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Mgr. Edouard-Charles Fabre et le diocèse de Montreal : la question d'un coadjuteru a l'evéque de Montréal (1872-1873) et la question de l'érection de Montréal en archevêche (1879-1887) ; apercu des relations interépiscopales.

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Texte intégral

(1)

MGR. EDOUARD-CHARLES FABRE ET LE DIOCESE DE MONTREAL: LA QUESTION D'UN COADJUTEUR A L'EVEQUE DE MONTREAL

(1872-1873)

ET LA QUESTION DE L'ERECTION DE MONTREAL EN ARCHE-VECHE

(1879-1887):

APERCU DES RELATIONS INTEREPISCOPALES.

PAR JEAN-PIERRE JOLIN, B.A., MONTREAL

,1968

THESE PRESENTEE A LA FACULTE DES ETUDES GRA-DUEES DE E'UNIVERSITE McGILL POUR L'OBTENTION DU GRADE DE MAITRE ~s ARTS (HISTOIRE) MONTREAL

1971

~ Jean-Pierre Jo1in 1972

(2)

c~ses de Montréal et de Québec, Mgr. Bourget entreprit de sérieuses démarches, dans les années

1872-1873,

pour obte-nir un coadjuteur avec droit de lui succéder. Or nommer un coadjuteur partisan ne ferait qU'envenimer la lutte en-tre ces deQx villes opposées. Il fallait donc un homme de compromis, un homme acceptable à tous, un homme modéré qui puisse faire la part des choses et chercher à rétablir la paix entre les évêques du Québec. Cet homme de com-promis, Rome le vit en la personne de Mgr. Edouard-Charles Fabre, qui fut nommé coadjuteur en

1873

et évêque de Mont-réal en

1876.

Malgré sa modération et sa diplomatie, Mgr. Fabre ne pouvait contenter en même temps, et son archevêque, et son clergé; ou bien il plaisait à l'un et s'attirait les foudres de l'autre, ou bien, dans sa modération, il déplai-sait aux deux.

La

seule solution qui se présenta pour remédier à ce conflit et cette rivalité entre les deux villes, c'était soustraire le diocèse de Montréal de l'autorité de Québec. Ainsi pour rétablir la paix entre les évêques, paix qU'il

fixa lui-même comme une priorité au début de son épiscopat, Mgr. E.C. Fabre s'évertua, d~s

1879,

à réaliser le projet que le curé Labelle et Mgr. Laflèche lui avaient proposé: soustraire Montréal de Québec par la création d'un archevê-ché à Montréal. Cette érection de Montréal en archevêché se réalisa en

1886.

(3)

REMERCIEMENT

Deux personnes en particulier, sans l'aide de qui ces recherches auraient été tr~s difficiles

à réaliser, méritent ici d'être remerciées. Il s'agit de M. Laurier L. Lapierre, professeur d'his-toire à l'Université McGill, qui a bien voulu

ac-cepter la direction de cette thèse et me seconder de ses conseils. M. François Beaudin, maintenant archiviste de la ville de Québec, mais qui, lors de mes recherches, occupant alors le poste d'archivis-te de l'Archevêché de Montréal, m'orienta aimable-ment vers la docuaimable-mentation pertinente.

(4)

Nous nous sommes gardé, dans cette th~se,

d'aborder d'emblée la question universitaire, et nous prions le lecteur de consulter la th~se de doctorat de M. André Lavallée sur cette question, th~se qui sera présentée à l'Université de Montréal en septembre de cette année.

Dans les références au bas des pages, quelques abbréviations ont été utilisées: L. pour Lettre; app. pour appendice dont la référence et la citation sont à la fin de cette th~se pour chacun des chapitres; ACAM, pour Archives de la Chancellerie de l'Archevêché de Montréal;

de Québec;

A.A.Q. pour Archives de l'Archidioc~se

APPQ pour Archives' Privées Privées et Pu-bliques du Québec.

Nous aimerions mentionner que l'orthographe a été intégralement reproduite comme telle dans les ci-tations incluses dans le corpus de la th~se et dans les appendices.

Après consultation a vec notre directeur d e th~se, il ne nous a pas paru nécessaire de consulter les ar-chives des différents dioe~ses du Québec, excepté celles de Montréal et de Québec, car les évêques s'envoyaient des résumés par lettres.

Finalement, dans cett9 th~se, l'aspect politico-religieux et laic n'a pas été approfondi, de par sa com-plexité, et nous préférons voir traiter cet aspect dans une thèse de doctorat.

(5)

TABLE DES MATIERES

Page

Résumé

·

• • • • • • • • Remerciement

·

• • • • • • • • • • • • • Avertissement. • • • • • • • • • • • • Table des ~'Iatières • • • •

..

0

Bibliographie. • • • • • • • •• • • • • • • • Introduction • • Chapitre Premier : • • • • • • • • • • • • • • • • • Chapitre II Chapitre III Conclusion • • Vita • • • Appendices • •

.

·

·

• •

·

·

.

• Biographie de Mgr. Edouard-Charles Fabre

L~ question d'un coadjuteur à l'évêque de :Montréa1, 1872 - 1873 • • • • • • . • • • • • • • • • A. Le conflit. • • • • • • • • • • • 2 8 9

B. Le jeu des influences à Rome. • 24 C. Nomination de Edouard-Charles

Fabre • • • • • . . . 36

La question de l'érection de

Montréal en Archevêché • • • • • • • 39

A.

Nature de la Question • • 40 B. Cristallisation des Positions • • 54

• • • • • • • • • • • • • • • • 85

• • • • • • • • • • • • • • • • • •

Chapitre l • • • • • 1

Chapitre II • • • • 3 Chapitre III • • • 23

(6)

Sources Primaires: Dossier

901.043

901.044

901.045

901.061

901.086

901.126

901.127

901.151

902.001

120.006

295.099

295.101

·

·

·

·

BIBLIOGRAPHIE

~~r. Bourget - re: so coadjuteur

1872

ACAM

Divers,_ lettres à Mgr. Bourget

1836-1870

ACAM

Mgr. Bourget - diverses nominations - affaires personnelles - testament

1843-1876

ACAM

Mgr. Bourget; lettres personnelles

1871-1876

ACAM

Mgr. Désautels à Mgr.- Bourget (surtout lettres de lOme)

1850-1874

ACAM

Demande d'un coadjuteur pour Mgr. Bourget

1872

A

CAM

Déclaration de Mgr. L.F. Laflèche sur Mgr. Bourget

1873

ACAM

Mgr. Fabre à :Mgr. Bourget

1869-1876

ACAM

Correspondance de Mgr. Fabre

ACAM

Mgr. Bourget: documents romains

1863-1876

ACAM

Diocèse de Québec

ACAM

Diocèse de Québec ACA~l

1836-1872

1872-1874

1871-1873

(7)

Dossier 295.104 149.994 149.995 149.998 149.998 Dioc~se de Trois-Rivi~res 1864-1873 ACAM Index (Indults) 1806-1883 ACM-i Indults 1870-1876 ACAM Rome Index 1820-1881 ACAM Rome Indults 1868-1876 ACAM

RLF 3 Régistres des lettres de ~~r. Fabre 1872-1880 ACAM

RCD 41 Documents relatifs à la mission de Mgr. Désautels à Rome en 1872 ACAM RCD 42 :. Documents relatifs à la mission de

Mgr. Désaute1s à Rome en 1872-1873 ACAM

421.105 Abbé Auclair

RCD 29 Edouard- Charles Fabre - Cahier de notes -- Etudes à Paris

1843-44 AC1Ul

RCD 46A Correspondance privée de T. Harel, ptre. 27 sept. 1877 - 28 novembre

1879 ACAM

RCD 51 Relation du dioc~se de Montréal à

la SoC. de la Propagande de la Foi 1855-1888 A CAM

RCD 112 Journal de voyage de 1~r. Fabre 1869-1870 A CAM

RCD 113 Journal de voyage de Mgr. Fabre 1879-1880

1888-1889 ACAM

(8)

Dossier RCD 91 RLF 4 RLF 5 RLF 6 301.006 302.000

Documents relatifs à l'érection de Montréal en archevêché

1879 - 1887 A CAM : Actes de dé1ibérati ons en Conseil

pour affaires diocésaines. Lettres: 2 septembre 1856 30 décembre 1882 ACAM 7 janvier 1883 au 26 décembre 1884 ACAM 29 décembre 1884 au 10 décembre 1889 ACAM Corporation épiscopale catholique

romaine A CAM

Province ecclésiastique de Montréal A CAM 302.001 : Décret d'érection ACAM ACAM ACAM 319.300 421.154 D.M.XII -48

.

