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L'évolution historique du mandat du centre de réadaptation et son impact sur les droits des jeunes

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L'évolution historique du mandat du centre de réadaptation

et son impact sur les droits des jeunes

Julie Desrosiers Facultédedroit li.McGill, Montréal

décembre 1998

Mémoire soumisàla Facultédesétudes supérieures pour l'obtention d'un diplôme de maitrise en droit

(4)

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(5)

Je tiens à remercier Colleen Sheppard, mère et intellectuelle, qui a dirigé ce mémoire et m'a soutenue avec la compréhension de celles qui savent les difficultés inhérentes à la vie familiale et académique. La confiance qu'elle me témoigne m'est précieuse.

J'ai eu la trèsgrandechance d'être co-dirigée par Lucie Lemonde, spécialiste des questions juridiques liéesàrenfermement. Sa constante disponibilité et le réel intérêt qu'elle a poné à

mon travail au cours des deux dernières années m'ont grandement stimulée. J'ajouterai qu'eUe a facilité la rédaction decemémoire en m'engageant sur un projet de recherche qui m'a évité bien des tracasfinanciers. Je lui exprime ici ma profonde gratitude.

Je dois également souligner l'appon imprévu de Jean-Marie Fecteau, professeur en histoire àl'UQAM. fim'a reçue dans son bureau il y a deux ans, alors que je pataugeais dans les

revuesd'histoire, en quête d'articles sur l'institutionnalisation des mineurs au 1ge siècle.

n

mtarassurée, m'affirmant que le sujet avait été très peu traité, et m'a généreusement remis tous les documents dontildisposait.

Je voudrais aussi remercier Georges Azzaria, mon indéfectible compagnon, mon monoparental temporaire. Sesescapades avec les enfants m'ont sauvée.

n

existe autour de moi des gens qui me portent une confiance absolue, une confiance capable de soulever la montagne que fut la poursuite d'études de deuxième cycle dans des conditions difficiles. Je remercie mes parents, Pierre Desrosiers et Danielle Laforest, mes frères, Étienne Desrosiers et Alexis Laforest, et mes soeurs, Geneviève Desrosiers et Florence Lacoste.

Enfrn, je tiensàm'exprimer persoMellement toute ma reconnaissance pourla persévérance quej'aimis dansce travail.

Ce mémoire est dédié àRoxane et Léonard Azzaria, qui ont pris le chemin de la garderie avec leurs sourires si beaux, et à ma soeur Geneviève Desrosiers, source d'inspiration profonde.

(6)

Remerciements

p. i

Résumé

p. iv

Introduction

p.l

Première partie

L'histoire de l'institution pour mineurs

p.5

Chapitre 1

La naissance de la prison pour mineurs p.8

1.1 De la colonisation au 1ge siècle: l'institution

pour mineurs, un concept à inventer p.8

1.1.1 Lfenfance en danger p.9

1.1.2 L'enfance délinquante p. 12

1.2 Le 1ge siècle: mouvement réformateur et

premières institutions pour mineurs p. 15

1.2.1 L'enfance en danger p. 18

1.2.2 L'enfance délinquante p.20

Chapitre 2

L'institution réformatrice p.25

2.1

Les écoles de réforme et d'industrie p.25

2.1.1 La réforme de 1869 p.25

2.1.2 La Loi sur les jeunes délinquants de 1908 p.29 2.1.3 Le mandat des écoles de réforme et d'industrie p.33

2.1.3.1 Lesenfants visés p.35

2.1.3.2 La durée de la détention p.40

2.1.3.3 L'absence de droits reconnus aux jeunes p.42

2.2 Les écoles de protection de la jeunesse p.45

2.2.1 Critiques du système de prise en charge de

l'enfance en danger et tentative de réforme p.45 2.2.2 La Loi relative aux écoles de protection de la

jeunesse de 1950, modifiée par la Loi sur la

(7)

Deuxième partie

Le centre de réadaptation

p.55

Chapitre 1

Le système moderne de prise en charge de l'enfance en difficulté p.57

1.1

La reconnaissance des droits de l'enfance p.S7

1.2

La professionnalisation du travail social, la déjudiciarisation

et la diversification des modes de prises en charge étatique p.66

1.3

La distinction entre le domaine de la protection de l'enfance

et celui de la délinquance juvénile p.73

Chapitre 2

Le centre de réadaptation p.79

2.1

Les lois menant au centre de réadaptation p.SO

2.1.1

La Loi sur les services de santé et les services sociaux p.SO

2.1.2

La Loi sur la protection de la jeunesse p.Sl

2.1.3

La Loi sur les jeunes contrevenants p.86

2.2

Le mandat du centre de réadaptation p.90

2.2.1

Les enfants visés p.95

2.2.2

La durée de l'hébergement en centre de réadaptation p.l02

2.2.3

Le respect des droits des jeunes p.IOS

Conclusion

p. 112

Annexe

1

Les enfants visés par la Loi sur les

écoles d'industrie de 1869

à

1950

p.117

Bibliographie

p.l22

Table de la législation

p.131

(8)

Detout temps, les domaines de la protection de la jeunesse etde la délinquance juvénile ont été confondus. Tout comme les premières institutions pour mineurs du siècle dernier, les centres de réadaptation d'aujourd'hui hébergent à la fois des enfants «à problèmes», pour leur protection, et des jeunes ayant commis un crime quelconque. Le mandat de ces institutions est toujours demeuré le même: enfermer les enfants récalcitrants pour rIÛeux les discipliner. Or, le régime juridique actuel est tel que lesdroits des jeunes délinquants sont beaucoup mieux protégés, du moins fonnellement, que ceux des jeunes en besoin de protection.

Abstract

Since as long as one cao remember, child protection and juvenile delinquency have been included in the same field. And today's centers for readaptation do indeed accomodate, as did the institutions for minors of the 19th century, both the problem children in need of protection and the juvenile offenders. Such institutions aJways had the same mandate: to lock up recalcitrant youth in order to better discipline them. Now, the evolution of the legal system has been such that the rights of young offenders are much better protected, at least formally, then those of the minors in need of protection.

(9)

Au Québec, trois lois pennettent que des adolescents (12-18 ans) soient envoyés dans un même centre de réadaptation: la Loi sur les services de santé et les services sociaux·, la Loi sur laprotection de lajeunesse2 et la Loi sur les jeunes contrevenants3• Les deux premières lois investissent le centre d'un mandat de réadaptation à l'égard des jeunes qu'il reçoit: le centre doit rééduquer et resocialiser les enfants qui éprouvent des difficultés psychosociales ou familiales. LaLoisur les jeunes contrevenants, quant àelle. demande au centre de protéger la société contre les gestes délictueux des adolescents et de les responsabiliser faceàleurs crimes.

À prime abord, ces mandats apparaissent contradictoires: les lois québécoises demandent au centre de réadapter les jeunes qui en ont besoin alors que la loi fédérale lui demande de punir les jeunes contrevenants. Mais cette dichotomie n'est qu'apparente; dans les faits, le centre de réadaptation reçoit des enfants qui ont des problèmes de discipline sérieux, qu'ils se manifestent par la commission de délits ou autrement. Son mandat est ce qu'a toujours été celui de l'institution pour mineurs': enfermer les enfants récalcitrants pour mieux les discipliner, qu'on leur reproche ou non quelque crime.

Comme nous le verrons au cours de la première partie de ce mémoire, avant la mise en vigueur de laLoi sur les jeunes contrevenants en 1984, toutes les lois qui permettaient la

détention dans une institution pour mineurs s'attachaient à la réhabilitation des jeunes, qu'ils soient ou non auteurs de délits.

Les premières institutions résultentde la réfonne de 1867, qui crée les écoles de

réforme et d'industries. Les écoles de réforme, comme leur nom l'indique, doivent procéderà la réfonne des enfants condamnés àquelque délit par une discipline stricte faite

de prières et de dur labeur. Les écoles d'industrie doivent quant àelles détenir tous les

1 2 3 4 5

Loi sur les services de santé et les services sociaux. L.R.Q.,c.5-42. Loi sur la protection de lajeunesse, L.R.Q.,c.P·34.1.

Loi sur les jeunes contreverumts, L..R.C. (1985), c.Y·1.

