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Enquête sur la petite herbe à poux (Ambrosia artemisiifolia L) résistante à l'imazéthapyr au Québec

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Academic year: 2021

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© Félix Marsan-Pelletier, 2018

Enquête sur la petite herbe à poux (Ambrosia

artemisiifolia L ) résistante à l'imazéthapyr au Québec

Mémoire

Félix Marsan-Pelletier

Maîtrise en biologie végétale - avec mémoire

Maître ès sciences (M. Sc.)

(2)

Enquête sur la petite herbe à poux (Ambrosia

artemisiifolia L.) résistante à l’imazéthapyr au Québec

Mémoire

Félix Marsan-Pelletier

Sous la direction de :

Anne Vanasse, directrice de recherche

Marie-Josée Simard, codirectrice de recherche

(3)

III

Résumé

Le nombre d’espèces et de populations de mauvaises herbes résistantes aux herbicides est en augmentation depuis les vingt dernières années. Malgré les cas de résistance recensés au Québec, il n’y a pas eu d’études rigoureuses sur une mauvaise herbe ou sur un groupe d’herbicides précis. Le premier objectif du projet était de faire une enquête sur la petite herbe à poux (Ambrosia artemisiifolia L.) résistante à l’imazéthapyr dans les champs de soya (Glycine max) de variété conventionnelle en Montérégie, au Québec. Des champs de soya ont été visités durant les étés 2014 et 2015 et des semences de petite herbe à poux ont été récoltées juste avant la récolte du soya. Des applications d’herbicides ont été effectuées en serres pour déterminer si les populations échantillonnées étaient résistantes. Deux traitements ont été appliqués sur des plantules d’herbe à poux: une pulvérisation de bouillie sans herbicide et une bouillie avec l’herbicide imazéthapyr à la dose standard (100,8 g e.a ha-1). Vingt populations testées une première fois, et pour lesquelles différents niveaux de résistance avaient été diagnostiqués, ont aussi été testées avec quatre traitements (aucun herbicide, 1, 2 et 4 fois la dose standard), afin de déterminer le facteur de résistance de la petite herbe à poux à l’herbicide. Le deuxième objectif visait à identifier quelles pratiques pouvaient être associées à l’apparition de la résistance à l’aide de questionnaires distribués aux producteurs participants. De la résistance a été détectée dans 81 % des échantillons; elle était en développement dans 21,1 % des cas et bien établie dans 59,4 % des cas. Le facteur de résistance était supérieur à 5 chez ces dernières et de 1,04 chez les populations avec de la résistance en développement. Le concept de rotation de groupes d’herbicides est peu compris et mal appliqué par l’ensemble des producteurs de l’étude.

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IV

Table des matières

Résumé ... III Table des matières ... IV Liste des Tableaux ... VI Liste des Figures ... VIII Liste des Annexes ... IX Annexes-Enquête ... IX Annexes-Questionnaires ... IX Remerciements ... XI Avant-propos ... XII Introduction ... 1 1. Revue bibliographique ... 3

1.1 La petite herbe à poux ... 3

1.1.1 Biologie ... 3

1.1.2 Origine et distribution ... 4

1.1.3 Effets sur les cultures ... 5

1.2. La résistance aux herbicides... 7

1.2.1 Définitions et identification de la résistance ... 7

1.2.2 La classification des herbicides ... 8

1.2.3 Les mécanismes de la résistance aux herbicides ... 9

1.3. La résistance de la petite herbe à poux ... 11

1.3.1 Portrait de la situation ... 11

1.3.2 La résistance aux herbicides du groupe 2 ... 13

1.4 Causes et conséquences de la résistance et moyens de lutte ... 15

1.4.1 Les causes de la résistance... 15

1.4.2 Les conséquences de la résistance ... 17

1.4.3 Les moyens de lutte aux mauvaises herbes résistantes ... 19

Hypothèses et objectifs de recherche ... 24

2. Enquête sur la petite herbe à poux (Ambrosia artemisiifolia L.) résistante à l’imazéthapyr au Québec ... 26

Résumé ... 26

Introduction ... 27

Matériel et méthodes ... 30

(5)

V Récolte et semis ... 31 Traitements ... 32 Évaluations ... 33 Diagnostic ... 33 Statistiques ... 33 Résultats et discussion ... 34 Enquête de 2014 et 2015 ... 34

Réponse à la dose d’herbicide ... 35

Détermination de la DR50 ... 38

Répartition des cas de résistance ... 39

Gestion de la résistance ... 39

Remerciements ... 41

Références ... 43

3. Pratiques culturales en lien avec la résistance des mauvaises herbes ... 54

Introduction ... 54

Matériel et méthodes ... 54

Résultats et discussions ... 55

Constats généraux ... 56

Les concepts de «rotation» ... 57

Le désherbage mécanique ... 63

La texture et le travail du sol ... 64

Les travaux à forfait ... 66

Conclusion ... 68 4. Discussion générale... 69 Conclusion ... 73 Références ... 74 Annexes-Enquête ... 87 Annexes-Questionnaire ... 100

(6)

VI

Liste des Tableaux

Tableau 1. Classement des populations de petite herbe à poux en fonction des trois

diagnostics : sensible, résistance en développement, résistante, pour les années 2014 et 2015 en Montérégie ... 48

Tableau 2. Équation de régression logistique, dose d’équivalent acide à l’hectare pour

réduire de 50 % la biomasse (DR50) et facteur de résistance de la petite herbe à poux en

fonction de la dose d’imazéthapyr. Les populations traitées étaient classées sensibles (S), avec résistance en développement (RD) ou résistantes (R). L’essai comprenait aussi des populations témoins, une sensible (T-S) et une résistante (T-R) à l’imazéthapyr. ... 49

Tableau 3. Nombre de producteurs ayant vu une augmentation des populations de petite

herbe à poux dans le champ où des semences ont été récoltées ... 56

Tableau 4. Nombre et proportion de répondants par groupe (avec ou sans résistance) par

choix de réponse (A à E) à la question « La rotation des groupes d’herbicides correspond à la rotation de quoi?» ... 58

Tableau 5. Démonstration d’une rotation possible de cultures, de produits commerciaux et

de matières actives, sans rotation des groupes d’herbicides ... 58

Tableau 6. Nombre et proportion de répondants par groupe (avec ou sans résistance) par

choix de réponse (A à E) à la question « Effectuez-vous la rotation des groupes d’herbicides pour gérer le développement de la résistance? » ... 59

Tableau 7. Nombre et proportion de répondants par groupe (avec ou sans résistance) par

choix de réponse (A à E) à la question « Pour prévenir le développement de résistance d’une mauvaise herbe donnée, utilisez-vous des mélanges d’herbicides composés de plusieurs groupes visant cette même mauvaise herbe? » ... 60

Tableau 8. Nombre et proportion de répondants par groupe (avec ou sans résistance) et par

nombre d’années où des herbicides du groupe 2 ont été utilisés dans les champs échantillonnés durant les quatre années précédant l’échantillonnage ... 61

Tableau 9. Nombre et proportion de répondants par groupe (avec ou sans résistance) et par

catégorie d’herbicides utilisés (A à C) dans le champ échantillonné. ... 62

Tableau 10. Nombre et proportion de répondants par groupe (avec ou sans résistance) et

par nombre d’années où la culture principale était du soya dans les champs échantillonnés durant les cinq dernières années ... 63

Tableau 11.1. Nombre et proportion de répondants par groupe (avec ou sans résistance) et

par leur utilisation du désherbage mécanique dans leurs champs de grandes cultures, excluant les prairies ... 64

Tableau 11.2. Pourcentage des superficies (ha) de grandes cultures, excluant les prairies,

faisant l’objet de désherbage mécanique chez les producteurs utilisant cette technique ... 64

Tableau 12. Nombre et proportion de répondants par groupe (avec ou sans résistance) et

par groupe textural du sol des champs échantillonnés ... 65

Tableau 13. Nombre et proportion de répondants par groupe (avec ou sans résistance) et

par type de travail du sol effectué dans les champs échantillonnés ... 65

Tableau 14.1. Nombre et proportion de répondants par groupe (avec ou sans résistance)

ayant eu recours à la réalisation de travaux à forfait sur leurs entreprises durant les cinq dernières années ... 66

(7)

