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Haïti, les marqueurs de la pauvreté
Gérard-François Dumont
To cite this version:
Gérard-François Dumont. Haïti, les marqueurs de la pauvreté. Population et avenir, Association
Population et Avenir 2010, pp.3. �10.3917/popav.697.0003�. �halshs-00762792�
EDITORIAL
ul ne peut nier la richesse culturelle ou l’apport d’Haïti à la littérature mondiale. Mais, en même temps, il faut bien constater, à regret, que, déjà à la veille du terrible trem-blement de terre subi par ce pays le 12 janvier 2010, Haïti était le pays le plus pauvre de l’Amérique latine.
La démographie livre des enseignements indéniables. Par exemple, l’analyse des évolutions dans l’URSS des années 1980 annonçait l’affaiblissement progressif de celui qu’on dénommait encore l’un des « deux Grands »1. La détérioration
de la gouvernance du Zimbabwe depuis deux décennies s’est traduite directement dans une aggravation des données démographiques. L’analyse des indicateurs de la population afro-américaine2des États-Unis témoigne d’un niveau social
plus faible que la moyenne de la population de ce pays. Ce qui vaut dans les exemples ci-dessus s’applique à tous les pays et, donc, également, en Haïti. Avant même de connaître le très fort séisme du 12 janvier 2010, le constat de sa très
grande pauvreté, à l’examen des données démographiques3,
était implacable. En voici trois preuves, en comparant Haïti avec l’autre État de la même île des Caraïbes, la République dominicaine, et avec la moyenne de l’Amérique latine. L’année précédant le grand tremblement de terre, donc en 20094, le taux de mortalité d’Haïti était de 10 décès pour mille
habitants, supérieur de 66 % tant à celui de la République dominicaine qu’à la moyenne de l’Amérique latine. Haïti connaissait de surcroît le taux de mortalité le plus élevé de tous les pays de l’Amérique latine. De tels résultats ne pou-vant s’expliquer par une composition par âge vieillie de la population, puisque les moins de 15 ans y représentent 38 % du total, l’explication ne peut venir que d’un système poli-tique, économique, social, sanitaire et hygiénique dégradé. Ces mauvais résultats relatifs sont confirmés par le taux de mortalité infantile : Haïti enregistre, toujours en 2009, 57 décès d’enfants de moins d’un an pour mille naissances5.
Autrement dit, sur 20 nouveau-nés, au moins un meurt avant de pouvoir fêter son premier anniversaire. En outre, un tel résultat est supérieur de 78 % à celui du voisin d’Haïti, la République dominicaine, et de 148 % à la moyenne de l’Amé-rique latine . C’est aussi le plus mauvais résultat du sous-continent latino-américain, devant la Bolivie. Il signifie com-bien Haïti manque de centres de protection maternelle et infantile, d ’infrastructures sanitaires, de personnels de santé, d’autant plus que nombre de Haïtiens exerçant dans ce sec-teur ont été poussés à émigrer par les régimes dictatoriaux qui se sont succédés durant plusieurs décennies.
Les résultats précédents se trouvent éclairés par une autre donnée : l’espérance de vie à la naissance. Les hommes haï-tiens ont la plus faible espérance de vie de tous les pays de l’Amérique latine, avec 57 ans contre 69 ans en République dominicaine et 70 ans pour la moyenne de l’Amérique
latine. Pour les femmes, Haïti compte à nouveau le plus mauvais chiffre des pays latino-américains, avec 60 ans contre 75 ans en République dominicaine et 76 ans pour la moyenne de l’Amérique latine.
Déjà, avant le séisme, Haïti avait besoin de construire un réseau sanitaire, de développer des règles hygiéniques, de réaliser des réseaux d’assainissement, de parfaire des infrastructures d’eau potable... Depuis, il faut souhaiter que la combinaison de la solidarité internationale et d’une gouvernance qui doit être considérablement améliorée permette à ce pays de surmonter ses souffrances.
par Gérard-François
DUMONT
EDITORIAL
1. Dumont, Gérard-François, Démographie politique. Les lois de la géopolitique des popula-tions, Paris, Ellipses, 2007. 2. Intitulé officiel qui s’est substitué à celui de « Noirs ». 3. Données publiées, avec celles de 206 pays, par Sardon, Jean-Paul, « La population des continents et des États », Population & Avenir,n° 695, novembre-décembre 2009. 4. Les données 2010 seront malheureusement beaucoup plus mauvaises mais, espé-rons-le, exceptionnellement très mauvaises. 5. Le taux de mortalité infantile est de 6 en Guadeloupe et de 8 en Martinique selon les mêmes sources.
N
Haïti, les marqueurs de la pauvreté
0 2 4 6 8 10
Nombre de décès pour mille habitants
Amérique latine République dominicaine Haïti 10 6 6
1. Le taux de
mortalité en Haïti
0 10 20 30 40 50 60Nombre de décès d'enfants de moins d'un an
pour mille naissances
Amérique latine République dominicaine Haïti 57 32 23
2. Le taux de mortalité
infantile en Haïti
© Gérard-François Dumont - Chiffres PRB 2009.
0 10 20 30 40 50 60 70 80 Amérique latine République dominicaine Haïti 57 60 69 75 70 76
hommes femmes hommes femmes hommes femmes
3. L’espérance de vie à la naissance en Haïti
© Gérard-François Dumont
- Chiffres PRB 2009.
P o p u l a t i o n & A v e n i r • n ° 6 9 7 • M a r s - a v r i l 2 0 1 0
Notre solidarité avec Haïti appelle aussi à mieux comprendre le séisme subi par ce pays en janvier 2010. Nous invitons donc nos lecteurs à lire ou relire l’un et/ou l’autre des deux dossiers proposant en même temps un exercice pédagogique :
• « Croissance de la population et risques : l’exemple de la Caraïbe», Population & Avenir, n° 692, mars-avril 2009.
• « Population et risques naturels dans la Caraïbe », Population & Avenir, n° 671, janvier-février 2005. Ces numéros, disponibles au tarif de 10 € l’exemplaire (donc 20 € pour les deux), peuvent être commandés à : Population & Avenir, 35, a venue Mac Mahon 75017 Paris, (règlement par chèque bancaire ou postal). ou par carte bancaire aux adresses web : • www.population-demographie.org/revue04.htm (pour le 692)
• www.population-demographie.org/revue04b.htm (pour le 671) Pour toute commande reçue avant le 30 juin 2010, Population & Avenir affectera
30% du montant à une œuvre humanitaire en faveur d’Haïti.