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Les femmes et la politique : les attitudes de gauche des 16-34 ans en milieu urbain

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16-34 ans en milieu urbain

Mariette Sineau, Janine Mossuz-Lavau

To cite this version:

Mariette Sineau, Janine Mossuz-Lavau. Les femmes et la politique : les attitudes de gauche des 16-34 ans en milieu urbain. Revue Francaise de Science Politique, Fondation Nationale des Sciences Politiques, 1976, 26 (5), pp.929 - 956. �hal-01005473v2�

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Les attitudes de gauche des 16-34 ans en milieu urbain

JANINE MOSSUZ-LAVAU MARIETTE SINEAU

LES femmes sont moins disposées que les hommes à adopter des at titudes de gauche. A cette règle, observable dans bon nombre de pays, les femmes françaises n'échappent pas et diverses études soulignent l'existence de différences non négligeables entre leurs attitudes politiques et celles des hommes.

Depuis longtemps toutefois, les spécialistes n'expliquent plus ces différences par un « éternel féminin » politique. Dès 1955, Mattei Do- gan et Jacques Narbonne insistaient sur la situation sociale des femmes et montraient que le problème de leur relation au politique devait être posé « sous forme d'une équation où interviennent essentiellement la répartition par groupes d'âges, l'état socio-professionnel, les sentiments religieux, l'état-civil, etc. »'. Comparée à la population masculine, la population féminine française se caractérise en effet — aujourd'hui tout autant qu'à l'époque où Dogan et Narbonne publient leur livre — par la présence en son sein d'un plus grand nombre de personnes âgées (de sur croît veuves ou divorcées) et de personnes inactives 2. Elle comprend éga- 1 . Dogan (Mattei), Narbonne (Jacques), Les Françaises face à la politique. Comport ement politique et condition sociale, Paris, Presses de la Fondation nationale des sciences politiques, 1955, 192 p.

2. Cf. la pyramide des âges et la courbe des taux d'activité de 1968 par sexe in « L'institut national de la statistique et des études économiques et le recensement de la po pulation de 1975 », La Documentation française illustrée, n° spécial, 28 décembre 1974, pp. 6 et 54.

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lement plus de catholiques3. Or, les travaux de sociologie politique mont rent que ce sont précisément les personnes âgées, les inactifs, les catho liques qui ont le plus tendance à se montrer conservateurs.

On peut donc en déduire que, si les femmes se prononcent moins souvent en faveur de la gauche, ce n'est pas d'abord parce qu'elles sont des femmes mais parce que, plus souvent que les hommes, elles sont âgées, inactives, catholiques. Accepter ce raisonnement revient à faire s imultanément l'hypothèse que, dans certaines conditions « d'égalité so ciologique », les femmes peuvent aussi aisément que les hommes effec tuer des choix de gauche.

Cette hypothèse semble en partie vérifiée. Recensant les travaux anglo-saxons traitant des attitudes politiques féminines, M. Goot et E. Reid font état de sept ouvrages qui, tous, permettent de conclure qu'il n'y a pas de relation directe entre le sexe et la préférence partisane4. On retrouve en France des résultats analogues. Dans un arti cle de 1970 consacré aux relations entre la pratique religieuse et le com portement électoral, on peut en effet lire qu'« à pratique religieuse iden tique, on ne constate aucune différence notable entre hommes et fem mes, quant au comportement de vote » 5 ; les auteurs montrent notam ment que, lorqu 'elles se déclarent sans religion, les femmes (36 °/o) sont aussi nombreuses que les hommes (34 °/o) à dire qu'elles voteront pour un candidat communiste. Un sondage réalisé par la SOFRES après le s econd tour de l'élection présidentielle de 1974 confirme ce premier résultat6. Il montre également que, chez les plus jeunes électeurs, c'est-à- dire les 21-34 ans, les femmes (58 °/o) affirment aussi souvent que les hommes (59 °/o) avoir voté pour François Mitterrand.

L'hypothèse « égalitaire » ne semble pas en revanche avoir trouvé vérification pour ce qui concerne le segment « vie active ». S'il est en ef

fet reconnu que les femmes actives votent plus fréquemment que les femmes inactives en faveur de la gauche, on n'a pas encore observé des votes identiques chez les femmes actives et chez les hommes actifs. Le sondage post-électoral de 1974 cité plus haut fait apparaître que, si l'on enregistre de faibles différences entre les hommes et les femmes exerçant 3. Cf. « Les catholiques français et la religion » in Sondages 1973, n° 4, pp. 65-77 ; Potelo (Julien), « Les pratiques religieuses des catholiques en France », La Maison-Dieu. Revue de pastorale liturgique, 122, 1975, pp. 43-58.

4. Goot (Murray), Reid (Elisabeth), Women and voting studies : mindless matrons or sexist scientism ?, London, Sage publications Ltd, 1975, 44 p.

5. Aver (Evelyne), Hames (Constant), Maître (Jacques), Michelat (Guy), « Pratique religieuse et comportement électoral à travers les sondages d'opinion », Archives de socio logie des religions, 29, 1970, p. 35.

6. Les résultats de ce sondage, réalisé les 20 et 21 mai 1974 auprès de 2 000 person nes, ont été publiés dans Le Nouvel Observateur du lundi 10 juin 1974.

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la profession de cadre moyen ou employé, les ouvrières (67 °/o) sont en revanche moins nombreuses que les ouvriers (74 %) à répondre qu'elles ont voté pour François Mitterrand. Mais, pour des raisons d'effectifs, les résultats concernant les votes des cadres supérieurs/professions libérales n'ont pas été publiés, ce qui nous empêche d'avoir, à partir de ce sondage, une vision complète des relations entre le sexe et le vote f avorable à la gauche, à catégorie socio-professionnelle identique.

Une étude utilisant dix enquêtes de l'IFOP permet de mieux cerner le problème7. Disposant de données recueillies auprès de 20 519 personnes, les deux auteurs, Guy Michelat et Michel Simon, ont pu comparer, du point de vue de leurs intentions de vote en faveur de la gauche, les hom mes chefs de ménage et les femmes chefs de ménage pour 32 catégories socio-professionnelles. Ils mettent en évidence que, si des différences en tre les hommes et les femmes subsistent lorqu'ils sont agriculteurs, pa trons de l'industrie et du commerce, employés, ouvriers et inactifs, elles disparaissent entièrement lorsqu'ils sont cadres supérieurs et professions libérales : dans ce dernier cas, ce sont en effet 30 % des hommes et 33 % des femmes qui déclarent un vote favorable à la gauche. On note, chez les cadres moyens, une faible différence entre les réponses masculi nes et féminines.

L'examen de ces résultats nous amène à formuler un certain nombre d'hypothèses. On peut imaginer tout d'abord que si, dans la période récente, les sociologues politiques ont conclu à l'absence de relation di recte entre le sexe et les attitudes politiques, cela peut être dû au fait que les attitudes étudiées étaient mesurées presqu'exclusivement par les inten tions de vote. Or, une intention de vote en faveur de candidats de gau che peut avoir des significations multiples allant du simple mécontente ment jusqu'à une volonté révolutionnaire. Ne peut-on alors faire l'hypothèse que, si le sexe ne change rien ou presque rien aux relations constatées entre une variable sociologique et une intention de vote favo rable à la gauche, il pourrait, en revanche, changer la relation existant entre cette même variable sociologique et une attitude mettant en cause l'Etat par exemple ?

Les travaux portant sur les relations entre catégorie socio professionnelle, sexe et attitudes politiques nous ont amenées, dans un deuxième temps, à une autre interrogation : y a-t-il ou non un lien entre cette « ressemblance » hommes-femmes constatée chez les cadres 7. Il s'agit de 10 enquêtes conduites par l'IFOP pendant la période entourant les élections législatives de 1967. Michelat (Guy), Simon (Michel), « Comportement politique en milieu ouvrier », Revue française de science politique, XXV (2), avril 1975, pp. 291-

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supérieurs - professions libérales et ce qu'on pourrait appeler le discours « émancipateur » tenu sur les femmes dans ces mêmes milieux ?