VII

Tableau 14.2. Nombre et proportion de répondants par groupe (avec ou sans résistance)

ayant réalisé des travaux à forfait sur d’autres entreprises durant les cinq dernières années ... 67

(8)

VIII

Liste des figures

Figure 1. Pourcentage de dommages de la petite herbe à poux en fonction de la dose

d’imazéthapyr quatre semaines après le traitement à l’herbicide. Les populations traitées étaient classées sensibles (S), avec résistance en développement (RD) ou résistantes (R). L’essai comprenait aussi des populations témoins, une sensible S) et une résistante (T-R) à l’imazéthapyr. Les barres délimitent un intervalle de confiance de 95%. ... 50

Figure 2. Biomasse aérienne sèche de la petite herbe à poux en fonction de la dose

d’imazéthapyr quatre semaines après le traitement à l’herbicide. Les populations traitées étaient classées sensibles (S), avec résistance en développement (RD) ou résistantes (R) L’essai comprenait aussi des populations témoins, une sensible S) et une résistante (T-R). Les barres délimitent un intervalle de confiance de 95%. ... 51

Figure 3. Courbes de réduction de la biomasse par rapport aux témoins non traités de cinq

groupes de petite herbe à poux suite à quatre traitements avec l’herbicide imazéthapyr. Les populations traitées étaient classées sensibles (S), avec résistance en développement (RD) ou résistantes (R). L’essai comprenait aussi des populations témoins, une sensible (T-S) et une résistante (T-R)... 52

Figure 4. Localisation des populations de petite herbe à poux testées avec l’herbicide

imazéthapyr lors d’une enquête réalisée en Montérégie en 2014 et 2015. Les populations traitées étaient classées sensibles (S), avec résistance en développement (RD) ou résistantes (R). ... 53

(9)

IX

Liste des Annexes

Annexes-Enquête

Tableau A1. Échelle d’évaluation visuelle de dommages des plantsutilisée dans le cadre de l’enquête sur la résistance de la petite herbe à poux à l’imazéthapyr en Montérégie ... 87

Tableau A2. ANOVA des dommages suite à l’évaluation visuelle des plants de petite

herbe à poux quatre semaines après les traitements (0X et 1X) à l’imazéthapyr pour l’année 2014 ... 88

Tableau A3. ANOVA de la biomasse des plants de petite herbe à poux quatre semaines

après les traitements (0X et 1X) à l’imazéthapyr pour l’année 2014 ... 90

Tableau A4. ANOVA des dommages suite à l’évaluation visuelle des plants de petite

herbe à poux quatre semaines après les traitements (0X et 1X) à l’imazéthapyr pour l’année 2015 ... 92

Tableau A5. ANOVA de la biomasse des plants de petite herbe à poux quatre semaines

après les traitements (0X et 1X) à l’imazéthapyr pour l’année 2015 ... 94

Figure A6. Pourcentage de plants selon leur niveau de dommages en fonction des quatre

doses d’imazéthapyr pour les populations diagnostiquées sensibles ... 96

Figure A7. Pourcentage de plants selon leur niveau de dommages en fonction des quatre

doses d’imazéthapyr pour les populations diagnostiquées avec une résistance en développement ... 97

Figure A8. Pourcentage de plants selon leur niveau de dommages en fonction des quatre

doses d’imazéthapyr pour les populations diagnostiquées résistantes ... 98

Figure A9. Illustration du processus de récolte, de conservation, de stratification et de

semis des graines de petite herbe à poux ... 99

Annexes-Questionnaires

Questionnaire sur les pratiques culturales des producteurs aux prises avec des populations de mauvaises herbes potentiellement résistantes aux herbicides ... 100 Compilation des réponses des producteurs aux prises avec des populations de mauvaises herbes potentiellement résistantes aux herbicides ... 114

(10)

X

(11)

XI

Remerciements

J’ai décidé de poursuivre mes études aux cycles supérieurs en biologie végétale afin d’en découvrir davantage sur les pratiques culturales tout en continuant de développer mon esprit scientifique. J’ai choisi ce projet pour l’étroit lien entre la théorie et la pratique et l’opportunité qu’il m’offrait de travailler en laboratoire et aux champs. Je tiens à souligner la volonté de Marie-Édith Cuerrier qui a démarré ce projet ainsi que le support financier du Gouvernement du Canada et du Gouvernement du Québec via le cadre stratégique Cultivons l’Avenir 2 et le programme de financement Innov’Action Agroalimentaire. Tout au long de ce projet plusieurs personnes m’ont soutenu et j’aimerais les remercier.

Anne : Merci pour ta passion, ton amour profond pour l’agronomie, ton enseignement qui

m’inspire, ton support continuel, ton positivisme sans faille, tes encouragements, tes questions et tes commentaires qui m’ont fait avancer. Merci pour la liberté que tu m’as offerte et la grande confiance que tu m’as portée.

Marie-Josée : Merci pour ton esprit critique et scientifique, tes suggestions qui m’ont aidé

à cheminer et aussi pour ton accompagnement lors des congrès.

Annie : Merci pour tous ces tableaux et graphiques qu’on a faits, modifiés, défaits et

refaits, pour ton aide et ton support avec ces statistiques et ces courbes qui partaient dans tous les sens sauf celui que je voulais.

Marie-Ève : Merci pour ton support et ton aide sans limite. Les journées ont parfois été

longues, mais tu étais toujours présente et tu as su m’offrir ta chaise de bureau lorsque je devais exprimer mes émotions.

À tous les auxiliaires de recherche : Merci pour votre aide, vos encouragements et votre

intérêt envers mon projet. Je sais que semer et récolter des mauvaises herbes n’était pas une activité hors de l’ordinaire, mais vous avez répondu présent à chaque fois.

Grégori, mon frère : Merci pour ta présence et ton soutien continuel tout au long du projet

et surtout après ces longues journées de travail où tu m’attendais pour m’écouter.

Josée, ma mère : Merci pour ces nombreux petits plats qui m’ont réconforté, pour ton

soutien, ta présence, ton support et ton amour inconditionnels et éternels, pour ton intérêt envers ce que je suis et ce que je fais.

Sabrina, ma chérie : Merci pour ton soutien, tes encouragements, ton écoute, ta

(12)

XII

Avant-propos

Ce mémoire contient quatre chapitres. Le premier chapitre est une revue de littérature sur la petite herbe à poux, sur les principaux concepts de la résistance des mauvaises herbes aux herbicides ainsi que sur la résistance de l’herbe à poux aux herbicides du groupe 2. À la fin de ce chapitre sont présentés les hypothèses de recherche et les objectifs de ce projet de maîtrise en biologie végétale. Le deuxième chapitre est écrit sous la forme d’un article scientifique et s’intitule Enquête sur la petite herbe à poux (Ambrosia artemisiifolia L.)

résistante à l’imazéthapyr au Québec. Cet article sera traduit et soumis ultérieurement au Canadian Journal of Plant Science. L’auteur principal de celui-ci est Félix Marsan-Pelletier

et les coauteurs sont Anne Vanasse, Marie-Josée Simard et Marie-Édith Cuerrier. Le troisième chapitre met en lumière les principaux éléments qui sont ressortis des réponses données par les producteurs agricoles suite au questionnaire qui leur a été soumis et qui portait sur leurs pratiques culturales. Enfin, le dernier chapitre porte sur la discussion générale des résultats obtenus et se termine par une brève conclusion.

Les résultats préliminaires de cette recherche ont été présentés lors de la Journée Phytoprotection du Centre de Références en Agriculture et Agroalimentaire du Québec (CRAAQ) tenue au Centre de recherche sur les grains (CÉROM) à Beloeil le 16 juillet 2015. L’ensemble des résultats de l’étude ont été présenté lors du congrès annuel de la Société Canadienne d’Agronomie (SCA) tenu à Montréal du 24 au 26 juillet 2016 et de celui de la Société de Protection des Plantes du Québec (SPPQ) qui a eu lieu à Nicolet du 2 au 4 novembre 2016. Une présentation a aussi été faite à Moncton au Nouveau-Brunswick lors du congrès annuel de la Société Canadienne de Malherbologie (SCM) du 22 au 24 novembre 2016. La présentation d’une affiche scientifique a eu lieu au Colloque sur les grandes cultures organisé par le CRAAQ le 23 février 2017. Enfin, un article de vulgarisation sur les principaux résultats est paru dans le journal agricole La Terre de Chez Nous le 8 novembre 2017, les coauteurs étant Félix Marsan-Pelletier et Anne Vanasse.

