DISPOSITIFS MUSÉAUX INTERACTIFS
DE TYPE « HANDS ON » :
QU’EN FONT ET QU’EN PENSENT LES VISITEURS ?
Étude de l'espace Eurêka du Palais de la Découverte
Sylvain LEFAVRAIS Palais de la Découverte, Paris
MOTS-CLÉS : ÉLÉMENTS D’EXPOSITION « HANDS ON » - EURÊKA - IMPLICATION DES VISITEURS
RÉSUMÉ : L'espace Eurêka du Palais de la Découverte, composé d'expériences à manipuler, fait actuellement l'objet d'une étude approfondie dans le but de sa reconstruction. Les informations fournies permettront de faire évoluer ce concept d'élément d'exposition et de faire renaître ce secteur d'exposition sous une forme plus adaptée à la diversité de ses publics, à leurs comportements et à leurs désirs.
SUMMARY : The exhibit Eurêka, a part of the Palais de la Découverte composed of "hands on" elements, is now being studied in order to be rebuilt. The informations from the visitors will allow an evolution of the "hands on" concept and a rebirth of this exhibition, fitted to the different publics, their behaviour and their wishes.
1. QU’EST-CE QUE L’ESPACE EURÊKA ?
C'est un secteur du Palais de la découverte créé vers le milieu des années 80, largement inspiré des pratiques alors en usage à l'Exploratorium de San Francisco et conforme aux grandes lignes tracées par Jean Perrin, créateur du Palais de la Découverte. Il est composé d'une quarantaine de dispositifs interactifs à manipuler, de thèmes divers, où l'on distingue trois pôles : des tests, des illusions, des expériences de mécanique.
Il y a quelques années, les éléments qui le composaient occupaient encore ses deux salles d'origine (environ 900 m2 au rez-de-chaussée). Les contraintes de place en ont fait un espace mobile, bien que permanent, s'adaptant aux nécessités des présentations d'expositions temporaires. Une étude, actuellement en cours de réalisation, permettra à terme d'orienter les actions pour sa modernisation et de valider le concept muséal dont il est porteur. C'est la première partie de l'étude qui est présentée ici (entretiens de fin de visite). La suite se basera sur des suivis de visiteurs, des observations et des entretiens in situ concernant certains éléments d'exposition, ainsi que sur des évaluations cognitives.
La question qui se pose à l'heure de sa modernisation est : Sous quelle forme cet espace peut-il
subsister dans l'établissement ? On ne peut y répondre qu'en éclaircissant d'autres questions clés.
2. EURÊKA EST-IL D’INSPIRATION CONSTRUCTIVISTE ?
A Lecture : Mode d’emploi + Effet à observer + INTERPRÉTATION Expérimentation B Lecture : Mode d’emploi + Effet à observer
Expérimentation Lecture : INTERPRÉTATION C Lecture :
Mode d’emploi +
Effet à observer Expérimentation
D Lecture :
Mode d’emploi
Auto-test (rapidité, adresse, mémoire, vue etc.)
On y relève quatre types de relation aux visiteurs :
Le schéma A (7 éléments d'exposition) peut être assimilé à une pédagogie transmissive, puisque l'expérience ne sert alors qu'à valider l'explication des phénomènes.
En revanche, B, C et D (35 éléments d'exposition) peuvent être considérés comme des démarches constructivistes. L'expérimentation personnelle est très développée et conduit à des conflits cognitifs forts, bien que "l'effet à observer" soit malheureusement dévoilé avant l'expérimentation. Les conditions pour une auto-construction de la connaissance sont donc réunies.
3. LE CONCEPT COMMUNICATIONNEL D’EURÊKA A-T-IL VIEILLI ?
Les visiteurs présentent Eurêka de façon plutôt enthousiaste. Ceci est corroboré par les notes de satisfaction demandées aux visiteurs (de 0 à 10) ; moyenne : 7,4. Pour les visiteurs du Palais de la Découverte les éléments d'exposition de type Eurêka sont "absolument nécessaires" (42%) ou "plutôt souhaitables" (58%), contre 0% d'avis négatifs.
En venant au Palais, les visiteurs souhaitent majoritairement "expérimenter par eux-mêmes" (pour 73% d'entre eux). Le design (pourtant vieux de 15 ans) est plutôt apprécié (59% d'avis positifs, 28% de négatifs).
4. QUELS ACQUIS POUR LES VISITEURS ?
De nombreux auteurs ont montré que les visiteurs n'apprennent apparemment que peu de choses dans les musées. Mais cette constatation ne s'applique en fait qu'aux connaissances qui peuvent être explicitées par le sujet, telles les connaissances de type scolaire. Bon nombre d'acquis restent en fait à l'état inconscient et sont donc difficiles à évaluer. Ainsi :
• 45% des visiteurs, malgré leur satisfaction fréquente, déclarent ne rien avoir compris ou appris. • On leur demandait de citer des adjectifs correspondant au secteur d'exposition : "intéressant" et "instructif" ont été les plus cités, de même "amusant" et "ludique" (par 20 à 30% des visiteurs pour chacun).
• Pour les visiteurs, Eurêka est d'abord conçu "pour s'amuser", et "pour comprendre", mais aussi "pour apprendre" (respectivement 30, 27 et 20% des réponses).
• Ils souhaiteraient une présence humaine pour les aider à comprendre, plutôt que pour faire des animations (respectivement 62, 24% des réponses). Seuls 14% préfèrent se passer de médiateur humain, comme actuellement.
5. POURQUOI EURÊKA ATTIRE-T-IL LES VISITEURS ?
• Un désir majeur est d'expérimenter par soi-même :
- souhait formulé par 83% des visiteurs en réponse à "Que souhaitez-vous faire en venant au Palais
de la Découverte ?"
- À la question ouverte "Que pensez-vous de cet espace ?", une remarque est plus fréquemment émise : "Ici, c'est nous qui faisons, qui touchons, qui manipulons" (17% des visiteurs).
De toute évidence - et d'autres points des entretiens le montrent - l'implication des visiteurs au cœur même des expériences est un besoin puissant. Dans les expériences du type "presse-bouton", le visiteur reste relativement extérieur à la "boîte" représentant l'expérience, qu'il a juste la possibilité de déclencher. Avec les éléments d'exposition du type Eurêka, il est placé au cœur de l'expérience, et il peut modifier les paramètres à son gré.
6. L’ABSENCE DE THÈME GLOBAL EST-ELLE GÊNANTE ?
• Seul un visiteur (sur 40) s'est dit "manquer de fil conducteur".
• La fréquentation importante de cet espace montre que l'absence de thème global n'affecte apparemment pas son attrait.
• C'est le caractère commun "d'expérience interactive" qui crée l'unité du lieu.
7. CONCLUSION : COMMENT FAIRE ÉVOLUER EURÊKA ?
• Les "cœurs" d'élément d'exposition pourraient en général être conservés.
• Le design gagnerait à être plus gai, avec une iconographie plus abondante et plus conviviale. • La mise en œuvre de bâtis individuels faciliterait les déplacements d'éléments.
• Les textes explicatifs, peu compréhensibles et obsolètes, seraient entièrement revus, en privilégiant le questionnement, plutôt que la réponse toute faite.
• L'interactivité de certains éléments d'exposition devrait être repensée.
• Un thème global n'est pas nécessaire, mais il est important de conserver à cet espace son unité. • Les enfants doivent être plus pris en compte, en leur facilitant la mise en œuvre des éléments d'exposition, et en réservant un mini-espace spécifique aux plus jeunes.
