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L'expérience des jeunes adultes ayant vécu avec un parent dépendant aux substances psychoactives

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Academic year: 2021

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L’expérience des jeunes adultes ayant vécu avec un parent

dépendant aux substances psychoactives

Mémoire

ANNE VERRET

Maîtrise en service social

Maitre en service social (M. Serv.soc.)

Québec, Canada

(2)

L’EXPÉRIENCE DES JEUNES ADULTES AYANT VÉCU AVEC UN

PARENT DÉPENDANT AUX SUBSTANCES PSYCHOACTIVES

Mémoire

Anne Verret

Sous la direction de :

Daniel Turcotte, directeur ou directrice de recherche

Annie-Claude Savard, codirecteur ou codirectrice de recherche

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iii Résumé

La présente étude s’intéresse aux jeunes adultes ayant vécu avec un parent dépendant aux substances psychoactives (SPA). Elle examine plus particulièrement les difficultés rencontrées par ces enfants, les stratégies d’adaptation qu’ils ont mises en place ainsi que leur appréciation de l’efficacité de ces dernières. Les études démontrent que les enfants ayant un parent dépendant aux SPA vivent des conséquences importantes sur le plan personnel, familial et social associées à la consommation abusive de leur parent. Les études effectuées auprès de proches des personnes dépendantes démontrent également que ces derniers utilisent différentes stratégies afin de diminuer leur inconfort en lien avec la dépendance. Par contre, à ce jour, peu d’études se sont intéressées aux stratégies d’adaptation mises en place par les enfants dont un parent est dépendant aux SPA. En utilisant le modèle théorique Stress-Strain-Coping-Support (Orford et al. 2010), cette étude a examiné les stratégies d’adaptation utilisées par les enfants ayant un parent dépendant. Un devis qualitatif basé sur huit entrevues individuelles semi-dirigées a été réalisé. Les résultats démontrent que les enfants ayant grandi avec un parent dépendant ont rencontré plusieurs difficultés en lien avec la consommation de leur parent telles qu’une somatisation, un sentiment d’abandon et d’insécurité, un sentiment de responsabilité, une aversion pour la consommation de SPA, etc.. Pour composer avec ces difficultés, ils ont eu recours à différentes stratégies d’adaptation basées sur les émotions pour certains, et sur l’action pour d’autres. Par ailleurs, les résultats indiquent que leur perception de la situation a un impact sur leur évaluation des difficultés rencontrées ainsi que sur les stratégies d’adaptation utilisées.

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iv Table des matières

Résumé ... iii

Table des matières... iv

Liste des figures ... viii

Liste des Tableaux ... ix

Remerciements ... x

Introduction ... 1

CHAPITRE 1 ... 4

La réalité des enfants vivant avec un parent ayant une dépendance ... 4

1.1. La dépendance aux substances psychoactives : une définition ... 5

1.2. Les effets de la dépendance sur les enfants ... 6

1.3. Les caractéristiques des familles ... 7

1.4. Les caractéristiques de l'environnement social ... 8

1.5. Les facteurs de protection ... 9

1.6. Les limites méthodologiques des études actuelles ... 10

CHAPITRE 2 ... 12

Le cadre d’analyse ... 12

2.1. Le cadre théorique ... 12

2.2. Les composantes du modèle Stress-Strain-Coping-Support ... 14

2.2.1. Les propositions de recherche ... 16

2.3. La pertinence sociale et scientifique ... 16

CHAPITRE 3 ... 18

La méthodologie ... 18

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v

3.2. La population et l'échantillonnage ... 18

3.2.1. L’échantillon ... 18

3.2.2. Les critères de sélection ... 19

3.2.3. Le recrutement ... 19

3.3. Le mode de collecte des données ... 19

3.3.1. L’analyse des données ... 20

3.4. Les aspects éthiques ... 22

3.5. La scientificité de la recherche qualitative ... 23

CHAPITRE 4 ... 24

Les résultats ... 24

4.1. La description des participants ... 24

4.2. La vie avec un parent dépendant ... 29

4.2.1. Les difficultés vécues par les enfants ... 29

4.2.1.1. Le sentiment d’abandon et d’insécurité ... 29

4.2.1.2. Le sentiment de responsabilité ... 30

4.2.1.3. Les affects négatifs ... 31

4.2.1.4. La diminution de sa confiance personnelle ... 32

4.2.1.5. Les symptômes physiques liés au stress ... 33

4.2.1.6. L’aversion envers la consommation ... 33

4.2.2. Les difficultés associées à la dynamique familiale ... 34

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vi

4.2.2.2. La communication au sein de la famille ... 36

4.2.2.3. Les conflits et la violence ... 36

4.2.2.4. L’isolement de la famille par rapport à l’entourage ... 38

4.3. Les stratégies d’adaptation ... 39

4.3.1. Les stratégies d’adaptation basées sur les émotions ... 39

4.3.1.1. La fuite ... 39

4.3.1.2. Le soutien du réseau social ... 40

4.3.1.3. La consultation d’un professionnel ... 42

4.3.1.4. Les différentes actions centrées sur leurs intérêts ... 43

4.3.2. Les stratégies d’adaptation basées sur l’action ... 44

4.3.2.1. La confrontation ... 45

4.3.2.2. La stimulation du parent dépendant... 45

4.3.2.3. L’ignorance des comportements ... 46

4.4. Une perception différente de leur situation ... 47

4.4.1. Les recommandations des participants ... 47

4.4.1.1. L’importance de mettre des mots sur ce qu’ils vivent ... 47

4.4.1.2. L’impact de parler négativement du parent dépendant ... 49

4.5. La synthèse des résultats ... 49

CHAPITRE 5 ... 51

L’analyse des résultats en fonction du modèle Stress-Strain-Coping-Support ... 51

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vii

La discussion ... 56

6.1. Les difficultés rencontrées associées à la dépendance parentale ... 56

6.2. Les stratégies d’adaptation ... 58

6.3. L’appréciation des stratégies d’adaptation ... 60

6.4. Les retombées pour la pratique ... 62

6.4.1. Les pistes d’intervention ... 62

6.4.2. Les pistes pour la recherche ... 64

6.5. La synthèse de la discussion... 65

LA CONCLUSION ... 67

Bibliographie... 70

Annexe 1 : Les démarches documentaires ... 75

Annexe 2 : Le recrutement des participants ... 76

Annexe 3 : La grille d’entrevue ... 77

Annexe 4 : Le formulaire de consentement ... 81

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viii Liste des figures

Figure 1. Le modèle théorique en cinq étapes du Stress-Strain-Coping-Support ... 15 Figure 2. Le modèle théorique Stress-Strain-Coping-Support ... 53 Figure 3. Le cycle de l'assuétude ... 74

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ix Liste des Tableaux

Tableau 1. La classification des thèmes selon les propositions ... 21 Tableau 2. Les parents dépendants aux SPA selon le participant... 25 Tableau 3. Le type de consommation du parent dépendant selon le participant ... 26

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x Remerciements

La réalisation de ce mémoire n’aurait pas pu être possible sans la collaboration et le soutien de plusieurs personnes de mon entourage. Tout d’abord, je souhaite remercier infiniment mes directeurs, monsieur Daniel Turcotte ainsi que madame Annie-Claude Savard, sans qui ce projet n’aurait pas été ce qu’il est sans eux. Autant par leur soutien au plan académique, par leur savoir, leurs connaissances sur le sujet et sur la recherche, qu’au plan personnel. En tout temps, ils ont su me guider et m’encourager afin d’atteindre mes objectifs. Leur disponibilité pendant ces deux années où leurs précieux conseils ont su me donner confiance et diminuer mon anxiété associée à la réussite de ma recherche.

