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Entre nature et culture : l'insecte de collection

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Entre nature et culture : l’insecte de collection

Yves Delaporte

To cite this version:

Yves Delaporte. Entre nature et culture : l’insecte de collection. Anthropozoologica, 1994, pp.17-28. �halshs-00089217�

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ENTRE NATURE ET CULTURE

:

L'INSECTE DE COLLECTION

Yves DELAPORTE*

à Les signes sont donc parmi nos petites bête Ã

Renà Barthe, L e Jeu des Anges

La collection d'insectes est l'alpha et l'omég de l'actività entomologique. Pour le petit entomologiste amateur, celui préciséme que l'on peut dire à collectionneur È elle est une fin en soi. Pour le professionnel, elle n'est qu'un moyen, la base de donnée sur laquelle il construit de savantes étude de systématique Qu'elle s'expose dans le salon de l'amateur ou s'accumule sur les rayonnages du Laboratoire d'entomologie du Muséu national d'Histoire natureIlel, elle constitue l'un de ces objets faussement banals qui demandent à êtr examiné d'un regard distancié

La collection, en effet, est moins transparente, moins innocente qu'une vision superficielle pourrait le faire croire. Elle ne se résum pas à une simple réunio de petits cadavres desséchà de bestioles qui auraient ét prélevé dans la nature pour êtr aussitô piqué au fond d'une boît - selon la représentatio que l'on s'en fait assez communément Ramassez un hanneton, tuez-le comme vous pouvez, épinglez-l et piquez-le sur un morceau de lièg : ce que vous obtenez, ce sera tout sauf un insecte de collection. Pour mérite ce statut, il lui manquera deux choses : d'avoir ét soumis à une chaîn d'opération qui, d'un êtr de nature, vont le transformer en objet de culture ; et de venir prendre place au sein d'un système à la fois systèm d'objets et systèm de signes.

à C h a s s e r Ã

Au départ il y a la capture sur le terrain : autrement dit, la chasse entomologique. Sur cc terme de à chasse È il convient de s'arrête un instant. Dans une note parue ici-même Françoi Poplin (1990) s'interrogeait sur la distribution de ce terme parmi l'ensemble de ceux dont la langue français dispose pour désigne l'actività prédatric de l'homme. Pourquoi chasse-t-on les proies sous-marines mais

fiche-t-on

au harpon ? Pourquoi ramasse-t-on les escargots et les oiseaux morts tandis que l'on cueille les champignons ? Pour dégage les critère sous-jacents & la notion de chasse, F. Poplin, avec raison, orientait sa réflexio non vers les marges, mais par à ce qui constitue le caur È Aussi bien n'est-ce point en direction du caur que la chasse entomologique offre l'occasion de poursuivre cette réflexio mais, précisémen vers l'une de ses nombreuses marges.

Les dictionnaires associent l'idé de chasse à celle de gibier, c'est-à -dir d'animal à bon à manger à (Robert) ; et F. Poplin, s'appuyant sur Buffon, précis que la chasse vraie ne saurait concerner que les quadrupèdes Surtout, pour qu'il y ait chasse, à il faut qu'il y ait mouvement des deux parties, proie et prédateu È c'est-à -dir poursuite. De ce double point de vue, il apparaî difficile de considére que l'insecte puisse êtr chassà : récolté captlirà paraîtron plus adéquats L'actività entomologique est trop spécialisà et trop minoritaire pour que l'on puisse attendre du françai usuel qu'il propose un terme bien fixà ; il me semble cependant que chercher, rechercher

*

Laboratoire d'Antluopologie urbaine, C.N.R.S.

1. 100 à 150 millions de spécimens dont 200 000 types, réparti dans 500 000 boîte alignée sur 30 km de rayons.. .

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sont spontanémen utilisé par le profane qui se trouve confrontà à l'entomologiste de terrain (à Ah, vous cherchez des insectes ? ~ ) 2 .

Pour le principal intéress cependant, point d'hésitatio lexicale : il chasse, il est un chasseur, c'est un fait ; il le dit et l'écri à tout bout de champ. En veut-on quelques preuves ? On évoquer alors le titre du beau livre de Ernst Jünger Chasses subtiles (1977) ; ou bien, parcourant la table des matière d'un classique, le Guide de l'entomologiste de Guy Colas (1948), on ne relèver pas moins de quarante fois le terme qui nous occupe : pour désigne les outils (couteau de chasse), pour désigne la recherche des différente familles (chasse aux carabes, chasse aux staphylins, chasse aux Histéridà ...), pour désigne les différente techniques de capture (chasse à vue, chasse sous les pierres, chasse dans les lieux obscurs, chasse dans les terriers, chasse dans les endroits habités chasse de nuit, chasse sur les fleurs, chasse à la miellée...) Dans son Amateur de coléoptère Henri Coupin (1894) consacrait déj différent chapitres à la à chasse au parapluie >> (fig. l ) , la à chasse dans les bouses È la à chasse dans les détritu abandonné par les eaux È L'expression est probablement aussi ancienne que l'entomologie elle-m$me, puisqu'elle apparaî dans le premier ouvrage donnant des conseils sur la capture et la préparatio des insectes, celui de A. Deyrolle, Guide du jeune amateur de Coléoptèr et de 1,épidoptèr (1847).

