• Aucun résultat trouvé

Relativité et géodiversité des vérités médico-économiques

N/A
N/A
Protected

Academic year: 2021

Partager "Relativité et géodiversité des vérités médico-économiques"

Copied!
10
0
0

Texte intégral

(1)

RELATIVITE ET GEODIVERSITE DES VERITES MEDICO-ECONOMIQUES

G.E. Piérard (1)

(1) Chargé de Cours, Chef de Service, Université de Liège, Service de Dermatopathologie

(2)

Résumé

La gestion économique des soins de santé est difficile. Elle se présente sous plusieurs visages qui ne peuvent se targuer d'être des sciences exactes. Elle se heurte à divers écueils parmi lesquels la géodiversité des problèmes à résoudre et les nuances d'application des principes d'équité sociale et d'éthique médicale. L'analyse médico-économique est enfin en butte à certaines interprétations politiciennes biaisées par des a priori doctrinaux. Bien souvent, il en découle une confrontation entre le cénacle politique et les acteurs directement impliqués dans l'art de guérir.

Summary

Relativity and geodiversity of medico-economical realities.

The economic gestion of health care is difficult to handle. It covers several aspects which cannot pride to be accurate sciences. It strikes difficulties such as the geodiversity of problems to be solved and the nuances in the application of principles of social equity and medical ethics. The health-care analysis is also exposed to some politician interpretations biased by doctrinal a priori. Most often, a confrontation ensues between the political cenacle and the professionals directly involved in health-care.

(3)

L'économie analyse et explique les modalités selon lesquelles un individu ou une collectivité affecte des moyens limités à la satisfaction de besoins illimités. Dans notre univers marqué par la rareté des ressources, l'économie est, selon une expression consacrée, la science des choix. Cependant, les sciences sont par essence universelles et intemporelles. Elles peuvent s'appliquer à tout moment et partout dans le monde sans restriction aucune. La pharmaco-éoconomie, et plus largement encore la médico-économie, n'en font pas partie car la géodiversité et les changements dans le temps des paramètres qu'elles prennent en compte sont très grands. De plus, les conclusions d'une analyse économique dépendent en grande partie de la logique et de la méthodologie choisies (1) ainsi que de la liberté interprétative qui les accompagne.

Diversité des évaluations médico-économiques

Il existe plusieurs modalités visant à quantifier une relation entre l'économie et les soins de santé (Tableau I). Elles sont utilisées au gré du but poursuivi par l'évaluation.

De façon théorique, les analyses de type coût-avantage permettent d'optimiser l'allocation des ressources entre le domaine médical et les domaines extérieurs à la santé tels la défense nationale et l'éducation. Une étude de type coût utilité (COI) est descriptive et utilisée traditionnellement pour comparer le poids économique de pathologies distinctes (2). Toutefois, la plupart des analyses conduites par les économistes visent à optimiser la prise en charge d'une pathologie précise. L'appréciation de la minimisation de coût (CMA) recherche la voie la moins chère pour aboutir à l'effet recherché dans une pathologie donnée (3). L'analyse du coût-bénéfice (CBA) est une méthode économique classique par laquelle le coût et le bénéfice d'un acte de soins de santé sont exprimés en unités monétaires (4). Les évaluations coût-efficacité (CEA) et coût-utilité (CUA) reçoivent actuellement les faveurs de nombreux

(4)

économistes (5-7). Ils comparent divers actes en terme de coût par unité de conséquence. Dans le CUA, cette mesure intègre la quantité et la qualité de vie sous forme de QALY (quality-adjusted-life-year) (7). Pour le CEA et le CUA, toute alternative diagnostique ou thérapeutique plus efficace peut revendiquer un prix plus élevé, tout en contrôlant le surcoût dans des limites strictes par unité d'efficacité supplémentaire.

Pour ces méthodes, la réflexion économique tente d'attribuer une allocation optimale de ressources au système de santé et de la répartir équitablement en son sein (8, 9). Cette allocation maximiserait le bien-être de l'ensemble de la collectivité par son efficacité et son caractère équitable. Dans l'état actuel de la science économique, il n'existe pas d'outils qui permettent de définir concrètement l'allocation optimale. A supposer même que ce type d'évaluation existe, il impliquerait en tout état de cause, au moment d'arbitrer notamment entre l'efficacité et l'équité, le recours à des jugements de valeur. En particulier, pour chaque méthode économique choisie, la nature de l'effet thérapeutique escompté devrait être rigoureusement définie. En effet, le médecin peut rechercher une stabilisation, une amélioration partielle, une disparition transitoire ou une guérison de la maladie. Le coût global en est certainement affecté. De plus, il est évident qu'une vision globale de la gestion des pathologies est nécessaire. Elle doit intégrer les coûts directs et indirects, mais elle doit également tenir compte de la possibilité de coûts cachés qui par définition restent inconnus. Sur le plan des bénéfices, l'évaluation économique dépend beaucoup de l'estimation, tant objective que subjective, de l'efficacité de l'acte médical. Cet aspect est particulièrement difficile à gérer lorsque des symptômes subjectifs comme la douleur et des impacts psychologiques doivent être pris en compte.