Un énorme merci, également, à mes parents, ma sœur et mon conjoint qui ont su me soutenir et m’encourager tout au long de mes études et dans la rédaction de ce mémoire. Je les remercie pour les sacrifices qu’ils ont dû faire afin de me permettre d’atteindre mon objectif, soit l’accomplissement de ce mémoire. Ils ont cru en mon projet autant que moi. Finalement, merci à toutes les autres personnes (employeur, amis, collègues) qui ont contribué de près ou de loin à la réalisation de ce mémoire.

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1 Introduction

La famille influence grandement le développement de l’enfant. Par le biais de la famille, l’enfant tisse des liens d’attachement, apprend à bâtir des relations interpersonnelles et construit son identité personnelle. À travers la relation parent-enfant, l’enfant réalise des apprentissages quant aux comportements favorables ou non à adopter selon ce qui est véhiculé dans la famille (Velleman & Orford, 2000). Puis, graduellement, il prend une certaine distance de la famille pour s’engager dans d’autres interactions sociales et acquérir de nouvelles connaissances. En vieillissant, l’enfant développe sa réalité propre et construit son identité par le biais des interactions avec les autres. « [En] tant que membre d’une culture [l’enfant] s’engage dans la construction d’une réalité personnelle en créant de la cohérence à partir du chaos, de l’ordre à partir du désordre » (Mehan, 1982, p.91). Néanmoins, l’empreinte de la famille demeure bien présente et elle teinte la façon dont il interprète les situations (Girod-Séville, 2002; Ville & Ravaud, 1994). Les problèmes vécus dans la famille ont donc une influence majeure sur l’enfant, qu’il s’agisse de violence, d’abus sexuels, de troubles de santé mentale, de conflits familiaux ou de consommation de substances psychoactives1 (SPA) (Kroll & Taylor,

2003; Velleman & Orford, 2000).

Depuis les années 1970, plusieurs études ont documenté la dépendance aux SPA2,

et ce, sous différents aspects ; facteurs de risque et de protection, conséquences pour la personne et pour l’entourage, modèles d’interventions efficaces, etc. Ces recherches ont été influencées par différents courants de pensée allant d’un modèle plutôt médical à une approche psychosociale. Cette approche qui intègre davantage les différents aspects sociaux de la vie des individus (famille, réseau social, etc.) permet notamment de prendre en considération les conséquences des dépendances sur l’entourage des personnes

1 Le terme substances psychoactives réfère à la fois aux drogues et à l’alcool

2 Afin de faciliter la lecture, le terme « parent dépendant » sera utilisé pour désigner un parent dépendant aux SPA.

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dépendantes (Association des centres de réadaptation en dépendance du Québec [ARCDQ], 2011; Centre de liaison sur l’intervention et la prévention psychosociales [CLIPP], 2008). Bien que les conséquences de la consommation problématique des SPA d’un parent sur les enfants soient relativement bien documentées, peu d’études ont été menées en s’appuyant sur la perception de ces derniers (Moe, Johnson, & Wade, 2007). L’objectif de la présente recherche est donc de documenter l’expérience de jeunes adultes ayant grandi avec un parent dépendant aux SPA, notamment sous l’angle des stratégies d’adaptation utilisées par ces enfants afin de composer avec cette situation. Plus spécifiquement, cette étude vise à 1) décrire la perception des jeunes adultes quant aux conséquences de la dépendance de leur parent sur différentes sphères de leur vie lorsqu’ils étaient enfants (familiale, scolaire, sociale, etc.), 2) décrire les stratégies d’adaptation utilisées pour composer avec les difficultés engendrées par la dépendance de leur parent et 3) explorer leur perception de l’efficacité de ces stratégies.

Ce mémoire décrit le déroulement et présente les résultats de cette recherche. Il se divise en six parties. D’abord, la recension des écrits présente l’état des connaissances sous l’angle des enfants ayant vécu avec un parent dépendant. La prévalence du phénomène est présentée, suivie des principaux concepts à l’étude. Les résultats originaux d’études portant sur la situation d’enfants ayant grandi avec un parent dépendant sont ensuite exposés. Cette section est divisée en quatre thèmes principaux; l’impact de la dépendance sur les enfants, les caractéristiques des familles, les caractéristiques de l’environnement et les facteurs de protection. Les limites méthodologiques des recherches antérieures sont présentées à la fin de ce premier chapitre. Le deuxième chapitre présente la perspective d’analyse utilisée soit le socioconstructivisme et le modèle théorique Stress-Strain-Coping-Support qui est utilisé comme cadre d’analyse. Finalement, la pertinence sociale et scientifique du mémoire est abordée. Le troisième chapitre expose la méthode de recherche utilisée. Plus précisément, l’approche et le type de recherche, la population et l’échantillonnage, les critères de sélection, le recrutement, le mode de collecte de données, le plan d’analyse des données et les aspects éthiques sont présentées. Le quatrième chapitre fait état des résultats des entrevues individuelles. Tout d’abord, ce chapitre expose un portrait global des participants. Ensuite, les résultats sont divisés selon les propositions de la recherche, les

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difficultés rencontrées par les enfants ayant un parent dépendant aux SPA, les stratégies d’adaptation utilisées ainsi que l’appréciation de l’efficacité de leurs stratégies d’adaptation. Le cinquième chapitre formule une analyse des résultats selon le modèle théorique utilisé tout au long de ce projet de recherche, soit le Stress-Strain-Coping-Support. Finalement, le sixième chapitre présente une discussion des résultats. Des pistes pour des futures recherches ainsi que pour des interventions sont également discutées à la fin de ce chapitre.

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4 CHAPITRE 1

La réalité des enfants vivant avec un parent ayant une dépendance

Il est difficile d’évaluer précisément combien d’enfants et d’adolescents vivent avec un parent dépendant (Kroll & Taylor, 2003). Une des raisons de cette difficulté est que les parents dépendants sont généralement moins portés à demander de l’aide que les parents qui ne consomment pas, mais qui ont d’autres difficultés. La peur d’être jugé et la peur de perdre la garde de leurs enfants sont souvent à l’origine de leur hésitation à demander de l’aide, ce qui fait que ce problème se vit souvent en silence. La métaphore de l’éléphant dans la maison illustre très bien l’aspect tabou de la problématique (Kroll, 2004). Le lourd secret que l’on demande aux enfants ayant un parent dépendant de garder se compare ici à la présence d’un éléphant dans la maison auquel ils seraient constamment confrontés, mais dont ils doivent s’efforcer d’ignorer l’existence. Cela fait en sorte qu’ils n’en parlent pas, par peur de ne pas être compris, écoutés ou crus. C’est ainsi qu’ils ne sont pas détectés et ne reçoivent pas l’aide nécessaire (Kroll, 2004). Ces enfants sont ainsi plus à risque d’être isolés et stigmatisés (Barnard & Barlow, 2003).

Au Québec, les statistiques concernant la consommation parentale proviennent majoritairement de la Direction de la protection de la jeunesse (Lavergne, Morissette, Dionne, & Dessureault, 2009). Selon Morissette, Chouinard-Thompson, Devault, Rondeau et Roux (2008, p. 195) « 45 %, des enfants québécois signalés et suivis par les services de la Protection de la jeunesse (DPJ) vivent dans une famille dont au moins un parent, et parfois les deux, éprouve des problèmes de consommation » (Morissette et al., 2008, p.195). Selon l’étude d’incidence québécoise sur les situations évaluées en protection de la jeunesse en 2008 (Hélie, Turcotte, Trocmé, & Tourigny, 2012), 29 % des enfants ayant eu au moins un incident fondé, au Québec, ont un parent dépendant. Ces proportions correspondent à celles observées par Hayden (2004) auprès de la même population. Toutefois, ces statistiques tiennent compte uniquement des enfants signalés à la protection de la jeunesse. Il est donc difficile d’avoir des statistiques représentatives puisque, comme mentionné précédemment, plusieurs familles vivent ce problème dans le silence.

