• Aucun résultat trouvé

La littérature de jeunesse peut-elle être une ouverture sur le monde du travail ?

N/A
N/A
Protected

Academic year: 2021

Partager "La littérature de jeunesse peut-elle être une ouverture sur le monde du travail ?"

Copied!
95
0
0

Texte intégral

(1)

HAL Id: dumas-02157740

https://dumas.ccsd.cnrs.fr/dumas-02157740

Submitted on 17 Jun 2019

HAL is a multi-disciplinary open access archive for the deposit and dissemination of sci-entific research documents, whether they are pub-lished or not. The documents may come from teaching and research institutions in France or abroad, or from public or private research centers.

L’archive ouverte pluridisciplinaire HAL, est destinée au dépôt et à la diffusion de documents scientifiques de niveau recherche, publiés ou non, émanant des établissements d’enseignement et de recherche français ou étrangers, des laboratoires publics ou privés.

La littérature de jeunesse peut-elle être une ouverture

sur le monde du travail ?

Nathan Baudrin

To cite this version:

Nathan Baudrin. La littérature de jeunesse peut-elle être une ouverture sur le monde du travail ?. Sciences de l’Homme et Société. 2018. �dumas-02157740�

(2)

MASTER MEEF

MENTION 1

er

DEGRE

Mémoire de recherche :

La littérature de jeunesse peut-elle être une

ouverture sur le monde du travail ?

M. Nathan Baudrin

Année scolaire 2017/2018

(3)
(4)

Remerciements

J’adresse mes plus sincères et chaleureux remerciements à tous ceux qui m’ont aidé dans ce nouveau défi professionnel et ce travail de recherche :

À mes élèves de la classe de CE1/CE2 de l’école de Thèze, pour leur enthousiasme sans borne qui rend les journées bien courtes.

À l’ensemble des collègues qui ont pris de leur temps pour répondre au questionnaire. À ma partenaire d’année de classe de stagiaire, pour cette enrichissante année d’entraide, et à Gisèle Leizagoyen, sans qui je ne serais sans doute pas enseignant aujourd’hui.

À Gilles Béhotéguy, Maître de Conférences en Langue et Littérature françaises, pour son exigence, son aiguillage, et surtout pour m’avoir permis de rendre la réalisation de ce mémoire passionnante. À Karine Dorso, professeur à l’ESPE de Pau, pour ses cours captivants et enrichissants qui m’ont permis de découvrir et de prendre goût à la littérature de jeunesse.

À ma mère, pour ses soirées de relectures et de corrections.

Et enfin à Julie, pour ses encouragements, sa générosité, pour avoir accepté de me suivre dans cette nouvelle aventure, et pour avoir subi de nombreuses soirées de sacrifices en des temps parfois compliqués.

(5)
(6)

1

Table des matières

Introduction ... 2

Première partie : ... 4

Le monde du travail a-t-il sa place à l’école ? ... 4

I. Regard sur le monde du travail aujourd’hui ... 5

I. a. Un monde du travail en pleine mutation ... 5

I. b. Trouver une place dans ce nouveau monde du travail : mission impossible ? ... 10

II. Le monde du travail et l’école ... 14

II. a. Le rôle de l’école face au monde du travail ... 14

II. b. Comment le monde du travail est-il traité dans les instructions officielles de l’Education nationale ? ... 17

III. Le monde du travail en classe, qu’en est-il concrètement ? Dépouillement et analyse d’un sondage à l’attention des enseignants. ... 21

Deuxième partie : ... 27

Le monde du travail au sein de la littérature de jeunesse ... 27

I. Travailler… mais pour quoi ? ... 29

II. Gros plan sur quelques métiers bien connus des élèves. ... 35

II. a. Le facteur ... 35

II. b. Le boulanger ... 36

II. c. L’employé de bureau ... 38

II. d. Le vétérinaire, entre rêve et réalité... 40

III. Les dictionnaires de métiers ... 45

Troisième partie : ... 51

Permettre aux élèves de découvrir le monde du travail par la littérature de jeunesse ... 51

I. Contexte de classe ... 52

II. Eléments préliminaires ... 52

III. Mise en œuvre de la proposition pédagogique ... 57

IV. Et si c’était à refaire ? ... 63

Conclusion ... 67

Annexes ... 70

(7)

2

Introduction

Mondialisation, réforme, dérégulation, chômage, industrialisation, retraite, mutation profonde, précarité, robotisation, grève, reconversion, automatisation des tâches, salaire à vie, cotisation, burn-out, temps de travail, pouvoir d’achat, acquis sociaux, disparition d’emploi, congés, orientation professionnelle… Le monde du travail déborde de sujets d’actualités, souvent tendus, prêtant à questionnement, réflexion, discussions, polémiques et conflits. Pas un jour ne passe sans qu’il ne soit question, directement ou indirectement, du monde du travail, dans l’actualité de notre société contemporaine. Face à cela, nos enfants, très peu préparés à ces situations, ne se sentent généralement pas concernés par ces questions. En effet, ces problématiques sont souvent trop éloignées du quotidien des élèves pour qu’ils s’en intéressent. Pourtant, aborder le sujet du monde du travail, c’est observer, questionner, explorer et comprendre le monde des adultes, le monde qui les entourent, le monde dans lequel ils évoluent et évolueront par la suite. Il semble dès lors intéressant de se poser la question, en tant qu’enseignant, de ce qui peut être fait pour permettre à ces élèves de découvrir et comprendre cet univers qui fera plus tard partie intégrante de leur vie. Dans sa boîte à outils, le professeur des écoles possède évidemment plusieurs ustensiles pour ouvrir et éclairer l’esprit de ces élèves sur le monde du travail. Dans cette étude, nous allons nous intéresser à un de ces outils en particulier : celui de la littérature de jeunesse. En effet, par sa diversité et sa richesse, elle est un support privilégié de l’apprentissage et notamment sur des thèmes comme celui-ci qui requiert une bonne distance pour être traiter auprès de nos élèves. Nous nous poserons dès lors la problématique suivante : La littérature de jeunesse peut-elle être une ouverture sur le monde

du travail ? Pour tenter de répondre à cette question, nous avons structuré cette étude en trois

parties principales.

La première partie réalise tout d’abord un état des lieux du monde du travail contemporain. Elle permet dès lors de poser un regard sur les bouleversements qu’il a récemment subit, et ceux auxquels il va devoir se confronter. De ces bouleversements, et face à un constat alarmant, un fait nouveau nous intéressera particulièrement puisqu’il concerne l’éventuelle responsabilité du fonctionnement de notre école. En découle alors l’occasion de se poser la question du rôle de l’école face à ce monde du travail et de son intérêt, ou non, d’aborder le sujet en classe. Après un bref passage en revue des instructions officielles de

(8)

3

l’Education nationale traitant du sujet, cette première partie s’achève sur l’analyse d’un sondage réalisé auprès d’un échantillon de cent collègues permettant de mettre en lumière leurs pratiques professionnelles sur le thème étudié.

La deuxième partie se consacre davantage à une analyse de la représentation du monde du travail au sein d’un corpus de littérature de jeunesse. Elle propose dans un premier temps d’observer la manière dont est illustré l’idée même du travail au sein de quelques albums, avant de porter un regard particulier et plus détaillé sur quatre métiers que les élèves connaissent bien. Ces métiers, pris en exemples, permettront de comparer et d’analyser les différentes représentations que peut faire la littérature de jeunesse d’un même travail. Enfin, nous étudierons ce que j’appelle les « dictionnaires de métiers », cette partie permettra notamment de constater que de nombreuses idées préconçues que l’on peut avoir d’un métier sont présentes dès le plus jeune âge dans la littérature.

La troisième et dernière partie présente quant à elle une proposition pédagogique permettant de faire découvrir le monde du travail aux élèves de CE1 et CE2, par le biais de la littérature de jeunesse. Cette proposition, mise en œuvre au sein de ma classe, n’est qu’un exemple de ce qui peut être fait et ne prétend, à ce titre, à rien d’autre que de rester un exemple de séquence pédagogique. Après une contextualisation et une explicitation des activités mises en place, cette partie s’achève sur une analyse et une mise en perspective de la proposition pédagogique.

(9)

4

Première partie :

(10)

5

I.