Sans doute le critèr de la poursuite posskdc-t-il quelque pertinence pour un certain nombre de familles. L'exemple qui vient immddiatement à l'esprit est celui des lépidoptkre : l'entomologiste courant à travers champs pour tenter de saisir dans son filet un animal qui lui échapp est une image suffisamment populaire pour que la chasse aux papillons, célébr par Brassens, soit solidement attestée On pourrait donner d'autres exemples d'insectes qui, s'enfuyant à la moindre tentative d'approche, doivent égalemen êtr poursuivis sans relâch (Cicindélidé Buprestidés certains Cérambycidés... Mais tout ceci constitue l'exception, non la règle Le plus souvent, la capture se situe plutô du côt de la cueillette (floricoles, coprophages ou nécrophage qui se laissent aisémen saisir sur leur biotope d'élection Heurs, excrément ou cadavres) ou du dénichag (enfumage des galeries de Cérambycidà xylophagcs, introduction d'une baguette dans les galeries où sous bouses, crottes et crottins, pondent les femelles des Scarabéidà coprophages). Pour l'entomologiste, tous pourtant sont chassés Chassé aussi, ceux que l'on surprend endormis dans leur loge d'hibernation. Chassé enfin, les endogés microcoléoptkre qui s'enterrent profondémen sous le sol et se capturent par lavage de terre (l'article de référen sur le sujet est intitulà à Chassez l'endogà È)

Beaucoup égalenien sont piégé par cent techniques adaptée à la diversità des familles et des modes de vie. Piège lumineux autour desquels viennent voleter des insectes nocturnes. Piège 2

appât que l'on catapulte au lance-pierre dans les hautes frondaisons pour y attirer des Cétonidà qu'on ne pouvait autrefois trouver à terre que par jours de grand vent. Piège à appâ encore, les récipient enterré à ras du sol dans lesqucls tombent les grands Carabidés L'observation de F. Maspér (1984) est juste, qui, évoquan le souvenir de son grand-père songe ici aux trappeurs :

: Je vais te montrer comment on pose un pièg à insectes, disait-il à son petit-fils quand ils partaient en promenade.

Et comme un trappeur dans les grandes forêt américaines il disposait de faço magique les quelques morceaux d'un champignon déchiquetà pour revenir le lendemain et sortir de ses vastes poches le petit tube avec le tampon d'éthe oà finissaient ses captures. :)

2 . Merci à Vladimir Raiida, ethnologue d'une population de chasseurs de caribous et chasseur lui-même dont l'étonnemen à m'entendre parler de à chasse aux insectes à m'a aidà à prendre conscience de ce qu'il y avait là quelque

chose qui n'allait pas de soi. Merci égalemen à Philippe Datieux, grand lecteur de Ernst Jünger ainsi qu'à Yves Dachy, qui ont attire mon attention sur deux des textes cité ici.

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L'image de la chasse est pourtant si prégnant dans l'esprit de l'entomologiste que, dans son Guide, G. Colas utilise l'expression quelque peu rugueuse de << chasse aux piège È.. Si l'entomologiste chasse, s'il est un chasseur, ce n'est donc pas dans les modalité objectives de sa pratique qu'il faut rechercher la motivation qui fonde ces termes ; mais dans la passion qui tout entier l'anime. Passà le stade oà il a rempli ses cartons de relatives banalités l'entomologiste se trouve confrontà à la recherche de rareth, voire d'insectes que lui-mêm qualifie volontiers de << mythiques ~ 3 . Leur capture ne peut se faire sans que soient réuni un ensemble d'élémen trè divers dont chacun implique un certain type de compétenc : élémcn bibliographiques bien sû (mais la bibliographie entomologique est si immense et dispersée qu'y trouver l'information que l'on cherche est déj une performance en soi) ; renseignements beaucoup plus précieu qui se transmettent oralement et plus ou moins secrètement ce qui implique une compétenc sociale, la capacità de s'intégre à des réseau d'échange ; et, bien entendu, recherches intenses, minutieuses, réitérà pendant des années sur le terrain.

On retrouve donc bien le critkre de la poursuite, à condition d'entendre ici ce terme dans un sens métaphorique celui de quête que l'on rencontre avec l'expression chasse au trésor Et il est de fait que la quêt entomologique est souvent vécu comme une chasse au trésor Des secrets jalousement gardé entourent la località des insectes les plus recherchés et il faut se livrer à un travail qui, fondà sur une étud minutieuse des cartes, la confrontation des renseignements allusifs et plus ou moins déformk que l'on a pu recueillir ici ou lii, une lecture des moindres indices sur le terrain, relèv à sa manihre d'une actività cryptographique. Et que le butin soit bel et bien un trésor en témoign une part importante de la nomenclature : des innombrables auratus, aurata, auronitens ou aurum jusqu'à ce mythique hybride qui dut à sa livré rutilante d'êtr nommà crœsus comme le roi de Lydie devait ses fabuleuses richesses aux sables aurifère du pactoles.

La jubilation qui accompagne la capture d'une raretà dépass alors de fort loin la seule et quelque peu puéril satisfaction du collectionneur. Elle exprime un sentiment de puissance, celui que procure le fait d'avoir su mobiliser tant d'élémen si variés Et si la comparaison avec le chasseur vient alors avec l'esprit, c'est que l'on ne saurait se comparer à moins ; car c'est immédiatemen pour s'y déclare supérieur C'est tout cela que l'on trouve, avec un grand bonheur d'expression, sous la plume de Ernst Jünge (1952) :

Pour ce qui est du [Carabus Richteri, dans les environs de Casablanca], je tombe sans tarder sur une victime. Le dessin formà de chaînette bleu piile, dont il est marqué se découp sous l'une des première pierres que je retourne, au milieu d'une sociét varié de créature lucifuges -grande agatine, ténébrionidà scorpion de Maurétanie La capture d'un tel êtr qu'on a localisà d'une mani2re si sûr au milieu de l'étendu infinie des mers et des continents, surpasse de loin en plaisir le coup de feu du chasseur par cela seul qu'y entrent en jeu des élkment plus spirituels. ))

Les formes étrange des Membracidé ou élégant des Cérambycidé les spectaculaires armures céphalique des Scarabéidà offrent d'ailleurs une immédiat analogie avec le gibier des chasseurs. Là encore, la nomenclature l'atteste : l'entomologiste ne chasse-t-il pas des << cerfs È des

3. Ce terme peut assez bien êtr défin comme désignan des insectes, nientionné dans des travaux datant de cinquante ans, un siècl ou davantage, et qui n'ont pas ét repris de mémoir d'entomologiste vivant. Les renseignements dont on dispose sur eux sont incomplets, impréci ou sujets à caution, si bien que de sérieu doutes pèsen quelquefois sur leur réalitÃ

4. En 1954, Claude Dupuis évaluai à 400 000 le nombre de publications en entomologie. Aujourd'hui, ce nombre peut êtr supposk avoisiner le million.