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1.1. La dépendance aux substances psychoactives : une définition

Dans la présente recherche, le terme substance psychoactive (SPA) réfère à toutes substances qui modifient les perceptions, la conscience et le fonctionnement de la personne (Lecavalier, Chainey, Denis, Maltais, & Mantha, 2012). Ce terme inclut autant les drogues que l’alcool (Kroll & Taylor, 2003). L’expression dépendance aux SPA est préférée aux termes alcoolisme et toxicomanie parce qu’elle est plus générale et cause moins de préjudices (ex. : stigmatisation) (Hayden, 2004). Le concept de dépendance aux drogues et à l’alcool se distingue du terme consommation puisque le terme dépendance ne réfère pas à la quantité consommée, mais aux habitudes et aux conséquences qui sont associées à la consommation (Kroll & Taylor, 2003). De plus, ce terme désigne une compulsion ou un désir de consommer qui est difficile à contrôler et qui se veut le plus souvent une stratégie d’adaptation (ex. : gestion de ses émotions).

Il existe plusieurs conceptualisations de la dépendance dans la littérature3 (Suissa,

2009). Comme Peel (1982) le mentionne, la personne n’est pas dépendante aux SPA, mais à l’expérience vécue lorsqu’elle consomme. La personne recherche l’effet produit par les SPA souvent dans le but de diminuer son angoisse. Paradoxalement, en raison de sa consommation, il devient plus difficile pour cette dernière d’affronter les diverses situations stressantes de la vie, ce qui mène en fait à une recrudescence de l’anxiété. La dépendance amène ainsi la personne à se détacher graduellement de ses intérêts habituels pour se concentrer sur la consommation. L’expérience vécue par l’individu est influencée par la substance elle-même (mode d’administration, quantité, propriétés pharmacologiques, etc.), les caractéristiques individuelles (ex. : sexe, attitudes et attentes envers les SPA, estime de soi, personnalité, santé, âge. etc.) et les caractéristiques associées au contexte social (normes culturelles et coutumes par rapport à la consommation, entourage, statut socioéconomique, accessibilité des produits, etc.) (Lecavalier et al., 2012). Ainsi, l’expérience est le résultat de l’interaction entre la substance, la personne et son environnement (Suissa, 2009). C’est ainsi que Peel parle du cycle d’assuétude (figure 1). L’assuétude fait référence à l’effet des SPA et non

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seulement à ses propriétés. Selon le modèle psychosocial de Peel (1982) la dépendance compte quatre principales caractéristiques : 1) chaque personne se situe sur un point précis du continuum de la dépendance à un moment donné de sa vie et peut se déplacer sur ce continuum, 2) la dépendance se développe dans l'interaction entre la personne et ses motivations, le produit et l'environnement, 3) la dépendance s'accompagne d'effets néfastes sur la vie et 4) la personne se sent incapable de ne pas faire ce à quoi elle est dépendante, d'où un sentiment de perte de contrôle (Peel, 1982).

1.2. Les effets de la dépendance sur les enfants

La dépendance parentale affecte directement les enfants (Barnard & Barlow, 2003), même si ce n’est que vers le début de l’adolescence qu’ils comprennent que leurs difficultés sont en lien avec la dépendance de leur parent (Velleman & Orford, 2000). Velleman et Orford (2000) classent les difficultés rencontrées par les enfants en quatre catégories : difficultés émotionnelles, difficultés comportementales, difficultés cognitives et difficultés académiques.

Les enfants ayant un parent dépendant sont plus à risque, que ceux n’ayant pas de parent dépendant, de développer des problèmes tels que : difficultés académiques, troubles alimentaires, dépendances, comportements sexuels à risque, dépression et tentative de suicide (Hussong et al., 2008; Mylant, 2002; Zanoti-Jeronymo & Carvalho, 2005). De plus, ces enfants sont plus à risque de développer un problème de consommation d’alcool ou de drogues (Association des centres de réadaptation en dépendance du Québec [ACRDQ], 2011; Hussong et al., 2008), présentent davantage de symptômes dépressifs et vivent davantage d’émotions négatives (Mylant, 2002). Vitaro et ses collaborateurs (2006) soulignent qu’ils sont également plus à risque de développer des troubles extériorisés (agressivité, opposition, hyperactivité, inattention, troubles des conduites et délinquance). Ces jeunes ont la perception qu’ils sont davantage exposés à des facteurs stressants, qu’ils vivent plus d’évènements négatifs que leurs pairs (Hussong et al., 2008; Kroll, 2004) et qu’ils sont négligés au profit des SPA (Kroll & Taylor, 2008). De plus, ils peuvent avoir l’impression d’être responsables de la consommation de leur parent (Moe et al., 2007). Comparativement aux autres enfants signalés à la Direction de la protection de la jeunesse, les enfants qui vivent avec un parent dépendant sont plus nombreux à être victimes de négligence (Centre de liaison sur l'intervention et la

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prévention psychosociales [CLIPP], 2008). Les parents dépendants sont plus susceptibles de laisser leur enfant sans surveillance, ce qui peut entraîner des risques pour l’enfant (ex : ingérer des substances, laisser en compagnie d’adultes peu recommandables, négligence) (Jones, 2004).

Les enfants ayant un parent dépendant quittent plus tôt le nid familial. Selon l’étude de Velleman et Orford (2000), près de 50 % des jeunes ayant un parent dépendant quittent la maison avant l’âge de 17 ans.

Dans une méta-analyse sur les besoins des jeunes ayant eu un parent dépendant, Kroll (2004) fait ressortir les éléments suivants : 1) besoin d’être entendu et écouté par quelqu’un de confiance, 2) peur que la confidentialité soit trahie et qu’ils soient séparés de leur parent, 3) besoin d’être soutenu, et ce, même lorsque leur parent ne consomme plus parce qu’ils ont impression d’être plus affectés par le dysfonctionnement familial que par la dépendance de leur parent.

1.3. Les caractéristiques des familles

Certaines études démontrent que les conséquences de la dépendance sur l’enfant varient selon le genre du parent (Kelley et al., 2010; Velleman & Orford, 2000). La dépendance de la mère influence davantage la relation avec l’enfant ainsi que les relations entre l’enfant et ses pairs que celle du père (Kelley et al., 2010; Velleman & Orford, 2000). Les pères ayant une dépendance seraient plus indifférents que les mères à l’égard de leur enfant (Kelley et al., 2010), ce qui peut engendrer un stress chez l’enfant (Backer-Fulghum, Patock-Peckham, King, Roufa, & Hagen, 2012; Hussong et al., 2008) et une faible estime personnelle (Backer-Fulghum et al., 2012; Kroll, 2004; Mylant, 2002). De plus, la présence d’un père dépendant aux SPA affecte négativement la relation mère-enfant (Velleman & Orford, 2000). La relation d’un parent dépendant avec son enfant peut entraîner une confusion importante sur le plan des rôles puisque l’enfant se retrouve parfois à jouer le rôle d’adulte (parentification) et parfois le rôle d’enfant. De plus, l’alternance entre les manifestations d’amour et de peur peut être une grande source de stress pour l’enfant (Velleman & Orford, 2000). Dans les milieux où les relations familiales sont conflictuelles, peu d’adultes significatifs sont présents et disponibles pour aider ces enfants. En effet, les membres de la famille élargie ont tendance à se détacher

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émotionnellement de la personne dépendante afin de se protéger, ce qui contribue à isoler les enfants. Ainsi, les faibles relations avec la famille élargie contribuent indirectement à accentuer le stress vécu par ces familles (Velleman & Orford, 2000).

De façon générale, les parents ayant une dépendance présentent des difficultés qui ont des conséquences sur le développement de l’enfant (Maffli, 2001). Par exemple, le dysfonctionnement familial (style de vie chaotique du parent, implication dans les activités criminelles telles que prostitution, trafic de drogues, etc.) et la violence (conjugale et familiale) est souvent plus présente dans les familles où un parent est dépendant (Lavergne et al., 2009; Russell, 2006; Templeton, Velleman, Hardy, & Boon, 2009). De plus, la pauvreté, les problèmes de santé physique et mentale (Lavergne et al., 2009), la stigmatisation et la tendance à prioriser la consommation au détriment du bien-être de l’enfant sont des problématiques souvent rencontrés dans les familles où il y a un parent dépendant (Russell, 2006). Finalement, un style parental inapproprié (utilisation de méthodes éducatives déraisonnables), une faible disponibilité psychologique (intérêt centré sur la consommation, modifications de l’humeur, du jugement et du contrôle des comportements socialement acceptable) et une instabilité émotionnelle se retrouvent souvent dans ces familles (Lecavalier et al., 2012; Russell, 2006).

