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Évaluation de l'efficacité des interventions organisationnelles mises en oeuvre dans le cadre de la norme "Entreprises en santé" : Impacts sur la conciliation travail-vie personnelle et l'état de santé globale des travailleurs du Québec

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Texte intégral

(1)

Évaluation de l’efficacité des interventions organisationnelles

mises en œuvre dans le cadre de la norme Entreprise en Santé :

Impacts sur la conciliation travail-vie personnelle et l’état de santé

globale des travailleurs du Québec

Mémoire

Anne-Frédérique Lambert-Slythe

Maîtrise en santé communautaire

Maître ès sciences (M. Sc.)

Québec, Canada

(2)

Évaluation de l’efficacité des interventions organisationnelles

mises en œuvre dans le cadre de la norme Entreprise en Santé :

Impacts sur la conciliation travail-vie personnelle et l’état de santé

globale des travailleurs du Québec

Mémoire

Anne-Frédérique Lambert-Slythe

Sous la direction de :

Chantal Brisson, directrice de recherche

Michel Vézina, codirecteur de recherche

(3)

Résumé

La conciliation travail-vie personnelle (CTVP) réfère à un effort d’harmonisation entre les exigences du milieu professionnel et celles issues des rôles familiaux et personnels. Au Québec, de 40 à 47% des travailleurs déclarent vivre un conflit travail-vie personnelle. De plus en plus d’entreprises implantent des mesures favorisant la CTVP, mais leurs effets sur la santé des travailleurs sont peu connus. La norme Entreprise en Santé (NEES) a été implantée en 2008. Les interventions prévues par cette norme portent sur quatre sphères1, dont l’équilibre travail-vie personnelle. L’objectif général de l’étude est de déterminer l’impact de son implantation sur la CTVP et sur l’état de santé auto-rapporté (ÉSAR). Cette étude s’inscrit dans le cadre d’une étude plus vaste subventionnée par les IRSC (2), évaluant l’implantation de la NEES et son impact. La collecte de données a été effectuée par questionnaire auprès de travailleurs de dix entreprises avant l’implantation de la NEES et de 24 à 38 mois après l’implantation.

Les résultats montrent une détérioration de la CTVP et de l’ÉSAR. Toutefois, seulement trois entreprises sur les dix étudiées ont réalisé des interventions pour améliorer la CTVP. Parmi celles-ci, une seule a implanté des interventions reconnues efficaces. Au sein de cette dernière, de légères améliorations de la CTVP et de l’ÉSAR ont été observées. Les résultats de cette étude illustrent la nécessité d’implanter des mesures reconnues efficaces afin d’améliorer la CTVP et l’ÉSAR.

La présente étude est la première à avoir examiné l’association entre la CTVP et la santé sur une aussi longue période, chez un échantillon de cette taille (n=2849). La NEES intègre des interventions dans différents domaines, ce qui est innovateur.

Mots clés

Conciliation travail-vie personnelle, état de santé auto-rapporté, intervention organisationnelle, étude d’intervention, norme Entreprise en santé, santé au travail, Québec

1

Environnement de travail, organisation du travail et pratiques de gestion, habitudes de vie, équilibre travail-vie personnelle

(4)

IV

Abstract

Impact of the Quebec Healthy Enterprise Standard on work-life balance and self-rated health among employees

Background and Objectives: Work-life balance (WLB) refers to the harmonization of one’s professional and personal roles. In Quebec, 40 to 47% of workers report work-life conflict; a state researchers suggest may be associated with various mental and physical health problems. An increasing number of companies are implementing measures to promote WLB, but their effects on workers’ health are not well known. Implemented in 2008, the Quebec Healthy Enterprise Standard (HES) targets four intervention areas, including WLB. The objective of this study was to evaluate the impact of HES implementation on workers’ WLB and their self-rated health (SRH).

Methods: This was an intervention study with a before-after design. All active employees of ten Quebec companies were solicited to complete a questionnaire before (n=2849) and 24 to 38 months after (n=2560) HES implementation.

Results: The overall results show a deterioration of WLB and SRH. Of the two companies that implemented specific interventions to promote WLB, only one implemented recognized interventions (flexible schedule and telecommute). In this company, a slight improvement in WLB as well as an increase in the prevalence of negative SRH was observed. The second company conducted information sessions on WLB and deterioration in WLB was observed.

Conclusions: This is the first study to assess the association between implemented measures and WLB or SRH over such a long period of time and in such a large sample. The results of this study illustrate the need to and the importance of implementing concrete and recognized interventions in order to improve workers’ WLB and SRH.

(5)

Table des matières

Résumé ... III

Abstract ... IV

Table des matières ...V

Liste des tableaux ... VII

Liste des figures ... IX

Liste des abréviations ... X

Avant-propos ... XI

1. Introduction ... 1

2. État des connaissances ... 3

2.1 Conciliation travail-vie personnelle ... 3

2.1.1 Définition ... 3

2.1.2 Impacts du conflit travail-vie personnelle sur la santé des travailleurs ... 7

2.1.3 Interventions organisationnelles et individuelles ... 10

2.1.4 Conditions de travail associées à la CTVP ... 14

2.1.5 Instruments de mesure du conflit ... 17

2.1.6 Implantation des interventions organisationnelles... 19

2.2 État de santé auto-rapporté ... 19

2.2.1 Définition ... 19

2.2.2 État de santé auto-rapporté et conciliation travail-vie personnelle ... 23

2.3 Recension des études d’intervention ... 25

2.3.1 Revues systématiques et méta-analyses ... 25

2.3.2 Études d’interventions portant sur la CTVP ... 34

2.3.3 Pistes d’explication des inconsistances observées dans les résultats des études antérieures ... 40

2.3.4 Résumé ... 41

2.4 Description de l’intervention : la NEES ... 42

2.5 Normes au Québec et ailleurs ... 44

2.5.1 Norme conciliation travail-famille, Québec (BNQ 9700-820/2010) ... 45

2.5.2 Norme Santé et sécurité psychologiques en milieu de travail, Canada (CAN/CSA-Z1003-13/BNQ 9700-803/2013) ... 46

2.5.3 STAR, États-Unis (Support. Transform. Achieve. Results.) ... 47

2.5.4 ROWE, États-Unis (Results Only Work Environment) ... 47

2.5.5 Safe Work Australia et Australian Workplace Barometer, Australie ... 48

2.5.6 Health and Safety Executive Project, Royaume-Uni ... 49

2.5.7 Autres ... 50

3. Question, objectifs et hypothèse de recherche... 51

3.1 Objectif général ... 51 3.2 Objectifs spécifiques ... 51 3.3 Hypothèse de recherche ... 51

4. Méthodologie ... 52

4.1 Devis de l’étude ... 52 4.2 Population et échantillonnage ... 52 4.3 Collecte de données ... 53

4.4 Définition opérationnelle des variables ... 54

4.4.1 Exposition aux interventions (variables indépendantes) ... 54

(6)

VI 4.4.3 Covariables ... 59 4.5 Analyses statistiques ... 62 4.6 Puissance de l’étude ... 64

5. Considérations éthiques ... 66

6. Résultats... 67

6.1 Description générale ... 67

6.2 Conciliation travail vie-personnelle chez les travailleurs ... 74

6.2.1 Perception globale de la CTVP, analyse pré/post-intervention ... 75

6.2.2 Perception globale de la CTVP et satisfaction des mesures d’équilibre TVP, analyse transversale post-intervention, selon l’exposition individuelle aux interventions ... 77

6.3 Conciliation travail-vie personnelle au sein des entreprises, post-intervention .. 80

6.4 État de santé auto-rapporté chez les travailleurs, analyse pré/post-intervention ... 82

6.5 Résultats complémentaires des entreprises ayant implanté des interventions spécifiques à l’équilibre travail-vie personnelle ... 84

6.5.1 Perception globale de la CTVP et satisfaction des mesures d’équilibre TVP, analyse pré/post-intervention dans les trois entreprises ayant implanté des interventions ... 85