.

Chapitre de la Cathédrale Labelle, Antoine

Lettre de Mgr. E.C.Fabre à Mgr. E.A. Taschereau, 10 mars 1876 A.A.Q.

Edouard-~ymond Fabre, Lettres à sa famille, Etat Général d es Archives Privées et Publiques au Québec, Minist~re des Affaires Culturelles 1868, p. 120.

P.s.

Il faut noter que les archives épiscopales de

Montréal et de Québec suivent une autre nomencla-ture que celles des archives nationales du Québec et du canada. Au lieu d'être en pied, la nomen-clature est en dossier. Les dossiers consultés recouvrent environ 2,000 lettres.

(9)

Sources secondaires: - Volumes

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Dessaules, L.A. Drolet, Jean-Claude Dumond, Fernand -Montmin~, Jean-Paul Falardea u, J. C. Harvey, Vincent Hudon, Théophile . ,-Naz, Raoul Pouliot, Léon S.J.

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(10)

Pouliot, Léon S.J.

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Stuart,

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nLa représentation idéologique des classes au Canada français",

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(13)

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èe Montréal de 1820 ~ 1967, Ph.d., Mc Gill , 1971

(14)

INTRODUCTION

Les deux questions traitées dans cette thèse, soit les questions d'un coadjuteur à l'évêque de Montréal (1872-1873) et la question de l'érection de Montréal en archevê-ché (1879-1887), font parties intégrantes des grandes que-relles qui ont soulevé le clergé contre lui-même dans ce XlXième siècle, où l'Eglise québécoise se débattait dans u-ne crise de croissance. La querelle des évêques de Montréal avec les Sulpiciens, la lutte traditionnelle entre Montréal et Québec de même que la guerre idéologique entre le libéra-lisme et l'ultramontanisme sont, avec le débat sur la ques-tion universitaire, des antécédants indispensables à la

com-préhension de cette th~se, et dont nous jugeons essentiel de donner un aperçu.

Abstraction faite des premières années de Mgr. Jean-Jacques Lartigue, évêque in partibus de Te1messe et à la tê-te du district de Montréal depuis 1821, nous traitê-terons im-médiatement des antécédants pertinents à la compréhension de cette thèse.

En septembre 1835, Mgr. Signay, évêque de Québec, re-cevait une requête rédigée par M. Quib1ier, supérieur du Sé-minaire de Montréal, et signée par tous les prêtres du dis-trictde Montréal demandant la création du dioc~se de Montréal et Mgr. Lartigue comme premier évêque. Mais l'évêque de Qûé-bec parait hésitant non seulement à répondre à cette requête, mais même ~.; la transmettre à Rome.

Il y a, comme la chase est arrivée tant de fois dans l'histoire, il y a entre Québec et Montréal des diver-gences de vues, non sur le but à obtenir, mais sur la marche à suivre. 1

(15)

A Québec, par tradition, on croit qU'avant de con-sulter Rome, il est plus sage d'avoir le consentement de l'autorité civile. Donc, au lieu d'envoyer la requête du clergé de Montréal à Rome, Mgr. Signay soumet la question aux autorités coloniales et attend cette réponse avant de recourir à Home. Or à Montréal, on n'avait pas de tradi-tions similaires et on manifestait beaucoup moins de défé-rence pour l'autorité civile.

Des prêtres de Montréal adressent alors une lettre au secrétaire de la Propagande, Mgr. Angelo Mai. On par-le des hésitations de l'évêque de Québec pour la cause montréalaise et on demande même de venir à son secours,

car il a commis une erreur en soumettant à l'autorité civi-le un problème uniquement ecclésiastique. De son côté, Mgr. Lartigue écrit au préfet de la Propagande, demandant avec instance l'érection de Montréal en évêché, et offre par la même occasion sa démission. n ••• i1se sent

inca-pable d'exercer la charge de suffragant, surtout sous l'ar-chevêque actuel de Québec." 2

Mgr. Signay, mis au courant de la démarche, par peur d'encourir le blâme de Rome, expédia, en janvier

1836,

la requête du clergé de Montréal à Home. Le

8

septembre

1836,

Mgr.

J.J.

Lartigue était intronisé comme premier évêque du nouveau diocèse de Montréal.

Un des premiers gestes de l'évêque de Montréal fut

I I

de demander un coadjuteur. Et le

20

mai

1837,

Mgr. Ignace Bourget, secrétaire de Mgr. Lartique depuis

1821,

était nom-mé coadjuteur avec droit de succession à l'évêque de Montréal.

Ainsi à la mort de Mgr. Lartigue, c'est Mgr. Bourget, son co-adjuteur, qui fut intronisé évêque de Montréal, le

23

avril

1840.

(16)

Héritier de l'esprit de son prédécesseur, Mrg. Bour-get organisera le diocèse de Montréal, constituant un cha-pitre, fondant quatre congrégations religieuses, en appelant plusieurs autres d'Europe, dont les Jésuites. Il favorise-ra l'apparition de deux périodiques, Les Mélanges Religieux et le Nouveau Monde. Il établit de nombreuses paroisses dans son diocèse, dont dix-sept à Montréal même étaient des subdivisions de la vieille paroisse Notre-Dame. Cette der-nière action, d'ailleurs, lui attira les foudres des Sulpi-ciens et mérite une attention particulière.

En

1841, la ville de Montréal comptait 140,000 habi-tants. L'unique paroisse de la ville, Notre-Dame, est des-servie par les Sulpiciens.

En

plus ils dirigent le Sémi-naire et sont aumôniers de l'Hôtel-Dieu et de quelques con~ grégations religieuses. Pour répondre à tous ces besoins" ils'

il'

ont que 19 prêtres. Mgr. Bourget jugea donc le temps venu de créer d'autres paroisses dotées de cimetières et pou-vant tenir légalement les régistres de l'état civil, fonc-ti.ons attribuées alors à la seule paroisse existante, Notre-Dame.

Les Sulpiciens s'opposèrent dès la première heure au projet de nouvelles paroisses indépendant~3~Montréal, et il fallut à Bourget un voyage à Rome, pour obtenir l'autorisa-tion de les créer. Le décret apostolique du 22 décembre 1865 donnait à l'évêque toute latitude pour démembrer la paroisse de Notre-Dame et créer à Montréal des paroisses canoniques,

c'est~à-dire ne dépendant que de l'autorité religieuse (l'évê-que). De plus, ces nouvelles paroisses étaient, de droit, reconnues par lepouvoir civil comme de véritables paroisses

(17)

Mais quand il fut temps de s'exécuter, les Sulpiciens mirent tout en oeuvre pour entraver la répartition de la vil-le en paroisses canoniques •

••• Ils ne voulaient plus que des succursales qui leur

resteraient assujetties. Quand Mgr. Bourget se montra trop pressant, ils saisirent les pouvoirs civils de l'affaire qui ne les regardait point. 3

D'un côté, l'évêque poursuivit ses démembrements de la paroisse Notre-Dame, de l'autre les Sulpiciens continu~­

rent à s'y opposer.