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1

Introduction

La petite herbe à poux (Ambrosia artemisiifolia L.) est une espèce annuelle originaire du centre de l’Amérique du nord qui pousse sur le bord des routes, sur des terrains incultes, à l’intérieur des plates-bandes et sur les terres cultivées (Basset et Crompton 1975; Gouvernement du Québec 2017a). C’est une des mauvaises herbes les plus répandues en Ontario (Pest Management Centre 2017) en plus de causer la rhinite saisonnière ou «rhume des foins», un problème de santé qui touche environ une personne sur huit au Québec (Gouvernement du Québec 2017b). Sa présence dans les champs agricoles peut avoir des effets néfastes sur les cultures et la rentabilité des entreprises, en causant des pertes de rendement pouvant aller dans la culture du soya de 10 % à 33 %, lorsque la densité est respectivement de 1 ou 5 plants m-2, ou à 90 % s’il y a 6 plants par mètre linéaire sur le rang (Barnes et al. 2016; Ministère de l’Agriculture, de l’Alimentation et des Affaires rurales de l’Ontario 2016b).

Parmi les moyens les plus connus pour supprimer la petite herbe à poux, il y a le désherbage mécanique et l’application d’herbicides. L’efficacité du premier moyen réside dans la combinaison de divers outils de désherbage mécanique et peut assurer jusqu’à 90 % de suppression de cette mauvaise herbe s’ils sont utilisés au bon moment (Weill et al. 2007). Au Québec, les herbicides représentent la catégorie de pesticides la plus vendue avec 65,7 % des ventes dans le milieu agricole (Ministère du Développement Durable, de l’Environnement et de la Lutte aux Changements Climatiques 2015). Ils sont donc un moyen de lutte très utilisé contre l’ensemble des mauvaises herbes dont la petite herbe à poux. Il y a principalement 12 groupes d’herbicides (les herbicides sont classés en groupes selon leur mode d’action) regroupant une trentaine de matières actives qui sont homologuées pour supprimer la petite herbe à poux dans les différentes cultures céréalières, maraîchères ou oléagineuses (Ministère de l’Agriculture, de l’Agroalimentaire et des Affaires Rurales de l’Ontario 2016a; Centre de Référence en Agriculture et Agroalimentaire du Québec 2017). Dans la culture du soya conventionnel, ces 12 groupes peuvent être utilisés selon différentes restrictions pour lutter contre la petite herbe à poux en pré-semis ou prélevée, mais ce nombre diminue à quatre groupes dans le cas des applications en post-levée. Le groupe le plus utilisé pour supprimer la petite herbe à poux dans le soya conventionnel est le groupe 2 (inhibiteurs de l’acétolactate synthase).

(14)

2

Les inhibiteurs de l’acétolactate synthase comprennent surtout des herbicides de la famille des sulfonylurées (ex. nicosulfuron, rimsulfuron, thifensulfuron) et de la famille des imidazolinones (ex. imazamox, imazéthapyr) (Martin 2017). L’acétolactate synthase est une enzyme clé permettant la synthèse d’acides aminés tels que l’isoleucine, la leucine et la valine (Ministère de l’Agriculture, de l’Agroalimentaire et des Affaires Rurales de l’Ontario 2017) et l’inhibition de cette enzyme entraîne un arrêt de la croissance et la mort de la mauvaise herbe. L’imazéthapyr est parmi les herbicides homologués contre la petite herbe à poux dans le soya puisque cette culture peut rapidement métaboliser cet herbicide et donc le tolérer. D’autres herbicides du même groupe, mais appartenant à d’autres familles, sont aussi homologués dans le soya tels que le cloransulam et le flumetsulam (Centre de Référence en Agriculture et Agroalimentaire du Québec 2017).

Le nombre d’espèces et de populations de mauvaises herbes résistantes aux herbicides augmente continuellement. Le nombre d’espèces résistantes aux herbicides du groupe 2 a d’ailleurs connu une augmentation fulgurante au niveau mondial passant de 38 espèces au début de l’année 1995 pour se retrouver en tête avec 159 espèces en 2015 (Heap 2018). Cette croissance s’explique par une grande utilisation des herbicides du groupe 2, ce qui augmente la pression de sélection sur les mauvaises herbes, et parce que la résistance chez plusieurs plantes peut être causée par la modification de seulement une paire de bases dans le code génétique de ces dernières. Au Québec, les premiers cas de résistance aux herbicides du groupe 2 ont été documentés en 2006 et l’herbe à poux a été la première espèce diagnostiquée, suivie par l’amarante de Powell et la morelle noire de l’est l’année suivante (Bernier 2007; Bernier 2010). Une augmentation du nombre de cas signalés de petite herbe à poux résistante à ce groupe d’herbicide a été observée par après, passant à 10 en 2012-13 puis à 23 en 2014-15. Toutefois, ces signalements étaient tous faits sur une base volontaire et aucune enquête propre à cette mauvaise herbe n’avait été réalisée.

L’objectif du projet était de faire une enquête sur la petite herbe à poux résistante à l’imazéthapyr dans les champs de soya de variété conventionnelle en Montérégie, au Québec, et d’identifier quelles pratiques pouvaient être associées à l’apparition de la résistance à l’aide de questionnaires distribués aux producteurs participants.

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3

1. Revue bibliographique

1.1 La petite herbe à poux

1.1.1 Biologie

La petite herbe à poux est une espèce annuelle qui se reconnaît au stade plantule par ses deux cotylédons de forme orbiculaire au sommet arrondi. Les feuilles sont profondément dentelées, opposées dans le bas du plant et disposées en alternance ensuite (Basset et Crompton 1975; Invasive Species Compendium 2017; Pest Management Centre 2017). Cette plante a une hauteur moyenne de 10 à 150 cm, mais peut atteindre 2 m tout en pouvant compléter son cycle vital en quatre à six mois. Les fleurs se développent sous forme de capitules, les fleurons mâles se trouvent au sommet du plant tandis que les fleurs femelles se trouvent à l’aisselle des feuilles (Basset et Crompton 1975). Le pollen est très léger, il voyage surtout par le vent et peut causer divers problèmes respiratoires dont la rhinite saisonnière, aussi connue sous le nom de rhume des foins, qui affecte une personne sur huit au Québec (Gouvernement du Québec 2017b). Les jours longs favorisent la production de fleurs mâles alors que les jours courts favorisent la croissance des fleurs femelles. Ses grains de pollen ont un diamètre variant entre 18 et 22 µm (Taramarcaz et al. 2005) et des estimations évaluent la production moyenne de ceux-ci entre 1 × 106 et 3 × 1012 grains dans des conditions générales de croissance en France (Fumanal et al. 2007), alors que leur production a été estimée à quelques 1,13 × 108 grains dans une culture de soya au Québec (Simard et Benoit 2012). Dans le soya, un plant produit une moyenne de 3500 semences par année (Simard et Benoit 2010), mais ce nombre peut s’élever à plusieurs milliers, voire quelques dizaines de milliers (Dikerson et Sweet 1971; Chikoye et al. 1995; Fumanal et al. 2007). Les résultats de Chikoye et al. (1995) rapportent que des plants de petite herbe à poux ont produit entre 4400 et 6000 semences lorsqu’ils ont émergé au moment du semis d’haricots blancs, alors que la production fut entre 700 et 1000 semences lorsque l’herbe à poux a émergé au stade de la troisième feuille trifoliée des haricots. Cette moindre production indique une meilleure compétitivité du haricot à un stade plus tardif ainsi que l’impact négatif que cela peut avoir sur la mauvaise herbe, ce qui résulte en des pertes de rendement moindres chez la culture et en une production plus faible

(16)