6.5.2 État de santé auto-rapporté, analyse pré/post-intervention dans les trois entreprises ayant implanté des interventions ... 89

7. Discussion ... 93

7.1 Contexte et principaux résultats ... 93

7.2 Consistance des résultats avec la littérature ... 94

7.2.1 CTVP ... 94

7.2.2 ÉSAR ... 99

7.3 Interprétation des résultats complémentaires pour les entreprises A, B et C ... 100

7.3.1 CTVP ... 103

7.3.2 ÉSAR ... 104

7.4 Forces de l’étude ... 105

7.5 Faiblesses de l’étude ... 107

7.5.1 Limites du devis et de l’intervention... 107

7.5.2 Biais de sélection ... 108

7.5.3 Biais d’information ... 109

7.5.4 Biais de confusion ... 111

7.5.5 Synthèse des biais potentiels les plus importants ... 113

7.6 Explication de certains choix méthodologiques ... 113

7.7 Validité externe ... 114

7.8 Retombées pour la santé publique ... 115

7.9 Suggestions d’études futures ... 116

7.9.1 Méthodologie ... 117

7.9.2 Recherche qualitative ... 117

7.9.3 CTVP et santé mentale ... 118

7.9.4 Documenter les mesures facilitantes à la CTVP ... 118

8. Conclusion ...120

9. Bibliographie ...121

(7)

Liste des tableaux

Tableau 1 : Exemples de répercussions du conflit travail-vie personnelle sur les

travailleurs (43) ... 8

Tableau 2 : Revues systématiques et méta-analyses portant sur la CTVP ... 29

Tableau 3 : Études d’interventions concernant la conciliation travail-vie personnelle ... 38

Tableau 4 : Mesures implantées dans le cadre de la NEES, sphère équilibre travail-vie personnelle dans les 10 entreprises étudiées ... 44

Tableau 5 : Exposition aux interventions de la sphère équilibre travail-vie personnelle .... 55

Tableau 6 : Insatisfaction des mesures organisationnelles d’équilibre travail-vie personnelle ... 59

Tableau 7 : Caractéristiques des variables modifiantes ... 60

Tableau 8 : Caractéristiques des variables confondantes (CTVP)... 61

Tableau 9 : Caractéristiques des variables confondantes (ÉSAR) ... 62

Tableau 10 : Ajustements pour les variables confondantes ... 64

Tableau 11 : Pourcentage de participation, par entreprise ... 68

Tableau 12 : Description de la population à l’étude chez tous les individus et chez tous les individus, selon le sexe, avant l’intervention (T1) ... 69

Tableau 13 : Description de la population étudiée, par entreprise, avant l’intervention (T1) (n=2849) ... 71

Tableau 14 : Exposition aux différentes sphères d’intervention chez tous les individus et chez tous les individus selon le sexe, après l’intervention (T2) ... 74

Tableau 15 : Mesures de CTVP ... 75

Tableau 16 : Rapports de prévalences de la difficulté de CTVP avant (T1) et après (T2) l’implantation de la NEES ... 76

Tableau 17 : Rapports de prévalence de la difficulté de CTVP avant (T1) et après (T2) l’implantation de la NEES, selon le sexe ... 76

Tableau 18 : Rapports de prévalences de la difficulté de CTVP avant (T1) et après (T2) l’implantation de la NEES, selon l’âge ... 77

Tableau 19 : Rapports de prévalences de la difficulté de CTVP et de l’insatisfaction des mesures d’équilibre TVP parmi les travailleurs exposés aux interventions pour favoriser l’équilibre TVP en comparaison avec les travailleurs non-exposés, après l’implantation .. 78

Tableau 20 : Rapports de prévalences de la difficulté de CTVP et de l’insatisfaction des mesures d’équilibre TVP parmi les travailleurs exposés aux interventions pour favoriser l’équilibre TVP en comparaison avec les travailleurs non-exposés, après l’implantation (T2), selon le sexe ... 79

Tableau 21 : Rapports de prévalences de la difficulté de CTVP et de l’insatisfaction des mesures d’équilibre TVP parmi les travailleurs exposés aux interventions pour favoriser l’équilibre TVP en comparaison avec les travailleurs non-exposés, après l’implantation .. 80

(8)

VIII

Tableau 22 : Rapports de prévalences de la difficulté de CTVP parmi les entreprises ayant un pourcentage élevé de sujets exposés aux interventions de la sphère équilibre TVP en comparaison aux entreprises ayant un faible pourcentage de sujets exposés, avant et après l’implantation ... 81 Tableau 23 : État de santé auto-rapporté ... 82 Tableau 24 : Rapports de prévalences de la perception négative de l’état de santé auto-rapporté avant (T1) et après (T2) l’implantation de la NEES ... 83 Tableau 25 : Rapport de prévalences de la perception négative de l’état de santé auto-rapporté avant (T1) et après (T2) l’implantation de la NEES, selon le sexe ... 83 Tableau 26 : Rapport de prévalences de la perception négative de l’état de santé auto-rapporté avant (T1) et après (T2) l’implantation de la NEES, selon l’âge ... 84 Tableau 27 : Rapports de prévalences de la difficulté de CTVP et de l’insatisfaction des mesures d’équilibre TVP pour les entreprises A, B et C, avant et après l’implantation de la NEES ... 86 Tableau 28 : Rapports de prévalences de la difficulté de CTVP et de l’insatisfaction des mesures d’équilibre TVP pour les entreprises A, B et C, avant (T1) et après (T2)

l’implantation de la NEES, selon le sexe ... 87 Tableau 29 : Rapports de prévalences de la difficulté de CTVP et de l’insatisfaction des mesures d’équilibre TVP pour les entreprises A, B et C, avant (T1) et après (T2)

l’implantation de la NEES, selon l’âge ... 88 Tableau 30 : Rapports de prévalences de la perception négative de l’état de santé auto-rapporté pour les entreprises A, B et C, avant (T1) et après (T2) l’implantation de la NEES ... 90 Tableau 31 : Rapports de prévalences de la perception négative de l’état de santé auto-rapporté pour les entreprises A, B et C, avant (T1) et après (T2) l’implantation de la NEES, selon le sexe ... 91 Tableau 32 : Rapports de prévalences de la perception négative de l’état de santé auto-rapporté pour les entreprises A, B et C, avant (T1) et après (T2) l’implantation de la NEES, selon l’âge ... 92

(9)

Liste des figures

Figure 1 : Modèle du conflit travail-famille ... 6

Figure 2 : Interventions organisationnelles et individuelles ... 10

Figure 3 : Modèle analytique de la santé, du bien-être et de la CTVP des employés ... 13

Figure 4 : Processus de l’état de santé auto-rapporté ... 21

Figure 5 : Modèle causal proposé des contraintes liées au travail, de la conciliation et des issues de santé ... 26

(10)

X

Liste des abréviations

ACFAS : Association canadienne-française pour l’avancement des sciences BNQ : Bureau de normalisation du Québec

COPSOQ : Copenhagen Psychosocial Questionnaire CTVP : Conciliation travail-vie personnelle

CTF : Conciliation travail-famille

EQCOTESST: Enquête québécoise sur les conditions de travail, d’emploi et de santé et sécurité du travail

ÉSAR : État de santé auto-rapporté

INSPQ : Institut national de santé publique du Québec IRSC : Instituts de recherche en santé du Canada NEES : Norme Entreprises en Santé

OCDE : Organisation de coopération et de développement économiques PAE : Programme d’aide aux employés

PGSP : Politique gouvernementale de prévention en santé PNSP : Programme national de santé publique

ROWE : Results Only Work Environment STAR : Support. Transform. Achieve. Results. TVP : Travail-vie personnelle

(11)

Avant-propos

J’aimerais offrir mes sincères remerciements à tous les gens qui m’ont soutenue ou aidée, de près ou de loin, pour la rédaction de ce mémoire.