5 . Ce mythique croesus se capture à proximità de Rennes-le-Châtea (Aude), là oà se cherche depuis un siècl le tréso que le célèb abbà Saunièr y aurait dissimulé Une nouvelle version du Scarabé d'Or de E. Poe ?

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à biches È des à rhinocéro à (noms populaires de Lucanus cervus, d70ryctes nasicornis), des à chevreuils È des à bisons È des à antilopes È des à élan È des à gazelles p 6 (fig. 2 ) ? Ces noms ne sont ni innocents ni neutres. Ils traduisent une vérità qui est la la vérit intérieur de l'entomologiste. Le critèr de la taille, si essentiel aux yeux du profane qui tient les insectes pour négligeables ne possèd pour lui guèr de pertinence puisque, grâc à la magie de la à binoculaire È il leur donne celle qu'il veut7. Son mil n'est point le nôtr et ce n'est certes pas par négligenc que nombre des planches iconographiques illustrant les meilleurs ouvrages ne s'accompagnent d'aucune mention de taille8.

Ce ne sont pas tous les insectes, cependant, qui peuvent êtr chassés Dans son ouvrage, Colas parle de la chasse aux Scarabéidé mais de la capture des diptères de la rkcolte des puces et de la recherche des mallophages et des anoploures. Ce qui confirme la thès selon laquelle le terme de chasse implique la dignità de l'animal : pour la majorità des entomologistes, l'insecte à vrai È c'est avant tout le lépidoptè ou le coléoptèr Seuls les lépidoptérist et les coléoptérist sont suffisamment nombreux et actifs pour se regrouper en associations.

Du biotope au à carton Ã

L'insecte qui vient d'êtr capturà dans son biotope va maintenant faire l'objet d'une séri de transformations. Il va acquéri une signification nouvelle, celle du spécime qui trouvera la place qui lui revient dans un à carton È c'est-à -dir une boît de collection.

Pour fixer les idées voici quelles sont les quatre ou cinq opération de base à peu prè invariantes. Les insectes sont tué puis stocké à sec sur des plaques de coton, pendant une duré indéfini (à mise sur couches È) La à couche È qui est l'unità rnatkrielle du stock comme le à carton à est l'unità matériell de la collection, contient les captures d'une ou plusieurs chasses, toutes familles confondues (fig. 3). Vient ensuite, un mois ou vingt ans plus tard, la phase de à préparatio È En mettant les insectes au contact d'un milieu humide, on redonne de l'élasticit aux appendices (c'est ce que l'on appelle les à ramollir È ; on peut alors, au moyen d'une multitude d'épingles les disposer selon la configuration souhaité (c'est la phase dite d'à étalag È) qu'une dessication naturelle ou provoqué rendra définitiv (fig. 4). L'insecte étan alors muni des indispensables étiquette indiquant son nom, la localité le biotopc et la date de captures, et qui constituent sa carte d'identité on procèd enfin à sa à mise en collection à - cette dernièr expression étan la preuve qu'un stock de bête à sur couches >> ne forme nullement une collection, mais seulement une sorte de purgatoire.

Apparemment trè simple dans son principe, cette chaîn est en réalit d'une grande difficultà d'exécution A chaque étape il y a une multitude de variantes possibles, plus ou moins bien adaptée aux buts poursuivis, et de nombreuses causes d'échec irrémédiabl : on ne saurait prépare un

6. Et puisque nombre de ces bête cornues sont des Scarabkidé coprophages, vivant dans les excrément des grands mammifères le rapport qu'elles entretiennent avec ces derniers est tout autant métonymiqu que métaphorique L'entomologiste qui chasse le rare Aphodius cervorwn doit aussi partir à la recherche du cerf.

7. Encore que quelques-uns atteignent des dimensions respectables : le premier Goliath (scarabé africain) aurait, paraît il, ét tirà au fusil !

8. D'oà la constante déceptio du non-initié si on lui montre l'original - déceptio identique à celle de l'amateur d'astronomie qui, nourri des photographies publiée dans de luxueux ouvrages, met pour la premièr fois l'mil derrièr l'ocidaire d'un télescope

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lépidoptè comme on prépar un coléoptèr ni un à micro à comme un dynasteg. Tuà avec un produit inapproprié l'insecte ne pourra êtr ultérieuremen << ramolli È Insuffisamment surveillé le stock de couches peut êtr la proie des anthrènes tel le bien nommà Anthrenus nzuseorum qui s'est faite une spécialit de dévore ses congénèr

...

Le ramollissage demande du doigté entre une humidification insuffisante qui rend la préparatio impossible, et un débu de putréfactio qui conduit l'insecte tout droit à la poubelle. Tout cela ne s'apprend guèr dans les Guides : la préparatio est soumise à trop d'aléa pour pouvoir se plier aisémen à quelques textes normatifs. Il s'ensuit, le mot n'est pas exagérà une angoisse des débutant devant la préparation Elle s'atténuer au fil des ans, grâc aux conseils des aîné Cela signifie que la préparatio des insectes est étroitemen dépendant de l'existence d'un milieu entomologique, avec sa tradition orale et ses relations pédagogiques