1.4. Les caractéristiques de l'environnement social

L’environnement social joue également un rôle dans les conséquences vécues par les enfants ayant un parent dépendant. Par exemple, dans certaines cultures, les familles sont davantage portées à tolérer des comportements parentaux inadéquats pour éviter la séparation (Velleman & Orford, 2000). Aussi, les enfants de famille ayant un statut socioéconomique élevé ont plus de difficulté à demander de l’aide et à parler de leurs difficultés par peur de nuire à l’image de leur famille et d’être stigmatisés (Kroll, 2004). De plus, les jeunes ayant un parent dépendant se sentent souvent incompris par leurs amis et ne sont pas à l’aise de les inviter à la maison par peur d’avoir honte de leur parent dépendant (Kroll, 2004). Ces éléments font en sorte que ces jeunes se retrouvent isolés et stigmatisés.

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1.5. Les facteurs de protection

Bien que diverses conséquences négatives soient vécues par les jeunes ayant grandi avec un parent dépendant, certains facteurs ont une incidence positive sur la nature et l’intensité de ces conséquences. Ils agissent comme facteurs de protection. Ainsi, les enfants ayant une bonne estime d’eux-mêmes sont moins à risque de consommer de l’alcool pour gérer leur stress. Une relation de qualité entre l’enfant et la mère, le père et les pairs est, également, un facteur de protection qui contrecarre le développement de symptômes dépressifs (Kelley et al., 2010). La participation à des activités structurées extérieures à la maison (Templeton et al., 2009) et l’aide d’un intervenant spécialisé sont également des facteurs de protection, tout comme le recours à des stratégies telles que la parentification (un enfant adoptant le rôle du parent) et la restructuration cognitive (modifier ses pensées afin qu’elles soient représentatives de la réalité). Plus précisément, ces facteurs de protection permettent aux jeunes de développer des comportements et des pensées favorisant leur adaptation à une situation inconfortable telle que la dépendance aux SPA de leur parent. (Templeton et al., 2009).

Si plusieurs études démontrent que les enfants ayant un parent dépendant sont plus à risque de vivre des difficultés, d’autres études, comme celle de Moe et al. (2007), indiquent que certains enfants font preuve de résilience, laquelle « résulterait de caractéristiques personnelles qui atténuent l’effet néfaste de la dépendance parentale sur leurs processus d’adaptation » (Vitaro et al., 2006, p.86). Ainsi, certains enfants ayant un parent dépendant vivent un développement similaire à celui des enfants n’ayant pas de parent dépendant; ils sont peu affectés par la consommation parentale (Moe et al., 2007).

Outre les aspects présentés précédemment, un consensus émerge de la littérature concernant ces enfants : la famille continue d’être une source de stress, et ce, même à l’âge adulte (Hussong et al., 2008). La gestion de ce stress sera influencée par l’efficacité des stratégies d’adaptation mises en place au fil des années (Orford, Copello, Velleman, & Templeton, 2010). Ces stratégies d’adaptation peuvent être apprises dès le jeune âge ou être acquises plus tard (Folkman & Lazarus, 1988).

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1.6. Les limites méthodologiques des études actuelles

Les connaissances actuelles sur la réalité des enfants ayant grandi avec un parent dépendant doivent être interprétées à la lumière des limites des études réalisées dans le domaine. Une de ces limites tient à la définition du concept de dépendance dont le sens est variable d’une étude à une autre en fonction du paradigme et du type de recherche effectué (Moe et al., 2007; Redelinghuys & Dar, 2008; Templeton et al., 2009; Templeton, 2014; Zanoti-Jeronymo & Carvalho, 2005). Des définitions différentes du concept central de la recherche entraînent une variabilité dans les critères de sélection des participants ainsi que dans les résultats, ce qui rend difficile la comparaison des études entre elles.

Une autre limite des études recensées réside dans le fait que le sexe du parent dépendant n’est pas toujours considéré (Hussong et al., 2008; Vitaro et al., 2006) ainsi que le fait qu’un seul ou que les deux parents consomment. Or, les études démontrent que les impacts sont différents selon le sexe du parent dépendant et dans les situations où les deux parents consomment des SPA (Vitaro et al., 2006). À ce jour, les études ont davantage documenté l’impact de la consommation de la mère sur l’enfant. Cela s’explique notamment par les stratégies de recrutement des études. En effet, plusieurs études ont recruté leurs participants dans des milieux hospitaliers et des centres de thérapie. Or, comme les femmes sont davantage représentées dans ces milieux, cela explique la surreprésentation des mères dans les études (Templeton, Velleman, Hardy et Boon, 2009). Ainsi, davantage d’études sont nécessaires concernant l’impact de la dépendance aux SPA des pères sur les enfants; ces données sont essentielles puisque l'impact sur les enfants risque d'être différent (Redelinghuys & Dar, 2008).

Les chercheurs des études recensées ne prennent pas en compte les troubles de santé mentale des parents (Hussong et al., 2008). Peu d’études parlent de la présence ou l’absence de concomitance. De plus, les études qualitatives ne prennent souvent pas en compte la culture et l’origine ethnique des familles. Or, plusieurs variables issues de la culture influencent la perception des enfants envers la dépendance de leur parent et leur aisance à demander de l’aide (Kroll, 2004). De plus, le fait de recevoir ou non des

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services en dépendance n’est pas toujours considéré dans les études (Hussong et al., 2008).

La majorité des recherches dans le domaine s’appuient sur des méthodes quantitatives. Peu de recherches qualitatives ont été menées sur ce sujet. De plus, les études qualitatives n’abordent pas en profondeur la réalité des enfants ayant eu un parent dépendant quant aux difficultés vécues et aux stratégies d’adaptation mises en place par ces derniers afin de pallier à ces difficultés. Or, il est reconnu que les proches de personnes dépendantes s’emploient à mettre de l’avant différentes stratégies d’adaptation afin de composer avec les conséquences négatives (Velleman & Orford, 2000). Une meilleure compréhension du vécu des enfants de parents dépendants et des stratégies d’adaptation mises en place par ces derniers est pourtant incontournable dans la planification de stratégies d’intervention efficaces à leur endroit.

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CHAPITRE 2 Le cadre d’analyse

Les stratégies d’adaptation sont des façons d’agir et de réfléchir dans un contexte où l’individu perçoit une situation comme étant menaçante à son bien-être physique ou psychologique (Folkman, Lazarus, Dunkel-Schetter, DeLongis, & Gruen, 1986). Elles visent à diminuer les difficultés et les conflits engendrés par une situation problématique. L’utilisation des stratégies d’adaptation permet à une personne de modérer l’impact d’une situation stressante et de la rendre plus tolérable. Les stratégies d’adaptation ne sont pas stables dans le temps puisqu’elles varient en fonction des apprentissages de l’individu et de ses émotions. Bien que les stratégies d’adaptation soient souvent utilisées de façon inconsciente, il est possible de les développer (Folkman & Lazarus, 1988).