4

de semences lorsque l’émergence de la mauvaise herbe est plus tardive que celle de la culture (Chikoye et al. 1995). De plus, tel que rapporté par Raynal et Bazzaz (1975), la production de semences demeure proportionnelle à la biomasse aérienne d’un plant et ce, malgré les différents stress ou travaux du sol. Par contre, une nuance est apportée par Paquin et Aarssen (2004) dont les travaux révèlent le caractère plastique de la répartition des genres qui s’explique par le fait qu’un plant produira une proportion supérieure de fleurs femelles s’il est soumis à des contraintes de voisinage, alors qu’il produira une proportion plus élevée de fleurs mâles s’il fait face à des contraintes de fertilité du sol. Ce phénomène est justifiable par le fait que les grains de pollen auront plus de difficulté à être transportés s’ils sont contraints par le voisinage (bâtiments, autres mauvaises herbes, cultures agricoles), il vaut donc mieux, pour la propagation de la plante, qu’elle fasse davantage de semences. À l’inverse, si la fertilité du sol n’est pas adéquate, un plant a tout avantage à disséminer un maximum de grains de pollen afin que sa descendance soit établie dans un milieu plus fertile que celui dans lequel il se trouve. Une fois matures, les semences nécessitent une période de stratification hivernale avant de germer, dont la température idéale est de 4°C comparativement à une température de 10°C ou encore à -5°C où le taux de germination a été le plus bas des trois traitements (Willemsen 1975). Une fois la dormance levée, la germination se produit normalement lorsque la température se situe entre 11 et 13°C, mais les semences peuvent tout de même demeurer viables dans la banque de graines du sol pendant 39 ans (Toole et Brown 1946). Au Québec, la période de floraison survient principalement durant les mois d’août et septembre, ce qui correspond à une période moyenne de 119 jours après sa germination (Invasive Species Compendium 2017). La production de semences se fait par la suite jusqu’à l’automne, mais la maturation de celles-ci est inégale, car la croissance de le petite herbe à poux est indéterminée et variable en fonction du climat (Basset et Crompton 1975).

1.1.2 Origine et distribution

La petite herbe à poux est originaire de l’Amérique du Nord et elle est aujourd’hui répertoriée en Amérique du Sud, en Australie, en Europe et en Asie (Basset et Crompton 1975; Gaudeul et al. 2011). Sa colonisation mondiale fut surtout causée par le transport de semences contaminées. L’habitat de la petite herbe à poux est très varié, elle peut croitre

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5

dans divers milieux tels que les terrains abandonnés, les bordures de voies ferrées, les terrains résidentiels et les terres agricoles (Basset et Crompton 1975; Pest Management Centre, 2017). Elle préfère les sols chauds, secs, riches et avec un pH neutre ou légèrement acide, faisant de plusieurs terres agricoles un milieu parfait pour sa croissance (Taramarcaz et al. 2005).

Malgré ces préférences, la petite herbe à poux peut s’adapter à diverses conditions d’humidité du sol, comme ce fut démontré par Leiblein et Lösch (2011) où des plants de petite herbe à poux placés dans des pots avec trois différents niveaux d’humidité de sol (5 %, 22 %, 39 % v/v) ont réussi à se reproduire, ou à diverses conditions de salinité tel que rapporté par DiTommaso (2004).

1.1.3 Effets sur les cultures

La petite herbe à poux peut avoir des effets sur les cultures et sur d’autres adventices lors de sa croissance. Les pertes de rendements sont le principal effet négatif découlant de la présence de l’herbe à poux dans les champs cultivés. Ces pertes varient en fonction de la densité et du moment de germination de cette dernière et de la culture dans laquelle elle est retrouvée. Les travaux de Weaver (2001) ont permis de quantifier des pertes de rendement toujours plus importantes dans le soya, comparativement au maïs (Zea mays L.), pour les mêmes conditions de compétition par la petite herbe à poux. La hauteur du feuillage du maïs et sa croissance davantage verticale comparativement à celle du soya expliquent en partie cette relation, le maïs peut capter plus facilement la lumière du soleil comparativement au soya. Les pertes causées par la présence d’un plant de petite herbe à poux par m2 sont de 10 % dans le soya et de 5 % dans le maïs. Avec une augmentation à cinq plants par m2, les pertes sont de 33 % dans le soya et de 21 % dans le maïs lorsque la mauvaise herbe germe en même temps que la culture et qu’elle n’est pas réprimée tout au long de la saison (Ministère de l’Agriculture, de l'Alimentation et des Affaires Rurales de l’Ontario 2016b; Pest Management Centre 2017). Des pertes de rendement de plus de 90 % ont été rapportées avec une densité de six plants par mètre de rang dans la culture du soya (Barnes et al. 2016). La disposition des mauvaises herbes n’a pas d’effet sur les pertes de rendement, elles seront les mêmes pour une quantité de plants donnée, que ceux-ci soient distribués en paquet ou aléatoirement dans le champ. (Cowbrough et al. 2003).

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6

Pour éviter des pertes de rendement, certaines périodes sont critiques. Dans le soya, Coble et al. (1981) ont démontré que lorsque la petite herbe à poux est supprimée avec un herbicide appliqué en pré-semis ou en prélevée, les superficies en cultures doivent demeurer exemptes de petites herbes à poux pendant deux semaines après l’émergence de la culture, lorsque les conditions environnementales demeurent sèches, et pendant quatre semaines, lorsqu’elles sont humides. Si la stratégie de désherbage est planifiée en post-émergence, les mauvaises herbes doivent être contrôlées six semaines ou moins après l’émergence du soya toujours pour éviter des pertes de rendement. La période critique d’absence de mauvaises herbes peut varier en fonction de l’espèce et de la densité de celle-ci, des conditions climatiques et du type de sol, mais au Québec, la période critique d’absence de mauvaises herbes dans la culture du soya varie du stade d’une à trois feuilles trifoliolées (Bernier 2015b). Si la petite herbe à poux est laissée en place tout au long de la saison, sa hauteur moyenne sera de 25 cm supérieure à celle du soya, ce qui permettra à la canopée de la mauvaise herbe d’absorber 24 % de la radiation solaire qui permet normalement la photosynthèse de la culture (Coble et al. 1981).

La présence de petite herbe à poux peut aussi avoir un effet sur la germination de plantes avoisinantes (Hodisan et al. 2009; Lehoczky et al. 2011). Des effets négatifs ont été démontrés sur la germination et la croissance de l’avoine (Avena sativa), du blé (Triticum

aestivum), de l’orge (Hordeum vulgare), du canola (Brassica napus), du seigle (Secale cereale) et du maïs (Zea mays) lorsqu’un extrait aqueux de racines, de feuilles ou de fleurs

de petite herbe à poux était mis dans le milieu de culture. Cet extrait a soit été ajouté aux pots de culture (Hodisan et al. 2009) ou aux plats de Pétri (Lehoczky et al. 2011), afin de simuler la décomposition des résidus de petite herbe à poux l’année suivant leur incorporation dans le sol. Le blé et le canola étaient aussi affectés lorsque l’extrait aqueux provenait précisément de la tige de l’herbe à poux (Hodisan et al. 2009). L’effet allélopathique se traduit dans une proportion variable selon la plante affectée et principalement de deux façons: par une diminution de la germination ou une diminution de la croissance causée par une réduction de la hauteur des plants et de la longueur des racines. Seule exception à la règle, la hauteur des plants d’orge était à la hausse, bien que la germination soit à la baisse, tout comme les plants de luzerne (Medicago sativa) dont la

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hauteur était plus élevée lorsqu’ils étaient en compétition avec la petite herbe à poux, mais chez qui aucun effet sur la germination n’a été observé peu importe l’extrait utilisé (Hodisan et al. 2009). Les résultats énoncés précédemment ont été obtenus suite à l’application d’extraits aqueux provenant de plants matures, l’application d’extraits provenant de plants à un stade de 2 à 4 feuilles ou 4 à 6 feuilles n’ont eu aucun effet sur la germination des différentes cultures (Hodisan et al. 2009). La germination de la digitaire sanguine (Digitaria sanguinalis) a été réduite de 90 % suite à l’incorporation de 3 g de résidus de petite herbe à poux dans 150 g de substrat de culture (Vidotto et al. 2013). À la lumière des travaux effectués par Bruckner (1998), qui ont démontré des effets de l’herbe à poux sur la germination et la croissance de quatre plantes (Amaranthus hypochondriacus,

Trifolium pratense, Sinapis alba, Triticum aestivum), des composés phénoliques et des

terpénoïdes ont été identifiés dans des extraits aqueux de petite herbe à poux, comme pouvant être responsables de l’effet allélopathique, mais des compléments de recherche sont nécessaires pour certifier et quantifier leurs effets.

