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À propos de la filiation entre cybernétique et sciences cognitives. Une analyse critique de Aux origines des sciences cognitives de J.-P. Dupuy (1994)

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À propos de la filiation entre cybernétique et sciences

cognitives. Une analyse critique de Aux origines des

sciences cognitives de J.-P. Dupuy (1994)

Ronan Le Roux

To cite this version:

Ronan Le Roux. À propos de la filiation entre cybernétique et sciences cognitives. Une analyse critique de Aux origines des sciences cognitives de J.-P. Dupuy (1994). Bulletin d’histoire et d’épistémologie des sciences de la vie , Editions Kimé, 2015. �hal-01640833�

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À propos de la filiation entre cybernétique et sciences cognitives. Une

analyse critique de Aux origines des sciences cognitives de J.-P. Dupuy

(1994).

Résumé :

Visant à mettre en évidence une filiation entre les idées discutées par les « cybernéticiens » aux conférences Macy et les problématiques des sciences cognitives, Dupuy défend aussi une thèse réciproque : la « vraie » descendance légitime et authentique de la cybernétique, ce sont les sciences cognitives (plus précisément le courant connexionniste). L’article explicite cette thèse réciproque et les procédés par lesquels Dupuy essaye de construire une représentation de la cybernétique comme science cognitive en projet, à titre d’interprétation exclusive et de jugement de valeur sur son histoire. Dupuy caractérise la cybernétique par trois traits : son domaine serait la cognition, sa méthodologie la modélisation en réseaux de neurones, et sa visée épistémologique le physicalisme. Ces trois aspects sont liés au projet de Warren McCulloch, que Dupuy oppose à Norbert Wiener en essayant de marginaliser l’importance et les idées ce dernier. Ma critique se base sur une mise en évidence à la fois des contradictions internes à la démarche de Dupuy, mais aussi de la sélection des faits historiques opérée par sa mise en récit à fins de construction d’un mythe fondateur.

Dans le contexte d’un approfondissement des travaux sur l’histoire de la cybernétique à l’échelle internationale et de son retentissement hexagonal progressif, il n’est pas inutile de revenir sur l’ouvrage du philosophe Jean-Pierre Dupuy Aux origines des sciences cognitives, publié pour la première fois en 1994. D’une part, en raison du fait que ce livre a occupé un certain temps une place presque vide dans l’historiographie francophone (voire internationale) de la cybernétique, et d’autre part parce que le champ des sciences cognitives y est aussi intéressé au premier chef, dans la mesure où Dupuy n’y propose pas moins qu’un récit des origines, avec ce que ce type de démarche peut impliquer de construction et/ou prolongation d’un mythe fondateur, de rôle sociologiquement significatif – donner un sens autour duquel

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une communauté puisse se rassembler, construire une culture disciplinaire – et d’effet « rétroactif » par lequel un tel discours symboliquement structurant peut communiquer ses certitudes à d’autres champs – à commencer, notamment, par celui déjà mentionné de l’historiographie de la cybernétique...

L’ouvrage de Dupuy reprend, prolonge, corrige parfois un article de 1985 sur « L’essor de la première cybernétique »1. L’objet essentiel de ces travaux est de mettre en évidence une filiation entre les idées discutées par les « cybernéticiens » aux conférences Macy, et les problématiques des sciences cognitives. Cette thèse se veut contraignante, épistémologiquement mais aussi en quelque sorte « moralement », pour la culture disciplinaire des sciences cognitives, lesquelles, écrit Dupuy, « ont honte de leur ancêtre cybernétique »2. D’une façon un peu moins explicite, Dupuy va défendre une thèse réciproque : la « vraie » descendance légitime et authentique de la cybernétique, ce sont les sciences cognitives (et plus précisément le courant connexionniste). Cette thèse réciproque, elle aussi, présente des contraintes interprétatives, vis-à-vis cette fois des historiens de la cybernétique. Elle amène Dupuy à négliger, minimiser ou dévaloriser les autres aspects de la cybernétique, en en construisant une image depuis le champ des sciences cognitives (qui est celui dans lequel s’inscrit Dupuy). Le but de cette analyse est de mettre en évidence cette thèse réciproque, les procédés par lesquels Dupuy essaye de construire une représentation de la cybernétique comme science cognitive en projet, à titre d’interprétation exclusive. Il s’agit donc d’une analyse critique, puisque la démarche de Dupuy vise à restreindre les possibilités interprétatives, et qu’elle peut être démentie par une autre sélection des faits historiques. Pour faciliter la lecture, on indique directement dans le fil du texte les numéros de page de la deuxième édition (Paris, La Découverte, 1999)3.

La « thèse réciproque » est énoncée dans les premières pages de l’ouvrage : « édifier une science générale du fonctionnement de l’esprit » (p. 7), tel était « le projet proprement

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scientifique et philosophique de la cybernétique » (p. 12). Au chapitre 2, Dupuy propose un petit tableau rétrospectif de l’histoire des sciences cognitives, et de la tension, toujours actuelle, entre computationnalisme et connexionnisme. Si des figures historiques comme Minsky et Papert ont revendiqué que ces deux courants trouvaient leur origine dans la cybernétique, Dupuy ne s’occupe que de la filiation entre connexionnisme et cybernétique. Cette dernière est alors censée s’occuper de l’étude des propriétés fonctionnelles des réseaux de neurones formels. Plus loin, enfin, Dupuy défend plus explicitement un troisième point de vue sur la cybernétique : « La vérité est que le projet cybernétique se voulait l’apothéose de la physique, et ce projet, c’est encore McCulloch qui l’a le mieux exprimée » (pp. 87-88).

Ces trois traits par lesquels Dupuy caractérise la cybernétique (cognition, connexionnisme et physicalisme) sont surtout propres à la pensée scientifique de Warren McCulloch, neuropsychiatre et physiologiste, et l’un des principaux représentants du groupe cybernétique. Pourtant, les idées de McCulloch ne sont pas les seules à entrer en lice dans cet épisode historique.