L'institution pour mineurs a chang6 de nom au fil du temps mais elle estdemeurée sensiblement la même. Les kola de féfonne el d'industrie, inslauries en 1869 (Acte concemant les lcoles dt

réforme, S.Q. 1869, c. 18;Acte concel'J'lQlll/es lcoles d'industrie, S.Q. 1869, c. 17), furent toutes transfonnées en écolesdeprotectiondelajeunesse en 1950: Loi relative aux lcoles. protectiondt

la jeunesse,S.Q. 1950, c. 11. Ces écolesdeprotectiondela jeunesse furent in~gtUs à la refonne desservicesdesanté ctdes services sociaux, au d6bul des annies 1970, pourêtre connues sous le nom decenttes d'accueil pour jeunes m~aptissocia.affectifs:Loi sur les servicescIJ!santl et les services sociaux. L.Q. 1971, c. 48, an. Ij). On les connail aujourd'hui sous le nom decentres d'accueildelâdaptation pour jeunes mésadaplés socio-affectifs, commun~ment appelés centres œ réadaplation:Loi sur les services. santi et les services sociaux. L.R.Q.t c. S-4.2, art. 1 k) et Règlement sllr l'organisation et l'administrruionduitablissemenu. (1996) 128 G.O. Il, 2787. ait

3(2)a)•

Acte concemant les icoles d'indllStrie. S.Q. 1869,c.17;Acte concenumt les lcoles. riforme, S.Q. 1869, c. 18.

(10)

vagabonds, enfants abandonnés et jeunes voyous qui traînent dans les rues afin de les remettre sur le droit chemin; là encore, on doit y parvenirpar la discipline, la religion et le travail. Dans tous les cas, les enfants demeurent en institution jusqu'à ce que leur réfonne soit achevée, peu importe la gravité du crime qu'ils ont commis, si crimeily a.

LaLoisur les jeunes déIinquants6 en vigueur de 1908 à 1984, s'attache eUe aussi à la réforme du jeune. Le délit commis n'est qu'accessoire, rien de plus qu'une manifestation des difficultés personnelles d'un enfant qu'il faut aider. Cette loi défmit d'ailleurs la délinquance d'une manière si large que les enfants indisciplinés et récalcitrants tombent

sous son application. Defait, eUe est conçue comme une loi de protection de l'enfance; le juge décide de la mesure applicable en fonction des besoins de l'enfant, peu importe la gravité du crimecommis, si crime il Ya. Un adolescent peut ainsi êtreenfermé dans une institution pour mineurs pendant plusieurs années malgré l'insignifiance du délit qu'on lui reproche, si le juge croit que cela est nécessaire à sa réhabilitation. Dès 1912, tous les enfants visés par laLoisur les écoles de réfonne et par laLoi sur les écoles d'industrie vont d'ailleursêtreconsidérés comme des jeunes délinquants, tant et si bien que laLoi sur les jeunes délinquants s'applique à tous: vagabonds, enfants négligés, abandonnés, criminalisés, ete7.

Les écolesderéforme et d'industrie sont toutes transformées en écoles de protection de la jeunesse en 1950. Mais les textes législatifs maintiennent la confusion entre délinquants et enfants en besoin de protection jusqu'en 1984.

Jusqu'à cette date, le mandat de l'institution pour mineurs est donc le même pour tous, enfants criminalisés ou non: enfermer les enfants pour les réfonner, les réhabiliter, les réadapter. Ce mandat est teinté d'ambigüité, parce que la discipline occupe une place primordiale dans le traitement des jeunes: que l'enfant ait ou non commis un crime, le but recherché est bien de le discipliner afin que ses comportements antisociaux cessent. Dans tous les cas,ils'agit de le remettre sur le droit chemin, et pour ce une discipline rigoureuse est de mise.

Ce mandat général, où s'amalgament punition et réhabilitation, commande le même traitement pour tous les enfants. Qu'ils aient ou non étécondamnés pour quelque délit, ils devront rester dans l'institution aussi longtemps que le nécessite leur réforme. Le principe de proportionnalité de la Peine ne trouve alors aucune application; la durée de la détention est fonction des besoins de réhabilitation du jeune. Et au sein même de l'institution, les enfants sont soumisà la discrétion absolue des adultes qui entendent les réfonner.

6

7

Loiconce17lQllt [es jeuftl!s dllinquants. S.C. 1908,c.40.

(11)

Comme nous le verrons au cours de la deuxième partie du mémoire, les choses changent avec la mise en vigueur de la Loisur les jeunes contrevenants en 1984. Le législateur fédéral entend désonnais distinguer les jeunes contrevenants des enfants qui ont besoinde protection.

n

affume que la société a le droit de se protéger contre les agirs délictueuxdeses jeunes membres et que ceux-ci doivent assumer la responsabilité de leurs actes. En recentrant l'intervention sur le délit, le législateur réintroduit le principe de proportionnalité de la peine: la sentence ne doit pas répondre aux besoins de l'adolescent, elle doitêtre modulée selon la gravité de son crime. Conséquemment, la mise sous garde en centre de réadaptation - une mesure privative de liberté - ne doit être ordonnée que lorsqu'un crime grave est commis.

Ainsi, paradoxalement,ilest devenu plus difficile d'envoyer un adolescent en centre de réadaptation en vertudela Loisur les jeunes contrevenants de 1984, une loi axée sur la protection de la société, qu'en vertu de la Loi sur les jeunes délinquants de 1908. Aujourd'hui, seuls les crimes les plus graves peuvent être sanctionnés par une mesure privativede liberté, alors qu'auparavant, dès que le délinquant présentaient des problèmes de comportement justifiant des services de réadaptation, il échouait dans un centre.

n

est plus difficile d'enfenner pour punir que d'enfermer pour guérir.

Mais laLoi sur la protection de lajeunesse est àmême de prendre le relais. En effet, l'article 38 h) énonce que la sécurité ou le développement d'un enfant est considérés compromis s'il présente des troubles de comportement sérieux. Les prescriptions de laLoi sur les jeunes contrevenants peuvent aisémentêtrecontournées par le biais de l'article 38h) de laLoi surlaprotection de lajeunesse. Si la gravité du délit commis par un jeune ne justifie pas une mesure de mise sous garde en vertu de laLoi sur les jeunes contrevenants,

ilsuffit de l'envoyer en centre de réadaptation pour sa protection, parce qu'il présente des troubles de comportement sérieux. Les enfants indisciplinés et récalcitrants, qu'ils aient ou non commis des délits justifiant leur détention, continuent d'être envoyés en centre de réadaptation afm que des éducateurs spécialisés les remettent sur le droit chemin. Le mandat du centrederéadaptation n'a pas changé;il se préoccupe toujours depunition etde réadaptation et reçoit encore tous les enfants qui manifestent des agjrs antisociaux, que ce soit par la commission de délits ou autrement.

Mais la dualité juridique qui prévaut actuellement, si eUe reflète l'ambigüité historique du mandat du centre de réadaptation, emporte également d'importantes conséquences sur le respect des droits des jeunes. Les enfants en besoin de protection séjournent plus longtemps en cenb'e que les jeunes délinquants et, de façon générale, leurs droits y sont moins bien protégés. Ceux qui ont des problèmes de discipline sont plus

(12)

durement punis, au nom de leur réadaptation, que les adolescents qui ont commis des crimes graves.

La première partie du mémoire s'attache donc à retracer le mandat du centre de

réadaptation, de ses origines aux années 1970. Nousydémontrons, en nous appuyant sur diverses sources historiques et sur une analyse des textes de lois, que ce mandat a toujours été la prévention et le contrôledela délinquance. De tout temps, la clientèle des institutions pour mineurs s'est composée d1un mélange hétéroclite d'enfants criminalisés, de petits voyous, d'enfants vagabonds, négligés, rejetés. Les jeunes criminels et les enfants «à

risque», entendre ceux qui présentaient des problèmes de discipline, ont toujours été

confondus. Tous ont été enfermés pendant une période de temps suffisamment longue pour assurer leur réfonne, au mépris du principe de proportionnalité de la peine.

La deuxième partie du mémoire, qui se veut une contribution originale à

l'avancement des connaissances, analyse ('impact de la dualité du régime juridique actuel sur les droits des jeunes des centres de réadaptation. Nous y démontrons qu'au strict niveau juridique, les droits des jeunes contrevenants sont mieux protégés que ceux des enfants en besoin de protection. Toutefois, comme tous les enfants sont susceptibles de passer d'un régime juridique àL'autre, il en découle d'importantes conséquences sur le

(13)

L'histoire de .'institution pour mineurs

Au Québec, la prenùère prison pour jeunes est ouverte en 18578, à l'De-aux-Noix. Curieusement, cette prison de réfonne est aussi la dernière; eUe fenne ses portes 16 ans plus tard. C'est que les réformateurs se rendent rapidement compte qu'il faut étendre le filet répressif pour englober tous les enfants qui traînent dans la rue, et non seulement ceux qui ont été condamnés poUf quelques méfaits. Les écoles de réforme et d'industrie, instaurées en 18699,répondentàcette attente.