Tout d’abord, j’aimerais remercier Mahée Gilbert-Ouimet pour ses précieux conseils, sa disponibilité, sa capacité à m’enseigner des concepts méconnus mais tellement pertinents à la réalisation de ce projet. Merci pour ta confiance, ton support, les discussions toutes aussi pertinentes les unes que les autres et les innombrables surnoms que tu as pu me donner durant mon séjour avec l’équipe!

Je remercie également Chantal Brisson, ma directrice de recherche pour ses commentaires et sa rigueur scientifique.

Mon projet n’aurait pas été aussi profitable sans les recommandations de mon co-directeur, Michel Vézina. Je vous remercie pour votre disponibilité, votre capacité à transmettre votre passion pour la santé au travail et vos précieux conseils et commentaires pour rendre ce rapport compréhensible et accessible à l’ensemble de la population.

Merci à toute l’équipe de recherche en santé des populations à laquelle j’ai pu me joindre pour le présent projet, spécialement à Caroline Duchaine, qui a été présente à toutes les étapes cruciales de mon projet. Et qu’auraient été mes journées sans ta machine à café!

Merci à Myrto Mondor pour ton aide et ta patience à m’enseigner les rudiments des statistiques, et à Denis Guillette, pour qui l’informatique n’a aucun secret!

J’offre également un remerciement à ma famille et amis, particulièrement à mes parents, Dominique et Mark ainsi qu’à mon frère Charlou, pour leur support inconditionnel, autant dans les bons que les moins bons moments. Merci à Victoria, Lisvia, Karine et Philippe pour les moments de folie et les petites pauses qui ont su agrémenter mes journées. Merci à mes amis, spécialement « la Cocagne », juste parce qu’on s’a et parce qu’un jour, on va la breveter notre Théorie des gens sympathiques! Merci aux résidents en santé publique et médecine préventive, spécialement Marie-Claude. Merci d’être là pour me permettre de parler de mes difficultés et tracas au quotidien. Personne ne peut comprendre aussi bien qu’eux le défi de rédiger un mémoire dans un temps aussi restreint et avec toutes les obligations que la résidence nous exige.

(12)

1

1. Introduction

Au cours des dernières décennies, la vie familiale et professionnelle des femmes et des hommes a connu une évolution marquée dans les pays industrialisés. Le taux d’emploi des mères québécoises ayant un enfant en bas âge est passé de 25% en 1976 à 71% en 2010 (3). Par conséquent, la majorité des parents, hommes et femmes, doivent concilier des obligations professionnelles et personnelles. De plus, les conditions du marché du travail sont en constante évolution en raison de l’augmentation de la compétitivité entre les entreprises et de la charge de travail des employés notamment (4, 5). Tous ces changements peuvent contribuer à accentuer le conflit travail-vie personnelle (TVP)2. Ainsi, selon les études, de 40 à 47% des travailleurs québécois occupant un emploi à temps plein déclarent avoir un niveau modéré à important d’interférence entre les sphères du travail et de la vie personnelle (6, 7). D’ailleurs, l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) a ajouté la conciliation travail-famille comme thème de son indice du Vivre mieux en 2011 (6, 8).

Au Québec, 21% des salariés de 25 ans ou plus et 37% des travailleurs autonomes du même groupe d’âge ont des conditions de conciliation travail-vie personnelle (CTVP)3

non-satisfaisantes ou des horaires contraignants ayant un impact négatif sur leurs obligations personnelles (9). Un nombre grandissant d’études suggère que le conflit TVP est associé à des problèmes de santé physique et mentale (7, 9-11). Bien que de plus en plus d’entreprises implantent des mesures favorisant la CTVP, les effets de telles interventions sur la santé et le bien-être des employés sont mal connus (10). Sept études d’intervention ont mesuré l’effet de l’implantation d’interventions organisationnelles sur la CTVP (12-18). Six d’entre elles ont observé des effets bénéfiques sur la réduction du conflit TVP et sur différentes issues de santé, dont l’état de santé auto-rapporté (ÉSAR). Ces études sont toutefois limitées par une courte durée de suivi. De plus, la disparité des instruments utilisés pour évaluer la CTVP ainsi que les issues de santé mesurées limitent la possibilité de comparer les études entre elles. Six revues systématiques (10, 19-23) et trois méta-analyses (24-26) ont observé un effet néfaste du conflit TVP sur les différentes issues, mais les résultats demeurent mitigés. Ces études montrent également que la manière dont

2 Survient lorsque l’engagement d’un individu dans l’une des sphères affecte négativement sa perception du

fonctionnement de la seconde sphère

3 Conditions relatives aux horaires et aux heures de travail, l’accès à certains congés, au travail à domicile et à

(13)

la mise en œuvre des interventions est effectuée serait également responsable d’effets favorables à la santé et de l’amélioration de la CTVP(21).

La Norme Entreprise en Santé (NEES; BNQ 9700-800/2008) est une initiative qui vise l’implantation d’interventions organisationnelles. Elle a été mise à la disposition des entreprises québécoises en 2008 afin d’améliorer la santé physique et mentale des travailleurs. Cette norme est une première mondiale, de par sa visée populationnelle. Les interventions prévues portent sur quatre sphères (27) : les pratiques de gestion, l’environnement de travail, les habitudes de vie et l’équilibre travail-vie personnelle. Les enjeux économiques et de santé publique reliés à la NEES sont importants. L’efficacité de ce type d’initiative pour améliorer la CTVP et la santé n’a jamais été évaluée.

Le présent mémoire étudie pour la première fois l’effet de la NEES sur la CTVP et sur l’état de santé globale. Cette étude a été effectuée à l'aide d’un devis longitudinal et utilisera une mesure validée de l’état de santé (ÉSAR) ainsi que deux indicateurs de la CTVP. Cette étude a pour but de faire progresser les connaissances au sujet des effets d’interventions organisationnelles sur la CTVP. Le projet de recherche s’inscrit dans une optique d’amélioration des connaissances pour apporter un meilleur soutien aux milieux de travail du Québec, soutenir les gestionnaires et les décideurs et potentiellement bonifier la NEES. En termes de santé publique, les résultats concernant l’efficacité de l’implantation des mesures de CTVP sont primordiaux. Le projet pourra avoir un impact sur la qualité des interventions futures concernant la CTVP en permettant de bonifier ces interventions en cours d’implantation, en plus de permettre une amélioration de la NEES et un transfert des connaissances vers les entreprises. La présente recherche permettra de documenter l’effet de telles mesures dans le contexte québécois. Les entreprises ayant participé à l’étude seront à même de consulter les résultats afin d’implanter ou de modifier des mesures visant l’équilibre travail-vie personnelle de leurs employés, selon leurs ressources et besoins.

(14)

3

2. État des connaissances

2.1 Conciliation travail-vie personnelle

L’arrivée des femmes sur le marché du travail est l’un des événements marquants du 20e

siècle. Au Québec, entre 1976 et 2008, le nombre de femmes occupant un emploi s’est accru de 106,5%, faisant passer leur taux d’emploi de 37,4% à 57,3% (28). Chez les mères, cette hausse se concrétise par une augmentation du temps professionnel, mais qui n’est pas nécessairement compensée par une réduction du temps domestique. La réalité actuelle nécessite souvent de cumuler maternité et travail plutôt que de choisir entre ces sphères, comme il était fréquent de le faire auparavant. Les couples se partagent de plus en plus les tâches professionnelles, domestiques et liées aux enfants. En effet, 46,6% des travailleurs québécois à temps plein déclarent avoir un niveau modéré à important d’interférence entre les sphères du travail et de la vie personnelle (6).

Le conflit travail-vie personnelle est le produit de la société post-industrielle (6). Les recherches menées dans plusieurs pays au cours des dernières décennies révèlent que cette problématique ne cesse de s’accentuer (6, 29, 30) et qu’elle touche davantage les mères que les pères (29, 31).

