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Réformer la formation initiale des enseignants : Les enseignements dégagés des paradigmes de formation

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(1)

P U Z Z L E

E T O I L E D E F o

Réformer la formation initiale des enseignants

les enseignements dégagés des paradigmes

de formation

Note préliminaire

Dans un contexte où la réforme de la formation des enseignants retrouve son actualité, un détour par l'analyse évolutive des différents paradigmes qui ont présidé aux programmes de formation des maîtres peut éclairer la réflexion. Nous reprenons ici l'essen-tid d'une conférence prononcée pour l'ouverture de l'université d'été orga-nisée à Poitiers en octobre 1993 sur le thème : « Modèle de formation des enseignants, modèles d'apprentis-sage». Le titre de la conférence était: «Est-il possible d'enseigner à ensei-gner? La réponse de quelques para-digmes de formation».

Le texte construit pour cette occasion prend comme fil conducteur la pré-sentation par Zeichner (1983) de quatre paradigmes de formation; il est complété par des apports scientifiques plus récents.

Comment préparer les nouvelles générations à être des professionnels de l'enseignement et de la relation éducative? Nous n'aborderons pas ici les aspects sociologiques de la profes-sionnalisation des enseignants mais nous inviterons seulement à une réflexion sur quelques grands modèles pédagogiques d'organisation de la for-mation des enseignants.

1. Le modèle traditionnel juxtaposant une formation théorique et une approche artisanale

Quand il est apparu nécessaire de formaliser la formation des ensei-gnants, une part importante de celle-ci a été consacrée à l'acquisition de connaissances théoriques destinées à soutenir l'acte d'enseigner: psycho-logie de l'enfant et de l'adolescent, histoire de l'éducation et doctrines éducatives, plus récemment, pédagogie

J. Beckers

expérimentale et psychologie éduca-tionnelle. Les cours de méthodologie prennent souvent la même forme et expliquent le comment faire... Cette approche verbale — on dira aujourd'hui « déclarative » — du com-ment enseigner est juxtaposée à une immersion dans la pratique, idéale-ment auprès de maîtres chevronnés... Dans cet autre lieu prévaut le modèle artisanal, dont l'objectif prioritaire est que celui qui apprend (l'apprenti) puisse s'essayer aux compétences du métier, s'imprégner, grâce à une rela-tion privilégiée avec le maître (l'ex-pert), de la culture du métier, vu comme un art et dont l'unité perdrait à une trop grande spécification. C'est à l'in-tuition et à l'expérience des maîtres chevronnés que l'on fait confiance. Les pratiques de formation y sont cen-trées sur l'acquisition de savoir-faire et de savoir-être par imitation et essais et erreurs. La théorie prend peu de place. Maîtres et apprentis partageant la même conviction de son inutilité.

Le rapport à la connaissance y est donc strictement pragmatique et

l'invite à l'analyse plutôt rare: «Pour la pratique de mon métier futur, je retiens ce qui marche dans les classes». Or, sans analyse, il n'y a pas démarche de résolution de problèmes et acquisition de compétences adaptables, mais reproduction aveugle de pratiques apparaissant comme des moyens de s u r v i v r e au « choc de la r é a l i t é » (Veenman, 1984).

Prenons un exemple classique qui corres-pond à une préoccupation prioritaire des jeunes enseignants : se faire respecter dans leur classe. Dès qu'il y a un bruit de

fonds dans la classe, ne pas essayer de le dominer mais s'arrêter de parler». Telle

est la « r e c e t t e » du maître de stage... Effectivement, la pratique s'avère efficace, avec l u i , dans une situation d'agitation passagère... Est-ce que ça marcherait aussi avec un stagiaire timide et peu sûr de lui ? Est-ce que ça m a r c h e r a i t aussi si le bruit était provoqué par un événement impor-tant ou une attitude du stagiaire qui a choqué les élèves?

Parfois le terrain impose des élèves une image d'ennemis potentiels à mater — «Si tu ne contrôles pas la classe, c'est elle qui va te contrôler » — justifiant des pratiques avant tout répressives. De nombreuses études ont montré en effet qu'une orientation plutôt libérale des futurs enseignants au moment de leur formation initiale était, après un stage prolongé sur le terrain ou quelques années de fonc-tionnement, nettement mise en veilleuse pour faire place à des posi-tions moins humanistes (Zeichner, 1980)... Ce même Zeichner (1980) a Schéma 1 : le modèle traditionnel de formation

S'essayer à des compétences professionnelles S'imprégner de la culture du métier

Compagnonnage - Imitation du modèle - essais et erreurs entreprise de socialisation perspective pragmatique utilitaire

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dénoncé le mythe qui consiste à pen-ser que les stages sont immanquable-ment formateurs... À moins de répondre à certaines exigences d'or-ganisation, ces tranches de vie peu-vent constituer bien davantage une entreprise de socialisation (rites d'ini-tiation au métier, d'entrée dans la corporation) qu'une véritable prépa-ration au métier... Elles contribuent largement au maintien du système en place.