En effet, depuis plusieurs années se développe un discours forgeant une nouvelle image de la femme, opposée à l'image traditionnelle de la femme, « inférieure » à l'homme, désignée pour exécuter seule des tâ ches spécifiquement féminines, mère et épouse d'abord8. Les sondages effectués dans la période récente montrent que les milieux les plus favo risés sur le plan socio-culturel sont précisément les plus disposés à adopt er cette image « moderne » et à accepter notamment une certaine inte rchangeabilité des rôles de l'homme et de la femme. Le sondage effectué par la SOFRES en décembre 1974 sur L'Image et le rôle des femmes dans la société met en évidence que les « industriels / cadres supérieurs / professions libérales / gros commerçants » et les « cadres moyens / em ployés » sont les plus nombreux à dire que l'homme et la femme peu vent, indifféremment, faire la vaisselle, éduquer les enfants dans le do maine sexuel, faire la cuisine, surveiller les devoirs des enfants9.

Or, les normes culturelles et les attitudes politiques sont parfois liées. Dans Political life, Robert Lane insiste sur les effets que peuvent exercer sur le comportement politique féminin les images d'une femme « dépen dante » et « politiquement moins compétente » véhiculées par la société. La diffusion de ces images réduirait la participation des femmes et leur assignerait un rôle politique moins actif l0. De même, Alain Lancelot et Jean Meynaud établissaient une relation très directe entre la prise de conscience d'un « statut moderne » de la femme et l'adoption par les

intéressées d'attitudes « plus avancées, sur le plan politique » ".

D'où une première question : y a-t-il au sein des milieux favorisés une cohérence entre le discours et les pratiques et peut-on observer, à partir d'autres données, la ressemblance mise en évidence par Michelat 8. Cf. Benoit (Nicole), Morin (Edgar), Paillard (Bernard), La femme majeure. Nouv elle féminité, nouveau féminisme. Paris, Editions du Seuil, 1973, 162 p. ; Laine (Pascal), La femme et ses images, Paris, Stock, 1974, 286 p. ; Chombart de Lauwe (Paul-Henri), Images de la femme dans la société, Paris, Editions ouvrières, 1964, 280 p.

9. Les questions étaient formulées de la manière suivante : « Voici un certain nom bre de tâches liées à la vie familiale. Pour chacune d'entre elles, pouvez-vous me dire si, à votre avis, il vaut mieux que ce soit la femme qui s'en occupe, ou au contraire, s'il vaut mieux que ce soit l'homme qui s'en occupe, ou encore les deux indifféremment ? ». Cf. L'image et le rôle des femmes dans la société, Paris, SOFRES, décembre 1974, 150 p. Il s'agit d'un sondage effectué auprès d'un échantillon national représentatif de 1 000 per sonnes âgées de 1 8 ans et plus, et destiné au journal La Croix.

10. Robert Lane écrit en effet : « The culture emphasizes moral, dependant, and poli tically less competent images of women which reduce their partisanship and sense of politi cal effectiveness and define a less active political role for them » (Lane (Robert), Political life, Glencoe, The Free Press, 1959, p. 215).

1 1 . Meynaud (Jean), Lancelot (Alain), Les attitudes politiques, Paris, Presses univer sitaires de France, 1964, p. 22.

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et Simon entre les hommes et les femmes cadres supérieurs et profes sions libérales. Dans le cas d'une réponse positive, il conviendrait d'ex pliquer pourquoi les femmes de ces milieux tendent à se comporter pol

itiquement comme les hommes ayant le même statut social qu'elles.

Une deuxième question se posait, non plus sur les tendances des deux sexes à adopter des attitudes de gauche, mais sur leur vision respective du système politique lorsqu'ils expriment des convictions politiques de gauche. En d'autres termes, les hommes et les femmes qui se situent à gauche donnent-ils la même signification à leur choix politique ou bien retrouve-t-on entre hommes et femmes de gauche les différences généra lement constatées au niveau des populations globales ?

Pour apporter des éléments de réponse à ces questions, nous utilis erons des données recueillies par questionnaires en milieu urbain-parisien (Boulogne-Billancourt) auprès d'adolescents et jeunes adultes (16- 34 ans). Il s'agit d'une enquête conduite à l'automne 1972 par la SO- FRES pour la Fondation nationale des sciences politiques auprès de 470 sujets, dans le but d'étudier l'aliénation politique des jeunes l2.

La taille de l'échantillon marquant d'emblée une limite quant à la so phistication de l'analyse, nous serons amenées à étayer nos hypothèses plus qu'à les vérifier définitivement. Précisons toutefois que la définition de cet échantillon vient contrebalancer les effets de sa taille réduite : les jeunes résidant en milieu urbain-parisien ont en effet plus tendance qu'une population nationale à s'opposer au pouvoir politique en place et à se montrer permissifs et novateurs sur le plan de la morale domestique l3. D'autre part, ils sont également plus nombreux à répon dre aux questions (sur l'ensemble du questionnaire on enregistre en effet rarement plus de 5 °7o de non-réponse). Les effectifs « contestataires » seront donc moins faibles que nous aurions pu le craindre.

12. Cette enquête a été effectuée sous la direction d'Alain Lancelot, Georges Lavau, Janine Mossuz et Pierre Weill.

13. Un certain nombre de questions de cette enquête ayant été posées par la SOFRES à des échantillons nationaux, il est aisé de faire la comparaison. A la question : « Estimez-vous plutôt normal ou plutôt anormal qu'avant son mariage une jeune fille ait des relations sexuelles ? », les réponses se distribuent de la manière suivante :

Echantillon national, Echantillon national, Echantillon 16-34 ans, adulte (septembre 70) 16-23ans (février 70) Boulogne-Billancourt

Normal 33 % 60 % 87 %

Pas normal . . 62 % 32 % 10 °7o

Sans opinion 5 °7o 8 °7o 3 °7o

(1 000) (1 000) (470)

De même 49 °7o des jeunes de Boulogne-Billancourt considèrent que, « pour transfor mer la société, la révolution est un bon moyen » contre 28 °/o des sujets interrogés dans une enquête nationale en janvier 1973.

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Pour effectuer cette comparaison entre hommes et femmes, nous di sposons de trois échelles d'attitudes. La première est une échelle d'hostil ité aux ministres qui appréhende une opposition aux autorités, c'est-à- dire une attitude critique à l'égard de l'une des composantes du système politique. La deuxième échelle correspond à une opposition au régime. Il s'agit d'une échelle de radicalisme qui mesure une mise en cause de l'E tat. La troisième échelle est assez différente des deux autres, en ce sens qu'elle n'indique pas une opposition à l'un ou l'autre des éléments du système mais l'attachement à un certain nombre de libertés collectives et de conquêtes sociales. Les questions qui la composent portent sur des droits dont la gauche considère, d'une part, qu'ils ont été obtenus par son combat historique et, d'autre part, qu'ils sont menacés par la droite. Si les partis de gauche défendent systématiquement ces conquêtes socia les, ils ne sont toutefois pas les seuls : au nom de la démocratie, certains partis centristes déclarent également leur attachement à quelques-unes de ces libertés.

Ces trois échelles sont composées de la manière suivante. Echelle d'hostilité aux ministres u

Cette échelle comprend 5 items, soit 5 propositions accompagnées des possibilités de réponses suivantes :

1. Supposez que l'on vous propose d'être reçu pendant une heure par un ministre : je refuserais tout net, je n'ai pas de temps à perdre

(11 °7o).

2. Avez-vous le sentiment que si ce ministre vous recevait, il com prendrait très bien, assez bien, assez mal ou très mal le genre de problèmes que vous rencontrez dans votre vie ? : très mal + sans

réponse (15 °/o).

3. Le gouvernement et les ministres devraient être remplacés par des assemblées populaires : tout à fait d'accord + plutôt d'accord (37 °/o).

4. Dans le régime actuel, les ministres sont des parasites qui vivent sur le dos des travailleurs : tout à fait d'accord + plutôt d'accord (51 °/o).

5. Dans le régime actuel, les ministres profitent souvent de leurs fonctions officielles pour s'enrichir personnellement : tout à fait d'ac cord + plutôt d'accord (78 °7o) 15.

14. Le coefficient d'homogénéité de l'échelle est de .54. Le chiffre qui figure entre pa renthèses après chaque item est celui de la popularité de l'item, soit Je pourcentage de réponses positives. Sur les échelles d'attitudes, cf. Matalon (B.), L'analyse hiérarchique, Paris, Mouton et Gauthier- Villars, 1965, 151 p.