1.2. La résistance aux herbicides

1.2.1 Définitions et identification de la résistance

Le Ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec (MAPAQ) définit la résistance aux pesticides comme «une baisse importante et véritable de la sensibilité à un pesticide d'une population d'organismes nuisibles, cette résistance réduit l'efficacité au champ des pesticides» (Bernier 2014). En Ontario, le Ministère de l’Agriculture, de l’Alimentation et des Affaires Rurales qualifie la résistance à un herbicide comme étant «la capacité qu'a une population de mauvaises herbes de survivre à un traitement herbicide qui, sous des conditions d'utilisation normales, réussirait à la maîtriser efficacement» (Ministère de l’Agriculture, de l’Alimentation et des Affaires Rurales de l’Ontario 2017). En résumé, il y a donc de la résistance lorsqu’un produit, utilisé dans les conditions adéquates pour lesquelles il est commercialisé (espèce, stade de la mauvaise herbe visée, délais avant la pluie, etc.), réprimait une plante nuisible, mais ne réussit plus à le faire. Les mauvaises herbes peuvent être résistantes à un seul herbicide (résistance simple), à plus d’un produit dans le même groupe d’herbicides (résistance croisée) ou à des

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herbicides classés dans deux ou plusieurs groupes différents (résistance multiple) (Ministère de l’Agriculture, de l’Alimentation et des Affaires Rurales de l’Ontario 2017). Les éléments clés pour soupçonner qu’une population de mauvaises herbes est résistante sont la présence d’une seule espèce, parmi celles mentionnées à l'étiquette de l’herbicide et la répartition de celle-ci en un ou plusieurs foyers distribués aléatoirement dans un même champ (Green 2007; Simard 2015). Afin de clarifier la situation, il est également important de s’assurer qu’il n’y a pas eu de problèmes particuliers lors de l’application du traitement herbicide, tel un bris d’équipement, que les conditions climatiques (vent, humidité, précipitations) étaient favorables à la pulvérisation et que les plants n’ont pas émergé après cette dernière. Il est aussi pertinent de vérifier avec les intervenants l’historique du champ et des traitements herbicides effectués par le passé de même que l’efficacité du produit pour savoir depuis quand l’herbicide ne semble plus efficace.

1.2.2 La classification des herbicides

Il existe principalement trois systèmes de classification des herbicides dans le monde, un basé sur des chiffres, reconnu par la Weed Science Society of America (WSSA 1998) et utilisé au Canada et aux États-Unis, alors que les deux autres sont basés sur des lettres, l’un est utilisé en Australie seulement et l’autre dans les pays restants (Heap 2018). Au Canada, c’est l’agence de réglementation de la lutte antiparasitaire (ARLA), sous la juridiction de Santé Canada, un organisme fédéral, qui réglemente l’utilisation des pesticides. Les herbicides sont classés en fonction des 29 groupes d’herbicides qui eux sont associés à un mode d’action. Chaque mode d’action est associé à un site d’action précis dans une plante (Mallory-Smith et Retzinger 2003). Un herbicide peut contenir une ou plusieurs matières actives, qui ont un effet pesticide, il peut donc faire partie d’un ou de plusieurs groupes. Il est possible de retrouver différentes familles chimiques à l’intérieur d’un même groupe de pesticides et celles-ci sont déterminées en fonction de la structure chimique de la matière active.

Dans le cas des herbicides du groupe 2, il y a cinq familles chimiques, soit les imidazolinones, les pyrimidinylthiobenzoates, les sulfonylaminocarbonyltriazolinones, les sulfonylurées et les triazolopyrimidines et il y a respectivement 6, 5, 4, 35 et 7 matières actives dans chacune de ces familles (Zhou et al. 2007; Heap 2018). Quant aux noms

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commerciaux, ils sont propres aux compagnies qui mettent en marché les produits et ne réfèrent à aucune classification, il y a par exemple plus d’une centaine de noms commerciaux qui se rapportent tous aux herbicides du groupe 2. En plus de la réglementation fédérale, il existe des règlements provinciaux et municipaux qui touchent principalement l’utilisation et l’application des pesticides. Au Québec, c’est principalement la Loi sur les pesticides et la Loi sur la qualité de l’environnement qui régissent ces produits (Ministère du Développement Durable, de l’Environnement et de la Lutte aux Changements Climatiques 2017).

1.2.3 Les mécanismes de la résistance aux herbicides

Pour avoir un effet toxique, les herbicides ont un site d’action précis dans la plante où ils agissent, ce qui a comme conséquence d’inhiber la production de composés essentiels, tels les acides aminés, ou de bloquer des mécanismes vitaux comme la photosynthèse. En fonction du mécanisme, de l’herbicide utilisé et de la plante pulvérisée, l’effet toxique sera variable dans le temps et dans les symptômes observables. Pour être résistante, une plante doit avoir une ou plusieurs mutations génétiques par rapport au biotype sensible. À ce jour, deux grandes catégories de mécanismes de résistance ont été identifiées chez différentes mauvaises herbes, soit la résistance ciblée et la résistance métabolique.

La résistance de la première catégorie est le résultat d’une mutation du gène correspondant au site d’action de l’herbicide. Dans le cas des herbicides du groupe 2, qui sont des inhibiteurs de l’acétolactate synthase (ALS), une enzyme permettant la transformation du pyruvate dans la chaîne de production des acides aminés ramifiés en valine, leucine et isoleucine, c’est le gène de l’ALS qui sera modifié. Chez une plante sensible, l’herbicide va se fixer où l’ALS le fait normalement, ce qui empêche la fixation de celle-ci ainsi que la production des trois acides aminés et cause la mort de la plante. Par contre, dans le cas d’une plante résistante, l’herbicide ne peut plus se fixer où il le fait normalement pour bloquer le processus biologique vital de la plante, car le site de fixation est modifié à cause de la mutation subie par le gène de l’ALS. Il y a huit sites de mutations conférant une résistance aux herbicides du groupe 2 alors que 20 substitutions possibles ont été identifiées sur l’ensemble de ceux-ci et ce, chez diverses espèces de plantes résistantes au groupe 2 (Beckie et Tardif 2012). Ces sites de mutations ont été numérotés et standardisés à partir de

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la plante Arabadopsis thaliana L. Ce sont les sites Pro197, Trp574 et Ser653 qui sont les plus souvent mutés et ces mutations sont possibles par le changement d’une seule paire de bases. Chaque mutation ou substitution engendre une résistance à au moins un herbicide du groupe 2, mais le niveau de cette résistance varie en fonction de celles-ci (les différentes mutations ou substitutions) et par rapport aux cinq familles chimiques du groupe 2. Par exemple, la mutation Trp574 confère une résistance variant d’élevée à très élevée à toutes les familles chimiques du groupe 2 procurant ainsi une résistance croisée aux plantes ayant cette mutation. La résistance est par contre variable chez la mutation Pro197 en fonction des cinq familles chimiques et des 12 substitutions identifiées, la résistance croisée est donc présente à des niveaux variables. La résistance ciblée a été démontrée chez des espèces résistantes aux herbicides du groupe 2 dont la petite herbe à poux, l’amarante rugueuse (Amaranthus tuberculatus), le kochia (Kochia scoparia), la sétaire verte (Setaria viridis) et plusieurs autres et ce, par plusieurs chercheurs (Patzoldt et al. 2001; Patzoldt et Tranel 2007; Warwick et al. 2008b; Laplante et al. 2009; Beckie et Tardif 2012). C’est également ce type de résistance qui permet dans certains cas à la petite herbe à poux et au chénopode blanc (Chenopodium album) de résister aux groupes 5 et 7 (Aper et al. 2012).