(5)

Equité, éthique médicale et ressources pour les soins de santé Une des préoccupations majeures qui devraient gouverner l'analyse médico-économique est l'accès équitable de toutes les couches de la société aux ressources des soins de santé. Cette équité ne peut jamais être prise en compte par la seule évaluation économique d'un problème. Cette dernière ne ferait que refléter les différences socio-économiques en les transposant ou en accroissant leurs effets sur le plan de la santé. Il est évident que la notion d'équité varie de par le monde selon le développement et le choix politique des sociétés. Elle peut même être perçue différemment selon les régions d'un même pays. En fait, l'équité doit faire partie de la lecture interprétative des documents relatifs à l'économie de la santé. En pratique, elle n'intervient jamais dans la logique mathématique des documents publiés.

C'est dans ce cadre que l'éthique médicale affronte également certaines des logiques économiques (10). Prévoir le meilleur des soins de santé pour le plus grand nombre est exclu de l'actualité. L'allocation équitable des moyens telle qu'elle est prônée aujourd'hui interpelle le médecin. Certes, le principe d'éviter des dépenses abusives dans un domaine particulier afin de réserver une majorité de moyens pour le plus grand nombre paraît évident et acquis. En revanche, les discussions sont vives sur le mode de répartition des moyens disponibles. Elles sont parfois alimentées de l'iniquité d'interprétations politiciennes fallacieuses.

"A chacun une part égale" ne tient pas compte des inégalités initiales, ni des besoins réels. "A chacun selon ses besoins" est probablement le meilleur choix mais qui s'avère si difficile à gérer. "A chacun selon ses efforts" accentue les inégalités et conduisent à la limitation de traitement chez les patients incapables de corriger les facteurs de risque (excès de poids, tabac, alcool, etc...). "A chacun selon son mérite" a déjà suscité des débats à l'étranger sur la priorité à accorder l'accès à certains traitements aux actifs

(6)

par rapport aux sans emplois. "A chacun selon les règles du marché" est une dérive pratiquée dans certains pays dont les Etats-Unis. Tant l'éthique que l'équité ont peu de poids dans ce système. "A chacun selon sa contribution" est tout autant inéquitable. Elle est alimentée par des aspects communautaires belges qui accentueraient les différences entre des groupes de population.

L'éthique est également directement concernée par les problèmes posés par la réalisation d'études cliniques randomisées ayant pour but une évaluation médico-économique (10). Peut-on comparer l'effet d'une prévention par rapport à son absence lorsque le risque de perte de qualité de vie est important ? Comment évaluer objectivement l'impact de pratiques non conventionnelles et de médecines parallèles lorsque ces disciplines éprouvent tant de difficultés à se démarquer d'un effet placebo (11) ?

Géodiversité des problèmes médico-économiques

Toutes les analyses médico-économiques évaluées dans leur contexte peuvent faire l'objet de critiques interprétatives (2, 9). L'extrapolation des résultats dans un contexte économique, social et politique différent est un essai audacieux s'avérant souvent spécieux. En fait, la géodiversité des problèmes médico-économiques est grande pour plusieurs raisons.

- Problématique de l'environnement : la nature, la prévalence et la sévérité de certaines maladies sont sous l'influence directe de facteurs géoclimatiques (12). Les diverses pollutions industrielles, automobile, agro-alimentaires ne peuvent être ignorées pour les mêmes raisons. Certains types d'analyse médico-économiques peuvent en mesurer l'impact sur un plan régional.

- Problématique sociale : nombreux sont les facteurs sociaux qui modifient le paysage médico-économique. La distribution d'âge dans une population donnée, le sous-emploi, la qualité de l'habitat, l'intégration de groupes immigrés, l'éducation et la sensibilisation aux problèmes de santé sont

(7)

quelques facteurs qui peuvent conjuguer leurs effets pour affecter significativement une disparité dans les besoins en soins de santé.