Ainsi, Eeinman-Nemser et Buchmann (1985), rejoignant les critiques de Zeichner, décrivent trois pièges ou exemples d'apprentissages inappro-priés que l'expérience scolaire peut produire :

• le piège de familiarité qui conduit les étudiants à considérer certaines pratiques de classe comme un donné irréductible ou naturel, que l'on ne remet pas en question;

• le piège du d o u b l e m o n d e : la réflexion sur l'action ne fait pas partie des habitudes du maître de stage qui, devant les exigences de l'institution de formation, la condamne comme un monde «coupé de la réalité»; • le piège des buts croisés du présent et de l'avenir; alors que l'étudiant est censé apprendre son métier futur, la classe n'est pas un laboratoire où il peut tenter ses propres expériences et ce qui s'est passé n'est pas soumis à réflexion.

2. Le modèle behavioriste

En réaction au modèle traditionnel auquel on reproche son manque de professionnalisme, des propositions de réforme ont vu le jour, notamment aux Etats-Unis. Dans la foulée du cou-rant behavioriste (qui prévoit le modelage progressif des comporte-ments par l'aménagement de contin-gences adéquates de renforcement), sont nés des projets de formation en fonction des compétences et/ou des performances attendues (voir à ce sujet Andersen, 1986).

L'objectif est ici de garantir

l'appro-priation active par les apprenants des capacités (skills) essentielles du métier.

Celles-ci sont clairement précisées ainsi que les critères qui permettront d'en vérifier la maîtrise : il s'agit ici de

comportements effectivement obser-vables sur le terrain, dans une situa-tion réelle. Sans nier l'importance des connaissances, les protagonistes de ces réformes s'érigent en effet contre les diplômes professionnels acquis uniquement en donnant la preuve qu'on est capable de restituer, verba-lement, des messages eux aussi ver-baux et de s'acquitter sans catastrophe d'obligations de stages dont les atten-dus ne sont pas clairement spécifiés. Dans le modèle behavioriste, des situations progressives d'apprentis-sage et d'exercice de ces capacités sont aménagées et répétées autant de fois que nécessaire pour garantir une maî-trise totale. C'est ici que s'inscrivent les pratiques classiques du micro-enseignement par exemple, corres-pondant à l'apprentissage de connais-sances procédurales. Ea métaphore qui rend le mieux compte du proces-sus enclenché ici est celle de la pro-duction; le professionnel formé sera un excellent technicien.

Idéalement, le choix des capacités retenues se fonde sur les résultats de la recherche en sciences de l'éduca-tion. Plus particulièrement, il s'agit d'exercer les futurs maîtres à des com-portements dont les recherches pro-cessus-produits ont montré qu'ils étaient associés à des effets positifs chez les élèves. E'orientation est donc positiviste et applicationiste; elle repose sur le postulat empirico-ration-nel selon lequel les êtres dotés

d'in-telligence, et on ne peut douter que les enseignants et futurs enseignants le soient, vont immanquablement modifier leurs pratiques à la lumière de données expérimentalement véri-fiées.

Il faut reconnaître de grands mérites à ce courant : l'accent mis sur les com-portements plutôt que sur le verbe et la volonté d'enrichir l'art du praticien à la lumière des données théoriques et scientifiques (ce qui concourt à la pro-fessionnalisation). Ee défaut d'analyse apparaît à nouveau comme le point faible du modèle assorti d'une cer-taine naïveté quant au pouvoir de pénétration des recherches.

Un exemple déjà ancien vécu à Eiège dans le cadre d'un mémoire de licence (J.-M. Martin, 1970) permet d'illustrer cette limite.

I-'ort des données de la recherche mettant en évidence l ' u t i l i t é de spécifier les feed-backs donnés aux élèves, un étudiant en sciences clé l'éducation s'est attelé avec un enseignant v o l o n t a i r e , à un p r o j e t d'amélioration de la qualité de ses feed-backs. Après une phase d'augmentation du nombre de feedbacks spécifiques lors des vingt premières minutes de la leçon, l'enseignant, de bonne volonté cepen-dant, en revient immanquablement à son profil de départ... L'analyse fait appa-raître que l'enseignant exploitait surtout des q u e s t i o n s de n i v e a u t a x o n o m i q u e peu élevé, appelant des réponses ponc-tuelles chez les élèves qu'il n'était ni aisé ni utile de nuancer par des feedbacks spé-cifiques... Par ailleurs les recherches de type écologique ont bien mis en évidence

Schéma 2 : le modèle behavioriste de formation

Acquérir des connaissances

déclaratives

et

S'exercer à des compétences professionnelles clairement spécifiées

et fournir la preuve observable de leur maîtrise = connaissances procédurales

Théorie

Pratique progressive et répétée micro-enseignement

(3)

JBffl*

T O I L E D E F O N D

les difficultés que suscite la hausse du niveau taxonomique des questions dans les s i t u a t i o n s gérées c o l l e c t i v e m e n t : celles-ci ralentissent le r y t h m e de pro-gression, provoquent des discussions entre élèves et par conséquent un certain désordre... C'est donc l ' e n s e m b l e des c o n t r a i n t e s de la s i t u a t i o n q u ' i l a u r a i t fallu analyser avec l'enseignant, porter à la négociation et à la décision si l'on vou-lait avoir une petite chance de modifier dans le sens attendu les comportements du maître.

