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ARTheque - STEF - ENS Cachan | L'explication

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Academic year: 2021

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L'EXPLICATION

Alain VERGNIOUX l.U.F.M. de Bretagne

MOTS-CLÉS: EXPLlCATION - MODÈLE - VÉRIFICATION - LANGAGE

RÉSUMÉ: Une explication est toujours contextualisée. Cependant l'analyse pennet de définir certains caractères généraux. Il s'agit d'élaborer les langages adéquats fonnalisés qui pennettent d'intégrer des résultats expérimentaux. L'exigence scolaire n'en est pas très éloignée qui renvoie principalement l'explicationàdes pratiques discursives de langage clair et distinct.

SUMMARY : An explanation is always raised in a context. However it is possible ta define sorne general fealures. What is on purpose is the building of adequate fonnal languages able to integrate experimental results. The school standards are quite close to this, since they are submitted to the same requirements of clear and distinct discourses.

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1. INTRODUCTION

Pour aborder la question de l'explication, plusieurs voies sont possibles et les plus grands esprits, déjà, s'y sont risqués. Nous n'en proposerons qu'une, modestement, en espérant qu'elle ne débouche pas sur un taillis de ronces.

On ne peut pas répondre à la question: -Qu'est-ce que l'explication? comme on répondraitàla question: -Qu'est-ce qu'un lépidoptère? ou : - Qu'est-ce qu'un arc en ciel? L'explication n'est pas une "chose" de cet ordre sur laquelle pourrait s'exercer la pensée; elle est la pensée elle-même dans une des formes de son activité. C'est cela qu'il s'agit de caractériser.

Commençons donc par donner quelques principes pour l'analyse. Expliquer signifie proprement déplier, comme on le ferait d'un éventail ou d'un papier froissé: faire l'inventaire et mettre à plat. Dans cette optique, on peut distinguer trois niveaux:

• parcourir les significations du terme explication, • en renvoyer le sens à des usages,

• référer ceux-ci à des situations.

L'hypothèse générale est qu'une explication est toujourscontextualisée.

Ajoutons encore cette distinction entre deux positions: selon que l'on cherche une explication ou que l'on doit fournir une explication, ce qui correspond à un projet ou une mise en demeure. Dans le premier cas, qui estgrosso modo celui du scientifique, on tâtonne, on avance dans le doute ou la fébrilité, non sans outillage certes, qu'il soit théorique, méthodologique ou technique; dans le second cas, qui correspond plutôt à l'espace scolaire, il s'agit davantage d'un problème de formulation, de production d'une réponse intelligible, communicable et persuasive.

Le chercheur dans son laboratoire, le même dans un Colloque, le même àLa Marche du Siècle, etc. L'élève devant le maître, etc. L'homme politique devant les micros, le prévenu devant le juge, etc. Tous ceux-là fournissent, produisent, inventent des explications. Peut-on dégager des traits communs à ces différents cas? Au moins deux : un discours articulé, la charge de la preuve (même si l'explication est fantaisiste).

Déplions davantage.

Dans le domaine des sciences de la nature, l'explication est en général référée à trois préoccupations: - Exhiber les causes d'un phénomènes (de façon suffisante pour permettre la prédictivité),

- Établir des relations entre les phénomènes (entre les variables qui permettent de décrire un phénomène, ou une classe de phénomènes),

- Vérifier expérimentalement la pertinence d'hypothèses ou de modèles, construitsin abstracto. Ces trois moments de l'explication sont interdépendants, et constituent à la fois des buts et des moyens de l'explication (envisagée du moins dans sa globalité, car on peut se trouver dans la situation où l'on doit se contenter d'explications partielles ou incomplètes).

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Après que William Herschel eut découvert la planète Uranus, les astronomes et les calculateurs s'attachèrent à dresser les tables de son mouvement, afin de pouvoir prédire à l'avance sa position dans le ciel. Or Alexis Bouvard mit en évidence des irrégularités telles qu'elles rendaient le problème insoluble et fut amené à imaginer la présence "de quelque action étrangère et inaperçue qui aurait influencé la marche de la planète" ; ces difficultés furent confirmées par son neveu Eugène Bouvard, qui présenta en 1845 à l'Académie des Sciences de nouvelles tables plus précises mais présentant toujours des anomalies incompréhensibles. Arago soumit le problème à un jeune adjoint du Bureau des Longitudes, Urbain-lean-Joseph Le Verrier, qui en quatre Mémoires successifs s'échelonnant entre novembre 1845 et septembre 1846, proposa la solution du problème. Il fallait faire intervenir une cause étrangère, qui ne pouvait être qu'une planète encore inconnue, mais dont on pouvait calculer avec une approximation suffisante les caractéristiques: masse, trajectoire et positions probables dans le ciel. Une planète située dans l'écliptique, à une distance moyenne de 36 unités astronomiques, parcourant son orbite en 217 ans, et dont la longitude le 1er janvier 1847 devait être de 326·32'. L'observation (à32T24') fut faite par Galle, directeur de l'observatoire de Berlin,à qui Le Verrier avait communiqué ses conclusions. Il s'agissait de Neptune. De nouveaux relevés permirent par la suite de rectifier les premières indications de Le Verrier (la distance de Neptune au soleil en effet n'est que de 30 Unités)