Regard sur le monde du travail aujourd’hui

Traiter le sujet du monde du travail à l’école nécessite tout d’abord d’effectuer un bref constat de son état actuel, en France, dans notre société contemporaine.

I. a. Un monde du travail en pleine mutation

Sans conteste, la fin des Trente glorieuses marque un tournant dans l’économie de la France. Plus particulièrement, l’année 1983 et le « tournant de la rigueur » du gouvernement de François Mitterand, entraînent une mutation socioculturelle et économique sans précédent. Ce tournant marquera non seulement la fin d’une idéologie mais surtout le triomphe d’une nouvelle conception économique qui dominera le monde occidental jusqu’à aujourd’hui : le néolibéralisme. Cette doctrine, dont s’inspirent également Margaret Thatcher au Royaume-Uni, et Ronald Reagan aux Etats-Unis repose sur quatre grands principes que sont : la dénonciation du poids de l’Etat-providence et des interventions publiques dans l’économie ; la promotion de l’économie de marché au nom des libertés individuelles et du développement économique ; la dérégulation des marchés qui doivent se réguler eux-mêmes par le jeu de la concurrence et des

lois du marché ; et enfin, la disparition progressive du secteur public au profit du secteur privé.

Ce changement de paradigme, associé à la mondialisation de l’économie, entraîne une multitude de bouleversements : en moins de cinquante ans, nous sommes passés d’une société de production, à une société de consommation. Pour apprécier la rapidité de changement de notre société actuelle, prenons l’exemple du nouvel objet, devenu symbole de cette nouvelle ère, symbole de modernité, de technologie de pointe et parfois de luxe qu’est le smartphone. En seulement 7 ans (de 2011 à 2017), il s’en est vendu près de 8,3 milliards dans le monde (pour environ 7,5 milliards d’individus). Pour la seule année 2017, le chiffre est de 1 490 000 000, nombre en constante augmentation d’année en année. Cela représente un peu plus de 47 smartphones conçus, commercialisés, et jetés par seconde1. Ce smartphone qui est conçu pour

avoir une durée de vie d’au moins dix années est, selon une étude de février 2017 réalisée par Kantar Worldpanel, remplacé par un plus récent tous les 22,2 mois en moyenne en France (allant même jusqu’à 9 mois de durée de vie moyenne pour les 12-24 ans). De fait, sous l’effet de mode, publicités ou offres promotionnelles : 88% des Français renouvèlent leur téléphone

1 Greenpeace, From smart to senseless : the global impact of 10 years of smartphones, 2017, [en ligne], disponible

à l’adresse : http://www.greenpeace.org/usa/wp-content/uploads/2017/03/FINAL-10YearsSmartphones-Report-Design-230217-Digital.pdf [consulté le 29/01/2018]

(11)

6

portable alors qu’il fonctionne encore1. Ce nouveau mode de consommation sans limite, basé

sur une quête d’un bonheur immédiat, matériel, de possession de biens que l’on jette au-delà de toute considération environnementale et écologique entraîne inévitablement des modifications sur le monde du travail. Comme l’explique Luis Enrique Alonso :

La réflexion sur la précarité a été menée à partir d’une critique des stratégies de flexibilisation du marché du travail mises en place par les entreprises, stratégies soutenues par les changements législatifs des dernières décennies. Il s’agirait du résultat du passage de la société industrielle à la société de services dans un cadre de concurrence internationale croissant, né de la mondialisation et des politiques néolibérales hégémoniques dans le capitalisme désarticulé. La précarité du travail, qui touche surtout les segments les plus faibles et les plus vulnérables de la société (jeunes, femmes, immigrés), se pose comme le résultat, que personne ne souhaite, d’une réorganisation du cadre institutionnel du travail, nécessaire pour garantir la compétitivité sur les marchés (Ruesga, 2002 ; Alonso, 2007)2.

Effectivement, dans le but de s’adapter à cette réorganisation, de baisser leurs coûts de production, d’accroître leurs profits, et de résister à la concurrence, les entreprises modifient leurs structures, revoient leurs méthodes de fonctionnement, délocalisent leurs usines, exposant ainsi leurs salariés à une précarité de plus en plus présente, notamment chez les jeunes. À ces restructurations s’ajoutent une mutation du travail et de nombreuses suppressions d’emplois causées par d’autres évènements qui modifient la structure du monde du travail en France et dans les pays occidentaux de manière plus générale.

Plus récemment, nous avons eu à faire face à l’émergence violente de nouveaux troublions numériques, instigateurs d’innovation de rupture dans les usages et dont les effets dévastateurs sur l’économie traditionnelle se caractérise par un phénomène que l’on qualifie désormais par l’expression « uberisation »3.

Cette ubérisation de l’économie (terme qui entre d’ailleurs cette année 2018 dans le Larousse), est une conséquence directe du néolibéralisme qui commence petit à petit à prendre de l’ampleur. En effet, l’on voit partout pousser des « auto-entrepreneurs » Uber entrainant une déprofessionnalisation de certains métiers : tout le monde peut s’improviser chauffeur de taxi, maître d’hôtel, travailler dans les services à la personne, ou même d’autres domaines comme la restauration ou le droit sans la moindre formation.

1 ADEME, Des tiroirs pleins de téléphones remplacés : consommateurs et objets à obsolescence perçue, 2017,

[en ligne], disponible à l’adresse : http://www.ademe.fr/sites/default/files/assets/documents/coop-201706_rapport.pdf [consulté le 29/01/2018]

2Alonso Luis Enrique, « IV. Précarité et modèles de consommation : la société à bas coût », dans Crise sociale et

précarité. Travail, modes de vie et résistances en France et en Espagne. Nîmes, Champ social, « Questions de société », 2012, p. 95.

3 Bruno Teboul. L’Uberisation, l’automatisation... Le travail, les emplois de la seconde vague du numérique...

Big Data et Emploi : Séminaire en Economie, Compiègne, 2016 [en ligne], disponible à l’adresse :

(12)

7

L’uberisation nous fait ainsi entrer dans l’ère d’un capitalisme numérique, ou « hypercapitalisme », […] particulièrement violent, imprévisible et sans limite. Cette implosion de l’économie classique n’est pas sans conséquence sur l’emploi, la formation et le contrat social1.

Comme le démontre Bruno Teboul, cette nouvelle modalité de travail, en plein essor, entraîne des bouleversements majeurs dans notre monde du travail : suppression de postes, dérégulation et précarité auxquels l’ensemble des acteurs du monde du travail, entrepreneurs, salariés et institutions doivent faire face.

Dans la continuité de la 3ème révolution industrielle, le progrès technologique, même s’il

crée de nouveaux métiers, continue d’éclater le monde du travail en supprimant le recours constant à une main-d’œuvre humaine dès lors que les tâches sont automatisables. Depuis 1975, le nombre d’emplois industriels en France a chuté de plus de 47% (passant de 5,7 millions à 2,9 millions fin 2016)2. Ce déclin industriel a par ailleurs été accentué par la crise économique de

la fin des années 2000. On compte, pour la seule année 2009, une perte de près de 174 000 emplois industriels. L’emploi industriel se raréfie lentement mais de façon régulière, tandis que l’on observe un basculement vers le secteur tertiaire. En effet, si l’on regarde l’évolution de la part du secteur tertiaire sur l’ensemble de la population active française, la comparaison des chiffres entre 1936 et 2014 s’avère des plus dévastatrices : le tertiaire est lui passé de 34,8 % à 75 %1.

La prolifération d’écrans dans nos sphères privées comme professionnelles, est également une composante importante de la mutation du monde du travail. Effectivement, l’ère du numérique modifie sensiblement son paysage, et semble laisser peu de places aux travailleurs manuels, sans qualification ou diplôme. Cependant, les catégories socioprofessionnelles les plus favorisées ne sont pas épargnés puisqu’on constate l’apparition d’une catégorie surprenante : celle d’intellos précaires, théorisée notamment par Anne et Marine Rambach. D’après elles, ces intellos précaires rassembleraient :

13 000 - 14 000 journalistes, 60 000 enseignants dans l’enseignement secondaire, 20 000 enseignants ou chercheurs dans l’enseignement supérieur, 15000 - 20 000 architectes, 13 000 formateurs, 8 000 photographes, plusieurs milliers de correcteurs et de traducteurs, 4 000 auteurs professionnels, ça fait environ 150 000 personnes, pour les troupes repérables3.