En principe, les écoles de réforme s'adressent aux jeunes criminalisés, alors que les écoles d'industrie cherchent à prévenir la délinquance en recueillant l'enfance en danger (vagabonds, orphelins, etc).

n

semble toutefois qu'en pratique, les deux clientèles soient confondues10. En 1950, toutes ces écoles sont indistinctement transformées en écoles de

protectionde la jeunesse11, pourêtre intégrées àmême la réforme des services de santé et

des services sociaux au début des années 1970. Ce sont ces établissements que ('on désigne aujourd'hui sous le nom decentres de réadaptation pour jeunes mésadaptés socio-affectifs.

Cette première partie s'attache ainsi à l'histoire de l'institution pour mineurs. Elle entend en retracer les fondements, les motivations profondes. Car dès ses origines, l'institution pour mineurs enfenne les délinquants, c'est-à-dire les enfants reconnus coupables de quelque crime, mais également les enfants susceptibles de devenir délinquants: ceux dont le milieu de vie les porte à la délinquance, ceux qui vagabondent, mendient, traînent dans les rues. L'institution pour mineurs entend les recueillir pour une période de temps suffisamment longueàleur réforme, àleur redressement moral.

Au cours du premier chapitre, nous brosserons àgrands traits le sort réservé aux enfants en difficulté au cours des 17e et 18esiècles. Àcette époque, la famille élargie est la première unité d'entraide et elle prend soin de ses orphelins, de ses vieillards, de ses infirmes, etc. La conununauté gère eUe-même la plupart de ses illégalismes par des procédures d'arbitrage simples. Lorsqu'un crime particulièrement grave est commis, l'État intervient. Les châtiments imposés sont alors spectaculaires et s'attachent à meurtrir le

corps des condamnés: fouet, marque au fer chaud, peine de mort, etc. Ces peines

8 Acte pour itablir ths prisons pour les jeUMs dilinqlUlllts, pourla~illeurt!administration des asiles. h8pitaux et prisons publics, el pour mieux construire les prisons communes,S.Q. (1857),c.28.

9 Acte concel1Ulllt les Icolu d'industrie et Acte concemantluIcolesderiforme, préci~, note 5.

10 Voir par exemple Marie-Paule Malouin,L'lIIIiversduenfants en difficulti au Qu/bec entre 1940 et 1960. Monb'6al, Éd. Bellarmin. 1996. pp. 191-248. Si l'analysedestextes 16gislatifsnous pane aussil croire que lesclien~lesaient616confondues,ilfaut savoir que l'historiographie québécoise n'a pas encore approfondie cene question. Voirinfra. pp. 39-40.

(14)

affligeantes s'attachent autantà la communauté qu'au criminel: elles doivent marquer les esprits afm d'imposer à tous la crainte du châtiment. Le jeune criminel d'alors n'est pas traité différemment de son aîné.

Au 1ge siècle, comme nous le verrons, l'industrialisation et l'urbanisation affaiblissent familles et communautés. Simultanément, la misère et le paupérisme jettent de plus en plus de gens à la me. La masse des vagabonds augmente et avec elle la petite délinquance. Bientôt, une nouvelle gestion sociale s'impose: c'est la naissance de la peine d'emprisonnement. Pour la première fois de son histoire, la prison est utilisée comme un lieu où l'on purge sa sentence. De plus en plus de jeunes y échoient. Or, les conditions sanitaires et disciplinaires y sont très difficiles et le contact quotidien avec des criminels endurcis nuit à la réforme des jeunes détenus. D'où l'idée d'une prison distincte pour les jeunes qui pennette vraiment de regénérer les jeunes voyous afin d'en faire des citoyens

respectueux des lois.

Mais cette première fonnule institutionnelle qu'est la prison pour jeunesl2 ne

parvient pas à enrayer le vagabondage des enfants et la petite délinquance qui s'en suit. C'est ce constat qui justifie l'instauration des écoles de réfonne et d'industrie en 186913•

Les écoles de réfonne et d'industrie, qui retiendront notre attention au cours du deuxième chapitre, peuvent enfin recueillir tous les enfants qui traînent dans les rues, qu'ils soient ou non auteurs de délits, et les détenir pour une période de temps suffisamment longueàleur réfonne. Cars'il faut détenir tous les enfants susceptibles de sombrer dans la délinquance, ilfaut aussi que la durée de leur détention assure leur redressement moral. Les lois sur les écoles de réfonne et d'industrie pennettent ainsi qu'un nombre toujours plus grand d'enfants soient enfermés, pour une période de temps pouvant durer jusqu'à leur majorité, si leur régénération morale le commande.

La Loi sur les jeunes délÛlquantsl4qu'adopte le parlement fédéral en 1908 épouse

ces principes: la délinquance est si largement définie qu'elle permet d'appréhender tous les enfants qui traînent dans les rues. Seloncette loi, l'expression (~eune délinquant» signifie un enfant qui contrevient à une disposition du code criminel, d'un statut fédéral ou provincial, d'un règlement ou d'une ordonnance munipale, ou qui est passible de détention dans une école de réforme ou une école industrielleIS. Dès 1912, tous les enfants

susceptibles d'être envoyés dans des écoles deréforme ou d'industrie sont jugés en vertu

12 Acte pour itablir des prisons pour les jeunesdilinquants~ pour la meilleure administrationduasiles~

hôpitawc et prisonspublics~ et pour mieux cOlIStruire les prisonscommlUles~ précité, note8.

13 Acte concemtllllies icoles d'industrie elActe concenumt les icolesderéforme.précités,noteS•

14 Loisur lesjeunu dilinqutUlts.précitée.note6. 15 Id. an.2c).

(15)

de laLoi sur les jeunes délinquantSl6• C'est donc dire que les orphelins, les enfants abandonnés, négligés ou battus, sont considérés comme des jeunes délinquants, au même titreque ceux qui ont commis une infraction.

LaLoi sur les jeunes délinquants pennet de surcroît l'imposition de sentences indéterminées, que le juge pourra moduler selon le comportement qu'affiche le jeune au fil des «interventions» qui sont faites pour sa réhabilitation17. Le juge peut ainsi intervenir en

tout temps auprès du jeune «délinquant», peu importe la gravité de l'infraction qu'on lui reproche, si infraction ilya.

La Loisur les jeunes délinquants ne reconnaît pratiquement aucun droit procédural aux enfants, puisqu'elle entend les sauver du mal. À partir de cette prémisse, le législateur ne se préoccupe pasdeprotéger les mineurs contre l'intervention de l'État, comme il le fait pour les accusés adultes, mais de faciliter cette intervention, qu'il souhaite bienveillante. Au sein de l'institution, les enfants ne peuvent pas non plus se prémunir conue l'arbitraire; tout a été fait pour que les autorités des écoles de réfonne et d'industrie disposent d'une large marge de manoeuvre, jugée nécessaire à la réfonne des jeunes détenus.

Les premières critiques à('endroit de ('institution pour mineurs apparaissent au début des années 1930, comme nous (e verrons en dernier lieu. Au Québec, l'institution pour mineurs est la seule réponse aux maux de ('enfance en difficulté: orphelins, enfants abandonnés, récalcitrants, criminalisés, tous échoient dans une école d'industrie ou dans une école de réforme. Or, la Commission des assurances sociales de 193018déplore la trop grande institutionnalisation des enfants et recommande d'explorer de nouvelles pistes d'intervention auprès de l'enfance en difficulté: aide directe aux familles, placement en famille d'accueil, etc. Ce plaidoyer sera réitéré par la suite, jusqu'à l'adoption de la Loi relative aux écoles de protection de la jeunesse19, qui permet éventuellement une première

diversification des modesdeprise en charge étatique. Mais cette diversification ne modifie pas le mandat de l'institution pour mineurs: enfenner tous les enfants menacés par la délinquance pour une période de temps suffisante à leur réforme.

16 !Diamendmlt les Statuts refondus. 1909. concemtllllles jeunes dilinquants. précitée. note 7. art.S. Cet article indique que «dans tout territoire soumis à la juridiction d'une Cour des jeunes

d~linquants».les enfants

vi.

parlaLDisur les Icoles d'industrie «sont considérés comme des jeunes d61inquantsetil peut

etre

procédécontre eux conformément aux dispositions de la loi du Canada 7-8 Edouard VU.c. 40». soit laLoisllr les jeunes délinquants.

17 !Disllr les jelUlesdilinqUQIIIS.précitée.note 6,art.16.