Finalementl'archevêque de Québec, Mgr. Elzéar-Alexan-dre Taschereau, obtint d'être nommé délégué apostolique pour résoudre cette épineuse question. Or, Mgr. Taschereau ne gofttait guère l'ultramontanisme exagéré de l'évêque de Mont-réal, H • • • (Taschereau) ne lui pardonnait pas de s'opposer

surtout à l'Université Laval et de l'avoir forcé lui-même d'introduire dans sa propre église la liturgie romaine mise en l'honneur dans MontréalH •

4

IV

Après avoir entendu les deux partis, l'archevêque en-voya son rapport à la Propagande. Il y affirmait que les paroisses canoniques érigées par l'évêque de Montréal ne pour-raient être reconnues et maintenues par le gouvernement, donc qu'elles ne pourraient tenir les régistres des actes civils. Devant ce rapport, la Propagande émet un nouveau décret le 30 juillet 1872, ramenant les paroisses canoniques érigées par Mgr. Bourget dans Montréal, au rang de simples succursa-les. Or ce décret avait à peine touché Montréal que le gou-vernement de Québec reconnaissait l'existence de toutes ces paroisses canoniques avec l'ensemble des droits et privilèges que les Sulpiciens et Mgr. Taschereau contestaient. Et la Sacré Congrégation de la Propagande, assurée par le geste du gouvernen~nt de Québec qU'elle avait été induite en erreur,

3 - Savaète, Arthur, Voix Canadienne, Vers l'Abime, T.9, p.375

4 -

Ibid., p. 378

(18)

émit un nouveau décret, daté du

13

mars

1873,

déclarant que les nouvelles paroisses de Montréal devaient être considé-rées, non plus comme des succursales de Notre-Dame, mais bien comme des paroisses proprement dites.

Mais ce démembrement de l'immense paroisse de Notre-Dame et la création de ces dix-sept nouvelles paroisses coütèrent très cher à l'évêché. La dette de

$840,000.

que Mgr. Bourget avait contractée, c'est son successeur, Mgr.

~

E.C. Fabre qui dût la régler. LUne des grandes sources de friction entre Montréal et Québec est sans contredit la ques-tion universitaire.]

Des

1850,

~~r. Bourget avait demandé l'institution d'une université catholique pour sa ville. Il se joignit

cependant aux p~res du concile provincial, en

1851,

pour de-mander au Grand Séminaire de Québec de constituer une univer-sité, soit l'Université Laval. Mgr. Bourget n'avait pas re-noncé à son projet d'université pour Montréal, se réservant la possibilité d'en créer une lorsque le moment sera venu. Entretemps, il pensait que l'Université Laval faciliterait les affiliations des coll~ges.

Mais le contraire arriva. Laval poulut imposer de

----façon trop exigeante son monopole aux collèges. L'Ecole de Médecine et de Chirurgie de 1~ntréal, fondée en

1843,

à qui Laval demandait de disparaître pour reparattre en un organis-me imprévu, refusa et devint le grand obstacle de Laval à

Montréal. Mgr. Bourget devant un tel état de choses, sur-tout que l'enseignement donné à Laval paraissait trop libéral d'après lui, demanda une université indépendante pour sa vil-le épiscopavil-le. Le Saint-Siège lui octroya alors une succur-sale de Laval à Montréal.

(19)

Alors cp e le conflit entre les deux villes est à son paroxisme, imposer une succursale de Laval 'à Montréal est in-concevable. Sur ces entrefaits, Mgr. Bourget démissionne

VI

le 8 septembre 1876, laissant à son successeur le soin d'ins-taller cette succursale.

La venue au Canada de Mgr. Conroy, chargé d'établir la succursale à Montréal, n'a rien réglé. La grande majori-té du Clergé de Montréal, secondé par l'Ecole de Médecine, fait une opposition irréductible à l'Université.

Trois ans après le passage de Mgr. Conroy, le problème universitaire est plus embrouillé que jamais. La

fa-çon dont Québec exécute les décrets de Rome relatifs à la succursale rencontra, de la part de l'Ecole de Méde-cine, une opposition qui parait irréductible et qui n'est pas sans causer à Laval de sérieux embarras. 5

L'Ecole de Médecine va même jusqu'à contester la char-tre de Laval de 1852, qui ne lui permettrait pas d'ériger des sièges en dehors de son siège social, soit la ville de Québec. L'Université Laval demande donc, en 1881, au Parlement, de modifier sa chartre. ~~r. Fabre appuie ce bill de Laval, malgré que de nombreuses pétitions venues de Montréal, en

ré-clament du Parlement, le rejet. Mais celui-ci est adopté. La succursale est donc reconnue légale. Mais aussi long~emps

que Rome n'aura pas fait sien cet amendement à la chartre, l'Ecole de Médecine et ses sympathisants n'abdiqueront pas.

Mgr. Taschereau envoie Mgr. A. Racine (9herbrooke) et M. Thomas-Etienne Hamel, représentant de l'Université Laval, pour obtenir de Rome une décision finale et briser toutes les oppositions. A Montréal, une supplique est adressée au Saint Père demandant une université indépendante. Le clergé a mê-me choisi ses députés, V~r. Laflèche et M. l'Abbé Dumesnil, professeur au Séminaire de Saint-Hyacinthe. Or, Mgr. Fabre, qui a permis au clergé de se réunir pour délibérer sur le su-jet, désavoue'la supplique à Léon

XIII.

5.

Pouliot, Léon, Les dernières années et la survie de Mgr. Bourget, p. 14 - 15

(20)

Le voyage de Mgr. Lafl~che est donc voué à néant avant de commencer.

~~is Bourget sort de sa retraite et va plaider per-sonnellement, la cause de MOntréal et son besoin d'une uni-versité indépendante. Mais le 13 septembre 1881, la Pro-pagande tranchait le débat en confirmant le décret du 1er février 1876 relatif à la succursale de Montréal.

Finalement, la lutte entre l'ultramontanisme et le libéralisme, non seulement divisa les évêques et le clergé, mais secoua le Québec dans son procesus de croissance.

Les Rouges ou libéraux doctrinaires étaient caracté-risés par leur radicalisme politique, leur anticléricalisme et leur nationalisme. Héritiers du radicalisme des Patrio-tes et anticléricaux de l'époque de l'Institut canadien, M. Jean-Paul Bernard limite leur existence en tant que mou-vement aux années 1848 - 1867. 6

Groupés autour de l'Institut canadien, ils forment en 1849, le parti démocratique canadien. Bientôt qualifiés de libéraux et de rouges, ils se prononcent dans le journal L'Avenir contre le maintien du pouvoir temporel du pape, dé-noncent l'ingérence cléricale en politique, la dîme, le rôle archaique du clergé en général et de Mgr. Bourget en

parti-culier. Leur opposition se fit d'autant plus vive que le clergé se rangeait du côté de leur adversaire politique, le parti conservateur.

C'est le début d'une guerr~ sainte opposant deux idéo-logies différentes: le libéralisme contre l'ultramontanisme.

6 - Bernard, Jean-Paul, '~ensée et influence des Rouges" (1848-1867) Thèse de Ph.D. Montréal, 1968.