La CTVP est un sujet d’intérêt pour les organisations et les individus puisque la santé et le bien-être de ces derniers tendent à être meilleurs lorsque l’équilibre entre le travail et la vie personnelle est maintenu (29, 32, 33). Cet équilibre semble également avoir un impact positif sur la productivité et la performance organisationnelle (34).

2.1.1 Définition

Le travail fait partie intégrante de la vie de la majorité des adultes. Il en est de même des activités personnelles, familiales et domestiques. Toutes ces occupations sont fondamentales à l’être humain et, lorsque bien intégrées, sont bénéfiques au bien-être de chacun. Toutefois, lorsque les conditions d’exercices de ces rôles ne sont plus favorables, la santé physique et mentale de ces personnes peut être altérée (6).

Avant de définir la CTVP et les conflits pouvant y être associés, il est primordial de différencier les termes « vie personnelle » et « famille », qui sont tous deux utilisés dans la

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littérature (conciliation travail-vie personnelle et conciliation travail-famille). Le terme « vie personnelle » renvoie à toutes les activités effectuées de manière non-rémunérée, ce qui inclut les tâches domestiques et celles liées aux responsabilités familiales, mais également les activités de loisirs, les déplacements et les tâches connexes (9, 33). Pour sa part, la « vie familiale » est moins bien définie dans la littérature. Certains auteurs utilisent le terme « famille » lorsqu’il y a présence d’enfants à charge tandis que d’autres l’utilisent de façon plus globale afin d’inclure également les conjoints, les personnes en perte d’autonomie à charge ainsi que toutes autres relations pouvant interférer avec le travail et les tâches connexes (30). Le terme « vie personnelle » englobe le terme « famille » et sera utilisé dans le présent document. Les références au concept travail-famille seront utilisées s’il est question de l’interférence entre le travail et les tâches impliquant la prise en charge d’enfants ou d’autres personnes à charge uniquement.

La CTVP réfère à un effort d’harmonisation entre les exigences du milieu professionnel et celles issues des divers rôles familiaux et personnels. Elle favorise un équilibre sain entre les sphères du travail, de la famille et de la vie personnelle (4). Par contre, si elle n’est pas optimale, certaines difficultés, problèmes ou conflits peuvent survenir chez les travailleurs. L’équilibre entre ces sphères est maintenu lorsque les capacités physiques, mentales et émotionnelles d’une personne permettent la réalisation d’activités dans tous les domaines de la vie (personnelle, familiale, professionnelle), sans nécessiter plus de ressources (temps, énergie, argent) que ce que l’individu peut fournir (35). Beauregard et Henry (36) affirment que la CTVP est favorisée lorsqu’un emploi combine les horaires flexibles et du support provenant des employeurs ainsi que lorsque le travailleur détient la capacité de s’adapter au contexte. La perception de cet équilibre diffère ainsi selon les individus. Le soutien social des superviseurs, défini comme l’importance qu’accorde l’employeur au bien-être de ses employés, et la perception du travailleur de l’aide apportée par les superviseurs pour favoriser ce bien-être contribuent à une bonne CTVP (37).

Le conflit travail-vie personnelle (TVP) survient lorsque l’engagement d’un individu dans l’une des sphères affecte négativement sa perception du fonctionnement d’une autre de ces sphères (7, 38, 39). Ce concept a été décrit par Kahn et al. (1964) qui mentionnaient que la multiplicité des rôles chez une personne pouvait entraîner du stress, voir un conflit entre les différents rôles (7). Ce conflit peut-être bidirectionnel, c’est-à-dire que les demandes liées au travail peuvent entraver celles de la vie personnelle et, à l’inverse, les

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5

demandes familiales peuvent interférer avec la vie professionnelle (7, 16, 38). Le modèle de Michel et al. (26) présenté à la figure 1 illustre certains éléments qui pourraient avoir une influence sur le conflit TVP ainsi que la relation entre les types de conflit (travail-famille et (travail-famille-travail). Il est à noter que cette figure contient des éléments qui ne sont pas mutuellement exclusifs (par exemple, le soutien social et les contraintes psychosociales) ou qui sont peu utiles en raison de leur imprécision (par exemple, les caractéristiques du travail). De plus, les différents facteurs inclus n’ont pas fait l’objet de la même démonstration empirique concernant leur validité. Plusieurs auteurs présentent des modèles illustrant la relation entre les facteurs contribuant aux contraintes liés à l’emploi et le conflit TVP. Toutefois, la difficulté est de montrer ou de discuter de la complexité de la relation entre les risques psychosociaux et la CTVP (figure 1) et entre les risques psychosociaux et l’état de santé, avec la CTVP comme variable intermédiaire (voir la figure 5).

Un graphique simplifié et traduit ainsi qu’un tableau contenant les définitions des termes évoqués sont présentés à l’annexe 1.

(17)

Figure 1 : Modèle du conflit travail-famille (25)

Greenhaus et Beutell (39), décrivent trois formes du conflit : le conflit de temps, de tension et de comportement. Le conflit de temps se manifeste lorsque les exigences de la vie professionnelle et de la vie personnelle apportent trop de tâches à réaliser pour une période donnée. Le conflit de tension survient lorsque le stress ressenti dans l’une des sphères rend difficile l’exécution des exigences de l’autre sphère. Le conflit de comportement, pour sa part, apparaît lorsque les comportements requis par un rôle sont une source de conflits affectant les exigences de l’autre rôle. Duxbury et Higgins (29), quant à eux, le définissent en cinq formes : la surcharge de rôle, l’interférence entre les rôles (travail sur la famille et famille sur le travail), la pression sur le fournisseur de soins et l’empiètement du travail sur la famille.

La prémisse à la CTVP est que les travailleurs ayant de la facilité à coordonner leur vie familiale à leur vie professionnelle seraient plus en santé et plus satisfaits de leur vie en

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7

général (34). Bien que la CTVP soit de plus en plus considérée par les entreprises, ses effets sur la santé et le bien-être des employés sont mal connus (10). De plus, il existerait une association entre une bonne CTVP et une perception favorable du support organisationnel, une meilleure attitude face au travail (36) et la satisfaction au travail (40). La flexibilité des horaires a été associée à une implication plus grande des employés face à leur milieu de travail et à une diminution du roulement du personnel (10). La semaine de travail comprimée et la réduction volontaire des heures travaillées ont pour leur part été associées à une plus grande satisfaction au travail et à une meilleure implication dans ce domaine (9, 10). Ces impacts ont aussi été remarqués dans les milieux de travail qui bénéficient de garderies ou d’autres services qui supportent les besoins liés à la famille.

Les études publiées ont montré que l’implantation de mesures favorisant la CTVP est associée à des effets positifs pour les organisations, telles que l’amélioration du recrutement et des échanges sociaux, la hausse de la performance organisationnelle ainsi qu’une réduction de l’absentéisme, des conséquences du présentéisme et du roulement du personnel (9, 21, 36, 38, 41). Ces conséquences positives pourraient amener une diminution des coûts pour les entreprises (36, 42).

Par contre, certains auteurs rapportent que des employés percevraient que l’utilisation de mesures pour favoriser la CTVP aurait un impact négatif sur l’avancement de leur carrière. Selon eux, l’utilisation de ces mesures pourrait être perçue de manière négative par l’employeur ou par leurs collègues. De plus, cette appréhension serait associée à une augmentation du niveau de conflit TVP chez ces employés (36).

2.1.2 Impacts du conflit travail-vie personnelle sur la santé des travailleurs

Le conflit TVP affecte négativement l’individu dans sa vie professionnelle, sa vie personnelle, son bien-être général et sa santé physique et mentale (37, 38). Le stress au travail4 serait un prédicteur important du conflit travail-vie personnelle (6) et aurait des impacts sur l’habileté des travailleurs à concilier ces deux sphères. Actuellement, il y a

4

Le concept de stress au travai est ambigü et donc difficile à interpréter. À titre d’exemple, dans le tableau 1, il est présenté comme un problème de santé psychologique, alors que selon la plupart des articles cités dans la présente section, il existerait une relation entre stress et santé mentale des travailleurs.