1 Bruno Teboul. L’Uberisation, l’automatisation... Le travail, les emplois de la seconde vague du numérique...

Big Data et Emploi : Séminaire en Economie, Compiègne, 2016 [en ligne], disponible à l’adresse :

https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-01265304/document, [consulté le 09/03/2018] ,p.4

2 OCDE, comptes nationaux, [en ligne], disponible à l’adresse : http://stats.oecd.org/index.aspx?lang=fr#

[consulté le 29/01/2018]

(13)

8

Cette partie de la population, très diplômée, est contrainte d’accepter des petits boulots qui ne correspondent pas au niveau d’études ou au secteur d’activité de formation initiale de ses individus. Quand ces intellos précaires ont la chance d’exercer dans leur domaine de spécialisation, ils migrent au gré des fins de contrat. Les conditions de travail ou contractuelles de cette catégorie conduisent à un avenir incertain, à des revenus fluctuants et à des droits non respectés. Ils vivent donc, paradoxalement à ce que l’on pourrait imaginer initialement, dans des conditions de grande précarité.

Pour autant, ces transformations du monde du travail ne sont pas les dernières. En effet, nous sommes aujourd’hui aux prémices d’une quatrième révolution industrielle, engendrée par l’essor des nanotechnologies, de l’intelligence artificielle, de l’imprimante 3D, des biotechnologies et du big data. Ces mutations « entraîneront de larges perturbations non seulement sur le modèle des affaires, mais aussi sur le marché du travail » précise un rapport1

du World Economic Forum qui prévoit la disparition de plus de 5 millions d’emplois parmi les quinze principales puissances économiques.

Dans ces conditions, et si l’on ajoute à cela la faible croissance que vivent les pays occidentaux ne permettant pas de sortir de cette impasse, on comprend bien pourquoi le taux de chômage en France atteint des niveaux record (environ 3 millions de chômeurs2). Ce chômage

de masse dans un monde du travail dérégulé, plaçant les employeurs en position de supériorité, permet d’effectuer un chantage à l’emploi, obligeant les salariés à accepter des conditions de travail de plus en plus dégradées et précaires. Les individus sont amenés, contraints, ou forcés à flexibiliser leur carrière selon les lois de l’offre et de la demande, subissant le stress généré par la pression des clients, de la concurrence, ou encore la crainte de ne pas réaliser les attentes fixées. La rentabilité ayant raison de tout pour avoir été établi comme objectif primordial, dès lors, les conséquences ne se font pas attendre : accroissement de « la souffrance au travail », développement de la psychopathologie du travail, recrudescence des dépressions, burn out, suicide3.

1 World Economic Forum, The Future of Jobs, 2016, [en ligne], disponible à l’adresse :

http://www3.weforum.org/docs/WEF_FOJ_Executive_Summary_Jobs.pdf [consulté le 30/01/2018]

2 Source : INSEE, Tableaux de l’Economie Française, 2016, [en ligne], disponible à l’adresse :

https://www.insee.fr/fr/statistiques/1906672?sommaire=1906743 [consulté le 30/01/2018]

3 Selon une étude de la revue International Archives of Occupational and Environmental Health, la mortalité des

chômeurs est trois fois supérieure à celle des travailleurs, ce qui représente 14 000 morts par an en France. Cette surmortalité s'explique par des conditions sociales et de santé qui poussent au suicide et provoquent des maladies cardio-vasculaires (risques plus élevés de 80 %).

(14)

9

Face à ce constat alarmant, il semble bien complexe d’évoquer le sujet du monde du travail devant des élèves de l’école primaire en s’appuyant sur la littérature de jeunesse. Doit-on mDoit-ontrer les dures réalités du travail évoquées ci-dessus ? Doit-Doit-on tenter d’expliquer aux élèves les difficultés considérables que subissent bon nombre d’adultes pour trouver un travail dans la société d’aujourd’hui ? Quand d’autres, qui ont « la chance » d’avoir un emploi, subissent des conditions de travail difficiles, précaires, poussant parfois, si des difficultés personnelles viennent s’y ajouter, au suicide ? Dans une interview accordée à la revue Citrouille, Guillaume Le Blanc, auteur du roman Gagner sa vie, est-ce la perdre ? propose un élément de réponse à ces questions :

J’essaie de penser la question du travail contre une logique très répandue aujourd’hui de la dimension uniquement négative du travail, comme aliénation, souffrance. C’est d’autant plus important que je m’adresse à des enfants, c’est-à-dire à des êtres qui n’ont pas encore eu de rapports à cette aventure-là. Ça me semblait d’une violence incroyable que de leur dire, avant même qu’ils ne commencent à travailler : attention vous allez entrer dans la machine à broyer les individus ! Ce qui, à mon avis, est une manière de tenir un discours en surplomb par rapport à leur monde et qui est très, très violent1.

Guillaume Le Blanc propose ici un autre regard sur le monde du travail. Il qualifie la vision pragmatique présentée ci-dessus comme une véritable violence qu’il ne faudrait pas tenir à la portée des enfants. Cette conception est certes très louable et permet de protéger les élèves de la dure réalité du monde contemporain, mais il n’en reste pas moins que cela revient tout de même à cacher, à enjoliver, à embellir, la vérité de la situation auprès des élèves. Quitte, parfois, à faire véritablement abstraction de certains évènements, phénomènes, ou de certaines caractéristiques de notre société. Par ailleurs, lorsqu’elle évoque la littérature de jeunesse que propose Guillaume Le Blanc, Isabelle Nières-Chevrel parle ainsi :

Une littérature positive qui se refuse à dire la noirceur du monde, d’être donc à sa manière une littérature mensongère2.

Isabelle Nières-Chevrel dénonce cette vision « bisounours » que l’on pourrait avoir de manière générale en littérature de jeunesse puisqu’elle la qualifie de mensongère. En confrontant ces deux avis, on s’aperçoit bien que la question du travail reste très sensible et qu’il est difficile de se positionner. Vaut-il mieux préserver les enfants et les laisser rêver d’un futur éloigné de la réalité, les laissant seuls, plus tard, découvrir la violence et la cruauté de notre société actuelle en prenant le risque qu’ils en paient le prix fort ? Ou bien est-il préférable de mettre un terme à ce

1 Le Blanc Guillaume, Le travail rend-il libre ?, Revue Citrouille n°56, Editions Librairies jeunesse, juin 2010,

p.36

2 Nières-Chevrel Isabelle, Introduction à la littérature de jeunesse, Paris, Editions Didier jeunesse, Coll.

(15)

10

doux mensonge, de les confronter à ce constat, brisant leurs rêves innocents mais permettant finalement d’avoir de futurs citoyens avertis et éclairés sur la froide réalité de notre société ? La réponse dépendra indéniablement de l’âge des élèves dont on parle, mais mon avis personnel est plutôt qu’il est nécessaire d’expliquer la réalité du monde aux enfants pour ne pas leur faire miroiter un monde imaginaire. N’est-ce pas un des rôles de l’école ? Ouvrir les élèves au monde dans lequel ils vivent, leur faire découvrir mais également leur faire comprendre pourquoi il est ainsi. Les paroles de Louis Pasteur prononcés lors d’un discours dans le Nord de la France en 1854 me semblent à cet égard être très à propos : « Dans les champs de l’observation, le hasard ne favorise que les esprits préparés1. »

I. b. Trouver une place dans ce nouveau monde du travail : mission impossible ?

Ce nouveau visage du monde du travail a permis l’apparition d’un phénomène relativement récent : la reconversion professionnelle. De nombreuses confusions peuvent porter quant à savoir ce qu’on rattache à ce terme :

- D’une part, la mobilité sur le marché du travail peut être « verticale » : la mobilité salariale et le changement de catégorie socio‐professionnelle en cours de carrière. - D’autre part, il existe une mobilité « horizontale ». Dans ce cas, elle peut être

géographique, impliquer un changement de statut (emploi public, emploi privé, indépendant), un changement d’établissement, ou encore un changement de métier. Ici, il ne sera question que de la toute dernière catégorie : j’entends par reconversion, un changement conséquent de métier, qu’il soit réalisé au sein d’un même secteur d’activité ou non. Puisque c’est bien ce type de reconversion qui constitue un phénomène nouveau dans le monde du travail. Il était très courant, au cours du XXe siècle, qu’un salarié effectue l’ensemble de sa carrière au même poste, au sein de la même entreprise. Depuis les années 2000, cette situation se raréfie et l’on constate une nette augmentation de la mobilité professionnelle.