(21)

VIII

Les libéraux canadiens ne s'ingéraient pas contre l'Eglise comme telle, mais s'opposaient à l'utilisation po-litique de la religion, à la conception ultramontanist,e de subordonner l'Etat à l'Eglise. Face à ceux-ci, Mgr. Bour-get, assisté de Mgr. Lafl~che, qui protégeait la même idéo-logie, furent d'un autoritarisme rigide. D'ailleurs les Rouges entraient en contradiction avec l'idéal de Mgr. Bour-get et de Mgr. Lafl~che qui se rattachaient à la tradition des évêques protecteurs de la cité et dont le rôlè consis-tait ~ sauvegarder le peuple canadien-français de la vague irréligieuse qui s'étendait sur l'Europe.

Bourget incarnait l'ultramontanisme le plus intransi-geant; aucun compromis sur les libertés modernes, aucun essai de conciliation entre le libéralisme et l'Eglise~ Il voulait faire de sa petite ville épis-copale comme il l'écrivait vers 1873, une "petite Rome".7

Apr~s les cél~bres proc~s de l'affaire Guibord, les Rouges ou libéraux doctrinaires n'existaient plus comme mou-vement. Pourtant, Mgr. Bourget et Mgr. Lafl~che continuaient

à les combattre,-:, assimilant le parti politique libéral au libéralisme catholique condamné par Rome. C'est l'époque des cél~bres procès contre l'influence indue du clergé. Dans cette lutte idéologique, Mgr. Bourget entra de nouveau en opposition avec Mgr. Taschereau qU'il qualifiait de libé-ral, autre exemple de la division Montréal-Québec. En fait Mgr. Taschereau, qU'on pourrait qualifier d'ult'ramontain lu-cide distinguait, contrairement aux évêques Bourget et Laflè-che, le parti libéral canadien des libéraux catholiques, con-damnés par Rome et qui n'existaient qU'en infime minorité au Québec à cette époque, Ce qU'il y a de malheureux, cepen-dant, c'est que le clergé des dioc~ses impliqués appuyait la position de leur évêque contre l'opinion opposée et ce fut la source d'une grande contraverse au Québec.

(22)

Apr~s la démission de Mgr. Bourget en 1876, la situation fut encore plus délicate, car Mgr. Fabre, qui partageait sur ce point l'opinion de son archevêque, Mgr. Taschereau, se heur-ta à l'opposition de son propre clergé toujours fid~le à

l'idéologie radicale de Bourget.

Ainsi, lorsque notre th~se commence en 1872, sur la question d'un coadjuteur à l'évêque de Montréal, Mgr. Bour-get est aux prises avec l'archevêque de Québec, Mgr. Tasche-reau, sur trois points importants soumis à l'arbitrage de Rome: la question du démembrement de la paroisse Notre-Dame de Montréal, appartenant aux Sulpiciens, la question univer-sitaire, et finalement cette épineuse question d'un coadju-teur, où chacun des deux hommes désirent imposer ou empêcher, selon le cas, que le successeur au si~ge de Montréal soit l'homme du camp opposé.

En fait, cette lutte entre Montréal et Québec, M.

An-dré Lavallée, qui termine sa th~se de doctorat sur la ques-tion universitaire, nous l'a expliqué ainsi, dans une entre-vue: Alors que l'Université Laval ouvre ses portes en 1852 à Québec, Bourget, à Montréal, est aux prises avec les Rouges, et doit subir le fait de deux universités anglo-protestantes

à Montréal. Même si, après 1867, les Rouges sont majoritai-rement disparus, les évêques Laflèche et Bourget m~nent une lutte à retardement et continuent à identifier tous leurs ad-versaires aux Rouges. C'est ainsi que Mgr. Taschereau est accusé de libéralisme, alors qU'il est tout au plus un ultra-montain plus lucide que les évêques de Montréal et de Trois-Rivières. En réalité, cette opposition Montréal-Québec est d'abord d'ordre financière; Montréal déjà a~~ prises avec les dettes encourues par le démembrement de Notre-Dame, doit aussi financer une partie de l'Université Laval.

(23)

Or, comme Mgr. Taschereau est plus réaliste devant les li-béraux, Mgr. Bourget l'accuse d'être lui-même un libéral ou même un gallican, comme à peu près tous ses adversai-res. 8

8 - Entrevue avec M. André Lavallée, le 5 juillet 1971, auteur d'une thèse de Ph.D. présentée cet été à

l'Université de Montréal: fiLa question universitaire 1878-1889. l'opposition Montréal-Québec, ultramontains-libéraux."

(24)

BIOGRAPHIE

de

(25)

Mgr. Edouard-Charles Fabre est né à Montréal le 28 février 1827 deEdouard-Haymond Fabre, libraire-importateur et maire de Montréal en 1849-50, et de Luce Perrault.

Edouard-Charles était le frère d'Hector Fabre, journaliste et ccmmissaire canadien à Paris, et le beau-frere de Sir Georges-Etienne Cartier qui épousa sa soeur, Hortense Fabre.

A l'âge de

9

ans, il entra au collège de Saint-Hya-cinthe où il fit ses études classiques, en même temps que Mgr. Taché, archevêque de Saint-Boniface.

En

1843, à l'âge de 16 ans, il se rendit en France et suivit des cours de philosophie et théologie au séminaire d'Issy, en banlieue de Paris. C'est à cette époque qU'il décida de sa futtre vo-cation, semble-t~il au grand désagrément de son père. 1.

Au cours de ses études à Paris, son père, grand ami de M. Louis-Joseph Papineau, lui conseilla fréquemment de rencontrer ce dernier à chaque semaine et de lui porter les

journaux canadiens qu'il lui envoyait. Il regretta plu-sieurs fois que son fils négligeait sa visite hebdomadaire chez M. Papineau et l'incita plusieurs fois à le voir beau-coup plus fréquemment. 2.

Le 24 février 1845, le père écrit à son fils que son avenir semble être assuré selon les dires de Mgr. Prince, 3, qU'il vient tout juste de rencontrer. En effet, d'après Mgr. Prince, Edouard-Uharles sera avantageusement placé. 4. Présage sürernent prophétique lorsqu'on connait maintenant la brillante carrière de Mgr. E.C.Fabre.

l - L. d'Edouard-Raymond Fabre à Edouard-Charles Fabre, le 12 octo 1843. App. 1.

2.

2 - L. de E.R. Fabre à Mme Julie Bossange, 22 déc. 1843, App. 2 3 - ~~r. Jean-Charles Prince, évêque de Martyropo1is, est

co-adjuteur de l'évêque de Mt1, soit de 1845-1852. Il sera le premier évêque de St. Hyacinthe de 1852-1860

(26)

Mgr. Prince, évêque de Martyropolis. Chapelain à la cathé-drale de Montréal, il occupa le poste de vicaire à la pa-roisse Saint-Pierre de Sorel, du 3 aoüt 1850 au 30 août 1852, puis nommé curé de Pointe-Claire jusqu'au 22 novembre 1854. A partir de cette date, il revint à l'évêché de Montréal et

y demeura jusqu'à sa mort, le 30 décembre 1896.

Mgr. Bourget consentit volontiers à l'introduire au Chapitre, le 25 novembre 1855 à titre de chanoine titulaire. De Paris, Mgr. Bourget écrivit à son secrétaire à Montréal, M. J. Octave Paré, pour donner son approbation à une telle nomination le 27 septembre 1855. 5.