15. Pour la question 1. Les autres possibilités de réponses étaient : « C'est rare de rencontrer un ministre et je saisirais cette occasion même si je n'ai pas grand-chose à lui dire ». « J'irais pour discuter de sa politique et des problèmes qui m'intéressent. » « Cela

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Nous avons regroupé d'une part les notes faibles et la note 0 (c'est-à- dire 0, 1,2) qui mesureront une opposition aux ministres faible ou nulle, d'autre part les notes fortes (c'est-à-dire 3, 4, 5) qui mesureront une for te opposition aux ministres.

Echelle de radicalisme politique

Cette échelle est composée des 7 items suivants :

1. Dans le cas d'une insurrection gauchiste pour renverser le régime actuel, je ferais mon possible pour y participer (13 °7o).

2. Le gouvernement et les ministres devraient être remplacés par des assemblées populaires : tout à fait d'accord (16 °/o).

3. Le peuple devrait pouvoir révoquer les ministres à tout instant : tout à fait d'accord (23 %).

4. Pour assurer le bonheur des Français, il faudrait transformer complètement l'organisation de la société française (25 °/o).

5. Tant qu'il y aura un Etat avec ses ministres, ses juges, ses poli ciers, ses militaires, etc., la liberté ne sera qu'un mot vide de sens : tout à fait d'accord + sans réponse (46 °/o).

6. Tant que l'Etat sera dirigé par une poignée de banquiers et de f inanciers, la majorité des gens ne profiteront pas des libertés que théor iquement on leur accorde : tout à fait d'accord + plutôt d'accord (66 °7o).

7. Dans un véritable régime démocratique, l'administration devrait être soumise au contrôle direct des travailleurs et des citoyens : tout à fait d'accord + plutôt d'accord + plutôt pas d'accord + sans réponse (92 °/o) 16.

Les notes 0, 1, 2, 3, regroupées, indiquent un radicalisme faible ou nul ; les notes 4, 5, 6, 7, également regroupées, indiquent un radicalisme fort.

ne m'intéresserait pas, je ne saurais pas quoi dire. » Pour la question 2 : « Très bien, assez bien, assez mal. » Pour les questions 3, 4 et 5 : « Plutôt pas d'accord, pas du tout d'ac cord, sans réponse. »

16. Pour les questions 2, 3, 5, 6 et 7, les possibilités de réponses étaient les suivantes : Tout à fait d'accord, plutôt d'accord, plutôt pas d'accord, pas du tout d'accord, sans réponse. » Pour la question 1, les autres possibilités de réponses (« négatives » par rapport à notre échelle) étaient : « Je serais plutôt contre mais je ne m'y opposerais pas. » « Je fe rais mon possible pour m'y opposer. » Sans réponse. Pour la question 4, les autres répons es possibles étaient : « II faut réformer certains aspects de la société française. » « II faut laisser la société française évoluer naturellement. » « II faut laisser la société française telle qu'elle est aujourd'hui. » Sans réponse. Cette échelle a un coefficient d'homogénéité de .52.

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Echelle d'attachement aux libertés et conquêtes sociales Cette troisième échelle comprend 6 items 17 :

1. Si on supprimait les nationalisations, diriez-vous que ce serait pour vous : très grave (29 °/o).

2. Si on supprimait les partis politiques... ce serait pour vous : très grave (42 °/o).

3. Si on supprimait les syndicats... ce serait pour vous : très grave (51 %).

4. Si on supprimait le droit de vote... ce serait pour vous : très grave + sans réponse (69 °/o).

5. 5/ on supprimait la liberté de la presse... ce serait pour vous : très grave + sans réponse (73 °7o).

6. Si on supprimait le droit de grève... ce serait pour vous : très gra ve + assez grave (84 °/o).

Les notes 0, 1, 2, 3 mesurent un attachement faible ou nul aux l ibertés, les notes 4, 5, 6 mesurent un attachement fort à ces libertés.

Ces trois échelles ne se situent pas sur le même plan et il importe de bien les distinguer. Nous devons le faire, selon nous, de deux points de vue : en les mettant en relation, d'une part, avec les sympathies partisa nes des sujets de notre échantillon et, d'autre part, avec l'intérêt pour la politique exprimé par ces derniers. Ces croisements montrent que les échelles d'hostilité aux ministres et de radicalisme ont une plus forte connotation de gauche que l'échelle d'attachement aux libertés collecti ves mais que celle-ci est en revanche plus étroitement liée à l'intérêt pour la politique.

En effet, les sujets qui se disent proches des partis de gauche sont beaucoup plus nombreux que les sujets proches des partis centristes et de droite à avoir des notes fortes sur ces échelles 18. Mais, si l'on calcule le 17. Le coefficient d'homogénéité de l'échelle est de .51. Pour toutes les questions de l'échelle, les possibilités de réponses autres que « très grave » étaient : « Assez grave, peu grave, pas du tout grave » et sans réponse.

18. La question posée était la suivante : « De quel parti vous sentez-vous habituell ement le plus proche ? » Nous avons regroupé en un groupe proche des partis de gauche, les sujets répondant qu'ils étaient proches du parti communiste, du parti socialiste et du PSU et des groupes d'extrême-gauche. Sont considérés comme sympathisants des partis centristes ou de droite, les sujets proches du parti radical (Servan-Schreiber), de l'UDR, du centre démocrate (Lecanuet), des centristes de la majorité (Fontanet-Duhamel), des répu blicains indépendants (Giscard d'Estaing). 55 % des sympathisants des partis de gauche ont des notes fortes sur l'échelle d'hostilité aux ministres contre 4 % seulement des sympat hisants des partis centristes et de droite. De même, 57 °7o des premiers se disent « rad icaux » au sens de notre échelle contre 4 % des seconds. En revanche, sur l'échelle mesu rant l'attachement aux libertés collectives, si 67 °/o des sympathisants des partis de gauche obtiennent des notes fortes ce sont également 43 % des sympathisants des partis centristes et de droite qui sont dans ce cas.

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coefficient d'association de chacune des trois échelles avec la question portant sur la proximité partisane, on voit que les attitudes mesurées par ces échelles ne sont pas également associées à une proximité de gauche 19.

L'échelle de radicalisme obtient un coefficient de .44, l'échelle d'hostilité un coefficient égal à .44, l'échelle d'attachement aux libertés collectives ayant enfin un coefficient égal à .31.

Pour ce qui concerne l'intérêt pour la politique, précisons que nous considérons comme intéressés par la politique les sujets qui déclarent parler souvent politique soit avec des amis de leur âge, soit avec des compagnons de travail, soit avec des membres de leur famille20. Ces trois indicateurs donnant, lorsqu'ils sont mis en relation avec nos échell es, les mêmes résultats, nous ferons figurer ici uniquement les réponses concernant les discussions politiques avec des amis : on voit que, lors qu'ils parlent souvent politique avec leurs amis, les 16-34 ans de Boulogne-Billancourt sont plus nombreux que les autres à avoir des no tes fortes sur les trois échelles21. Mais, là encore, les coefficients mesu rant l'association de ces échelles à l'intérêt pour la politique sont différents : c'est l'attachement aux libertés qui est le plus fortement as socié à cette question soit un coefficient égal à .34, suivi par l'échelle de radicalisme (.22) et enfin par l'hostilité à rencontre des ministres (.14).

Nous constatons que sur ces trois échelles les femmes ont moins te ndance que les hommes à avoir des notes fortes : 30 ^o d'entre elles se montrent en effet hostiles aux ministres contre 38 °?o des hommes ; 30 °/o apparaissent radicales au sens de notre échelle contre 41 % des hom

mes ; enfin, 43 °/o des femmes expriment leur attachement aux libertés collectives contre 59 % des hommes. C'est-à-dire que si en matière d'hostilité à rencontre des ministres, les différences enregistrées entre les réponses masculines et les réponses féminines ne sont pas très fortes, el les augmentent lorsqu'il s'agit de radicalisme et plus encore lorsqu'il est question d'attachement aux libertés collectives.

19. Il s'agit du coefficient phi/phi max. Ce coefficient mesure l'association entre deux variables. Cf. Reuchlin (Maurice), Méthodes d'analyse factorielle à l'usage des psycholo gues. Paris, Presses universitaires de France, 1964, pp. 16-11 .