Il n’existe à ce jour aucune étude des institutions officielles permettant de chiffrer l’évolution du nombre de reconversions professionnelles. Tout de même, nous avons à notre

1 Louis Pasteur, Discours prononcé à Douai le 7 décembre 1854 à l'occasion de l'installation solennelle de la

(16)

11

disposition plusieurs sondages, notamment celui1 de l’institut Opinion Way pour l’Afpa

(Association nationale pour la Formation Professionnelle des Adultes). Deux chiffres ressortent principalement de ce sondage : 74 % des salariés ont déjà envisagé une reconversion professionnelle et 60% des actifs ont déjà connu un changement d’orientation professionnelle. Pourquoi 74%, soit près de trois quarts des personnes interrogées disent avoir déjà envisagé de changer de métier ? Est-ce par contrainte, par peur de perdre son emploi et donc envisager un autre avenir ? Est-ce par choix, par volonté de changement, de vivre une autre vie ? Ou bien est-ce la prise de conscience, tardive, d’un échec d’orientation professionnelle ?

Le progrès technique et les différentes révolutions ont amené une hyperspécialisation d’un grand nombre de métiers. De fait, après la fermeture d’une usine, d’une entreprise, les salariés sans qualification n’ont bien souvent pas d’autre choix que de se reconvertir. Etant donné le marché actuel du travail et les chiffres du chômage, si l’on n’a pas la chance d’exercer un métier recherché, les salariés sont contraints de s’adapter, se flexibiliser, au marché de l’emploi et donc chercher à mettre en place une reconversion. Cependant, on constate, d’après un sondage2 de l’institut IPSOS et de l’Afpa de 2012 que seuls 24 % des personnes interrogées

motivent leur récente reconversion professionnelle par une perte d’emploi, un plan social, ou une fermeture de site.

Les résultats de ce second sondage, montrent plutôt qu’une large majorité des reconversions (66 %) est motivée prioritairement par une volonté personnelle de changer de métier. Comment expliquer cela ? Il y a ici une multitude de réponses envisageables. À ce jour, aucune étude ne permet de comprendre quels pourraient être les indicateurs amenant à une si importante volonté de changer de métier. À mon sens, et il n’est ici sujet que d’une hypothèse personnelle, ces 66 % peuvent s’expliquer en partie par une difficulté majeure des adolescents et jeunes adultes à effectuer leurs choix d’orientation professionnelle. En effet, aujourd’hui, chez les jeunes, la réflexion sur le choix de l’orientation professionnelle intervient très tardivement : d’après un sondage3 portant sur près de 2000 étudiants interrogés : 41 % déclarent

commencer (!) à réfléchir au sujet en classe de terminale, 35% en seconde ou en première, ce

1 Sondage OpinionWay et Afpa, Une reconversion professionnelle porteuse d’avenir, 2014, [en ligne],

disponible à l’adresse : https://issuu.com/nouvellespublications13/docs/etude_afpa-opinionway_mars2014_reco, [consulté le 31/01/2018]

2 IPSOS et Afpa, La reconversion professionnelle : solution positive, 2012, [en ligne], disponible à l’adresse :

https://www.ipsos.com/fr-fr/la-reconversion-professionnelle-une-consequence-de-la-crise-economique-mais-aussi-souvent-un-choix, [consulté le 31/01/2018]

3 Statista, Quand avez-vous commencé à réfléchir à vos études et vos choix d’orientation ?, 2015, [en ligne],

(17)

12

qui fait un total de 76 % d’étudiants qui ne commencent leur réflexion qu’à partir du lycée ! Par ailleurs, seulement 3% des jeunes interrogés déclarent s’être penchés sur la question dès l’école primaire. En parallèle de ces chiffres éloquents sur la durée de réflexion personnelle des élèves sur leurs parcours professionnel futur, nous disposons également de retour sur le sentiment des étudiants concernant leurs propres choix d’orientation, le chiffre est également alarmant : ce serait 80 % des jeunes bacheliers qui jugent s’être trompés dans leur orientation². En effet, cette question de l’orientation entraîne chez les étudiants un stress et une remise en question très complexe à cet âge. Pour juger l’ampleur de cette question chez les jeunes adultes, il suffit d’aller chercher dans quelques textes de rappeurs pour voir rapidement ressurgir cette anxiété s’exprimer :

J’ voulais parler des « tu veux faire quoi plus tard ? » qui paralysent1.

ou bien encore :

T’es au moment d’ta vie où tu peux devenir c’que tu veux, le même moment où c’est l’plus dur de savoir c’que tu veux2.

Mais au-delà de ces témoignages de rappeurs évoquant la complexité de se projeter dans un avenir, l’INETOP (Institut national d’étude du travail et d’orientation professionnelle) montre dans son excellent rapport3 les difficultés auxquelles sont confrontés les étudiants à imaginer,

réfléchir, se renseigner, mettre en place un projet de vie bien éloigné de leurs préoccupations

court-termistes de l’adolescence :

Projet d’orientation scolaire, projet professionnel et projet de vie constituent les trois perspectives à la fois autonomes et imbriquées les unes aux autres. Le projet obéit bien souvent à une « injonction paradoxale », l’adolescent se trouve pris entre l’environnement (social et familial) qui le pousse à chercher ce qu’il veut faire plus tard, à « se doter d’un projet », et les contraintes personnelles, familiales ou sociales qui l’empêchent de réaliser ses projets.

Ainsi, l’on voit bien que l’orientation professionnelle n’est pas tant le fait de choisir un métier, que d’effectuer un véritable projet de vie. Un choix qui nécessite forcément un temps de réflexion conséquent, bien supérieur à trois petites années de lycée. Cela requiert forcément, au-delà de cette réflexion, une connaissance du monde, de soi-même, de ses capacités, de ses envies ainsi qu’une nécessaire prise de recul. Autant d’ingrédients trop souvent absents chez nos jeunes adolescents. D’ailleurs, ne sommes-nous pas constamment en réflexion sur notre façon de vivre ? Ne remettons-nous pas continuellement en question nos choix et pratique de

1 Bigflo & Oli, Personne, Album « La vraie vie », 2017, Universal.

2 Orelsan, Notes pour trop tard, Album « La fête est finie », 2017, 7th Magnitude.

3 Lacoste Serge, Esparbès-Pistre Sylvie et Tap Pierre, L’orientation scolaire et professionnelle comme source de

stresse chez les collégiens et les lycéens, INETOP, 2005, [en ligne], disponible à l’adresse :

(18)

13

vie, quel que soit notre âge ? Il semble foncièrement très difficile, voire impossible, de choisir un projet de vie sur les seules années de lycée en étant certain de ne pas se tromper…

Les différentes études portant sur le sujet sont quasiment toutes unanimes lorsqu’elles évoquent les solutions qui peuvent être proposées pour y remédier, ou tout du moins aider les étudiants : plus d’anticipation dans la réflexion pour constituer un projet scolaire/professionnel viable et correspondant aux choix, envies, et motivations du jeune adulte ainsi qu’une information accrue sur le monde du travail et les diverses possibilités d’orientation.

Dans ces conditions et voyant le marché s’ouvrir, des entreprises de « coaching scolaire » - où se sont reconvertis (eux-aussi !) conseillers d’orientation et conseillers Pôle Emploi - poussent comme des champignons sur internet, proposant divers services afin d’aider les jeunes adultes à effectuer leurs choix professionnels. On en donnera ici un exemple :

Mon-Orientation-Scolaire.com propose un accompagnement sur-mesure visant à aider les jeunes à trouver leur voie scolaire et professionnelle. Grâce à l'accompagnement personnalisé de chaque profil, la plateforme d’orientation scolaire garantit une meilleure connaissance des métiers et du monde de l’entreprise. Mon-Orientation-Scolaire.com propose aux lycéens et aux étudiants de réaliser les rendez-vous en visio. Un coach scolaire est dédié à l'étudiant tout au long de son coaching afin de lui offrir un réel suivi personnalisé1.