Il existe deux types de stratégies d’adaptation : les stratégies d’adaptation centrées sur les émotions et les stratégies d’adaptation centrées sur les actions. Les premières visent à diminuer le malaise de la personne en lien avec la situation stressante. Quant aux stratégies centrées sur les actions, l’objectif est de changer la situation stressante (Folkman et al., 1986). Velleman et Orford (2000) se sont intéressés aux stratégies d’adaptation des proches des personnes dépendantes (mères et conjoints). Ils ont identifié différentes stratégies qu’un adulte peut mettre en place afin d’affronter une situation difficile (s’impliquer pour tenter de changer les comportements, tolérer les comportements et prendre ses distances (Copello et al., 2010). Par contre, à l’heure actuelle, les stratégies d’adaptation mises en place par des enfants ayant un parent dépendant n’ont pas été documentées. Ceci étant, il est possible que les stratégies d’adaptation mises en place par ces enfants diffèrent de celles mises en place par les adultes.

2.1. Le cadre théorique

Chaque être humain construit ses propres connaissances et détermine ses propres actions en fonction de sa conception de la réalité: « La réalité, ou telle entité qui la compose, est construite par les représentations qu’en ont les individus » (Keucheyan,

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2007, p.59). Ainsi, les individus qui perçoivent une situation comme étant problématique ont souvent l’impression qu’elle est inévitable (Hacking, 2010), ce qui les amène à développer des stratégies d’adaptation particulières.

Selon Copello, Templeton, Orford, & Velleman (2010), les membres d’une famille d’une personne dépendante vivent un stress au long cours et sont inévitablement affectés par cette dépendance (Orford et al., 2010). Ce stress varie en intensité en fonction des stratégies d’adaptation utilisées. L’efficacité des stratégies d’adaptation peut être étudiée sous différents angles. Selon Velleman et Orford (2000), les stratégies qui permettent de diminuer les conséquences négatives sont efficaces. Ainsi, même s’il n’est habituellement pas recommandé de quitter le nid familial à l’adolescence, si cette stratégie permet de se détacher de la consommation parentale et de vivre moins de difficultés, alors cette stratégie peut être considérée efficace. Bien entendu, la perception du degré d’efficacité d’une stratégie d’adaptation est relative à chaque personne, donc peut varier d’une personne à une autre.

Les stratégies d’adaptation permettent, en général, de diminuer le niveau de stress associé à une situation difficile (Paulhan, 1992). De plus, elles permettent à la personne de développer un sentiment de contrôle dans une situation où la personne n’en a pas. Certaines stratégies se basent sur la régulation émotionnelle (processus de pensée) et d’autres sur la résolution de problèmes (ex. : une activité) que la personne met en place afin de s’adapter à une situation (Paulhan, 1992). Selon Paulhan, « il semble que les stratégies cognitives soient davantage adoptées dans les cas où l'événement est incontrôlable (maladie grave par exemple) tandis que les stratégies comportementales le sont dans les cas où un effort peut amener un changement de la situation (perte d'emploi par exemple) » (Paulhan, 1992, p.547). Pour certains individus, les stratégies d’adaptation peuvent devenir irréalisables et pour d’autres elles sont une façon de reprendre du pouvoir dans une situation (Kroll & Taylor, 2003). La mise en place des stratégies d’adaptation nécessite que la personne ait la capacité d’analyser la situation en prenant une distance émotive lui permettant d’être plus proactive dans la recherche de solutions.

Les proches d’une personne dépendante sont des agents actifs dans la mise en place des stratégies d’adaptation ; ils ont une capacité de résolution de problème. À la

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lumière des nombreuses études menées auprès des proches de personnes dépendantes, Copello, Templeton, Orford, & Velleman (2010) en sont arrivés à une typologie en trois catégories de stratégies d’adaptation pour les proches de personnes dépendantes : 1) s’impliquer pour tenter de changer les comportements de consommation de la personne, 2) tolérer les comportements de consommation et 3) prendre ses distances de la personne dépendante (Copello et al., 2010).

Comme la capacité d’analyser une situation est beaucoup plus développée chez les adultes que chez les enfants (Paulhan, 1992), peu d’études se sont intéressées aux stratégies d’adaptation des enfants d’un parent dépendant (Maffli, 2001). Ce projet de recherche propose donc une adaptation du modèle Stress-Strain-Coping-Support (Copello et al., 2010) auprès des jeunes adultes ayant grandi avec un parent dépendant. Ce modèle a jusqu’ici fait ses preuves auprès d’adultes, mais n’a jamais fait l’objet d’une analyse pour mieux comprendre les stratégies d’adaptation mises en place par des enfants de parent dépendant.

2.2. Les composantes du modèle Stress-Strain-Coping-Support

Le modèle Stress-Strain-Coping-Support (SSCS) a d’abord été influencé par les travaux de Folkman et Lazarus (1988), pionniers dans le domaine des stratégies d’adaptation. Ces auteurs ont établi un ensemble de conditions auxquelles les gens sont confrontés dans leur vie et qui les amènent à vivre des situations stressantes. Ils ont démontré que les personnes réagissent différemment aux situations stressantes (Orford et al., 2010).

Les auteurs du modèle Stress-Strain-Coping-Support se sont basés sur ce constat afin d’établir un modèle en cinq composantes. (Orford et al., 2010). Il se distingue des modèles théoriques habituellement utilisés, car il n’aborde pas les difficultés vécues comme étant une pathologie, mais comme un symptôme au stress. Il vise aussi à analyser les actions mises en place afin d’aider ces enfants à surmonter leurs difficultés (Orford et al., 2010). Ce modèle en cinq composantes, présenté à la figure 3, stipule que l’entourage de la personne dépendante doit composer avec diverses situations stressantes engendrées par la consommation des SPA (Copello et al., 2010). La première composante de ce modèle vise à identifier les conséquences vécues par l’entourage de la personne

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dépendante (difficultés financières, négligences, crises, dysfonctions familiales, etc.) (stress). Ensuite, le modèle SSCS tient compte de l’effet de ces conséquences sur les membres de l’entourage de la personne dépendante (strain). Le troisième élément central de ce modèle théorique réfère à la façon dont l’entourage s’adapte aux difficultés rencontrées par la consommation de la personne dépendante. Ce sont les stratégies d’adaptation mises en place (coping). Finalement, la dernière composante est le soutien social (support). Ce dernier ne réfère pas uniquement au nombre de personnes présentes dans l’entourage, mais également à la qualité de la relation et au soutien des intervenants gravitant autour de ces personnes (Orford et al., 2010). Ces composantes agissent d’étapes d’intervention qui peuvent être interchangées entre elles afin de s’adapter le plus possible à la réalité et aux besoins de la personne.

Figure 1. Le modèle théorique en cinq étapes du Stress-Strain-Coping-Support

Cette recherche souhaite cerner la réalité des enfants qui vivent avec un parent dépendant aux SPA en donnant la parole à des jeunes adultes ayant grandi avec un parent

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dépendant. L’efficacité de leurs stratégies d’adaptation sera examinée à la lumière des composantes du modèle théorique Stress-Strain-Coping-Support.

2.2.1. Les propositions de recherche

À la lumière des informations présentées, trois propositions sont formulées afin de guider cette recherche.

 Les jeunes adultes ayant vécu avec un parent dépendant ont rencontré des difficultés qu’ils associent à la dépendance de leur parent lorsqu’ils étaient enfants.

 Ces jeunes adultes ont utilisé des stratégies d’adaptation afin de surmonter les difficultés associées à la dépendance de leur parent lorsqu’ils étaient enfants.  L’appréciation de l’efficacité des stratégies d’adaptation est variable selon les

personnes.

2.3. La pertinence sociale et scientifique

La question des proches de personnes dépendantes a fait l’objet de plusieurs études (Association des centres de réadaptation en dépendance du Québec [ACRDQ], 2011), mais peu d’entre elles se sont intéressées à la perception des jeunes adultes ayant vécu avec un parent dépendant (Barnard & Barlow, 2003). En documentant le vécu de ces jeunes adultes ayant grandi avec un parent dépendant, cette recherche permettra de réfléchir à des stratégies d’intervention pour aider les enfants qui vivent avec un parent qui est dépendant. Cette recherche contribuera également à faire diminuer le tabou associé à ce problème social. Ainsi, plus de jeunes et de familles vivant avec un parent dépendant pourront recevoir l’aide dont ils ont besoin sans avoir peur d’être jugés (Kroll, 2004) et les familles seront plus enclines à demander de l’aide au niveau familial (Lavergne et al., 2009; Russell, 2006; Templeton et al., 2009). En identifiant les stratégies d’adaptation utilisées par ces enfants afin de mieux vivre avec cette situation problématique (Vitaro et al., 2006), cette étude a le potentiel de fournir des informations utiles pour les intervenants quant aux cibles d’intervention à prioriser auprès de cette clientèle.