(1)-La démarche est exemplaire: l'observation empirique révèle une difficulté; cette difficulté est interprétée à partir de la théorie disponible (la théorie newtonienne et ses développements) qui fournit en même temps les hypothèses de recherche pour aboutir à une solution; la théorie donne aussi l'outillage conceptuel et mathématique qui permet par le calcul d'organiser les observations qui devront être faites; l'observation corrobore la pertinence de l'hypothèse et conforte la théorie (2).

Toutes les situations ne sont pas aussi parfaites; mais la plupart révèlent la même structure. Seulement, les différents moments de la démarche ne trouvent pas dans un cas ou dans l'autre, la même pondération.Ilfaudrait par exemple développer les circonstances qui conduisirent Maxwellà ses quatre équations: là, sous la contrainte des résultats expérimentaux et des questions soulevées, ce sont les représentations théoriques disponibles qui se trouvent remaniées pour céder la place à une théorie plus puissante.

Revenonsà notre premier exemple.Ilne faut pas oublier que, "au temps de Kepler, il y avait des gens pour répondre qu'il y avait derrière chaque planète un ange battant des ailes et la poussant sur son orbite", mais ajoute Feynman non sans malice, "cette réponse n'est pas très loin de la vérité. La seule différence est que les anges ont une autre position et battent des ailes vers l'intérieur de l'orbite" (3). Le problème de l'explication renvoie donc aussi à des niveaux de représentation différents, hétérogènes et parfois incompatibles; le contre-exemple évoqué par Feynman montre que l'on a affaire à des contextes conceptuels et discursifs qui ne sont pas de même nature.

Peut-on dire que l'on dispose d'un modèle général de l'explication scientifique? Pour la mécanique classique, on peut répondre par l'affirmative. Le modèle lui-même comporte d'ailleurs des principes régulateurs ou l'énoncé métathéorique de ses conditions. On les trollve exprimés par Newton lui

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même au Livre III desPrineipia :le modèle général repose aussi sur une certaine représentation de l'objet d'étude (représentation qui ne lui est pas réductible), que la nature est simple, que ses éléments peuvent se transformer les uns dans les autres de façon progressive et continue, que ses mécanismes peuvent être réduitsàdes systèmes de forces, etc.

2. POSITIONS

Àdéfaut de pouvoir proposer aujourd'hui un modèle général de l'explication scientifique, du moins peut-on indiquer un certain nombre d'exigences et sérier les questions.

Dans le premier chapitre de l'ouvrage collectif,L'explication dans les sciences(4), Jean Piaget soulignait que l'explication scientifique devait répondreàdeux exigences relativement antithétiques: Il faut montrer la nécessité intrinsèque de la réalité en question, donc s'appuyer sur un modèle déductif, mais expliquer, c'est aussi pouvoir saisir la nouveauté et en rendre compte, construire des réalités nouvelles (des objets qui en un sens n'existaient pas). Pour Rolando Garcia (5), l'explication en physique repose sur tout un ensemble de concepts (force, masse, vitesse ... ) qui d'un côté correspondent à des idées intuitives, mais qui de l'autre doivent être reformulés en termes mathématiques pour être intégrés dans des relations et constituer des structures. Ce qui est explicatif dans les modèles ainsi construits, "ce ne sont pas les idées intuitives qui pourraient être associéesà certains des concepts, ce sont plutôt des relations structurelles entre les concepts eux-mêmes. Un modèle est une structure" (6).

Le modèle met en correspondance un énoncé déterminé de la théorie et un fait d'expérience. Cette relation révèleàla fois un caractère de nécessité (déduction logiqueàpartir de la théorie ou de la loi générale), et un caractère d'acceptabilité au regard des résultats expérimentaux. C'est en cela que selon Karl Popper (7), la valeur d'une théorie repose sur sa réfutabilité expérimentale, mais en ce qui concerne le problème précis de l'explication, tout le problème est de pouvoir disposer d'un langage qui permetteàla fois de se référeràl'énoncé (etàtravers luiàla théorie générale) et de décrire le fait. On peut alors suivre Popper quand il dit qu'il y a de "bons" et de "mauvais" modèles. Mais on ne peut comparer tous les énoncés d'une théorie aux faits, (parler de "tous" les énoncés d'une théorie n'a sans doute pas de sens) ; il faut plutôt voir si une théorie est "adéquate"àla réalité physique qu'elle entend décrire et expliquer.