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assez de données dans la littérature pour statuer qu’il existe un lien de causalité entre le stress au travail, la CTVP et la santé physique et mentale des travailleurs (4, 7, 10, 24, 30, 37, 39, 42). Le tableau 1, créé par la Chaire en gestion de la santé et de la sécurité du travail dans les organisations, présente les répercussions individuelles du conflit TVP. Il importe toutefois de mentionner que le défi qu’éprouvent les employés à harmoniser leurs différents rôles peut amener des conséquences négatives à des niveaux qui impliquent d’autres individus : les familles, les milieux de travail et la société en général (29, 32).

Tableau 1 : Exemples de répercussions du conflit travail-vie personnelle sur les travailleurs (43)

Répercussions physiques Fatigue

Tensions musculaires Maux de tête et migraines Hypertension Hypercholestérolémie Troubles cardio-vasculaires Troubles gastro-intestinaux Allergies Asthme Diabète

Répercussions psychologiques Stress Anxiété Humeur dépressive Épuisement Irritabilité Sentiment de culpabilité Détresse psychologique

Répercussions attitudinales Insatisfaction conjugale et familiale Insatisfaction quant aux loisirs

Insatisfaction professionnelle et intention de démission Insatisfaction quant à la vie en général

Répercussions comportementales

Pratique réduite d’activité physique Mauvaises habitudes alimentaires

Consommation abusive de cigarettes, alcool, médicaments, drogues

Trouble du sommeil Troubles alimentaires

Problèmes relationnels à la maison et au travail Problèmes de ponctualité et d’absentéisme au travail Problèmes de rendement au travail

Dans un contexte où le travail s’intensifie en termes de temps et d’efforts, la pression vécue par les travailleurs tend à augmenter (44). Ces contraintes sont fortement associées à des problèmes de santé physique et mentale ainsi qu’à la difficulté à maintenir de saines

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9

habitudes de vie (7, 10, 20). Le conflit TVP peut mener à des effets néfastes sur le bien-être individuel et la santé mentale, dont l’épuisement professionnel, la détresse psychologique, l’humeur dépressive et l’anxiété (9, 37, 45-47). La satisfaction et la performance au travail peuvent également être altérées lorsque le conflit s’accentue. Il en est de même pour le roulement du personnel, le présentéisme et l’absentéisme (4, 36).

Certains comportements liés à la santé, dont la consommation d’alcool et d’autres psychotropes5 ainsi que la diminution de la pratique d’activité physique, sont associés au conflit (4, 7).

Une relation a été observée entre le conflit et certains problèmes de santé physique dont la dyslipidémie, l’hypertension, les événements cardiovasculaires, les troubles gastro-intestinaux ainsi que la fatigue et les céphalées de tension (4, 10, 48). La difficulté à concilier les responsabilités professionnelles et familiales a également été associée à l’augmentation de la prévalence de symptômes psychosomatiques comme la fatigue, le manque d’appétit et de concentration et les difficultés cognitives (7, 36).

Au Québec, Lippel et ses collaborateurs (49) ont observé, chez les travailleurs avec des responsabilités familiales plus élevées, un niveau de détresse psychologique modéré ou élevé (41,9% vs 30,8%), des symptômes dépressifs perçus comme étant liés à l'emploi (8,0% vs 7,3%) et des symptômes dépressifs perçus comme étant non liés à l'emploi (10,4% vs 4,6%).

Jusqu’à maintenant, plusieurs travaux ont observé les conséquences du conflit travail-famille (7, 24, 50, 51). Ces auteurs ont démontré que le conflit, en plus des conséquences pour la santé, diminue l’engagement organisationnel des travailleurs.

Finalement, les femmes, particulièrement les mères, sont plus susceptibles d’éprouver un conflit TVP et d’en subir les impacts (7, 52). C’est le fardeau cumulatif des obligations qui semble avoir des effets négatifs sur ce groupe de la population (9).

5

Un psychotrope est une substance qui agit principalement sur l'état du système nerveux central en y modifiant certains processus biochimiques et physiologiques cérébraux, sans préjuger de sa capacité à induire des phénomènes de dépendance, ni de son éventuelle toxicité. (Dictionnaire des drogues et des dépendances, Larousse, 2004).

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2.1.3 Interventions organisationnelles et individuelles

Les interventions pour favoriser la CTVP sont des politiques et des pratiques organisationnelles mises en place par l’employeur afin de favoriser l’équilibre entre les exigences de la vie professionnelle des employés et les demandes des autres sphères (38). Elles visent généralement trois composantes, soit l’horaire de travail, l’organisation du travail ainsi que la collaboration entre les travailleurs et les gestionnaires (21, 37, 53). Une intervention peut agir sur une seule ou plusieurs de ces composantes. La figure 2 illustre et catégorise certaines interventions reconnues pour favoriser la CTVP. Elles sont classées en fonctions des objectifs souhaités par les organisations et selon le niveau ciblé au sein de l’organisation (organisationnel, département, individuel). Les interventions en italique sont les plus fréquemment implantées. La classification a été faite ainsi par les auteurs (30), mais ces derniers mentionnent que la plupart des interventions peuvent ou devraient avoir une influence à plusieurs niveaux dans l’organisation.

Figure 2 : Interventions organisationnelles et individuelles (29)

Les interventions organisationnelles réfèrent à des activités visant à améliorer les caractéristiques reliées à l’emploi, en opposition aux interventions individuelles qui agissent en renforçant la capacité des individus à faire face à des facteurs psychosociaux défavorables (54). La littérature suggère également que les interventions

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11

organisationnelles ont pour effet, si elles sont implantées adéquatement, de montrer aux employés que les dirigeants de l’organisation se soucient de leur bien-être, ce qui peut avoir comme effet d’améliorer le sentiment d’appartenance des employés envers leur travail (4). La culture organisationnelle peut avoir une influence notable (positive ou négative) sur l’atteinte de l’équilibre entre le travail et la vie personnelle. La culture organisationnelle est un ensemble de croyances, de valeurs, de normes et d’attitudes qui sont véhiculées au sein d’une entreprise. Ainsi, la culture sexuée, la culture des longues heures de travail, la culture de l’argent et la culture des exigences du travail indiscutables sont défavorables à la CTVP (55). Dans les organisations qui offrent du soutien et qui diminuent les obstacles à la CTVP, les employés utilisent davantage les interventions mises en place et ont une perception plus positive de leur situation (6).

Malgré la littérature de plus en plus abondante sur le sujet, les pratiques organisationnelles implantées par les employeurs pour améliorer la CTVP seraient peu nombreuses au Québec (9). De plus, le taux de recours aux mesures mises en œuvre serait d’environ 40% (6). Vézina et al. (9) et St-Amour et Bourque (6) soulignent la nécessité de développer une culture organisationnelle et que les mesures satisfassent les employés pour qu’elles soient utilisées.

L’accès et l’utilisation de mesures pour favoriser la CTVP sont deux notions distinctes qui peuvent avoir des répercussions différentes sur la performance, le bien-être, la satisfaction, le recrutement et la rétention des employés (4). L’accès à une politique de CTVP considère que l’employé connaît l’existence de cette politique dans son milieu de travail et pense y être admissible. Cela ne signifie pas nécessairement que l’employé ait utilisé cette pratique. Il se peut qu’une politique existe sans que l’employé ne le sache ou sans que la possibilité réelle de s’en prévaloir ne soit possible (4, 38). Plusieurs études ont rapporté que des mesures de CTVP étaient accessibles en théorie dans un milieu de travail, mais qu’en pratique, elles étaient difficiles d’accès (6, 9, 36). La plupart des études disponibles ne permettent pas d’évaluer l’impact réel des interventions par les travailleurs, mais seulement la perception qu’ils ont de ces mesures (9, 36).

