Le don de sang dans les communautés ethnoculturelles :
participation individuelle ou collective ?
15e congrès national de Metropolis
Construire une société intégrée Ottawa
14-16 mars 2013
Le don de sang : un geste de participation citoyenne
• Don de sang = don de vie
• Sang : substance intime du corps, sans substitut artificiel • Donneur individuel, receveur individuel
• Intermédiaires qui font circuler le don : agences d’approvisionnement en produits sanguins (Héma-Québec, Société canadienne du sang)
• Sang individuel intégré dans une réserve collective = don anonyme, altruiste, fait à un inconnu
Don de sang = acte individuel de participation citoyenne
Activité libre et volontaire, réalisée pour le bien de la collectivité, pour répondre aux besoins médicaux de la population
Des systèmes d’approvisionnement et de collectes diversifiés
• Agences d’approvisionnements ne dépassent pas les frontières des pays • Canada : plasma importé des États-Unis (donneurs rémunérés)
• Différences entre les systèmes dépendent des traditions de solidarités sociales et des représentations culturelles et religieuses du corps propres à chaque pays.
• Différentes combinaisons : • Don volontaire et altruiste • Don rémunéré
• Don de remplacement (celui a a besoin d’une transfusion amène des donneurs potentiels avec lui)
• Don obligatoire
• Don sollicité par des appels patriotiques ou religieux
• OMS : promotion universelle du don volontaire altruiste (plus sécuritaire)
• Dans la plupart des pays non-occidentaux : don de remplacement et rémunéré dominent (moins risqués qu’auparavant)
Communautés ethnoculturelles, immigrants et don de sang
• Canada : - de 4 % de la population donne du sang à chaque année • Moyenne d’âge des donneurs réguliers augmente
• Citadins donnent proportionnellement moins : diversité ethnique est un facteur • Communautés ethnoculturelles et immigrants : moins nombreux à donner du sang • Pourquoi ?
• Taux de refus (risque médical élevé dans les pays d’origine des immigrants)
• Réticences à l’égard des procédures (questionnaire) et mauvaises expériences (relations avec les employés)
• Manque d’information sur le système de collectes (trop différent de ce qu’ils connaissent) • Absence de sollicitation directe (propre au système volontaire)
• Problèmes d’intégration économique et sociale (don de sang = pas une priorité) • Référents culturels peu propices au don entre étrangers
• Tabous culturels ou religieux sur le sang
• Peur du risque de contamination (événements vécus dans le pays d’origine)
Des enjeux pour les Agences
• Une demande de produits sanguins en croissance, à cause des avancées scientifiques dans le domaine médical
• Un besoin constant de renouveler la population des donneurs de sang et d’augmenter le nombre de donneurs en milieu urbain
• Offre de collectes y est plus abondante et plus flexible
• Une obligation de tenir compte de la diversité ethnique en croissance dans les grandes villes
• Des besoins médicaux spécifiques des membres de certaines communautés ethniques = besoin de donneurs issus de ces communautés, pour avoir accès à des phénotypes sanguins rares
Peu d’efforts spécifiques pour recruter des donneurs issus des
communautés ethnoculturelles
• Approvisionnement généralement suffisant pour répondre à la demande : pourquoi changer une recette qui fonctionne ?
• Pour les agences, tous les donneurs partagent la vision altruiste et individualiste du don de sang
• Motivations intériorisées plus efficaces que les influences externes pour s’engager dans une carrière de donneur régulier
• Pourquoi développer des stratégies axées sur des communautés spécifiques qui iraient à l’encontre du modèle de référence et qui sont perçues comme moins efficaces à long terme ?
