les plans longitudinal et axial) [figure 3] .
Les dépôts d’acide urique peuvent être présents sur de multiples régions, avec toutefois des sites préférentiels. Dans cette étude est déterminée la localisation anatomique préférentielle des lésions liées aux dépôts de microcristaux sur ces sites chez 117 patients goutteux, âgés en moyenne de 56 ans,
Figure 3. Aspect échographique des dépôts de cristaux d’urate de sodium articulaires et extra-articulaires.
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L’auteur déclare ne pas avoir de liens d’intérêts.
ayant une durée d’évolution de la maladie de 8,5 années et une uricémie de plus de 360 µmol/l (ou > 60 mg/l), avec une moyenne de 488 µmol/l.
L’examen échographique porte sur les régions bi la- térales suivantes : articulations radiocarpiennes, articulations de la 2
emétacarpophalangienne, insertions tricipitales et quadricipitales, insertions du tendon rotulien (proximal et distal), cartilage distal du fémur en flexion maximale, articulation
Tableau II. Localisation articulaire préferentielle des dépôts d’urate de sodium chez les patients souffrant de goutte.
Double contour (%) Tophus (%) Agrégats (%)
Membre supérieur
Poignets 0,6 8,6 8,1
MCP2 0 2,6 2,1
Triceps NA 16,2 29,9
Membre inférieur
Fémur distal 15,7 NA NA
Tendon quadriceps NA 8,9 15
Tendon rotulien proximal NA 14,6 11,2
Tendon rotulien distal NA 19,9 40,7
Talus 19,2 NA NA
Tendon d’Achille NA 8,7 8,7
MTP1 34,3 44,9 49,7
tibiotalienne et articulation de la 1
remétatarso- phalangienne.
Il n’y a pas de corrélation entre la moyenne de l’uri- cémie et le nombre de sites avec dépôts (r = 0,11), mais une corrélation entre le nombre de sites atteints et la durée d’évolution de la maladie (r = 0,25 ; p = 0,007). Le tableau II montre la répartition des lésions et leur prévalence en fonction de l’articulation
(Hammer H, 249). ■
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