Afin de favoriser la CTVP, la perception d’une bonne culture organisationnelle serait tout aussi importante que les mesures implantées. Il ne suffit pas que des mesures soient disponibles pour que les employés les utilisent et pour que la CTVP soit perçue positivement par les employés. Les contextes social et culturel influencent l’utilisation et le

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succès de telles interventions (56). En résumé, la culture organisationnelle, l’implication des gestionnaires et la satisfaction des utilisateurs des mesures implantées sont des facteurs à prendre en considération (21, 32) dans l’évaluation de l’efficacité des mesures implantées.

Joyce et ses collaborateurs (10) ont observé que les interventions qui augmentent le contrôle de l’employé (par exemple, l’horaire flexible) auraient un effet positif sur les issues de santé. Par ailleurs, les interventions dictées par les besoins de l’organisation uniquement (par exemple, temps partiel involontaire, contrôle des horaires) auraient des effets négatifs sur la santé. De ce fait, plusieurs éléments concernant l’implantation des interventions doivent être pris en considération puisque ces derniers influencent l’efficacité de ces interventions à améliorer la santé des employés. Parmi ces éléments figurent la façon dont les travailleurs perçoivent les interventions, leur degré d’implication dans l’entreprise et comment les employeurs gèrent le changement organisationnel (53).

Concernant l’implication des employés, dans un sondage récent (National Survey of Top 100 Chief Financial Officers), 65% des répondants affirment que les interventions visant la CTVP ne peuvent être mises en œuvre que sous la responsabilité du département des ressources humaines (1). Ils mentionnent que les employés et la direction doivent être impliqués dans le processus. Kossek et al. (57) réitèrent également l’importance d’impliquer les travailleurs ainsi que les gestionnaires à toutes les étapes de la mise en œuvre des interventions.

Il existe une relation bidirectionnelle entre l’individu et l’organisation quant à l’implantation d’interventions concernant la CTVP (6, 34, 36). Les interventions organisationnelles sont plus complexes à implanter, bien que plus pertinentes, efficaces et durables que les interventions individuelles (53, 58). La figure 3 permet de comprendre la relation entre les facteurs individuels, organisationnels et les issues de santé reliées à la CTVP. Ce cadre théorique décrit les liens entre l'effort individuel et organisationnel dans la gestion de la santé des employés, de leur bien-être et de la CTVP. L'objectif de ce cadre est de favoriser l’intégration des rôles et des responsabilités des individus et des organisations afin de parvenir à une meilleure santé des travailleurs.

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13

Figure 3 : Modèle analytique de la santé, du bien-être et de la CTVP des employés (33)

Il existe une disparité des résultats quant à l’efficacité des mesures organisationnelles et individuelles pour favoriser la CTVP. Kossek et al. (57) et Zheng et al. (34) mentionnent que les approches individuelles peuvent être efficaces si elles sont implantées en association avec des stratégies organisationnelles de changement. Les interventions ciblant à la fois les niveaux organisationnel et individuel seraient les plus efficaces ; il s’agit de l’effet de composantes multiples (54). En effet, même si les interventions uniques peuvent être efficaces, des interventions plus globales portant sur plusieurs niveaux de l'organisation ont tendance à avoir une meilleure chance d'améliorer la santé des travailleurs (53, 59).

La majorité des auteurs ont observé un impact positif de la CTVP sur l’amélioration de la santé et du bien-être des employés. Par contre, l’implantation de mesures au niveau organisationnel demeure un défi pour les entreprises en raison de la difficulté de la mise en œuvre, des ressources nécessaires ainsi que de la difficulté à impliquer les différents acteurs. Il ne suffit pas de mesurer la santé, le bien-être et la CTVP au niveau individuel ni d’analyser les politiques implantées. Il importe d’évaluer conjointement les stratégies individuelles et organisationnelles ainsi que leurs effets combinés chez les employés (34).

Contrôle – Caractéristiques individuelles - Statut d’employé, type d’emploi, nombre d’heures travaillées

- Nombre d’année à l’emploi, niveau d’éducation

- Statut marital, nombre d’enfants, revenu du ménage

- Âge, sexe

Interventions individuelles - Horaires flexibles

- Programmes favorisant la santé et le bien-être

- Garderie en milieu de travail - Congés planifiés

- Compréhension et support organisationnel - Disponibilité et usage des politiques de CTVP

Stratégies individuelles de CTVP

- Maintien d’une attitude positive face à la CTVP

- Minimiser les situations stressantes - Bonne planification de l’horaire - Bonne gestion des responsabilités familiales

- Respect des responsabilités familiales et professionnelles

CTVP

Bien-être

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2.1.4 Conditions de travail associées à la CTVP

Les principales mesures de CTVP peuvent être divisées en cinq catégories. Il s’agit de la flexibilité du travail, du soutien en milieu de travail, de l’aménagement du travail et de l’horaire, de la culture organisationnelle et du développement de programmes de promotion de la santé et du mieux-être (6, 34). Il est à noter que la culture organisationnelle peut jouer un rôle favorable ou non quant à l’issue de la CTVP, en raison de ses différentes caractéristiques. Notons, entre autres, la préoccupation de la direction pour la santé du personnel, l’implication des employés dans la prise de décision, les valeurs implicites et explicites, les structures de pouvoir et le respect.

Selon l’INSPQ (6), le pourcentage de travailleurs ayant accès à un horaire flexible et qui l’utilise est demeuré stable entre 1992 et 2005 chez les hommes et n’a que légèrement augmenté chez les femmes (29,8% à 32,7%). Le travail à domicile a quant à lui diminué de 6% au cours de ces années alors que cette forme de travail est présentée comme une solution au conflit TVP.

Les employés, particulièrement ceux ayant des enfants en bas âge, affirment manquer de temps pour assumer toutes leurs responsabilités. À cet égard, l’aménagement du temps de travail représenterait la mesure de conciliation la plus souhaitée au Québec (60). Les mesures reconnues efficaces et couramment utilisées sont décrites ci-après et les définitions sont tirées de l‘EQCOTESST (9), de la description de la NEES et de la Norme conciliation travail-famille (27, 61).

Horaire flexible

L’horaire variable suppose que les employés peuvent moduler les heures d’arrivée et de départ du travail. Les modalités de ce régime sont généralement assujetties à des règles précises qui prévoient une plage fixe où tous les employés doivent être présents (par exemple, être présent sur les lieux de travail entre 10h et 15h). Ce type d’horaire favorise l’arrimage de l’horaire professionnel et des obligations familiales et personnelles. La durée totale du travail n'est généralement pas modifiée dans un régime d'horaire variable.

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15 Échange d’heures avec un collègue

Cette mesure permet aux employés d’échanger entre eux des quarts de travail, sans demander préalablement l’autorisation du supérieur immédiat. Cette mesure ne s’applique pas à tous les types d’emploi.

Semaine de travail réduite

L’employé peut convenir de diminuer la durée de sa semaine de travail, faisant passer celle-ci sous le seuil de 35 à 40 heures. Cette mesure peut être temporaire ou permanente, selon la situation. Elle doit également être approuvée par l’employeur. Elle s’applique généralement aux employés avec de jeunes enfants ou autres personnes à charge ou chez les employés aux prises avec des problèmes de santé ou invalidité. Les avantages sociaux et les programmes d’assurances peuvent être modifiés en conséquence.

L’horaire comprimé permet au travailleur de répartir ses heures de travail hebdomadaires sur un nombre de jours inférieur à ce qui est prévu initialement afin de se libérer pour vaquer à ses obligations personnelles et familiales.

Banque de temps

Cette mesure permet de choisir, dans des limites négociées, les heures maximales et les jours de travail supplémentaires qui pourront être accumulés aux fins de vacances. La banque de temps permet de réduire le nombre d’heures supplémentaires à payer. Elle combine habituellement l’horaire variable et la semaine de travail comprimée. Par contre, elle ne convient pas à tous les types d’emplois.