18 Commission des Assurances Sociales de Qu6bcc, 2e rappol1, Québec. 1930 (Commission Montpelit).

(16)

La naissance de la prison pour mineurs

1.1 De la colonisation au 1ge siècle: l'institution pour enfants, un concept à inventer

Les 17e et 18e siècles ne connaissent pas le traitement juridique de l'enfance2o• Toutefois, ilne faudrait pas en conclure que les enfants ont été négligés plus qu'un autre groupe social au cours de la période que nous nous apprêtons àexplorer. Simplement, au

Québeccomme ailleurs en Europe et en Amérique. la catégorisation légale des individus n'opère qu'au 1ge siècle21 • L'invention de l'enfance, tout comme celle de la gestion différentielle des déviances, s'inscrit dans la foulée de l'industrialisation et de l'urbanisation marquant le 1ge siècle22• En Nouvelle-France, ce concept n'existe pas encore. L'enfant abandonné s'assimile aux autres indigents, qu'ils soient mendiants, bossus ou vieillards, et

l'enfant délinquant est traité comme le criminel adulte.

Lasociété d'alors peut être qualifiée de féodale23 • C'est une société essentiellement rurale, où la production, effectuée à l'échelle locale, est directement contrôlée par le paysan ou "artisan. La famille constitue l'unité de production de base et l'enfant s'y insère naturellement, aux côtésdeses parents ou d'un maître prêtàl'accueillir comme apprenti.

L'État féodal, largement décentraIisé24, n'est pas le premier mode de régulation sociale. C'est la communauté locale qui applique ses propres coutumes, gère les interactions entre ses membres, s'occupe de ses pauvres, etc. L'État n'intervient qu'en dernière instance, lorsque les équilibres locaux sont menacés. Ainsi, l'assistance aux pauvres et aux démunis relève naturellement des solidarités qui se tissent au sein de la

20 21 22 23 24

Lelégislateur qu&écois nc s'adressera pas spécifiquement l l'enfancedQinquanreou en danger avant l'an 1869:Acte sur les lcoles d'industrie et Acte sur les lcoles

œ

réforme, pRcitU. note

s.

Son homologue f&féral emboîtera le pas une quarantaine d'années plus tard:Loi sur les jeunes dilinqU/JIIIS, précitée. note 6.

Voir, entre autres. lean-Marie Fecteau. Un nouvel ol"dn! des choses: lapauvret/' le crime, l'Étalal Qulbec, delaJinduXVIIIesiècleà1840, Montréal, VLB, 1989, 292 p.

Danielle Laberge, «L'invention de l'enfance: modalités institutionnelles et suppon idéologiques», (1985) 13Criminologie 73-95.

Notamment parce que son modedeproduction s'appuie principalement sur la paysannerie et l'artisanat et que la redistribution du surplus social opbe selon un mode non-économique (redevances au seigneur, dîmes, gabelle et impôts divers). Pour une discussion plus approfondie. voir lean-Marie Fecteau.supra, note 21. pp. 17-26.

Selon lean-Marie Fecteau. l'État féodal est «constitué d'un enscmble disparate d'institutions permettant d'assun:r le prQèvement du surplus social: institutions anciennes où la domination seigneuriale ou marchande sur les classes populaires se cristallisait (États généraux, parlements. bailliages. Église, franchises municipales) etparoù passait le contrOle de la régulation; puis. de plus en plus imponantes, institutions royalcs assumant. au niveau de la société globalc, les fonctions centralisés indispensables au systèmeféodal pleinementdével~ (justicc. fiscalité, conduitede la guerre, régulation des colonies et protection du COIDlllCl'CC extérieur)>>. Voir lean-Marie Fecteau•

«Régulation sociale et répression dela déviance au Bas-Canada au tournantdu 1ge siècle (1791-1815)>>. (1985) 38 RHAF 499. SOI.

(17)

communauté. De même, c'est la communauté qui résoud la majorité des conflits entre habitants et absorbe la plupart des iIIégalismes, tant et si bien que l'appareil judiciaire est rarement sollicité. Ce dernier apparail «beaucoup plus comme une instance ultime d'arbitrage ou de répression que comme le lieu privilégié d'aboutissement des délits»2S.

n

en résulte une économie de la peine fondamentalement différente de celle que nous connaissons aujourd'hui.

Les 17e et 18e siècles nous intéressent dans la mesure où il pennettent de

comprendre les réfonnes du siècle suivant, parmi lesquelles s'inscrit l'instauration des institutionspourmineurs.

n

s'agit doncdebrosseràgrands traits un ponrait d'ensemble du traitement juridiquede l'enfance délinquante et en danger. Dans un premier temps, nous survolerons les modalités d'assistance de l'époque. Nous nous pencherons ensuite sur le traitement des jeunes délinquants et sur la place que tient la peine d'emprisonnement au sein de l'appareil répressif de la colonie.

1.1.1 L'enfance en danger

Champlain foule le sol québécois en 1608. Jusqu'en 1801, année où des subventions régulières seront accordées aux institutions hospitalières pour le soin des

maladesmentaux et des enfants trouvés26, tout le domaine de l'assistance est abandonné à

l'Église et aux initiatives charitables des habitants du Bas-Canada, sans que l'État ne s'en préoccupe27. L'assistance s'organise autour de la charité privée, sans intervention ou aide

étatique. Ainsi, la «protection de l'enfance» n'existe pas en elle-même: eUe s'assimile à l'aide aux plus démunis.

L'Église catholique, on s'en rappellera, participe activement à la colonisation du pays etyexerce une influence détenninante. Or, son enseignement, empreint des notions de justice sociale et de charité,portecette dernière au rang de devoir sacré.

n

incombeàchacun «de venir en aideàsesproches ouàses amis sans qu'aucune autorité civile ne soit obligée de l'y contraindre. (...) [L]'acceptation de cette responsabilité se [traduit] en fait par la présence au foyer familial de membres de plusieurs générations, vieillards et proches

parents, infinnesouorpheUns»28.

2S liL, 512.

26 Gonzalve Poulin.L'assisrance sociGkdDnslaprovinceditQuilnc 1608·1915. Annue 2au Rapport

thlaCommission royale d'enquite suries problimlls constitutionnlll1esde1955. Québec. 1955. p. 43.

27 Defaçon générale.voirlean-Marie Fecteau,supra. note 21,pp. 27-74; Gonzalve Poulin.supra, note 26. pp. 4-19 ; Oscar D'Amours,Survol historiquedelaprotection de ['enfanceailQuébec. Annexe / au Rappon • la Commission parlDnelllaiR spicilJle sur la protection dit la jeunesse: Aspects historiques.Québec, 1982 (Commission Charbonneau), pp. 3-4; Comité d'élude sur l'assistance publique,Rtlppon.Qœbec.:Éd.officiel, 1963, (rapport Boucher),pp. 27-29.

(18)

Lepremier réseau d'entraide est donc la famille, entendue dans son sens le plus large. C'est elle qui recueille «l'enfance en dangen), comme elle recueille les autres membres de la communauté qui n'arrivent pasà subvenir eux-mêmes à leurs besoins. Mais

il arrive qu'elle ne puisse le faire - c'est alors l'Église qui lui suppléera. «Dans cette perspective, l'origine de l'assistance publique se trouve dans cette prise en charge par l'Église des personnes d6munies dont aucune famille n'assume la responsabilité»29.

Afin de secourir les laissés pour compte, l'Église reproduit la structnre d'assistance de la mère patrie, qui stappuie principalement sur les bureaux des pauvres et les hôpitaux30•

I.e bureau des pauvres3l de la paroisse est la fonne d'assistance à domicile que connaît)3Nouvelle-France.Dest administr6 par un comité de bénévoles à la tête duquel se trouve le curé. Son fonds d'assistance provient principalement de dons, collectes et quêtes dans les églises.

n

doit porter secours au «pauvre honteux»32, en lui procurant de l'argent, des outils. des matériaux ou du travail. Les bureaux des pauvres s'organisent dès l'épiscopat de monseigneur de Laval mais ne sont réglementés qu'en 1688 par un arrêt du Conseil souverain de Québec. Ds sont remplacés par des comités paroissiaux suite à la conquête de 1760.