LESDEUXARTICLESFONDATEURSDE 1943 COMMENTÉSPAR J.-P. DUPUY

Dupuy démarre son histoire en 1943, année qui voit la publication des deux articles généralement considérés comme fondateurs de la cybernétique4. Il semble, au départ, leur reconnaître une égale importance : « Ces deux textes ouvrent sur des programmes de recherche qui, réunis, définiront le projet de la cybernétique » (pp. 35-36). Ainsi, l’article de Wiener et alii contient-il des idées spécifiques, que Dupuy semble également admettre comme concepts fondamentaux de la cybernétique :

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À côté de ce qui allait s’appeler théorie de l’information, les problèmes de la défense anti-aérienne faisaient intervenir l’autre ingrédient de base de la future cybernétique : le concept de boucle de rétroaction (feedback), inhérent à toute régulation d’un système sur la base de l’écart observé entre son action effective (output) et le résultat projeté (but, goal). (p. 36)

On trouve donc, au départ du livre de Dupuy, d’un côté une égale reconnaissance de principe des deux articles fondateurs et des idées spécifiques à chacun, et de l’autre côté une caractérisation de la cybernétique sur la base exclusive des idées propres à McCulloch et à son article. Comment cette tension est-elle gérée par Dupuy ? Ce dernier va, par divers moyens, faire pencher la balance du second côté – aux dépens, donc, de l’importance des idées contenues dans le premier article. Celui-ci est commenté sur quelques pages au début du livre.

Tout cela est fort connu, mais l’examen de l’article réserve néanmoins quelques surprises au lecteur d’aujourd’hui. D’abord par la gaucherie de sa terminologie, qui résulte de ce que les catégories d’information, de communication, d’organisation, ne sont pas encore éclaircies. Le feedback est décrit comme un retour de l’énergie de l’output sur l’input : crime de lèse-cybernétique avant la lettre ! (p. 37)

Il est vrai que l’article sera critiqué, déjà à l’époque, pour son flou5. Mais, paraissant dans une revue philosophique, il n’a pas vocation à être opérationnel (c’est-à-dire à définir des concepts scientifiques à des fins d’utilisation pour la recherche scientifique), donc il n’y a pas lieu d’être surpris que lesdites notions ne soient pas éclaircies plus avant. La notion d’information n’est pas encore bien construite en 1943 (d’ailleurs, si quelqu’un est alors en mesure de le faire, c’est bien Wiener, ce qu’il fera dans les mois qui suivent ; le terme de « gaucherie » employé par Dupuy en devient, au minimum, anachronique). Remarquons également qu’il n’est pas faux que le feedback soit un retour d’énergie, et ce ne sera pas en contradiction avec ce que dira Wiener peu de temps après. Dans la suite de l’article, d’ailleurs, les auteurs parlent de « signals ». Étant donné le contexte, qui est celui de l’émergence de disciplines encore peu

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structurées (traitement du signal, automatique) on n’est pas vraiment dans une situation d’incohérence – pas au-delà, en tous cas, de ce qu’on peut attendre de l’instabilité normale d’explorations proto-disciplinaires. Poursuivons :

Mais surtout, l’ensemble dégage un parfum de behaviorisme qui ne laisse pas d’étonner, si l’on sait que de toutes les écoles de psychologie, ce fut celle avec laquelle la cybernétique daigna le moins dialoguer. L’article se donne comme premier objectif de « définir l’étude comportementale (behavioristic) des phénomènes naturels et de classer les comportements » (p. 37).

Là encore, l’opposition introduite par Dupuy est un peu artificielle. L’étude des transducteurs est similaire à la démarche comportementaliste : on définit le système par une fonction de transfert, sans s’occuper de sa structure « interne » ou de son « anatomie ». C’est la méthode de la boîte noire. Il y a donc une continuité méthodologique, en dépit des différences. Dupuy le reconnaît d’ailleurs :

Tout d’abord, il est indéniable que la première cybernétique considère ses objets d’étude comme des dispositifs transformant des messages d’entrée (input) en messages de sortie (output). (…) Ce qui empêche cependant l’approche préconisée par Wiener et ses compagnons de se réduire à un simple behaviorisme et de traiter ses objets selon le schéma stimulus-réponse, c’est précisément la notion de

feedback. (1985, 20)

Il faudrait préciser que « le schéma stimulus-réponse » et la transformation d’un input en

output sont une seule et même chose. C’est un schéma que l’on peut complexifier autant

qu’on veut, en ajoutant des boucles de feedback (par exemple pour rendre la sortie moins dépendante de l’entrée). En termes de modélisation, on est dans l’analyse des systèmes, qui peut être étendue en ajoutant des chapitres sur l’asservissement et la régulation (concepts que le behaviorisme historique n’a pas exploité). On peut ainsi comparer la relation entre

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cybernétique et behaviorisme à la relation entre géométrie non-euclidienne et géométrie classique : les cybernéticiens seraient des behavioristes qui auraient fait sauter l’axiome interdisant toute notion de téléologie. Qu’ils se retrouvent alors novateurs, dissidents ou « fâchés » avec les autres au point de ne pas les inviter à leurs conférences serait une conséquence sociologique prévisible, plutôt que paradoxale. Wiener est familiarisé avec la physiologie, Rosenblueth fait partie de ses « compagnons » ; quoi d’étonnant qu’ils soient marqués par un esprit behavioriste ? De ce point de vue, l’« insistance étrange sur la non prise en compte de l’organisation interne de l’objet » (1985, p. 20) n’a, par définition, rien d’étrange. Les auteurs parlent de comportement, cela ne veut pas dire qu’ils parlent de

psychologie comportementaliste. Ce que Dupuy laisse de côté, c’est que les auteurs sont un

mathématicien, un ingénieur et un physiologiste, et qu’il n’y a aucune raison de comprendre le terme de comportement du point de vue de la psychologie ; en revanche, et c’est là ce qui paraît déterminant, on peut parler du comportement d’une fonction mathématique, ou du comportement d’un système physique, d’une grandeur, etc. Abstraire les « comportements » de leur contexte spécifique (technologique ou biologique), et « classer les comportements » (Wiener et alii, p. 18), relève d’un entendement mathématicien. Dans son article de 1985, Dupuy écrit plus loin que

Le fait d’abstraire des formes des phénomènes et par là même de se rendre capable de repérer des isomorphismes entre phénomènes naturels différents est inhérent à la mathématisation d’un domaine d’études. La mécanique newtonienne ne procédait pas autrement. John von Neumann note que c’est là tout simplement ce que l’on nomme en mathématique la méthode axiomatique. (1985, 21)

Or c’est à propos de l’article de Pitts et McCulloch que von Neumann fait cette remarque, pas à propos de celui de Wiener et alii. On retrouve peut-être ici l’opposition que Steve Heims a soulignée entre Wiener et von Neumann6 : Wiener n’est pas du tout dans l’état d’esprit

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axiomatique, mais plutôt dans celui de l’analyste qui explore des fonctions et les regroupe en familles sur la base de certaines propriétés. Dupuy modifie son propos dans son livre de 1994 :