Travail à domicile

Le travail à domicile, ou télétravail, consiste à effectuer son travail au moins en partie à domicile plutôt qu'au bureau. Ce régime de travail suppose de définir à l'avance les

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modalités telles que la durée du travail à distance, le mode de communication entre le télétravailleur, ses collègues et les clients. Ce moyen peut s’avérer efficace pour concilier les responsabilités familiales et professionnelles en éliminant le temps consacré aux déplacements et pouvoir maximiser le temps consacré aux tâches ménagères, par exemple. Par contre, il peut créer l’empiètement du travail sur la vie personnelle ou de la vie personnelle sur le travail.

Garderie en milieu de travail

La garderie en milieu de travail désigne un service qui est appuyé par un employeur, un groupe d’employeurs, un syndicat ou un groupe d’employés et qui vise à répondre à la demande des employés d’une organisation pour ce qui est de la garde des enfants. Le rôle et le degré d’implication des différentes instances dans l’implantation et le fonctionnement de la garderie peuvent varier.

La garderie sur les lieux de travail désigne une garderie physiquement établie dans les locaux d’un employeur, sans que ce dernier ne soit impliqué dans son fonctionnement.

Congés sans solde ou par traitement différé

Ils permettent à un employé de s’absenter du travail pour une période de temps considérable sans qu’il ne perde son statut d’emploi (et donc, sans perte des droits et des avantages sociaux). Les congés sabbatiques sont généralement payés (ou financés en partie) et peuvent être accordés à intervalles réguliers en sus des vacances. Dans certains cas, les employés peuvent avoir droit à des congés autofinancés selon un régime où une partie de leur salaire est retenue pour leur être versée durant leur période d'absence du travail. Ceci permet d’adapter l’horaire de travail à plus long terme, en fonction de contraintes prévisibles liées aux obligations personnelles.

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17 Horaire comprimé

La semaine de travail comprimée suppose que l'employé travaille plus longtemps que les heures normales d'une journée ou d'un quart de travail en échange d'une journée supplémentaire de congé. Les employés peuvent commencer plus tôt ou terminer plus tard leur journée de travail. Habituellement, les ententes de compression d'une semaine de travail de 40 heures prévoient quatre jours de travail à raison de 10 heures par jour, une heure de plus par jour en échange d'une journée de congé additionnelle aux deux semaines ou une demi-heure de plus par jour en échange d'une journée de congé additionnelle aux trois ou quatre semaines.

Bien que cette section ne permette pas de rendre compte de toutes les mesures offertes pour favoriser la CTVP, elle dresse un portrait global de celles qui sont les plus fréquemment utilisées auprès des travailleurs.

2.1.5 Instruments de mesure du conflit

Pour mesurer la conciliation travail-vie personnelle, la présente étude a utilisé deux questions distinctes qui seront abordées dans la méthodologie. Bien qu’il ne s’agisse pas de questions validées dans la littérature, elles découlent de certains instruments de mesure existants. Afin d’être en mesure de mieux comparer les études existantes à la nôtre, il est primordial de présenter ces instruments de mesure. Trois instruments validés sont plus fréquemment utilisés pour mesurer le conflit TVP ou la CTVP. Ils sont décrits ici-bas et les questionnaires sont présentés à l’annexe 2. De plus, cette annexe présente un tableau comparant ces questions avec celles utilisées dans le cadre de notre étude, ce qui permet de constater que notre outil de mesure se compare à ceux présentés.

Le Copenhagen Psychosocial Questionnaire (COPSOQ) évalue les facteurs de risques psychosociaux au travail. En ce qui a trait à la dimension du conflit travail-vie personnelle, quatre questions y font référence :

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 Do you often feel a conflict between your work and your private life, making you want to be in both places at the same time?

 Do you feel that your work drains so much of your energy that it has a negative effect on your private life?

 Do you feel that your work takes so much of your time that it has a negative effect on your private life?

 Do your friends or family tell you that you work too much?

Les réponses sont de type Likert, à quatre niveaux : i) Absolument, ii) à un certain degré, iii) très partiellement, iv) non. Les réponses sont généralement analysées sur une échelle continue. L’alpha de Cronbach lié à ces deux questions est de 0,81. Ces items ont été développés à partir des théories de Greenhaus and Beutell (39). Le COPSOQ a été utilisé dans trois études pour mesurer la CTVP (12, 17, 18). En plus de mesurer le conflit travail-vie personnelle, l’ÉSAR est rapporté par ce questionnaire.

L’échelle des conflits travail-famille de Netemeyer et al. (62) est formée de cinq items évaluant les conflits que le travail exerce sur la famille et cinq items pour les conflits que la famille exerce sur le travail (α de 0,89 et 0,88 respectivement). Voici les questions évaluant les conflits qu’exerce le travail sur la famille :

 The demands of your work interfere with your family or personal time.

 The amount of time your job takes up makes it difficult to fulfill your family or personal responsibilities.

 Things you want to do at home do not get done because of the demands your job puts on you.

 Your job produces strain that makes it difficult to fulfill your family or personal duties.

 Due to your work-related duties, you have to make changes to your plans for family or personal activities.

Les réponses sont de type Likert à cinq niveaux : i) Fortement en désaccord, ii) faiblement en désaccord, iii) neutre, iv) faiblement en accord, v) fortement en accord.

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19

Finalement, l’échelle de conflit travail-famille de Frone et al. (63) est formée de dix items auto-rapportés et permet d’évaluer la capacité d’un individu à concilier ses tâches familiales et professionnelles. Les items contiennent des déclarations sur le travail et la vie familiale communs (par exemple « Après le travail, je suis trop fatigué pour faire certaines des choses que je voudrais à la maison »). Les réponses sont de type Likert à cinq catégories, variant de « jamais » à « très souvent ». Les alphas de Cronbach liés à ces deux questions sont de 0,78 (conflit travail-famille) et de 0,92 (conflit famille-travail).

2.1.6 Implantation des interventions organisationnelles

Les difficultés que pose la CTVP affectent directement la qualité de vie et la santé des travailleurs (37, 38). Pour différentes raisons, les processus en place ne sont pas toujours utilisés par les travailleurs. De plus, il a été démontré que l’implication des gestionnaires, le fait de posséder un certain contrôle sur son travail et la culture organisationnelle sont des éléments qui peuvent favoriser l’efficacité des interventions mises en place (36). Bien que l’implantation de mesures pour améliorer la CTVP soit de plus en plus commune, la plupart des organisations n’évaluent pas l’effet de ces interventions (36).

2.2 État de santé auto-rapporté

L’état de santé auto-rapporté (ÉSAR) a été mesuré dans le questionnaire complété par les travailleurs au cours de l’étude portant sur la NEES afin de mesurer leur état de santé globale. Les scores obtenus à T1 et à T2 seront comparés dans la présente étude afin d’évaluer l’efficacité des interventions visant à améliorer la santé des travailleurs, notamment l’ÉSAR. Cette section décrit cet indicateur.

2.2.1 Définition

Depuis les années 1950, l’ÉSAR est l’indicateur le plus utilisé pour mesurer l’état de santé globale dans les recherches épidémiologiques (64, 65). Les différentes variantes de cet indicateur (quatre ou cinq niveaux, ajustement selon l’âge) sont validées et associées avec d’autres indicateurs de santé plus objectifs et spécifiques (66, 67).

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L’ÉSAR est un indicateur qui se situe à mi-chemin entre les sciences sociales et le monde biologique (65). Pour le mesurer, il s’agit de demander aux individus : En général, diriez-vous que votre santé est : i) Excellente, ii) très bonne, iii) bonne, iv) passable ou v) mauvaise (9). La question peut varier légèrement selon les auteurs et les réponses peuvent être mesurées sur une échelle de type Likert à quatre ou cinq points (65, 68). Les résultats sont habituellement dichotomisés afin de créer les groupes « perception négative de l’état de santé général » et « perception positive de l’état de santé général » (9, 65).