20. Les questions étaient posées de la manière suivante : « Vous arrive-t-il de parler politique : — avec des amis de votre âge, — avec des compagnons de travail, — avec des membres de votre famille ». A chaque fois, les possibilités de réponse étaient : « Très sou vent, souvent, quelquefois, rarement, jamais ». « Très souvent » et « souvent » ont été r egroupés en « souvent ».

21. Lorsqu'ils disent parler souvent politique avec leurs amis, 41 % des 16-34 ans de Boulogne-Billancourt ont des notes fortes sur l'échelle d'hostilité aux ministres (contre 29 °7o de ceux qui en parlent rarement ou qui n'en parlent jamais). De même, 46 °/o des premiers et 27 °/o des seconds se montrent radicaux. Sur l'échelle d'attachement aux l ibertés collectives, la différence est, soulignons-le, beaucoup plus grande entre ceux qui par lent politique et ceux qui n'en parlent guère puisque ce sont 69 °/o des premiers et 41 % des seconds qui obtiennent des notes fortes.

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Ces résultats ne sont pas surprenants : nos données montrent en ef fet que, si les femmes sont un peu moins souvent que les hommes pro ches des partis de gauche, elles sont beaucoup moins souvent qu'eux intéressées par la politique. 47 % des hommes sont proches des partis de gauche contre 39 °/o des femmes ; 50 % des hommes disent qu'ils par

lent souvent politique avec leurs amis contre 35 % seulement des fem mes.

Les différences observées sur les échelles concernent, toutefois, l'e nsemble de l'échantillon et nous voudrions montrer ici qu'il existe des

facteurs plus favorables que d'autres au développement chez les femmes d'attitudes de gauche et que, dans certaines conditions, on peut observer un rapprochement des attitudes féminines et masculines.

Pour ce faire, nous avons retenu un facteur individuel : l'âge ; des facteurs sociaux : la profession du sujet et celle de ses parents 22 ; et, en fin, des facteurs politiques et religieux, c'est-à-dire la religion du sujet, ses opinions politiques et les opinions politiques de son père.

L'âge

En dépit de l'homogénéité relative de notre population à cet égard, il nous a paru néanmoins difficile de ne pas distinguer dans une première étape les plus jeunes et les moins jeunes. Une étude antérieure portant sur cette même enquête a en effet montré que les attitudes contestataires évoluaient très nettement et de façon différente selon les sexes, entre 16 ans et 34 ans, et fait apparaître deux coupures significatives : l'une se s ituant entre 19 et 20 ans, l'autre entre 23 et 24 ans23. Nous avons donc retenu les trois tranches d'âge figurant dans le tableau 1.

On voit tout d'abord, sur ce premier tableau, que les relations entre l'âge et les attitudes de gauche ne s'établissent pas de la même manière selon les indicateurs. Les attitudes d'opposition aux ministres et au rég ime, aussi souvent exprimées à 20-23 ans qu'à 16-19 ans, deviennent moins fréquentes à 24-34 ans. En revanche, les réponses traduisant un attachement aux libertés collectives augmentent avec l'âge. C'est donc à 22. Nous n'avons pas retenu, parmi les facteurs sociaux, le niveau d'étude des sujets. En effet, compte tenu de la spécificité de notre échantillon, découper notre population en fonction du niveau d'études nous aurait notamment amenées à construire un groupe de n iveau secondaire-supérieur comprenant à la fois les « inactifs » (lycéens, étudiants, femmes sans profession) et les sujets exerçant effectivement une profession de type cadre moyen, cadre supérieur, profession libérale, ce qui aurait introduit un biais considérable.

23. Mossuz (Janine), « Statut socio-économique, classe d'âge, milieu d'origine et att itudes oppositionnelles », Revue française de science politique, XXV, 3, juin 1975, pp. 527- 534.

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Tableau 1. Sexe, âge et attitudes de gauche * Hommes . . Hostilité Femmes . . . <274) (196) aux Ensemble . ministres (470) Hommes . . (274) Radicalisme Femmes . . . (196) Ensemble . (470) . _ , . Hommes . . Attachement (214\ Femmes . . . aux (1%) ... .. Ensemble . libertés (47Q) • Dans tous les tableaux de ce texte, les pourcentai représentent le nombre d'individus de la catégorie indiquée.

16-19 ans (120) 44 48 45 49 30 41 53 36 45 ?es doivent être lus

20-23 ans (123) 52 26 42 57 30 47 62 39 54 par case ; les chiffres

24-34 ans (227) 26 23 25 27 29 28 61 49 56 entre parenthèses

24-34 ans qu'on a le moins tendance à se montrer radical et hostile aux ministres et qu'on est en même temps le plus disposé à défendre les l ibertés collectives. Mais il faut souligner que, si les hommes suivent assez étroitement l'évolution de la population globale, il n'en va pas de même pour les femmes.

A 16-19 ans, elles sont aussi nombreuses que les hommes à se mont rer hostiles aux ministres mais à 20-23 ans, elles ont beaucoup moins tendance qu'eux à exprimer cette hostilité. A 24-34 ans en revanche, hommes et femmes égalisent — vers le bas — leurs notes fortes. Sur

l'échelle de radicalisme, les femmes sont moins disposées que les hom mes à avoir des notes fortes dans les deux premières tranches d'âge. Mais à 24-34 ans, comme les hommes obtiennent moins de notes fortes que précédemment, hommes et femmes se retrouvent à égalité. Enfin, à tous les âges, les femmes sont moins nombreuses que les hommes à ex primer leur attachement aux libertés collectives.

Trois phénomènes doivent donc être expliqués : l'égalisation « vers le haut » constatée à 16-19 ans à propos de la première échelle, la ressem blance entre les réponses des hommes et des femmes de 24-34 ans sur

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deux des échelles, l'expression par les femmes d'un attachement aux l ibertés moins fréquent dans toutes les tranches d'âge.

Quand on étudie des attitudes en fonction de l'âge des sujets, il est toujours difficile de savoir si l'on observe des phénomènes de génération ou les effets de l'appartenance à une tranche d'âge particulière : le dév eloppement entre 16 et 19 ans d'attitudes masculines et féminines ident iques à l'égard des ministres, pourrait relever des deux explications. Sou lignons que nous enregistrons chez les 16-19 ans des résultats proches de ceux mis en évidence par Annick Percheron dans la tranche d'âge précédant immédiatement celle que nous étudions ici, c'est-à-dire chez les 14-16 ans : chez ces préadolescents, elle constate en effet qu'il y a peu de différence entre les garçons et les filles lorsqu'ils expriment des attitudes d'hostilité à l'égard du personnel politique24. Mais si l'on ac cepte cette idée d'une coupure entre les moins de 20 ans et les plus de 20 ans — les différences entre hommes et femmes ne surgissant qu'après le passage de ce seuil — , on ne rend pas compte des ressemblances cons tatées entre les hommes et les femmes de 24-34 ans sur les échelles d'hostilité aux ministres et de radicalisme.

Une autre explication pourrait être recherchée dans la situation de fa mille des sujets. En effet, celle-ci varie selon l'âge et le sexe. A 16-19 ans, il n'y a pas de différence entre les hommes et les femmes qui sont presque tous célibataires sans enfants. En revanche à 20-23 ans, les fem mes sont beaucoup plus nombreuses que les hommes à être mariées et à avoir des enfants25. Enfin, à 24-34 ans, un certain équilibre se rétablit dans la mesure où les hommes et les femmes sont le plus souvent mar iés ; toutefois, les femmes restent beaucoup plus nombreuses que leurs homologues masculins à avoir des enfants. Or, nos données montrent que les gens mariés ont moins tendance que les célibataires à se montrer hostiles aux ministres et radicaux au sens de notre échelle ; de même les parents sont moins nombreux que les gens sans enfants à adopter ce type d'attitude26.

Les différences entre réponses masculines et réponses féminines ne seraient donc pas dues à l'âge mais à la situation de famille des sujets.

24. Cf. Percheron (Annick), L'univers politique des enfants, Paris, Presses de la Fon dation nationale des sciences politiques, 1974, p. 216.

25. A 20-23 ans, 43 % des femmes sont mariées (contre 22 °?o des hommes), 33 % d'entre elles ont des enfants (contre 10 % des hommes). A 24-34 ans, 70 % des hommes et 83 °/o des femmes sont mariés ; 76 °7o des femmes et 55 °7o des hommes ont des enfants.