Le 1er mai 1873, Mgr. E.C. Fabre fut nommé coadjuteur de l'évêque de Montréal, avec droit de succession; élu sous le titre d'évêque de Gratianopolis le 1er avril 1873, il

était sacré à Montréal par Mgr. Taschereau le 1er mai suivant. Trois ans plus tard, soit le Il mai 1876, il succédait

à Mgr. Ignace Bourget sur le trône épiscopal de Montréal en taut que troisième évêque de ce diocèse et en fut nommé pre-mier archevêque, le 10 mai 1886.

Cette érection de Montréal en archevêché était rendue nécessaire à une époque ob la prépondérance de Québec se fai-sait de plus en plus pénible pour Montréal. L'opposition entre les deux villes, au niveau religieux, était grandement ressentie par le clergé des deux cités. Cette opposition, issue de divergences de vues sur la démai'che à suivre pour atteindre souvent les mêmes buts, le père Léon Pouliot l'ex-plique en termes d'opposition entre les jeunes et les vieux,

5 - L. de Mgr. Bourget à M. J. Octave Paré, 27 septembre 1855. App. 4

(27)

le diocèse de Québec ayant une histoire et une tradition re-ligieuse beaucoup plus avancées que celles de Montréal, dio-cèse établi alors à peine depuis cinquante ans. Ainsi les uns voudraient se libérer de l'emprise qui leur apparait comme intolérable et voguer vers une plus grande indépendan-ce; les autres, poussés par un instinct de conservation, voient dans tout changement un sujet néfaste pour l'ordre

établi.

6

Cette opposition, et même cette division entre le clergé des deux villes, Mgr. E.C.Fabre, malgré sa très gran-de diplomatie et son désir gran-de paix, ne put l'éviter; on pour-ra le constater dans le chapitre sur l'érection du diocèse de Montréal en archevêché.

C'est aussi sous l'administration de Mgr. E.C. Fabre que l'Université de Québec implanta une succursale à Montréal en

1876,

non sans peine d'ailleurs. QU'il suffise de se rappeler l'opposition de l'Ecole de Médecine de Montréal et d'une grande ~rtie du clergé de Montréal à l'implantation de cette succursale. Il faudra d'ailleurs la venue de deux délégués apostoliques au Canada, Mgr. Conroy en

1877

et Mgr. Smeulders en

1883

pour calmer un peu les virulentes critiques de la population métropolitaine devant ce qui était conçu comme une ingérance de Québec. Mgr. Fabre, malgré des cri-tiques souvent désobligeantes, à son égard, 'garda toujours une attitude stoique, inspirée par un désir d'obéissance iné-branlable face aux décrets du Saint-Siège et de son supérieur immédiat, l'archevêque Taschereau. Mais si son devoir l'o-bligeait à appliquer sans broncher les décrets pontificaux, il crut également de son devoir de suggérer à Home un moyen d'apaiser les esprits.

6 -

Pouliot

i

Léon, Trois grands artisans du diocèse de

(28)

Il écrivait à la Propagande, en

1883,

que la paix entre Montréal et Québec y gagnerait beaucoup si l'Ordinaire du diocèse devenait le vice-chancelier de la succursale Laval.

7

Ce conseil fut sag,ement écouté, et le

13

janvier

1887,

Mgr. Fabre était nommé 'par la Propagande vice-chancelier de l'Uni-versit é Laval.

Mais des raisons d'ordre administratif, ajoutées à l'érection de la province ecclésiastique de Montréal permi-rent bientôt à la succursale de demander une plus grande li-berté. Le Saint-Père, le 2 février

1889,

y répondait en accordant

la

constitution Jamdudum qui conférait à la

suc-cursale La~al presque l'indépendance.

Mgr. Fabre n'avait ni la combativité, ni la fougue de Mgr. Bourget. A cela, il préférait la prudence et la diplomatie, cherchant dans les questions en litige entre les deux villes à ne mécontenter ni le sentiment montréalais

ni S'<bn archevêque. Une telle attitude, doublée d'une

obéis-sance aux décrets du pontife romain, lui attira l'antipathie d'une partie du clergé dans son exécution des ordres papaux, surtout dans la question de la succursale Laval à Montréal, contrairement aux vues de Mgr. Bourget qui ira, personnelle-ment et vainepersonnelle-ment, revendiquer à Rome les droits de Montréal face à l'université en

1881.

Sur le plan des idées politiques, Mgr. Fabre contras-tait avec son prédécesseur par une attitude beaucoup plus modérée pour partager un ultramontanisme lucide avec Mgr. Taschereau. Dans une lettre à Mgr. Taschereau, le 10 mars

1876,

fabre, alors coadjuteur de Mgr. Bourget, mentionne que la majorité des membres du parti conservateur et du par-ti libéral sont des catholiques sincères, mais qU'il existe dans les deux partis des libéraux catholiques.

7 -

Voir chapitre sur la formation de l'arChevêché, III,

(29)

Fabre en conclut donc qu'il ne serait pas prudent de con-damner un parti plus que l'autre.

8

Expert dans l'étude et la pratique des rubriques li-thurgiques, l'opinion de Mgr. Fabre a fait autorité en la matière. Aimant tout spécialement les cérémonies du culte, il fut presque toujours invité à présider les grandes céré-monies religieuses tant au canada qu'aux ~~ats-Unis.

Le nombre de cérémonies auxquelles il a pris part est vraiment étonnant. Il a préSidé entre autres 210 or-dinations, 4,200 professions religieuses ou prises d'habit, 222,438 confirmations, 1,254 visites de paroisse, 204 béné-dictions de cloches, 47 consécrations d'église et 10 absou-tes d'évêque; il a ordonné 1,017 prêtres et sacré sept évê-ques. 9

Les sept évêques que Mgr. Fabre sacra sont: Mgr. Lor-rain, évêque titulaire deCyth~res, Mgr. O'Brien, archevê-que d'Halifax, Mgr. Louage, évêarchevê-que de Dacca, ~~r. Emard, évêque de Valleyfield, Mgr. Decelles, évêque titulaire de Druzipa~ et coadjuteur de Mgr. Moreau, évêque de Saint-Hyacinthe, ~~r. ~rocque, évêque de Sherbrooke et Mgr. Lan-gevin archevêque de Saint-Boniface.

Dans l'espace relativement court de vingt-trois ans, il a pu faire 1,919 tonsures, 1,559 minorés, 1,415 sous-diacres, 1,219 diacres et 1,017 prêtres.

Il admit également dans son diocèse les Trappistes, les Rédemptoristes, les Pères du Tràs Saint-Sacrement, les Franciscains, les Frères Maristes, les Frères de Saint-Ga-briel, les Frères de l'Instruction Chrétienne et les frères du Sacré-Coeur, et parmi les religieuses, les Petites Soeurs des Pauvres. 10

8 - L. de Mgr. Fabre à Mgr. Taschereau, 10 mars 1876, app.5 9 - Allaire, J.B.A~, Dictionnaire biograEhigue du clergé

ca-nadien français, T- , p. 279 10- Semaine Religieuse, 25 juillet 1896.

(30)

C'est sous son administration qu'a été inaugurée à

Montréal, la cathédrale Saint Jacques-le-I~jeur, fidèle copie de la basilique vaticane, et aussi qU'a été détaché de son diocèse, le siège épiscopal de Valleyfield en 1892.

Orateur d'une grande éloquence, sa parole était tou-jours recherchée. 11 se distingua d'ailleurs en tant que chanoine par les nombreuses retraites aux jeunes gens sur-tout, dont il était grandement apprécié.

Rongé par un cancer au foie, compliqué à la fin par une attaque de jaunisse, il a succombé à Montréal, le 30 décembre 1896.