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Cette recherche se démarque des recherches existantes puisqu’elle s’intéresse à la perception des jeunes adultes alors qu’ils étaient enfants concernant leurs stratégies d’adaptation et l’efficacité de ces dernières. Par ailleurs, le modèle théorique Stress-Strain-Coping-Support a, jusqu’ici, été peu utilisé dans les travaux sur la réalité des enfants qui vivent avec un parent ayant une dépendance (Velleman, 2000). Ce modèle théorique vise aussi à analyser les actions mises en place afin d’aider ces enfants à surmonter leurs difficultés (Orford et al., 2010). Il est donc pertinent pour obtenir une vision différente des recherches déjà effectuées sur le sujet et ainsi apporter de nouveaux éléments qui vont permettre de mieux comprendre ce problème. Considérant le risque important que les enfants ayant un parent dépendant vivent des difficultés, il est primordial de se pencher sur les stratégies d’adaptation qui font en sorte que certains de ces enfants vivent moins de difficultés que d’autres.

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CHAPITRE 3 La méthodologie

Dans la section qui suit, l’approche et le type de recherche privilégiés sont présentés, suivis de la population à l’étude, la méthode d’échantillonnage ainsi que le mode de collecte des données. Finalement, les aspects éthiques ainsi que les critères de scientificité sont détaillés.

3.1. L’approche privilégiée et le type de recherche

Cette recherche s’inscrit dans un paradigme socioconstructiviste; elle s’appuie sur le postulat que chaque individu interprète à sa façon sa réalité (Hacking, 2010). Elle vise à décrire l’expérience des jeunes adultes ayant vécu avec un parent dépendant, à connaitre les stratégies d’adaptation mises en place par ces derniers pour composer avec la dépendance de leur parent et à décrire leur perception de l’efficacité de ces dernières. L’approche qualitative est mise de l’avant afin d’atteindre cet objectif. Cette approche permet de décrire une situation sociale afin d’en obtenir une compréhension plus approfondie (Turcotte, 2000) et de comprendre davantage la conception que la personne se fait de sa situation (Girod-Séville, 2002; Turcotte, 2000; Ville & Ravaud, 1994). Cette recherche se veut exploratoire puisque peu d’études s’intéressant aux perceptions des jeunes adultes ayant vécu avec un parent dépendant, et ce, en utilisant le modèle SSCS, ont été réalisées à ce jour (Velleman, 2000).

3.2. La population et l'échantillonnage

La population à l’étude est constituée de jeunes adultes âgés entre 18 et 30 ans ayant vécu avec un parent dépendant lorsqu’ils étaient enfants.

3.2.1. L’échantillon

L’échantillon est composé de huit personnes. Ce nombre de répondants est acceptable dans le cadre de la réalisation d’un mémoire compte tenu des ressources financières et de l’échéancier, d’autant plus que le mémoire vise davantage à susciter des pistes de recherche qu’à obtenir des résultats largement transférables. L’échantillon est constitué de volontaires, car il s’agit d’un sujet délicat qui amène à réfléchir à une situation difficile du passé.

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19 3.2.2. Les critères de sélection

Le groupe d’âge ciblé se situe entre 18 et 30 ans afin que l’expérience des participants soit récente, mais qu’ils aient eu l’occasion de prendre un certain recul concernant cette situation. De plus, les participants ne devaient plus vivre sous le même toit que leur parent dépendant afin de s’assurer d’un regard extérieur à leur situation vécue. Ce critère s’inspire de la recherche Velleman et Orford (2000) s’intéressant aux enfants de parents dépendants.

3.2.3. Le recrutement

Pour le recrutement, un courriel d’invitation à participer à l’étude a été envoyé à l’ensemble des étudiants de la communauté universitaire de l’Université Laval par le biais des listes d’envoi de l’Université Laval. L’annonce de recrutement est présentée à l’annexe 2. Il y était spécifié que l’étudiant intéressé à participer à cette recherche pouvait contacter l’étudiante-chercheuse par téléphone. Par la suite, la chercheuse planifiait avec le participant une date d’entrevue.

Aucun test déterminant le niveau de consommation du parent n’a été utilisé ; la dépendance du parent était établie à partir de la perception du répondant quant à la consommation de son parent, et ce, peu importe la quantité consommée (Vitaro et al., 2006). Donc, tout participant ayant la perception que son parent a eu une dépendance aux SPA par le passé était donc admissible à la recherche (Velleman & Orford, 2000). La question « Est-ce qu’un de vos parents a déjà eu une consommation de drogue et/ou d’alcool problématique? » a servi à définir la population cible (Vitaro et al., 2006).

3.3. Le mode de collecte des données

Les données ont été collectées par le biais d’entrevues individuelles semi-structurées d’environ une heure. Le guide d’entrevue est présenté à l’annexe 3. Ce guide fut adapté à chaque participant afin de tenir compte de sa situation singulière (ex : si un ou les deux parents sont dépendants aux SPA, si le participant est lui-même dépendant aux SPA, etc.). De plus, le guide d’entrevue a fait l’objet d’un prétest afin de valider la structure et la formulation des questions. Ce prétest a été effectué auprès d’une collègue d’étude qui s’est portée volontaire pour collaborer à cette étape de la recherche. Comme

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cette recherche a pour objectif de connaitre l’expérience des jeunes adultes, l’entrevue individuelle semi-structurée a été privilégiée, car elle laisse l’espace nécessaire au participant afin qu’il s’exprime sur les divers éléments qu’il souhaite mettre de l’avant. Cette particularité est importante, car la recherche porte sur un sujet tabou qui peut placer les répondants dans une situation de vulnérabilité. Il est dont essentiel que le sujet soit traité avec sensibilité. Aussi, il était préférable que les participants soient rencontrés individuellement afin de favoriser un climat de confiance. Chaque entrevue a été enregistrée sur support audio et transcrite afin d’être d’analysée.

3.3.1. L’analyse des données

Les entrevues ont été effectuées au cours du mois de décembre 2015 selon l’ordre de recrutement des participants. Ensuite, les entrevues ont été transcrites et codifiées au moyen du logiciel N'Vivo 10. Le matériel d’entrevue a été analysé selon la méthode de l’analyse de contenu thématique (Paillé & Mucchielli, 2008) afin de faire émerger les principaux thèmes qui ressortent du discours des participants et de les regrouper en catégories. Les données qualitatives ont été regroupées selon les propositions préalablement faites dans cette étude. Pour chacune de ces trois propositions, des questions semi-dirigées ont été posées aux participants. Une première lecture et un premier codage ont permis de faire émerger des données répondant à ces propositions.

Le tableau 1 fait état des catégories de classification réparties selon les propositions de cette étude : 1) les jeunes adultes ayant vécu avec un parent dépendant ont rencontré des difficultés qu’ils associent à la dépendance de leur parent lorsqu’ils étaient enfants, 2) ces jeunes adultes ont utilisé des stratégies d’adaptation afin de surmonter les difficultés associées à la dépendance de leur parent lorsqu’ils étaient enfants et 3) l’appréciation de l’efficacité des stratégies d’adaptation est variable selon les personnes.