26. 42 °/o des gens sans enfants ont des notes fortes sur l'échelle de radicalisme (con tre 27 °7o des parents), de même que 44 % des célibataires (contre 27 °7o des sujets mar iés) ; sur l'échelle d'hostilité aux ministres, 36 % des gens sans enfants (contre 22 % des parents) ont des notes fortes, de même que 38 °7o des célibataires (contre 23 % des gens mariés).

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Mais ce dernier facteur n'explique pas pourquoi, à 16-19 ans, les fem mes sont moins souvent radicales que les hommes. Il n'explique pas non plus pourquoi, dans les trois tranches d'âge, les femmes sont moins fréquemment que les hommes attachées aux libertés collectives. En effet, sur cette dernière échelle, il n'y a pas de différences entre les célibataires et les gens mariés, et il n'y en a pas non plus entre les gens sans enfants et les parents27.

Nous devons donc, en dernière analyse, nous référer à la significa tion des indicateurs utilisés. Il serait plus facile de manifester une oppos ition à des personnalités politiques que d'exprimer un attachement aux libertés, ce qui suppose d'une certaine façon une connaissance de l'his toire du mouvement ouvrier et de la gauche française. Dès lors, on com prendrait que la variable sexe ne joue pas le même rôle dans la forma tion des attitudes de gauche selon le segment du système considéré ; qu'elle soit peu discriminante sur l'échelle d'hostilité aux ministres, et

qu'elle ait un poids plus important sur les deux échelles de radicalisme et d'attachement aux libertés.

Les facteurs sociaux

L'influence des facteurs sociaux n'apparaît pas plus facile à cerner, dans la mesure où la situation sociale d'un sujet dépend de très nom breux éléments sur lesquels nous ne possédons pas tous les renseigne ments nécessaires (par exemple le revenu). Toutefois, nos données nous permettent d'étudier le rôle de deux composantes importantes de la s ituation sociale à savoir la profession du sujet et son origine sociale.

Profession des sujets

Compte tenu de la spécificité de notre population, qui comprend un assez grand nombre de sujets non intégrés à la vie active, nous avons été amenées à isoler d'une part, les élèves (lycéens, étudiants) et, d'autre part, les femmes sans profession28. En raison de la taille de l'échantil lon, nous avons, en outre, regroupé les actifs en deux grandes catégor ies : d'une part, une catégorie appelée « moyenne-supérieure », qui comprend les cadres moyens, les patrons de l'industrie et du commerce, 27. 55 °/o des gens sans enfants et 48 °7o des parents ont des notes fortes sur cette échelle, de même gue 52 % des célibataires et 53 % des gens mariés.

28. Ce groupe des femmes sans profession étant assez réduit (50 personnes), nous n'avons pas pu le ventiler selon la profession du chef de la famille à laquelle appartiennent ces femmes.

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les cadres supérieurs et les professions libérales, d'autre part, une catégorie que l'on pourrait qualifier de plus défavorisée, qui rassemble les ouvriers, les employés et les personnels de service29.

Un problème se pose, signalons-le, à propos de cette catégorie dans la mesure où les hommes et les femmes ne se répartissent pas également entre chacune des professions regroupées ici. En effet, si l'on a, chez les employés et chez les personnels de service, un nombre à peu près égal d'hommes et de femmes, on a beaucoup moins d'ouvrières que d'ou vriers. On pourrait donc nous objecter que les différences enregistrées entre les hommes et les femmes de cette catégorie sont dues à cette moindre représentation ouvrière dans le groupe féminin. L'objection se rait de poids si l'on avait un groupe d'employés moins disposé que le groupe d'ouvriers à adopter des attitudes de gauche. Or, il n'en est rien : chez les 16-34 ans de Boulogne-Billancourt étudiés ici, les em ployés sont à peu près aussi nombreux que les ouvriers à se montrer host iles aux ministres, radicaux et attachés aux conquêtes sociales30.

Hostilité aux ministres Radicalisme Attachement aux libertés Tableau 2. Sexe, Hommes (261) Femmes (193) Ensemble (454) . . . Hommes (261) Femmes (193) Ensemble (454) . . . Hommes (261) Femmes (193) Ensemble (454) . . . profession du Elèves (137) 35 32 34 46 25 38 54 45 50

sujet et attitudes de gauche Catégories moyennes supérieures (122) 23 34 27 23 27 25 62 61 61 Ouvriers employés personnels de service (145) 53 37 48 49 39 46 63 30 52 Femmes sans profession (50) 16 24 38

A partir du tableau 2, nous constatons que les attitudes d'opposition aux autorités et au régime sont les plus fréquentes chez les sujets, hom- 29. Ont été éliminés les quelques sujets (16) dont la profession était : artistes, memb res du clergé, de la police et de l'armée.

30. 49 % des employés et 52 °7o des ouvriers ont des notes fortes sur l'échelle d'hostil ité aux ministres ; 43 °7o des employés et 48 °/o des ouvriers ont des notes fortes sur l'échelle de radicalisme ; 55 °7o des employés et 60 °7o des ouvriers ont des notes fortes sur l'échelle d'attachement aux conquêtes sociales.

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mes ou femmes, les moins favorisés économiquement et culturellement31 alors qu'au contraire, l'attachement aux libertés collectives est davantage le fait des sujets privilégiés. Autrement dit, tout se passe comme si l'a ppartenance aux milieux ouvriers / employés / personnels de service ten dait à favoriser le développement d'attitudes plutôt hostiles à l'égard du système politique ou du moins à deux de ses composantes, et l'apparte nance aux catégories moyennes supérieures le développement d'une défense des conquêtes démocratiques et sociales. Sur ces trois échelles, les élèves se situent à un niveau intermédiaire entre les deux groupes précédents ; enfin, on remarque surtout que les femmes sans profession sont toujours les moins nombreuses de toutes les catégories considérées à manifester des attitudes de gauche, qu'elles soient mesurées par l'une ou l'autre des trois échelles.

Si l'on compare les attitudes des deux sexes chez les élèves, les cou ches moyennes-supérieures et les ouvriers / employés / personnels de service, on peut remarquer qu'il existe des différences plus ou moins marquées, selon l'échelle considérée, entre les réponses des hommes et celles des femmes. Sur l'échelle d'hostilité aux ministres, on constate que les réponses masculines et les réponses féminines sont très proches dans deux cas. Lorsqu'elles sont élèves ou exercent une profession située à un niveau assez élevé de la hiérarchie sociale, les femmes ne sont pas moins nombreuses que leurs homologues masculins à avoir des notes élevées (dans le deuxième cas, les femmes se montrent même plus souvent oppo- sitionnelles que les hommes). A ce niveau d'opposition politique, il n'ap paraît de divergence entre les attitudes des deux sexes que chez les sujets appartenant aux milieux ouvriers / employés / personnels de service : les femmes de ces milieux se montrent, en effet, beaucoup moins souvent hostiles aux ministres que les hommes.

En matière d'opposition radicale et d'attachement aux libertés publi ques, on ne retrouve pas une aussi grande similitude entre les attitudes masculines et féminines. D'une part, une forte différence s'établit entre

31. Il faut signaler ici que le croisement de la profession par le niveau d'études mont re qu'une forte proportion de sujets appartenant au groupe ouvriers / employés personn els de service a un niveau culturel peu élevé.

Primaire Secondaire Technique Supérieur Commercial ^ Catégories moyennes / supérieures 34 66 (122) Ouvriers, employés, personnels de service 71 29 (145)

Elèves 16 83 (137)

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élèves des deux sexes, qui n'existait pas au niveau de l'opposition aux ministres : dans cette catégorie, 46 °/o des hommes se montrent radicaux contre 25 °/o seulement des femmes, 54 °7o des premiers expriment leur attachement aux libertés contre 45 °/o des secondes. D'autre part, on ob

serve, comme précédemment, un fort « « décalage » entre les réponses des hommes et des femmes lorsqu'ils sont ouvriers / employés / person nels de service : les femmes de ces milieux expriment beaucoup moins fréquemment que les hommes des attitudes de gauche, qu'il s'agisse de manifester une opposition radicale (39 °/o des femmes contre 49 °7o des hommes), qu'il s'agisse surtout de montrer un attachement aux libertés (30 °/o des femmes contre 63 °7o des hommes). Autrement dit, sur ces deux échelles, seul un niveau socio-culturel élevé paraît propre à favori ser un rapprochement des attitudes entre les sexes.