Mêm pour ceux qui sont aguerris, l'opératio centrale, l ' à étalag È constitue la partie la moins gratifiante de l'entomologie. On trouve toujours le temps, l'occasion d'aller chasser sur le terrain. Et elles sont douces, les heures consacrée à la contemplation ou à l'étud de la collection. Mais entre les deux c'est une véritabl astreinte, un travail de bénédicti C'est une opératio qui constitue un goulot d'étranglemen sur lequel viennent se heurter les meilleures volonté et les plus solides vocations, parce qu'elle rend la chaîn extraordinairement peu productive. Un calcul simple permet de comprendre pourquoi. Une journé de chasse peut procurer assez aisémen plusieurs dizaines d'insectes intéressants et trois semaines de vacances de quelques centaines à plusieurs milliers, tandis que la préparatio d'un seul spécime exigera un quart d'heure de travail, souvent davantage. Par conséquent il y a beaucoup de stocks d'insectes dont seul un faible pourcentage aboutira dans la collection de leur propriétaire C'est le drame de beaucoup d'entomologistes, et un permanent sujet de conversation. Tel entomologiste est surnommé avec une affectueuse ironie, à Dix-par-jour à parce qu'en se soumettant à une telle aschse il parvient à surmonter les difficulté dans lesquelles d'autres se noient. Une règl de politesse fort respecté exige que l'on signale le plus rapidement possible au collègu qui vous a donnà des à bête sur couches È qu'elles sont maintenant à en collection È

A côt des variantes obligées dues à la diversità objective des matériau soumis à transformation, il y en a d'autres qui dépenden de préférenc individuclles, ce qui ne signifie pas qu'elles ne soient, à leur manière socialisée : la préparatio des insectes aussi peut êtr soumise à des modes. Les commerçant ont tendance à déploye les antennes des grands Cérambycidà de manièr à les rendre plus spectaculaires. Il y a des entomologistes qui replient entièremen les appendices sous le corps, d'autres qui préfère les disposer d'une manièr qui imite plus ou moins la nature. Les débutant ont tendance à les écarte considérablement ce qui les fragilise, leur fait occuper une place excessive dans les cartons et brouille le regard dans la comparaison des séries Chaque entomologiste a son propre tour de main ; ce qui permet souvent, devant une à bêt à qui s'est transmise de collection en collection, de deviner qui, à l'origine, l'a préparé Lorsque l'entomologiste contemple un insecte qui figure dans sa collection, il le regarde aussi avec l'mil de l'artisan, parce que c'est un objet qui a ét façonn par lui, et qui est le témoi des sacrifices consentis, des déboire subis, des difficulté surmontées C'est là évidemment quelque chose qui échapp complètemen au profane, qui croit toujours voir dans l'harmonieuse disposition des appendices un simple effet de la nature.

Produit d'une culture, la chaîn opératoir est aussi le produit d'une histoire. Jusque dans les première décennie de ce siècle peu de prix étai attachà à la préparation que l'on considérai comme une perte de temps, inutilement prélevà sur l'étude Il y a eu ensuite une évolutio rapide 9. à Micros à : terme de métie désignan des insectes de trè petite taille (chez les coléoptère moins d'un millimètr

environ). Dynaste : célèb genre appartenant h la famille des Scarabéidé dont certains spécimen peuvent atteindre une quinzaine de centimètres

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dans le sens d'une préparatio de plus en plus soignée Cette tendance résult de deux facteurs d'ordre totalement différents mais si puissamment imbriqué qu'il est impossible de faire le dépar entre eux. D'une part un souci de scientificità : il est plus aisà de détermine ou d'étudie une séri de spécimen préparà de manièr identique, les appendices étan étalà de manièr symétrique que des bestioles engluée dans un magma de colle, les appendices pointant en tous sens. D'autre part, un souci esthétiqu : une préparatio impeccable fait d'une collection une véritabl œuvr d'art, un plaisir pour l'œi (fig. 5). C'est là un des aspects les plus troublants de l'entomologie, que les critère exigé par le professionnel le plus intransigeant s'accordent si bien avec le soin maniaque du petit amateur qui contemple ses cartons comme d'autres leurs planches philatéliques

Les procédà de préparatio ont cependant donnà lieu à bien des disputes : preuve que, dans ce domaine comme dans d'autres, la technique n'est jamais neutre, mais toujours impliqué dans un systèm de valeurs et de représentations De ces disputes, voici deux exemples.

Depuis les travaux du Pr Renà Jeannel (1879-1965), on sait que l'organe génita mâl est d'une valeur irremplaçabl pour détermine la position systématiqu des insectes. Lorsque des espèce sont si proches morphologiquement qu'elles en deviennent indiscernables sur leur seule apparence externe (espèce dites à jumelles È) seul le pénis qui peut aisémen êtr extrait de l'abdomen et conservà sur paillette à côt de l'animal, peut venir éclaire le systématicien Or, beaucoup de collectionneurs ont considér cela comme une mutilation, et Jeannel a mêm ét accusà de à porter atteinte aux collections publiques È Un amateur fort estimé y compris par les professionncls, pour l'intérà de sa collection, se refusait, disait-il, à à faire subir les derniers outrages à à ses malheureuses bestioles

...

Guy Colas, le professionnel dont j'ai cità le Guide, se fit l'ap6tre d'un nouveau procéd de mise en collection des coléoptèr : l'insecte n'est plus traversà par une épingle mais collà sur un petit rectangle de carton, la à paillette È et c'est elle qui est épingld dans la boît (fig. 6). Le procéd présent des avantages : dans la comparaison des séries le regard n'est plus perturbà par les étiquette de località et d'identification ; les photographies ne sont plus brouillée par les tête d'épingl qui, surplombant d'un centimètr le corps sur lequel se fait la mise au point, forment une désastreus tache floue. Fortement contesté le procéd présent aussi des inconvénients les colles donnant des rdsultats aléatoires et inconnus long terme. C'est pourquoi beaucoup continuent encore il à piquer >> ; mais ce n'est pas sans étonnemen que l'on voit figurer parmi eux les plus fétichiste des collectionneurs, ceux qui rejettent impitoyablement tout insecte présentan le plus infime défaut Le paradoxe n'est qu'apparent, parce que les deux faits relèven d'ordres différents L'éta de l'insecte, lorsqu'il arrive sur le bureau de l'entomologiste, est un fait de nature. Le trou d'épingl dans le tiers supdrieur de l'élytr droit, lui, est un fait de culture, imposà par la tradition :

C'est comme cela depuis des année et des année et si on désir réalise une collection uniforme, il faut se conformer à cet usage à (Rigout, 1977).