Toutefois, et comme on pouvait l’imaginer, ces services ne sont clairement pas accessibles à tous, il faut compter entre 500 € et 800 € pour un suivi personnalisé de l’enfant, de quoi décourager les petites bourses. L’apparition du secteur privé dans l’orientation professionnelle des jeunes adultes semble tout de même poser quelques questions majeures. N’est-ce pas, normalement, le rôle de l’école de la République d’éduquer les jeunes citoyens et de leur permettre d’effectuer leurs choix en toute connaissance de cause, de leur faire prendre conscience de l’importance de cette question et de proposer un éventail d’exemples de projets de vies différentes permettant ensuite de se créer le sien ? N’est-ce pas non plus le rôle de l’école de la République de permettre aux élèves d’entamer une réflexion sur soi, ses capacités, ses envies et de développer la connaissance de soi, permettant, à terme, de se projeter dans un avenir mûrement réfléchi ?

1 Digischool, Orientation scolaire : 5 bonnes raisons de choisir Mon-Orientation-Scolaire.com, 2018, [en ligne],

disponible à l’adresse : https://www.digischool.fr/lycee/coaching-orientation/accompagnement-orientation-monorientationscolaire-35981.html, [consulté le 03/03/2018]

(19)

14

II.

Le monde du travail et l’école

Face à ce constat, il nous paraît logique de se poser la question des causes qui le rendent possible. Lorsqu’on évoque cette question, il est alors courant de se tourner vers notre système scolaire, et c’est alors l’occasion de réfléchir sur le rôle que l’école doit y jouer ainsi que sa responsabilité.

II. a. Le rôle de l’école face au monde du travail

De nos jours, l’école doit faire face à trois grandes conceptions qui s’opposent mutuellement. Ces trois tendances, au-delà de l’objectif de transmettre les valeurs de la République, attribuent un rôle supplémentaire différent pour notre système éducatif.

La première propose que l’école ait pour principal but d’instruire les élèves, c’est-à-dire, donner des morceaux de connaissances, des morceaux d’Histoire, des morceaux de Géographie, des morceaux de Sciences, etc. à un groupe d’élèves donné. Pour elle, l’école n’a donc pas à prendre en compte la diversité et les complications de certains élèves. Elle n’est pas là pour éduquer les élèves, pour s’adapter aux besoins de chacun, ou, pour parler trivialement, faire du « social ». Son rôle est principalement de transmettre des savoirs et d’enseigner les contenus des programmes scolaires à l’ensemble des individus, quels qu’ils soient.

La seconde pense quant à elle que l’école n’a plus pour mission principale d’instruire, qu’à l’ère du numérique et de la mondialisation, les élèves apprennent bien plus rapidement sur le monde en surfant sur internet et en regardant des vidéos Youtube, qu’assis dans leurs classes d’école. Elle défend par ailleurs une prise en compte de la diversité des élèves, le système éducatif doit donc s’adapter aux besoins de chaque élève. Et enfin, elle pense, contrairement à la première conception, que l’école ne doit plus s’enfermer sur elle-même, qu’il est important pour elle de s’ouvrir sur la société et de faire rentrer la vie à l’intérieur même de son établissement. Pour elle, la mission de l’école est d’éduquer, et notamment d’éduquer à la vie en société. Les contenus des programmes scolaires ne sont alors pas le plus important à enseigner.

Enfin, une troisième tendance majeure suppose de son côté que l’école, tout comme les pédagogistes, n’a plus pour mission principale d’instruire. Elle considère cependant qu’elle n’a pas non plus pour objectif d’éduquer et que ceci relève principalement du ressort des parents. Pour cette troisième catégorie, le rôle principal du système scolaire est de permettre aux élèves

(20)

15

de trouver une place dans la société, notamment en leur permettant d’obtenir un travail. Pour elle, l’école doit principalement servir à trouver un travail. Les contenus des programmes scolaires doivent alors être adaptés et déterminés en fonction des besoins de la société. Notre système éducatif a donc, ici, pour but de former les élèves au monde de demain.

Chacune de ces trois tendances rencontrent, de par leurs radicalités, une forte opposition. En atteste le commentaire de Philippe Godard lors d’une interview accordée à la revue Citrouille, évoquant l’insertion du monde du travail dans le système éducatif français :

Aujourd'hui, l'école est gangrenée par le monde du travail qui l'infiltre : depuis son entrée à l'université en 1976 l'entreprise est maintenant « descendue » jusqu'au niveau du collège et bientôt du primaire, avec une offensive idéologique tous azimuts. Il est donc urgent de proposer un refus collectif du travail, en nous opposant aux stages et à la disparition du français et de l'histoire au lycée, et en affirmant haut et fort que l'insertion dans le marché du travail n'a jamais été le but de l'école et ne devrait surtout jamais le devenir1 !

Philippe Godard expose ici un avis clairement opposé à l’apparition du monde du travail dans l’école que je serai personnellement prêt à défendre. Pourtant, lorsqu’on reprend les chiffres impressionnants cités auparavant, notamment concernant la projection des adolescents dans leur avenir et leur réflexion dans un projet de vie, il semble tout de même important de revoir la manière dont le monde du travail, et plus généralement la perspective d’avenir sont abordés au sein de notre système éducatif. L’on voit bien ici que ces trois paradigmes s’opposent philosophiquement, politiquement et idéologiquement et posent la question de la finalité de notre système éducatif public. Il ne sera pas question ici de trancher pour l’une ou l’autre des conceptions, chacune ayant indéniablement ses avantages et ses inconvénients. Dès lors, on peut supposer que la recette permettant de sortir de cette impasse, consisterait à promouvoir une école composée d’un savant dosage de ces trois principaux ingrédients. La finalité de l’école serait alors d’instruire, d’éduquer, et de former en même temps, en prenant bien soin de ne pas tomber dans l’excès de chacun de ces composants. En effet, il est évident que notre système scolaire doit avoir pour objectif d’instruire, de donner une culture et un savoir aux élèves. Mais en parallèle, il n’est pas moins évident que l’école doit avoir pour finalité d’éduquer les futurs citoyens à vivre en société, d’aider les enfants à devenir des « honnêtes hommes et femmes » et de préparer les citoyens de demain qui vont devoir « gagner leur vie » dans notre société néolibérale. Du coup, il paraît impensable d’imaginer une école qui soit totalement déconnectée de la société, coupée de la réalité, enfermée sur elle-même et qui ne soit qu’une bulle de savoirs, en apesanteur, au-dessus d’une société où les gens travaillent,

1 Godard Philippe, Pour démonter le travail, il faut du temps, Revue Citrouille n°56, Editions Librairies

(21)

16

consomment, manipulent de l’argent, etc. Mais enfin, il est également impensable que l'école ajuste les contenus de ses programmes aux besoins des entreprises, de l'industrie, du commerce etc.

Par ailleurs, au-delà de ces trois paradigmes, notre système scolaire a pour priorité de transmettre les valeurs de la République. Ceci implique qu’il est important à l’école de pouvoir permettre aux élèves d’être libres (puisqu’il s’agit de la première des valeurs de la République Française). Pour cela, il convient en tout premier point de leur faire prendre conscience que la liberté est une chose qui se construit. En effet, il existe indéniablement un déterminisme qui peut être le fait de l’Histoire, de la génétique, du milieu social, de la société, de l’environnement, ou même des rencontres. On ne vit pas la même vie selon l’époque à laquelle nous sommes nés, on ne vit pas non plus la même vie selon la famille à laquelle nous appartenons, le pays dans lequel nous vivons, les gens que nous rencontrons etc. Ces différences impactent foncièrement nos choix et il n’existe alors pas de libre arbitre total. La liberté est donc une chose qui se construit à partir d’un déterminisme. Elle suppose qu’on sache, qu’on pense, qu’on réfléchisse, qu’on analyse, qu’on envisage des hypothèses : « Si je fais ceci, si je pense comme cela, si je vais dans cette direction, alors il y aura ceci ». Ce n’est qu’avec ces prérequis que l’on peut être en mesure d’affirmer que l’on a exercé son libre arbitre, et donc effectuer un choix, non pas en toute liberté, mais « librement », toujours en relation avec nos déterminismes. Permettre aux élèves de construire leur liberté est donc une chose qui se travaille, une chose qui prend beaucoup de temps et qu’il me semble primordial de travailler avec les élèves puisqu’un individu qui ne travaille pas à la construction de sa liberté est condamné à être esclave de son déterminisme, d’être dans la servitude, et donc fondamentalement privé de liberté. Jean-Paul Sartre, écrivait d’ailleurs à ce propos : « L’important n’est pas ce qu’on fait de nous mais ce que nous faisons nous-même de ce qu’on a fait de nous1. » Cela signifie que l’école, à mon

sens, doit aider les élèves à leur faire prendre conscience de la nécessité de cette construction. S’ils veulent être heureux, épanouis, et libres une fois devenus adultes, il leur faudra pour cela s’en donner les moyens, travailler à construire leur liberté. C’est-à-dire avoir observé, compris, analysé, pensé le monde dans lequel ils évoluent afin d’effectuer leurs futurs choix (notamment professionnels) en pleine connaissance de cause. Etant donné l’amplitude de travail que cela nécessite et afin de donner le plus d’outils possibles aux élèves pour leur permettre d’établir

(22)

17

leurs projets de vie, ce type de réflexion devrait être proposé aux élèves tout au long de leur scolarité.