L'Église fonde également quelques hôpitaux33 qui accueilleront les vieillards, malades, orphelins et aliénés dont personne ne veut. En effet, ces institutions sont «de type général et [remplissent] plusieurs fonctions d'assistance»34. Ultimement, elles ouvriront leurs portes aux enfants illégitimes, rejetés par l'unité d'entraide fanùliale:

Qui

sont ces enfants qu'un oncle. une tanteou un voisin prendra sous son toit? TI n'existe pas, ànotre connaissance, de documentation sur cette question. On peut toutefois présumer que la majorité d'entre eux sont orphelins, à tout le moins de père ou de mère. L'idée qu'un enfant, dont les parents sont vivants. doive leur être retiré parce qu'il est exploité ou maltraité ne cadre certainement pas avec les vues de l'époque. où l'étendue de la

29 Marie·Paule Malouin,supra,note 10, p. 20.

30 Voir lean-Marie Fecteau.supra. note 21, pp. 25·38.

31 Pour un expost plus d6caillt du fonctionnement du buruu des pauvres, voir Gonzalve Poulin, supra, noie 26, pp. 16-17:OscarD'Arnoud.sllpra,note 2.7, pp. 4-5. •

32 L'arrlt du Conseil souverain de 1688(anteset rtllements du Conseil supérieur.t.2. p. 119. cité par Oonwve Poulin, supm. nole 26, p. (7)qui Rllemente les comités des pauvres pœcise que «les

direçlCursexcluront du bureau les (IÎnUDIS et Ilorieux qu'ils renverront travailler; mais les pauvres honteux que l'on connahn d'ailleursaaachâau bien daleur famille et n'êtœ point débauchés. leur seront enatspande coDlicWralioD, et les vieillards seront assistât en lardant pour les uns et pour les autres un litspanelmlnllement, ne cIonnlfttque.le niœssaire absolu. le tout l l·arbilragedesdits diredcun». Lesconceptions des 17e et Ilesikles veulent en effet qu'il existe deux calélories

œ

pauVRS. les bonsetlesmlc!wlts. Lemfcbafttpaumest responsabledeson malheur· paresse ou d6bauche - et n'a droit a aucuneaide. Lebon pauvre peut esp'rer un support minimal.

33 1639, H"tel-Dicu deQu6bec;1644, H"ael-DieudeMonlrial;1693, Hôpital gc!néraJ de QuQ)ec:; 1694, H&piwI6n6ra1 deMonlrûl;1697. H"tel-Dieu de Trois-R1vikes. Ces dann", sont tiRes del"éDJde de Gonzalve Poulin.supra.noca 26.

(19)

puissance patemeUe s'oppose à toute intrusion dans la sphère familiale3s. L'enfant à protéger est donc, à prime abord, un enfant sans parents.

n

peut aussi s'agir d'un enfant issu d'une famille très pauvre, qui n'arrive plus à subvenir à ses besoins36.

Une certitude cependant. L'enfant qui est recueilli par sa famille élargie ou son voisinage n'est pas un enfant illégitime. La fille-mère est pécheresse et n'a droit ni à l'aumône37 ni à la charité. L'enfant qu'elle doit abandonner38 et qui est rejeté par la

communauté sera pris en charge par l'État, qui lui procure une nourrice. Ainsi, «aussitôt après leur naissance, lesbâtardssont, de droit, les pensionnaires du Domaine. Le procureur du roi, le procureur fiscal, ou (...) lecuré leur choisit une nourrice à raison de quarante-cinq livres le premier quartier, de trente livres les quartiers suivants. Cette assistance se prolonge jusqu'à leur adolescence, jusqu'au moment où ils pourront être engagés àdes habitants»39.

Cette pratique, qui découle du droit de bâtardise français40, se poursuit jusqu'à la Conquête de la Nouvelle-France. Jusque-là, les enfants illégitimes, ou enfants trouvés, sont déposés directement entre les mains des officiers duroi41 Toutefois, la puissance coloniale anglaise refuse d'assumer cette responsabilité. Àpartir de 1760, etcejusqu'en 180l, seul l'Hôpital général de Montréal accepte de recevoir les enfants illégitimes42• Lorsque l'État accorde des subventions régulières aux hôpitaux en 1801 pour le soindes malades mentaux et des enfants trouvés, il demande expressément à l'Hôtel-Dieu de Québec de recevoir les enfants trouvés de la régjon43 et officialise la pratique déjàen cours à l'Hôpital général de

Montréal. fi semble que se soit le taux élevé d'infanticides qui ait provoqué l'intervention étatique à cet égard44•

35 À ce sujet, voir Mario Provost, «Le mauvais traitement de l'enfant: perspectives historiques et comparatives de la législation sur la protection de la jeunesse», (1991) 22 R.D.U.S. 1-76.

36 Onsait par exemple qu'en principe, si le bureau des pauvres (dirigéparle cur6 de la paroisse) est sollicité par un habitant cn raison de la surchage familiale, il nedevral'admettre à l'aumône qu'après avoir procédé au placement des enfants. C'est du moins ce qu'ordonne l'arrEt du Conseil Souverain

œ

Québec en date du8avril1688. Làencore, il est difficile de savoir dans queUe mesure cette arrêt fut appliqué. Voir Oscar D'Amours,supra. note 27.p.5.

37 Elle est formellement exclue du Bureau des pauvres. VoirOscarD'Amours,supra, note 27,p. 6. 38 Lapression sociale pour qu'elle sc d6barrassedeson enfant est si fone qu'il lui est bien difficile d'y

résister. à défaut de quoisafamillesera~hono.-ilYa d'ailleurs fort peudechances pour qu'elle y trouve quelque soutien -, elleperdrason emploisielleestservante ou domestique chez un notable et elle devra renoncer au mariage auquel ellesedestinedansla plupandescas, faute d'alternatives. 39 Gonzalve Poulin.supra.note 26.p. 17. Au meme effet. voirOscarD'Amours, Survol historique

œ

laprotectiondel'enfallce au Qu/bec, supra.note 27. p.6.

40 Ledroit de b4tardisc français relève du droit de haute justice: si le seigneur haut justicier peut punir

œ

mort la mère qui cache une naissance,ildoit en retour s'occuperdes«fruits»du crime. Or. comme le roi a repris la haute justice en Nouvelle-France en 1694, la charge des enfants trouvés lui incombe. Sur cette qUestiOD. voir Jean-Marie Fecteau,supra,note21.p. 65-71.

41 Gonzalve Poulin,supra,note 26, p.17. 42 Jean-Marie Fec:teau,supra, note 21. pp. 66-67.

43 Gonzalve Poulin. supra. note 26, p. 56.

(20)

L'enfance en danger des 17e et ISe siècles, c'est donc principalement l'enfance abandonnée. Orphelins et orphelines recueillis par la famille élargie ou, à défaut, par l'hôpital; enfants illégitimes qui échouent entre les mains des officiers du roi jusqu'en 1760, pour relever des hôpitaux à partir de 1801 - tel est le sortdeceux que l'on dirait aujourd'hui «en besoin de protection».

1.1.2 L'enfance délinquante

Avant de s'attarder spécifiquement au délinquant juvénile - qui, par ailleurs, est traitéselon le même régime juridique et les mêmes modalités répressives que son aîné - il nous faut aborder l'économie de la Peine de l'Ancien régime.

Nous avons déjà dit qu'aux 17e et ISe siècles la justice criminelle n'opère qu'occasionnellement, lorsque la capacité de régulation locale ne suffit pas à absorber le comportement déviant. Ainsi, «le système répressif mis en place et contrôlé par l'État féodal n'est pas le lieu privilégié de réduction des illégalismes divers. La plupart des tensions générées par la rupture des règles communautaires sont résolues, au sein même de la communauté, par des procédures d'arbitrage ou deconciliation (...) L'appareil proprement légal n'intervient que rarement, et en dernière instance, notamment en cas de crime particulièrement grave, ou lorsque sont impliqués des éléments étrangers à la communauté»4S.

L'appareil étatique n'a pas la prétention d'appréhender tous les criminels.

n

s'attache plutôtàchoisir certains d'entre eux afin de les ériger en douloureux exemples pour inspireràtous la crainte du châtiment46. Lorsque l'appareil étatique frappe, c'est avec une violence terrible, spectaculaire et démesurée. En ce sens, la punition ne s'adresse pas tant

au criminel qu'à la communauté. L'économie entière de la peine repose sur l'exemplarité des châtiments. Pour être efficace, la peine doit produire un effet durable sur l'ensemble du peuple. Les punitions qui marquent le corps même de l'accusé sont celles qui répondent le mieuxàcette exigence: elles sont spectaculaires, évidentes et Permanentes47.

soutien des enfanlS abanJonnis. S.Q. 1801. c. 6, qui réRre aux «moyens à êlre employés pour prévenir la pratique inhumaine d'exposer el abandonner les cnfanlS nouveau-nés».