La tradition se fait sentir aussi dans le choix du matériel Le carton standard à liseré verts nous vient tout droit du style Second Empire, lorsque l'entomologie étai l'apanage de l'aristocratie. L'épaisseu des cartons (55mm) étai adapté à la mise en collection de trè gros insectes, lorsque l'on rassemblait dans une mêm boît des insectes de toutes origines, y compris les à exotiques à dont les noms seuls (Goliath, Titanus ...) suffisent à indiquer que ce sont souvent des colosses ; et que la place ne manquait pas dans ces demeures aisées Aujourd'hui oà les collections rassemblent souvent, dans des appartements exigus, des insectes dont aucun ne dépass quelques millimètres ce sont des dizaines de mètre de rayonnages qui sont inutilement encombré ; pourtant le poids de la tradition est tel qu'aucun fabricant ne s'est hasardà à modifier le format de ses cartons.

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La collection comme systèm

Capturà à l'occasion d'une à chasse È puis transformà au cours de sa à préparatio È voilà l'insecte maintenant digne d'êtr à mis en collection È c'est-à -dir de rejoindre mille, cent mille ou dix millions de ses malheureux congénère Qu'est-ce donc que cet objet à la fois étrang et familier en quoi consiste la collection ? Avec un opuscule d'Achille Guené réédi par ses soins (1934), Oberthur, qui rassembla l'une des plus formidables collections privée qui aient jamais existr5, lèv un coin du voile : que fait celui qui réuni dans l'espace de sa collection les différent membres d'une mêm famille zoologique, sinon à lutter contre le désordr de la nature qui les a disséminà de par le monde ~ 1 0 ?

La collection, c'est donc, d'abord, une mise en ordre de la nature. La proximité dans un périmèt de 26x39cm ou 39x50cm (les deux formats standards des boîtes) d'espèce qui sont normalement dispersée sur plusieurs continents, relèv de l'ordre symbolique : en mettant en rapport de contigujtà des être vivants dont les aires d'habitation sont disjointes, la collection satisfait à cette antique tendance de l'homme à reproduire symboliquement, en le condensant, le macrocosme extérieu dans le microcosme de l'espace humanisà ~ 1 1 . Cette condensation est cependant d'un genre tout particulier, puisqu 'elle n'opèr pas par réductio ni substitution (comme le font, par exemple, les cartes géographique ou ces habitations primitives dont la structure reproduit en miniature l'ordre de l'univers) mais par soustraction : à l'étendu infinie des mers et des continents à dont parle Ernst Jünge se trouve tout simplement abolie, ne laissant subsister côt à côt que les être dont cette étendu constituait le support (fig. 7).

Mais ce n'est pas seulement parce que la collection rassemble que la dimension spatiale se trouve supprimée C'est aussi, plus profondément en raison du principe organisateur sur lequel elle est fondée qui est de suivre fidèlemen l'ordre des ouvrages d'histoire naturelle, qui eux-même classent les être vivants en fonction de leur proximità phylogénique1 : ce qui se trouve en rapport de contiguTt6 dans un carton, ce sont les descendants d'un ancêtr commun, les plus hautes branches d'un arbre généalogiqu En rapprochant dans un mêm carton consacrà au sous-genre Tomocarabus (coléoptèr Carabidés un insecte de la forê de Fontainebleau ( Tomocarabus convexus) avec un autre des steppes de l'Asie centrale (Toinocarabus sibericus), ct en séparan l'insecte de la forê francilienne des autres représentant de sous-genres voisins qui s'y récolten (Chaetocarabus iritricatus, etc.), on remplace la dimension géographiqu par la dimension phylogéniqu : donc, d'une certaine manière l'espace par le temps ; et un temps vertigineux, celui de l'évolutio des espèces

De ce mode d'organisation naissent plusieurs effets. Le regard qui parcourt les rangées s'attardant sur un individu rare, ou beau, ou provenant d'une contré lointaine, convoque tout la fois le savoir,

10. La collection de coléoptèr de Renà Obcrthur (1852-1944) - en fait une collection de collections - fut déclarà monument historique et acquise par le Musdum. Son frèr Charles (1 845- 1922) ne lui & d i t en rien, avec sa collection de cinq millions de lépidoptèr réparti dans 15 000 cartons ...

11. Cl. Gouffé à Un trait caractéristiqu des rapports de l'homme et de l'animal dans la culture de type occidental : le

comportement de l'entomologiste È Communication au Premier colloque d'etl~riosciences, Paris, 1976. Ce texte

pionnier n'a malheureusement jamais ét publié

12. Tout du moins idéalement C'est le but que se propose explicitement la systématiqu cladistique, tandis que la systématiqu traditionnelle suppose implicitement que la ressemblance morphologique va de pair avec une proximità phylogénique

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l'imagination et le plaisir esthétique Le singulier vertige des sens et de l'intellect qui s'empare alors de l'entomologiste se nourrit des corrélation entre les formes et les couleurs. Un banal Megodontus purpurascens n'a rien pour exciter l'intérà scientifique ou satisfaire la recherche du beau : cet insecte noir est le plus commun et le plus répand des carabes français et l'amateur, qui en a vu des milliers ou cours de ses pérégrination a depuis longtemps cessà de le << ramasser È Mais dans ce carton consacrà au sous-genre Megodontus, s'admirent aussi ses cousins d'Iran, le mirifique

M. stroganowi dont la coloration, pronotum bleu et élytre rouges, évoqu celle de nos plus beaux

Chrysotribax13 ; ou de Chine, les fabuleux M. imperialis ou M. vietinghoffi

...