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Tableau 1. La classification des thèmes selon les propositions

THÈMES SOUS-THÈMES

1 Consommation

parentale  Début de la consommation  Connaissances/croyances au niveau de la dépendance

 Mode et fréquence de la consommation

 Âge au moment de la consommation parentale 2 Difficultés  Expérience en lien avec la consommation

 Relation parent/enfant  Difficultés rencontrées

 Troubles de comportements, consommation  Relations avec les pairs

 Émotions liées à cette problématique vécue  Vos réactions concernant cette situation

3 Stratégies d’adaptation  Éléments qui ont permis de traverser cette situation  Vos réactions concernant cette situation

 Aide reçue

4 Efficacité  Agiriez-vous de la même façon

 Les changements qui seraient apportés  Ce qui serait à refaire

 Efficacité de vos réactions/comportements  Présence d’un réseau social

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À l’aide d’une deuxième lecture et d’un deuxième codage, les résultats ont été analysés à la lumière du modèle Stress-Strain-Coping-Support en utilisant les cinq composantes de ce modèle théorique (consommation de SPA du parent, stress vécu, stratégies d’adaptation, soutien social et conséquences pour l’enfant et sa famille). Peu importe la fréquence des éléments mentionnés, tous les éléments pertinents se retrouvant dans une classification selon le modèle Stress-Strain-Coping-Support ont été utilisés lors de l’analyse des résultats.

3.4. Les aspects éthiques

Afin d’assurer la confidentialité des données, elles ont été dénominalisées, c’est-à-dire qu’un code a été attribué à chacun des participants de sorte qu’il est impossible d’associer les réponses d’un participant en particulier à son nom. Toutes les informations permettant d’identifier un participant (nom de lieu, nom du parent, etc.) ont été éliminées des transcriptions. Seule l’étudiante a accès à la liste de codes gardée sous clé. Toutes les données collectées (incluant les enregistrements audio) sont conservées dans un ordinateur verrouillé et protégé par un mot de passe. Elles seront détruites deux ans après la diplomation de l’étudiante.

Avant chaque entrevue, le participant signait un formulaire de consentement lui expliquant la nature, les objectifs, les risques et les bénéfices de cette recherche afin qu’il puisse donner son consentement de façon libre et éclairé. Les participants furent avisés qu’ils pouvaient se retirer de la recherche à tout moment, et ce, sans préjudice. Cependant, aucun participant n’a demandé de mettre fin à une entrevue individuelle. Le formulaire de consentement est présenté à l’annexe 4. Le maximum d’efforts fut mis en place afin que la confidentialité, le consentement libre et éclairé et la connaissance de la portée des résultats soient assurés. Afin de s’assurer que les participants aient des ressources vers qui se tourner, s’ils en ressentent le besoin, une liste de ressources pouvant leur venir en aide dans la région a été remise à tous les participants (annexe 5). Cette façon de faire permet de répondre aux besoins des personnes qui se sentiraient vulnérables psychologiquement à la suite de l’entrevue. De plus, si les participants le

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désiraient, les principaux résultats de l’étude ainsi qu’un bilan des stratégies d’adaptation les plus bénéfiques mises en œuvre leur ont été transmis.

3.5. La scientificité de la recherche qualitative

Les critères de scientificité de la recherche qualitative ont été pris en considération lors de cette étude afin de s’assurer de la validité interne et externe des résultats.

Tout d’abord, la validité interne « implique de vérifier si les observations sont effectivement représentatives de la réalité ou crédibles » (Drapeau, 2004, p.81). Comme les entrevues étaient qualitatives et semi-dirigées, il y avait l’espace nécessaire pour questionner les participants sur leurs dires afin de s’assurer d’une bonne compréhension du message qu’ils souhaitaient transmettre. De plus, plusieurs reformulations ont été faites au cours des entrevues, ce qui permettait également de s’assurer que la compréhension était exacte et collée à la réalité du participant. L’avantage du qualitatif est d’avoir directement accès aux participants et de pouvoir constamment réévaluer les hypothèses et les interprétations.

Il est difficile de statuer avec certitude que la validité externe qui vise la transférabilité des résultats obtenus a été pleinement respectée. Plus précisément, l’échantillon est petit pour prétendre une transférabilité et une saturation théorique. Toutefois, lors des entrevues, il semble qu’aucun élément nouveau à la recherche ne ressortait. Par ailleurs, la fidélité des résultats est présente dans cette étude. En fait, l’analyse des résultats s’appuie sur un modèle théorique déjà existant (Stress-Strain-Coping-Support) et les résultats sont similaires à ceux obtenus par les auteurs de ce modèle. Ainsi, il est possible d’affirmer que la reproductibilité des résultats de recherche est réalisable. « L’objectivité exige l’opérationnalité, la manipulation du phénomène, de même que des conditions de recherche maximisant la prédiction et le contrôle. » (Drapeau, 2004, p.83). Il est toujours difficile d’obtenir complètement une objectivité lors d’une recherche qualitative. Ainsi, il va sans dire que les données recueillies sont également teintées de subjectivité puisque les participants ont présenté leur expérience en fonction de leur perception de la situation.

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24 CHAPITRE 4

Les résultats

La présentation des résultats se divise en quatre sections. Elle débute par un portrait global des participants. Par la suite, les trois autres sections sont en lien avec les propositions de recherche. Ainsi, la deuxième section présente les difficultés rencontrées par les enfants ayant eu un parent dépendant ainsi que l’impact de la dépendance parentale sur la dynamique familiale. La troisième section aborde les stratégies d’adaptation qui sont présentées selon la distinction de Folkman et al. (1986) soit les stratégies d’adaptation basées sur les émotions et les stratégies d’adaptation basées sur les actions. La quatrième section fait état de la perception des participants de l’efficacité de leurs stratégies d’adaptation. L’ensemble de ces résultats présente la perception que ces jeunes adultes ont de leur expérience concernant leur vécu avec un parent ayant une dépendance aux SPA.

4.1. La description des participants

Lors des entrevues individuelles, huit jeunes adultes âgés entre 21 et 29 ans ont été rencontrés. Ce sont tous des étudiants de l’Université Laval. L’échantillon comporte six filles et deux garçons. On y retrouve trois étudiants qui proviennent de la France et qui sont venus faire leurs études universitaires au Québec ; les autres sont Québécois d’origine.

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Le tableau 1 présente le parent (père, mère ou les deux) qui avait une dépendance aux SPA en fonction des participants. On constate que pour une majorité de participants, c’est le père qui consommait et qu’un seul participant a été confronté à la dépendance de ses deux parents. Deux participants ont vécu avec une mère dépendante aux SPA.

Tableau 2. Les parents dépendants aux SPA selon le participant

Parents Participants4

Père Kim, Camille, Magalie, Mathis, Claudie

Mère Annick, Béatrice

Les deux parents Frédéric

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Le tableau 2 présente le type de substance psychoactive consommé par le parent dépendant. Cinq participants avaient au moins un de leur parent qui consommait uniquement de l’alcool. Un participant avait au moins un de ses parents qui consommait des drogues et deux participants avaient au moins un de leur parent qui consommait à la fois drogue et alcool.

Tableau 3. Le type de consommation du parent dépendant selon le participant

Consommation Participants

Alcool Annick, Camille, Magalie, Mathis, Béatrice

Drogues Claudie

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Tous les participants ont quitté leur domicile familial entre l’âge de 18 et 21 ans pour aller étudier dans une autre région. Tous mentionnent, toutefois, que la raison principale de leur départ de leur milieu familial était en fait leur désir de se soustraire d’une dynamique familiale difficile en raison de la consommation de SPA de leur parent. Il était, cependant, plus facile pour eux d’utiliser le motif des études afin de justifier leur départ auprès de leurs parents.

« Je suis partie à l’âge de 19 ans pour aller étudier, mais j’avais envie de partir de chez mes parents, de m’éloigner. Je ne me serais pas vu faire mon université dans la même ville. On dirait que c’est un peu plus facile à cause d’une autre ville que de dire je déménage dans la même ville, mais pas avec vous. » Annick

La situation de chacun des participants est résumée en quelques lignes afin d’avoir un portrait plus clair de leur vécu.