Le rapport établi ici entre théorie et pratique est un rapport unidirection-nel d'application, la relation entre théoriciens et praticiens est une rela-tion inégalitaire où les premiers ont le pouvoir — celui de «l'objectivité», le retour vers la théorie à la lumière des enseignements de la pratique est rare-ment prévu, il pourrait même appa-raître comme incongru.

Pour la formation des enseignants, l'influence behavioriste reste béné-fique sous réserve toutefois de ne pas entraîner à des comportements trop étroitement spécifiés et de ne pas dis-socier la maîtrise des comportements d'une réflexion sur le pourquoi. Avec des nuances et des accentuations diverses, ces deux premiers modèles relèvent de l'idéologie de la transmis-sion culturelle, le deuxième présente une technicité et un souci d'efficacité plus grands mais tous deux sont cen-trés sur la société plus que sur l'indi-vidu et dans les deux cas le modèle d'apprentissage est celui de

l'hétéro-structuration (L. Not, 1988). C'est en

effet de l'extérieur que sont structurés les apprentissages, ici, la formation des enseignants; dans le paradigme traditionnel, c'est l'expérience et l'in-tuition du maître de stage qui modè-lent la formation; dans le paradigme behavioriste, ce sont les résultats de recherche.

3. Le modèle développemen-tal désigné par Zeichner comme personnaliste

Irritées par les positions scientistes et par la mécanisation qu'un point de vue behavioriste étroit risque d'en-traîner, d'autres voix se sont fait entendre qui préconisent un modèle de formation p l u s humaniste et davantage articulé sur les besoins res-sentis par les individus en formation. C'est le paradigme personnaliste. Dans le modèle personnaliste, l'ob-jectif essentiel est de promouvoir le développement personnel et la maturité psychologique des professionnels que l'on forme. Le formateur aura pour rôle de répondre aux demandes des étudiants, de partir de leurs convic-tions et représentaconvic-tions propres pour les faire progressivement évoluer vers un niveau supérieur de développe-ment. La métaphore est celle de la

croissance, la perspective est

déve-loppementale.

En opposition aussi avec l'épistémo-logie positiviste, la référence

philoso-Schéma 3: une manière d'opposer les modèles de formation

Modèle traditionnel artisanal Modèle behavioriste haute technicité Modèle personnaliste Transmission culturelle Hétérostructuratfon Perspective développementale Autostructuration Interstructuration Médiation = aménagement de situations où l'enseignant construit

son identité professionnelle autonome

Modèle réflexif

phique est ici phénoménologique, accordant la priorité à la perception et à la conscience qu'ont les individus de la réalité, au sens qu'ils lui don-nent, au rôle d'acteur qu'ils prennent dans leur formation.

G. Johnson (1997) ne fait pas de dif-férence entre le modèle artisanal et le modèle qu'il décrit comme dévelop-pemental. Celui-ci, surtout illustré par les travaux de Fuller (1969), Fuller et Bovvn ( 1 9 7 5 ) , établit trois stades séquentiels dans l'évolution des pré-occupations (pas nécessairement des comportements adoptés) de l'ensei-gnant novice à l'enseil'ensei-gnant expert: elles sont centrées sur le self, sur l'en-seignement, puis sur les élèves. En conséquence, puisque les élèves-maîtres et les jeunes enseignants sont, à un premier niveau de développe-ment préoccupés avant tout de leur « survie » face à la classe, il faut d'abord les aider à faire face à ces situations anxiogènes qui les empêchent d'évo-luer vers des préoccupations plus matures, relatives à la qualité de leur enseignement et à ses effets sur les élèves.

Ce postulat est contesté par d'autres a u t e u r s c o m m e Z e i c h n e r e t Teitelbaum (1982): ce n'est pas parce que tous les novices, dans le système scolaire tel qu'il est organisé actuelle-ment, sont centrés sur la survie qu'il faut construire l'essentiel du curricu-lum de formation en réponse à ces besoins. Il y a danger à ce que ces novices, en symbiose avec les maîtres de stage, routinisent des démarches qui les sécurisent actuellement. La réflexion ultérieure et la remise en question serait dès l o r s l a r g e m e n t c o m p r o m i s e . G. Johnson (1997) souligne le caractère généralement reproducteur que ce paradigme par-tage avec le paradigme traditionnel. On peut par ailleurs adresser à ce modèle le reproche d'attentisme typique des modèles

d'auto-structu-ration d'inspid'auto-structu-ration romantique. Le

souci de favoriser l'autonomie crois-sante de l'apprenant ne doit pas anni-hiler le rôle médiateur de l'enseignant, ni devenir synonyme de non inter-vention. Dans le champ de la forma-tion des maîtres, attendre que des

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préoccupations plus matures vien-nent spontanément remplacer le besoin de survie, risque de prendre du temps... Les études de Katz ( 1 9 7 2 ) citées par Zeichner et Teitelbaum (1982) ont montré qu'elles ne sur-viennent qu'après 3 ou 5 ans de fonc-tion...