Du coup, le modeste

M. purpurascens françai se trouve investi d'une dignità nouvelle, qui est celle de tout éléme nécessair dans un ensemble multiple et contrasté

Avec l'intérà croissant qui se manifeste pour la variabilità subspécifique14 la dimension géographiqu se trouve cependant réintroduit dans de nombreuses collections, tout en demeurant subordonné au classement systématiqu : si les espèce restent regroupée par affinità phylogénique chacune d'elle est maintenant susceptible de se déploye sous la forme d'une séri qui traduit son implantation sur une succession de territoires contigus. De la contemplation de telles série qui permettent d'observer quel aspect revêt ailleurs, une espèc familikre, surgit un autre effet de sens : étonnemen de la voir, au Japon, si semblable à ce qu'elle est dans les Pyrénée ou fascination de la découvri si étrangemen différente

Tout ceci, qui a valeur général prend une force particulièr avec les notions d'espèce reliques et de localit6s relictes (deux paronymes qui, de faço trè significative, sont fréquemmen confondus par les amateurs)15. Soient par exemple les représentant des genres voisins Archeonexus (une unique espèc d'Algérie) Paranexus (trois espèce de la péninsul arabique) et Cryptonexus (quatre espèce du Caucase). Ce sont là des espèce reliques, derniers descendants d'une ligné en voie d'extinction, survivant péniblemen dans des localité rclictes, au sein d'un micromilieu dont la difficultà d'accè explique leur extrêm raretà dans les collections. Tous les sentiments ordinaires de celui qui a eu le talent d'en réuni quelques spécimen se trouvent alors porté à leur paroxysme. Exaltation du chasseur qui, dans la fente humide d'un rocher de Kabylie, à su retrouver les derniers représentant d'une tribu perdue. Jouissance intellectuelle de voir dans leur ressemblance morphologique la preuve de cette étroit parenté Ces petites bête alignée dans un carton ramènen aux temps originels, lorsque leurs lointains ancêtre étaien mêlé Le temps et l'espace sont ici annulés Celui qui s'est montrà capable d'une telle performance est, à sa manière un démiurge

Il y a cependant un paradoxe de la collection : plus elle envahit l'espace privà de l'entomologiste, plus le contenu de chaque carton tend à colncider avec la réalità et donc à perdre de son pouvoir de fascination. De ce point de vue, la collection idéal serait celle qui permettrait d'embrasser d'un coup d'œi la totalità des représentant d'une mêm famille ou, du moins, d'un mêm genre. Une telle collection n'existe pas et ne saurait exister que dans un Xanadu imaginaire dont les murs seraient d'immenses vitrines tapissée d'insectes ... Lorsque l'entomologiste se spécialis au point qu'à l'intérieu d'un mêm carton ne sont plus réuni que les représentant d'une mêm espèc dans un

13. Genre auquel appartient l'hybride croesus que j'ai évoqu plus haut.

14. Selon un mécanism tout à fait semblable à celui qui a ét mentionnà pour la préparatio des insectes, il y a amalgame parfait entre deux tendances fort différente en principe : d'un côt le cheminement de la science (intérà accru pour la spéciation développemen de la systématiqu dite évolutive etc.), de l'autre le dési sans fin du collectionneur.

15. On désign sous le nom de relicte une località qui, pour des motifs historiques, géologique ou climatiques, se trouve à l'écar de l'aire de répartitio principale de l'espèc ; et, sous le nom de relique, une espèce elle aussi délaissà par l'histoire, qui est la dernièr représentant de groupes autrefois florissants (Tibergluen & Beuf, 1984).

(10)

mêm départemen français tous les effets que j'ai décrit s'atténuent Sans doute d'autres effets tendent-ils alors à s'y substituer : ainsi du goû pour l'exhaustivité lorsque la carte voit son échell augmenter au point qu'elle tend à se confondre avec le territoire ; et l'on sait que la consultation des cartes à grande échell ne procure pas un plaisir moins vif, pour êtr autrement fondé que celui des cartes à petite échelle

Il y a donc une tension permanente entre deux tendances antagonistes : la collection comme décalqu de la réalità et comme mise en ordre. Ce que l'on gagne d'un côtà on le perd de l'autre. Trè vivement ressenti par beaucoup, ce paradoxe ressurgit périodiquemen dans les conversations, et l'on se propose d'y remédie au moyen de solutions sérieuse ou fantaisistes. Souvent est évoquà l'idé de à doubler à la collection par une autre. Celle-là comprendrait des cartons qui s'identifieraient par exemple à des unité biogéographiques telle une forêt De telles conversations, oà chacun exprime plutô des fantasmes qu'une réell volonté peuvent conduire à de plaisantes surenchère :

on évoqu une collection dont le critèr organisateur serait l'altitude, ou le biotope, ou encore la couleur : un carton regrouperait ainsi toutes les cétoine bleues, un autre toutes les cétoine rouges

...

Inversement, dans ses longucs série d'un carabe vert, voici un entomologiste qui disperse au hasard les mutants noirs, parce que à c'est comme ç qu'on les trouve dans la nature È C'est oublier la fonction organisatrice de la collection : devant ces série hétérogèn le regard se brouille. Aussi, aprè quinze ans d'une telle pratique, finit-il par se ranger à l'avis généra qui est que les gradients de couleur doivent êtr reconnaissables au premier coup d'cil.

A la fois reflet et remodelage de la réalità la collection peut aussi, sur un point précis en donner une image inversé : la fréquenc des espèce et des formes qui y figurent tend à êtr inversement proportionnelle à ce qu'elle est dans la nature. Certains insectes rares sont représentà par de longucs séries tandis que les plus communs ne sont souvent représentà qu'en tout petit nombre : le temps limità dont on dispose conduit à négliger sinon la capture, tout du moins la préparatio des formes les plus banales, tandis que l'on n'est jamais rassasià de celles qui font la joie et l'orgueil du collectionneur. Si une esp6ce prkscnte une forte variabilità gkographique, le collectionneur n'aura de cesse de posséde des représentant de chacune de ses sous-espèces Si au contraire une espèc nionotypique couvre un vaste territoire, on se lassera vite d'accumuler des spécimen qui ne diffèren que par leur étiquett de provenance.