45 Iean-Marie Fecteau.supra. note21.pp.77-78.

46 Laparcimonie avec: laquelle l'appareil ripressif frappefaitpartie intégrantedeI"économie de la peine. à~fautde quoi «labrutali~ del'exemple [risque)dese banaliser en violence administrative» (Iean-Marie Fecteau.sIIprtl. note 24. p. 517). Ainsi. entre 1712 el 1759, seules une quinzaine

œ

personnes par année paraissent en cour en vertu du droit pénal. Voir Jacques Laplante. Prisonelotrln!

social au Qutbec.Ottawa. Pressesde ('U. d'Ouawa. 1984. p. 44. el Raymond Boyer. Les crimest!t

lesc~1IISauClIIfIldafrançaisduXVII au XXesiicle.Montr6al, Cercle dulivrede France"1966•

47 Sur l'ensembledeceue question. voirMichelFoucault.Surveiller etpllllir. Naissancedl!laprison.

(21)

Dans cette logique, le droit criminel français, àl'instar du droit criminel anglais qui sera introduit en 1774 par l'Acte de Québec, prescrit abondamment la peine de mort48• Les deux systèmes de droit prescrivent aussi le fouet, la marque au fer chaud (marque au fer rouge d'un V dans le front des vagabonds, notamment), le bannissement, la galère, le pilori, etc49•

Àtravers cette panoplie de châtiments, la peine d'emprisonnement détient une place marginale. La prison est avant tout unlieu de transition entre la condamnation et l'exécution de la sentence; elle sert essentiellementàprévenir la fuite des inculpés et son usage demeure limitéso•Les premières prisons n'apparaissent d'ailleurs qu'à la fin du XVlle siècle dans les villes de Québec, Trois-Rivières et Ville-Marie. Tout au long du ISe siècle, les conditions sanitaires y sont atroees51 • Les prisonniers n'y reçoivent que du pain et de l'eau, la ventilation est inadéquate, il y fait humide et chaud l'été et on y gèle l'hiver faute de chauffage.

Ce portrait général étant tracé, nous pouvons maintenant nous pencher plus spécifiquement sur le traitement du jeune délinquant. Or, tout indique qu'aux 17e et 18e siècles, l'enfant qui contrevient aux lois est traité de la même façon que le criminel adulte.

Jusqu'en 1760, c'est le droit criminel français qui régit le jeune délinquant. Selon un juriste françaisdel'époqueS2, l'âge de la responsabilité pénale est fixé àquatorze ans pour les garçons et à douze ans pour les filles. Àpartir de cet âge, les enfants sont passibles des mêmes peines que les adultes. L'enfantde moins de sept ans ne possède pas la capacité pénale; son châtiment est donc renvoyéàson père. Entre c'est deux pôles, une zone floue subsiste etilrevient au juge de décider si l'enfant peutêtretenu légalement responsable de ses actes. Si tel est le cas,ildevra néanmoins être puni moins sévèrement que l'adulte.

48 Les crimes passibles de peine capitale se chiffrentàune centaine sous le droit français et environ au double selon le droit anglais. Voir Claude Désaulniers, «La peine de mort dans la législation criminellede 1760 à 1892», (1977) 8 Revue gin/raide droit 141, 142 et 147. Toutefois, les comparaisons entre les deux régimes apparaissent futiles dans la mesure où la logique répressiveest

la même - peines corporelles et affligeantesdanstous les cas. Pour paraphraser Jacques Laplante. il

est inopponun de comparer la tonure pRparatoire à la simple pendaison ou à la pendaison suivie

œ

l'enchainement jusqu'à la décomposition du corps du condamné, ou encore à la dissection publique pratiquœparles chirurgiens. Voir Jacques Laplante,Supra, note46,p.57.

49 Lespeines infligéesà648accusés entte 1712et1759illustrent bien l'économie de la peineque nous venons dediaire. Soixante-dix-huit se méritent la mort, 18 la galère ou la mise en lieu Sart 14 le bannissement.52le fouet.8une amende honorable,6 le carcan.55 un blime ou une admonestation et417sont touch6s par une autre mesure (liglement hors cours, procès civil ou acquincment). Voir Andr6 Lachance.Crimes et criminels en Nouvelle-France, Montréal, Bor6ll, 1984.p.95.

50 1acques Laplante,supra,note 46.p.44.

51 Id. Voir égalementAndréLachance,«Lesprisons au Canada sous le régime français» (1966) 19 R.H.A.F. 561-565.

S2 Daniel Jousse.Nouveau commentairemrl'on/onnQnce criminelle dM mois d'Aout J670. avec un Abrigirielajustice criminelle. nouvelle 61ition corrigée etaugmen~.Paris, Chez Debure. Père, 1763, p. 617, cit6 par Andr6 Lachance.slIpra,note 49. p. 101.

(22)

Toutefois,AndréMorel nous apprend «qu'entre les distinctions de la doctrine et la pratique des tribunaux,ilsemble bien y avoir eu un écart assez large. Pour les juges, aucun âge détenniné n'opérait de partage réel bien net entre

ceux

que l'on traitait pénalement comme des majeurs et ceux qui bénéficiaient d'une responsabilité atténuée»S3. L'auteur Owen Carrigan abonde dans le même sens, affinnant sans ambages que les délinquants étaient traitésdela même façon que les criminel adultesS4•

L'introduction du droit anglais n'apparaît pas avoir modifié la situation. Les règles relatives à la responsabilité pénale des mineurs ne diffèrent guère du régime précédent: selon la common law, l'enfant de moins de sept ans est exempté de toute responsabilité etil existe une présomption d'exemption pour les enfants âgés de sept à quatorze ansss• Cette présomption est renversée s'il est démontré que l'enfant était doli capax, c'est-à-dire qu'il distinguait le bien du mal. À partir de 14 ans, l'enfant est responsable au même titre que l'adulte.

Toutefois, à l'instar du droit français, l'application du droit anglais en matière de

responsabilité pénale est inégale. L'exemption pénale doli incapax, de création jurisprudentieUe, ne fait pas l'unanimité chez les juristes et il arrive que des enfants qui n'ont pas encore sept ans soient soumis à un régime criminel paniculièrement sévère, ce qui soulèvera d'ailleurs l'indignation des réformistes du 1ge siècles6•Et, tout comme sous le régime français, l'enfant qui est reconnu coupable est sujet aux mêmes peines que l'adulte, ycompris la peine de mortS7•

Ledélinquant des 17e et ISe siècles ne se distingue de l'enfant en danger que par la commission d'un crime, souvent insignifiant, d'ailleurs. Une grande majorité d'entre eux sont orphelins, abandonnés ou négligés. Plusieurs jeunes immigrants arrivent au portsans parents, ou avec un seul d'entre eux; les parents sont morts à bord, n'ayant pu supporter les rigueurs de la traversée.

n

arrive encore que des adolescentes soient envoyées au nouveau continent pour y servir de domestiques, mais qu'une fois à terre elles soient laissées à elles-mêmes, faute de travail. Tous ces jeunes devront bien se débrouiller seuls pour survivre58 • 53 AndréMorel. cR6flexions sur la justice criminelle canadienne. au 18esi~cle» (1975) 29R.H.A.F.

241.247.

54 D. Owen Carrigant Crime and punislllMnl in Canada. Toronto. McClelland & Stewart. 1991. p.

401.

SS WilliamBackstone. Commenlaries on the lAws ofEngland. Londrest 1826.LI.p.350.

56 Larry C.WilSOD. Juvenile Courts in Call1J/lQ, Toronto, Carswell, 1982, p. 3.

57 Nicholas Baia. «The Young Offendcrs ACL A Legal Framework»dans loe HudsoD, Joseph P. Romick et Barbara Burrows (dir.), Justice CRI the Young Offtndtn in Canada, Toronto, Butterwonhs. 1988.p.II. Ainsi.~le d6but de la colonisatioD. Samuel deChamplain fait pendre une jeune fille pour vol. Dememe. en 1813, un garçon de 13ansest pendul Montréal parcequ'il a

volé unc vache. VoirD.Owen Carrigan.supra,note54.pp.401-403etAndréLachancc.supra,note 49, pp. 102-103•

58 Pour un ponrait plus completdel'enfance~linquante au 17e et 18e siècle, voir O. Owen Carrigan,

(23)

1.2 Le 1ge siècle: mouvement réformateur et premières institutions pour mineurs

Le mouvement pour la sauvegarde de l'enfance n'apparaît que dans la deuxième moitié du 1ge siècle. Mais déjà, au début du siècle, de profondes mutations sont en cours dans la société québécoise59 • Comme elles situent et expliquent l'intervention des philanthropes en faveur de l'enfance délinquante et en danger, il convient d'en glisser quelques mots.

Tout au cours du 1ge siècle, les masses errantes augmentent au Bas-Canada, comme dans l'ensemble de l'Occident. La transition au capitalisme et la prolétarisation qui l'accompagne transfonnent l'ensemble des modes de production et ébranlent les fondements mêmes des rapports sociaux. Les populations se concentrent de plus en plus dans les villes - phénomène d'urbanisation qui provoque la dissolution des liens communautaires et l'effritement de la famille o., la misère gagne les campagnes et le paupérisme menace les villes; plusieurs personnes, jeunes ou vieilles, se retrouvent ni plus ni moins à la rue, le vagabondage croît et apporte avec lui sa part de petite délinquance. D'autre part, vu la forte natalité et l'abondante immigration anglaise et irlandaise, la population augmente rapidement. Familles canadiennes-françaises qui n'arrivent plus à subvenir aux besoins des leurs ou orphelins qui ont perdu leurs parents au cours de la traversée, la masse des sans abris augmente. Fecteau réfère aux «vagabonds qui campent en permanence sur les plaines d'Abraham et à Sillery, en banlieue de QUébeC»6O.