II. b. Comment le monde du travail est-il traité dans les instructions officielles de

l’Education nationale ?

Disposer de ressources institutionnelles pour évoquer le monde du travail à l’école primaire semble relativement complexe. En effet, ce sujet est peu présent dans les documents d’instructions officielles et d’accompagnement pour les enseignants ainsi que dans les programmes scolaires. Lorsqu’on épluche les programmes scolaires des cycles 2, 3 et 4, le mot « travail » présente 371 occurrences, mais la très grande majorité est utilisée pour évoquer le travail des élèves puisque seulement 6 portent sur le monde du travail. Concernant le mot « métier », on le trouve 12 fois : une fois au cycle 2, une fois au cycle 3, et dix fois au cycle 4. Signe, s’il en fallait un, que le thème est en général abordé à partir du cycle 4. Lorsqu’on regarde d’un peu plus près ces 6 occurrences du mot « travail » dans l’ensemble des programmes scolaires, on constate que cela concerne presque essentiellement l’Histoire et la Géographie (excepté en cycle 2 où cela est intégré dans la matière Questionner le monde - les objets techniques). Au cycle 2, il y est question d’ « identifier des activités de la vie quotidienne ou professionnelle faisant appel à des outils et objets techniques1 ». Deux exemples d’activités

préconisées ont attrait à notre sujet : « découvrir une certaine diversité de métiers courants. » et « interroger des hommes et des femmes au travail sur les techniques, outils et machines utilisés2

». Ici, il est clairement question de découvrir le monde du travail en restant sur un sens plutôt général, en lien avec leurs vies quotidiennes. Cela semble tout à fait sensé vu l’âge des élèves concernés par le cycle 2 (de 6 à 9 ans), mais il n’est pas moins vrai que le monde du travail représente dans ce cas précis le point central d’étude des activités préconisées, ce qui ne sera pas toujours le cas dans les apparitions suivantes. La seconde occurrence du mot « travail » nous mène en classe de CM2, en Histoire, lors de l’étude de « L’âge industriel en France : Energies et machines, le travail à la mine, à l’usine, à l’atelier, au grand magasin, la ville industrielle, le monde rural3 » Ici, le sujet central d’étude reste l’Histoire, l’analyse du monde

du travail est donc un moyen de constater les répercussions de l’âge industriel en France sur les vies de l’époque mais le travail n’est pas le sujet central du savoir enseigné. En Géographie,

1Programmes d'enseignement du cycle des apprentissages fondamentaux (cycle 2), du cycle de consolidation (cycle 3) et du

cycle des approfondissements (cycle 4), arrêté du 9-11-2015 - J.O. du 24-11-2015, p.67

2Ibid, p.176 3Ibid, p.176

(23)

18

lors de l’année de CM1, les élèves sont également amenés à apprivoiser le monde du travail dans un thème intitulé « Se loger, travailler, se cultiver, avoir des loisirs en France 1 ». Dans ce

cas précis, bien que la partie « démarches et contenus d’enseignement » donnée par l’institution semble vague, on peut voir une volonté de la part du CSP (conseil supérieur des programmes) d’étudier le monde du travail, notamment, dans le but d’aider les élèves à s’ouvrir sur d’autres espaces. Pour cela, ce thème est divisé en deux parties : les espaces urbains et les espaces touristiques. Cette décomposition, qui peut sembler étrange, a pour objectif de visualiser différentes organisations d’espaces de vies bien distinctes et d’en analyser les conséquences, notamment au niveau du travail. Enfin, page 313, dans les programmes d’Histoire de 4ème, il est

également question du monde du travail lorsque l’enseignant évoque le thème de la révolution industrielle en Europe au XIXe siècle. L’élève doit y découvrir le fonctionnement d’une société

coloniale, l’évolution de la connaissance du monde et comment la pensée scientifique continue à se dégager d’une vision religieuse du monde, la nouvelle organisation de la production, les nouveaux moyens d’échanges, la croissance démographique de l’Europe qui devient un espace d’émigration et « enfin on présente à grands traits l’essor du salariat, la condition ouvrière, les crises périodiques et leurs effets sur le travail qui suscitent une "question sociale" et des formes nouvelles de contestation politique 2 ». La révolution industrielle, par définition, implique un

nombre important de bouleversements sur un ensemble de plan de notre société, et comme évoqué plus tôt dans notre étude, le monde du travail n’y échappe clairement pas. Cependant, il semble mis au second plan lorsque l’on regarde les contenus des programmes puisqu’il s’agit d’évoquer « à grands traits » les conséquences sur ce sujet alors qu’une multitude d’autres points sont également à découvrir. Il semble quelque peu dommageable que notre sujet d’étude ne soit pas plus central lors de l’enseignement de la révolution industrielle dans la mesure où cela pourrait permettre une réelle projection sur notre monde du travail actuel, qui est en passe de subir sa quatrième révolution. Une étude approfondie des bouleversements du monde professionnel lors de la révolution industrielle du XIXe siècle permettrait par ailleurs aux élèves une bien meilleure compréhension de notre système actuel, toujours héritier du statut d’ouvrier, de la nette majorité du salariat, des organisations scientifiques du travail de Taylor, des crises périodiques, et de la question du droit du travail qui ont tous vus le jour lors de « La Belle Epoque ».

1Ibid, p.179 2Ibid, p.313

(24)

19

La question de l’orientation professionnelle est de son côté réservée exclusivement aux élèves de collège, peut-on lire sur le site du Ministère de l’Education nationale :

L'orientation des élèves se construit dès la classe de sixième et tout au long de la scolarité grâce au parcours Avenir, grâce à un dialogue régulier entre les élèves, les parents, les enseignants, les conseillers d'éducation, la direction des établissements et les psychologues de l'Éducation nationale1.

Cette composante est relativement plus conséquente que la découverte du monde du travail par l’enseignement à proprement parler puisqu’elle comporte, depuis 2015, le parcours Avenir, inscrit dans la loi d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République du 8 juillet 2013. Ce parcours a pour objectif de permettre aux élèves, dès la 6ème,

de :

- découvrir le monde économique et professionnel ainsi que la diversité des métiers et des formations

- développer le sens de l’engagement et de l’initiative - élaborer son projet d’orientation scolaire et professionnel

Pour réaliser ces objectifs, le parcours Avenir comporte plusieurs activités pratiques. On y retrouve des activités anciennes : le stage obligatoire d’immersion en milieu professionnel en classe de 3ème, (d’une durée de 3 à 5 jours) et les actions de découverte (visites d’entreprise,

forums des métiers, etc.). Des activités nouvelles font leur apparition, comme la mise en place de projets accompagnés (mini-entreprises, reportage sur des métiers) dans le cadre des nouveaux EPI (enseignements pratiques interdisciplinaires). Tout ceci semble aller dans le sens d’une meilleure sensibilisation et information des élèves envers le monde du travail et ce ne peut être qu’une bonne chose compte tenu de ce que nous avons vu précédemment, à condition de veiller à ce que les professionnels et entreprises qui ont accès aux collèges, et donc à un public novice et sensible en la matière, soient bien dans une démarche uniquement informationnelle et n’effectuent pas de prosélytisme.

Le Ministère de l’Education nationale met en place par ailleurs des CIO (centres d’information et d’orientation) où chaque jeune peut également obtenir des informations sur les études, les formations professionnelles, les qualifications, et les professions qu’il peut envisager.