La figure 4 expose les différents facteurs pris en considération par les répondants afin de définir leur état de santé globale. La réponse à la question est parfois plus intuitive que consciemment réfléchie. Ce modèle présente les différentes étapes du processus d’auto-évaluation effectué par les participants (colonne de droite). Tout d’abord, la personne doit définir le mot « santé » selon sa propre perception et identifier les éléments qui doivent être pris en compte en tant que composantes de l’état de santé. Ensuite, le participant doit décider lequel des niveaux de l'échelle les résument le mieux. À chaque étape, l'évaluation est influencée par des facteurs contextuels, décrits dans la colonne de gauche. Le résultat final dépend de la compréhension de l’individu de la « santé » et de l’examen de ses composantes, mais aussi du cadre contextuel dans lequel la santé est évaluée et de la manière dont l’échelle est utilisée.

Puisqu’il s’agit d’une mesure non spécifique de l’état de santé, cet indicateur peut être influencé par un nombre considérable de déterminants dont l’âge, le sexe, la scolarité, le revenu et l’accès aux soins (9, 64, 65, 67). D’ailleurs, cet instrument de mesure est parfois modifié afin de prendre en considération l’âge des répondants puisque les problèmes de santé et la perception de l’état de santé varient grandement selon les tranches d’âge (65). La question se lit ainsi : Comment percevez-vous votre état de santé général en comparaison avec les gens de votre âge? i) Beaucoup mieux, ii) légèrement mieux, iii) similaire, iv) légèrement moindre, v) beaucoup moindre.

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Figure 4 : Processus de l’état de santé auto-rapporté (61)

L’ÉSAR possède une validité notable pour prédire certains comportements généraux adoptés afin d’atteindre un état de santé satisfaisant selon la définition de la santé globale de l’OMS (66, 68, 69). Ces comportements regroupent l’utilisation de services de santé, les changements fonctionnels, le temps de convalescence lors d’un épisode de soins, la morbidité et la mortalité (9, 66, 68, 70). Toutefois, certaines recherches ont observé que cette question unique mesurant un état subjectif de santé et de bien-être n’est pas nécessairement associée avec des données plus objectives, par exemple, un diagnostic médical précis (68).

L’issue de santé la plus fortement corrélée avec l’ÉSAR est la mortalité. Même si cette association est bien documentée, elle n’est pas totalement comprise (65). Tel que

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rapporté par Bowling (68), un score faible à l’ÉSAR (passable ou mauvaise santé) prédit une mortalité précoce en comparaison avec un score élevé (excellente ou très bonne santé). Lorsqu’ajusté pour l’âge, l’ÉSAR possède également une association avec la mortalité. Selon certaines études, cette association augmente avec l’âge alors que d’autres chercheurs ont démontré que la corrélation serait plus grande chez les jeunes adultes (65). La corrélation serait plus forte chez les hommes, chez les gens avec un statut socio-économique plus élevé et chez les caucasiens. Kaplan (66) a toutefois observé que la corrélation était plus élevée chez les femmes. Le risque de décès a été associé de manière significative à l’ÉSAR. Dans cette étude, le rapport de cote de la mortalité ajusté selon l'âge pour ceux qui percevaient leur santé comme mauvaise par rapport à excellente était de 2,33 pour les hommes et de 5,10 pour les femmes. L'association entre le niveau de santé perçue et la mortalité persistait dans la régression logistique multiple lorsque contrôlée pour l'âge, le sexe, l'état de santé physique, le revenu, l'éducation, la santé par rapport aux gens de même âge, la dépression et le niveau de bien-être général. Selon la méta-analyse de DeSalvo et ses collaborateurs (70), les personnes avec un état de santé auto-rapporté faible avaient un risque de mortalité deux fois plus élevé par rapport aux personnes avec un ÉSAR excellent. Selon cette méta-analyse, comparativement à des personnes ayant déclaré avoir un état de santé « excellent », le risque relatif (IC 95%) pour la mortalité, toutes causes confondues, était de 1,23 [IC 1,09-1,39], 1,44 [IC 1,21-1,71] et 1,92 [IC 1,64-2,25] pour ceux qui déclaraient avoir un état de santé « bon », « passable » et « mauvais » respectivement. Le fait que le groupe de référence inclut la catégorie « bon » a pu sous-estimer les résultats dans cette étude. Finalement, certaines études, bien que plus limitées que pour la mortalité, évoquent une corrélation positive entre l’ÉSAR et la morbidité (64).

Malgré la littérature qui montre l’association entre l’ÉSAR et la mortalité (et la morbidité, dans une plus faible mesure), cet outil comporte certaines faiblesses. D’abord, aucune définition universelle de l’état de santé globale n’existe, ce qui peut avoir un effet sur la validité de l’outil. Le processus décisionnel présenté à la figure 4 varie selon l’individu qui répond à la question, ce qui peut amener une variabilité de la perception de l’état de santé et des réponses des participants. Une autre limite de cet outil est la possibilité que les individus rapportent un état de santé plus faible que ce qu’ils vivent en réalité afin de devenir éligibles à des services de santé offerts dans certains contextes (70). Cette limite ne s’applique pas à notre étude.

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23

Les limites ainsi que les avantages de la question validée mesurant l’ÉSAR découlent de la nature unique de cette mesure : elle est simple, inclusive et non-spécifique. Ces caractéristiques permettent de cibler les dimensions de la santé qui ne pouvaient pas être récoltées par des questions plus détaillées, mais en même temps, le chercheur n'a aucun contrôle sur les aspects de la santé qui sont pris en considération par le répondant. Toutefois, cet indicateur demeure fiable et valide lorsqu’il est utilisé pour fin de comparaison chez une population à plusieurs moments dans le temps (65), comme c’est le cas pour la présente étude.

2.2.2 État de santé auto-rapporté et conciliation travail-vie personnelle

La perception d’un conflit entre le travail et la vie personnelle, qui est souvent associée à des mauvaises conditions de CTVP, a été corrélée à un mauvais état de santé auto-rapporté dans plusieurs études (6, 9, 71).

La présente section illustre les résultats des revues systématiques recensées qui concernent la CTVP et qui ont comme issue l’ÉSAR. En fait, une seule revue systématique a rapporté les résultats de cette association (10). Cette revue systématique a retenu dix études ayant observé l’effet d’interventions sur l’horaire de travail flexible. Deux de ces études ont utilisé l’ÉSAR comme issue (18, 72). Pryce et al. (18) ont observé des résultats non significatifs entre les interventions et l’ÉSAR (F(176) = 0,34, pas de p ni IC disponible) alors que DeRaeve et al. (72) ont observé une diminution de l’ÉSAR lors de la réduction des heures de travail, chez les femmes uniquement (de 36-40 heures à < 36 heures) (RC 2,59, IC 95% (1,33-5,03)). Les résultats pour l’augmentation du temps de travail montrent également une diminution de l’ÉSAR, mais de façon marginalement significative (RC 1,97, IC 95% (0,99-3,91)) Aucun résultat significatif n’a été observé chez les hommes. Ces résultats semblent contre-intuitifs à première vue. Les auteurs mentionnent quelques hypothèses pour expliquer ces résultats contradictoires. Par exemple, les femmes ayant diminué leurs heures hebdomadaires ne sont peut-être pas encore adaptées à ce nouvel horaire et aucune amélioration des issues mesurées n’était encore détectable lors de la collecte de données. La revue systématique de Bambra et al. (19) portant sur la CVTP mentionne mesurer des indicateurs de santé auto-rapporté, sans toutefois utiliser l’indicateur validé discuté dans la présente section. Ces résultats sont donc non comparables.

Figure

Figure 1 : Modèle du conflit travail-famille (25)
Tableau 1 : Exemples de répercussions du conflit travail-vie personnelle sur les travailleurs  (43)
Figure 2 : Interventions organisationnelles et individuelles (29)
Figure 3 : Modèle analytique de la santé, du bien-être et de la CTVP des employés (33)
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