Par rapport à la typologie de Ferry (1983), l'accent est mis ici davantage sur les démarches de l'apprenant que sur des connaissances et capacités spé-cifiques. Le principe qui guide ce para-digme de formation est qu'il est illu-soire d'imaginer que l'on puisse, au cours de sa préparation profession-nelle emmagasiner toutes les connais-sances et s'exercer à toutes les capaci-tés qui seront nécessaires sur le ter-rain. L'essentiel est donc d'apprendre à mobiliser son énergie pour faire face à des difficultés dans des situations nouvelles, à chercher de l'informa-tion, à contacter des personnes-res-source, à coopérer... Au cours de telles expériences, la personne se modifie, acquiert davantage de maturité, de confiance en elle-même et sera pré-parée à faire face à toutes les situa-tions de sa vie professionnelle future sans avoir besoin de se raccrocher à des solutions apprises.

Le rapport entre les activités de for-mation et la pratique du métier n'est donc pas de l'ordre de l'application comme dans le paradigme précédent; ici, l'instance de formation s'efface pour permettre l'expérience propre, le

concept-clé étant celui du transfert de pratique à pratique. Il faut craindre cependant que ce transfert ne soit ni automatique ni consécutif à toute forme d'expérience de vie si le contexte des essais n'est pas suffisam-ment proche du contexte profession-nel et si le formateur n'incite pas à la théorisation, moment médiateur du transfert.

4. Le modèle réflexif

En réaction aussi au modèle behavio-riste de l'enseignant vu comme un décideur rationnel gérant sa classe à la lumière des données de la science, le courant dit du « teacher tliinking» a mis en évidence l'absolue nécessité de prendre en compte les représentations et les théories implicites des ensei-gnants actuels et futurs parce que celles-ci pilotent leurs actes.

Reprenant à P. Bourdieu (1972) le concept d'habitus, Pcrrenoud décrit le comportement des praticiens comme étant constitué d'un ensemble de schèmes, pas toujours conscients, de perceptions, d'inter-prétations et d'actions qui guident leur action. Les novices ont, eux aussi, des théories implicites tenaces, struc-turées par leur vécu antérieur, comme élèves en tout cas. Britzman (1986) décrit trois caractéristiques essen-tielles de l'expérience scolaire de tout un chacun :

1) le contrôle social est une compo-sante essentielle de la vie scolaire; aux Schéma 4: le modèle personnaliste ou développemental

/

Acquéri connaissanc savoir-faire ju par le futu

Se développer sur le plan personnel

Evoluer dans ses préoccupations par rapport à 'enseignement

/

r les es et les gés utiles maître

\e

/ Préoccupations de survie dans un système non remis en question

\e des

expériences /

/

yeux des étudiants, ce contrôle n'ap-paraît pas comme l'exécution d'un mandat i n s t i t u t i o n n e l mais plutôt comme une composante de la per-sonnalité du professeur;

2) le curriculum est fragmenté, isolant des matières et développant des capa-cités décontextualisées; le professeur est figé dans un rôle de responsable de la distribution d'une partie de ces «produits de consommation », l'image professionnelle de l'enseignant est réduite à sa performance en classe, là où il doit apparaître comme un expert ;

3) les écoles sont des organisations très hiérarchisées affectant des rôles spéci-fiques et distribuant le pouvoir en fonction de ces rôles. Aux yeux des étudiants, la place du professeur dans cette hiérarchie est obscurcie par son apparente autonomie en classe, image renforcée par l'enseignant lui-même d é f e n d a n t « un ethos de sphère privée»; dans ce monde individuel, demander de l'aide est perçu comme un signe de faiblesse.

Les futurs enseignants au cours de leur expérience d'élèves ont donc construit du métier d'enseignant une image sim-plifiée, marquée par trois mythes: «tout dépend du professeur»,« le pro-fesseur est un expert » et « le propro-fesseur s'est fait luimême», valorisant l ' i n -dividu et o c c u l t a n t les contraintes institutionnelles du travail de l'ensei-gnant. Selon Britzman, l'existence de ces trois mythes explique la nature des demandes des futurs enseignants par rapport à leur formation : obtenir des solutions techniques à la gestion du groupe et du savoir, pour exercer au mieux ce double rôle individuel. Ces représentations préalables des futurs enseignants ne se laisseront pas si facilement balayer. Il faut leur per-mettre d'émerger, de se confronter à d'autres points de vue sans que des arguments d'autorité coupent court à la discussion. Il faut analyser les faits observés, chez le formateur ou chez les apprenants, les mettre en relation avec le contexte. Le professionnel décrit par Schôn (1983) s'engage dans un processus de réflexion, dans et sur l'action, quand il est « surpris » par les résultats de son comportement

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intuitif. Chez le novice, il faut parfois forcer l'action dans un certain sens pour permettre un « v é c u surpre-nant», lui aussi susceptible d'analyse. La restructuration des théories personnelles («refmiuing» comme dit Schôn) passe par l'expérience mais s u r t o u t p a r s o n a n a l y s e . Actuellement, les écoles ne sont pas des communautés professionnelles où la collégialité et l'expérimentation sont la norme; dans cette mesure, la priorité ne doit pas être mise sur l'ex-périence mais sur son analyse et là, le rôle du formateur reste essentiel. Ici se profile une autre image de l'en-seignant, celle d'un p r o f e s s i o n n e l réfléchi qui, par une attitude active de recherche et de questionnement, construit du sens. Elle a donné nais-sance à un nouveau paradigme de for-m a t i o n : le paradigfor-me réflexif. Celui-ci n'est pas monolithique: cer-tains (comme Cruickshank, 1985) le restreignent à l'analyse de la perti-nence des moyens (rationalité tech-nocratique fortement empreinte de h e h a v i o r i s m e ) alors que dans son acception pleine, ce paradigme veut développer chez les futurs enseignants îles capacités d'analyse non seulement sur leur propre pratii/ue dans le champ réel de leur intervention future mais aussi sur le contexte dans lequel ces pra-tiques s'inscrivent.