Comment expliquer ces résultats ? Et, en premier lieu, comment ex pliquer les fortes différences constatées entre les attitudes des hommes et des femmes élèves sur les deux échelles de radicalisme et d'attachement aux libertés : en effet, il s'agit ici d'un milieu culturellement privilégié, puisque 83 °/o des élèves possèdent un niveau d'études secondaire ou supérieur.

On peut avancer une explication en prenant en compte le milieu so cial auquel appartiennent les élèves de notre population. On voit en effet que, quand le chef de famille exerce une profession de type moyen- supérieur, les différences s'estompent entre les réponses des élèves de sexe masculin et celles des élèves de sexe féminin sur les deux échelles considérées 32 ; en revanche, parmi les élèves vivant dans un milieu défa vorisé, les femmes sont beaucoup moins nombreuses que les hommes à manifester des attitudes de gauche33. Nous observerions donc ici un effet supplémentaire du milieu social. Toutefois, nos effectifs réduits nous obligent à considérer ce résultat avec une certaine prudence.

Nous devons donc souligner ici l'importance des facteurs sociaux dans la formation des attitudes politiques. Dire que lorsqu'elles exercent une profession de type moyen-supérieur, les femmes adoptent les mêmes attitudes que les hommes exerçant les mêmes professions, c'est souligner qu'il n'existe pas de « comportement spécifiquement lié au sexe, propre aux femmes et aux hommes, indépendamment des conditions dans le squelles ils vivent » 34. Mais c'est aussi mettre en évidence le fait que les

32. Dans ce cas, 38 % des hommes et 29 % des femmes ont des notes élevées sur l'échelle de radicalisme ; 51 °/o des hommes et 46 % des femmes ont des notes élevées sur l'échelle d'attachement aux libertés.

33. Elles ne sont que 17 % à avoir des notes élevées sur l'échelle de radicalisme contre 44 °/o des hommes, et 36 °7o à avoir des notes élevées sur l'échelle d'attachement aux l ibertés contre 64 °/o des hommes.

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femmes qui travaillent, et notamment celles qui occupent un emploi peu qualifié ne tendent pas forcément à adopter des comportements polit iques proches de ceux des hommes. Ne peut-on pas supposer que, si le travail ne joue pas ce rôle unificateur des comportements dans les mi lieux défavorisés — où, rappelons-le, les femmes expriment toujours moins souvent que les hommes des attitudes de gauche — ce serait précisément parce que là, le travail des femmes répond les plus souvent à une obligation financière et non à un choix personnel, et qu'il ne sau rait être « l'instrument d'une émancipation ni l'objet d'une ambition quelconque, mais une toute simple nécessité » 35.

La profession des parents

Signalons tout d'abord que nos deux indicateurs de l'origine sociale des sujets, la profession du père et celle de la mère conduisent à des résultats identiques. Nous ferons donc figurer dans le texte uniquement le tableau construit à l'aide de la profession du père. Nous étudierons la profession de la mère essentiellement lorsque celle-ci est « femme au foyer ». En effet, il nous a paru intéressant de comparer les sujets élevés par une mère « active » à ceux qui ont été élevés par une mère sans pro fession.

La prise en compte de l'origine sociale des individus, qui permet de mesurer l'influence du milieu familial sur la formation des attitudes, tend à confirmer les conclusions formulées à propos de la profession des sujets eux-mêmes.

Sur les deux échelles d'hostilité aux ministres et de radicalisme, on constate en effet (tableau 3) que les sujets élevés par des pères apparte nant aux couches moyennes-supérieures sont moins nombreux que les enfants d'ouvriers / employés / personnels de service à obtenir des notes fortes ; mais c'est au sein de ce seul groupe d'origine moyenne- supérieure que l'on observe une similitude de réponses entre les hommes et les femmes.

A l'inverse, une origine sociale défavorisée tend à développer les att itudes d'opposition aux autorités et au régime mais introduit des différences entre les comportements des deux sexes : dans ce cas, les femmes sont en effet beaucoup moins nombreuses que les hommes à ob tenir des notes fortes sur les deux échelles considérées.

Sur l'échelle d'attachement aux libertés, les résultats obtenus sont légèrement différents : en effet, si les hommes et les femmes expriment des attitudes plus proches lorsqu'ils sont issus d'un milieu favorisé que

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Tableau 3. Sexe, profession du père et attitudes de gauche (36) Hostilité aux ministres Radicalisme Attachement aux libertés Hommes (261) Femmes (193) Ensemble (454) Hommes (261) Femmes (193) Ensemble (454) Hommes (261) Femmes (193) Ensemble (454) .... Catégories moyennes-supérieures (227) 23 23 23 26 25 26 54 42 49 Ouvriers, employés personnels de service (170) 54 39 48 54 32 45 66 42 56

lorsqu'ils ont un père ouvrier / employé / personnel de service, il subsis te tout de même dans le premier cas une différence de comportement en tre les sexes. On peut, là encore, pour avancer une explication, faire référence au degré de politisation impliqué par l'échelle. Si l'on admet que les femmes reçoivent un type d'éducation qui ne tend pas à les intéresser au « politique », on comprendrait, alors qu'elles soient moins souvent que les hommes à même de manifester leur attachement aux l ibertés et conquêtes sociales 37.

Mais pour rendre compte plus précisément des résultats observés sur cette échelle, il faut se référer ici à la profession de la mère. On constate en effet que, lorsqu'ils ont une mère exerçant une profession de type moyen-supérieur, hommes et femmes expriment des attitudes absolument identiques (57 °/o des premiers et 59 °/o des secondes ont des notes élevées sur l'échelle).

Au vu de ces premiers résultats, nous pourrions expliquer les rela tions observées par le fait que, en milieu défavorisé, nous avons affaire à des mères dont le travail répond à une stricte nécessité financière alors que, en milieu favorisé, les mères concernées ont pu aspirer à se réaliser dans le travail, à exercer des responsabilités, etc. Ces dernières auraient pu présenter une image de la femme égale de l'homme et apte à se com- 36. Les regroupements opérés dans le tableau 3 sont les mêmes que ceux effectués pour la profession du sujet. Ont été éliminés les sujets dont le père exerce une profession autre que celle n'entrant pas dans les deux catégories ci-dessus, à savoir : agriculteur, clergé, police, armée, artiste.

37. De nombreux travaux, notamment de science de l'éducation ont mis en évidence l'existence de mécanismes de discrimination éducative entre les sexes. Cf. le bilan critique de ces travaux in Liliane, « L'école des femmes et le discours des sciences de l'homme », Les Temps modernes, avril-juin 1974, numéros 333-334, pp. 1781-1813.

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porter comme lui. Nous observerions donc les effets de deux types de socialisation par des mères actives.

Les réactions des sujets élevés par une mère sans profession nous amèneraient également, si nous ne dépassions pas ce premier stade, à considérer l'explication précédente comme valable. On constate, en ef fet, que lorsqu'elles ont été élevées par des mères « inactives », les fem mes sont toujours beaucoup moins nombreuses que les hommes de la même catégorie à exprimer des attitudes de gauche, qu'elles soient me surées par l'une ou l'autre des trois échelles38. On pourrait alors expli quer ce phénomène de la façon suivante : les femmes au foyer transmett raient à leurs filles des attitudes traditionalistes, liées à leur condition subordonnée d'épouse et de mère. Toutefois, ces explications ne rendent pas compte de la réalité : en effet, selon que « la mère sans profession » appartient par son mariage, aux couches moyennes-supérieures ou aux couches défavorisées, les différences entre réponses masculines et fémini nes varient considérablement. Lorsque les sujets ont été élevés par une mère sans profession dans un milieu moyen-supérieur, il n'y a pas ou peu de différence entre les hommes et les femmes sur les réponses ap portées aux trois échelles39 ; à l'inverse, chez les sujets élevés par une mère sans profession dans un milieu défavorisé, les femmes ont toujours beaucoup moins tendance que les hommes à exprimer des attitudes de gauche 40.

