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Editorial : Les biotechnologies, pour quoi faire ?

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Academic year: 2021

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Texte intégral

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Didier Spire

Rédacteur en chef

D. Spire : INRA, route de Saint-Cyr, 78026 Versailles, France.

Éditorial

Les

biotechnologies,

pour quoi faire

?

N

ous sommes aujourd'hui

en présence de crois phé-nomènes récencs, à évolu-tion rapide, qui nécessirenc un approfondissement de nos réflexions

vis-à-vis de la sécurité alimentaire : la

mondialisation de l'économie, la

démo-graphie croissante et les découvertes bio-logiques.

Mondialisation

des échanges

La mondialisation des échanges modifie

fortemenc les stratégies d'accès à la

nour-riture et à l'utilisation des terres agri-coles. Les politiques mondiales ont chan-gé: on a d'abord abandonné l'idée

« d'autosuffisance alimentaire» pour

celle de « sécurité alimentaire ». Cette

dernière est battue en brèche aujourd'hui

par la notion de « développement des

échanges entre pays excédentaires et pays déficitaires». Ce faisant, on abandonne

alors les idées de réformes des structures agraires au profit d'une intégration dans le marché mondial d'exploitants privés.

Ce libéralisme à l'échelle mondiale peut-il

(et veut-il vraiment?) contribuer à la réso-lution des problèmes de la faim dans le

monde ? Peut-il permettre de développer une politique alimentaire pour cous ? Cer-tainement pas. Et l'on s'aperçoit d'entrée gue le problème de l'accès aux aliments

est d'abord un problème politique. La mondialisation de l'économie entraîne

une inquiétude quant au devenir de

Cahiers Açiricultures 1998 ; 7 : 427-9

l'offre et de la demande alimentaire mon-diale, d'autant que la fonction régulatrice des États est chaque jour considérable-ment réduire. Des conséquences sont à redouter, préjudiciables surtout aux populations de pays qui ne participent pas à la course à la compétitivité. Se pose

alors la question de la répartition des

res-sources. Ce pourrait être le sujet d'un

autre et futur numéro spécial sur le com-merce ec l'accès à la ressource alimentaire,

complément de celui que nous proposons dans ce numéro et de celui que nous

avions produit en 1996, lors du dernier Sommet mondial de l'alimentation orga-nisé à Rome par la FAO gui rentait de décrire et d'expliquer, à travers de nom-breux exemples, les difficultés des

agricul-tures du Sud. Il est certain que l'inégalité

de répartition des ressources est partie intégrante de l'analyse et se situe au cœur

du problème de la sécurité alimentaire. La pauvreté des nations et celles des

indi-vidus sont causes de malnutrition. On pourrait alors décider d'orienter uni-quement le débat vers l'analyse

socio-économique de la malnutrition. Ce serait alors négliger les autres composantes de la réflexion.

Accroissement

de la population

Particulièrement important en Afrique, c'est une autre donnée à prendre en

compte. Depuis 1980, sur ce continent, la population a augmenté de 53 % et la

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production alimentaire de 45 %. Au niveau mondial, il y a cent millions de bouches supplémentaires à nourrir par an. Or il n'y a plus d'augmentation sub-stantielle possible de la superficie des terres cultivables.

Si on veut donc nourrir correctement la

population mondiale, il faut non seu

le-ment penser à une distribution cohéren-te, mais aussi à un accroissement des rendements, en se plaçant résolument dans le cadre du renforcement des capa-cités de productions dans les pays en déficit vivrier et dans celui du renouveau du développement des cultures locales. Le Sommet mondial de l'alimentation a souhaité que se réduise de moitié le nombre de personnes sous-alimentées (800 millions), au plus tard en 2015. Pour y arriver il faut augmenter de 4 %

par an la production alimentaire pendant

les vingt prochaines années. Il est donc urgent et nécessaire d'accroître les rende-ments surtout dans les pays du Sud. Ce numéro spécial propose d'abord des recherches en faveur d'une sécurité alimen-taire des zones déficialimen-taires. Leur but n'est pas d'aider les grands exportateurs à cou-vrir les besoins (estimés par eux) de la pla-nète.