J. Dewey (1933) préconisait déjà de développer chez les futurs maîtres une capacité d'« action r é f l e x i v e » les por-tant à observer avec un œil critique les antécédents de leurs actions éduca-tives m a i s aussi leurs conséquences, sur le plan pédagogique certes, mais aussi social et éthique, à s'interroger sur le pourquoi a u t a n t que sur le com-ment sous peine d'accréditer sans plus le système e x i s t a n t . Trois a t t i t u d e s doivent guider la mise en œuvre de capacités techniques: l'ouverture d'es-prit, la responsabilité et la cohérence. V a n Vlanen ( 1 9 7 7 ) i d e n t i f i e trois niveaux de réflexivité:

• Le p r e m i e r porte sur la p e r t i n e n c e tech-n i q u e des moyetech-ns u t i l i s é s d a tech-n s l'actiotech-n par rapport aux buts p o u r s u i v i s , qui eux ne sont pas remis en q u e s t i o n , il s'agit de j u g e r de l ' e f f i c a c i t é ou m ê m e de l ' e f f i -cience des actes posés, la r a t i o n a l i t é est t e c h n o c r a t i q u e , on est dans le paradigme behavioriste précédemment décrit.

Paradigme réflexif

Schéma 5 : l'opposition des paradigmes, adapté d'après K. Zi ICHNKK (1983)

• A un deuxième niveau, la personne en formation cherchera à c l a r i f i e r les anté-cédents de son action ( p o u r q u o i celle-là) et ses conséquences. La réflexion est axio-l o g i q u e m a i s se base e n c o r e sur des critères liés s p é c i f i q u e m e n t au c h a m p pédagogique.

• Ce n'est q u ' a u troisième niveau, celui de la réflexivité c r i t i q u e , que le retour sur les choix portés se fera plus largement à la l u m i è r e de critères sociaux et éthiques. A i n s i p a r e x e m p l e l e s f u t u r s m a î t r e s seront préparés à observer de nombreuses s i t u a t i o n s éducatives, d a n s des contextes v a r i a b l e s et à les analyser non seulement en t e r m e s de p e r t i n e n c e des m o y e n s pédagogiques e x p l o i t é s ou de v a l e u r pédagogique des effets p r o d u i t s sur les élèves m a i s a u s s i e n p r e n a n t d ' a u t r e s points de vue: quelles relations sont i n s -taurées en classe entre l ' e n s e i g n a n t et les élèves et e n t r e pairs, comment se pren-n e pren-n t l e s d é c i s i o pren-n s d ' o r g a pren-n i s a t i o pren-n d u groupe, de q u e l l e n a t u r e est le c o n t r ô l e social, quel sort est réservé aux différences œgnitives culturelles et socio-culturelles entre les élèves, le monde e x t é r i e u r entre-t - i l dans la classe, q u e l l e s normes régis-sent les j u g e m e n t s portés sur ce monde e x t é r i e u r . . . ?

Zeichner ( U n i v e r s i t é du Wisconsin, 1983, 1987) formalise un paradigme désigné comme « hnjuin'-oriented tea-cher éducation » défendant cette appro-che r é f l e x i v e et cette a t t i t u d e de recherche: la formation doit dévelop-per les habitudes et capacités d'une croissance autodéterminée. Il l'oppose aux modèles précédemment décrits en référence à deux dimensions essen-tielles:

• Le caractère négociable du p r o g r a m m e de f o r m a t i o n est absent d a n s les para-d i g m e s t r a para-d i t i o n n e l et b e h a v i o r i s t e , le contenu du p r o g r a m m e j u s t i f i é , soit par l ' e x p é r i e n c e des p r a t i c i e n s , soit par les

r é s u l t a t s de la recherche, est imposé aux a p p r e n a n t s , m a i n t e n u s dans un s t a t u t de réceptacle p a s s i f . D a n s les deux autres paradigmes, personnaliste ou centré sur la recherche, les a p p r e n a n t s sont acteurs de leur formation.

• Le caractère jugé contestable des struc-tures et des pratiques instituées oppose le p a r a d i g m e réflexif à tous les autres. La f i n a l i t é e s s e n t i e l l e reconnue à la profes-sion est-elle de g a r a n t i r le m a i n t i e n des structures actuelles ou de t r a v a i l l e r à leur t r a n s f o r m a t i o n ? Les professionnels for-més seront-ils agents de c h a n g e m e n t ou de reproduction sociale?