Expliquer, dès lors, cela consisteraàdémontrer qu'un phénomène donné est une conséquence des lois, ouàdécrire un phénomène dans le langage de la théorie de telle façon qu'on puisse l'envisager comme une de ses conséquences. Pour Paul Scheurer (8), la question de l'explication se concentre dans la construction de "formes" : elles servent à désigner la permanence des choses et des phénomènes dans le flux changeant des événements. Dans le domaine scientifique,il s'agit de structures qui sont exprimées dans un langage formalisé.

Dans cette optique,expliquer renverrait en définitiveàl'élaboration de langages adéquats.' langages fornwlisés permettant l'interprétation et /'intégration de résultats expérimentaux.

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Mais ce "codage" de la réalité s'inscrit lui-même dans des cadres plus larges que Thomas Kuhn puis Edgar Morin (9) désignent par le terme de paradigme.

"Un paradigme contient pour tout discours s'effectuant sous son empire, les concepts fondamentaux ou les catégories maîtresses de l'intelligibilité en même temps que le type de relations logiques [... ] entre ces concepts ou catégories. [...] Sémantiquement, le paradigme détennine l'intelligibilité et donne sens. Logiquement, il détermine les opérations logiques maîtresses. Idéologiquement, il est le principe premier d'association, élimination, sélection, qui détermine les conditions d'organisation des idées" (10).

On voit bien qu'entre les trois grands paradigmes: aristotélicien, galiléo-newtonien, relativiste, il ne s'agit ni des mêmes représentations de la nature, ni des mêmes définitions de l'objet de la science ou de la connaissance qui sont en jeu, ni de la place de l'homme dans l'univers. Les objets de l'investigation scientifique ne sont pas les mêmes, ni les méthodes, ni les outils théoriques ou les attitudes expérimentales. Le sens et le contenu possible d'une explication en sont à l'évidence dépendants.

3. L'USAGE SCOLAIRE

En ce qui concerne la question de l'explication dans l'espace scolaire, une brève étude menée auprès d'instituteurs en stage et d'étudiants en formation à l'I.U.F.M., montre que les significations attachées au termeexplicationet les situations de classe auxquelles elles se réfèrent, s'organisent autour des idées suivantes:

exposer ou formuler dans un langage clair et adéquat; reformuler; analyser; détailler; donner des exemples; donner un raisonnement: justifier par un raisonnement.

Chez les étudiants, il est plus souvent fait référence à la démarche expérimentale observer, expérimenter, mettre en relation des phénomènes, faire des hypothèses, établir des lois, etc.

Il en ressort deux traits principaux: premièrement, l'explication renvoie à des pratiques essentiellementdiscursives;la classe est un lieu d'explicitation incessant, et cela sous le paradigme canésien du langage clair et distinct, logiquement argumenté. Deuxièmement, l'explication est référée au modèle traditionnel O.H.E.R.I.C. dont on sait qu'il est largement une construction scolaire. Ces deux remarques nous ramèneraientànotre problématique générale: la construction de langages.

4. CONCLUSION

Essayons de conclure sur la question de la valeur: qu'est-ce qui fait une bonne explication? - Qu'elle soit claire et convaincante. C'est-à-dire: qu'elle soit démontrée et vérifiée (vérifiable). Ce qui est en jeu, c'estàl'horizon l'établissement de la vérité. Expliquer pour faire comprendre, expliquer pour montrer que l'on a compris; l'explication est une activité essentiellementlogomachique.

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BIBLIOGRAPHIE

(1)Pour une analyse plus détaillée, se référer àHistoire de la science,Encyclopédie de la Pléiade, s/dir. M. Daumas, Paris: Gallimard, 1957,763-767.

(2) Ce n'est pas toujours le cas; des anomalies dans l'orbite de Mercure ne trouveront d'explication que dans le cadre de la Relativité générale.

(3) FEYNMAN R.,La nature de la physique,Paris; Seuil, coll. Points Sciences, 1980. (4) L'explication dans les sciences,Collectif, Paris; Flammarion, 1973.

(5) Ibidem,Ch. V.

(6) GARCIA R., inibidem,p. Ill.

(7)POPPERK.,La logique de la découverte scientifique,Paris; Payot, 1982.

(8) SCHEURER P.,Révolution de la science et permanence du réel,Paris: Presses Universitaires de France, 1979.

(9) KUHN T.S.,Lastructure des révolutions scientifiques,Paris: Flammarion, 1972. MORIN E.,La méthode4, Paris; Seuil, 1991, 3e partie, ch. III.

Références

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