(31)

CHAPITRE II

LA QUESTION DU COADJUTEUR A

L'EVEQUE DE MONTREAL

1872 - 1873

(32)

A. LE CONFLIT

En 1871, Mgr. Bourget a demandé la permission d'ob-tenir un coadjuteur, et apr~s le refus de la Propagande, refus motivé par les difficultés avec le Séminaire de Mont-réal et les Sulpiciens au sujet du démembrement de la pa-roisse Notre-Dame, l'affaire n'a pas été poussée plus loin. 01.

La question d'un coadjuteur à l'évêque de Montréal ne commence à susciter un intérêt grandissant chez tous les intéressés que vers les mois de février-mars 1872. C'est en effet durant ces mois (la date exacte nous est inconnue) qu'un projet de requête du clergé diocésain est adressé à

l'évêque de Montréal pour le prier de demander un coadju-teur.

Ce projet de requête déplore le malheureux état de santé et la grande infirmité (il s'agirait semb1e-t-i1 d'un tumeur du rectum) qui retiennent Mgr. Bourget à l'Hôte1-Dieu depuis bientôt cinq mois. Connaissant les nombreuses occupations de l'évêque de Montréal, les membres du clergé sentent le besoin de lui proposer de demander un coadjuteur au Saint-P~re. La requëte attache une grande importance au fait que ce coadjuteur doit être un homme de confiance qui pourrait, pendant ses années à la coadjutation, se fa-miliariser à l'administration diocésaine de Montréal, admi-nistration constamment uniforme depuis l'érection de ce dio-c~se. Le clergé insiste beaucoup dans sa requête pour que le même esprit ultramontain de Mgr. Lartigue et de Mgr. Bour-get soit repris par le coadjuteur et futur successeur de l'év~que actuel, ainsi cet esprit ultramontain se propage-rait d'évëque en évêque jusqu'à la fin des temps. 1. "

1 - Clergé diocésain, Requête à Mgr. Bourget, Fevrier-mars 1872, App. 1.

(33)

Mgr. Désautels2écrit dans le même sens au secrétaire et prémicier de ~~r. Bourget, M. J.O. Paré, prêtre, le 13 mars 1872. Outre l'état de santé de l'évêque de Montréal et la nécessité d'un successeur, Mgr. Désautels mentionne la peur d'avoir, apr~s la mort de Bourget, un évêque à IVIontréal qui soit un ami des Sulpici ens et un disciple de Québec. Pour faire face à ce danger, des mesures doivent être prises sans retard.

Mgr. Désautels sugg~re une façon d'opérer qui sera celle-là même adoptée par la su:i. te: d'abord, une requête de Mgr. Bourget adressée directement au Saint-Père, tout en informant la Propagande de cette démarche; dans la mê-me période, le Chapitre, de son côté, censé agir indépen-damment de l'évêque de Montréal, enverrait une demande dans le même sens à la Propagande. Evidemment, les candidats proposés seraient identiques dans les deux requ~:tes.;.. Il serait alors tr~s difficile pour les évêques de la province d'en faire nommer un autre.

En

effet, dans la nomination d'un coadjuteur que seul le Saint-P~re a le droit d'accorder,

3,

la pratique au Ca-nada veut q~e les noms des trois candidats à la coadjutation soient soumis à l'approbation de l'archevêque et des évêques de la province, puis envoyés à Rome o~ le Pontife romain choisit parmi les trois noms présentés, et aidés en cela par les remarques envoyées ~ Rome, de l'archevêque et des co-provinciaux.

2 - Mgl r

55

Joseph Désaultels (1814-1881) curé de Varennes de

18 à 1881: est un fidèle disciple de Mgr. Bourget.

3 -

Naz. Raoul, Traité de Droit Canonique, App. 2

(34)

~~r. Désautels termine sa lettre en recommandant qu'un député soit envoyé par :f\~gr. Bourget à Rome afin de défendre adéquatement cette cause qui doit être absolument gagnée. Sinon, tout ce qui a été fait à date sera détruit par un successeœhostile à l'oeuvre accomplie.

4.

Le 19 mars, l'archevêque de Québec, ~~r. Elzéar-Alexandre Taschereau, exprime, dans une lettre à l'évêque de l\lontréal, sa peine de le voir obligé de demander un co-adjuteur à cause de ses infiTmités. Il annonce également écrire aux suffragants pour demander ~eur avis à ce sujet et sur le lieu et le temps o~ devra se tenir une réunion pour délibérer sur cette importante affaire d'un coadjuteur.

Un peu plus tard,soit le 1er avril 1872, l'archevê-que donne son avis à Bourget concernant l'opinion de la Sa-cré Congrégation de la Propagande qui désire attendre que les difficultés avec le Séminaire de Montréal (Sulpiciens et le démembrement de Notre-Dame) soient réglées pour de-mander au Saint-Père un coadjuteur à l'évêque de Montréal. D'autre part, Mgr. Taschereau est porté à croire que le Saint-Siège s'objecterait plutôt à la nomination d'un suc-cesseur que d'un coadjuteur et qU'il sera sensible à l'opi-nion que les évêques de la province lui manifesteront.

Cette dernière phrase de Mgr. Taschereau prouve le rôle très important que les évêques de la province tiennent dans la nomination d'un coadjuteur.

5.

Le 3 mai, les chanoines de la Cathédrale de Saint Jacques ont rédigé une lettre à Sa Sainteté pour louer la personne et l'oeuvre de Mgr. Bourget.

4 -

L. de Mgr;' Désautels à M. J.O. Paré, Prémécier, 13 mars 1872, app.

3.

5 -

L. de Mgr. Taschereau à Mgr. Bourget, 1er avril 1872, app.

4.

(35)

Ils protestent ne vouloir proposer qui que se soit au Sain~­ Père pour être le successeur de l'évêque actuel, mais sou-haitent que 19.pa,pe voudra bien exhausser les voeux de l'Or-dinaire de Montréal en lui donnant pour coadjuteur cum futu-ra successione, celui que l'évêque de Montréal présentefutu-ra comme le plus digne et comme le plus apte à mener une vie commune avec les chanoines.

6.

L'assemblée des évêques de la province ecclésiasti-que de Québec, tenue à Montréal du 10 au 12 mai 1872 peut être perçue comme le' point de cristallisation des positions épiscopales sur la question du coadjuteur.

Tous les évêques de la province y sont présents, soit Mgr. E.A. Taschereau, archevêque de Québec; ~€r. Ignace Bourget, évêque de Montréal; l\1gr. Bruno Guigues, évêque d'Ottawa; l\1gr. Charles Larocque, évêque de Saint-Hyacinthe; Mgr. L.F. Laflèche, évêque des Trois-Rivières; Mgr. Jean Langevin, évêque de Rimouski.

Pour éviter, semble-t-il tout affrontement direct en-tre les évêques sur cette question, l'assemblée ne fixe que la démarche générales à suivre par les évêques au sujet du successeur de l'évêque de Montréal. Sur proposition de l'archevêque, on convient de discuter les mérites de chacun des sujets proposés par Mgr. Bourget à la coadjutation, ou tout autre candidat proposé par un évêque de l'assemblée. Par la même occasion,. on s'engage à ne pas en discuter pen-dant la réunion,mais plutôt à envoyer directement à Rome ses opinions, à la fois sur les sujets proposés et sur l'à pro-pos de la nomination actuelle d'un coadjuteur à Montréal. 7. 6 - L. des chanoines de la cathédrale de Saint-Jacques au

S.Père,

3

mai 1872, app.

5.