Pour Zeichner, l ' e n s e i g n a n t est un professionnel qui résout des pro-blèmes, pose des choix et non quel-q u ' u n quel-qui exploite des recettes. Chaque situation d'enseignement est en effet éminemment complexe et par a i l l e u r s unique. II faut donc faire des e n s e i g n a n t s des i n d i v i d u s non pas a d a p t é s au système en place mais adaptables. Dans nos systèmes éduca-t i f s eéduca-t sociaux f o r éduca-t e m e n éduca-t séduca-trucéduca-turés, l ' i n s t i t u e empêche souvent de conce-voir d'autres f o r m e s d'approches comme possibles. Renverser la pers-pective en proposant d ' a n a l y s e r le pourquoi de ce d o n n é et les alterna-tives envisageables, notamment pour contribuer, par son propre enseigne-ment, à une société plus juste et plus h u m a i n e est une position i n h a b i -tuelle mais fondamentale sur les plans é p i s t e m o l o g i q u e et philosophique (voir aussi u l t é r i e u r e m e n t Core, 1987 et Adler, 1991 ). C'est la métaphore de la libération qui décrit le mieux cette orientation.

Aux Etats-Unis, toute une tradition a p o u r s u i v i des e f f o r t s d a n s ce sens.

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T O I L E D E F O N D P U Z Z L 1

Susciter une attitude de questionnement et d'apprentissage auto-régulé

Libération

—» agent de changement social

Modifier ses représentations

Schéma 6 : le modèle réflexif A i n s i , M. H u b e n n a n ( 1 9 7 8 ) décrit l ' i m p l a n t a t i o n d ' u n modèle clinique de fonctionnement des enseignants : amenés à résoudre des problèmes en s i t u a t i o n d ' i n c e r t i t u d e et souvent d'urgence, ils exploitent dans ce but une d é m a r c h e proche de celle du médecin qui sur la base de l'analyse de la situation et de ses antécédents, pose un diagnostic, propose un trai-tement, en analyse les effets et réajuste le tir si nécessaire. Le modèle r é f l e x i f de f o r m a t i o n se développe é g a l e m e n t au Québec (C. Lessard, M. T a r d i f , L. I.ahaye) et à Genève (M. Huberman, Ph. Perrenoud, M. G a t h e r T u r l e r ) , sans a u c u n mal p u i s q u ' i l s'inscrit h a r m o n i e u s e m e n t dans un modèle constructiviste d'apprentissage, de tradition dans la région...

Un c e r t a i n nombre de t r a v a u x sur l'enseignement réflexif sont regrou-pés sous le nom générique de « narra-tive i n q u i r y » ( v o i r C o n n e l l y et C l a n d i n i n , 1990) postulant que la génération et la t r a n s m i s s i o n de la connaissance de l'enseignant passe par des récits, par l ' u t i l i s a t i o n de métaphores ( M u n b y et Russe!, 1990). Dans la typologie établie par G. Ferry (1983), ce modèle de f o r m a t i o n appartient sans conteste à ceux qui privilégient l'analyse. Pour cet auteur, les types d'analyse peuvent être mul-t i p l e s , non pas en r a i s o n de la multiplicité des objets de la réalité mais parce que les modes de lecture de

cette réalité abondent (analyse organ i s a t i o organ organ e l l e , aorganalyse i organ s t i t u t i o organ -nelle, analyse systémique, psychana-lyse, analyse comportementale... On ajouterait a u j o u r d ' h u i analyse didac-tique). En fait, les objets de connais-sance ne sont pas donnés dans l'ex-périence m a i s construits selon des référentiels. On voit d'emblée com-bien le point de vue d é f e n d u ici s'écarte de la conception positiviste d'une lecture scientifique qui serait le décalque d'une réalité objective pre-nant sens par ailleurs, en dehors de cet acte de lecture.

Le rapport souhaité entre la théorie et la pratique est un rapport de régula-tion réciproque. La pratique ne peut être formatrice par elle-même si elle ne fait pas l'objet d'une lecture à l'aide de référents théoriques, de même une théorie qui planerait si loin de la réa-lité qu'on ne peut y trouver aucun point d'ancrage n'aurait pas non plus de p o u v o i r f o r m a t i f . Les connais-sances théoriques (psychopédago-giques, didactiques et relatives à la matière enseignée) alimentent le pro-cessus d'analyse : elles devraient aider, d'une part, à une meilleure planifica-tion des activités et à une meilleure anticipation des réactions des élèves auxquels on s'adresse, et, d'autre part, à une relecture plus f r u c t u e u s e de l'expérience. La théorisation de sa pratique peut conduire à amender les théories ou à en rejeter certaines. Cette relation de va et vient entre t h é o r i e e t p r a t i q u e e s t r a r e m e n t

spontanée, elle est difficile et mérite un encadrement systématique. Que l'analyse s'attache au processus d'enseignement ( d a n s ses aspects pédagogiques ou psychosociolo-giques) ou au processus d'apprentis-sage, l'enseignant est impliqué et la démarche est donc une démarche de remise en question. File n'est accep-t a b l e p o u r l ' e n s e i g n a n accep-t , comme pour le f u t u r enseignant, que s'il dissocie nettement ses comporte-ments professionnels et sa personne, s'il peut interroger son fonctionne-ment comme enseignant mais non se déconsidérer comme être humain. Les é t u d e s d ' o p é r a t i o n n a l i s a t i o n d u processus réflexif montrent toutes combien il est lié à une image de soi positive.