La

sécurité alimentaire des pays les plus pauvres ne devrait reposer que

partiel-lement sur le commerce international. Ces pays doivent pourvoir, chaque jour davan-tage, aux besoins de leur population. On reconnaît désormais que le problème de la sécurité alimentaire doit être envi-sagé sous routes ses facettes. Les aspects politiques, sociaux, économiques, logis-tiques doivent côtoyer le progrès scienti-fique appliqué à l'augmentation des

ren-dements. La croissance de la production et de la productivité dans le respect des contraintes écologiques est donc encore à l'ordre du jour ; quand bien même les pays nantis crieraient à l'excès de pro-duction et à la nécessité du gel des terres. L'augmentation des rendements dépend de multiples facteurs: le contrôle de l'eau, la fertilité des sols (qui diminue), la qualité des semences, la résistance génétique aux agents extérieurs, biologiques ou climatiques. Toutes les disciplines concernées ont progressé et apportent leur quote-part à

l'amélioration des productions et de leur rendement.

Sciences biologiques

Cependant, les sciences biologiques ont réalisé un bond si prodigieux qu'elles

doivent permettre la rupture technolo-gique nécessaire pour atteindre le niveau requis par l'accroissement des popula-tions.

Les biotechnologies, plus spécifiquement, ont permis aux sciences du vivant d'accroître les connaissances de base du fonctionnement cellulaire, du détermi-nisme générique, des voies métaboliques et de leur régulation dans le règne végé-tal. Les retombées pratiques pour l'agri-culture ec l'amélioration des rendements peuvent être considérables. Déjà des solutions originales et d'utilisation simple one été apportées pour répondre aux problèmes et difficultés rencontrées avec certaines productions.

Les biotechnologies ont déjà permis, grâce à la description plus précise du polymorphisme incravariéral et interspé-cifigue, de mieux gérer et conserver les espèces. Les techniques de micropropa-gacion, cryoconservation et culture de proroplasces permeccent une diffusion élargie d'un matériel de base de qualité.

L'accroissement des surfaces de certaines cultures (celles le bananier) nécessite en effet davantage de matériel de plantation. D'où une demande, qui ne pourrait être satisfaire par la seule multiplication végé-tative apportée par la nature.

De nombreuses productions régionales, nourriture de base des populations locales, ont été délaissées par la recherche. Qui se souciait de l'igname, des Taros ec d'autres tubercules tropi-caux ? Il était tellement plus simple d'apporter des céréales des pays exporta-teurs. Er cane pis pour la dette ! Les bio-technologies doivent permettre de rattra-per certains retards et de remeccre à l'honneur des cultures dont l'importance était sous-estimée.

De nombreux végétaux cultivés ont des difficultés d'hybridation. La fusion de proroplasres, l'embryogenèse somatique ou le génie génétique permeccenc de s'affranchir de ces barrières de stérilité ou d'incompatibilité qui posent problème à l'améliorareur. Les nouvelles techniques permettent aussi d'introduire des gènes nouveaux intéressant le rendement, par exemple des caractères de résistance ou de tolérance.

Avec le génie générique, il est désormais possible de transférer le ou les gènes

intéressants sans redistribuer les autres. La précision est considérablement plus grande qu'avec la génétique classique gui transfère le matériel générique au hasard. De plus, il est possible de franchir les barrières liées à l'espèce.

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Cette précision vaut aussi pour les nou-velles méthodes de détection et de dia-gnostic des maladies qui font intervenir des techniques biomoléculaires. La sensi-bili ré d'un diagnostic viral dans une plante, par exemple, a été amplifiée d'un facteur 106 en 30 ans, grâce aux tech-niques PCR.

Les organismes génétiquement modifiés (OGM), percée technique majeure, ouvrent des perspectives immenses. Déjà, on peur ralentir le pourrissement de fruits ou immuniser l'homme contre cer-taines maladies (hépatite B) par consom-mation de bananes transformées.

La méthode est utilisée pour rechercher des plantes rustiques à haut rendement et peu exigeantes en intrants, des végé-taux résistants à la sécheresse, à la salinité et aux prédateurs.

Mais si les biotechnologies ont donné déjà des résultats si positifs, et si cet outil ouvre des perspectives si intéressantes, pourquoi alors cane de réactions de peur, voire d'hostilité ?