7 - Assemblée des évêques

a

Montréal, 10 mai 1872. app. 6.

(36)

A la fin de la réunion, l'évêque de Montréal déclare, qU'après mûre délibération, il renonce à proposer au Saint-Siège les noms des sujets au poste. S. Cette décision de ~~r. Bourget est motivée par le fait qU'il voit que ses co-provinciaux, à la seule exception de ~~r. Lafl~che, sont dé-terminés à déclarer cette demande non-expédiente et inop-portune. Il voulait donc,par le fait même, inciter les autres évêques à ne pas écrire à Rome.

9.

Mais devant

lYhostilité de ses co-provinciaux, il s'est ravisé et le len-demain dè l'as~emblée épiscopale, il a quand même écrit à Rome.

C'est à partir de ce moment que la correspondance en-tre les deux adversaires en présence, Mgr. Bourget et Mgr. Taschereau, va se faire sur un ton de plus en plus acerbe jusqu'à l'aboutissement final du conflit, le 15 mars 1873, par la nomination d'Edouard-Charles Fabre, coadjuteur ~

future successione.

n'ailleurs le lendemain de la fermeture de l'assem-blée, Bourget adresse à l'archevêque une copie de sa suppli-que destinée au Saint-Père et lui demandant la permission de solliciter un successeur, ou du moins un coadjuteur. Il demande à l'archevêque, par la même occasion, une expli-cation sur la raison alléguée par lui et quelques-uns, de ses suffragants (figure de style qui désigne en réalité tous les évêques de la province sauf ~~r. Lafl~che.) à savoir qu'un coadjuteur, de son vivant, ne serait pas libre de ses actes. 10.

8 - Assemblée des évêques à Montréal, 12 mai 1872. app. 7.

9 - Voir L. de Bourget à 'l'aschereau, 19 mai 1872, app. 13 10 - L. de ~~r. Bourget à Mgr. Taschereau, 13 mai 1872, app. 8

(37)

L'archevêque ne tarde pas. à répliquer, mais sans don-ner suite a la demande d'explication de Mgr. Bourget. Dans sa lettre du 17 mai 1872, il affirme qU'il se conformera à la décision de la Propagande dans cette question et demeure convaincu que les évêques de la province en feront de même. Il est cependa.:.lt d'avis que la Propagande refusera d' envi-sager la question d'un coadjuteur à l'évêque de Montréal pour la même raison donnée l'année dernière et qui existe encore, à savoir qU'il faut attendre que les difficultés avec le Séminaire de lViontréal soient terminées. Il.

Stœ un ton assez acerbe, Bourget écrit le 17 mai 1872

à l'évêque d'Ottawa, Mgr. Guigues, pour lui reprocher sa conduite personnelle sur la question du coadjuteur, lors de l'assemblée des évêques.

Il est à remarquer le style très direct de l'évêque de Montréal, combattant dans une fougue qui lui est familière pour gagner son point dans l'affaire du coadjuteur, contrai-rement à la diplomatie et à une certaine apparence de neu-tralité officielle des évêques de la province (à l'exception de I~r.Laflèche). En effet, l'archevêque de Québec et les évêques d'Ottawa, Rimouski et Saint-Hyacinthe témoignent une certaine sympathie officielle à l'évêque de ~Iontréal dans l'affaire de son successeur, mais s'opposent en sous mains,

à ce qU'un successeur lui soit donné de son vivant. A la rigueur, ils n'accepteraient que la nomination d'un candidat de leur choix, du vivant de Bourget.

L'évêque de Montréal communique d'abord à Mgr. Guigues son étonnement devant l'air mystérieux qui se peignait sur les figures, lorsque l'archevêque a abordé la question du co-adjuteur pour finalement fixer la démarche naturelle à suivre sur ce sujet, auprès de la Propagande.

Il - L. de Mgr. Taschereau à Mgr. Bourget, 17 mai 1872, app.9

(38)

Puis Bourget précise le rôle contreversé de l'évêque d'Ottawa qui était venu à Montréal pour s'occuper de la question, mais que changeant subitement d'avis, il n'avait même pa s permis à l'évêque de Montréal de justifier ses mo-tifs pouvant expliquer sa demande de coadjuteur. 12. Pour Bourget, le silence presqœ total des autres évêques sur la question dénote que l'évêque d'Ottawa était chargé d'adres-ser la parole au nom de tous, et que les évêques, sans lui demander de renseignements, avaient déjà pris une décision, à savoir que de son vivant, il ne devait ou pouvait avoir ni successeur, ni coadjuteur.

La premi~re raison alléguée par Mgr. Guigues au re-fus actuel d'un coadjuteur était que les difficultés avec Saint-Sulpice n'étaient pas terminées. Ce à quoi Bourget lui avait répondu que Mgr. l'archevêque avait reçu à cet effet une commission spéciale de la Sacré- -Congrégation de la Propagande et qU'il n'y avait donc plus de raisons pour les autres évêques de s'immiscer dans cette affaire. Cet argument de Bourget fut laissé sans réplique par Mgr. Gui-gues. L'évêque de Montréal continue en souligant le rôle ano:din-- de Mgr. Guigues dans l'affaire de Saint-Sulpice, pendant son séjour à Rome, alors qU'il aurait pu y donner d'utiles renseignements qui auraient pu amener une solution plus rapide de cette affaire. D'ailleurs, Bourget ajoute que c'est depuis l'arrivée des P~res Oblats (de Mgr. Guigues) à }\~ontréal que les difficultés sur le probl~me des paroisses ont commencé awec Saint~Sulpice et que l'évêque local a tou-jours pris la défense de la juste cause des Oblats.

12 - L. de Mgr. Bourget à Mgr. Guigues, 17 mai 1872, app. 10.

(39)

Quant à la seconde raison alléguée, à savoir qu'un successeur à l'évêque de lVIontréal ne serait pas libre, de son vivant, dans l'administration du diocèse, et. qU'il faut attendre sa mort pour nommer son successeur, Bourget y voit un certain complot, une certaine entente entre les autorités ecclésiastiques et civiles pour attendre sa mort avant de lui donner un successeur qui aurait une conduite très différente de la sienne.

Cette conclusion semble donner crédit à une certaine rumeur qU'accréditent de hauts personnages qui pas-sent pour être bien renseignés, savoir qU'il y a en-tente entre les autorités ecclésiastiques et civiles, pour attendre que je soit mort, pour me donner un successeur. Or ce successeur devrait, à ce qU'il parait, tenir une conduite si différente de la mienne

••• (qUI) il faut attendre que j'aie les yeux fermés,

pour envoyer son nom à Rome". 13.

Mgr. Bourget lui demande donc en quoi son adminis-tration a été si contraire aux règles de l'Eglise, que son successeur sera obligé d'agir contrairement à l'oeuvre pas-sée; ce qui pourrait causer des difficultés énormes dans le diocèse.

Finalement, la troisième raison alléguée par Mgr. Guigues était que les sujets présentés par l'évêque de Mont-réal n'étaient pas qualifiés pour un diocèse aussi important que celui-ci, et qU'ils ne sauraient se trouver parmi les prêtres de ce diocèse. De façon ironique" Bourget ne s'ex-plique pas que le diocèse de Montréal ne renferme plus aucun sujet digne de l'épiscopat, ce diocèse qui a donné

••• deux évêques à Toronto, deux à Kingston, trois à

Saint-Hyacinthe, deux à l'Orégon, un à Saint-Boniface, et d'où enfin a été tiré celui d'Ottawa (Mgr. Guigues lui-même). Il serait donc devenu stérile en bons sujets tout dernièrement.

14.

13 - Loc. Cit.