La sécurisation apparaît comme une qualité essentielle du contexte d'ap-prentissage de la réflexivité. Si le choc de la réalité est trop grand, l'attitude réflexive, même préparée par une for-mation adéquate, d i s p a r a î t r a . C'est d'ailleurs à cette raison que Korthagen étui, attribuent la période de latence observée chez les é t u d i a n t s du pro-gramme SOL1 (voir ci-après).

Dans la f o r m a t i o n , la progressivité des tâches requises des stagiaires est certes un atout favorable bien que son incidence n'ait jusqu'à présent pas été clairement prouvée. Diverses formules sont régulièrement exploitées à l'uni-versité de Liège dans ce souci. Ainsi en e s t - i 1 p a r e x e m p i e d u t u t o r a t (J. Beckers, stages de contact organisés pour l'agrégation de l'enseignement secondaire s u p é r i e u r ) : avec un ou deux élèves en difficulté par rapport à une notion, le stagiaire doit diagnos-tiquer l'origine d'un problème, pro-poser une remédiation et s'interroger sur ce processus, ses effets et sur son attitude d'enseignant. La situation est moins complexe que la s i t u a t i o n de classe habituelle où les interactions sont m u l t i p l e s , et p a r t i c u l i è r e m e n t p r o p i c e à u n e c e n t r a t i o n s u r l a régulation des apprentissages du sujet apprenant (voir à ce sujet Korthagen et Brink, 1992).

1. Programme de f o r m a t i o n d'enseignants du secondaire en m a t h é m a t i q u e s , a p p l i q u a n t le p a r a d i g m e de la r e t l e x i v i t é et e x p é r i m e n t é depuis plusieurs années à l ' t r e e h t

*=>

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T O I L E D E F O N D

De même, l'engagement dans un processus de formation conjointe via l'organisation de stages en duo2 avec

obligation d'alterner les rôles d'acteur et d'observateur présente plusieurs avantages: il engage les futurs ensei-gnants à un autre mode de fonction-nement professionnel, plus collégial, rompant avec l'image individualiste du métier d'enseignant; il autorise un compagnonnage réflexif invitant à l'analyse, autorisant la découverte d'autres possibles, dans l'interpréta-tion comme dans l'acl'interpréta-tion, et favori-sant la régulation.

Plusieurs auteurs œuvrant dans le paradigme réflexif insistent sur la nécessité que la régulation chez le futur enseignant soit endogène pour qu'il continue à apprendre grâce à son expérience plutôt que d'être dictée par un jugement extérieur porté par un superviseur, investi de pouvoirs. Notre passé scolaire ne nous a pas pré-paré à une telle attitude. L'hypothèse formulée par l'école d'Utrecht (Korthagen, 1993; Wubbels, 1992) est qu'il faut stimuler l'indépendance de l'élève-maître par rapport à son super-viseur et à son maître de stage pour atteindre la réflexivité. Rôle difficile pour ces derniers qui craignent parfois de perdre leur crédibilité dans une attitude non normative, rôle presque incompatible d'ailleurs avec le fonc-tionnement d'un système certificatif souvent dominé par une approche normative. C'est pourquoi il importe de ménager une place à ces formules de compagnonnage où l'installation d'une relation de coopération avec un condisciple pourra jouer un rôle positif dans le développement de la compétence analyse et d'auto-régulation.

5. Questionner le modèle réflexif

5. 1. Validations empiriques

Les validations empiriques de l'effica-cité du modèle de formation réflexif sont encore peu nombreuses.

Une étude de K.C. Stoiber (1992) a comparé l'efficacité relative de sémi-naires de formation sur les problèmes de gestion de la classe, destinés à des futurs maîtres avant toute pratique. Les étudiants du groupe réflexif sont

nettement supérieurs aux étudiants du groupe de contrôle et du groupe centré sur l'acquisition de principes normatifs et de techniques de gestion sur le plan du raisonnement pédago-gique, du degré de responsabilisation des étudiants et leur capacité à résoudre des problèmes. Cette étude a le mérite de montrer qu'il est effecti-vement possible de former efficace-ment à la réflexivité et que les béné-fices cognitifs de cette formation sont réels. Lntraîneront-ils des comporte-ments différents en situation d'ensei-gnement? Seul un suivi longitudinal de ces étudiants pourrait le dire. L'équipe d'Utrecht précédemment citée a effectivement entrepris le suivi d'enseignants formés au programme SOL en les comparant dans l'exercice de leur métier à des enseignants préparés selon un programme tradi-tionnel. Après une période de latence pendant laquelle les deux groupes, insécurisés par le contact avec une réalité professionnelle toute nouvelle, ne se différencient pas, les ensei-gnants formés à la réflexivité retrou-vent leurs marques et se distinguent des autres par les caractéristiques sui-vantes:

• une attitude plus indépendante et auto-régulée,

• une plus grande satisfaction dans l'exercice de leur métier,

• une centration sur leurs élèves plus que sur leur performance d'ensei-gnant,

• une perception plus exacte de ce que les élèves pensent d'eux et de leur cours.