Le fait d’abstraire la forme des phénomènes, et, par-là même, de se rendre capable de repérer des isomorphismes entre domaines différents, c’est la démarche modélisatrice par excellence, c’est la démarche scientifique même. (p. 39)

Dupuy reconnaît donc complètement que l’orientation épistémologique de l’article de Wiener

et alii correspond à une pratique sensée et identifiable : le raisonnement par analogie, le fait

d’emprunter des schèmes à un domaine pour comprendre un autre domaine. Le projet de Wiener et alii n’est donc pas limité à l’étude du cerveau ou de l’esprit, pas plus qu’il n’a vocation à être une science au sens « disciplinaire » du terme. De fait, la plupart des exemples qu’on y trouve concernent la physiologie générale et l’éthologie. Et lorsque Wiener et Rosenblueth vont se retrouver régulièrement entre 1945 et 1950 pour collaborer à des problèmes de modélisation physiologique – et non écrire des articles de philosophie –, leur projet le plus important concernera le recours à la théorie des boucles d’asservissements pour modéliser l’arc réflexe du quadriceps du chat7 : un problème de physiologie posturale, et non de psychologie proto-cognitive.

Ces aspects spécifiques à l’article de Wiener et alii, qui ne concordent pas avec la « thèse réciproque » de Dupuy, vont être « oubliés » dans la suite de son analyse. Au moment de passer au commentaire du second article, celui de Pitts & McCulloch, Dupuy présente celui-ci comme une « radicalisation » du premier article (p. 42). En fait, Dupuy trouve hors de l’article de Wiener et alii un épisode à partir duquel il qualifie ses auteurs de « non mentalistes » et « éliminationnistes » (p. 41) : encore une fois, Dupuy ramène artificiellement les choses sur le terrain de la psychologie, de surcroît avec des étiquettes anachroniques empruntées aux

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sciences cognitives8. Une fois ces étiquettes appliquées, il peut mettre les auteurs sur le même plan que McCulloch et Pitts pour présenter ces derniers comme « plus radicaux » (au sens où les premiers nieraient l’existence de l’esprit tandis que les seconds en cherchent la base neurobiologique). Mais la question d’une radicalisation n’est pas l’essentiel ; elle est plutôt l’arbre qui cache la forêt, puisque c’est en fait à une assimilation que procède Dupuy :

La cybernétique, telle qu’elle se trouve anticipée dans l’article de [Wiener et alii], traite indéniablement ses objets d’étude comme des dispositifs transformant des messages d’entrée (input) en messages de sortie (output). C’est une définition que l’on trouvera encore en toutes lettres dans l’ouvrage tardif de Wiener,

God & Golem Inc. (1964). (…)

McCulloch, en vérité, introduit l’« approche comportementale des phénomènes naturels », chère à Wiener, Rosenblueth et Bigelow, à l’intérieur du cerveau. Certes, le « contenu » de cela même qui est capable de comportement est maintenant considéré comme justiciable d’une démarche scientifique, mais ce contenu se décrit lui-même en termes de comportements d’unités plus petites, à l’« intérieur » desquelles il n’est pas question de pénétrer et que l’on n’envisage que dans leur relation avec leur environnement, c’est-à-dire comme des opérateurs transformant des inputs en outputs : les neurones. Ce n’est donc pas d’opposition qu’il faut parler, mais bien de radicalisation puisque l’approche comportementale et communicationnelle est transposée à un niveau logique inférieur. (pp. 37, 42)

Le propos est clair : tout ce qui permettrait de définir la cybernétique dans le premier article serait de toute façon contenu dans le second. De surcroît, ce dernier serait plus légitime, puisque se situant « à un niveau logique inférieur », donc capable en principe de rendre compte des idées du premier par dérivation. Cette manœuvre aurait alors pour résultat que toute autre spécificité du premier article apparaîtrait alors comme inessentielle, secondaire, facilement dévalorisable. Est-ce vraiment suffisant, comme semble le croire Dupuy, pour réduire le schématisme de la boucle de rétroaction (tel qu’il s’annonce dans le premier article) au connexionnisme (qui s’annonce dans le second) ? Cette question nous paraît éludée plus

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que réglée par Dupuy. C’est faire l’impasse sur un problème pourtant non négligeable : celui de l’articulation entre approches descendantes (top-down) et approches ascendantes

(bottom-up). Si l’approche par les neurones formels relève de la seconde, celle de Wiener,

fonctionnaliste, se rattache à la première : il s’agit de partir des fonctions « naturelles » pour les simuler par un montage asservi, via une représentation mathématique, alors que l’approche ascendante commence par se donner des briques élémentaires à partir desquelles on se demande quelles fonctions leurs diverses combinaisons sont capables de (re)produire. Ces deux approches prennent le problème par un bout opposé, et les ingénieurs savent qu’elles ne sont pas équivalentes. La teleology n’est donc pas soluble dans l’article de McCulloch et Pitts. On ne trouve donc dans le texte de Dupuy aucun argument susceptible de justifier un amoindrissement de l’importance de l’article de Wiener et alii par rapport à celui de McCulloch et Pitts. On dirait surtout que Dupuy lit l’article « Behavior, Purpose and Teleology » avec une grille de lecture préconçue et inadaptée, qui l’amène à feindre la surprise et à faire passer l’article, selon ses termes, pour « étonnant », « étrange », « frappant », « paradoxal », autrement dit inapte à ou indigne d’être pris pour source de sens, pour criterium de référence9 (au contraire, bien sûr, de l’autre article). Dès le début de son ouvrage, avec la comparaison des deux articles de 1943, Dupuy s’attache à situer le centre de gravité de la cybernétique du côté du connexionnisme, et donc à la caractériser par un certain schématisme (modélisation des réseaux de neurones) et par un domaine d’objets (les rapports entre cerveau et esprit). Ce déplacement de la pondération amène en fait à ne plus accorder d’importance au schématisme initial (le feedback d’information), en décrétant qu’il est réductible au connexionnisme, et à river la cybernétique à un domaine spécifique, en tenant au mieux pour secondaire le fait que les modèles puissent avoir un domaine de pertinence qui ne soit pas limité ou circonscrit par avance. C’est donc en fait tout le potentiel de l’article de

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Wiener et alii qui est dévalorisé au profit de l’article de Pitts & McCulloch. Dupuy cherche à sécuriser son interprétation au niveau des articles fondateurs.