• Peur des agences à s’y aventurer
• Pas de compétences à l’interne pour comprendre les dynamiques des communautés ethnoculturelles
• Gestes controversés à l’égard de la communauté haïtienne
• Conscience de la possibilité que les références à l’égard des systèmes de collectes ou des représentations symboliques du sang soient différentes, mais les agences ne peuvent en mesurer l’importance
L’initiative des associations ethniques et/ou religieuses
• Au Québec : 80 % du sang prélevé vient des collectes mobiles organisées en collaboration avec des partenaires locaux (Canada : surtout des sites fixes)
• Collectes initiées par des associations ethniques/religieuses (22 en décembre 2009) • Surtout : Identité nationale (Liban, Iran, Haïti) et/ou appartenance religieuse : musulmane
(7), juive, tamoule, hindoue, adventiste – une seule association multiethnique
• Motivations :
• Commémoration d’un événement politique ou religieux dans la communauté
• Combattre la discrimination à l’égard de leur groupe, en montrant que leurs membres sont volontaires pour participer à une activité socialement utile et valorisée
• Facteurs de réussite :
• Communauté de référence clairement définie/volume important de membres • Leader influent, association stable
• Autres motifs que le don altruiste : références politiques, religieuses, culturelles, sociales qui auront une résonnance collective immédiate au sein du groupe
• Référents culturels et religieux favorables au don de sang
Don de sang = activité de participation sociale à connotation collective. Geste d’ouverture vers la majorité, qui prend appui sur des motivations internes au groupe.
Les initiatives d’Héma-Québec auprès des communautés noires
• Nécessité de répondre au besoin des personnes atteintes d’anémie falciforme • Maladie plus répandue au sein de la population noire
• Fréquentes transfusions sanguines
• Besoin de sang phénotypé semblable, provenant de donneurs du même groupe • Noirs donnent proportionnellement peu de sang :
• Communauté haïtienne interdite de donner à la suite du scandale du sang contaminé
• Nombreuses activités de « sensibilisation » depuis le début de 2011 (53) :
• Kiosques d’information, participation et commandites d’événements culturels ou communautaires, présentations ciblées dans différents milieux, groupes de discussion, forums d’échanges avec des leaders, entrevues à la radio, marketing ciblé, organisation de visites des laboratoires, nouvelles collectes
• Résultats
• Nb de donneurs inscrits avant décembre 2009 : 170; en août 2012 : 1582
• 832 nouveaux donneurs de sang phénotypé Fy (a-b-) jusqu’en juillet 2012; 22 donneurs de sang rare (U-:1 noir/100)
Minorités ethniques et don de sang en 2011 (données Progesa)
• À la question «Êtes-vous ?», 23 % des donneurs ont répondu « Arabe »; 16 % « Asiatique »; 14 % « Latino-américain »; 10 % « Noir »; 4 % « Indiens d’Asie »
• 44 % de ces donneurs de sang étaient de nouveaux donneurs
• Moins de 60 % d’entre eux ont fait un 2e don dans la même année (53 % « Noirs »)
• Universités et cégeps : sites de collectes les plus populaires auprès des donneurs ayant déclaré une identité autre que « blanche » = 27 % (encore plus populaires auprès des nouveaux donneurs = 33 %)
• Sites fixes (centres Globule) + centres commerciaux + unités mobiles (autobus) = 27%
• 17 % ont effectué leur don dans une collecte associative, communautaire ou « ethnique »
• Centres fixes (Globule) : ceux qui retiennent le mieux ces donneurs pour un 2e don
• Ceux qui ont fait un 1e don dans une collecte « ethnique » : 57 % reviennent pour un
2e don
La plupart des donneurs qui se sont associés à un groupe minoritaire choisissent de donner leur sang dans les mêmes sites que les donneurs de la majorité
L’enquête de l’INRS sur le don de sang dans les communautés
ethnoculturelles à Montréal (2009-2010)
Les motivations des donneurs rencontrés
Noirs Latino-américains Arabes Chinois Vietnamiens
Déjà donné du sang dans le pays d’origine Même pour HK, Taiwan
Régénération de leur sang
Proches malades Personne transfusée dans la famille Sollicitation par un proche ou
à l’Église
Sollicitation par un proche
Pression des pairs au travail
Valeurs religieuses Spiritualité
Confirmation de leur bonne santé
Sensibilisation au besoin au travail (santé)
Sensibilisation au travail (santé)
Symbole d’intégration Rendre pour accueil reçu
Conclusions
• Associations ethnoculturelles voient le don de sang comme un geste de participation sociale collective, à forte connotation symbolique pour leur propre communauté