Le deuxième mécanisme de résistance ciblée est toujours en lien avec le site d’action de l’herbicide, mais c’est l’augmentation du métabolisme de la plante qui la rend résistante puisque le site d’action est surexprimé. Ainsi, comme certains herbicides empêchent la formation de métabolites essentiels à la survie de la plante en se fixant à une protéine précise, la surexpression de cette protéine permet dans certains cas à une plante de résister à cet herbicide. Le ou les métabolites, dont la production est normalement inhibée, continuent d’être produits, car la protéine est surexprimée et l’herbicide n’est pas présent dans une proportion suffisante pour bloquer cette dernière. Pour que la protéine soit produite dans une telle proportion, il a été démontré que le gène qui code la production de celle-ci est aussi souvent présent en quantité supérieure par rapport à une plante sensible. Ce mécanisme de résistance a par exemple été identifié chez la digitaire sanguine résistante aux herbicides du groupe 1 où il y a entre cinq à sept fois plus de copies du gène codant l’acétyl-CoA carboxylase, l’enzyme normalement inhibée, chez les biotypes résistants par rapport aux biotypes sensibles (Laforest et al. 2017). Ce mécanisme a aussi été démontré

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chez l’amarante de Palmer (Amaranthus palmeri) résistante au glyphosate où le nombre de copies du gène EPSPS est entre 5 à 160 fois supérieur comparativement aux biotypes sensibles (Gaines et al. 2009).

La résistance métabolique est due au fait que la plante empêche, totalement ou dans une proportion létale, l’herbicide de se rendre à son site de fixation habituel par différents moyens : dégradation de l’herbicide, mise en compartiment de celui-ci, diminution de sa translocation, diminution de sa pénétration dans la plante (Powles et Yu 2010). Les mécanismes qui permettent cette résistante sont pour l’instant moins bien connus que ceux pour la résistance ciblée, mais certains éléments ont été identifiés. Les cytochromes P450 font d’ailleurs partie de ceux-ci et leur rôle est déjà connu chez divers insectes résistants à des insecticides de même que chez des plantes cultivées, comme le maïs et le blé, et résistantes à des herbicides. Les cytochromes P450 permettent donc de convertir les herbicides en diverses molécules, dont la phytotoxicité est moindre, pour ensuite les inactiver, via la glycosyl transférase qui permet de conjuguer une molécule de glucose à celles-ci, et les transporter dans la vacuole (Kreuz et al. 1996; Powles et Yu 2010). La glutathion transférase permet aussi à des plantes cultivées et à des mauvaises herbes de résister à des herbicides, car une fois conjuguées au glutathion, ceux-ci deviennent inactifs et peuvent être transportés dans les vacuoles ou même exsudés par les racines (Martinoia et al. 1993; Schröder et al. 2007). De la résistance métabolique a été identifiée chez l’ivraie raide (Lolium rigidum) résistante au chlorsulfuron, un herbicide du groupe 2 (Cotterman et Saari 1992). De la résistance métabolique aux herbicides du groupe 7 a aussi été découverte chez la petite herbe à poux sans que le mécanisme précis n’ait encore été déterminé (Simard et al. 2017).

1.3. La résistance de la petite herbe à poux

1.3.1 Portrait de la situation

Les premiers herbicides appartenant au groupe 2, d’abord reconnus pour leur efficacité à supprimer les mauvaises herbes et ce sur une longue partie de la saison de culture, ont été commercialisés pour la première fois en 1982 (Tranel et Wright 2002). Ils sont aujourd’hui principalement utilisés pour supprimer les mauvaises herbes à feuilles larges dans les cultures d’haricots, de pois et de soya, mais peuvent aussi être utilisés dans les cultures de

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céréales et de maïs. Des cas de résistances ont été diagnostiqués cinq ans après leur mise en marché chez la laitue scariole (Lactuca serriola L.) en Idaho aux États-Unis (Mallory-Smith et al. 1990), de même que dans l’état du Kansas chez le kochia (Kochia scoparia L.) où un herbicide du groupe 2 avait été appliqué pendant cinq années consécutives (Primiani et al. 1990). Le premier cas de résistance au groupe 2 chez la petite herbe à poux a été détecté en 1998 dans l’état de l’Indiana (Heap 2018). À l’échelle mondiale, il y avait 159 espèces de plantes résistantes aux herbicides du groupe 2 en 2017 (Heap 2018). La petite herbe à poux a été diagnostiquée résistante à cinq groupes d’herbicides, soit les groupes 2, 5, 7, 9 et 14 pour un total de 35 cas répertoriées mondialement, il y en avait 31 situés aux États-Unis et 4 au Canada, dont une seule au Québec qui était résistante au groupe 7 (Heap 2018). Parmi les 35 cas, neuf populations ont été déclarées avec une résistance multiple à deux ou trois groupes, une seule est répertoriée au Canada, soit en Ontario, et la résistance est aux groupes 2 et 9. Les huit autres cas se retrouvent dans sept états américains, soit en Caroline du Nord (groupes 2, 9 et 14), au Delaware (groupes 2 et 14), au Maryland (groupes 2, 9 et 14), au Michigan (groupe 2 et 14), au Minnesota (groupes 2 et 9), au New Jersey (groupes 2, 9 et 14) et en Ohio (2 populations: groupes 2 et 9, groupes 2 et14). Au Québec, l’envoi de semences soupçonnées résistantes, pour la réalisation de tests, et l’enregistrement des cas de résistance se font sur une base volontaire. Le premier cas de petite herbe à poux déclarée résistante à un herbicide du groupe 2 l’a été en 2006 dans la municipalité de Saint-Scolastique dans la région des Laurentides et deux cas se sont ajoutés en 2007 et 2008, respectivement dans les municipalités de L’Acadie et Sabrevois (Bernier 2009). En 2011, il y avait un total de huit municipalités, incluant les trois précédemment énoncées, dans lesquelles au moins un cas avait été répertorié et sept de celles-ci se trouvaient dans la région de la Montérégie (Bernier 2015a). Durant les années 2012 et 2013, vingt échantillons de petite herbe à poux soupçonnée résistante aux herbicides du groupe 2 ont été soumis pour effectuer des tests de résistance; dix se sont avérés être résistants, six ont été déclarés sensibles, alors que quatre n’ont pas pu être testés dû aux semences non viables des échantillons soumis. Au Québec, la petite herbe à poux a aussi été déclarée résistante au linuron, soit un herbicide du groupe 7 (Saint-Louis et al. 2005) et à l’atrazine, un herbicide du groupe 5 (Cuerrier 2017). Parmi les autres espèces résistantes

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aux herbicides du groupe 2, toujours au Québec, il y a l’amarante à racine rouge (Amaranthus retroflexus), l’amarante de Powell (Amaranthus powellii), le chénopode blanc, la morelle noire de l’est (Solanum ptycanthum), la sétaire géante (Setaria faberii) et la stellaire moyenne (Stellaria media) (Bernier 2015a; Cuerrier 2017).

1.3.2 La résistance aux herbicides du groupe 2

1. La réponse d’une plante sensible

Dans le guide de lutte aux mauvaises herbes de l’Ontario (Ministère de l’Agriculture de l’Alimentation et des Affaires Rurales de l’Ontario 2016a), la cote d’efficacité des herbicides appartenant au groupe 2 est en moyenne de 8 sur un maximum possible de 10 points pour la petite herbe à poux. Certains plants peuvent donc potentiellement poursuivre leur croissance sans être résistants et une reprise de la croissance peut être visible de 10 à 14 jours après l’application de l’imazéthapyr (Ballard et al. 1996). La repousse de tels plants est entre autre favorisée par des conditions climatiques chaudes et humides durant les quatre à six semaines suivant le traitement alors que des conditions fraîches et sèches réduisent la repousse (Leif et al. 2000). Dans certains cas, chez des plantes résistantes, une température faible, variant selon l’espèce étudiée, peut améliorer l’efficacité d’un herbicide auquel cette dernière est résistante, ce qui est entre autre explicable par le fait que le mécanisme de résistance est moins efficace à ces faibles températures (Vila-Aiub et al. 2012). Dans d’autres cas, par exemple, chez la petite herbe à poux, l’absorption foliaire de l’imazéthapyr est réduite lors de conditions de faible humidité du sol (Hager et al. 1999). L’efficacité des traitements avec des herbicides est favorisée lorsque les traitements sont effectués à un stade hâtif de la mauvaise herbe. De plus, l’heure d’application à l’intérieur d’une même journée peut aussi avoir un effet sur l’efficacité de l’herbicide. Selon Stopps et al. (2013), le moment le plus opportun est en milieu de journée alors qu’il faut éviter les applications tôt en matinée (6:00) et celles en fin de journée (21:00 et minuit). Par contre, il faut aussi tenir compte des conditions de vélocité du vent qui exigent souvent un compromis entre le moment qui favorise l’absorption de l’herbicide par la mauvaise herbe (milieu de journée) et celui où les vents sont faibles (début et fin de journée). Enfin, même en étant sensibles, des populations d’herbe à poux ont démontré une plus grande sensibilité à la famille chimique du cloransulame-méthyl et du chlorimuron comparativement à celle

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de l’imidazolinone alors qu’elles font toutes parties de la catégorie des herbicides du groupe 2 (Taylor et al. 2002).

