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L'âge du départ à la retraite comme question de politique de santé publique?

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Academic year: 2021

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Article à paraître dans le prochain n° de la revue « La Sève » Page 1 sur 4

L’âge du départ à la retraite comme question de politique

de santé publique ?

Adam Stéphane (Docteur en Psychologie, Université de Liège), Bonsang Eric (Docteur en Economie, Université de Maastricht), & Perelman Sergio (Professeur à la HEC-Management School, Université de Liège)

Au cours de ces cinquante dernières années, la retraite est devenue une période de la vie de plus en plus longue. Alors qu’elle s’élevait en moyenne à huit ans durant les années 60, elle atteint plus de vingt ans aujourd’hui. Cet allongement s’explique essentiellement par deux phénomènes : d’une part, l’espérance de vie s’est considérablement accrue ; d’autre part, l’âge effectif de départ à la retraite a continuellement diminué. La crise des années 70 et l’apparition du chômage de masse ont en effet conduit plusieurs pays européens à favoriser les départs précoces à la retraite afin d’absorber l’excès d’offre de travail des plus jeunes générations.

Beaucoup de questions se posent aujourd'hui sur les implications de ces politiques: Ont-elles servi effectivement à ouvrir le marché de l'emploi aux jeunes ? Seront-Ont-elles toujours viables financièrement ? Quel est leur réel impact en termes de bien-être ? Entre autres dans le domaine de la sante qui nous intéresse ici. Pour certains le fait de quitter l'activité professionnelle sera synonyme de meilleure santé, pour d'autres cela pourrait être le contraire. En effet, certaines études montrent des liens entre retraite et dépression, et d'autres (dans le domaine de la neuropsychologie et en psychologie cognitive) suggèrent que la retraite aurait également des conséquences négatives sur le fonctionnement cognitif général de la personne âgée.

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Au cours des dernières décennies, un grand nombre de preuves se sont accumulées indiquant que le vieillissement s’accompagne d’un déclin léger de certaines fonctions cognitives comme les capacités de concentration ou de mémoire. Ce déclin des fonctions cognitives avec l’âge est associé à des changements dans le cerveau (phénomène tout à fait normal lié au processus de vieillissement). Néanmoins, tous les individus ne sont pas égaux face à ces changements. Ainsi, on va observer un déclin plus prononcé chez certaines personnes alors que d’autres vont rester très alertes même à des âges très avancés (par exemple, on a mis en évidence une très grande vitalité cognitive chez certains individus centenaires). De même, l’effet de pathologies comme la maladie d’Alzheimer n’est pas le même d’un individu à l’autre. Ainsi, deux personnes peuvent avoir des lésions cérébrales liés à la maladie de même étendue, avec une qui sera très handicapée dans sa vie de tous les jours, tandis que l’autre restera très autonome et aura peu de répercussions de la pathologie dans sa vie quotidienne.

A partir de ces observations, certains chercheurs (en particulier Stern et ses collaborateurs) ont essayé d’identifier les facteurs qui expliquent ces différences entre les individus. Ils ont ainsi suggéré que la scolarité, le fait d’avoir réalisé des activités tout au long de son existence (ex : activités de loisirs, le sport, les activités professionnelles, les activités sociales) permet aux individus de développer une forme de « réserve cérébrale » qui permet de compenser plus tard les effets du vieillissement et de pathologie comme la maladie d’Alzheimer. En d’autres termes, plus un individu a été actif et reste actif, plus son fonctionnement cognitif est bon. Ces observations suggèrent donc que nos performances cognitives et leurs évolutions ne sont pas prédéterminées : nous avons la capacité de les influencer.

Ainsi, dans une étude récente (Adam, Bonsang, Germain, & Perelman, article soumis pour publication), nous avons exploité les données d’une enquête européenne (l’enquête SHARE) incluant environ 33.000 individus âgés de 50 ans et plus, et issus d’une douzaine de pays européens différents (allant de la Suède à l’Espagne). Les résultats montrent que toutes les variables associées à l’activité sont en relation avec le fonctionnement cognitif des individus. Par exemple, la pratique d’activités non professionnelles ou d’activités physiques est associée de manière non négligeable au vieillissement cognitif : elle retarde celui-ci de 3,23 années dans le premier cas et de 1,84 dans le deuxième. Plus directement, le fait de garder une activité professionnelle permet de différer le vieillissement cognitif d’environ 1,3 année. Surtout, une analyse par pays montre que les personnes âgées ont un meilleur

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fonctionnement cognitif dans les pays européens où la retraite est fixée à 65 ans (comme en Suède) par rapport aux pays où la retraite est plus précoce (par exemple 60 ans en France).

En conclusion, quelle que soit la méthode ou la source de données utilisées, les résultats sont univoques : le fait de rester en activité professionnelle est positivement associé à la constitution de la réserve cérébrale. Le maintien en activité des personnes âgées contribue à retarder les effets du vieillissement sur les performances cognitives. En moyenne, l’augmentation du taux d’emploi des personnes âgées conduirait à une amélioration de cette dimension du bien-être et retarderait les effets

cliniques du vieillissement normal ou de maladies neurologiques (par exemple, la maladie d’Alzheimer). Cependant, il s’agit de nuancer ce résultat : bien que l’effet de la retraite sur les performances cognitives soit clair, cela ne signifie pas que c’est le cas pour l’ensemble de la population. Il dépend vraisemblablement de divers facteurs tels que le type de profession ou l’épanouissement dans la vie non professionnelle. Par ailleurs, nos résultats suggèrent que la pratique d’une activité non professionnelle et les contacts sociaux permettent également de retarder le vieillissement cognitif. La retraite n’affecte pas les performances en soi, mais reflète plutôt les changements de style de vie qui s’opèrent lors de cette transition.

Néanmoins, si nous considérons l’ensemble de ces éléments, la politique de la retraite ne doit plus uniquement s’envisager en termes économique mais également en termes de santé publique. Il apparaît important de réduire les incitants économiques au départ à la retraite (incitants qui font qu’une personne est parfois poussée à la retraite car elle perdrait de l’argent à continuer à travailler). De façon caricaturale, l’idée serait qu’il ne faut pas pousser à la retraite une personne qui souhaite continuer à travailler (pour autant qu’il n’y ait pas de contre-indications médicales comme par exemple pour un chauffeur de bus scolaire). Par ailleurs, si une personne quitte son emploi, il est alors primordial que nos sociétés

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réfléchissent à des dispositions qui les encouragent à rester actifs (comme par exemple participer à des ASBL, faire du bénévolat, etc.) dans la mesure où cette activité aura un impact majeur sur leur santé physique et mentale.

Référence pour les personnes intéressées :

Adam, S., Bonsang, E., Germain, S., & Perelman, S. (2007). Retraite, activités non professionnelles et vieillissement cognitif : Une exploration à partir des données de Share. Economie et Statistique, 403-404, 83-96.

Adam, S., Bay, C., Bonsang, E., Germain, S., & Perelman, S. Occupational activities and cognitive reserve: A frontier approach applied to the survey on health, ageing, and retirement in Europe (SHARE). Journal of Gerontology: Social Sciences, (article en révision).

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