Kim est âgée de 25 ans. Elle a une sœur de deux ans son aînée. Ses parents se sont séparés alors qu’elle avait cinq ans. Elle a ensuite habité avec sa mère et devait aller chez son père une fin de semaine sur deux. Cependant, ce dernier, qui avait à la fois un problème de consommation de drogues et d’alcool, n’assumait pas toujours sa fin de semaine de garde. En effet, plutôt que de venir chercher ses enfants, il restait parfois au bar à consommer. Les deux fillettes restaient alors avec leur mère.

Frédéric, 28 ans, a vécu avec ses deux parents et son frère aîné jusqu’à ses 20 ans. Ses deux parents consomment de l’alcool, et ce, du plus loin dont il se souvient. Il croit que son père a également consommé des drogues il y a quelques années. Il tente de ne pas passer plusieurs jours consécutifs chez ses parents quand il leur rend visite puisqu’il trouve l’ambiance lourde à supporter.

Annick, 22 ans, est enfant unique. Ses parents forment un couple depuis plusieurs années. En raison de son travail, son père voyage régulièrement à l’extérieur de la ville, et ce, depuis qu’elle est jeune. C’est principalement pendant l’absence de son père que sa mère consomme de l’alcool seule ou avec des amis à la maison. Ainsi, elle devait

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s’occuper de faire le souper et les tâches quotidiennes de la maison puisque sa mère s’endormait en début de soirée puisqu’elle avait ingéré une grande quantité d’alcool.

Camille, âgée de 29 ans, a une sœur de deux ans son aînée. Ses parents ont divorcé alors qu’elle était en bas âge. À partir de ce moment, elle et sa sœur habitaient avec leur mère. Elles allaient toutes les fins de semaine chez leur père, qui passait une bonne partie de son temps dans un bar. Elles l’accompagnaient parfois au bar, et ce, même si elles étaient âgées de 5-6 ans, ou encore elles restaient seules au domicile paternel. D’autres membres de la famille élargie ont également une dépendance à l’alcool et cela a toujours été ouvertement discuté au sein de la famille élargie, ce qui était, pour Camille, une façon de normaliser sa situation.

Magalie, 24 ans, a une sœur biologique de six ans sa cadette. Ses parents se sont séparés alors qu’elle avait 10 ans. Son père a eu quatre autres enfants issus de deux mariages ultérieurs. Magalie n’a jamais habité avec ses demi-frères et sa demi-sœur. Au moment de la séparation, Magalie et sa sœur ont été témoins de violence conjugale. Elle a ensuite habité avec sa mère et sa sœur et elle visitait son père une fin de semaine sur deux jusqu’à l’âge de 15 ans, moment où il a déménagé dans une autre région. Son père consomme de l’alcool depuis qu’elle est en bas âge.

Mathis a 26 ans et il est l’aîné d’une fratrie de cinq enfants. Il se décrit comme étant introverti et ayant peu d’amis. Ses parents sont mariés et toujours ensemble. Son père a cessé de consommer de l’alcool il y a quelques mois. Auparavant, il consommait tous les jours au domicile familial. Dû à la consommation de son père, la famille faisait peu d’activités familiales et s’isolait de leur entourage.

Béatrice, 25 ans, a une sœur ainée et un frère cadet. Ses parents vivent ensemble. Sa mère consomme de l’alcool depuis que Béatrice est jeune. En général, elle boit en cachette dans le domicile familial. Son père a un emploi de jour et assume les responsabilités familiales. Béatrice n’a pas l’impression que la consommation de sa mère l’a affectée d’une quelconque façon puisque, pour elle, son père répondait suffisamment à ses besoins.

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Claudie est l’aînée de sa famille. Elle est âgée de 21 ans. Son père a eu cinq enfants de conjointes différentes. Ses parents se sont séparés alors qu’elle était en bas âge. Elle a alors habité avec sa mère et son conjoint qui avait une dépendance à l’alcool. Les contacts avec son père et sa demi-fratrie étaient à une fréquence d’une fin de semaine sur deux. Son père consomme et vend de la drogue depuis plusieurs années, elle a donc été exposée au trafic de drogues.

4.2. La vie avec un parent dépendant

La consommation de SPA d’un parent entraine différentes difficultés au cours de l’enfance et de l’adolescence. Certaines difficultés touchent directement l’enfant alors que d’autres affectent davantage la dynamique familiale.

4.2.1. Les difficultés vécues par les enfants

Les situations vécues au quotidien par l’enfant dont un parent est dépendant aux SPA ne sont pas sans conséquence et se traduisent par différentes difficultés : le sentiment d’abandon et d’insécurité, le sentiment de responsabilité, les affects négatifs, la faible confiance en soi, les problèmes de santé physique et le développement d’une aversion envers l’alcool et les drogues ainsi qu’envers les personnes qui consomment.

4.2.1.1. Le sentiment d’abandon et d’insécurité

Se sentir abandonné est une des difficultés rencontrées chez les enfants ayant un parent dépendant aux SPA. Ce sentiment est engendré par l’impression que la consommation semble plus importante dans la vie du parent que la présence de son enfant. C’est notamment le cas lorsque le parent passe plus de temps à consommer dans les bars ou avec des amis qu’à faire des activités avec son enfant.

« Je me suis rendue compte qu’il aimait mieux ça [la consommation] que nous. » Kim

Ce sentiment d’abandon affecte les autres relations de l’enfant et entraine des effets qui peuvent durer dans le temps. Ce sentiment provoque une insécurité qui amène l’enfant à faire peu confiance aux gens par peur d’être abandonné.

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« Je n’ai pas confiance aux gens. Quand quelqu’un est gentil avec moi, j’ai l’impression qu’il a une mauvaise idée derrière la tête. Je suis vraiment méfiante. Un sentiment d’abandon, j’ai toujours peur d’être abandonnée. » Camille

4.2.1.2. Le sentiment de responsabilité

Outre l’abandon, l’enfant peut se sentir responsable du parent. Il peut avoir l’impression de devoir s’occuper de lui, et ce, autant afin de répondre à ses besoins de base comme faire le souper, le lavage et le ménage, que d’être présent moralement pour lui. Il a, également, l’impression qu’il doit essayer de lui redonner une joie de vivre. Les rôles sont alors inversés et l’enfant assume le rôle de parent.

« Je les [mes parents] considère comme des adolescents. On dit qu’on va voir nos parents, mais on s’occupe d’eux tout le temps, tout le temps. Depuis qu’on est jeune, on s’est toujours occupé d’eux. Ils n’ont jamais vraiment été capables de s’occuper d’eux-mêmes. » Frédéric

Ce sentiment de responsabilité peut aussi être ressenti à l’endroit de ses frères et sœurs plus jeunes. Devenir responsable avant le temps est souvent vécu négativement par l’enfant. Les participants mentionnent qu’ils auraient aimé vivre une adolescence sans s’inquiéter de devoir répondre à leurs besoins de base (par exemple, est-ce qu’il y aura suffisamment de nourriture) et sans avoir à protéger leur fratrie.

« J’ai l’impression d’être plus adulte. À 18 ans je faisais des choses qu’eux ne faisaient pas. Mais en même temps ça me faisait chier parce que j’aurais voulu moi aussi ne pas savoir faire ça. J’aurais voulu qu’on le fasse pour moi, qu’on le fasse à ma place. J’aurais voulu vivre mon adolescence comme une adolescente. » Magalie

Se sentir responsable très jeune peut entrainer différentes conséquences. Dans certains cas, cette situation déclenche la peur de devenir adulte. Dans d’autres cas, elle favorise le développement de la débrouillardise et la capacité de venir en aide aux autres, caractéristiques considérées comme positives.

« Je ne voulais tellement pas devenir comme mes parents ; vieillir ça ne me tentait pas du tout. On dirait qu’en secondaire 1 j’ai commencé à devenir

Figure

Figure 1. Le modèle théorique en cinq étapes du Stress-Strain-Coping-Support
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