Certes, en principe, Dupuy reconnaît bien que la cybernétique n’est pas uniquement l’ancêtre des sciences cognitives :

(…) la prolifique cybernétique a eu bien d’autres rejetons que les sciences cognitives ; les membres de la fratrie sont si dissemblables entre eux qu’on ne saurait leur trouver un air de famille : ils ne se reconnaissent même pas entre eux. On a oublié que la cybernétique, dans ses beaux jours, suscita les plus grands enthousiasmes et les plus folles espérances. Son projet théorique, idéologique et technique a façonné notre époque comme nul autre. Il ne faut donc pas s’étonner que sa lignée soit nombreuse et variée. Elle aura, en vrac et sans souci d’exhaustivité : introduit la conceptualisation et le formalisme logico-mathématique dans les sciences du cerveau et du système nerveux ; conçu l’organisation des machines à traiter l’information et jeté les fondements de l’intelligence artificielle ; produit la « métascience » des systèmes, laquelle a laissé son empreinte sur l’ensemble des sciences humaines et sociales, de la thérapie familiale à l’anthropologie culturelle ; fortement inspiré des innovations conceptuelles en économie, recherche opérationnelle, théorie de la décision et du choix rationnel, théorie des jeux, sociologie, sciences du politique et bien d’autres disciplines ; fourni à point nommé à plusieurs « révolutions scientifiques » du XXe siècle, très diverses puisqu’elles vont de la biologie moléculaire à la

relecture de Freud par Lacan, les métaphores dont elles avaient besoin pour marquer leur rupture par rapport à des paradigmes établis. (pp. 34-35)

Cette généalogie apparemment généreuse va en fait être minimisée par rapport à la filiation aux sciences cognitives. Dupuy confirme dans son ouvrage la thèse de son article de 1985, selon laquelle la cybernétique est un projet de « science générale du fonctionnement de l’esprit » (p. 7), sur la base de concepts dont la diffusion dans d’autres domaines est systématiquement qualifiée d’usage de « métaphores ». Ainsi, les « isomorphismes » qui étaient pourtant reconnus par Dupuy comme forme canonique du raisonnement scientifique

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sont devenus de simples métaphores. De façon paradoxale, la liste énumérée ci-dessus est finalement présentée comme une série d’« échecs » et de « rendez-vous ratés » (p. 157). Que faut-il comprendre ? Le propos de Dupuy est-il que la cybernétique aurait pu être « une science des analogies maîtrisées entre machines et organismes » (p. 42), sous la figure tutélaire de Wiener, mais que cette cybernétique-là n’a produit que des métaphores, si bien qu’il ne faut plus considérer que l’autre cybernétique, correspondant à un projet de science cognitive et représentée par McCulloch ? C’est bien ce qu’il semble écrire : « Nul doute que si beaucoup se méprennent sur la nature philosophique de la cybernétique, c’est parce qu’ils s’arrêtent au discours de Wiener, sans voir qu’il est en contradiction avec l’œuvre scientifique effectivement accomplie ». (p. 119) On a l’impression que le critère de Dupuy est rétrospectif : il faut définir la cybernétique après-coup, en fonction de sa « version » qui aurait (soi-disant) le mieux « marché ». Or, si c’est bien un critère rétrospectif qui prévaut, la démarche consistant à remonter aux sources (conférences Macy et articles de 1943), qui est celle de Dupuy, ne saurait alors faire foi pour définir la « vraie » cybernétique. Il faudrait au contraire travailler sur les corpus « en aval » : travail considérable qui, pour autant qu’il ait été esquissé10, ne paraît pas pouvoir confirmer qu’une définition rétrospective de la cybernétique s’accorderait à celle voulue par Dupuy. Celui-ci a effectué une « analyse de contenu » sur les actes des conférences Macy ; a-t-il fait de même avec les corpus qui lui permettraient seuls de conclure à l’« échec » ou aux « rendez-vous manqués » ? Un coup d’œil à la diffusion historique des modèles de rétroaction dans diverses disciplines (en biologie ou en sciences sociales) indique l’existence d’une « œuvre scientifique accomplie » qui, loin d’être en contradiction avec la vision de Wiener, est en continuité avec celle-ci, voire en incarne la fécondité de la façon la plus opérationnelle11.

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Il y a donc un vice de procédure si le critère de définition rétrospective est retenu ; mais en pratique, il ne l’est pas, puisque c’est aux sources que Dupuy va essayer de parvenir à ses fins, en interrogeant les textes fondateurs.

LES « CONFÉRENCES MACY » ETLAFIGUREDE WARREN MCCULLOCH

En plus des deux articles de 1943, c’est dans les actes des conférences Macy que Dupuy veut asseoir son interprétation. D’une part, il tire argument de la composition sociologique des participants aux conférences. Puisqu’il y avait une quinzaine de psychologues, et seulement une dizaine tout au plus de biologistes assistant aux conférences, cela permettrait en tant que

tel de faire pencher la balance de façon décisive :

Dans sa sécheresse comptable, ce tableau suffit à nous donner une indication précieuse. Contrairement à une certaine image que la cybernétique a donnée d’elle-même, ce n’est pas tant aux sciences de la vie qu’elle s’est affrontée, pour puiser en elle son inspiration, pour les révolutionner ou les conquérir. Cette image a sans aucun doute été forgée par la pratique systématique et tous azimuts des analogies entre organismes et machines auxquelles Wiener et ses disciples se livraient. Non, l’interlocuteur premier, c’étaient les sciences de l’esprit. (p. 75)

D’autre part, Dupuy souligne la primauté de McCulloch, « le véritable artisan des conférences Macy » (p. 10). C’est le vecteur le plus explicite de la « thèse réciproque » : le fait que McCulloch « domine » les conférences Macy tient lieu d’argument pour caractériser la cybernétique comme projet de science cognitive proto-connexionniste en négligeant les autres aspects. Dupuy voit deux manières de mettre en évidence cette domination : premièrement, c’est McCulloch qui propose d’organiser les conférences Macy12. Or ce rôle est justement à

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questionner. La présence importante de psychologues à ces réunions n’est pas le reflet d’une définition pure et canonique de la cybernétique qu’on trouverait dans le ciel des Idées. Le principal organisateur des conférences, et représentant de la Fondation Macy, le docteur Frank Fremont-Smith, a contribué, avec notamment deux autres participants aux conférences (l’ex-vice-président de la Fondation, Lawrence Frank, et l’anthropologue Margaret Mead), à mettre en place la World Federation for Mental Health en 1948, dont le but était de promouvoir un usage de la psychiatrie et des sciences sociales à des fins de pacification planétaire (anticommuniste). Heims a montré que le cycle de conférences caressait l’espoir d’enrôler des représentants des sciences humaines dans cette cause13. McCulloch, peu en phase avec les vues de la WFMH, avait néanmoins un rôle hautement déterminant dans le premier niveau de recrutement, celui des invitations aux conférences14. Le grand nombre de psychologues invités aux conférences résultait donc d’une initiative primitivement idéologique ; dans ce contexte, qui ne dépendait pas de lui, McCulloch avait certainement le loisir de faire un tri, et cette représentation importante reflétait probablement ses intérêts scientifiques directs, puisqu’il pouvait privilégier la présence d’interlocuteurs en rapport avec sa problématique de naturalisation de la pensée. La proportion de psychologues ne me paraît donc pas avoir de valeur représentative essentielle sur le plan épistémologique, au sens où, comme le fait Dupuy, on pourrait en induire des conclusions générales sur la nature de la cybernétique. Deuxièmement, Dupuy procède à une analyse de contenu des actes des conférences Macy manifestant que les « unités de discussion » relatives aux thèmes apparentés à McCulloch sont majoritaires par rapport à celles relatives aux thèmes apparentés à Wiener.