2. Le mécanisme et la transmission de la résistance

À ce jour, une seule mutation conférant la résistance aux herbicides du groupe 2 a été identifiée chez la petite herbe à poux, soit la substitution du tryptophan en leucine au codon 574 dans le gène (Patzoldt et al. 2001; Tranel et Wright 2002). Cette mutation est dite dominante, elle confère la résistance à la plante si l’allèle muté est présent à l’état homozygote ou hétérozygote. Cette particularité implique donc que la résistance peut être transmise par les grains de pollen tout comme elle peut aussi perdurer dans le sol via les semences produites par un plant résistant. Des auteurs s’entendent sur le fait que les grains de pollen de la petite herbe à poux peuvent voyager sur de longues distances en fonction de la direction des vents dominants (Cecchi et al. 2006; Grewling et al. 2016). Les travaux de Garneau et al (2006) révèlent que les grains de pollen peuvent voyager sur de longues distances sans que la majorité de ceux-ci soit transportée au-delà de 50 m de la source. Cette même étude estime que la distance de propagation est proportionnelle à quatre fois le diamètre de la source, représenté par exemple par le diamètre d’une population dans un champ infesté. De plus, les akènes de la petite herbe à poux, soit le fruit contenant la semence, flottent et peuvent donc être transportés par l’eau sur des distances très variables (Buttenschon et al. 2009).

Afin de déterminer le niveau de résistance d’une population de mauvaises herbes et de comparer celui-ci entre différentes espèces, différents herbicides et différentes régions, il est nécessaire de déterminer la DR50 des différentes populations comparées. Cette DR50

représente la dose d’herbicide nécessaire pour réduire de 50 % la biomasse aérienne d’une population de mauvaises herbes et ces valeurs sont ensuite utilisées pour déterminer le facteur de résistance qui est le rapport entre deux DR50, soit celle d’une population

résistante et celle d’une population sensible. Les travaux exécutés démontrent un niveau de résistance relativement élevé à plusieurs groupes d’herbicides et plus particulièrement aux herbicides du groupe 2 chez la petite herbe à poux. Des tests de résistance en serres ont été effectués avec des semences provenant de plants d’herbe à poux ayant survécu à des applications d’herbicides au groupe 2 en plein champ dans l’état du Delaware. La biomasse

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aérienne de cette population résistante a été réduite de 33 %, comparativement au témoin non-traité, suite à l’application d’une dose d’imazéthapyr cent fois supérieure à la normale et ce, trois semaines après le traitement herbicide (Rousonelos et al. 2012). La biomasse de cette même population a été réduite de seulement 15 % avec la dose standard et la réduction de biomasse a varié entre 5 % et 51 % avec l’application de cent fois la dose de 12 différents herbicides du groupe 2. Chez d’autres populations de petite herbe à poux testées en plein champs en Ohio, le pourcentage de contrôle, déterminé par une évaluation visuelle variant de 0 % (aucun contrôle) à 100 % (contrôle complet) 28 jours après un traitement d’imazéthapyr, a varié entre 1 et 7 % avec la dose standard et entre 1 et 14 % avec la double dose (Taylor et al. 2002). De plus, des tests en serres sur ces populations n’ont pas permis de déterminer les DR50 de celles-ci à trois matières actives appartenant au groupe 2,

les facteurs de résistance étant supérieurs à 12 000 (cloransulam-méthyl), 1 500 à 4 800 (chlorimuron) et 1 100 (imazamox) (Taylor et al. 2002). Ces résultats sont corroborés par ceux obtenus en Ontario où l’ensemble des 24 populations d’herbe à poux testées ont été déclarées résistantes aux herbicides du groupe 2 et que le pourcentage de mortalité n’a pas atteint 20 % chez 20 des 24 populations à chacune des trois mêmes familles chimiques (Van Wely et al. 2015b). Les résultats obtenus en Indiana confirment aussi ces résultats où le facteur de résistance a été évalué à 5100, 4100 et 110 pour ces trois mêmes familles chimiques respectives du groupe 2 appliquées sur la petite herbe à poux résistante (Patzoldt et al. 2001). De hauts facteurs de résistance ont aussi été démontrés pour le glyphosate en Ontario avec des valeurs entre 2 et 28 chez la petite herbe à poux (Van Wely et al. 2015b). Avec de tels niveaux de résistance, les herbicides ne peuvent plus être considérés comme l’unique solution à la gestion des mauvaises herbes, car ils devraient être utilisés à des doses injustifiables tant d’un point de vue environnemental qu’économique pour permettre une répression minimale des mauvaises herbes (Thill et al. 1994; Shaner 2014; Van Wely et al. 2015b).

1.4 Causes et conséquences de la résistance et moyens de lutte

1.4.1 Les causes de la résistance

Il est possible de trouver des biotypes de mauvaises herbes qui sont naturellement résistants aux herbicides, comme dans le cas des plantes résistantes aux inhibiteurs d’ALS où la

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présence d’une mutation naturelle est estimée à 1 plant sur 100 000 comparativement à une mutation de résistance au glyphosate qui serait présente dans une proportion d’un plant sur 100 millions (Heap 2015). S’ils se reproduisent, ces biotypes résistants ont le potentiel de produire des semences qui pourront aussi être résistantes tout dépendant du type de résistance dans une proportion qui variera si le gène est dominant ou récessif. Si l’un de ces biotypes est présent dans un champ, qu’un herbicide est appliqué sur celui-ci, qu’il survit et qu’il produit des semences, le nombre de semences résistantes augmente et ces étapes de sélection et de reproduction peuvent ainsi se répéter dans un laps de temps pouvant varier selon les conditions climatiques, les herbicides utilisés et l’espèce de mauvaise herbe. Ce processus est appelé la pression de sélection, elle a été identifiée comme le concept clé derrière l’apparition de la résistance et elle est surtout causée par l’utilisation répétée d’un herbicide ou d’herbicides du même groupe (Thill et al. 1994; Anthony et al. 1998; Van Wely et al. 2015b). Les biotypes résistants sont donc sélectionnés au fil du temps et c’est la population de mauvaises herbes qui devient résistante (Buhler 2017).

La pression de sélection est d’ailleurs relativement élevée dans la culture du soya au Québec à cause de la superficie ensemencée qui a augmenté de 67 % entre les années 2006 et 2016 pour atteindre 325 000 hectares, avec un pourcentage moyen de soya conventionnel cultivé sur 46 % de cette superficie durant les mêmes années (Ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec (MAPAQ) 2017). La région de la Montérégie est aussi grandement touchée par cette situation puisque 45 % des superficies ensemencées en soya en 2016 se trouvaient dans cette région et ce chiffre s’élève à 61 % en incluant la région du Centre-du-Québec, soit la région voisine (Institut de la Statistique du Québec 2017). Les grandes superficies en culture favorisent par le fait même l’utilisation des mêmes herbicides, ce qui fait que la pression de sélection est elle aussi à la hausse sur une plus grande surface en exposant davantage de populations et d’espèces de mauvaises herbes. L’efficacité et l’effet résiduel des herbicides ont aussi un impact sur la hausse de la pression de sélection en permettant de supprimer un fort pourcentage des plants sensibles, ce qui ne permet pas à ces derniers de se reproduire avec des plants résistants qui sont au contraire sélectionnés. L’utilisation de doses réduites d’herbicides, soit une dose d’ingrédient actif inférieure au minimum recommandé par l’étiquette, n’est pas une avenue

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envisageable pour réduire la pression de sélection, elle a plutôt comme effet de sélectionner des biotypes dont la résistance est métabolique (Neve et Powles 2005; Busi et al. 2011; Busi et al. 2013).