Il est un vieil adage qui veut que l'on ait peur de ce qu'on connaît pas. Er certes, une psychose anribiocechnologie est née, soutenue par des craintes d'ordre sanitai-re ou environnemental et amplifiée par les médias. Cette psychose est dangereu-se, car elle empêche de discerner ce qui est risque réel nécessitant l'application des principes de précaution de ce qui est pure imagination et peur de l'inconnu. Les réactions négatives (surtout des populations nanties du Nord gui recher-chent, à juste cirre, la qualité de leur ali-mentation - ceux qui n'ont rien dans leur assiette ne se posent pas ce type de question) ont quelque chose de bon. Elles obligent les scientifiques à réfléchir de façon plus approfondie sur les risques de leurs découvertes.

À lire ce numéro, ils le font, avec désor-mais des réponses quantifiables et véri-fiables, ec avancent avec prudence, plus que jamais. Mais le risque zéro ne peur être un objectif, car il n'existe pas. Faut-il renoncer au vaccin contre l'hépatite B qui a sauvé des millions de personnes parce que l'on découvre quelques cas d'incidents (certes graves) ? Aurait-on dû réduire notre liberté de déplacement et ne pas créer l'automobile parce qu'il y a aujourd'hui des milliers de mores sur les routes? Doic-on renoncer aux

biotech-nologies, gui peuvent aider à nourrir le

monde, parce que certains risques envi-ronnementaux se présentent? Ce n'est pas nier les risques, que les analyser sereinement. Toute nouvelle découverte,

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quelle qu'elle soit, comporte des incon-vénients. Mais « Là où croît le danger croît aussi ce qui sauve » écrivait le poète Holderin. L'utilisation de mar-queurs bactériens pour introduire un

gène nouveau est un risque qui a été

opposé au développement des OGM du

fait de l'apparition éventuelle de résis-tances aux antibiotiques. Or, d'une part le risque est minime, d'autre part les

techniques évoluent et on peut penser

transmettre des gènes sans utiliser ce type de marqueur. Mais peut-être cette peur salutaire permeccra-c-elle de

recher-cher les lieux importants oü se créent

journellement les vraies résistances aux

antibiotiques : chez les animaux traités

encore aux antibiotiques, ou simplement

dans les hôpitaux et dont les médias parlent bien peu.

Le risque encouru de flux de transgènes,

décrit dans deux articles de ce numéro est aussi à prendre en considération. Il n'existe pas dans le cas des plantes à multiplication végétative et des travaux

futurs permettront probablement de

l'évirer dans les aurres cas, par exemple

en plaçant la res1stance recherchée au niveau du chloroplaste.

Il faut, par contre, s'interroger forcement

sur les conséquences économiques,

sociales et politiques, d'une production à grande échelle par un procédé biorechno-logique dans les pays riches de substances

obtenues naturellement dans des pays

rropicaux et qui consticuem une de leurs ressources : par exemple des matières grasses dont la composition en acides gras serait proche de celles extraites des plantes cultivées en pays chauds, ou des

arômes. C'est la mainmise des

mulcina-tionales sur le génome des plames qui est le facreur de risque le plus grand. Les procès d'imemion, les écries inca ma-roires contre ces nouvelles techniques ciennem souvem davantage de croyances plus ou moins obscurantistes que de vérités s'appuyant sur des faits.

Certaines critiques nous semblem justifiées, d'autres ne le sont pas.

La

communauté scientifique doit veiller à cela. li n'est pas nécessaire de s'appuyer sur le «sacré» pour

se donner des règles de conduire !

Tous les chercheurs en biologie ne sont

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pas nécessairement à la solde des grandes

firmes grandement responsables de la

méfiance du public, par le choix « com-mercial » des transgenèses, et le détourne-menr de progrès à leur seul profit. Des solutions peuvent être opposées à la main-mise de ces entreprises sur la paysannerie. Le micro bouturage ou l'apomixie en sont des exemples. Se pose alors la question de l'accès des pays de développement à ces rechniques nouvelles, comme d'ailleurs à toute nouveauté agricole. L'appropriation du savoir, y compris des techniques les plus sophistiquées, est un droit de toute

société humaine. Tout pays devrait se

doter des compétences sciencifiques endo-gènes nécessaires à son économie et per-mercant de merue au point des technol

o-gies appropriées. La formation, et

l'éducation en général des populations, jouent un rôle primordial, associées à une volonté politique. Les progrès scienti -fiques s'inscriront vraiment dans une poli-tique alimentaire que lorsque cerce

volon-té politique des États encouragera le

développemenr des structures socio-éco-nomiques pour les réaliser •

Références

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