La reconnaissance de l’importance de McCulloch est d’abord présentée comme un hommage rétrospectif, une réhabilitation dans la mémoire disciplinaire des sciences cognitives, mais aussi dans l’histoire de la cybernétique :

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[Lorsque Steve Heims attribue la stabilité du groupe cybernétique] à l’influence « dominante » de Wiener, n’est-ce pas là, une fois de plus, un effet de la vieille injustice commise à l’égard de McCulloch, qui fait que seul le nom de Wiener reste attaché au projet cybernétique (…) ? (p. 72)

Plus qu’une « simple » réhabilitation, « remettre au premier plan la figure de Warren McCulloch » (p. 119) passe par une comparaison avec la figure de Wiener, comparaison que l’on peut, pourquoi pas, tenir pour « décisive pour qui veut comprendre ce que fut le projet de la cybernétique » (p. 72). Que McCulloch ait eu « une influence pas moindre » (p. 77), c’est possible, mais la démarche consiste surtout à dévaloriser Wiener. Dupuy réitère ad hominem sa comparaison des articles de 1943. La contribution de Wiener à la cybernétique y apparaît comme superficielle, réduite à de la « com’ » : le mathématicien « a donné son nom à la cybernétique, et il a façonné son image de marque par des livres qui eurent la faveur du grand public (…). Il a aussi fixé son vocabulaire de base (…) et contribué à lui donner un certain style (…) » (p. 116). La contribution de Wiener est discréditée par Dupuy sous deux angles : premièrement, en tant que « pratique systématique et tous azimuts des analogies entre organismes et machines à laquelle Wiener et ses disciples se livraient » (p. 75). Cette pratique est d’abord « science des analogies maîtrisées entre organisme et machines » (p. 42) ; ce sont les « analogies wienériennes » (p. 44), des « analogies "à la Wiener" » (p. 77) ; puis la maîtrise disparaît au profit d’une pratique « tous azimuts », finalement abusive : « Autant Wiener était brouillon dans son travail de penseur, abusant des métaphores et des analogies, autant McCulloch fut rigoureux dans la poursuite obstinée de sa quête philosophique » (p. 117). Deuxièmement, cette « cybernétique de Wiener et Rosenblueth » (pp. 41, 69) est présentée comme un avatar trompeur de la « vraie » cybernétique, selon une distinction aux accents platoniciens : « la question qui nous intéresse est : cette image correspond-elle à la réalité de la première cybernétique, telle qu’elle se manifeste lors des conférences Macy ? » (p. 80). Il y aurait l’image, créée par Wiener à l’attention de ses « disciples » et du grand

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public, et la réalité que Dupuy restitue, rétablissant ainsi la vérité : « la vérité, c’est que le projet cybernétique se voulait l’apothéose de la physique, et cette vérité, c’est encore McCulloch qui l’a le mieux exprimée » (pp. 87-88). Avec la vérité vient la « justice » (p. 59), c’est-à-dire la reconnaissance de la prédominance de McCulloch. « Toute histoire sérieuse de la cybernétique, écrit Dupuy, se doit d’abord de rétablir l’équilibre entre les deux hommes, surtout si elle se fonde, comme c’est le cas ici, sur l’étude des conférences Macy (…) » (p. 117). On voit bien pourtant que Dupuy s’évertue à renverser cet équilibre, plutôt que le rétablir. Il n’y a pas l’interprétation de Dupuy face à d’autres interprétations possibles, il y a « la vérité » à rétablir face à l’illusion et l’injustice. Certes, Dupuy reconnaît des « lignes de clivage » (p. 131), mais refuse d’y voir autant d’interprétations possibles de l’histoire de la cybernétique.

Le tableau d’ensemble peint par Dupuy est structuré par un jugement de valeur. Celui-ci fait de la dichotomie de filiation entre sciences cognitives et autres domaines un décalque de l’opposition de style entre McCulloch et Wiener : au premier correspondrait la « vraie » cybernétique, ancêtre des sciences cognitives, au second l’usage et la diffusion de « métaphores ». Ce point de vue implique de considérer que les concepts de la cybernétique (feedback, message) étaient initialement et prioritairement (voire exclusivement) destinés à une science de l’esprit, ce qui nous paraît d’autant plus faux que c’est Wiener qui les a introduits dans le groupe cybernétique, et qu’il leur envisageait une extension plus large. Afin de contourner ce problème, esquivé dans son commentaire des articles de 1943, Dupuy définit la cybernétique par le groupe des conférences Macy : « tout groupe de ce genre, pour affirmer son identité, doit se donner un nom de code. Dans le cas présent, ce fut "cybernétique" » (p. 7). Il y a une solidarité logique dans les choix de Dupuy : la cybernétique est un projet de science de l’esprit, McCulloch en est le principal représentant, le groupe des conférences Macy en est la base ou le substrat. Ce système de choix est consistant, il repose

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sur le postulat que le corpus représentatif de la cybernétique est constitué par les actes des conférences Macy. Dupuy donne très brièvement deux explications pour justifier ce postulat. La première (p. 68) considère que les conférences suppléent au centre de recherches qui n’a jamais vu le jour, les acteurs étant restés dispersés. C’est un argument qui suppose un déterminisme sociologique – dont se défend pourtant Dupuy – puisqu’il implique que les idées les plus importantes, le contenu intellectuel de référence, sont nécessairement à chercher là où le groupe est considéré le plus complet ou représentatif. La deuxième explication ressemble plutôt à une profession de foi :

Comme le note von Foerster, le fait que ces Actes soient devenus depuis longtemps difficiles à consulter [« introuvables », dans la version de 1985] a puissamment contribué à donner aux conférences Macy le caractère d’un mythe fondateur. (p. 71)