On assiste alors à un débordement des modes de régulation sociale qui prévalaient jusque là Les familles et communautés n'arrivent plus à s'occuper de leurs pauvres, de leurs fous, de leurs orphelins. L'indigent est relégué à la rue, où il s'enfonce dans la petite délinquance. De plus, comme les immigrantsquidébarquent au pays ne connaissent pas de réseau communautaire susceptible de les épauler, ils gonflent bien souvent les masses errantes. L'appareil répressif, sollicité parcette nouvelle criminalité qui dépasse la capacité locale d'arbitrage, est de plus en plus appelé à intervenir. Or, la fréquence de ses interventions remet en cause le principe de l'exemplaritédela peine puisque la «brutalité de l'exemple [se banalise] en violence administrative»61.

Ainsi, en Angleterre, les crimes passiblesde mort ont augmenté avec le nombre de vagabonds et de mendiants pour passer d'une cinquantaine en 1688 à quelques deux cents

59 Sur l'ensembledecette question. voir les excellentes pagesdeJean-Marie Fecteau.supra. note 21. pp. 139-270.

60 id..pp.208.

(24)

un siècle plus tard. C'est ce «code sanglanb>qui est en vigueur au Bas-Canada. Les crimes les plus banals, notamment celui de vol simple, sont passibles de mort. Juges et jury sont réfractairesàce qu'un homme soit tuépoursi peU62• Les jurés réduisent le montant du vol pouréviter l'applicationde la peine capitale et le pardon royal est largement utilisé, tant et si bien qu'en Angleterre, en 1808-1809, une seule personne sur 7196 accusées de vol par effractionfut effectivement exécutée63 •Si la peine capitale a été systématisée, iln'en va pas de mêmede son application.

En Europe, où l'industrialisation s'opère plus tôt et où, forcément, l'urbanisation et laprolétarisation des masses s'en suivent plus rapidement, les problèmes du paupérismeet

du vagabondage sont vécus avec une violente acuité.

n

en résulte une remise en question fondamentale de l'ensemble du système social, amorcée par Beccaria en Italie64, Biackstone6S et Howard66 en Angleterre. Les idées réformatrices des philanthropes européens vont trouver une résonnance certaine au Bas-Canada.

Deux problèmes sont largement décriés: d'abord, la punition imposée apparaît injuste au regard du crime commis,ce qui provoque la plus grande indignation. C'est le

premier niveau de la remise en cause du code sanglant: on réclame une «révision profonde

del'échelle des crimes et des peines au nom de sentiments humanitaires»67. D'autre part, la punition est totalement inefficace. Son exemplarité est réduite à néant par sa banalité, d'autant plus que, dans la majorité des cas, elle n'est pas appliquée. Or, le but recherché par les philanthropes est bien l'efficacité de la sanction. Ultimement, il s'agit d'enrayer le phénomène de la petite délinquance qui menace l'ordre établi. Le discours de la

philanthropie est un discours humaniste, certes, mais auquel le désir d'assainissement social n'est pas étranger.

Les philanthropes vont instaurer un nouveau rapport entre le crime et la peine, «fondé[e] sur l'application systématique d'une norme pénale adoucie plutôt que sur la

sanction éclatante et exemplaire, mais aléatoire, d'une règle sanglante et implacable».68

n

faut désormais réserver la peine de mort aux crimes les plus graves. Les infractions mineures - petits vols, vagabondage, prostitution, mendicité, etc. - doivent être traités

62 Voir William Blackstone,supra, note 55,L4,p. 18: «'Ibc injured, through compassion, will oCten Corbearto prosecute; juries, through compassion, will sometimes forget their oaths, and either acquit theguiltyor mitigate the nature oftheoffense; and juges. through compassion, will respile one half orthe convicts, and recommand tbemtatheroyalmercy».

63 Claude Désaulniers,supra, note 48, p. 149.

64 Cesare Beccaria,Desdililset des peines,Paris,Flammarion.1979.

65 William Blackstone,Commentants on tM /Qws ofEngltJnd,Oxford. Clarendon Press, 1813.

66 John Howard, The State of the Prison in EnglandCIIfdWales. Londres, J.M. Dent, 1929 [première édition,1777]. Pour une histoire plus contemporaine, voir Michel Foucault,supra.note 47•

67 Andr6 Morel, supra,note 53, p. 394.

(25)

autrement. L'idée d'un classement de la délinquance qui pennette un traitement différentiel des déviances naît. Les philanthropes vont étendre leur raisonnement à l'ensemble du corps social pour rejoindre toutes les classes populaires susceptibles de sombrer dans la délinquance.

n

faut désormais prévenir et, pour ce, il faut guérir. Ainsi, «l'approche thérapeutique C•••) devient principe d'intervention sociale»69. L'État va maintenant se substituer à la communauté pour devenir «source première d'intervention charitable et répressive» et l'enfennement va devenir «la condition sine qUIJ non du redressement des comportements»70•

L'efficacité de la peine ne repose donc plus sur son exemplarité mais sur sa capacité àréfonner le criminel: «(i]l faut dorénavant resocialiser,sur des bases différentes, labrute indisciplinée qu'apparaît être, fondamentalement, le prolétaire. (...) L'obsession de l'autorité, le classement opératoire des déviances, l'isolement àdes fins thérapeuthiques sont les pôles majeurs de cette technologieàdimension totalisante»71.

C'est ainsi qu'au Lge siècle, on assiste au développement d'une mentalité ségrégative, suivant laquelle renfermement des déviants de toutes sortes se généralise: <<À chaque typededéviance son institution. C•••) [A]près la période de promotion des années 18L5-L825, le Haut-Canada et le Bas-Canada [se dotent] d'un réseau de pénitenciers, de maisons de correction, de maisons d'industrie, d'orphelinats (...) [qui s'inscrivent tous dans la même] stratégie globale de régulation»72.

n

s'agit désonnais d'enfermer POUf, au

mieux, guérir; au pire, cette mise à l'écart préservera la santé du tissu social en évitant la

contagion.

La prison, de simple lieu de ttansition entre la condamnation et rexécution de la sentence qu'elle était, devient utilisée comme une véritable peineàpartirde la fin des années 1820. Mais l'utilisation accrue des prisons existantes se double d'une critique sévère àleur endroit - eUes sont jugées inaptes à la réfonne des prisonniers, principalement parce qu'elles accueillent pêle-mêle vagabonds, femmes, enfants, fous, etc.73 ,ce qui annule toute possibilité de classement et de traitement différentiel des déviances. Le principe de l'enfermement nlest pas en cause, mais de nouvelles institutions doivent être mises en place pour qu'il puisse opérer dans une optique de traitement. C'est dans cetesprit qu'on érigera les premières prisons de réfonne pour les jeunes délinquants.

69 lean-Marie Fecteau, «Transition au capitalisme et régulationdela déviance. Quelques réflexionsà panirdu casbas~canadiel1», (1984) 8DivÛJllce et Société 345.

70 Id., p. 351.

71 lean-MarieFecteau,supra.note 21, p.ISO.

n AndréCeUard,Histoiredelafolie au Québec de 1600liJ850. Montréal, Boréal, 1991, p. 199. Cet auteuranalyselephénomènedel'enfermemcnt descfous».

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Le mouvement pour la sauvegarde de l'enfance s'inscrit donc dans le contexte socio-politique de l'époque, où une multitude de nouvelles formes de contrôle social apparaissent74• Dans un premier temps, nous verrons que le nombre d'orphelinats augmentent au cours du siècle sans toutefois pennettre de recueillir tous les enfants qui traînent dans les rues. Nous étudierons ensuite la mise en place et l'échec de la première prison pour jeunes: eUe aussi s'avère impuissante face à la petite délinquance et au vagabondage des enfants.

1.2.1 L'enfance en danger

C'est la vague d'immigration irlandaise massive des années 1831-1834 qui fait défmitivement éclater l'Ancien système de régulation sociale7S• Ces immigrants sont pauvres, épuisés et souvent malades. En 1832-1834, ils provoquent une épidénùe de

choléra qui fera des milliers de morts. Les structures socio-politiques du Bas-Canada ne peuvent absorber cette nouvelle misère et ces immigrants, souvent orphelins, s'entassent sur les quais, se regroupent dans les quartiers pauvres, se massent dans les rues, etc.

Secourir l'orphelin, nous l'avons vu, ne remet pas en cause les principes établis en matière d'assistance.