- Problématique de l'accessibilité aux soins de santé : les évolutions rapides dans les technologies de diagnostic (13) et de traitement, ainsi que le développement de médicaments plus efficaces modulent inévitablement le coût de la santé. L'efficience du système est grandement influencée par le coût et les indications reconnues pour chaque médicament. Ceux-ci varient considérablement selon les pays (14). L'accès direct ou indirect du patient à la médecine spécialisée est un autre aspect du problème qui suscite de vives polémiques dans le monde médical. L'efficience d'un système d'échelonnement n'est nullement prouvée. Au contraire, elle serait mise à mal dans le cadre de certains secteurs de la médecine où on assisterait à une multiplication inutile de consultations. En fait, la vue globale de ce problème risque d'aboutir à une dérive normative inadéquate qui perdrait son efficience et qui bafouerait les fondements de l'équité et peut-être même de l'éthique médicale.

Conclusion

Les analyses médico-économiques sont d'un très grand intérêt. Cependant, leur interprétation requiert beaucoup de circonspection.

(8)

Bibliographie

1. Maynard A.- Logic in medicine: an economic perspective. Br Med J, 1987, 295, 1541-1547.

10. Williams A.- Cost-effectiveness analysis : is it ethical ? J Med Ethics, 1992, 18, 7-11.

2. Drummond M.F.- Cost-of-illness studies. A major headache ? Pharmaco Economics, 1992, 2, 1-4.

3. Guyatt GH, Sackett DL, Sinclair JC, et al.- Users' guides to the medical literature: a method for grading health care recommendations. JAMA, 1995, 274, 1800-1804.

5. Briggs A, Sculpher A, Buxton M.- Uncertainty in the economic evaluation of health-care technologies : the role of sensitivity analysis. Health Econ, 1994, 3, 95-104.

7. Mehrez A, Gafni A.- Healthy years equivalents versus quality adjusted life years: in pursuit of progress. Med Dec Mak, 1993, 13, 287-292.

4. Hutton J.- Cost-benefit analysis in health care expenditure decision-making. Health Econ, 1993, 1, 213-216.

6. Luce B, Simpson K.- Methods of cost-effectiveness analysis: areas of consensus and debate. Clin Therapeut, 1995, 17, 109-125.

(9)

8. Adams ME, McCall NT, Gray DT, et al.- Economic analysis in randomised controlled trials. Med Care, 1992, 30, 231-238.

9. Udvarhelyi S, Colditz GA, Rai A, et al.- Cost-effectiveness and cost-benefit analyses in the medical literature. Are methods being used correctly ? Ann Intern Med, 1992, 116, 238-244.

14. Lindquist M, Edwards IR.- Adverse drug reaction reporting in Europe: some problems of comparison. Int J Risk Saf Med, 1993, 4, 35-46.

11. Scheen AJ.- L'homéopathie peut-elle trouver sa légitimité dans les résultats "positifs" d'une méta-analyse ? Rev Med Liège, 1997, 52, 694-697.

12. Piérard GE.- L'écologie, la photoclimatologie et la géographie vont-elles influencer la dermatologie de demain ? Rev Med Liège, 1996, 51, 647-648.

13. Piérard GE.- Le coût des diagnostics empiriques et intuitifs. Rev Med Liège, 1998, 53, ....

Les demandes de tirés à part sont à adresser au Prog. G.E. Piérard, service de Dermatopathologie, CHU du Sart Tilman, 4000 Liège.

(10)

Tableau 1 : Lexique des méthodes d'évaluation économique dans le secteur des soins de santé.

COI cost-of-illness

CMA cost-minimisation analysis CBA cost-benefit analysis

CEA cost-effectiveness analysis CUA cost-utility analysis

Références

Documents relatifs

En apprécier l’impact économique est complexe, car il ne s’agit pas d’estimer le rapport coût- efficacité d’une molécule, mais celui de toute une stratégie

En se déplaçant sur la courbe la plus basse (solution réalisable), on trouve un point maximum qui ne peut être qu’un point d’intersection de 2 courbes (teneur

Vous serez chargé, sous la responsabilité du responsable de service, principalement de la Gestion des Ressources Humaines et participerez à l’élaboration et à la mise en œuvre

Enfin, selon deux études (Van Monfoort, et al., 2006) ; (Van Montfoort, et al., 2005), l’application des lignes directrices de PMA limitant le transfert d’embryons à

4- participer à la mise en place d’un projet individualisé pour la personne , en lien avec l'équipe et dans le respect du projet institutionnel, visant à maintenir ses

MP Kenane N Hôpital d’Instruction des Armées Sainte Anne MP Kenane N Hôpital d Instruction des Armées Sainte Anne MG Dal E Force d’action navale... Bâtiment de Soutien

La conduite de troupeaux de bovins allai- tants, d’effectifs relativement importants dans les conditions françaises - entre 50 et 65 vêlages par travailleur, soit 80 à

Dans le quartile supérieur du groupe, la maîtrise du coût de production de l’atelier (332€/1000l hors charges supplétives) est surtout liée aux charges courantes, mieux