Certaines cultures, comme le maïs, le soya et le canola ont été modifiées génétiquement pour en faire des cultures résistantes à des herbicides non-sélectifs ou à des herbicides qui n’étaient pas sélectifs dans cette culture. Les cultures résistantes au glyphosate (groupe 9) et au glufosinate (groupe 10) sont les plus connues, mais il y a aussi des hybrides de maïs et soya résistants au dicamba (groupe 4) et des cultivars de canola et de blé résistants à l’imazamox (groupe 2), ces derniers n’étant pas commercialisés au Québec. Ces différentes cultures peuvent dans certains cas transmettre à une plante de la même espèce ou proche parente, le gène de résistance par un transfert horizontal de gêne. En effet, des plants de canola spontané, d’abord résistants au glufosinate, ont été diagnostiqués également résistants au glyphosate alors qu’aucun plant avec une telle résistance avait été implanté dans le champ où ils ont été repérés. Il a été démontré que la résistance acquise par ces plants a été transmise suite au mouvement du pollen de canola, cultivé l’année précédente dans un champ voisin et qui était résistant au glyphosate, vers le champ avec le canola résistant au glufosinate (Hall et al. 2000). Les plants ainsi créés peuvent donc devenir très problématiques pour leur répression les années subséquentes et restreindre le choix des traitements herbicides. Des études ont également révélé que le transfert de gêne entre le canola et d’autres espèces est possible (Brown et Brown 1996; Warwick et al. 2003), c’est d’ailleurs ce qui a été démontré au Québec chez une population de moutarde des oiseaux (Brassica rapa) qui a acquise, par transfert horizontal du gène, une résistance au glyphosate qui provenait du canola (Warwick et al. 2008a; Marcoux 2017).

1.4.2 Les conséquences de la résistance

Qu’elles soient résistantes ou pas, les mauvaises herbes qui ne sont pas réprimées adéquatement peuvent avoir des conséquences sur les rendements comme ce fut abordé précédemment. Par contre, si un groupe d’herbicides ne permet plus de réprimer une ou des mauvaises herbes, des herbicides d’un ou plusieurs autres groupes devront être utilisés si la stratégie de désherbage demeure chimique (Taylor et al. 2002). Il existe plusieurs groupes d’herbicides qui peuvent être utilisés en pré-semis ou prélevée de la culture du soya tout

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dépendant de sa tolérance à certains d’entre eux. Des herbicides parmi les groupes 2, 3, 4, 5, 7, 9, 10, 13, 14, 15 et 22 sont parmi les options possibles pour supprimer la petite herbe à poux (Centre de référence en agriculture et agroalimentaire du Québec 2017). Par contre, dans le cas d’une culture de soya non génétiquement modifié, il est impossible d’utiliser les groupes 4 (2,4-D, dicamba), 9 (glyphosate), 10 (glufosinate d’ammonium) dès que le produit pourrait être en contact avec la culture ou en pré-semis pour le groupe 4, si la culture n’est pas tolérante, puisqu’ils peuvent causer d’importants dommages ou avoir un effet résiduel tout aussi dommageable pour le soya. Dans le cas du groupe 13 (clomazone), il n’y a qu’un seul herbicide recommandé et celui-ci ne fait que réprimer la petite herbe à poux. La différence entre la suppression et la répression est décrite dans les normes fédérales d’homologation des herbicides, la suppression exige un minimum de 80 % de réduction du peuplement ou de la croissance de celui-ci tandis que la répression exige un minimum de 60 % de réduction (Santé Canada 2003).

Il faut aussi considérer le moment du semis et celui de la sortie des mauvaises herbes. Il est inutile d’utiliser un herbicide du groupe 22 (diquat, paraquat), qui agit par contact, s’il n’y a aucune mauvaise herbe de présente, car un tel herbicide n’aura aucun effet sur les mauvaises herbes qui germeraient ou sortiraient de terre après son application. Comme la petite herbe à poux a déjà été déclarée résistante aux groupes 2, 5 (atrazine, métribuzine, simazine) et 7 (linuron) au Québec, ces groupes devraient être utilisés avec précaution. Une fois ces éléments considérés, les choix deviennent restreints et ceux-ci sont davantage limités pour des applications en post-levée où les groupes 2 (imazéthapyr, flumetsulame, chlorimuron-éthyle), 6 (bentazone), et 14 (sulfentrazone, flumioxazine, carfentrazon-éthyle) sont les seules options. En posant l’hypothèse qu’une population de petite herbe à poux résistante au groupe 2 doit être réprimée, il ne reste que deux groupes pouvant être utilisés. Dans le cas du groupe 6, il faut considérer qu’il n’y a qu’un seul herbicide et il est recommandé de le mélanger avec un herbicide du groupe 14 pour assurer une bonne suppression de la petite herbe à poux et des cas de résistance à ce groupe ont déjà été détectés dans le monde. Les choix d’herbicides et de groupes d’herbicides pour assurer une suppression de la petite herbe à poux sont donc restreints. L’impossibilité d’utiliser un herbicide ou son inefficacité oblige donc les producteurs à utiliser d’autres moyens de lutte,

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19

mais ceux-ci peuvent avoir des conséquences telles que l’augmentation des coûts de production et un effet sur la rentabilité des entreprises (Henskens et al. 1996).

La résistance aux herbicides peut aussi avoir un effet sur la plante et celui-ci peut se traduire par un coût énergétique supplémentaire dû à la présence du gène de résistance dans son bagage génétique, ce qui peut ralentir ou diminuer sa croissance de diverses façons. Ce coût est par contre variable entre les espèces, les types de résistance et les mutations génétiques. Une étude du coût de la résistance a par contre mis de l’avant que celui-ci pourrait partiellement être annulé suite à une évolution rapide du bagage génétique de la mauvaise herbe, lui permettant de se propager sans coût énergétique supplémentaire en comparaison avec un plant sensible à l’herbicide (Délye et al. 2013a). L’apparition et la propagation rapide des cas et les niveaux élevés de résistance sont aussi de bons indicateurs du coût énergétique associé à la résistance dans le sens où la ou les mutations conférant la résistance ne sont pas coûteuses lorsque le nombre de cas et d’espèces résistantes s’additionnent à grande vitesse et que des niveaux élevés de résistance sont diagnostiqués, comme c’est le cas pour la petite herbe à poux. Des plants de grande herbe à poux résistantes au glyphosate ont produit 25 % moins de semences, mais aucune différence n’a été quantifiée quant à la hauteur, la biomasse et la surface foliaire en comparaison avec des plants sensibles, ce qui fait qu’elle reste tout de même très compétitive contre les cultures pour la lumière (Brabham et al. 2011). Chez l’amarante rugueuse, un coût énergétique d’environ 10 % a été identifié chez les individus résistants au groupe 2, mais aucun coût n’a été identifié comme une conséquence de la résistance aux groupes 5, 9, 14 et 28 et ce, sur six générations (Wu et al. 2017). Quant au kochia, une étude a documenté qu’une substitution du tryptophane en leucine sur le codon 574, lui conférant une résistance aux herbicides du groupe 2, augmentait la sensibilité de ces plants aux herbicides du groupe 14 et 27 (Beckie et al. 2012). Ce cas est par contre une exception, car très peu d’effets négatifs sur un autre groupe d’herbicides ont été répertoriés chez des populations résistantes (Délye et al. 2013b).

1.4.3 Les moyens de lutte aux mauvaises herbes résistantes

Quand une population de mauvaises herbes est diagnostiquée résistante à un groupe d’herbicide, il est possible d’utiliser un produit d’un autre groupe tant que la culture tolère

Figure

Tableau  2.  Équation  de  régression  logistique,  dose  d’équivalent  acide  à  l’hectare  pour  réduire de 50 % la biomasse sèche (DR 50 ) et facteur de résistance de la petite herbe à poux  en  fonction  de  la  dose  d’imazéthapyr
Figure  1.  Pourcentage  de  dommages  visuels  sur  la  petite  herbe  à  poux  en  fonction  de  la  dose  d’imazéthapyr  quatre  semaines  après  le  traitement  à  l’herbicide
Figure  2.  Biomasse  sèche  aérienne  de  la  petite  herbe  à  poux  en  fonction  de  la  dose  d’imazéthapyr  quatre  semaines  après  le  traitement  à  l’herbicide
Tableau 3. Nombre de producteurs ayant vu une augmentation des populations de petite  herbe à poux dans le champ où des semences ont été récoltées
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