Tout est dit : si les actes des conférences Macy sont la référence absolue, c’est parce que leur absence a fait fantasmer, et qu’il faut que la Vérité manquante soit plus vraie que la vérité de ce qu’on a sous la main15. Un postulat différent, qui attribuerait la priorité à Wiener parce que c’est ce dernier qui a proposé le mot « cybernétique », est-il plus arbitraire ? On peut en effet proposer une autre construction, à consistance logique équivalente. Pourtant, le choix d’une grille de lecture au détriment d’une autre n’est pas complètement arbitraire, car d’autres facteurs que la consistance logique pèsent dans la balance. En effet, le fil logique de Dupuy, cherchant à marginaliser Wiener au profit de McCulloch, l’amène à occuper une position qui paraît intenable. Par divers procédés, Dupuy essaye de gérer les points qui ne cadrent pas avec son interprétation. D’après celle-ci, les « vrais » cybernéticiens sont physicalistes ; ils considèrent la psychologie comme un « continent à conquérir », et la psychanalyse comme « un obstacle à balayer ». Il est évident que Dupuy est gêné par la figure de Wiener, qui ne correspond alors pas au profil du « vrai » cybernéticien (calqué, évidemment, sur

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McCulloch) : Wiener n’est pas réductionniste, il reconnaît la validité de la psychanalyse, il réfléchit à des domaines d’application qui ne concernent pas la cognition. Naturellement confronté à l’impossibilité évidente de l’exclure du groupe des « vrais » cybernéticiens, Dupuy, au lieu de relativiser son interprétation, attribue à Wiener le statut d’« exception » : « dans le groupe des cybernéticiens et de leurs amis, Wiener était sans doute une exception » (124). Il ne paraît pas anormal que toute règle rencontre des exceptions, mais faire de Wiener une exception dans l’histoire de la cybernétique, par opposition à d’autres qui en constitueraient le visage typique et homogène, voilà qui frise le contresens et signale sans aucun doute la limite atteinte par la grille de lecture de Dupuy.

Lui-même, en pratique, ne se tient pas au caractère contraignant de sa « thèse réciproque » ; lorsqu’il écrit, par exemple, page 56 :

Il y a une profonde communauté d’esprit entre la modélisation cybernétique et la modélisation en économie mathématique, et l’on ne s’étonne donc pas que les nombreux avatars de la première (théorie des systèmes, recherche opérationnelle, théorie du contrôle optimal, théorie de la décision, etc.) aient procuré à la seconde maints de ses outils.

il fait revenir par la fenêtre ce qu’il a chassé par la porte : un schématisme qui n’a pas pour seul terrain d’application la cognition ; qui se présente comme une forme de modélisation et non comme une science ; qui n’est pas une simple métaphore puisqu’il trouve des applications opérationnelles ; qui s’est donc avéré occasionnellement fructueux au lieu d’être un échec ou un rendez-vous manqué ; et qui trouve sa définition première dans l’article de Wiener et alii, et non dans celui de McCulloch et Pitts.

On ne voit donc aucune raison de se priver de tenir ce second aspect comme une définition tout à fait valable de la cybernétique, et, en tous cas, les arguments fournis par Dupuy n’y suffisent certainement pas. Récapitulons-les :

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- tentative d’assimilation de la cybernétique au connexionnisme par réduction de l’un à l’autre des articles fondateurs de 1943. Or, cette tentative repose sur une assimilation abusive (car réciproque) des transducteurs et des neurones formels : les seconds peuvent être considérés comme des premiers, mais tous les premiers ne peuvent être représentés par les seconds ; - « domination » de McCulloch aux conférences Macy, par rapport à Wiener, qui justifierait de considérer la « vraie » cybernétique comme un projet de science cognitive, et cela seulement ou principalement. Or, aucun argument n’est fourni pour faire des actes des conférences Macy le corpus unique ou simplement privilégié à partir duquel comprendre ce qu’est la cybernétique.

- dévalorisation « en aval » des autres filiations de la cybernétique. Or le critère de définition rétrospective de la cybernétique n’est pas fondé. Quand bien même il le serait, il n’est pas respecté par Dupuy, et ne peut donc peser dans la balance : Dupuy n’analyse que des corpus fondateurs, et les « échecs » et autres « rendez-vous manqués » sont seulement affirmés sans être démontrés.

Si son interprétation possède une certaine cohérence dans ces trois choix, une interprétation alternative se doit alors d’être au moins aussi systématique. De tels éléments existent :

- L’engagement de Wiener dans un travail de modélisation physiologique fut effectif (et non une simple collection de métaphores) et sur le long terme (et non une récréation fortuite ou un divertissement de mathématicien).

- La démarche de Wiener est intégrative, ce qui implique que le cerveau n’est qu’un maillon d’une chaîne, et non un objet d’étude exclusif, ni même central16. Ce point de vue est tout aussi valable pour les schématismes concernés : un réseau de « neurones », en tant que système de calcul ou traitement logique de l’information, n’est qu’un élément possible d’un système bouclé inséré dans son environnement. Le schématisme de la boucle de rétroaction contient donc (éventuellement, mais pas nécessairement) le schématisme du réseau logique,

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ou, si l’on peut l’exprimer ainsi, le point de vue de Wiener comprend celui de McCulloch, mais l’inverse n’est pas vrai. McCulloch reconnaît lui-même explicitement cette primauté :

…it was not some particular physical thing such as energy or length or voltage, but only information (conveyed by any means) as the outcome of one’s previous act that, for example, a pilot needed to fly its destination. This I take to be the crucial and the central notion of cybernetics.17

Ensuite, si McCulloch a été la figure dominante des conférences Macy, celles-ci n’ont pas lieu de représenter le corpus canonique de la cybernétique, d’autant moins que cette série de conférences n’est qu’une suite donnée à des initiatives de rencontres interdisciplinaires dans lesquelles Wiener et Rosenblueth ont eu un rôle leader : le Cerebral Inhibition Meeting, et la

Teleological Society.18

Enfin, quand au prétendu « physicalisme » des cybernéticiens, il s’agit là d’un qualificatif qui ne prête pas réellement à conséquence. Dupuy reconnaît qu’« il n’y avait aucun physicien professionnel chez les cybernéticiens » (p. 76). D’après lui, le discours sur l’interdisciplinarité et l’unification des sciences était rhétorique, et le physicalisme des cybernéticiens s’y opposait en vérité (pp. 79-85). Or, les soi-disant physicalistes les plus radicaux n’étant pas physiciens, il se peut très bien que ce « physicalisme » soit tout aussi rhétorique : « une physique pour le moins singulière », admet lui-même Dupuy (p. 76). Le physicalisme de Wiener, quant à lui, était essentiellement méthodologique, et peut surtout se ramener à une promotion généralisée des méthodes stochastiques, elle-même liée à une cosmologie philosophique axée sur la contingence des événements et l’irréversibilité du temps.