14 -

12h

Cit.

(40)

lf~r. Guigues répond deux jours plus tard que s'il lui paraissait d'abord bien juste d'accéder à la demande de

Montréal, il en est cependant arrivé à la conclusion, dans l'intérêt du bien général et même du coadjuteur, que celui-ci ne soit pas nommé actuellement, car son ministère en sera propablement paralysé par la suite. Le fait d'avoir dé-claré ceci à la réunion, Mgr. Guigues trouve plus honorable que d'avoir laissé l'évêque de Montréal sous une fausse im-pression.

Mgr. Guigues nie donc les différentes accusations que Bourget lui a adressées. Il ajoute d'ailleurs que s'il a laissé entendre que le coadjuteur serait gêné du vivant de l'évêque de Montréal en travaillant avec ce dernier, ce n'é-tait pas sa pensée qU'il exprimait, car elle porn'é-tait unique-ment sur les embarras actuels du diocèse de Montréal et sur

ceux qui lui seraient créés par la suite. De même, en.n'ad-mettant pas les noms qui étaient présentés pour l'épiscopat, il ne voulait pas contester leur mérite et leur capacité, mais suivait plutôt "sa pensée de nommer un évêque qui serait acceptable à tous". 15.

Or il est très compréhensible qU'un coadjuteur ne peut être vraiment acceptable a tous. On peut donc voir ici se concrétiser la division des évêques de la province sur cette question:d'un côté, Montréal, appuyé par l'évêque des Trois-Rivières, de l'autre, Québec appuyé par les évêques d'Ottawa, Rimouski et Saint-Hyacinthe. Chacun des deux camps souhai-terait voir la nomination d'un coadjuteur favorable à_~es idées et apporte des arguments pour essayer de consolider son point de vue, pour ou contre tel ou tel candidat, selon ses intérêts.

(41)

J:.'lgr. Bourget expose maintenant sa façon devoir les choses à l'archevêque de Québec. Il croit d'abord que Mgr. Taschereau aurait da appuyer, dans l'assemblée, la réponse de l'évêque de Montréal à Mgr. Guigues, à savoir que l'ar-chevêque étant délégué par le Saint-Si~ge pour le rensei-gner sur les difficultés existant à Montréal, les évêques de la province n'ont plus à s'en occuper. lf~r. Bourget pense d'ailleurs que si l'archevêque eut déclaré qu'il y avait de justes raisons de recommander à ce moment des su-jets au Saint-Siège, pour que l'un d'eux fut choisi comme coadjuteur ou successeur de l'évêque actuel de Montréal, les

évêques auraient procédé unanimement à la chose pour la-quelle ils étaient convoqués. 16.

lf~r. Bourget se permet d'observer que l'archevêque a semblé plutôt partager ... l'opinion de ses suffragants en di-sant que le vicaire-général, M. Truteau, étant habitué à ad-ministrer le diocèse, il n'y avait pas de raison de faire remplacer ou aider l'évêque de Montréal.

Voyant donc que ses co-provinciaux étaient déterminés

à déclarer sa demande d'un coadjuteur non-expédiente et in-opportune, il explique dans cette lettre, sa décision subite

à l'assemblée des évêques de ne pas présenter à la Propagan-de aucun sujet. Bourget voulait, par le fait même, inciter les autres évêques à ne pas écrire à Rome. Puis lui-même, devant l'hostilité tacite de ses co-provinciaux, s'est ravi-sé le lendemain et a quand- même écrit à Rome. 17. Il affir-me d'ailleurs très claireaffir-ment à l'archevêque, l'attitude hostile de celui-ci et de ses suffr€,gants: "Quoiqu'il en soit, j'ai pu me convaincre que je n'ai dans cette affaire, rencontré les sympathies ni de mon Archevêque, ni de mes co-provinciaux". 18.

16 - L. de :Mgr. Bourget à Mgr. rraschereau, 19 mai 1872, app.12 17 - Ibid, app. 13

(42)

. Finalement, Mgr. Bourget lui rappelle le rôle prédo-minant qU'il a joué dans la succession de Mgr. Baillargeon, rôle qui a permis la nomination de l'archevêque actuel. L'évêque de Ivlontréal avoue franchement que, même s'il était en mauvais termes avec le prédécesseur de l'archevêque ac-tuel, il n'a aucunement tenu compte des remarques l'enga-geant à nep~s voter pour les candidats proposés parce que,

'-,

disaient-~lle.s) "ces hommes vous seront sûrement hostiles" 19, et qU'au contraire il s'est fortement prononcé pour qU'on s'en tienne aux sujets désignés par Mgr. Baillargeon, l'archevêque d'alors.

Evidemment, Mgr. Taschereau ne tarde pas à répliquer.

La seule raison du refus des évêques et de lui-même à là no-mination d'un coadjuteur est la difficulté avec Saint-Sulpi-ce. Il déclare même que si le Saint-Siège proclame être expédient d'accéder à la demande d'un coadjuteur, tous s'y conformeraient volontiers, lui le premier. Il termine en reconnaissant le rôle honnête de l'évêque de Montréal dans

, .. , ' -...

\-sa nomination ~upo'ste d'archevêque. 20.

',,,_,, "J

Pendant tout ce temps, Mgr. Bourget a envoyé deux hom-mes de confiance en mission spéciale à Rome, pour défendre sa cause. Ce sont Mgr. Désautels, curé de Varennes, lui qui avait établi ce plan le 13 mars 1872, et M. Séguin, prê-tre. Alors qU'ils sont encore en route, Mgr. Bourget leur envoie ses directives et ses conseils dans les lettres du 18, 20 et 24 mai 1872.

19 - Loc. Cit.

20 L. de Mgr. Taschereau à ~~r. Bourget, 24 mai 1872, 295-0997872-8 - ACAM

(43)

Il leur confie d'abord des notes pour rédiger deux mémoires à présenter au Saint-Père et à la Propagande. L'un, pour prouver que son successeur, loin d'ëtre gêné dans son~administration, devra en conscience suivre le cou-rant de l'administration actuelle, parce qU'elle est régu-lière et basée sur des principes canoniques; ltautre,pour montrer qU'il y a plusieurs raisons de lui nommer un succes-seur qui soit disposé à s'entendre avec les chanoines qui seront ses hommes. Il s'agit de montrer aussi que l'évê-que actuel s'est attiré les sympathies du clergé et de tous les catholiques du diocèse. Ainsi il en ressort que le successeur n'aura pas la pénible tâche de défaire ce qui a été fait et que, par conséquent, il ne pourrait être gêné par son prédécesseur même s'il vit encore. Que le chapi-tre, toujours fidèle au Saint~Siège, se doit d'être pro~é­

,gé contre le premier venu.

Mgr. Bourget leur suggère même de faire passer une proposition qui lui assurerait un coadjuteur dévoué, à sa-voir que les chanoines qui connaissent les sujets à recom-mander bien mieux que les évêques, étrangers au diocèse de Montréal, présentent une liste de noms dans laquelle les évêques soient tenus de choisir les candidats qU'ils jugent aptes à la coadjutation. 21.

Ces lettres révèlent aussi que Mgr. Bourget peut compter sur la sympathie de Mgr. Angelis à Rome. L'auteur insiste pour que Rome soit bien informée sur la lutte fruc-tueuse entreprise par les deux premiers évêques de Montréal contre le gallicanisme, qui est maintenant blessé à mort, et que les prêtres de Saint-Sulpice ont toujours maintenu une position gallicane.

21 - L. de Mgr. Bourget à Mgr. Désautels, 24 mai 1872. app. 14

Figure

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