Voilà qui peut conduire à un autre paradoxe. Avec l'industrialisation de l'agriculture, le hanneton

Melolontha melolontha s'est soudainement raréfié1 au point de constituer aujourd'hui une véritabl

rareté condamné à brèv échéan à la disparition totale. Or ce hanneton proliférai autrefois avec une telle exubérance faisant partie de ce que l'on appelle parfois les à cochonneries È que personne ne s'est jamais soucià d'en constituer de longues séries Aussi constate-t-on aujourd'hui, avec quelque stupeur, qu'il est impossible de retracer ce qu'a ét la chorologie de cette espèc autrefois si banale. C'est là une conséquenc inattendue d'un fait en apparence purement technique, le coû de l'opératio d'étalage

La collection, on l'aura compris, permet de visualiser un système Là se trouve la vraie source de l'effroi qui s'empare de l'entomologiste devant - horresco referens ! - une erreur de détermination Les collections sont, à leur manière des dictionnaires (qui eux-même ne sont rien d'autre que des collections de mots), et cette fonction est évident avec les collections dites à de référen È telle celle que la Sociét entomologique de France met à la disposition de ses membres, en son local du 45

16. Aussi tô qu'en 1889, le syndicat de hannetonnage de Bernay (Eure) détruisai 148 530 kg d'insectes ... (Guenaux, 1904).

(11)

rue Buffon, et qui permet aux débutant d'identifier leurs captures sans avoir à s'égare dans le dédal des clé dichotomiques.

Cette comparaison conduit à replacer l'insecte dans une perspective plus général celle de la sémiologie Tout taxon est un signe. Il n'existe qu'à partir du moment oà il est nommé et ce nom est un signifiant17. Quant à son signifié ce n'est rien d'autre que l'ensemble des traits définitoire établi lors de la diagnose (la publication originale oh se voit décri le nouveau taxon) : c'est une catégori abstraite, constitué par la somme des traits qui opposent (permettant de défini une nouvelle espèc comme distinctes de toutes celles connues) et qui rapprochent (permettant d'intégre cette espèc à un genre déj établi) L'insecte qui a ét utilisà pour la diagnose, et qui porte le nom de type, est le référen Ce terme peut légitimemen êtr étend à tout spécime identifià comme relevant du mêm taxon.

Mais dans les dictionnaires, c'est un signifià qui figure en regard de chaque signifiant ; ici, c'est le référe

-

la chose elle-même Swift suggérai que l'on emportâ avec soi les choses dont on voudrait parler : proposition dont 1 'absurde visait à souligner, avant la lettre, l'abîm qui sépar le signifià du référen mais qui éclair parfaitement l'habituel déroulemen de toute discussion entre entomologistes à propos de tel ou tel insecte : il ne s'écoul jamais plus de quelques minutes avant que l'un d'eux ne se lèv et n'aille chercher dans ses cartons ce qui fait l'objet de la conversation.

Remplaçon maintenant chaque référe par le signifià qui lui correspond, et nous n'avons plus une collection - par exemple de Cérambycidà françai -, mais une Faune

-

par exemple celle de Andrà Villiers, parue aux Editions Lechevalier en 1978, et qui figure dans la bibliothèqu de tous les amateurs de cette famille, à proximità de la collection elle-même C'est parce que sa collection n'est rien d'autre que la traduction matériell de son ouvrage sur les Coléoptèr de la forê de la Grésigne objet d'une passion exclusive, qu'un entomologiste du Tarn peut publier avec quelque hauteur la petite annonce suivante : à Jean Rabi1 précis qu'il ne fait pas d'échanges ses doubles étan réservà à quelques amis et à ses déterminateur P... Pour la mêm raison, les Muséum répugnen parfois à réparti dans leur à collection généra à telle ou telle collection privde qui a fourni la base d'une intéressant monographie. Tel est le faisceau de relations qui s'établissen entre un objet naturel, l'insecte, et les différente manikres qu'a l'entomologiste de l'appréhender

Si la dimension géographiqu disparaî souvent du carton, l'information correspondante n'est pas pour autant supprimé : elle est convertie graphiquement sur les à étiquette de località à qui sont piquée sous l'insecte. Cependant, ces étiquette sont normalement invisibles : leur lecture exige que le carton soit inclinà sous un certain angle, et souvent mêm que l'insecte soit ôt du carton. En outre l'entomologiste transpose dans ses œuvre culturelles la petitesse des être naturels qu'il étudi :

l'kcriture qui couvre les étiquette est d'une petitesse qui confine parfois à l'illisibilité si bien qu'elle doit souvent faire l'objet de détermination dont la difficultà n'a rien à envier à celles des insectes eux-mêmes C'est ainsi que telle espèce dont le sillon basal des premiers tergites abdominaux est couvert d'une forte réticulation fut inscrite sur une étiquett comme rugiventris, mais avec une écritur si difficilement déchiffrabl qu'elle fut recopié puis publié aprè la mort de son découvreu sous le nom (sans signification) de negivacteris..

.

D'autres étiquette accompagnent l'insecte : elles indiquent le nom du chasseur, qui est en mêm temps l'inventeur si la bêt est nouvelle, celui du déterminateur souvent aussi celui du propriétair de la collection. Ces mentions constituent une mine d'informations pour qui sait les décrypter La bonne 17. Il y aurait beaucoup A dire sur l'importance de ces noms dans le processus de transformation de l'insecte en objet de

(12)

ou mauvaise réputatio du collecteur ou du dénominateu peuvent êtr mises à profit pour juger de l'intérà de l'insecte. Lorsque Andrà Villiers exclut le mythique Stenopterus flavicornis de son ouvrage sur les Cérambycidks il le fait sur l'argument que l'unique exemplaire qu'il a vu en collection n'étai pas accompagnà du nom du chasseur. Si l'insecte provient d'un échange d'un achat, d'un legs, toutes les étiquette dont il étai muni doivent êtr conservées Lorsqu'une bêt a circulà entre plusieurs collections, les étiquette qui s'accumulent sous elle retracent ainsi une longue histoire, depuis le moment oà elle a dtà prélevà dans la nature, jusqu'à celui oà elle a pris place dans la collection de son plus récen propriétaire

Quant au spécime qui, par négligenc ou accident, se trouve démun de toute étiquett de localité il doit impitoyablement êtr jeté preuve définitiv que, par lui-même l'insecte n'est rien.