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s'agit encore de pallierà l'absence de famille, comme aurait pu le faire l'oncle ou le voisin de l'enfant qui a vu ses parents périr en cours de traversée. Ainsi, les orientations en matière d'assistance demeurent les mêmes pour l'essentiel: «[L]'Administration (...) continue l'esprit de l'Ancien Régime. Basés sur l'initiative et la

charité privée, les services de santé et de bien-être voient la contribution des pouvoirs publics augmenter avec les années. Les différents groupes ethniques de la province organisent et administrent leurs formes d'assistance sociale, sur un plan confessionnel.

n

faut toutefois noter que l'assistance familiale du xvme siècle devient de plus en plus institutionnelle au XIXe siècle»76. La politique de l'enfance en danger se concentre encore

sur les enfants trouvés, qui continuent d'être recueillis par les hôpitaux, et sur les orphelins, pour lesquels les philanthropes élaborent un réseau complexe d'orphelinats, qui sera graduellement et partiellement financé par l'État77•

74 Ce mouvement traditionnellement analys4! comme un mouvement humanitaire et progressiste. a fait l'objet d'une relecture plus critique ces

demimes

années. Ainsi. Anthony M. Platt démontte que les réfonnateurs cherchaient aussi. sinon surtou~ l protéger leurs biens, pouvoirs et privilèges. Voir entre autres Anthony M. Plan.Th~ChildSav~rs: th~InventionofD~linquency.Chicago. Presses d: ru. de Chicago. 2e éd.• 1977. 240 p. et Susan E. Houston, cVictorian Origins of Juvenile Delinquency: a Canadian Experience» (1972) 12 HisloryofEducationQual~rly257.

75 Jean-Marie Fecteau, supra. note 21, pp. 209-210. 76 Gonzalve Poulin. supra, note 26, p. 69.

77 Notons ainsi l'apparitionduMontreal ProtestantOrphan Asylum (1822). de l'Asile des orphelins catholiques (1832), del'Hospice Saint-Joseph (1841), du St. Pattick Orphan Asylum (1846) et

œ

l'Orpbelinat Saint-Alexis. Ces institutions constilUeraient l'essentiel de la prise en charge d:

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Un problème majeur se dessine néanmoins avec clarté: plusieurs enfants abandonnés se retrouventàla roe et gonflent la petite délinquance. Car, d'une part, ce ne sontpas tous les orphelins qui sont recueillis en orphelinats. Ces derniers exercent en effet une discrétion considérable et aléatoire face aux enfants qu'ils jugent dignes de secourir, c'est-à-dire ceux qu'ils considèrent comme des pauvres méritants et industrieux78• Les

autres doivent bien se débrouiller pour survivre. D'autre part, certaines familles se retrouvent dans un tel état de dénuement (chômage ou maladie des parents, logement surpeuplé et insalubre, misère chronique, etc.) que leurs enfants sont ni plus ni moins jetés

àla rue.

Ces enfants vont mendier, se prostituer, voler. Certains d'entre eux vont se retrouver en prison, mais la plupart vont continuer à traîner dans les rues, au grand désespoir des autorités comme des philanthropes. Les jeunes de la rue sont visibles, criminalisés, gênants. S'il faut s'occuper de l'enfant délinquant parce qu'il menace l'ordre établi, il faut aussi s'occuper de l'enfant abandonné parce qu'il risque de devenir délinquant. En bout de ligne, l'intérêt que l'on porte au jeune délinquant mène àl'enfant abandonné79 :

-C'est ainsi qu'entre 1870 et 1880, l'opinion publique, consciente de l'immoralitédecertains milieux,

œ

leur dénuement. de la gravité de la délinquance juvénile sunout, passaitdela réprobation oudela répression à la prise en charge de l'enfance moralement abandonn=. n ne suffisait plus de plaindre les enfants malheureux quand ils étaient inoffensifs, de les punirquandils étaient coupables, il fallait les considber comme des victimes de parents négligeants on indignes, il fallait les éduquer et les protéger et il fallait le faire non

car

bonté d'âme mais parce que l'enfant malheureux, l'enfant abandonné était un danger pour la société.»8

Pour l'heure cependant, la sphère publique d'intervention étatique s'arrête aux frontières de l'unité familiale, où la puissance paternelle demeure entière. Bientôt, les philanthropes vont réclamer la possibilité d'intervenir auprès des enfants de la rue, que leurs pères le veuillent ou non. Ds réclameront une loi qui institue des établissements destinées aux jeunes mendiants et vagabonds et qui permette du même souffle de passer

78 79 80

l'enfance «innocente. selon lean-Marie Fecteau et al., «Une politiquedel'enfance délinquante et en danger: lamiseen place des koles de réforme et d'industtie auQu&ec (1840-1873)>>,l para11redans

Crim~" histoir~ et sociiti, automne 1997, p. 4. Comme le remarque Pierre Foucault. -Héberger, corriger, réadapter.•• Une histoire des mesuresdeprotection pour les jeunes au Québec», (1993) 3 P.R.I.S.M.E. 463,1"Asile des orphelins catholiques est créé dans la foulée de l'épidémie de choléra ch 1832qui laisse plusieurs enfants sans aucune ressource. fis'agit du premier orphelinat francophone. lean-Marie Fecteau et al.,supra. note 77, p. 4.

Mario Provost le démontre clairement en s'appuyant sur la législation anglaise. Voir Mario Provost, supra. note 35.

Marie-8ylvie Dupont-Bouchat etal.,Enfants corrigb. ~nfantsproligés. Genèsede la protection

œ

l'enfance en Belgique.~n Frant:t, aux Pays-&u ~tau Qu/bec (1820-1914), Convention den:cheœbc avec le Ministère de la lustice, Paris, 1995,p.184.

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outre au consentement parental8l . Leur souhait se réalisera avec l'adoption de laLoi sur les écoles d'indutries, en 1869.

1.2.2 L'enfance délinquante

Le nombre d'enfants qui trainent dans les rues augmente constamment au cours du 1ge siècle. Ces enfants, surnommés «arabes des rues», survivent niplus ni moins au sein des grandes villes: « •..le jeune délinquanttype était un jeune homme de race blanche, mal

nourri, peu ou pas scolarisé, né au Canada et vivant à la ville. Certains étaient orphelins ou abandonnés et la plupart étaient sans surveillance et vagabondaient où bon leur semblaient. Ces arabes des rues, comme on les appelaità l'époque, se retrouvaient dans les quartiers délabrés de la plupart des grandes villes du pays.»82

À partir de la fin des années 1820, les enfants de la rue sont de plus en plus souvent condamnés à des peines de détention83• La vague d'immigration irlandaise des années 1831-34 provoque d'importants remous qui viennent consacrer la nouvelle vocation de la

prison conunune:desimple lieu transitionnel, elle est devenue lieu d'enfermement pénal. Ainsi, la population carcérale de la prison de Québec se multiplie par vingt entre 181Set la fin des années 1830. Pour la même période, «on assiste à un quintuplement des statistiques d'internement contte l'ordre public»84, la plupart consistant en crime de vagabondage et d'oisiveté. À partir des années 1830, ce sont les immigrants (qui proviennent des îles britanniques) qui forment la majeure partie de cette population et l'âge moyen des prisonniers à l'entrée est de plus en plus bas: en 1824, à la prison de Québec, on compte une dizainedejeunes entre 16 et 20 ans; ce chiffre passe à une centaine en 183285. La situation apparaît similaire à la prison de Montréal86•

Lamisère qui sévit dans les prisons est immense. Les prisonniers donnent à même le sol, souvent nus, ils deviennent maladesàcause du froid et du manque de nourriture, les

81 Voir Renée loyal, «L'Acte concemant les icoles d'industriu (1869). Une mesure deprophylaxie sociale dans un Québec en voie d'urbanisation», (1996) R.H.A.F. 227, 232: «L'hébergement

œ

personnes mineuresC•••) dans des institutions spéci~es posait en effet un problème d'onft légal. Les autoritis des refuges déjàmissurpied ou qu'on avait l'intentiondecréerne pouvaient recevoir ces enfants qu'avec le consentementdeleur pàe, titulaire de la puissance paternelle. En l'absence deœ

consentement, seul un ordre du tribunal pouvait dOMer un caractàe légal à leur action: d'où la

nécessité d'une loi en cesens.»

82 Traduction libre. D. Owen Camgan,supra. Dote 54, p. 209: ••..the typical offcnder was a white male,poorlynurtured, with little or no schooling, born in Canada, and an urban dweller. Some were orpbaned or abandoned and most were unsupervised and allowedlaroam about at will. These urchins or street arabs, astheywere called atthelime, couldberound in run-down neighbourhoods in many of the larger towns and cities across the country.»

83 Pour l'analyse complète de ce phénomène, voir lean-Marie Fecteau,supra,note 21, pp. 239-252. 84 Id.,p. 249.

85 Id., p. 248.

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