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Le contrat de base de l’entreprise de Dupuy (réhabilitation de McCulloch et de la filiation entre cybernétique et science cognitives) est légitime et intéressant, mais on ne voit pas pourquoi il nécessiterait de se poser en interprétation exclusive au détriment des autres aspects de la cybernétique (en déboulonnant la statue de Wiener au passage). Peut-être les jugements de valeur correspondants tiennent-ils au contexte initial du travail de Dupuy :

Cette recherche s’inscrit dans le cadre des travaux menés par CREA de l’École Polytechnique pour le compte du programme Science-Technique-Société du CNRS, sur l’histoire de théories de l’auto-organisation, dont j’ai déjà dit qu’elles ont contribué à porter le flambeau de la cybernétique, alors même que celle-ci semblait définitivement vaincue par l’Intelligence artificielle. Il est probablement honnête de préciser qu’il s’agit pour nous d’un pèlerinage aux sources, puisque les thèmes, modèles et concepts de l’auto-organisation ont largement contribué à façonner l’identité de notre groupe de recherche.19

Bien souvent, rechercher une filiation pour « façonner son identité » amène à exclure la partie de l’héritage dans laquelle on ne se reconnaît pas. Dupuy répète donc un geste qu’il entendait initialement dénoncer (celui d’une exclusion), par quoi l’effet de vérité qu’il revendique revient seulement à un déplacement de focale – avec les déformations qui l’accompagnent. Son recours à une métaphore psychanalytique joue finalement à ses dépens : en prétendant exhiber une part prétendument refoulée (car ce n’est même pas le cas) de la « mémoire collective » des sciences cognitives, Dupuy confond la méthode psychanalytique avec ses avatars du café du commerce ; car en creusant le passé, on ne remonte jamais au traumatisme initial ou à l’Urverdrängt freudien, ce refoulé originaire forclos, mais seulement à une mise en scène, un réarrangement de la scène primitive : le fantasme. Les sciences cognitives n’ont pas besoin de père symbolique, que ce soit McCulloch ou Wiener, et encore moins d’un père unique.

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Un événement majeur dans l’histoire de ce champ fut la critique des recherches de type connexionniste, représentées en particulier par les modèles « perceptron » de Franck Rosenblatt, au profit de modèles computationnalistes « symboliques » et séquentiels. Il est largement reconnu, à commencer par les acteurs eux-mêmes, qui l’ont revendiqué, que l’argumentation de Minsky était « militante » plus qu’épistémologique21. Ses critères et sa façon de définir la cybernétique doivent donc être au minimum interrogés. Le fait qu’il lie la référence cybernétique au connexionnisme n’est vraisemblablement pas innocente, et ce lien n’est donc peut-être pas naturel ou évident. Quant au fait qu’il considère la cybernétique comme une science ou discipline, on peut tout aussi raisonnablement supposer que le détournement de la corne d’abondance au profit de l’IA symbolique pouvait bénéficier d’un poids supplémentaire auprès d’administrateurs qui n’ont pas forcément la patience et la compétence pour débrouiller l’enchevêtrement de différentes entités épistémologiques – enchevêtrement suffisamment subtil et complexe pour que la cartographie du domaine semble constituer en tant que tel un exercice-type pour ses représentants. Autrement dit : il pouvait être stratégiquement payant de présenter l’IA symbolique comme une science (ou discipline), la « bonne » science par contraste avec une « mauvaise » science, et comme une science nouvelle par contraste avec une ancêtre désuète. Avec plus ou moins de raison et de bonne foi, c’est la cybernétique qui s’est vue assimilée à la science mauvaise et / ou périmée. Cette distribution des cartes devrait donc être remise en question, au lieu que d’être prise pour allant de soi. Bien qu’il se dise en désaccord avec le verdict de Minsky, Dupuy ne semble pas remettre en question la répartition des références opérée voici quarante ans. Remplacer un escamotage par un autre n’est une solution que partiellement satisfaisante, en ce qu’elle ne démystifie ici que pour re-mystifier là.

L’ouvrage de Dupuy paraît en plein contexte d’essoufflement du paradigme computationnaliste au profit du (néo-)connexionnisme. Pour les représentants de

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l’auto-organisation, il s’agit de s’affirmer en position de force à l’occasion de ce changement de paradigme, tant vis-à-vis des computationnalistes que des néo-connexionnistes. L’ouvrage a ainsi pour fonction implicite de réécrire l’histoire du champ sous un angle propice à la nouvelle donne, tout en y recueillant au passage un capital symbolique légitimé par la filiation (sur la base de l’argument « négliger cette filiation, c’est reproduire les erreurs du passé », argument qui permet de revendiquer paradoxalement par l’histoire une « avance » philosophique par rapport aux connexionnistes amnésiques – avance philosophique qui n’est généralement pas sans importance institutionnelle pour l’obtention de crédits). Il s’agit avec ce livre de définir un connexionnisme « canal historique ». La réécriture de l’histoire qui s’ensuit est une réappropriation, avec tout ce qu’elle peut apporter de catharsis disciplinaire et son lot de règlements de comptes. S’il n’y avait que ça, ce serait la loi du genre. Mais ce jeu déborde de l’histoire des sciences cognitives dès lors qu’il tord au passage l’histoire de la cybernétique.

La démarche de Dupuy étant motivée par des enjeux liés à la mémoire disciplinaire, il y va de son rapport au groupe, dont l’existence est en général liée à un « mythe fondateur ». D’où le besoin de passionner davantage l’histoire qu’il nous relate : dans sa « mise en scène » (1985, p. 18) des conférences Macy, il anime les personnages de diverses tonalités affectives : ceux-ci « explosent » de rage (pp. 40, 86, 164), « martèlent » (p. 80), tombent sous le charme (p. 149), sont « abasourdis » (p. 169), ménagent des effets de « comique » (p. 86), de « choc » (pp. 130, 167, 168), de drame (le « rendez-vous manqué », Bateson « pas dans le coup », p. 89, le sang de McCulloch qui ne fait qu’un tour, p. 132). Bien entendu, les actes des conférences Macy ne contiennent aucune didascalie ; leur coloration affective n’est donc à trouver nulle part ailleurs que dans l’imagination narrative de Dupuy. Enfin, on l’a déjà dit, bien qu’il revendique une historiographie internaliste, son critère de construction du corpus, et donc sa pondération de la valeur des contenus à privilégier, ne repose pas sur une mise en

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perspective de ces contenus avec d’autres corpus, mais sur le fait que les conférences auraient constitué le seul et véritable « centre » de rencontre des différents protagonistes : en fait d’internalisme, le critère ultime est sociologique, c’est le groupe qui prime dans l’ordonnancement des références, la construction de l’interprétation et de la narrativité historique.