Dès lors, ce ne serait pas la situation de travail ou de non-travail des mères qui serait importante dans la formation des attitudes politiques des sujets, mais bien plutôt le statut social des parents, qu'il soit mesuré par la profession du père ou de la mère : un milieu familial privilégié sur le plan social et économique tendrait à favoriser l'égalisation des com portements des hommes et des femmes, un milieu familial défavorisé tendrait à développer une certaine spécificité des attitudes selon le sexe.

Ces résultats apportent une réponse positive à la question que nous posions initialement. C'est bien dans les milieux favorisés, dont on sait par des enquêtes nationales qu'ils ont moins souvent que d'autres une 38. Elles ne sont que 21 % à se montrer hostiles aux ministres, 23 % à exprimer un radicalisme politique, et 41 % à manifester un attachement aux libertés publiques, contre respectivement chez les hommes : 31 %, 33 °/o et 61 °7o.

39. Les uns et les autres ont, dans ce cas, une faible propension à se montrer opposi- tionnels (19 % des hommes et 17 % des femmes ont des notes élevées sur l'échelle d'hostil ité aux ministres ; 24 % des hommes et 22 °7o des femmes ont des notes élevées sur l'échelle de radicalisme) et une assez forte propension à se montrer attachés aux libertés (57 °/o chez les hommes et 47 % chez les femmes).

40. Dans ce cas, les réponses respectives des hommes et des femmes sur les trois échelles, sont les suivantes : échelle d'hostilité aux ministres : 41 °7o des hommes, 27 °7o des femmes ; échelle de radicalisme : 44 °/o des hommes, 22 °/o des femmes ; échelle d'attache ment aux libertés : 69 °7o des hommes, 37 °7o des femmes.

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vision traditionnelle des relations hommes/ femmes, que les femmes se comportent, au plan des opinions tout au moins, comme les hommes. Cela signifie-t-il pour autant que l'on mesure dans cette ressemblance les effets du discours « émancipateur » tenu dans ce milieu ou au contraire que celui-ci est le fruit d'une pratique et lié au fait que, dans ce milieu, les opinions politiques des femmes sont très proches de celles des hom mes ? Nous ferions pour notre part une autre hypothèse : un statut so cial élevé susciterait à la fois un développement de la novation culturelle et des comportements féminins analogues à ceux des hommes apparte nant au même milieu.

Les facteurs religieux et politiques

La mise en relation de ces facteurs avec nos trois échelles, pour cha cun des deux sexes, procède de l'interrogation suivante : si l'appartenan ce à une religion ou à une famille politique revient à adhérer à un système de valeurs, on peut se demander si, lorsqu'elles font un choix religieux ou politique, les femmes ont la même vision de la société — et surtout de sa composante politique — que les hommes faisant le même choix. En d'autres termes, à convictions religieuses et politiques identi ques, les hommes et les femmes développent-ils également les attitudes de gauche mesurées par nos trois échelles ?

La religion

Pour étudier les relations entre la religion (plus précisément, la prat ique religieuse) et les attitudes de gauche, nous avons distingué trois

Hostilité aux ministres Radicalisme Attachement aux libertés Tableau Hommes Femmes Ensemble Hommes Femmes Ensemble Hommes Femmes Ensemble 4. Sexe, (261) (183) (444) (261) (183) (444) (261) (183) (444) religion, et attitudes Catholiques pratiquants (124) 22 9 15 32 9 20 55 39 47 de gauche Catholiques non pratiquants (192) 33 35 34 38 35 36 54 45 49 Sans religion (128) 56 45 50 52 48 50 67 52 59

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groupes dans notre population : les individus sans religion, les catholi ques pratiquants et les catholiques non pratiquants41.

Il n'est guère surprenant de constater (tableau 4) que les sujets catho liques, et surtout catholiques pratiquants sont les moins disposés à expri mer des attitudes de gauche : on sait qu'en France, la pratique religieuse a toujours été et demeure associée à des comportements politiques modérés ou conservateurs42.

Mais il faut souligner que le facteur religieux tend à constituer un frein beaucoup plus important au développement d'attitudes d'opposi tion chez les femmes que chez les hommes. On voit, en effet, que les

femmes catholiques pratiquantes sont beaucoup moins nombreuses que les hommes de la même catégorie à avoir des notes élevées sur l'échelle d'hostilité aux ministres (9 °/o contre 22 °7o), et moins nombreuses égale ment que les hommes à exprimer des attitudes radicales (9 % contre 32 °7o). Un tel résultat peut surprendre : on aurait pu s'attendre à ce que la pratique du catholicisme tende à structurer fortement les attitudes des hommes et des femmes, or c'est l'inverse qui est vrai : sur ces deux échelles d'hostilité aux ministres et de radicalisme, la plus grande distan ce entre comportements masculins et féminins s'observe chez les sujets les plus soumis à l'influence de la religion, les catholiques pratiquants ; alors que dans les deux autres groupes, les catholiques non pratiquants et les sans religion, hommes et femmes apparaissent en revanche assez proches, manifestant une propension presque identique à avoir des notes élevées sur les deux échelles43.

Faut-il dès lors considérer que « d'esprit plus pratiquant, sinon plus religieux, elles (les femmes) seraient plus soumises que les hommes à l'influence traditionnelle de l'Eglise » ou bien « une fois encore, la solu tion doit-elle être cherchée dans une différence de situations et non dans une différence innée de mentalités »? 44.

Pourtant lorsque l'on ventile le groupe des catholiques pratiquants en fonction de leur catégorie socio-professionnelle, on n'observe pas de 41. La question concernant la pratique religieuse était la suivante : «Allez-vous a l'église en moyenne : une fois par semaine ou davantage ; quelquefois dans l'année ; ja mais ou pratiquement jamais ». Signalons que nous avons regroupé en « pratiquants » les sujets qui ont déclaré aller à l'église une fois par semaine et quelquefois dans l'année.

42. Cf. notamment Michelat (Guy), Simon (Michel), « Système d'opinions, choix po litique, pratique religieuse et caractéristiques socio-démographiques », Archives des scien ces sociales des religions, 37, 1974, p. 87.

43. A l'exception des sans religion lorsqu'on compare les notes obtenues par les hom mes et les femmes sur l'échelle de radicalisme.

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grandes différences entre hommes et femmes actifs : les catholiques pra tiquants des deux sexes comprennent à peu près les mêmes proportions de sujets classés moyens-supérieurs (27 % chez les hommes, 27 °/o chez les femmes), et de sujets ouvriers / employés / personnels de service (28 °/o chez les hommes, 20 °/o chez les femmes). La seule différence en tre les hommes et les femmes réside dans la répartition des sujets inact ifs : le groupe des hommes comprend 40 °/o d'élèves, alors que le grou pe des femmes comporte 23 °7o d'élèves et 30 °/o de femmes sans profes sion. L'explication de nos résultats pourrait donc résider dans cette s ituation sociale des catholiques pratiquantes.

Sur l'échelle d'attachement aux libertés, la prise en compte du fac teur religieux conduit à des résultats sensiblement différents : en effet, l'attachement moins fréquent des femmes aux libertés reste un phénomène constant, qu'elles soient catholiques ou sans religion, prat iquantes ou non pratiquantes.

On enregistre donc ici un résultat différent de celui qui était observé en matière de comportement électoral 45 : à pratique religieuse identique, on constate en effet des différences notables entre les hommes et les femmes lorsque les attitudes de gauche sont mesurées non plus par des intentions de vote mais par nos trois échelles.

Les facteurs politiques

II nous a semblé intéressant, pour traiter ce point, d'utiliser deux i ndicateurs : d'une part, les orientations politiques des sujets et, d'autre part, celles de leur père.

Les orientations politiques des sujets

La question que nous nous posions ici était la suivante : lorsque les femmes et les hommes professent les mêmes opinions politiques et no tamment des opinions de gauche, sont-ils aussi disposés les uns que les autres à avoir des notes fortes sur nos trois échelles ? Pour y répondre, nous avons retenu, comme indicateur des opinions politiques des sujets, la manière dont ceux-ci se classent sur un axe gauche-droite 46.