Lorsque c'est le collectionneur qui a personnellement capturà la bestiole, les étiquette de località sont comme autant de pages arrachée à un journal intime. Voilà donc encore une autre manièr pour l'insecte de collection d'êtr un signe. Le mot apparaî d'ailleurs à plusieurs reprises sous la plume de Rend Barthe, dans un livre de souvenirs (1945) oà il laisse percer des motivations qui, pour êtr partagée par beaucoup d'entomologistes, n'en sont pas moins souvent pudiquement dissimulée derrikre le masque de la scientificità :

<< J'ai une banale cétoin qui me fait revivre un dimanche de Pentecôte au Cayla d'Eugéni de Guérin et au cimetièr d'Andillac oà Maurice et Eugéni reposent côt à côte dans le calme des collines du Tarn (...). Le clocher octogonal d'Andillac évoquai une tour sarrazine et dlébrai son Languedoc. Pas loin de lui, Cordes repose au nord, Albi h l'est (...). Albi dont la cathédral et le palais de la Berbie cilkbrent de leur puissance rose le drame 6teint de la croisade. Je ne pouvais quitter ce vieil asile sans en rapporter un signe : une cétoin dorée parmi ses congénèr au fond d'une boîte brille comme un cabochon arrachà à un reliquaire. Ã

Un autre rkcit, oà se trouvent évoqué d'anciennes chasses en compagnie d'un ami disparu, se conclut par ces mots : à Tout ceci s'inscrit sous les épingle avec le nom de Labastide-de-Séro È

J'ai dit tout à l'heure que la collection est une mise en ordre de la nature, qu'elle engage l'âm dans un vertige, celui des continents engloutis et des temps oubliés A cela se trouvent maintenant amalgamé les souvenirs, les émotions le parcours de toute une vie : c'est cette synthès entre l'universel et le particulier, entre le monde extérieu et le moi intime, qui constitue peut-êtr l'une des sources les plus profondes de la passion entomologique.

(13)

BIBLIOGRAPHIE

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COUP1 N H. (1894), L'amateur de coléoptère Guide pour la chasse, la préparatio et la conservation, Baillière Paris.

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(lèr éditio : 1842).

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VILLIERS A. (1978) : Faune des coléoptèr de France : Cerainbycidae, Encyclopédi entomologique, 42. Lechevalier, Paris.

(14)

LEGENDES

DES ILLUSTRATIONS

Fig.

1

:

Chasse dite

Ã

au parapluie

È

permettant de capturer les insectes vivant sur

les arbres.

Fig. 2

:

Oryctes nasicornis, le

Ã

Rhinocéro

Ã

français

Fig.

3

: Ã

Couches

Ã

de coton pour le stockage des insectes non préparé

Fig.

4

: Ã

Etalage

Ã

d'un coléoptè

CérambycidÃ

A

l'exception de celle qui est piqué

dans l'élytr

droit, les épingle

ne traversent

pas l'insecte

;

elles seront ôté

lorsque celui-ci sera sec.

Fig.

5

: Ã

Papillon mal étal

È Ã

papillon correctement étal

È

d'aprè le Guide

de Guy Colas.

Fig.

6

:

Insectes piqués

insectes collés

A gauche

:

diptèr piqué muni de ses étiquettes

A

droite

:

coléoptè

(Curculionidé

collà sur paillette

;

les étiquette

sont masquée

par la paillette.

Fig.

7

: Ã

Carton

Ã

de lépidoptère

La tradition exige que les

Ã

série

Ã

soient disposée

en colonnes, alors qu'elles le

sont en lignes dans les cartons de coléoptère

Fig.

8

:

Vignette ornant le Musé entomologique illustré Histoire naturelle

iconographique des insectes (tome 1

:

les coléoptères

J. Rotschild, Paris,

1876.

Les figures 2

Ã

7 sont extraites du Guide de l'entomologiste de Guy Colas, et

(15)
(16)
(17)
(18)

L'INSECTE DE COLLECTION^

ihmu

Y V ~ S DF.1 APORTR* ~ t : ~ - ! f i E ~ S K ~ , $ft~t7+3<1^5

a .

--

---a

-

(Manuscrit soumisle 27 novembre 1993)**

i

Résam

-

-

La collection d'insectes, m'elle s'expose dans le salon l'canoteur ou s'accumule sur les rayonnages du Laboratoire d'Entomologie du Muskm Natwnal d'Histoire Naturelle, est

l'un de ces objets faussement banals qui demandent d gtre examinds d'un regard distanci&. La collection, en effet, ne relèv pas seulement de ta pertinence naturaliste, mais &ale-

mat & la pertinence anthropologique. Elle ne se résum pas d une Simple réunio de petits cadavres dess6chks : elle est aussi un systkme de signes, dont les unit& n'ont abouti là qu'apr2s une longue chaîn d'op6rations oà entrent de mul- tiples dlJments culturels.

. . -..

The collection of insects, be h exhibited in the amateur's living-room or stacked on the shelves of the Entomology Laboratory of the National Museum of Natural History, is one

o f those falsy banal abjects which must be exami'nated from a distance. As a matter of fact, a collection does not oniy pre- sent a naturalist relevance but aiso un anthropological rele- vance. It does not amountto a simple gathering of smalïdrie up corpses : It is aiso a system ofsigns, whose items ended up in this systernisy-means afa long chain of operations pemtra- ted by multiple cultural elements.

Mots

clé

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Key

Words

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