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1 – DUPUY, 1985.

2 – La filiation est défendue par Dupuy sur un plan strictement intellectuel, et non historique : il veut montrer que les concepts et problématiques des néo-connexionnistes existaient déjà en partie dans le milieu de la cybernétique. Pourtant, la filiation historique est aussi attestée : il y a bien eu une continuité, une transmission, des seconds aux premiers. On en trouve le récit, par exemple, dans l’ouvrage d’un éminent représentant en la matière, Michael A. Arbib, lequel

incarne cette continuité (cf. ARBIB, 1987, ch. 1). Voir encore : BECHTEL & ABRAHAMSEN, 1993, ch.

1.

3 – Et réciproquement : les numéros de pages donnés entre parenthèses dans le texte sans précision de date renvoient tous à l’ouvrage Aux origines des sciences cognitives.

4 – ROSENBLUETH, WIENER & BIGELOW, 1943 ; MCCULLOCH et PITTS, 1943. On désignera le premier par

« Wiener et alii », dans la mesure où la figure de Wiener est impliquée de façon privilégiée par Dupuy dans la mise à l’écart des idées de cet article.

5 – Pour un compte-rendu des débats, voir par exemple KAY, 2000, p. 83.

6 – HEIMS, 1980.

7 – ROSENBLUETH et alii, 1985.

8 – Et encore, étiquettes qui homogénéisent faussement les trois auteurs, puisque Wiener n’est certainement pas « non mentaliste ». On ne voit pas bien pourquoi, le cas échéant, il aurait écrit une autobiographie en deux volumes si riche en détails psychologiques, ni pourquoi il aurait accordé un intérêt jamais démenti à la psychanalyse.

9 – Bien que Dupuy annonce une mise en garde contre toute lecture rétrospective, il y cède volontiers sur ce point : « Le lecteur d’aujourd’hui est frappé par le ton behavioriste de l’article de 1943. L’insistance de celui-ci à ne pas prendre en compte l’organisation interne de l’objet a de quoi surprendre tous ceux qui ne connaîtraient de la cybernétique que sa seconde phase, inaugurée par les travaux de von Foerster et de Ross Ashby, culminant dans les théories de l’organisation biologique de Humberto Maturana et de Francisco Varela. L’accent est au

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contraire mis sur la cohérence interne et l’"autonomie" de l’objet, organisme ou machine complexe, et l’on va même jusqu’à réduire ses relations avec son environnement à de simples perturbations, en aucun cas porteuses d’information » (p. 38). Le « lecteur d’aujourd’hui », dans la mesure où il ne s’identifierait pas à Jean-Pierre Dupuy, peut-il espérer avoir la latitude de lire l’article de 1943 avec d’autres lunettes que celles des héritiers regroupés autour du label de l’« auto-organisation » ?

10 – cf. LE ROUX, à paraître.

11 – Ironiquement, l’une des premières applications de la théorie du feedback dans le domaine économique est le fait de... Herbert Simon, qui se revendique explicitement de la cybernétique de Wiener à laquelle il entend contribuer (SIMON, 1950) ; on est alors dans les années précédant le

tournant de 1956...

12 – DUPUY, 1999, pp. 67, 117. D’après HEIMS, 1980, p. 468.

13 – HEIMS, 1991, ch. 7.

14 – ibid, p. 51.

15 – Et d’un point de vue sociologique, il est bien évident que le capital symbolique du commentateur croît avec l’importance qu’il parvient à donner au document rare dont il se fait l’exégète.

16 – Dans un texte publié peu de temps avant sa mort, dans lequel Wiener fut invité à faire de la « prospective » scientifique, il écrit en effet que « For short-time phenomena we shall still have to emphasise the neural network, as far as its connections at any given time go, as the basis of sensation, motor action and reflexes. Still, we cannot treat it as if it were a computing machine network fixed for all time, and we shall have to consider the interplay of (…) “dry” neurophysiology,dealing with the established nervous network, and “wet” neurophysiology, which is going to centre more and more about the nucleic acids » (WIENER, 1964, p. 212).

17 – McCulloch, cité par SEGAL (2001). Les occurrences du mot « cybernétique » dans le recueil

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étant, comme son nom peut inciter à le supposer, grand amateur de whisky) : MCCULLOCH, 1988,

pp. 158-159 ; 194 ; 228 ; 365. Dupuy ne cite que celle de la page 163 (« Cybernetics has helped us to pull down the wall between the great world of physics and the ghetto of the mind »), laquelle est donc à prendre avec des pincettes.

18 – La Teleological Society rassemble une dizaine de membres à Princeton les 6 et 7 janvier 1945 (CONWAY & SPIEGELMAN, 2005, pp. 146-147) ; « This meeting I may consider the birthplace of the

new science of cybernetics (…) » (WIENER, 1956, p. 269).

19 – DUPUY 1985, pp. 17-18.

21 – Seymour Papert écrit par exemple : « Il était une fois deux sciences filles qui naquirent de la nouvelle science de la cybernétique. (…) Chacune des sciences sœurs tentait de construire des modèles de l’intelligence, mais à partir de matériaux différents. La sœur naturelle construisait des modèles (appelés des réseaux neuronaux) à partir de neurones mathématiquement purifiés. La sœur artificielle construisait ses modèles à partir de programmes d’ordinateurs. (…) Elles s’entendaient très bien. Mais leurs relations changèrent dans le début des années soixante quand un nouveau monarque apparut, dont les coffres étaient les plus grands jamais vus dans le royaume des sciences : le seigneur DARPA, l’agence des projets de recherche de pointe pour le département de la Défense. La sœur artificielle devint jalouse et se résolut à garder pour elle l’accès aux fonds de recherche du seigneur DARPA. La sœur naturelle devait disparaître. Le sanglant travail fut entrepris par deux partisans dévoués de la sœur artificielle, Marvin Minsky et Seymour Papert (…) » (PAPERT, 1988, p. 3). Voir aussi OLAZARAN (1996), et le propos de M.-P.

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