• Les donneurs issus des minorités ethniques n’ont pas un comportement très différent des donneurs de la majorité et plusieurs présentent le don de sang comme un geste individuel de participation sociale, sans connotation communautaire spécifique
• Nos enquêtes suggèrent toutefois que les interprétations et les pratiques diffèrent selon les groupes
• Les initiatives d’Héma-Québec auprès des communautés noires ont demandé énormément d’efforts
• Recrutement de nombreux nouveaux donneurs, en jouant la carte des besoins médicaux des membres de leur communauté
• Mais les enquêtes montrent que les donneurs recrutés dans de tels contextes deviennent plus rarement des donneurs réguliers
Le processus de transfert des connaissances en cours
• Objectifs : Accompagner l’Agence en vue de :
• Recrutement plus efficace de donneurs issus de minorités ethnoculturelles • Amélioration de l’expérience de don de ces donneurs
• Développement de la confiance des employés à interagir avec eux
• Assemblage d’une grande diversité de données (historiques, statistiques, documentaires : analyses sociologiques, anthropologiques, géographiques…)
• Réalisation d’études de cas détaillées par groupe
• Approche constructiviste de l’ethnicité : production de portraits complexes et dynamiques des groupes, tenant compte des différentes vagues migratoires et d’une diversité de facteurs pouvant influencer la pratique du don de sang
• Identification de critères pour définir des approches distinctes par groupe • Amorce de la phase de transfert à l’automne 2012 (en cours)
• 14 thématiques proposées
• Différents formats de transfert en discussion
• Activités ciblées selon les besoins des services (direction générale, planification des collectes, stratégies marketing, service à la clientèle…)
Une démarche globale pour les communautés ethniques
Une démarche en 5 étapes
Trois étapes préparatoires :
1. Bien maîtriser le vocabulaire de l’ethnicité
Pour contribuer à donner de la confiance au personnel
2. Repérer les éléments relatifs à la question de l’ethnicité les plus pertinents pour le don de sang
Pour utiliser les bons outils pour la planification du recrutement
3. Identifier les standards de référence pertinents pour le processus de recrutement Pour établir des priorités en se basant sur des données médicales probantes Pour offrir des balises claires sur les intentions de l’Agence à intégrer des
stratégies différentes de celles utilisées pour la population majoritaire (philosophie du don de sang et conceptions symboliques du sang)
Deux étapes pour définir les priorités et les stratégies :
Pour doser correctement les efforts en s’assurant d’obtenir les meilleurs résultats 4. Se baser sur les standards de référence pour choisir le type d’approche le mieux
adapté à chacune des communautés ciblées
5. Choisir des stratégies en fonction d’une connaissance approfondie de chacune des communautés ciblées
4
eétape : Se baser sur les standards de référence pour choisir le type
d’approche le mieux adapté à chacun des groupes ciblés
Approche individualiste standard : cibles et stratégies individuelles, principe altruiste universaliste
Augmenter le nb de collectes dans les cégeps, les universités et les grandes
entreprises (volet international important)
Immigrants arrivés jeunes au pays, jeunes de 2e génération, étudiants étrangers
(certaines conditions), immigrants adultes bien intégrés sur le plan professionnel Approche intermédiaire : cibles collectives, stratégies individuelles, principe altruiste universaliste
Augmenter le nb de collectes dans les quartiers multiethniques, sur des sites
fréquentés par tous (centres commerciaux, écoles primaires et secondaires, mairie…)
Concentration résidentielle des vagues récentes d’immigration, pays d’origine
avec peu d’exclusions, un système d’approvisionnement assez proche…
Approche collective : cibles et stratégies collectives, adaptation des principes de référence Groupes ciblés prioritaires, collaboration avec des associations monoethniques
Ancrage historique de la communauté au Québec, fort volume de membres,
partage d’une histoire commune, vie associative active, culture, langue et habitudes de vie favorables au don de sang, association et leader reconnus
Conclusion
En bref, la démarche doit permettre de développer une diversité de stratégies qui permettront de combiner deux visions du don de sang comme geste de participation sociale
Individuel, semblable à l’interprétation qu’en font les donneurs de la population majoritaire
Collectif, qui exprime l’ouverture vers la population majoritaire, mais aussi la réaffirmation de l’appartenance à un groupe spécifique