Ces caractéristiques apparaissent incontestablement comme des atouts importants d'une pratique pédago-gique efficace, mais les effets produits auprès des élèves n'ont pas été mesu-rés. Des études d'évaluation impli-quant toutes les facettes (la compa-raison des formations, les effets directs de ces formations, le suivi sur le terrain en y observant à la fois les enseignants et les élèves...) sont très lourdes et difficiles à mener car le contrôle rigoureux des variables contextuelles est quasi impossible. On ne peut cependant qu'appeler de tous ses vœux toute tentative dans ce sens. Sans attendre le verdict de telles

études de validation, la régulation progressive de ces pratiques réflexives en formation montre bien toute leur richesse mais aussi toute leur diffi-culté.

5. 2. Un dépassement souhaitable?

Tout en reconnaissant que le digme réflexif se différencie du para-digme développemental par son potentiel de changement, G. Johnson ( 1997) considère que tous deux appar-tiennent au cadre personnaliste en ce sens qu'ils construisent leurs assises sur la réussite, les intentions et les valeurs des enseignants considérés comme des i n d i v i d u s , alors que le cadre post-personnaliste déplace le foyer sur les relations sociales entre sujets, inscrivant notamment l'inter-prétation des comportements et des représentations des enseignants dans leurs racines sociales et culturelles. Ici, G. Johnson s'inspire des travaux de Grutnet (1989) et de Britzman (1986) déjà évoqués (p.5 de ce texte) et suggère une reconceptualisation de l ' e n s e i g n e m e n t c o m m e p r a t i q u e s o c i a l e p l u t ô t q u ' i n d i v i d u e l l e . L'identité personnelle de l'enseignant fait place à l'identité négociée comme enseignant, avec sa hiérarchie, avec ses élèves, avec les parents... différente d'un rôle unique assigné. L'individu peut donc adopter de multiples iden-tités en fonction des contraintes de structure sociale; elles s'expriment dans ses différents discours.

Alors que le concept d'identité est traditionnellement situé dans un paradigme développemental huma-niste, Britzman (1986) lui donne une signification sociale: l'enseignant comme sujet social a le pouvoir de construire des pratiques alternatives. Cette mise en question de l'institué et cette volonté de changement étaient déjà au cœur du modèle de Zeichner. Ici cependant, l'importance de la com-posante sociale dans la construction et

2. Diverses f o r m u l e s ont été utilisées, associant n o t a m m e n t f u t u r s régents et f u t u r s licenciés et menées en synergie avec les hautes écoles de la r é g i o n l i é g e o i s e ( v o i r A . B a r r e r a - Y i d a l e t A. l ' o s k i n , d a n s l e c a d r e d e l ' a g r é g a t i o n d e renseignement secondaire s u p é r i e u r en langues romanes et J. Heckers, dans le cadre de la licence en sciences de l ' é d u c a t i o n ) .

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T O I L E D E F O N D P U Z Z II

la transformation de l'identité de l'en-seignant est mise en l u m i è r e avec force. 11 est essentiel, en effet, que les formateurs cherchent à l'exploiter dans les analyses croisées qu'ils susci-tent de la réalité scolaire en contexte mais aussi dans les pratiques qu'ils encouragent.

6. Quelques mots de conclusion

Le lecteur a sans doute perçu où vont les préférences de l ' a u t e u r de ces quelques lignes, l.e modèle réflexif avec ses caractéristiques de question-nement pédagogique mais aussi social et éthique, revisité par une accentua-tion de la dimension collégiale et cul-turelle du métier apparaît comme le plus ambitieux et le plus complet. 11 ne peut conduire à négliger l'acquisi-tion de compétences techniques dont l'utilité a été confirmée mais doit per-mettre au contraire leur exploitation raisonnée, pertinente et porteuse de sens. Quant au développement per-sonnel de l'enseignant, s'il n'est pas l'objectif premier d ' u n e f o r m a t i o n professionnelle, il ne pourra que s'épanouir dans la construction d'une professionnalité autonome, respon-sable et citoyenne.

Ce modèle implique une révolution des mentalités, il n'est possible que si la formation initiale, prolongée d'ailleurs par une phase d'induction encadrant les premiers pas dans la fonction, y invite. C'est par des expé-riences pratiques, progressives et encadrées, mais en grandeur réelle que les f u t u r s maîtres construiront leur identité professionnelle et se for-geront un habitus où l'attitude collé-giale de questionnement est profon-dément ancrée. Les contacts intensifs avec la réalité du terrain, incontour-nables dans cette perspective, offri-ront peut-être bien des occasions de décalage par rapport à l'idéal défendu par l'institution de formation. Si le suivi et l'interaction entre les diffé-rents partenaires sont suffisants, ces décalages pourront eux aussi faire l'objet d'une analyse et enrichir, ils ne sont source de rupture et de fuite que si l'étudiant-stagiaire doit les gérer seul. ,,<-,

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Références

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