1 Ministère de l’Education nationale, Le Choix d’orientation d’un élève, 2017, [en ligne], disponible à l’adresse :

(25)

20

Pour conclure cette partie, nous pouvons dire que le thème du travail est relativement peu abordé au sein des programmes scolaires des cycles 2, 3 et 4. Cependant, lorsqu’il est traité, il l’est par deux procédures différentes. Dans l’une, il est le sujet principal d’étude, le cas est plutôt rare et consiste donc à découvrir, comprendre, et analyser le monde du travail. Dans l’autre, il sert de support, permettant ainsi de travailler un autre sujet d’enseignement, bien souvent en Histoire ou en Géographie. Il est alors fréquent de s’appuyer sur des comparaisons de différentes pratiques, de conditions, d’outils, de modalités, de moyens, d’utilisations, du travail pour servir l’enseignement du sujet principal. Par ailleurs, le monde du travail est également traité, de façon bien plus approfondie, au collège, dans une approche purement orientationnelle, par le biais du parcours Avenir qui est mis en place pour chaque élève de la 6ème à la terminale.

Le monde du travail est donc présent dans les programmes scolaires de 2015, mais comme nous venons de le voir, peu de place lui est accordé. Cependant, la liberté pédagogique laissée à l’enseignant engendre bien souvent de légers détachements des contenus des programmes scolaires (qui peuvent agir dans un sens comme dans un autre), c’est pourquoi il semble intéressant d’observer la place que donnent réellement, dans les faits, les enseignants au monde du travail dans leur classe.

(26)

21

III.

Le monde du travail en classe, qu’en est-il concrètement ?

Dépouillement et analyse d’un sondage à l’attention des enseignants.

Afin de questionner, traiter, analyser et visualiser la manière dont les élèves sont sensibilisés au monde du travail, il m’est apparu pertinent de proposer un sondage à l’attention des enseignants du premier degré concernant leur pratique professionnelle sur ce sujet. Puisqu’il s’agissait simplement de recueillir les réponses d’enseignants acceptant de participer à ce sondage, le dépouillement ici présenté n’a pas valeur d’enquête et, encore moins, d’étude sociologique.

Le questionnaire (voir annexe 1) réalisé sur deux semaines durant le mois de janvier 2018 a recueilli un total de 156 réponses sur la plateforme web « Survey Monkey ». Malheureusement, la version utilisée pour le recueil des réponses ne permet que l’exploitation des 100 premiers résultats. L’ensemble des réponses ont été collectées via des groupes fermés de professeurs des écoles sur le réseau social Facebook. Ceci implique qu’aucune interprétation ne peut être effectuée concernant le secteur géographique et le milieu social dans lesquels le sondage a été réalisé.

Afin de pouvoir contextualiser les réponses, j’ai décidé de commencer le sondage par une première question permettant de situer le cycle d’enseignement des enseignants interrogés. Les résultats (voir annexe 2) montrent une assez nette majorité de collègues exerçant en cycle 2 (près de 65%) suivi du cycle 3 (41%), et enfin 21% des enseignants interrogés travaillent en maternelle. Ces réponses permettront notamment d’effectuer un filtre, dans la suite de l’analyse, concernant d’éventuels écarts importants de réponses selon l’âge des élèves. Dans ce même sens, et pour une meilleure analyse des résultats de ce sondage, il me paraissait pertinent d’inclure une question me permettant de mieux connaître l’expérience personnelle des sondés vis-à-vis du monde du travail (question 9). Si tous exercent aujourd’hui le métier de professeur des écoles, il est intéressant d’analyser les différences de perception, de jugement et de mise en pratique du monde du travail en classe entre l’enseignant qui n’a connu aucune difficulté pour choisir ce métier et celui qui est devenu enseignant à la suite d’une reconversion professionnelle. Pour faciliter la lecture et la compréhension de ce point de l’analyse, je propose de former deux groupes d’enseignants. Le groupe A, qui correspond donc aux enseignants ayant répondu « non » à la question 9, c’est-à-dire les enseignants qui n’ont pas connus de difficultés pour effectuer leur choix d’orientation professionnelle, pour qui l’enseignement est par conséquent probablement une vocation. Et le groupe B, constitué des enseignants qui ont

(27)

22

répondu « oui » à cette même question, qui reconnaissent donc avoir subi des difficultés pour effectuer le choix de devenir professeur, pour quelque raison que ce soit : erreur d’orientation, évolution tardive du projet professionnel, etc. qui amène donc forcément à une reconversion professionnelle (voir annexe 8).

La deuxième question porte sur l’importance, ou non, aux yeux des enseignants, de commencer à sensibiliser les élèves au monde du travail dès l’école primaire. Sur ce sujet, il ne semble pas y avoir de réel consensus puisque 54% des sondés ont répondu défavorablement. Seuls 46% d’enseignants estiment donc ce sujet important. Si l’ensemble de ces réponses (groupes A et B réunis) paraît plutôt homogène, on observe une nette démarcation si l’on différencie les réponses des groupes A et B (voir annexes 3a et 3b). Ainsi, 66 % des enseignants du groupe A considèrent qu’il n’est pas important de sensibiliser les élèves au monde du travail dès l’école primaire, alors qu’en même temps, 63% des enseignants du groupe B pensent l’inverse. L’on voit bien ici que le vécu personnel de l’enseignant influe de manière conséquente sur la perception qu’il se fait de l’importance ou non de traiter ce sujet pour préparer les élèves à la question du travail. Il paraît logique que toute personne (et a fortiori un enseignant) qui a eu du mal à se projeter dans un avenir (qu’il soit professionnel ou général), et effectuer un choix pour y parvenir, estime légitime que les élèves soient davantage préparés à leur tour à cette question. De leur côté, les enseignants du groupe B ne sont peut-être pas suffisamment sensibilisés ou affectés par la question du fait qu’ils n’ont pas connu personnellement ce genre de difficultés.

La question suivante permettait aux sondés d’expliquer les raisons qui leur font penser que la question du monde du travail doit être traitée ou non dès l’école primaire. 92 personnes ont répondu à cette question mais les réponses étant libres et rédigées directement par les sondés, il y a eu parfois plusieurs justifications par répondant ce qui explique que le nombre total de réponses est de 96. À la lecture de l’ensemble des commentaires, on remarque rapidement l’apparition de quatre grandes catégories de réponses : deux justifiant l’importance de traiter le sujet du monde du travail à l’école primaire, et deux autres catégories évoquant l’inverse. Voici les résultats regroupés :

- « Les élèves sont trop jeunes, ça n’est pas concret pour eux » : 41 réponses - « Ce n’est pas le rôle de l’école, ce n’est pas important » : 7 réponses

- « Il est important d’informer les élèves pour les aider à se projeter dans leur avenir » : 31 réponses

(28)

23

- « Cela permet de donner du sens, motiver les élèves, justifier l’intérêt de l’école » : 17 réponses.

Encore une fois, on observe des avis plutôt divergents sur la question et une globale équité entre les pour et les contre puisque si nous cumulons le total de réponses à cette question, nous arrivons à 48 réponses justifiant l’intérêt de l’étudier dès l’école primaire contre 48. Il est tout de même à noter que la première réponse (à savoir « les élèves sont trop jeunes ») peut potentiellement être faussée par les enseignants qui travaillent en maternelle, bien que cela n’apparaisse pas sensiblement dans les résultats des enseignants du cycle 1 et que la question portait sur l’école primaire dans sa globalité.