45. Aver (Evelyne), Hames (Constant), Maitre (Jacques), Michelat (Guy), art. cit., p. 35.

46. La question posée était la suivante : « D'après leurs opinions, on classe habituel lement les Français sur une échelle de ce genre. Comme vous le voyez, H y a deux grands groupes, la gauche et la droite. On peut classer les gens plus ou moins à gauche ou plus ou moins à droite. Vous, personnellement, où vous classeriez-vous ?

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Tableau 5. Sexe, orientations politiques des sujets et attitudes de gauche Extrême

gauche (116) Gauche (122) droite (206) Centre Hostilité Hommes (261) 66 aux Femmes (183) 64 ministres Ensemble (444) 65 Hommes (261) 76 Radicalisme Femmes (183) 72 Ensemble (444) 74 Attachement Hommes (261) 80 aux Femmes (183) 78 libertés Ensemble (444) 79 39 38 38 17 12 15 43 34 34 15 14 15 67 53 60 42 29 36

Nous voyons tout d'abord que les sujets que nous avons classés à P extrême-gauche sont les plus nombreux à obtenir des notes fortes sur ces trois échelles, suivis par ceux qui sont situés simplement à gauche (cf. tableau 5). On voit également que, sur les trois échelles, il n'y a pas de différence entre les attitudes des hommes et des femmes lorsqu'ils sont situés à l'extrême-gauche. En revanche lorsqu'elles sont classées à gauche, les femmes sont, aussi souvent que les hommes, hostiles aux mi nistres, mais elles sont moins souvent qu'eux radicales et attachées aux libertés collectives.

Adhérer aux valeurs de l' extrême-gauche revient donc pour les fem mes à se comporter comme les hommes ayant fait ce choix. Ce résultat est d'autant plus intéressant que la composition socio-professionnelle du groupe d'extrême-gauche ne semblait pas devoir favoriser cette identité de réaction. En effet, ce groupe est celui qui comprend la plus forte pro portion d'ouvriers / employés / personnels de service47. Or nous avons extrême-gauche gauche droite extrême-droite Nous avons regroupé dans un groupe « extrême-gauche » les réponses correspondant aux deux premiers bacs, dans un groupe « gauche » les réponses correspondant au tro isième bac, et dans un groupe « centre et droite » les réponses correspondant aux quatre autres bacs. Les sans-réponse, peu nombreux, ont été éliminés.

47. La composition socio-professionnelle des trois groupes politiques est la suivante : % Extrême-gauche Gauche Centre, Droite Elèves

Femmes sans profession

Catégories moyennes / supérieures .... Ouvriers, employés, personnels de service Autres 28 3 26 40 3 (116) 25 12 28 32 2 (122) 31 15 26 24 4 (206)

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vu plus haut que, dans ces milieux, les femmes étaient toujours moins nombreuses que les hommes à obtenir des notes fortes sur les échelles utilisées.

On n'observe pas, en revanche, des résultats semblables dans le grou pe de gauche qui comporte pourtant un peu moins d'ouvriers / em ployés / personnels de service. Tout semble se passer comme si l'adhésion aux valeurs d'extrême-gauche structurait davantage les attitu des des hommes et des femmes que l'adhésion aux valeurs de gauche. Le choix de l'extrême-gauche aurait une signification plus « révolutionnai re » qui pèserait plus dans la formulation des attitudes que les détermi- nismes sociaux des sujets.

Les orientations politiques du père

Nous aurions voulu étudier les relations existant entre les orientations politiques des parents et les choix effectués en ce domaine par leurs en

fants et nous disposions, pour le faire, de deux questions portant sur la position du père et de la mère sur un axe gauche-droite48. Mais nous avons dû renoncer à utiliser la question portant sur les orientations de la mère dans la mesure où les mères classées dans les « bacs » d'extrême- gauche étaient très peu nombreuses. Nous étudierons donc les relations entre climat politique familial et attitudes des sujets uniquement à l'aide de la question portant sur les opinions du père. Cette question doit d'ail leurs être utilisée avec précaution dans la mesure où les réponses sont données par les sujets eux-mêmes : ce sont eux qui classent leurs parents sur l'axe gauche-droite et ce classement peut s'accompagner de phénomènes de projection non négligeables, les sujets pouvant avoir te ndance à attribuer à leurs parents les mêmes opinions qu'eux. Toutefois, le croisement opéré entre les orientations politiques du père et celles des sujets montre que de tels phénomènes sont loin d'être systématiques49.

48. La question posée était la suivante : « Sur la même échelle que tout à l'heure, où auriez-vous classé votre père sur cette échelle ? » Comme précédemment, nous avons di stingué un groupe extrême-gauche correspondant aux deux premiers bacs, un groupe gauche correspondant au troisième bac et un groupe centre, droite correspondant aux quatre au tres bacs. Nous avons également éliminé les sans réponse.

49. Le croisement entre les questions mesurant les orientations politiques des sujets et celles de leur père donne les résultats suivants :

perg — ____^J>ujet % Extrême-gauche Gauche Centre, Droite Sans réponse

Extrême-gauche 35 20 2 8

Gauche 22 28 10 —

Centre, Droite 33 41 76 36

Sans réponse 10 11 12 56

(26)

Tableau 6. Sexe, orientations politiques du père et attitudes de gauche Père extrême- gauche (72) Père gauche (80) Père centre , droite (254) Hostilité Hommes (239) 41 aux Femmes (167) 61 ministres Ensemble (406) 50 Hommes (239) 61 Radicalisme Femmes (167) 48 Ensemble (406) 56 Attachement Hommes (239) 73 aux Femmes (167) 71 libertés Ensemble (406) 72 41 36 40 25 16 21 57 32 50 29 22 26 69 23 56 53 39 46

Le tableau 6 fait apparaître que des orientations familiales de gauche favorisent les attitudes d'opposition au pouvoir ainsi que l'attachement aux conquêtes sociales. Mais il faut noter, d'une part, qu'elles ne déve loppent pas ces attitudes également chez les hommes et les femmes et, d'autre part, qu'on doit distinguer entre l'extrême-gauche et la gauche.

Lorsqu'elles situent leur père à l'extrême-gauche, les femmes sont plus nombreuses que les hommes élevés dans le même climat politique à exprimer leur hostilité aux ministres. Elles sont également aussi disposées que ces derniers à se montrer attachées aux libertés collectives. Elles ont, toutefois, nettement moins tendance à obtenir des notes fortes sur l'échelle de radicalisme.

C'est-à-dire que si l'on compare ce résultat à celui obtenu précédem ment à l'aide des orientations politiques des sujets eux-mêmes on voit qu'ils sont très proches, la seule différence étant enregistrée sur l'échelle de radicalisme. On peut concevoir assez aisément ici que les attitudes des des sujets sont plus structurées par leurs orientations politiques propres que par celles de leurs parents.

On peut s'interroger également sur le contenu des valeurs d'extrême- gauche transmises par les pères des sujets composant l'échantillon, il pourrait s'agir de valeurs propres à cette génération. Pour cette dernière, être d'extrême-gauche aurait consisté peut-être davantage à mettre en cause les autorités et à défendre des conquêtes sociales (récentes pour certaines d'entre elles) qu'à développer des idées proprement « gauchist es ».

Quand les pères sont situés simplement à gauche, on n'observe pas les mêmes phénomènes que quand ils sont situés à l'extrême-gauche.

Figure

Tableau  1.  Sexe, âge et  attitudes  de gauche *  Hommes  .  .  Hostilité  &lt;274)  Femmes
Tableau  3.  Sexe,  profession  du père et  attitudes de gauche (36)  Hostilité  ministres aux  Radicalisme  Attachement  libertés aux  Hommes (261) Femmes (193)  Ensemble (454) Hommes (261) Femmes (193)  Ensemble (454) Hommes (261) Femmes (193)  Ensemble
Tableau  5.  Sexe, orientations  politiques des  sujets et  attitudes de gauche  Extrême  gauche (116)  Gauche  (122)  Centre  droite (206)  Hostilité  Hommes  (261)  66  aux Femmes  (183)  64  ministres  Ensemble (444)  65  Hommes  (261)  76  Radicalisme
Tableau 6.  Sexe, orientations politiques du père  et attitudes de gauche  Père extrême-  gauche  (72)  Père  gauche (80)  Père  centre ,  droite (254)  Hostilité  Hommes  (239)  41  aux Femmes (167)  61  ministres  Ensemble (406)  50  Hommes (239)  61  Ra

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