Lors de la conception de ce questionnaire, je m’attendais logiquement à avoir un nombre relativement conséquent de sondés qui allait juger trop précoce l’apparition de ce thème dès l’école primaire. C’est la raison pour laquelle j’ai demandé aux enseignants interrogés quel serait, selon-eux, le moment de la scolarité le plus propice pour aborder le monde du travail. C’était donc le sujet de cette quatrième question (voir annexe 4a). Les résultats obtenus sont plutôt en accord avec les instructions officielles puisque c’est le cycle 4 qui est principalement cité (40,4 %). Le cycle 3, avec 34,3% n’est pas en reste pour autant puisque nous avons vu précédemment que les programmes scolaires du cycle 3 évoquent peu directement le monde du travail et qu’il est plus souvent question d’un sujet d’étude support qui sert un autre enseignement. Si l’on regarde les résultats des groupes A et B séparément, on remarque encore une fois que les nombres globaux constituent une « moyenne » entre des groupes A et B qui sont eux plutôt distincts l’un de l’autre : le groupe B propose clairement un âge moyen plus jeune pour évoquer le sujet du monde du travail que le groupe A (voir annexes 4b et 4c). À partir des réponses données, lorsque l’on effectue un calcul sommaire de l’âge moyen auquel il faudrait commencer à évoquer le sujet, on obtient une moyenne de 11 ans et demi pour le groupe A, tandis que le groupe B se positionne sur 10,3 ans. La différence n’est pas sensationnelle, mais l’on constate une tendance similaire aux autres questions : les enseignants du groupe B sont plus enclins à sensibiliser leurs élèves au monde du travail et à la question de leur avenir, et ce, plus tôt dans leur scolarité, comparativement aux enseignants du groupe A.

La cinquième question permettait d’interroger les sondés sur la mise en pratique du thème du travail au sein de leur classe. La réponse est sans appel : 86% des enseignants n’ont pas prévu d’aborder le sujet cette année. Lorsque l’on décompose ces réponses par cycle, nous obtenons plus de 95% des enseignants du cycle 1 qui n’envisagent pas de sensibiliser leurs élèves au monde du travail. Ils sont près de 92% en cycle 2, et 77% pour le cycle 3(annexes 5a,

(29)

24

5b, 5c, et 5d). Ces résultats correspondent sensiblement avec la logique des réponses observées à la question précédente, c’est-à-dire que d’après les sondés, le cycle 3 est le cycle le plus propice pour sensibiliser les élèves au monde du travail. Cette question bénéficiait d’une bulle où les personnes interrogées pouvaient ajouter un commentaire à leurs réponses s’ils le désiraient. 19 commentaires ont ainsi été rédigés. À leur lecture, il apparaît qu’un certain nombre d’enseignants remplaçants (5), estiment trop complexe d’évoquer le sujet compte tenu de leur situation. À la suite de cette cinquième question, il semblait logique de demander aux personnes qui ont traité ce sujet : de quelle manière ? Et à celles qui ne l’ont pas traité : pour quelles raisons ? C’est donc le sens des questions 6 et 7.

La question portant sur les choix pédagogiques de mise en œuvre du thème du travail était constituée d’une réponse libre et rédigée de la part des sondés. Cela conduit un ensemble de points à ne pas être traité dans les réponses et celles-ci sont disparates dans leur composition. Toutefois, on peut noter que la majorité des enseignants ayant répondu à la matière dans laquelle ils insèrent cet enseignement est l’enseignement moral et civique (6 réponses), deux enseignants l’incluent en Géographie, un en Arts plastiques, et enfin un autre en APC (activité pédagogique complémentaire). Concernant le type d’activités utilisées par les enseignants, la palme revient à la rencontre avec des intervenants professionnels (que ce soit des parents ou non), en classe ou directement sur le site du professionnel en question puisque ce choix comptabilise 8 réponses sur les 14 évoquant le type d’activités proposées. Pour les autres suggestions, nous avons trois enseignants qui étudient le monde du travail au quotidien pour donner du sens à l’école (sans information, je suppose par simples échanges oraux), deux autres sous forme de discussions, débats et échanges libres dans la classe. Et enfin, un enseignant réalise avec ses élèves des affiches pour chaque métier découvert lors des productions d’écrit. Pour terminer, seulement deux réponses évoquent l’objectif de ces activités. Un enseignant indique utiliser ce thème pour travailler sur l’égalité fille/garçon en précisant qu’il n’est pas facile de faire accepter à certains qu’une fille puisse être gendarme. Un second enseignant voit dans ce sujet le moyen de réfléchir au lien qui existe entre certaines compétences de ses élèves et des métiers. Il est tout de même possible de supposer que ce faible niveau de réponse (sûrement dû à la formulation de la question) cache un objectif principal majoritaire, celui d’informer les élèves sur le monde du travail. Lorsqu’on se penche maintenant sur la question 7 qui traite des raisons poussant les enseignants à ne pas sensibiliser les élèves au monde du travail, on se rend vite compte que la question de l’âge des élèves est prépondérante : plus de 72 % des sondés le notifient (voir annexe 6). Viennent ensuite l’ensemble des propositions évoquées dans des proportions

(30)

25

relativement équivalentes. Le contenu des réponses « Autres, à préciser » reprend des situations de poste particulières nuisant à la mise en place de cet enseignement du point de vue des intéressés.

Puisqu’il s’agit tout de même de l’axe par lequel nous avons décidé de traiter le sujet du monde du travail, il me semblait intéressant de recueillir l’avis des enseignants interrogés concernant le recours à la littérature de jeunesse pour sensibiliser les élèves à ce sujet. Les résultats (voir annexe 7) conduisent à un soutien plutôt massif des collègues vis-à-vis de cet axe de travail (73%), même si tout de même 21% des sondés ne se sont pas prononcés. On pourrait supposer ici que la principale cause de cette abstention serait une méconnaissance des ouvrages de littérature de jeunesse permettant d’aborder le sujet, ou l’absence totale de ressources de la part des institutions officielles concernant l’entrée par la littérature de jeunesse dans ce thème.

La dernière question, comme évoquée plus haut, avait pour but de segmenter les réponses apportées par les sondés selon leur expérience personnelle du monde du travail. Cela a permis notamment d’apprécier la part d’influence que peut avoir le vécu des enseignants sur leur manière d’enseigner ce sujet. Par ailleurs, cela nous permet de constater que tout de même 62 % des enseignants n’ont pas rencontré de difficultés pour effectuer leur choix d’orientation professionnelle (voir annexe 8). Ce chiffre semble relativement élevé compte tenu de ce que nous évoquions plus haut en I.b. Effectivement, bon nombre de professeurs jugent leur métier comme une réelle vocation. On peut également constater que le métier d’enseignant comporte une population relativement « sédentaire » puisqu’il constitue, selon l’étude que l’on utilise, le troisième1, voire le premier2 métier à mobilité la plus faible.

Après avoir démontré l’importance de traiter le sujet du monde du travail à l’école et de sa présence tardive (dans la scolarité des élèves) au sein des programmes scolaires, ce sondage nous permet de constater que les enseignants, malgré parfois une réelle prise de conscience de la gravité de la situation et une véritable volonté d’aborder le thème du travail, ne le mettent concrètement en place que très rarement (pour rappel, seulement 14% des sondés). En ce sens, il me paraît primordial de sensibiliser mes élèves à ce sujet dès l’école primaire. Pour cela, il m’a d’abord fallu réfléchir à une entrée permettant d’aider mes élèves à découvrir le monde du travail. Personnellement, je trouve très enrichissantes les rencontres où un intervenant (qui peut

1 Conseil d’orientation pour l’emploi, Les reconversions professionnelles, [en ligne], disponible à l’adresse :

http://www.coe.gouv.fr/IMG/pdf/131108-SG_COE-Les_reconversions_professionnelles_site.pdf, [consulté le 22/02/2018]

2 INSEE, En un an, un salarié sur six change de métier, [en ligne], disponible à l’adresse :

Références

Documents relatifs

Selon nous, une meilleure intégration entre école et travail dans le cadre d’une responsabilité de l’État plus forte dans une école publique fondée sur la présence interne

«Pess imisme de l'intellig ence, optimisme de la volonté» , disait Rom a in Rolland. Au sein de nouvelles

Modalités: distribution d'un corpus documentaire sélectionné par le professeur (textes de lois de l'ONU , en France etc..), construction d'une réflexion sur le sujet

La solidarité, pour son écoute des pro- blèmes et des défis ressentis par le monde extérieur : de société savante elle consent à devenir aussi société apprenante!. Le contrat,

Affections  péri  articulaires,  du  rachis  lombaire,  problèmes  respiratoires  de   mécanisme  allergique,  lésions  chroniques  de

» Deux ans plus tard, Bélanger le caractérise comme suit : « (…) un outil de réflexion conçu et géré par l’étudiant, qui lui permet de cumuler des traces des

3 Selon Philippe Askenazy, économiste, directeur de recherche au CNRS, la question des conditions de travail se pose vraiment et prend toute sa légitimité : « Si nous regardons

Disclaimer: layout of this document may differ from the published version. 1